UNIVERSITE OMAR BONGO
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FACULTE DES LETTRES ET SCIENCES HUMAINES
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DEPARTEMENT D'ANTHROPOLOGIE
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MEMOIRE DE MAITRISE
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INTERACTION HOMME/ELEPHANT CHEZ LES GISIR
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PRESENTE PAR BIPIKILA
DIRECTEUR DE RECHERCHE KIALO PAULIN
ANNEE UNIVERSITAIRE 2008
INTRODUCTION
Notre objet d'étude porte sur les rapports entre
l'Homme et la faune sauvage ayant pour point de jonction les cultures
vivrières, dans l' « ethnoculture » gisir de
Mandji dans le département de Ndolou1(*) au Gabon. Nous tentons de cerner plus
précisément les rapports de l'homme gisir à la faune
sauvage en particulier à l'éléphant. Cependant, les
rapports hommes/faune sauvage renvoient à l'interaction homme-nature,
aux rapports de l'homme à l'environnement. De nombreux auteurs ont
déjà traité ce sujet, mais celui-ci mérite encore
d'être développé, à la lumière des
problèmes écologiques et socio-économiques que l'on
rencontre à Mandji.
Parmi ces auteurs, nous avons retenu entre autres,
Lévi-Strauss (1962), qui a analysé les rapports des
« sociétés primitives » à leur milieu
immédiat. Il note que pour ces sociétés,
« un animal peut à lui seul, devenir un outil conceptuel
très complexe et complet »2(*). Bodinga-Bwa-Bodinga et Van der Veen (1995) dans une
étude linguistique sur les évia du Gabon, analysent l'influence
du monde animal dans l'expression des valeurs morales de ce peuple. Ils
soutiennent que « le comportement de tel animal est jugé
exemplaire et l'Homme est invité à le suivre. Le comportement de
tel autre animal sert à dévoiler certaines qualités
jugées négatives, dangereuses ou néfastes, donc à
éviter ou à abandonner »3(*).
Philippe Descola (1986), quant à lui nous explique dans
une étude sur les Achar4(*), que les Hommes entretiennent avec la nature des
rapports égalitaires, en intégrant l'environnement à leur
vie sociale. Les relations sociales du groupe humain et ses formes de
communication s'étendent d'une certaine manière aux
éléments de la nature. Raymond Mayer (2000), admet pour sa part
qu' « il n'y a pas d'animaux naturels ; il n'y a que
des animaux culturels, car chaque animal occupe une position spécifique
dans l'entendement et le comportement des Hommes »5(*). Dans cette même
lancée, Sabine Rabourdin (2005), dans son étude sur les
Ladakhis6(*), montre que
dans les sociétés modernes, le monde culturel de la
société humaine et le monde naturel de la société
animale sont deux univers nettement séparés (...) alors que dans
les sociétés traditionnelles, certaines communautés
attribuent à de nombreuses plantes ou animaux, (...), des
caractéristiques qui relèvent des rapports humains et sociaux.
Notre recherche se propose d'étudier les mêmes
rapports chez les Bisir de Mandji. Pour cela, nous avons procédé
à des enquêtes fines de terrain à Mandji auprès des
agriculteurs (hommes et femmes), des chasseurs et des administratifs de cette
localité, mais également à Libreville auprès des
responsables des ONG et de l'administration centrale en charge de la faune. A
Mandji, notre premier séjour s'est déroulé du 21 avril au
08 mai 2007 et le second du 01au 22 août 2007.
Au terme de notre étude, nous avons pu montrer que les
rapports entre l'Homme gisir, les éléphants et les cultures
vivrières sont influencés par certains aspects socioculturels,
politiques, économiques et écologiques.
Présentation de l'objet d'étude et zone
d'enquête
Notre objet d'étude repose sur les relations et les
comportements des Bisir vis-à-vis des animaux dits sauvages et en
particulier l'éléphant. Les comportements qui se traduisent par
des déclarations lamentables du type « bibulu bia dumane
binguya »7(*)
ou bien « nzahu tsia dumane biamba »8(*), mais également par les
nombreuses plaintes adressées aux autorités locales de Mandji et
les attitudes parfois négatives manifestées à
l'égard de la faune sauvage. Le choix d'aborder les rapports de l'Homme
gisir à l'éléphant a été motivé par
un certain nombre de constats relevés sur le terrain. En effet, sur le
terrain nous avons constaté que les humains et les
éléphants vivent en interaction. Les éléphants
causent des dommages à la propriété humaine, tuent ou
blessent les humains.
Ils dévastent une grande variété de
cultures vivrières dont les effets sont bien évidents et
dramatiques, ce qui n'est pas le cas des dégâts causés par
les insectes, les rongeurs, les primates ou les aulacodes et autres
espèces animales. En contrepartie, les humains tuent les
éléphants pour l'ivoire, la viande et par mesure de
représailles quand les éléphants ont tué ou
blessé quelqu'un ou détruit leur propriété. Mais
ces rapports deviennent conflictuels dès lors que l'administration
intervient pour protéger les éléphants sans pourtant
apaiser la colère des populations victimes des dégâts. Ces
rapports conflictuels provoquent une perception très négative de
l'éléphant et ne favorisent pas l'adhésion des populations
aux principes de conservation de la faune en général et de
l'éléphant en particulier.
Cependant, l'éléphant est une espèce
animale emblématique qui occupe une place particulière dans les
traditions des peuples d'Afrique et en particulier chez les peuples gabonais
comme les Bisir. A partir d'une « analyse statistique » de
la fréquence d'apparition des ressources animales dans Les fables de
La Fontaine, Paulin Kialo souligne que « tous ces animaux
[évoqués] au même titre que la tortue et la panthère
ou encore l'éléphant en Afrique en général et en
particulier chez les Pové jouent des rôles soit positif soit
négatif en fonction de l'image que lui colle
l'homme »9(*). Cette image de l'animal dans la culture
traditionnelle n'est pas autonome puisqu'elle est susceptible de servir de
modèle pour dénoter des codes sociologiques ou moraux
(interactions sociales, conduites humaines, rapports à autrui qu'il soit
humain ou animal, perception du bien ou du mal, etc.), pour rendre compte de
certaines pratiques sociales ou culturelles.
C'est dire que le monde animal a un intérêt pour
l'Homme : il est une source de nourriture, une source technologique, une source
de référence aux formes et contenus argumentaires des palabres,
une source d'angoisse, un trésor médical, un miroir des rapports
sociaux et comportements en société, etc. bref, c'est le lieu
d'une stratégie pédagogique des modèles et valeurs
préconisés que la société veut transmettre quand il
s'agit de nos rapports à l'environnement et à autrui. Mais
malheureusement les comportements ne sont pas des éléments
statiques, ils évoluent en fonction d'un certain nombre de facteurs de
l'heure. C'est là, la perspective proprement anthropologique que nous
voulons appliquer à notre objet en recherchant les manifestations des
conceptions et des comportements des Bisir dans leurs rapports à
l'éléphant, face à la destruction des cultures
vivrières.
Nous allons y procéder en tenant compte des
différents collectés. Les différents aspects de l'objet
ainsi définis concernent d'abord l'identification des rapports
endogènes des Bisir à l'éléphant, ceux des
éléphants aux cultures vivrières mais également
ceux des Bisir eux-mêmes à leurs cultures. Pour les besoins de
l'enquête, nous avons procédé à des investigations
continues s'étendant de Mandji à Libreville. Mais nous avons
focalisé notre enquête de terrain surtout à Mandji.
À Libreville il a été seulement question de recueillir les
avis de certains acteurs de la protection de la nature du secteur privé
et public.
Comme le montre notre carte n°1, Mandji est une
localité du Gabon située au Nord-Ouest de la province de la
Ngounié entre le bassin sédimentaire côtier à
l'Ouest et la retombée septentrionale du synclinal perché
d'Ikoundou à l'Est10(*). Cette localité comprise grosso modo entre
1°10' et 1°83'de latitude Sud et entre 9°50' et 10°40'
longitude Est11(*), fait
partie du département de Ndolou dont Mandji est le chef-lieu. Sur le
plan humain, Mandji abrite principalement deux ethnocultures que sont :
les eshira et les vungu. Les eshira sont considérés comme le
peuple autochtone et le plus majoritaire. Par contre les vungu viennent
d'autres coins du Gabon. Ils ont afflué à la suite de
l'établissement de certains chantiers forestiers tels que la CFG. Dans
le cadre de notre travail, nous nous sommes essentiellement adressé aux
Eshira. Les eshira ont pour langue le gisira qui appartient au groupe
sira-punu. Les locuteurs de cette langue se nomment eux-mêmes les Bisir
au pluriel et Gisir au singulier. Selon la classification de Malcolm Guthrie,
le gisira fait partie du groupe B40 qui comprend le yipunu, l'isangu, le
givarama, le givungu, le yigama, et le yilumbu. La langue gisira a trois
variantes dialectales que sont le Kamba, le Tandu et le Ngosi. Les Bisir de
notre zone d'étude utilisent la troisième variante
c'est-à-dire le ngosi.
Les origines du peuplement de la région de Mandji sont
à rechercher dans l'histoire du peuplement du Gabon précolonial,
des missions d'évangélisation du Gabon, des considérations
ethniques, claniques ou lignagères et à partir des phases de
prospérité connues jadis dans l'économie locale. En ce qui
concerne l'histoire, l'éparpillement des peuples faisant partie du
groupe bantu, après le déclin des royaumes de Loango et de
Makoko, explique les origines du peuplement du Gabon et partant de la
présence des Bisir au Gabon. Ensuite, l'implantation de la Mission
Sainte-Croix des Eshira, près de Mandji par les missionnaires
français en 188712(*) a favorisé l'implantation dans l'actuelle
région de Mandji de nombreux villages.
Les populations seraient venues de la contrée de
Fougamou et celle du Fernan-Vaz. Aussi, les considérations ethniques,
claniques ou lignagères ont contribué à l'occupation de
l'espace régional. En effet, en observant les profils historiques de
chaque village, du fondateur au chef du village actuel, on comprend
aisément que le lignage ou le clan a prévalu dans la
création des nombreux villages dans la contrée y compris la ville
de Mandji. Enfin, l'expansion économique a entraîné des
migrations qui se sont suivies par des implantations définitives,
favorisant ainsi la création des villages. Tels sont les cas de
l'exploitation forestière qui, à partir de 1940 et de 1960
à 1993, a favorisé le peuplement des cantons Doubanga et Peny et
de l'exploitation pétrolière qui à son tour, ayant connu
un afflux des travailleurs venus d'autres horizons du Gabon, a favorisé
également l'implantation définitive de nombreux d'entre eux dans
les années 80.
Problématique et hypothèses
La problématique de notre objet d'étude porte
sur les rapports des humains à la faune dans une situation où les
animaux deviennent les prédateurs des cultures vivrières. Ces
rapports sont étudiés ici pour savoir comment les populations
Bisir vivent-elles au quotidien et se comportent-elles avec les
éléphants qui détruisent leurs champs. En effet, le
conflit hommes-éléphants n'est pas un problème
récent. Déjà les historiens de l'ère
précoloniale et du début du XIXème siècle
décrivaient les zones en Afrique où existaient des cas de
déprédations causées par les éléphants.
