Deuxième Partie : Les modes
traditionnels de vie
Chapitre 3 : Identification
de la population riveraine au
Parc des Monts de Cristal
1. Identification de la population
La région des Monts des Cristal abrite de nombreuses
ethnocultures. En effet, nous avons les Nzébi, Aduma, Kota, Masango,
Punu, Togolais, Yougoslaves, Ghanéens, Congolais et des
Equato-Guinéens. Cependant, l'ethnie dominante dans les zones
montagneuses du paysage est celle des Fang. En dehors de l'ethnie fang, les
autres se sont installées dans cette zone pour des raisons
économiques. Parmi ces gens, nous avons des orpailleurs, des chasseurs
qui font la chasse commerciale du gibier. Nous avons également plusieurs
sociétés d'exploitation forestière : Rougier, Colas,
TPL, SGG, LGB, etc.
Notre étude ne prend pas en compte toutes ces
ethnocultures. Elle s'inscrit dans un champ bien précis. Nous
travaillons seulement avec la population gabonaise.
Tableau 6 : Effectif de la population
riveraine au Parc d'après les huit villages dans lesquels nous avons
fait nos enquêtes
Entité
|
Effectif
|
Pourcentage
|
Gabonais
|
516
|
84,45%
|
Etrangers
|
95
|
15,55%
|
Total
|
611
|
100%
|
Source : Ces résultats sont de
nos enquêtes, avril 2007
Ce tableau présente l'effectif de la population
(Gabonais et étrangers) par village d'enquête. Le constant qu'on
peut faire est que, sur une population de 611 personnes recensées
à travers huit villages représentatifs de notre zone
d'étude, les étrangers font un effectif de 95 personnes, soit
15,55%. En effet, les Gabonais représentent la population majoritaire de
cette région. Ils font un effectif de 516 personnes, soit 84,45%. Comme
nous l'avons signalé plus haut, ces étrangers sont dans la zone
pour une durée très brève. Ils sont là pour des
raisons d'ordre économiques. Après, leurs activités,
regagnent d'autres régions et sont automatiquement remplacés par
d'autres.
Toujours dans le souci de rendre lisible notre travail, il
importe de mentionner que notre étude ne porte pas sur toute la
population gabonaise. Nous étudions uniquement la population originaire
de la région des Monts de Cristal. Ce choix réside dans le fait
que cette dernière est installée dans la région et
malgré des mutations rencontrées, elle reste attachée
à sa culture et à sa forêt.
Tableau 7 : Effectifs de la population
gabonaise
Entité
|
Effectif
|
Pourcentage
|
Fang
|
386
|
74,81%
|
Non Fang (Aduma, Nzébi, Masango, Kota et Punu)
|
130
|
25,19%
|
Total
|
516
|
100%
|
Source : Aimée Prisca Mekemeza Engo,
avril 2007
Ce tableau présente l'effectif de la population
gabonaise vivant aux environs du Parc par village enquêtés. Ce
recensement est le produit de notre travail personnel. En effet, ces
données nous ont été produites par les chefs de villages.
A travers elles, on s'aperçoit effectivement que la région des
Monts de Cristal est dominée par les Fang de Medouneu, Kango et
Cocobeach. Ces derniers sont dans la zone depuis des générations
et sont fortement liés au massif forestier des Monts de Cristal.
Notre étude porte sur les Fang, particulièrement
les Fang de Kango (Mekè) et de Medouneu (Okak), bien que le Parc des
Monts de Cristal s'étendant dans d'autres régions du pays. C'est
le cas de Cocobeach, Ndjolé, Mitzic, etc.