C'est dans cette optique que Jan Vansina (1985) note que :
« les hommes s'occupaient à construire une enceinte solide
ou un système de pièges autour du champ pour prévenir la
déprédation par les animaux sauvages »13(*).
De nos jours, la perte d'habitat et les
prélèvements locaux non durables ont réduit
l'étendue géographique des zones de contacts
hommes-éléphants14(*). De ce point de vue, nous pouvons s'interroger sur
l'évolution des conflits qui ont tendance à s'intensifier. Car
aujourd'hui, la gestion du conflit entre l'homme et la nature est devenue un
enjeu critique aussi bien pour les populations que pour la faune sauvage. Par
conflit hommes-éléphants il faut entendre, selon la
définition adoptée par l'UICN/SSC du Groupe des
Spécialistes de l'éléphant d'Afrique (AFESG), tout contact
entre les deux espèces qui a pour conséquence des effets
négatifs sur la vie sociale, économique ou culturelle des
humains, la préservation de l'éléphant et de
l'environnement15(*).
Le problème des incursions des animaux sauvages dans
les cultures se pose avec acuité dans plusieurs pays d'Afrique et
notamment au Gabon. En Afrique, il a été signalé en
République Démocratique du Congo (RCD) dans la Réserve de
Faune à Okapi de la forêt d'Utiri, où environ 4.700
à 10.000 éléphants causent des dégâts
importants aux cultures, notamment à la banane, qui constitue leur
nourriture préférée16(*). Ces mêmes attaques aux bananes ont
été notées dans le Parc National "Queen Elisabeth" en
Ouganda17(*). Au
Bénin, les éléphants de la Zone Cynégétique
de la Djona s'attaquent beaucoup plus aux céréales et aux
tubercules qui occupent une place capitale dans l'alimentation des
communautés paysannes18(*). En effet, Mama19(*) a estimé que 84,5 ha de cultures avaient
été détruits dans cette zone au cours des années
1991 à 1998, alors que les résultats obtenus en 2002
révèlent que 49,70 ha de cultures ont été
détruits pour la seule année 2001-2002. De telles données
pourraient confirmer la crainte naissante d'une augmentation prévisible
des destructions de cultures vu l'accroissement de l'effectif des
éléphants ces dernières années. Au Mali, les
conflits concernent la destruction des champs et des greniers (58 % des cas) et
des arbres fruitiers ainsi que les agressions sur les personnes physiques (12
%). Plus de la moitié (66 %) des personnes interrogées
déclare avoir eu des cultures ravagées par les
éléphants20(*). Par ailleurs, on évalue la moyenne des
superficies dévastées par les éléphants à
environ 1000 ha par an, soit une perte financière de 103 millions de
francs CFA. Ces dégâts ont entraîné dans certaines
zones l'abandon des terres culturales par les familles victimes21(*).
Carte 1 : Localisation de la zone d'enquête
Au Togo, la situation est alarmante dans les localités
riveraines du Parc National Fazao Malfakassa où, dans un intervalle de
quatre ans (1994 à 1999), les superficies détruites ont
été évaluées à 204,27 ha toutes cultures
confondues, ce qui représente une perte de production estimée
à 252,55 tonnes pour l'igname, le maïs, le riz, le sorgho et le
manioc, soit une perte financière de 40.903.713 F CFA. L'igname est la
production la plus touchée avec plus de 52 % de la superficie des champs
ravagés22(*). La
situation est similaire au Burkina Faso où 153 cas de
dégâts ont été enregistrés ; 99 % concernent
les cultures annuelles et 1 % les plantations fruitières. Dans 92 % des
cas, il s'agit de destruction de cultures sur pied (avec 21 ha de
céréales et 1 249 buttes d'igname et de patate détruits).
L'évaluation financière s'élève pour ce volet
à près de 700000 F CFA. Les pertes financières
occasionnées par les dommages causés aux aménagements
réalisés dans cette réserve représenteraient
près de 300000 F CFA par mois et par an, et 12000 F CFA par
kilomètre et par an23(*). Au Gabon, ce problème a été
également signalé dans les régions de la Lopé, de
Gamba, de Minkébé, d'Asséwé, etc. Dans le Complexe
d'Aires Protégées de Gamba, 95% des problèmes liés
à la pratique de l'agriculture les plus évoqués sont la
déprédation des cultures par la faune sauvage24(*). Selon les auteurs, 78% des
personnes déclarent être victimes du phénomène de
déprédation des cultures par la faune sauvage et parmi ces
personnes, 73% identifient l'éléphant comme étant la
source principale de déprédation. Au regard de cette situation,
certains planteurs de cette contrée sont obligés d'installer
leurs plantations sur les îles de la lagune, afin de réduire les
risques de déprédation. Dans la zone de la Lopé, Claudine
Angoué25(*)
mentionne que « les dispositions prises par les populations
locales pour protéger leurs champs ne peuvent plus faire face aux
dégâts causés par la concentration d'animaux dans les aires
protégées, notamment celle des éléphants d'Afrique.
Du fait de l'accroissement de la population animalière qui annule les
efforts entrepris par les femmes et des difficultés
éprouvées par celles-ci à changer le comportement
socio-économique, les parcelles arables sont devenues exiguës et le
temps de la jachère, beaucoup moins court ».
Elle ajoute que cette réduction du temps de la
jachère est à l'origine du rapprochement des champs près
des villages, dans les galléries forestières mais
également de la réduction du nombre de champs par femme et par
an. Les champs de manioc sont devenus une activité secondaire par
rapport à ceux des arachides et du maïs. Après la
récolte des arachides et du maïs, le manioc est cultivé sur
les mêmes terres. Et au regard de la surexploitation des terres la
production diminue. Dans notre zone d'étude, à Mandji, il ne se
passe plus un jour sans rencontrer une famille plaintive à cause du
saccage de ses cultures par les éléphants. De nombreuses plaintes
ont été déposées chez les autorités
administratives locales notamment chez le préfet et chez les agents du
cantonnement des Eaux et Forêts, mais malheureusement, elles demeurent
sans aucune suite favorable. D'ailleurs, le Rapport d'activité annuel
de 2002 de l'Inspection Provinciale des Eaux et Forêts de la
Ngounié indique, dans la rubrique réservée au cantonnement
de Mandji que « l'abondance des éléphants
détruisant les cultures vivrières inquiètent les
populations qui ne cessent de solliciter les décisions de battues
administratives »26(*).
En effet, les battues administratives sont très
rarement délivrées et quand elles le sont, elles ne sont pas
exécutées par défaut de chasseurs professionnels.
Certaines familles qui ont cédé au découragement, ont
abandonné des plantations entières. D'autres changent de
secteurs agricoles d'année en année pour tenter d'échapper
aux incursions des éléphants. Ainsi, les populations se rabattent
de plus en plus vers les terres situées à proximité des
villages et de la ville. Mais ces zones sont souvent composées de terres
appauvries par plusieurs décennies de cultures. La jachère n'est
plus suffisante pour régénérer les sols. De ce fait, la
productivité s'effondre. Nombre de familles sont obligées de
dépendre d'autres familles ou d'être condamnées à
tout acheter avec celles qui en possèdent encore un peu plus.
Cependant, cette situation n'est pas assez confortable et
tolérable pour les populations de Mandji qui rencontrent des
difficultés économiques et financières suite aux
dégâts dans la mesure où c'est l'agriculture qui constitue
l'activité leur procurant de petits revenus. Certaines familles manquent
de moyens pour préparer les saisons agricoles suivantes, pour satisfaire
aux besoins élémentaires (santé, scolarité des
enfants,..) mais également, pour organiser leurs
cérémonies traditionnelles. Aussi, des pertes en vies humaines
et des blessures sont parfois enregistrées lors de certaines
confrontations. Ce qui accroît l'animosité des populations
vis-à-vis de l'éléphant. Celui-ci est devenu un ennemi
à abattre. Malheureusement, la plus grande partie de la population qui
est d'ailleurs vieillissante, manque de témérité pour
affronter « l'ennemi ». Face à ce problème,
les populations demeurent incapables de réagir autrement qu'avec des
méthodes traditionnelles de basse technicité devant lesquelles,
les pachydermes restent indifférents. L'un des corollaires de cette
situation est l'appartenance de cette espèce parmi les espèces
inscrites en annexe1 de la CITES27(*) donc intégralement protégées par
les normes internationales par conséquent intouchables. Au Gabon,
l'éléphant est protégé par l'interdiction de la
grande chasse depuis les années quatre-vingt et inscrit sur l'annexe1 de
la CITES depuis 198928(*).
Mais les biens privés doivent-ils être abandonnés à
des utilisateurs « protégés par la
loi » ? En effet, « l'interdiction de la grande
chasse a produit la situation actuelle : des populations
d'éléphants en expansion générale exerçant
une pression sur les cultures qui devient insupportable pour les villageois
»29(*).
C'est pourquoi l'interdiction d'abattre les
éléphants, est une mesure qui enrage les populations de Mandji.
Elles ne parviennent pas à s'accorder avec les autorités sur
cette loi. Selon leur entendement, il n'est pas concevable qu'on leur interdise
de tuer les éléphants sous prétexte que cet animal serait
à l'origine de la régénération de la forêt,
puisque dans l'imaginaire gisir, Dieu a crée les plantes avant les
animaux. Par conséquent comment l'éléphant peut-il
« accoucher » un arbre alors que celui-ci a existé
avant lui, se demandent-ils. De même, Jean Pierre Profizi (1999) observe
que « sans la pression de chasse, les éléphants
sont devenus plus nombreux et, surtout, moins craintifs de l'homme. Ils se
rapprochent des villages, quand ils ne les traversent pas pendant la nuit. Les
paysans âgés n'osent plus établir des campements de culture
isolés, car les plantations sont dévastées par les
éléphants sans qu'ils puissent les
défendre »30(*).
Nous, nous sommes ainsi posé une série de
questions pouvant nous permettre de circonscrire les aspects majeurs de ce
problème. La question principale que nous voulons traiter tourne autour
des critères qui définissent les rapports de l'Homme à
l'éléphant. Autrement dit, quels sont les manifestations
sociologiques et anthropologiques sur lesquels reposent les rapports de l'Homme
à l'éléphant dans la société gisir? Des
questions corrélées à la précédente sont
celles qui s'attachent à identifier la conception ou les
représentations sociales et culturelles de l'éléphant chez
les Bisir, mais également les causes des incursions des
éléphants dans les sites agricoles c'est-à-dire pourquoi
les incursions des éléphants sont-elles récurrentes dans
les plantations ? Aussi, quel est l'état des lieux des champs
agricoles après leur passage ? Quelles sont les conséquences
des incursions des éléphants dans les sites agricoles ?
Enfin, quels sont les moyens et les techniques de lutte contre la
déprédation des cultures par les éléphants ?