Tableau 8 : Recensement des populations
Fang riveraine aux Monts de Cristal par village enquêté
Villages
|
Effectif
|
Pourcentage
|
Avang
|
49
|
12,69%
|
Akoga
|
50
|
12,95%
|
Mbé-Akélayong
|
65
|
16,84%
|
Mela
|
80
|
20,73%
|
Nkann
|
26
|
6,74%
|
Song
|
45
|
11,66 %
|
Misome
|
34
|
8,81%
|
Andok-Foula
|
37
|
9,59%
|
Total
|
386
|
100
|
Source : Aimée Prisca Mekemeza
Engo, avril 2007
Ce tableau met en exergue les effectifs et les pourcentages de
la population fang par village d'enquête. Pour aboutir à ces
résultats, nous avons procédé à un recensement
personnel village par village. Ce recensement s'est fait pendant une semaine du
mois d'avril (du 1 au 8 précisément dans huit villages des
provinces de l'Estuaire (Kango) et du Woleu-Ntem (Medouneu). Ces
résultats ne sont pas exhaustifs. Le constat que nous pouvons faire est
que, les autochtones, malgré la proximité des villes, continuent
à habiter dans leurs villages respectifs. Que ce soit en grande vacance
ou en année scolaire, les villages sont toujours inondés de
monde. Pour ces derniers, le village est la source de tout. Ils ajoutent qu'ils
aiment leurs villages parce que la forêt leur fournit tous les outils
nécessaires pour leur survie. Cela montre à suffisance
l'attachement de cette population à sa culture.
2. Origines de la population de la zone d'étude
Notre étude ne porte pas sur la migration des Fang,
mais il nous paraît nécessaire d'en faire une présentation
sommaire de l'origine des Fang de cette région. Lorsqu'on parle de la
zone d'origine des Fang, deux hypothèses s'opposent de nos jours :
celle d'une origine très lointain (non-forestière) d'une part et
au contraire, celle d'une origine proche, par rapport à leur habitat
actuel. La première hypothèse (celle d'une origine très
lointaine), a été formulée par plusieurs chercheurs mais
nous retenons l'attention du Père Trille (1912 : 35), cité
par Pither Medjo Mvé. Le Père Trilles situe l'origine des Fang au
Nord-est de l'Afrique, et préci sément dans le Bahr-el-Ghazal
(région du Haut-Nil au Soudan). Il résume cette origine en ces
mots : « Les Fang sont un des chaînons qui relient les
races du Nil et de la Lybie ». L'hypothèse d'une
idée très proche des Fang est d'abord de l'ethnologue
Laburthe-Tolra (1981 : 41), cité par Pither Medjo. Cet auteur situe
l'origine de ce peuple à l'est du Cameroun et fait ensuite
l'hypothèse d'une coprésence dans la région de Minlaba
(Sud du Nyong) de Bassa, Maka, et du groupe fang autour de 1850. A la suite de
cet anthropologue, nous avons l'hypothèse de l'archéologue Clist.
En effet Clist, cité par Pither Medjo (1991 : 52), pense que
l'origine des Fang est à rechercher soit au Nigeria, soit dans la
région interlacustre (Grand Lacs). Le linguiste Piter Medjo Mvé
(1997 : 469), dira que les Fang reviennent de région des sources du
Ntem et de l'Ivindo, suivant deux courants : Le courant septentrional et
le courant oriental. Le premier courant aurait amené les Fang du
Woleu-Ntem et de la Guinée-Equatoriale. Le deuxième
entraînerait ceux du Sud (Moyen-Ogooué, Estuaire,
Ogooué-Ivindo, Ogooué-Maritime). On pourrait dire que c'est dans
ces deux courants que s'inscrit notre population d'enquête. Cela se
confirme dans le récit ci-après.
Entretien 5 : ONDO ESSONO Emile, 87 ans,
ethnie fang, village Avang, clan Guèn, lignage Ossan Mbot Zam,
marié, père d'une grande famille, département Haut-Como,
canton Mbé, sur l'origine des Fang de Medouneu et de Kango.
L'entretien a eu lieu le 6 avril 2006, à 11h 33 mn, dans son corps
garde.
Texte en fang
|
Transcription française
|
1 Ane be tare be nga dzo ma, befang be nga sô
ozamboga. Dzin dzòá ene ége? zame ágà dzame
bot ye te mikôbe. Nge? te mot asse e kobe ikobe nbo beto fe ayong avo.
|
1 D'après ce que mes parents me disaient, les Fang
reviennent d'Ozambogha. Leur origine se situe à l'époque de la
destruction de la Tour de Babel. A cette époque, il n'y avait pas encore
cette pluralité d'ethnie. Tout le monde parlait encore la même
langue. Après le Nord, nous avons progressé.
|
2 Ane biga siane miko éti mifack mibè veda
adzap ebe tele ezezan miko edo biga tou zen biga lot. Biga tsine doulou, ye
kigne Obame Olui Megne.
|
2 Nous sommes arrivés à un endroit où il
y avait une falaise des deux côtés de la route. Et devant nous, il
y avait un gros arbre appelé adzap (Moabi). Nous avons
creusé l'arbre sur sa position verticale, de manière à
fabriquer une porte. Et nous sommes passés. Nous avons continué
notre migration, sous la poussé d'un homme appelé Obame Oloui
Megne
|
3 Obame Oloui Megne ye nsama wégne be ?be
bìbìbí. Be ?be bédout bot akoum ye nji?. Akore ye
otchugne befang be?gà mane kanane. Bevô be?ga ligue okamlone
éba bevô apègna ye ogabon. Ebâ bevô be?à
tsine messi messe bayen befang ntso dina.. be Fang beye Medzun yé ba
beye Kango bia sô en guigna. Éboba be more owui.
|
3 Obame Oloui Megne et son équipe étaient
très dangereux. Soit, ils vous dépossédaient de tous vos
biens, soit, ils vous tuaient. Après le nord, les Fang se sont
dispersés. Certains sont restés au Cameroun, d'autres en
Guinée-équatoriale et au Gabon. Le reste a poussé sa
progression vers d'autres pays où on retrouve les Fang actuellement.
Tous les Fang de Kango et de Medouneu reviennent de la
Guinée-équatoriale. Nous avons nos familles là-bas.
|
Ce récit ne relate pas l'histoire «
complète » de la migration fang. Il nous aide plus ou moins
à mieux situer non seulement le foyer d'origine du groupe fang mais
aussi de notre population d'enquête. La pertinence de ce récit
réside dans le fait qu'il remonte l'histoire des Fang à la
genèse, c'est à dire la destruction de la « tour de
Babel ». il ressort de ce récit que les Fang reviennent de
loin avant qu'ils ne se dispersent dans leurs habitats actuels. D'après
ce récit, on pourrait dire que les Fang de Medouneu et de Kango
reviennent de la Guinée-équatoriale, où ils ont
laissé leurs familles.
Les Fang reviennent de très loin. Ils ont eu une
longue migration. Cette dernière s'est sûrement
étalée sur plusieurs jours de marche. En dehors de la marche,
nous avons aussi l'abattage du Moabi, qui a été un obstacle pour
ce peuple. Car cet exercice recommande une force redoutable. Ces derniers ont
marché pendant longtemps dans la forêt équatoriale à
la recherche des terres avant d'atteindre leurs foyers actuels. Pour nous
résumer, la migration fang a été très
pénible et a des origines très lointaines.
Les Fang qui occupent les régions côtières
du Gabon proviennent essentiellement des sources de la Mbé et du Como.
D'après du Chaillu (1882 : 75-77), cité par Pither Medjo
« les Fang étaient présents dans la zone des Monts
de Cristal depuis les années 1855 ». Dans cette province,
ils occupent les districts de Kango et de Cocobeach. Ainsi, au Gabon, on
retrouve les Fang dans le Nord et dans le sud. La zone nord comprend
essentiellement le Woleu-Ntem. Tandis que le sud est représenté
par l'Estuaire, le Moyen-Ogooué, l'Ogooué-Ivindo, l'Ogooué
Maritime, disait Piter Medjo Mve ( 1997 : 336 ). Les parlers fang,
diffèrent selon que nous soyons dans une ou l'autre région
où on parle fang. Ces différents seraient l'une des
conséquences de la destruction de la tour de Babel.