La question principale sur laquelle repose notre
problématique, nous permet d'envisager une hypothèse à
partir de laquelle nous conjecturons que les rapports Homme,
éléphant et cultures vrivrières sont définis par
les représentations sociales et culturelles que les Bisir se font non
seulement des cultures vivrières mais aussi de la faune et en
particulier de l'éléphant. A cette hypothèse principale,
nous associons une hypothèse secondaire liée aux raisons qui
expliquent la présence des éléphants dans les sites
agricoles. Cette hypothèse suggère qu'il y a une association de
conditions physiques et sociales qui favorisent la présence des
éléphants dans les sites agricoles. Il s'agit d'un ensemble de
conditions qui incluent : un changement dans l'utilisation du territoire
par l'homme, un changement dans l'écologie comportementale de
l'éléphant du à une intervention humaine, un changement
dans les comportements sociaux chez les communautés rurales.
Objectifs de l'étude
Sur la base des questions énoncées dans notre
problématique, les objectifs poursuivis par la présente
étude sont de deux ordres. Nous avons d'une part l'objectif principal et
d'autre part des objectifs spécifiques. L'objectif principal de cette
recherche consiste à étudier et à comprendre les
critères sur lesquels se fondent les rapports de l'Homme gisir à
l'éléphant. Pour cela, il s'agit d'analyser les conceptions et
les comportements des Bisir vis-à-vis de l'éléphant.
Pour atteindre cet objectif général,
l'étude vise les objectifs spécifiques suivants :
- déterminer la perception actuelle des Bisir
vis-à-vis des éléphants au regard des dégâts
qu'ils causent aux populations ;
- analyser l'ampleur et l'impact des éléphants
sur les humains et celui des humains sur les éléphants;
- identifier le système de protection des cultures
- cerner les mesures de résolution du conflit et le
comportement des gestionnaires de la faune.
Intérêt de l'étude
Le choix d'aborder la question des rapports entre les Hommes,
les éléphants et les cultures vivrières se situe dans
l'intérêt de la gestion durable de l'environnement
écologique, économique et social des Bisir de Mandji. La
présente étude sur les rapports Hommes, cultures vivrières
et éléphants chez les à Mandji, au-delà de
contribuer au parchemin académique d'un étudiant de
maîtrise que nous sommes, peut aussi revêtir un
intérêt sur le plan scientifique, social et politique.
Il s'agit de mettre à la disposition de la recherche,
des données de terrain relatives aux conflits
homme/éléphants. En effet, sur le plan scientifique, la
présente étude vient enrichir la littérature sur la
problématique du conflit entre les hommes et la faune sauvage dans la
sous région et en particulier au Gabon, et constituer ainsi une base
pour les recherches ultérieures dans le domaine. Sur le plan social et
politique, elle va ainsi être une source d'informations pour les
différentes parties prenantes (décideurs politiques,
gestionnaires de la faune et ONG environnementales) au sujet de l'ampleur des
dégâts causés par les pachydermes31(*) et ses implications sur la
vie des hommes. Elle permet également d'attirer l'attention des
décideurs politiques pour qu'ils en prennent conscience, afin de trouver
des solutions appropriées au problème. Si les mesures
d'atténuation de la destruction des cultures des populations par les
éléphants sont prises, elle va permettre d'assaisir les relations
entre toutes les parties prenantes intéressées par le sort de
l'éléphant. Sachant qu'aujourd'hui, la gestion les conflits entre
l'Homme et la faune est devenue un enjeu important aussi bien pour les
populations que pour la faune, l'objectif est de les prévenir pour s'en
prémunir afin que l'Etat gabonais et les acteurs de la protection de la
faune exerçant au Gabon puissent trouver des moyens de les
atténuer. Car signalons que Mandji est une zone qui a déjà
été en proie aux conflits32(*) parfois sanglants liés aux ressources
naturelles. Le dernier en date, s'est produit en décembre 2004.
Chapitre 1 : Orientations théoriques et
méthodologiques
1.1. Champ théorique de l'étude
Bien qu'ayant implicitement abordé brièvement le
champ de l'anthropologie juridique en citant quelques ouvrages relatifs au
règlement des conflits, nous inscrivons notre objet d'étude dans
le champ de l'anthropologie écologique, car il ne s'agit pas pour nous
d'étudier la gestion ou le règlement des conflits même s'il
arrive que nous abordions certains aspects relatifs à la gestion des
conflits. Il s'agit plutôt de cerner les rapports des hommes à la
nature. A cet effet, le champ de l'anthropologie écologique peut
convenir à cette problématique dans la mesure où
« l'anthropologie écologique investigue les façons
dont une population humaine façonne son environnement et les
manières dont ces relations conditionnent les formes d'organisation
sociale, économique et politique »33(*). Les courants qui marquent les
rapports de l'homme avec l'environnement reposent sur plusieurs
théories.
En effet, l'histoire de l'anthropologie est l'histoire des
catégories de nature et de culture. Mais parler de nature ne signifie
pas d'emblée parler d'écologie. L'anthropologie commence à
se penser en termes écologiques avec les travaux de Julian Steward dans
les années 30. Jusqu'à cette époque, les rapports entre
l'humain et son environnement sont plutôt abordés en termes de
déterminisme et de possibilisme. Les débuts originels portant sur
la diversité des coutumes humaines et les fondements de la vie sociale
font partie du problème de la relation entre nature et culture. Cette
relation a été analysée à l'origine dans une
approche déterministe. Hippocrate postulait que le milieu
exerçait une influence déterminante sur les caractères des
peuples. Il supposait entres autres que les peuples montagnards étaient
placides par opposition aux habitants de la plaine sèche qui se
montraient lunatiques.
Ces idées ont été reprises par
Montesquieu pour qui, le type de gouvernement est influencé par le
climat et le terrain. Victor Cousin déclara en 1875, donné moi la
carte d'un pays, sa configuration, ses eaux, ses vents et toute sa
géographie physique. Donné moi ses productions naturelles, sa
flore, sa faune et je me charge de vous dire à priori quel sera l'homme
de ce pays et quel rôle ce pays jouera dans la zone. Cette approche
envisage que la morphologie des êtres ou la physionomie de manière
générale, les traits culturels et sociaux d'une
société, le type de gouvernement, le comportement sont
déterminés par le milieu. Ici, c'est la nature qui
façonne l'homme. Or, le rapport de l'homme à la nature se fait
à deux niveaux : il est façonné par la nature tout en
façonnant celle-ci. Il sait adapter l'environnement à ses
ambitions, il ne subit pas la nature.
En effet, le milieu attire, fixe, modifie l'homme et cette
action s'exerce à un degré ou à une profondeur reconnue.
Elle lui impose des activités, lui suggère des entreprises. Le
milieu en fait par exemple d'un homme un pêcheur ou un chasseur. Mais
l'homme agit en retour sur le milieu, il l'aménage, il l'équipe,
il le piétine, il l'exploite, il construit des villages ; des
villes, etc. Au XIXè siècle, les sciences de la nature
connaissent un essor remarquable et les théories qui sont
développées rendent compte des relations entre l'homme et la
nature. En 1859, Charles Darwin publie l'origine des espèces qui met en
honneur les concepts de sélection naturelle et de lutte pour
l'existence. En 1866, le biologiste Ernest Haeckel forge le terme
écologie. A cette époque les théories
évolutionnistes prennent corps. Ce sont notamment les théories
développées par Spencer en 1870, Morgan en 1825 et Tylor en 1910
qui mettent l'accent sur la notion de progrès unilinéaire. Les
tentatives d'explication émises par ces différents courants vont
donner naissance à des interprétations diverses parfois
dangereuses qui justifiaient quelques fois les actes racistes. L'approche
possibiliste envisage le milieu comme un facteur limitant plutôt que
comme un facteur déterminant. La notion de facteur limitant,
appelée parfois « contrainte écologique »,
est une extension de la « loi du minimum » formulée
au XIXè siècle par Liebiz, qui spécifie que l'existence et
le développement d'un organisme sont limités par la
présence de certaines ressources.
On peut déterminer la ressource qui manque le plus
à un organisme ou à une espèce particulière dans un
environnement donné. Cette approche considère que tel ou tel
facteur « détermine » ou « rend
possible » tel ou tel trait culturel. Autrement dit, la nature n'est
pas l'instance déterminante mais constitue simplement le cadre de
référence de toute activité possible ou impossible. Par
exemple, Marcel Mauss34(*)
(1905) dans une étude menée sur les Eskimos en collaboration avec
Henri Beuchat, montrent que dans cette société, il y a deux types
groupements qui sont imposés par des contraintes écologiques
ambiantes et en particulier les différents types de gibiers en fonction
des saisons. Les migrations des populations dépendent de la
disponibilité des aliments. Au printemps ces populations quittent les
lacs et les rivières pour immigrer dans la forêt. En
été, toute leur vie sociale se déroule autour des lacs et
des points d'eau. L'eau facteur déterminant, structure les migrations
des hommes et la transhumance des animaux. Pendant l'hiver, les nomades
pratiquent la chasse.
Dans cette perspective, les conditions physiques, climatiques
et biologiques opèrent comme autant des contraintes avec lesquels les
humains doivent composer. De tendance plus récente, l'écologie
culturelle illustrée par Kroeber se démarque du
déterminisme environnemental selon lequel les facteurs environnementaux
déterminent et expliquent les comportements sociaux et culturels tout en
continuant à affirmer que le concept de liberté peut être
corrélée à l'altitude. Dans ses travaux, Alfred Kroeber a
tenté de démontrer la prédominance de la culture sur la
nature. En accentuant cette perspective, Steward invente
l'évolutionnisme multilinéaire. Ce concept signifie que les
sociétés humaines progressent chacune selon une trajectoire qui
lui est propre. Il postule que seul le noyau central d'une
société notamment la densité d'une population, le
degré de sédentarité et la division du travail subit
l'influence du milieu. L'imaginaire relatif à la cosmogonie, aux
représentations intellectuelles fonctionne de manière autonome.
Une manière de dire que l'écologie n'est pas déterminante
sur tous les aspects d'une culture.
Un autre aspect de la théorie écologiste a
été développé dans sa dimension
matérialiste. La relation entre l'homme et son milieu n'apparaît
selon Claude Meillassoux35(*) qu'à partir du moment où celui-ci agit,
le transforme et donc l'aménage. Il n'y a pas d'action
unilatérale du milieu sur l'homme puisque par chacune de ses
entreprises, celui-ci fait surgir devant lui une nature transformée qui
devient l'objet de son action, elle-même transformée par son
adaptation. Cette vision européocentriste voit la nature que dans son
aspect matériel et utilitariste.
Le matérialisme culturel permet de concilier
l'observation attentive des sociétés agraires locales avec une
théorie de portée générale. Continuateurs de
Steward, Vayda (1969), Roy A. Rappaport (1968), Marvin Harris (1980),
abandonnent la perspective diachronique et recourent au finalisme biologique.
Ils étudient le rôle des facteurs écologiques dans une
culture déterminée. Des phénomènes apparemment
irrationnels du point de vue économique peuvent s'expliquer par des
facteurs d'adaptation écologique. Une priorité à
l'infrastructure, sur la structure et sur la superstructure démontre que
le rationalité matérialiste, adaptative, détermine tous
les faits culturels en les reliant à leur environnement particulier.
Pour Marvin Harris (1979), le processus fondamental qui
explique les évolutions est celui de l'intensification. La
nécessité d'intensifier l'exploitation de l'environnement
accompagne la croissance démographique et contraint les
sociétés à inventer ou importer de nouvelles techniques
qui ne manqueront pas de transformer les structures sociales et politiques.
L'intensification répond à la pression démographique mais
aussi aux transformations climatiques. C'est la dynamique endogène des
sociétés qui explique les phénomènes de
transformation du mode de vie, les migrations, le jeu de diffusion et
d'adaptation des espèces et des techniques même si le trop plein
des sociétés correspond au creux de la forêt. En outre, on
ne peut contester l'importance de certains travaux des écologistes
culturels, qui ont étudié avec précision l'aspect
matériel des sociétés, mais comme l'ont montré
Salins (1980) et Lévi-Strauss (1979), la finalité utilitariste
assignée à tous les comportements humains pour assurer les
besoins primaires et le concept d'adaptation à l'environnement
comportent des limites.
L'anthropologie écologique s'inscrit aussi dans la
dynamique actuelle des relations entre société et environnement
en apportant des réponses à la dichotomie nature et culture. Elle
a pour objectif l'analyse des rapports entre l'homme et son environnement, sous
l'angle des interactions dynamiques entre les techniques de socialisation de la
nature et les systèmes symboliques qui les organisent. Cette discipline
a connu depuis quelques années un important regain
d'intérêt qui s'exprime au travers d'une production tout aussi
diversifiée. Quelques-unes les plu récentes sont celles de :
J. W. Bennet (1993), Milton Kay (1993 ; 1997), Alfred Irving Hallowell
(1995), Eduard Viveiros de Castro (1996 ; 1998), Philippe Descola et
Palson (1996), Ellen et Fukui (1996), Philippe Descola (1999 ; 2000 ;
2001, 2002).
Les préoccupations actuelles à l'égard de
l'environnement contribuent sans aucun doute à cette renaissance, en
remettant à l'ordre du jour le débat nature-culture, non
seulement au sein de l'anthropologie mais aussi de la philosophie et de la
biologie, pour nommer que ces disciplines. Les anthropologues
écologistes doivent beaucoup à Lévi-Strauss. En effet, il
reste un des piliers de l'anthropologie symbolique, ainsi qu'un passage
nécessaire pour tout anthropologue qui veut aborder l'anthropologie
écologique. Il y a une filiation entre l'anthropologie structurale et
l'anthropologie écologique. Lévi-strauss parle du mariage entre
« structuralisme et l'écologie »36(*). Elles poursuivent toutes
les deux des visées universalistes. Il traduit son intérêt
pour la nature en ces mots : « l'univers est objet de
pensée au moins autant que moyen de satisfaire des
besoins »37(*).
1.2 Etat de la documentation
La documentation écrite sollicitée pour notre
travail comprend quelques ouvrages et travaux de recherche ayant plus ou moins
traité des rapports de l'homme à son environnement. Cette
étape de la recherche est capitale dans la mesure où
« la fécondité de la collecte est
déterminée par la lecture d'ouvrages fondamentaux renseignant sur
la zone d'étude, les domaines et les disciplines que les recherches en
cours impliquent. En fait, il s'agit d'avoir un minimum d'informations
théoriques. Il est donc nécessaire de prendre connaissance de
quelques travaux »38(*). En effet, bien que la tradition anthropologique soit
par marquée par la pratique du terrain, il est indispensable de se munir
des outils théoriques afin de les confrontés avec les
éléments du terrain qui est le nôtre. Parmi les ouvrages et
travaux de recherche, nous avons retenu :
LEVI-STRAUSS, Claude,
1962[8ème éd. 1996], Le totémisme
aujourd'hui, Paris, PUF, 159 p.
Né en le 28 novembre 1908 à Bruxelles
(Belgique), Claude Lévi-Strauss fait ses études secondaires
à Paris jusqu'à l'obtention de son baccalauréat. En 1928,
il prépare son agrégation de philosophie qu'il obtient en 1931.
en 1935, il rejoint son premier poste universitaire à la chaire de
sociologie de Sao Paulo où il y enseigne jusqu'en 1938. A la fin de
l'année 1935, sa femme et lui effectuent une mission pour le compte du
musée de l'Homme et de la ville de Sao Paulo. C'est au cours de cette
mission à l'intérieur du Brésil, dans le Mato Grosso qu'il
s'initie à l'ethnographie en réalisant sa première
enquête chez les indiens Caduveo et Bororo. C'est d'ailleurs la narration
de ce premier voyage qui occupe une bonne partie de Tristes Tropiques. Il
enseigne respectivement à New-York (1941-1944) et au collège de
France (1959-1982). Entre temps, en 1973, il est élu à
l'académie française et a dirigé plusieurs missions
scientifiques en Amazonie méridionale et au Brésil.
En 1982, il prend sa retraite mais reste membre du Laboratoire
d'Anthropologie Sociale. Il a écrit nombre d'articles et d'ouvrages dont
celui-ci. Comme Lévi-Strauss l'a lui-même présenté,
Le totémisme aujourd'hui est une sorte d'introduction à La
pensée sauvage. Dans cet ouvrage reparti en cinq chapitres, l'auteur
trace les traits majeurs des publications liées à la question du
totémisme, en reprenant les thèses aussi bien des adversaires que
des partisans de cette question. Ensuite, il déconstruit et construit le
phénomène totémique en offrant des exemples typiques de sa
réalité empruntée à plusieurs régions et
sociétés du monde telles que les Ojibwa des Grands Lacs, les
Tikopia de Polynésie, les Maori de la Nouvelle-Zélande, les
Tallensi du nord de la Gold-Coast, les kwakiutl de la Colombie britannique,
etc. En le rétablissant dans les faits, l'auteur voit dans celui-ci, un
système de classification et de correspondances imagées entre
l'ordre de la nature et celui de la culture.
Dans cet ouvrage, nous nous sommes particulièrement
intéressé au chapitre IV, intitulé « Vers
l'intellect ». Dans celui-ci, Lévi-Strauss nous fait assister
à la disposition de l'idée même de totémisme et
à l'émergence de l'hypothèse structurale chez les
anthropologues anglo-saxons et dont certains étaient liés aux
positions fonctionnalistes notamment M. Fortes et R. Firth, Radcliffe-Brown et
Evans-Pritchard. Dans son ouvrage sur les Tallensi, rapporte
Lévi-Strauss, Fortes montre que ce groupe ethnique observe des
prohibitions alimentaires, communes à d'autres groupes de la
région sur une vaste étendue. Ces prohibitions portent sur des
oiseaux comme le canari, la tourterelle, la poule domestique ; les
reptiles comme le crocodile, le serpent, la tortue ; quelques
poissons ; la grande sauterelle ; le singe ; le porc
sauvage ; des ruminants ; chèvre et mouton ; des
carnivores : chat, chien, léopard, etc. Mais Lévi-Strauss
remarque que l'hypothèse fonctionnaliste n'est dans ce cas d'aucun
secours tant cette liste est hétéroclite. Certains de ces animaux
n'offrent aucun intérêt économique, d'autres, très
inoffensifs, ne présentent aucune signification particulière du
point de vue du danger ou de son évitement. Sur ces faits,
Lévi-Strauss soulève deux problèmes à savoir
pourquoi le symbolisme animal et pourquoi le choix de certains animaux
plutôt que d'autres, c'est-à-dire pourquoi tel symbolisme
plutôt que tel autre ? Pour Fortes, certaines prohibitions sont
individuelles et d'autres collectives.
Parmi ces dernières, certaines sont liées
à des lieux déterminés. Ainsi s'affirme un lien entre
certaines espèces sacrées, des clans et des territoires. On
comprend mieux par exemple le rapport établi entre les ancêtres,
imprévisibles et capables de nuire, et certains animaux carnassiers.
D'une manière générale, les animaux, estime Fortes, sont
aptes à symboliser les conduites humaines ou celles des esprits ;
l'utilisation des différents types correspond aux différences
dans nos conduites et nos codes sociaux et moraux. C'est une hypothèse
du même genre que propose Firth dans son étude sur le
totémisme polynésien quand il se demande pourquoi les animaux
l'emportent sur les plantes ou autres éléments. Mais que faire
des totems non animaux ? Et même des animaux autres que carnassiers
qui se prêtent mal dans les analyses de Fortes et Firth à la
ressemblance avec les ancêtres ? Pour Lévi-Strauss, ces deux
auteurs conçoivent la ressemblance entre animaux et ancêtres de
manière très empirique, c'est-à-dire comme des
correspondances de qualités repérées de part et d'autre.
Cependant, c'est à ce point que Lévi-Strauss situe la faiblesse
essentielle de leur méthode. Ces deux auteurs tendent en effet à
mettre en parallèle des signifiés alors que le problème
à résoudre est de savoir pourquoi une série animale.
Autrement dit comment une série de différence répond
à une autre série de différence.
Selon Lévi-Strauss, poser la question ainsi, c'est
comprendre que « ce ne sont les ressemblances, mais les
différences qui se ressemblent »39(*). C'est ce qui diffère
dans chaque série qui est significatif ; les séries de
différences repérées dans le monde naturel servent alors
de « code » pour instituer et désigner des
différences dans le monde humain : « la ressemblance, que
supposent les représentations dites totémiques, est entre ces
deux systèmes de différences ». Ainsi, à la
reprise d'un texte d'Evans-Pritchard, Lévi-Strauss va pouvoir avancer
l'hypothèse selon laquelle : ce qu'on a appelé
« totémisme » n'est qu'un cas particulier d'un
procédé général dans les sociétés
sauvages et qui consiste à signifier les différences dans la
société au moyen de différences répertoriées
dans le monde naturel.
Il termine ce chapitre en mentionnant qu'un animal dit
« totémique » n'est donc pas un animal qui serait
l'objet d'une mystérieuse identification entre lui et tel individu ou
tel groupe ; un animal, c'est d'abord un « outil
conceptuel », car comme organisme il est un système à
lui tout seul et comme individu il est élément d'une
espèce ; il peut donc parfaitement servir à signifier
l'unité d'une multiplicité et le multiple d'une unité.
Pour notre part, nous avons retenu cet ouvrage pour qu'il nous aide à
appréhender le concept de l'éléphant chez les Bisir. En
effet, chez les Bisir un éléphant n'est pas vu seulement comme un
animal et surtout pas un animal quelconque. Il constitue d'abord un symbole, un
génie, un protecteur, un guide avant d'être
considéré comme une source de protéines animales.
LEVI-STRAUSS, Claude (1962), La
pensée sauvage, Paris, Plon, 389 p.