Entretien 6 : OBIANG ONDO Michel, 82 ans,
ethnie fang, Village Avang, clan guèn, lignage Ossan Mbot Zam,
marié, père d'une grande famille, département Haut-Como,
canton Mbé, sur les parler fang. L'entretien a eu lieu le 6
avril 2006, à 13h55 mn, dans le salon du chef de village.
Texte en fang
|
Traduction française
|
1 Engeng befang bantok, ban sisime azen na'a ba wegane
engeueng benbe envorane. Ene ban môbe vometé. Ede bita'a befang
bebele abuin bimote ési Africa.
|
1 Pendant la migration, l'homme fang s'arrêtait
à mis chemin, lorsqu'il se sentait fatigué. Et fondait sa famille
à cet endroit. C'est cela qui explique l'élargissement des Fang
sur le continent africain.
|
2 Ede bibele dô befang ési Cameloun, Gabon ya
à Guinée. Abui bi moreté davena'a nkobe fang obo'o
mindzang abuin.
|
2 Ainsi, on a les Fang au Cameroun, au Gabon,
Guinée-équatoriale. Cette répartition est à
l'origine de la pluralité des parlers fang.
|
A travers ce récit, on comprend effectivement que la
multiplicité du parler fang ne date pas d'aujourd'hui. Elle est
très ancienne, voire même de l'époque de la migration de ce
peuple. En effet, si il existe plusieurs dialectes fang, c'est tout simplement
par ce que l'homme fang s'est installé dans des zones différentes
des autres. Cependant, cela ne pose pas de problème au niveau de la
compréhension. Tous les Fang se communiquent et se comprennent.
Tableau 9: Répartition des parlers fang
à l'intérieur du pays
Parlers
|
Régions
|
Ntumu
|
Woleu-Ntem (Bitam Oyem)
|
Mekè
|
Estuaire (Libreville, Kango, Ndjolé, Makokou, Mitzic)
|
Mvai·
|
Woleu-Ntem ( Minvoul )
|
Atsi
|
Estuaire (Libreville, Kango, Lambarené, Ndjolé,
Mitzic)
|
Nzaman
|
Ogooué-Ivindo (Makokou, Booué)
|
Okak
|
Estuaire ( Cocobeach ), Woleu-Ntem (Medouneu)
|
Source : Voltz cité par Pither
Medjo Mvé (199 : 336).
Ce tableau présente la répartition des parlers
fang au Gabon. En effet, les Fang sont présents dans cinq provinces du
Pays. Le constat que nous faisons est que le fang est considéré
comme langue maternelle dans cinq provinces du Gabon. Parmi ces parlers, on
observe que certains sont en usage dans plusieurs régions du Pays, c'est
le cas du Mekè et de l'atsi. Notre étude porte essentiellement
sur les parlers fang de Medouneu et de Kango.
2.1. Organisation sociale
Les sociétés de la forêt en
générale et celle des Fang qui nous préoccupe en
particulier, sont des sociétés lignagères (mvog).
Le lignage reste l'unité fondamentale de toute l'organisation sociale.
Le village fang (dza'a) est organisé autour du lignage et du
clan, qui sont des valeurs morales et aussi autour des valeurs socio-politiques
dont les sages faisant office d'autorité. Le lignage joue un rôle
essentiel dans les règles du mariage et de solidarité sociale.
C'est à travers ce dernier que s'organise la vie politique,
économique et religieuse. Ainsi, Laburthe Tolra (1981 : 25),
définit le lignage comme « l'ensemble des descendants de
l'homme ou de la femme fondatrice ». Le clan (ayons) et
le lignage sont des critères de reconnaissance et d'identification des
individus à l'intérieur d'une tribu. Le clan est un cadre de
référence social par excellence dans cette société.