Dans cet ouvrage, l'auteur pose des questions qui se
rattachent à la fois à la philosophie, à la linguistique
ainsi qu'à l'anthropologie cognitive. Il veut par ailleurs, montrer que
les hypothèses utilisées notamment les thèses
utilitaristes, économiques et alimentaires sont insuffisantes
d'intérêt. En effet, après avoir rassembler et comparer des
informations pour l'essentiel constituées de témoignages des
observateurs, explorateurs, missionnaires, biologistes, etc. provenant de
plusieurs régions du monde, Claude Lévi-Strauss va critiquer la
thèse selon laquelle : « le sauvage est
gouverné exclusivement par des raisons organiques ou
économiques »40(*).
Il entreprend de montrer que le sauvage est aussi rationnel
que le civilisé. Cette démonstration repose sur le refus de
Lévi-Strauss de considérer les sauvages comme des individus
inférieurs. Ce refus louable, va conduire l'auteur à
décrire leurs cosmologies, leurs modes d'ordonnancement du monde comme
des entreprises logiques, conduites par la pensée classificatoire. Pour
y parvenir, il effectue un travail de déconstruction des thèses
de certains de ces prédécesseurs sur la question du comportement
et des manières d'agir et de faire des peuples traditionnels, pour
ensuite mettre sur pied la « science du concret » qui est
selon lui, une pensée organisatrice du monde naturel, afin
d'appréhender et de comprendre autrement la pensée de
l'«Autre ».
Avec la publication de La pensée sauvage, Claude
Lévi-Strauss opère ainsi, une profonde et remarquable
transformation dans l'étude du rapport des sociétés
« primitives » à leur milieu immédiat. En
parlant du monde animal, il note qu' « un animal peut
à lui tout seul devenir un outil conceptuel très complexe et
complet »41(*). En cela, il nous guide encore dans notre
réflexion sur l'évolution des rapports de l'homme gisir avec la
faune sauvage. Car tout comme les autres peuples traditionnels, les Bisir
poursuivent des objectifs variés par rapport à leur faune, ils ne
les orientent pas exclusivement vers la satisfaction des besoins alimentaires.
Cependant, du point de vue de la méthode et des données, pour
Lévi-Strauss, peu importe de savoir qui parle et avec qui il parle. Pour
nommer ses informateurs, il parle d'indigène. La conception qu'il a de
la méthode consiste à mettre en avant un modèle logique de
la réalité et, ce faisant, il investit l'anthropologue du pouvoir
scientifique, reléguant de la sorte l'indigène au second plan.
DESCOLA, Philippe (1986), La nature
domestique. Symbolisme et praxis dans l'écologie des Achar, Paris,
Ed. MSH, Coll. Fondation Singer-Polignac, 450 p.
Anthropologue français, Philippe Descola est directeur
d'étude à l'école des Hautes Etudes en Sciences Sociales
(E.H.SS) et membre du Laboratoire d'anthropologie sociale au collège de
France à Paris. Etudiant en philosophie, il découvre peu
après l'ethnologie et les « sociétés
exotiques » puis prend attache avec les mythologies
amérindiennes de Claude Lévi-Strauss.
Par l'entremise du Laboratoire d'Anthropologie Sociale sous la
direction de Lévi-Strauss, Philippe Descola bénéficie
d'une mission du CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique) au cours
de laquelle, il se familiarise avec les indiens Achuar. Pour ce qui est des
Achuar, il s'agit d'un groupe appartenant à l'ensemble Jivaro,
situé dans le haut Amazone, à la frontière entre le
Pérou et l'Equateur. Ce sont, à l'époque (année
soixante-dix) des nouveaux venus sur la scène ethnographique. Cette
méconnaissance est d'ailleurs sans doute due à la méfiance
qu'inspirait ce peuple d'Amazonie en guerre permanente et célèbre
pour sa technique de réduction de la tête de leurs ennemis
tués au combat. Philippe Descola et son épouse Anne-Christine
Taylor ont réalisé leur terrain parmi les Achuar de Pérou
entre 1976 et 1979, y réalisant plusieurs séjours
prolongés. De retour en France en 1984, il rédige une
thèse qui sera publiée sous le titre : La nature domestique.
Considéré comme l'ouvrage qui a donné naissance à
l'anthropologie de la nature, La nature domestique a fait date dans l'histoire
de la discipline. En battant en brèche les thèses de certains de
ses devanciers, son ambition a été de déconstruire le
caractère réductionniste ainsi que de relier les aspects
symboliques et les aspects matérialistes dans une étude des
relations entre les Achar et leur environnement.
En effet, dans l'introduction de cet ouvrage, il explique la
volonté qui est la sienne de dépasser les fondements de
l'anthropologie écologique, encore nettement dépendante de
l'opposition nature-culture. Il critique la séparation théorique,
dans les études des populations amazoniennes entre morphologie
symbolique qui appréhende la nature comme un objet de la pensée
taxinomique et cosmologique ; et le réductionnisme
écologique qui aborde toutes les manifestations de la culture comme des
épiphénomènes du travail « naturant »
de la nature.
Tout compte fait, la séparation nature-culture offre un
pendant théorique : séparation entre étude de la
matière et l'étude de la pensée. Autrement dit soit on
explique la nature par la culture, soit la culture par la nature. Pour Descola,
ces approches ont pour défaut un dualisme excessif et un
intérêt insuffisant envers la pratique. L'objectif de son
anthropologie de la nature serait « d'analyser les rapports entre
l'homme et son environnement sous l'angle des interactions dynamiques entre
techniques de socialisation de la nature et les systèmes symboliques qui
les organisent »42(*). Car pour lui, «c'est à cette condition
que l'on peut montrer comment la pratique sociale de la nature s'articule
à la fois sur l'idée qu'une société se fait
d'elle-même, sur l'idée qu'elle se fait de son environnement
matériel et sur l'idée qu'elle se fait de son intervention sur
cet environnement »43(*).
Ainsi, il présente la société Achuar
comme une société où l'imaginaire donne à la nature
toutes les apparences des sociétés humaines. Aussi, en examinant
les dynamiques et les processus de socialisation de la nature sous leurs
formes techniques, symboliques, matérielles, idéelles,
quantitatives et qualitatives, l'auteur vient à conclure que la
société achuar dans ses rapports avec l'environnement ne
sépare pas les « déterminants techniques des
déterminants mentales »44(*). Il fait le constat selon lequel, les achuar ont
« une connaissance pragmatique et théorique de la
diversité de leur environnement, connaissance qui est
instrumentalisée dans leurs modes d'usage de la nature et notamment,
dans les techniques agricoles »45(*).
DESMOND Morris (1990), Des animaux et des
hommes : partager la planète, Saint-Armand-Montrond, Ed.
Calmann-Levy, 206 p.
Morris Desmond est professeur de sociologie à
l'Université d'Oxford et auteur de nombreux ouvrages parmi lesquels, Les
best-sellers, Le singe nu, Le chat révélé, Le chien
révélé, pour lesquels il a obtenu le prix
littéraire Trente Million d'Amis. Cet ouvrage a été
traduit en anglais par Edith Och avec la collaboration de Monique Lebailly
(1992). Dans ce document, l'auteur fait un bref exposé de ses points de
vue sur les comportements tyranniques et abus répétés des
hommes à l'égard des animaux. Tout en militant en faveur du
bien-être du règne animal, il invite à respecter
fondamentalement les grands principes de la conduite humaine au risque de
devenir des nouveaux dinosaures c'est-à-dire les fossiles d'une
ère future.
Dans cet ouvrage, nous nous sommes personnellement
intéressé à la première partie intitulée La
compagnie des animaux qui brosse un contour historique et spatial des relations
étroites et particulières de nos lointains ancêtres avec
nos compagnons les animaux. Il s'agit des relations empruntes de mythes et
légendes, de cérémonies occultes, danses rituelles et de
totems.
Selon l'auteur, le poids de certaines de ces
représentations symboliques élaborées continuellement
à partir des drames d'animaux mimés exerçait une influence
positive sur les affaires humaines et suscitait sacralisation animale. Cet
ouvrage nous interpelle d'autant plus que l'on retrouve aussi ces multiples
formes de croyances et de symbolisme animal chez les peuples bantu du Gabon,
notamment dans leurs pratiques initiatiques et rituelles et parfois même
dans l'attribution des noms de personne empruntés au monde animal,etc.
Et chez les gisir, l'éléphant appelé
« nzahu » en langue gisir, est aussi un nom
attribué aux hommes notamment aux jumeaux. De même, dans certains
rites tels que le « bwiti ndeya » ou le
ngubi, l'éléphant a une grande signification.
BODINGA-BWA-BODINGA, Sébastien et VAN der VEEN,
Lolke J. (1995), Les proverbes evia et le monde animal : la
communauté traditionnelle des evia (Gabon) à travers ses
expressions proverbiales, Paris, L'Harmattan, 95 p.
Bodinga-Bwa-Bodinga Sébastien est natif de Mavovo,
village situé sur la rive droite du fleuve Ngounié, en face de la
ville de Fougamou. Il est comptable de formation et ancien Secrétaire du
gouverneur de la province de la Ngounié à Mouila. Actuellement
admis à la retraite, il est cependant très actif, en particulier
dans le domaine de la sauvegarde du patrimoine linguistique de son groupe
ethnoculturel. Lolke Van der Veen est né en 1959 à Hellendoom au
Pays-Bas. Il est maître de conférences à
l'Université Lumière-Lyon2 et enseigne la linguistique et la
sémiologie. Il est par ailleurs membre du Laboratoire de
Phonétique et Linguistique Africaine. La plupart de ses travaux de
recherche, notamment sa thèse de doctorat soutenu en 1991, porte sur les
parlers du groupe B30.
Cet ouvrage est une compilation de proverbes tirés du
socle culturel des evia du village Mavovo en face de la ville de Fougamou au
Gabon. Les evia parlent une des nombreuses langues bantu nommée le gevia
appartenant au groupe linguistique B30 selon la classification de Malcolm
Guthrie. Dans ce document, Sébastien Bodinga-Bwa-Bodinga justifie le
choix de cette entreprise par le fait que le patrimoine culturel et moral des
evia, pourtant nécessaire pour l'éducation des enfants et pour le
savoir-vivre, tend progressivement à disparaître. De ce point de
vue, son objectif est donc de sauvegarder ces expressions proverbiales et
imagées qui ont de toute évidence, un lien avec l'histoire de
cette communauté.
Ces expressions ont été récoltées
principalement par lui-même en août 1965 auprès de son
père, grand-père paternel et auprès d'un ancien passeur
administratif. La vérification des transcriptions phonétiques,
des traductions en français et des commentaires sont l'oeuvre de Lolke
Van der Veen. Dans le premier chapitre, on retrouve l'ensemble des proverbes de
la traduction gevia qui mettent en scène des animaux. On en compte 235
au total. Elles sont énumérées par rapport aux principes
de classification de la faune : reptiles, oiseaux, mammifères,
poissons, invertébrés, etc. outre la présentation
littérale, chaque proverbe est suivi d'un
« mini-commentaire » explicatif. Les auteurs ont
également pris soin d'établir la correspondance entre les termes
animaux en evia et les termes scientifiques mais également en
français. Dans le chapitre2, est faite une analyse des
particularités linguistiques de la langue evia. Il s'agit tout au plus
d'un inventaire des types de construction de la langue à travers sa
structure grammaticale. En se référant à chaque expression
proverbiale, il a relevé un certain nombre d'entre elles à
savoir : le recours à la personnalisation, à la
métaphore, à l'antithèse, aux propositions verbales
déclaratives.
Dans le chapitre suivant, il nous est présenté
une analyse de l'influence du monde animal dans l'expression des valeurs
morales chez les evia. Puis, il se dégage les principales tendances du
regard des evia sur le monde animal c'est-à-dire les
caractéristiques qu'ils retiennent pour chaque espèce :
comportements physiques, expériences de la chasse, de la pêche,
pratiques culinaires, indication du temps, du miel, des noix de palme, etc.
Enfin au quatrième chapitre, l'auteur analyse le système des
valeurs. Il fait un classement thématique en trois rubriques des valeurs
préconisées par la société evia. Ainsi, on peut
voir comment vivre en famille, avec les autres où comment faire face aux
remparts de la vie.
Cela montre finalement combien le monde animal a un
intérêt pour l'homme afin de se construire, de se forger tant au
niveau individuel, de la famille qu'au niveau de la communauté tout
entière. On s'y réfère très souvent pour lire le
passé, le présent, l'avenir, pour se protéger, pour
chercher les moyens énergétiques, etc. Toute la philosophie
dégagée dans cet ouvrage n'échappe pas au monde gisir.
Fréquemment, il est fait usage des corpus oraux issus de la tradition
orale dans lesquels des animaux apparaissent comme outil pédagogique.
MAYER Raymond
(1998), « Des caméléons et des
hommes» in : Revue Gabonaise des sciences de l'homme
n°5, Libreville, Ed. LUTO, P.U.G, pp.43-49.
Dans ce document, nous nous sommes particulièrement
intéressé à la rubrique « Patrimoine
Animal », et plus précisément au texte
intitulé : « Des caméléons et des
hommes » de Raymond Mayer, professeur en anthropologie à
l'Université Omar Bongo. Dans ce texte, Raymond Mayer attire l'attention
des dirigeants des programme de la protection des animaux sur la
nécessité de prendre compte les comportements culturels des
populations vis-à-vis des animaux avant l'application d'un quelconque
programme car dit-il « ...un animal n'est pas vu de la même
manière suivant les sociétés humaines dans lesquelles il
se trouve, et au voisinage desquels se trouve son
écosystème »46(*).
A cet effet, il précise que si l'on envisage un
programme de protection des animaux dans un espace donné, il est
indispensable de commencer par essayer de savoir quel est le comportement
traditionnel des populations qui y vivent à l'égard des animaux.
Autrement dit, « il est nécessaire de connaître
l'axiologie particulière de chaque « ethnoculture »
vis-à-vis des animaux avant d'y envisager une intervention
exogène. Car à l'intérieur d'un même territoire, les
attitudes vis-à-vis d'une même espèce animale peuvent
changer ». Il note par exemple qu'il y a des populations qui
mangent le chien et le chat, d'autres qui réprouvent ce type de
comportement alimentaire. Certains animaux sont vus comme menaçants par
certaines populations, alors qu'ils sont considérés comme
inoffensifs par d'autres. C'est notamment le cas de l'éléphant
qui est domestiqué en Asie, alors qu'il constitue une grande menace et
un gros gibier en Afrique. Certains animaux sont, continue-t-il, vus dans la
plus totale indifférence, alors que d'autres leur vouent un culte quasi
sacré et d'autres, occupent des positions totémiques,
liées à des interdits alimentaires. Il poursuit son texte en
soulignant que : « si l'animal n'occupait q'une position
naturelle, on pourrait dire que les jeu sont faits. Il serait un donné
brut de la nature, sur lequel l'homme n'aurait pas ou peu de prise. Il serait
difficile de concevoir un changement de mentalité dans ces conditions.
Au contraire, la position culturelle des animaux rend possible la modification
des attitudes humaines vis-à-vis de chaque animal. Les cultures sont
identitaires, mais elles sont aussi évolutives, et donc modificatrices
de comportements humains »47(*).
Enfin, il rappelle qu' « il n'y a pas
d'animaux naturels : il n'y a que des animaux culturels. A la
taxinomie des animaux correspond aussi une taxinomie des
comportements »48(*). Car chaque animal occupe une position
spécifique dans l'entendement et le comportement des hommes même
si le comportement confine parfois à une attitude d'indifférence.
Ainsi, en s'appuyant sur ce texte, nous envisageons de voir si les
thèses de Raymond Mayer peuvent s'appliquer à notre terrain.
Etant entendu que la situation conflictuelle qui prévaut à Mandji
et partout ailleurs, est née de la différence de conception
vis-à-vis du monde animal entre les sociétés
traditionnelles et les acteurs de la protection des animaux dits sauvages.
En effet, de nos jours, de nombreuses campagnes de
sensibilisation sur l'environnement sont réalisées mais elles ne
tiennent pas toujours compte des traditions de nos sociétés qui
structurent encore aujourd'hui l'imaginaire des populations en particulier
celles vivant en zone rurale. Les affiches de ces campagnes font
connaître les animaux protégés à travers une image,
une dénomination courante en français et un nom scientifique mais
aucun lien, aune attache n'est faite suggérée entre les
populations auxquelles s'adresse le message et les différents animaux
inventoriés sur l'affiche. Or étant donné que les
connaissances sur l'écologie comportementale de l'éléphant
au Gabon ne sont pas encore fiables, intéressant serait-il d'inclure les
peuples traditionnels dans les programmes de protection de la faune et en
particulier de l'éléphant car ils détiennent depuis des
longues décennies des savoirs sur la faune.
LATOUR Bruno (1999), Les politiques de la
nature : Comment faire entrer les sciences en démocratie, Paris, La
découverte, Coll. Armillaire, 382 p.
Bruno Latour est professeur à l'école nationale
supérieure des mines de Paris et à l'université de
Californie à San Diego. Après une agrégation et un
doctorat en philosophie, il a fait plusieurs études ethnographiques en
Afrique puis en Amérique. Il est l'auteur de nombre d'ouvrages dont Les
microbes : guerre et paix (1984), La vie de laboratoire (1989) avec Steve
Woolgar, La science en action (1989), Nous n'avons jamais été
modernes : essai d'anthropologie symétrique (1991). Toutefois, il
est prudent de débuter en insistant sur le fait que Bruno Latour est un
personnage atypique dans la discipline anthropologique. Au contraire de
l'ensemble des anthropologues de la nature, Latour n'a pas de terrain
« exotique », il n'a même pas un terrain qui
corresponde à quoi que ce soit de classique en anthropologie.
En effet, son terrain, c'est un laboratoire scientifique
à San Diego. Il est évident que ce choix fait de lui un chercheur
difficile à classer dans le champ anthropologique. Dans ce livre, Bruno
Latour traite plus particulièrement de l'anthropologie de la nature. Le
point de départ de sa réflexion est : les
écologistes, selon leurs propres dires, auraient fait entrer la nature
en politique. Le problème tient dans le fait que le concept de
« nature » auquel ils font allusion dépend encore
trop largement de la science occidentale qui est chargée d'en
étudier les lois. Or, cette nature telle qu'elle est conçue dans
le champ scientifique, repose sur l'édifice moderne de la
séparation fondamentale entre nature et culture. Dans cette perspective,
la nature constitue ce qui est objectif et indiscutable et se place comme
extérieure au monde de la culture qui, lui, est subjectif et discutable.
Pour Latour, la modernité est la naissance
séparée et simultanée de l'humanité et de la
nature, elle est issue de la division de ces deux sphères, lesquelles,
dans les sociétés non modernes, sont souvent liées. La
nature, pour un homme moderne, c'est tout ce qui ne relève pas de
l'humanité : choses animées et inanimées, lois
auxquelles ces choses obéissent. C'est donc à l'aide de la
modernité que l'homme s'exclut de la nature, créant en même
temps une classe de phénomènes qualifiés de
« naturels » et une autre où ceux-ci seront dits
« humains », sans compter les quelques
« hybrides », mi-naturels mi-humains, qui déambulent
çà et là en cherchant de quel côté se ranger.
Pour l'homme moderne, la nature représente donc tout ce qui lui est
extérieur.
Elle est régie par des lois mécaniques qui ne
prennent en comptent aucun critère présent dans les rapports
humains, comme les sentiments ou la conscience. D'ailleurs, ce positionnement
est logique : pour maîtriser et dominer la nature, mieux vaut s'en
extraire. La juxtaposition de ces deux (nature et culture) termes est donc
impossible puisqu'ils ont été créés pour exister en
opposition. Cela suppose l'existence d'une nature dont s'occupent
l'écologie et de plusieurs sociétés dont s'occupe la
politique. Donc, pour lui, le terme « écologie
politique » ne veut rien dire. A moins bien sur de repenser ces
termes dans leur fondement. En cela, l'écologie politique marque non pas
l'entrée de la nature en politique, mais plutôt la fin de la
nature en tant que « façon particulière de totaliser
les membres qui partagent le même monde »49(*).
Mais alors que proposer en échange de cet ancien
collectif à deux chambres ? Une optique intéressante, selon
Bruno Latour, serait de concevoir l'écologie comme la réunion des
humains et non-humains sur la base de nouveaux critères. Et sur ce
point, il affirme que l'anthropologie peut venir en aide à ce nouveau
projet en « permettant d'extraire les occidentaux de l'exotisme
qu'ils s'étaient imposés à
eux-mêmes »50(*). En effet, « ce ne sont plus eux, les
sauvages, qui apparaissent comme des étrangers parce qu'ils
mélangeraient ce qui ne devrait en aucun cas se mélanger, les
« choses » et les « personnes » ;
c'est nous, les occidentaux, qui vivions jusqu'ici dans l'étrange
sentiment qu'il fallait séparer en deux collectifs distincts, selon deux
formes de rassemblement incommensurables, les « choses »
d'un coté, et les « personnes » de
l'autre ».51(*)
Donc la division nature-culture ne va pas de soi.
Mais sur quels critères allons nous fonder ce monde
commun, Latour propose de le définir comme une assemblée
d'êtres capables de parler. Mais il ajoute qu'il faut se méfier
des scientifiques qui font parler les objets en laissant supposer que ces
derniers parlent d'eux-mêmes ; car ce faisant, ils taisent le fait
que la science est un système de représentation des choses qui
n'est universel. Latour propose donc de chercher d'autres intermédiaires
dont le « porte-parole » semble être un bon exemple.
En effet, ce dernier se place davantage dans le doute, il parle au nom des
autres. Le recours au porte-parole pourrait, selon Bruno Latour, permettre un
premier rassemblement « qui ne diviserait plus d'avance les types de
représentations entre ceux qui démontrent ce que sont les choses
et ceux qui affirment ce que veulent les humains »52(*). En cela, nous pourrions
ouvrir le dialogue avec les autres cultures que nous avions, dans notre projet
absolu d'aller de l'avant, rejetés au ban de la société.