Il désigne un groupe d'hommes revendiquant une parenté ou un
ancêtre commun. Le lignage comme le clan repose sur «
la parenté par consanguinité », disait Maurice
Fouda Ongodo (2004 : 55) et chacun au sein de ce groupe en a la
maîtrise de sa généalogie. C'est à
l'intérieur du lignage que se trouve le système
d'éducation. On apprend aux jeunes gens leur généalogie,
les manières de faire et d'être. On leur enseigne sur les
règles du mariage, sur le respect de la nature et du surnaturel. Au sein
de cette société, les relations entre les individus sont d'ordre
fraternelles. Les Fang sont patrilinéaires et la filiation se fait de
père en fils.
2.2. L'organisation culturelle
La société fang avait un patrimoine culturel
très riche. Ce patrimoine embrassait un terrain très vaste et la
pérennisation de cette culture se faisait oralement. Ainsi, on comptait
les légendes, récits, rites ésotériques et
exotérique, des instruments de musiques. Ce folklore a été
détruit par le christianisme. Ces données coutumières
étaient consenties par le groupe, car les biens en appartenaient
à tout le groupe clanique ou lignager. Aujourd'hui, plusieurs ont
disparu. On ne trouve plus que :
« le Mvet, certains instruments comme le mbeign,
ngom, nkul, andzan, bikparga. Comme danse, nous avons le medzan, mekom, mbatwa,
ômias ; ozila, mengane, nlup et l'élone. Ils ont des jeux, le
songo », Julien Nizele (2007). Ce peuple respecte beaucoup leurs
moeurs.
2.3. L'organisation religieuse
Les Fang ont été très rapidement
convertis à la religion chrétienne. Mais bien avant cette
conversion, ils avaient leurs cultes, parmi lesquels, « ngi,
sô, mevung, biéri et melan », Jérôme
Mba Bitome (2006). Ce sont ces sociétés qui assuraient la
cohésion sociale du groupe. Les Fang croyaient que les ancêtres
défunts jouaient un rôle d'intermédiaire entre Dieu et les
hommes. Ces intermédiaires s'appelaient les
« minkuk ». On les retrouve encore au sein de
cette société. Mais, ils sont devenus des
propriétés privées de certaines personnes, qui les
utilisent pour des mauvaises pratiques. Ces derniers étaient
invoqués lors des manifestations importantes. Ils croyaient et croient
toujours à un Dieu unique et omniprésent qu'ils appellent Zame
ye Mebeghe, terme que la religion chrétienne a conservé. Pour
eux, Zame ye Mebeghe est celui qui soutient le globe terrestre, qui est le
siège de la sagesse, le père tout puissant et le créateur
des Hommes. De nos jours, la majorité de ces sociétés ont
disparu. Cependant, la société fang reste très croyante.
On y trouve le « Bwiti » et sa cosmologie
présente le monde sous trois instances en nécessaire
interaction : Le macrocosme (le monde de Dieu), le
mésocosme (le monde des vivants) et enfin, le microcosme
(le monde des ancêtres défunts) », affirmait
Jérôme Mba Bitome (2006).
2.4. L'organisation économique
Comme par le passé, l'économie agricole de la
population riveraine aux Monts de Cristal est fondée essentiellement sur
l'agriculture vivrière. C'est une agriculture pratiquée sur la
base des techniques traditionnelles et donc soumise à un type de
régime qui serait communautaire. En dehors de l'agriculture, ces
populations font également la chasse. La chasse occupe une grande partie
des hommes actifs et représente parfois l'activité principale de
certains individus. Nous avons également la pêche. C'est une
activité mixte, associant les hommes et les femmes. Nous ne saurions
oublier de dire que ces Hommes sont des grands ramasseur-cueilleurs. Ils
ramassent et cueillent des fruits et plantes diversifiés. Ils sont aussi
des scieurs, des artisans, vanniers. « Ces activités
sont pratiquées aux alentours des villages et en forêt et elles
sont très saisonnières » avait
dit Louis Mari Afan (2007).