Il n'est d'ailleurs pas étonnant que ce soit au moment où le
modernisme montre ses failles que les occidentaux se montrent plus enclins
à l'ouverture et à la prudence. Peut-être est-il trop tard,
remarque Latour, aurait-il fallu y penser avant ? Mais il affirme que ce
qui est fait est fait et que cela ne doit pas nous empêcher de tenter le
dialogue. Il faut en effet que les entités jusqu'à aujourd'hui
ignorées soient représentées dans le collectif.
Et si l'anthropologie a déjà avancé sur
ce terrain, Latour lui adjoint aujourd'hui des talents de la diplomatie. En
effet, le diplomate, qui appartient à une des parties en conflit
représente beaucoup d'avantages dans le cadre de la
médiation ; « a aucun moment il n'utilise la notion
de monde commun de référence puisque c'est pour construire ce
monde commun qu'il affronte tous les dangers »53(*). Il cherche la
médiation entre les exigences et les expressions. Le projet de cette
anthropologie diplomatique serait donc de répartir l'unité et la
multiplicité autrement : « les faits établis par
le diplomate, il faut dorénavant que les parties adverses les aiment,
les apprécient, les partagent, ou du moins les supportent ».
Latour conclut en affirmant que l'écologie politique, à ce stade,
est loin de régler la question du collectif ; au contraire, sa
vertu est de laisser ouverte la question. En effet, la médiation que la
modernité niait d'emblée est aujourd'hui recherchée. C'est
sur cet horizon-là que Latour espère développer un
rapprochement entre les cultures.
Cependant, le projet « latourien » n'est
pas de décrire ce qui est mais ce qui devrait être. En soi, cette
définition de l'anthropologie est loin d'emporter l'adhésion de
tous. En effet, c'est encore et toujours, dans la discipline anthropologique,
le terrain et sa description qui prime. S'il est évident que Bruno
Latour construit son analyse sur des faits actuels annonciateurs d'un
changement, sa théorie prend très vite des envolées
théoriques sur la matière d'organiser ce changement. En cela, il
faut prendre son travail pour ce qu'il est une hypothèse ; et comme
toute hypothèse, celle-ci doit se conformer à ce qui se passe
réellement dans le monde. Aussi, si pour Latour il est évident
que les occidentaux n'ont jamais été modernes et qu'il non faut
donc construire un monde « non-moderne », il n'est pas
évident que ce constat trouve un écho dans la manière dont
les individus pensent le monde et leur relation avec celui-ci. De notre point
de vue, cet ouvrage nous interpelle d'avantage à appréhender chez
les acteurs de la protection, leur conception de la faune, son importance et
la place que celle-ci occupe dans leur vision du monde par rapport à
celle des populations villageoises.
LEPEMANGOYE MOULEKA Sandry Franck (2003),
Ethnozoologie du Monde Bantu : Représentation, contexte d'usage
et pratiques liés à l'écologie animale chez les
Banzébi du Gabon, Mémoire de Maîtrise Anthropologie,
Libreville, Université Omar Bongo, 133 p.
Ce mémoire de maîtrise est composé de
trois parties. La première partie présente l'état des
lieux des documents consultés sur la question et ceux relatifs à
la population d'enquête. La deuxième partie fait état des
différents corpus oraux et factuels récoltés. Dans la
troisième partie, il est question de l'exploitation et de l'analyse des
corpus en présentant les principes de nomenclature, de
catégorisation et de taxinomie nzébi et linnéenne. Au
terme de son étude, Lepemangoye Mouleka Sandry Franck aboutit aux
conclusions selon lesquelles : Pour les nzébi, l'animal reste alors
un partenaire, un « associé », mieux un
« doublet » de personne humaine avec qui on peut
échanger des messages dans divers contextes singuliers. De sorte,
certaines pensent que tout individu a la possibilité de s'incarner dans
l'animal ou un animal adopter la forme d'un être humain.
En cela, l'auteur justifie ses propos par un
« perspectivisme » de Philippe Descola qui rend compte de
la vision des populations banzébi de l'humanité des personnes
animales lorsqu'il dit « La métaphore n'est pas un
dévoilement de l'humanité des personnes animales, ou un
déguisement de l'humanité des personnes humaines, mais le stade
culminant des relations ou chacun, en modifiant la position d'observation que
sa physicalité originelle impose, s'attache à coïncider avec
la perspective sous laquelle, il pense que l'autre s'envisage
lui-même : l'humain ne voit plus l'animal comme il voit d'ordinaire,
mais il ne se voit pas d'habitude, mais tel qu'il souhaite être vu en
animal »54(*) .
L'homme et son « alter ego » l'animal forment ensemble ce
que Merleau-Ponty appelle des « corps
associés »55(*).
OVONO EDZANG Noël (2004), Apport du
géographe dans l'analyse des conflits ruraux : exemple du conflit
agriculture-faune à Asséwé (Gabon). Rapport non
publié.
Détenteur d'un doctorat en géographie, Noël
Ovono Edzang est chercheur à l'IRSH (Institut de Recherche en Sciences
Humaines) et il officie des cours au département de géographie
à l'Université Omar Bongo. Ce présent document est une
communication qu'il avait faite lors d'un colloque à l'Université
Dschang au Cameroun en Mai 2004. Cette communication avait pour objet
l'évaluation des difficultés et des potentialités d'une
protection des cultures face aux menaces de destruction causées par les
éléphants. En effet, c'est lors d'une mission
réalisée dans le village Asséwé dans le
département d'Etimboué en mars 2002 que les villageois de cette
bourgade ont fait part du problème récurrent auquel ils
étaient confrontés à savoir la destruction de leurs
plantations par les éléphants. A la suite de ces plaintes, le
géographe et ses collaborateurs vont entreprendre une étude sur
les dégradations provoquées par les animaux sur les cultures et
l'abattage de ces animaux par les villageois.
En d'autres termes, il s'agissait de la gestion de ce conflit
dans la lagune du Fernan-Vaz et plus précisément dans le village
d'Asséwé. Après avoir présenté l'origine du
conflit, et identifié les différents protagonistes à
savoir les agriculteurs, les autorités locales, les notables, les
chasseurs, les exploitants forestiers, les animaux (premiers responsables des
destructions des plantations) et les sociétés de conservation
(WWF et WCS), l'auteur met en lumière les méthodes de lutte
contre la destruction des plantations. Puis, il poursuit en fournissant la
méthodologie retenue pour collecter les informations en vue d'une
médiation ensuite, en indiquant le matériel utilisé et
enfin en présentant l'outil de gestion des conflits qui est la
médiation. Mais dans le cas du conflit d'Asséwé, l'auteur
précise qu'ils se sont limités à l'étape de
l'étude du conflit et la restitution des observations. Et de cette
restitution, il ressort que les raisons de la présence
régulière des éléphants dans les plantations sont
la disparition du « Moabi » (arbre dont les fruits sont
consommés par les éléphants). Il fait le constat
suivant : « il est à noter que l'ensemble des villageois
ont leurs plantations du coté ouest du village. C'est dans ces anciennes
forêts que se pratiquait l'exploitation forestière qui a
progressivement fait disparaître le Moabi ».
ALFA GAMBARI IMOROU, Safouratou et al.
(2004), Les conflits homme-éléphants (loxodonta africana)
dans la zone cynégétique de la Djona (bénin) adjacente au
parc régional du W : cas des villages d'Alfakoara in :
CHARDONET Philippe, LAMARQUE François, BIRKAN Marcel (eds.), Actes du
6ème Symposium International sur l'Utilisation Durable de la
Faune Sauvage : « La faune sauvage : une ressource
naturelle », du 6 au 9 juillet 2004 à Paris, France, Tome 2,
Game Wildl. Sci., pp.553-569.
Ce document de très bonne facture, est un rapport
d'étude réalisé par Safouratou Alfa Gambari Imorou et ses
collaborateurs à l'occasion des Actes du 6ème
Symposium International sur l'Utilisation Durable de la Faune Sauvage
organisé par la Fondation Internationale pour la Sauvegarde de la Faune
en partenariat avec l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, le
Ministère français des Affaires Etrangères, le
Muséum National d'Histoire Naturelle, l'UNESCO, le MAB, le CIRAD et la
Fondation de la Maison de la Chasse et de la Faune à Paris en juillet
2004. Dans cette étude, l'objectif visé, était de relever
les problèmes rencontrés par les diverses catégories
socio-professionnelles du fait de la présence des
éléphants dans les zones de cultures, puis d'appréhender
leur perception des éléphants. L'enquête s'est
déroulée entre 1999 et 2002 dans la zone
cynégétique de la Djona située au nord de la
République du Bénin entre 11°20' et 11°60' de latitude
Nord et 2°50' et 3°20' de longitude Est.
La démarche méthodologique retenue par les
auteurs à consister à recueillir les données sur
l'évaluation des dégâts dans les champs, sur la perception
de l'éléphant par les populations locales et sur les
paramètres écologiques. En ce qui concerne l'évaluation
des dégâts, les dégâts dus aux
éléphants ont été évalués grâce
à la mesure et au calcul des superficies de cultures détruites
dans les champs. Ces superficies ont été mesurées à
l'aide d'un mètre ruban, et ont été calculées par
culture et par champ, et totalisées pour toute la saison agricole. Cela
a permis de récolter : la taille des troupeaux ayant causé
les dégâts, les heures des dégâts, les cultures
touchées, les superficies détruites et les moyens utilisés
pour faire sortir les éléphants des champs.
Pour la perception de l'éléphant, les
chercheurs ont procédé à des entretiens avec chaque
catégorie socio-professionnelle pour un échantillon de 30
personnes. Les 18 villages ciblés, ont été choisis parmi
ceux faisant partie de l'aire de répartition des éléphants
dans la zone. Deux ou trois voire quatre clusters composés soit d'un
agriculteur et d'un éleveur, soit de deux agriculteurs, d'un
éleveur et d'un braconnier, soit de deux agriculteurs et d'un
éleveur ou chasseur ont été interrogés. Les paysans
pris pour les études de cas ont été choisis au hasard
parmi ceux qui avaient enregistré des dégâts
d'éléphants dans les champs en 2001 ou pendant les années
1999-2000. Le but pour ces auteurs, était de recueillir les avis
réels des paysans victimes de dégâts, sur la
présence des éléphants.S'agissant des paramètres
écologiques, les variations saisonnières de l'espace vital et du
régime alimentaire de l'éléphant ont été
analysées.