2.5. L'organisation politique
Dans cette société, le pouvoir est exercé
par les sages parmi lesquels, un seul porte parole. Le village est une
société sans pouvoir centralisé, sans
spécialisation du pouvoir politique. Un chef doit être
« éloquent, courageux, il doit avoir le don oratoire et
généreux ». Ces caractéristiques sont
très importantes pour prétendre au leadership. La
société fang valorise l'homme qui est capable de réunir en
lui toutes ces diverses qualités et d'influencer suffisamment les autres
chefs pour les orienter vers les objectifs communs. On devient chef lorsque
l'équité et l'efficacité de son pouvoir d'exécution
sont reconnues dans la zone d'influence. Ici, le pouvoir est au service de ceux
sur qui, il exerce. Il s'agit d'un pouvoir
« altéro-centré », disait Mba Ndeng
Ludovic (2006 : 97), où il y a recherche d'un échange
équilibré. Le chef règle toutes sortes de conflits
à caractère social. Ceci grâce aux pouvoirs mystiques que
lui lèguent les ancêtres lors de l'initiation antérieure
à son intronisation. Le chef est également le courroie de
transmission du pouvoir central au niveau du village. Au sein de cette
société, le corps de garde occupe une place de choix, c'est
« le centre de décision et le fondement de conseil des
anciens », d'après Georges Balandier (1982 :
137). C'est dans le corps de garde que l'autorité du chef
s'exprime.
2.6. Gestion foncière
La terre est repartie sur plusieurs espaces. Nous avons ainsi,
un espace social, géographique, agricole, cultural et culturel. L'espace
social comprend le village, les campements de pêche (mvan
minyop), les campements de chasse (mvan nsom), de cueillette et
les stations de cultures vivrières. L'espace géographique englobe
les forêts, les rivières, les fleuves, les ruisseaux, les
étangs, les lieux destinés à la pêche, chasse,
artisanat, vannerie, agriculture et cueillette. L'espace agricole est
composé de terres destinées à la culture. Il s'agit des
forêts primaires et secondaires. L'espace cultural est constitué
des terres cultivées et celles qui sont en activité. Il est
question des nouvelles plantations (tsii) et des jachères
(bikoroge). L'espace culturel couvre toutes les terres
réservées aux cultes. Cependant, « la
société fang ne dispose plus de sa variété de
rites », disait Ondo Essono Emile (2007). Mais elle
reconnaît toujours le caractère sacré de la forêt.
Cet espace est réservé aux pratiques ayant de près ou de
loin, quelques rapports avec les cultes. On note toutefois, les
nécropoles, les cimetières, les rivières et tous les
autres lieux frappés d'interdits ou devenus sacrés à la
suite d'un événement insigne, à caractère
supranaturel accompli par un ancêtre historique en vertu de la puissance
obédientielle et au bénéfice à jamais de sa
descendance.
Au sein de cette société, la terre fait l'objet
d'une propriété collective notamment pour les terres
lignagères. Par rapport à cela, Martin Alihanga (1998 : 123)
dira : « La terre appartient à une grande famille
dont beaucoup de membres sont morts, quelques-uns sont vivants, et dont le plus
grand nombre est encore à naître ». La
collectivité peut être un village ou une famille. Les membres de
ce groupe sont libres de l'exploiter.
Tous les espaces sont partagés. Les terres à
usage agricole appartiennent collectivement au lignage. Chaque famille ne
jouissant que de droits d'unsufruit sur les cultures. Les eaux sont
partagées entre les lignages. Le droit à un espace revient au
premier occupant. Ces endroits se transmettent par héritage, de
père en fils, d'une mère à sa fille ou à sa
belle-fille et ils sont cessibles. C'est le chef du village qui contrôle
l'usage des terres, des forêts et des eaux, grâce à des
contacts réguliers avec les esprits surnaturels. La violation à
ces principes obéit à des sanctions.
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