Aussi, des observations directes ont permis de recenser les
espèces végétales appétées sur leurs
parcours. Des crottes ont été collectées et
analysées pour recenser et identifier les semences d'espèces
végétales non digérées. Ainsi, au terme de cette
enquête, les auteurs sont venus à conclure que lors des incursions
des éléphants, de nombreux dégâts sont causés
aux cultures. La superficie de cultures détruites au cours de la saison
2001-2002 a représenté 49,70 ha sur un total de 152 ha, soit une
perte de 61 tonnes de productions dans les villages explorés. Les
résultats ont également montré que 80% des personnes
interrogées avaient chaque année enregistré des
dégâts sur une période d'au moins quatre ans. Concernant
les méthodes utilisées pour chasser les éléphants
des champs, 90% des paysans produisent du bruit pour les renvoyer ou les
effrayer. Les 10% restant allument des feux les soirs ou entourent les champs
avec des câbles formant une clôture. Cependant, ils soutiennent que
les paysans victimes de dégâts ont rencontré des
difficultés économiques et financières suite aux
dégâts : 60% n'ont pas, ou peu, eu de revenus de la campagne
agricole et ont manqué d'argent pour préparer la saison agricole
suivante et faire des cérémonies rituelles. Sur la question de
la perception de des éléphants, les enquêteurs notent que
certains agriculteurs ont affirmé que les éléphants
n'offraient aucun avantage pour eux à cause des
déprédations qu'ils occasionnent.
Toutefois, malgré l'intensité des rapports de
compétition pour les ressources qui existe entre l'homme et
l'éléphant, les relations entre ces deux composantes restent plus
ou moins satisfaisantes. Ainsi, 77,7% des personnes ont avoué qu'elles
acceptaient les éléphants contre 18,5% qui les toléraient
et 3,8% qui les détestaient. Par ailleurs, les résultats
d'observations directes ont montré que les groupes
d'éléphants faisaient des incursion dans les zones non
classées et hors réserve étendant ainsi leur domaine vital
dans les terroirs villageois en saison pluvieuse (mai-septembre) ; en
saison sèche, ce domaine se réduit à la mare aux
éléphants, seul point d'eau gardant de l'eau ; l'aire de
répartition des éléphants varie donc selon la
disponibilité en eau et en nourriture dans la zone qui est
elle-même fonction du temps.
RABOURDIN Sabine (2005), Les
sociétés traditionnelles au secours des sociétés
modernes, Paris, Delachaux et Niestlé, 224 p.
Sabine Rabourdin, est ingénieur et diplômé
en ethnoécologie mais également journaliste-écrivain. Son
travail s'oriente sur la rédaction de la société face aux
changements globaux de l'environnement en jonglant avec plusieurs domaines dont
l'écologie, l'ethnologie, la sociologie, l'histoire des civilisations,
etc. Après s'être imprégné à travers un tour
du monde des savoirs écologiques accumulés par certains auteurs
qui ont tenté d'analyser les relations qui lient les
sociétés traditionnelles aux êtres de la nature et de sa
propre expérience de terrain au Ladakh en région septentrionale
de l'Inde, l'auteur élabore une étude comparative entre la
conception de la nature des sociétés traditionnelles et celles
dites modernes. De cette étude, elle note que les différences
d'impacts sur la nature entre le mode de vie des ladakhis et celui de leurs
sociétés modernes sont indéniables. L'homme moderne s'est
exclu de la nature alors que l'homme « traditionnel » vit
dans et avec la nature. L'homme moderne s'est déconnecté de son
environnement, il a pris des distances vis-à-vis de la nature, ne la
fréquente en moyenne qu'en de rares occasions.
Et elle précise que « l'exclusion
conceptuelle de la nature avait contribué à sa domination et
à sa détérioration ; l'exclusion physique
amène au même résultat »56(*). Cependant, « cette
perception de l'homme hors de la nature est loin d'être celle de tous les
peuples actuels : certaines communautés attribuent à des
nombreuses plantes ou animaux, voire même aux nuages, (...), des
caractéristiques qui relèvent des rapports humains et
sociaux »57(*).
Et dans nos sociétés traditionnelles et en particulier chez les
Bisir certaines espèces animales notamment l'éléphant est
une espèce très proche de l'homme, il est considéré
comme un protecteur et un génie. Dans le monde animal
l'éléphant et l'hippopotame sont deux êtres vivants
considérés par les Bisir comme des jumeaux au même titre
que les jumeaux humains.
KIALO Paulin, (2005), Pové et
forestiers face à la forêt gabonaise : Esquisse d'une
anthropologie comparée de la forêt, Thèse de doctorat,
Université ParisV René Descartes, 380 p.
Paulin Kialo, anthropologue de formation, est attaché
de recherche à l'Institut de Recherche en Sciences Humaines (I.R.S.H) du
Gabon et officie des cours au département d'anthropologie de
l'Université Omar Bongo et à l'Institut National des Sciences de
Gestion (INSG) en Dess option Economie Forestière. Comme l'indique le
titre de sa thèse, les travaux de cet auteur s'inscrivent dans l'angle
d'une anthropologie comparée des modes d'exploitation de la foret des
sociétés traditionnelles gabonaises et les exploitants forestiers
occidentaux. Dans cette étude comparative, il démontre
l'existence de deux modèles d'exploitation de la forêt qui sont
nettement différentes : celui des sociétés
traditionnelles et celui des forestiers occidentaux. Le premier serait
pro-forêt et le second anti- forêt.
En effet, les sociétés traditionnelles
gabonaises et les pové en particulier avaient, avant les contacts avec
le monde occidental, un mode d'exploitation de la forêt pro-forêt,
basé sur les croyances et les valeurs culturelles issues de leur
« ethnoculture » respective, respectueuses de la nature.
Alors que la société occidentale au regard de la technologie de
plus en plus pointue et toujours innovée des moyens de production et des
objectifs de profits qui l'animent serait anti-forêt. Cependant, à
l'issue des contacts des cultures, le mode de vie occidental a dominé le
mode de vie traditionnel selon la teneur des relations avec les uns et les
autres. Cette domination a fait que l'humanité vit désormais au
rythme de occident. Mais les sociétés occidentales ayant
développé un mode d'exploitation de la forêt anti-
forêt, l'humanité tout entière se retrouve dans une logique
de l'exploitation de la forêt anti-forêt. De nos jours, et les
sociétés traditionnelles et les sociétés
occidentales sont devenues anti-forêt.
PRINCE ONGOGNONGO, BOBEMELA EKOUTOUBA
Dieudonné, STOKES Emma J., Conflit
homme-éléphant dans la périphérie du Parc National
de Nouabele-Ndoki au Nord Congo : Evaluation des méthodes de lutte
contre la dévastation des champs de manioc par les
éléphants dans le village Bomassa, Mars 2006, 49 p.
Le présent document est un rapport
réalisé entre mai 2004 et décembre 2005 par Prince
Ongognongo, Dieudonné Bobémela Ekoutouba et Emma J. Stokes
à Bomassa dans le département de la Sangha au nord du Congo
auprès des communautés bomassa, ngombé et
mbenzélé. L'objet de cette étude visait à apporter
des solutions durables pour limiter et empêcher les dégâts
causés ou occasionnés sur les cultures par les
éléphants pouvant contribuer à la survie de la population
de Bomassa et leur coexistence avec l'éléphant de forêt.
Pour la réalisation de cette étude, les auteurs s'étaient
fixé deux principaux objectifs, à savoir : déterminer
et quantifier l'importance des dégâts causés par les
éléphants sur les cultures vivrières notamment de
manioc et évaluer l'impact des mesures prises par le projet du parc
National pour lutter contre la destruction des cultures vivrières par
les éléphants.
Pour atteindre ces objectifs, la méthode
utilisée à consister à mettre en place deux champs
expérimentaux. Dans le premier champ, l'approche expérimentale
utilisait les piments comme approche fondamentale des mesures de contrôle
additives et multiple. En plus du champ expérimental, un champ
témoin employant ni des mesures actives ni passives était mis en
pratique afin d'évaluer le niveau de dommages des cultures sous les
conditions « traditionnelles » de protection. Ce champ
reflétait la réalité paysanne; aucune mesure de protection
n'était utilisée. Les contrôles passifs se pratiquaient sur
deux axes. Le premier était une zone tampon du côté
avoisinant la forêt et les barrières. Il y avait deux types de
barrières : tout d'abord une clôture avec deux couches de
câbles en acier et une seule couche de fil de fer barbelé. Les
boites vides remplies des pierres attachées étaient suspendues
dans les barrières (comme un moyen dissuasif audible pour les
éléphants et un signal pour prévenir les habitants du
villages). Le deuxième axe était orienté vers une bande
de piment en forme de haie mise en pratique dans le champ expérimental
à l'intérieur de la clôture, afin de fournir une
deuxième barrière de défense. Ce piment était
cultivé à partir des graines dans le but d'une
pépinière dans le village Bomassa. Les jeunes plantules
étaient transplantées en Mai 2004 dans le champ
expérimental dans une bande de 5 mètre à
l'intérieur de la clôture. Toutes les deux barrières
étaient entourées par une bande de 5m éclairé comme
zone tampon entre l'extérieur des champs et le bord de la
forêt.
Les mesures actives utilisées pour faire chasser les
éléphants étaient basées sur les briques
pimentées. Les fruits de piment eux-mêmes étaient
récoltés de la bande de piment au champ expérimental,
séchés et employés pour fabriquer les briques de piment.
Les briques étaient préparées à partir des piments
séchés mélangés aux crottes des
éléphants. Les briques étaient brûlées autour
de la zone tampon afin de produire une fumée nocive pour chasser
activement loin les éléphants dans la zone. Le manioc avait
été planté en Mai 2005 dans les deux champs
(expérimental et témoin) et la récolte s'est faite en
Décembre 2005. Les fiches de collecte de données étaient
employées dans les deux champs (expérimental et témoin)
tous les jours au travers de la phase expérimental pour suivre a)
l'étendue de dommages de manioc par les éléphants b)
l'étendue de dommage au contrôles passives, par exemple sur la
clôture et la bande de piment et les pénétrations dans la
zone tampon et c) les réaction des éléphants aux mesures
actives, par exemple la brûlage des briques des piments.
Au sortie de cette étude, les auteurs nous
démontrent après une comparaison des dégâts dans les
deux champs, que les dégâts ont commencés à
être observer à partir du mois de juin correspondant ainsi au pic
de visitations au village, mais caractéristique à partir du mois
d'août dans le champ témoin et ont augmenté jusqu'à
la dévastation totale du champ témoin au mois d'octobre par les
éléphants correspondant au pic de fréquentation des
éléphants au village. Par contre au niveau du
champ expérimental, les dégâts ont débutés en
octobre (donc, après un délai de 3 mois) période
correspondant non seulement au pic de visitation au village, mais aussi de la
dévastation totale du champ témoin. Cette destruction
était de plus de 20%, ce qui correspond à la période
où les tubercules de manioc étaient déjà
formés. Aussi, à la suite de ces pénétrations il se
dégage deux catégories des dégâts : les visites et
les attaques. Les visites correspondent aux cas où les
éléphants traversent le champ en produisant peu de
dégâts, qui peuvent être simplement le résultat du
piétinement et les attaques correspondent aux cas où la culture
est consommée.
Parmi les 28 pénétrations enregistrées
dans le champ témoin, il y a eu 21 cas d'attaques et 7 cas de visites
pendant cette étude. Par contre au niveau du champ expérimental
rien que les cas d'attaques ont été enregistrés notamment
6 entre octobre et novembre, période correspondant à la haute
visitation des éléphants au village, mais aussi
au stade ou les tubercules étaient déjà bien
formés. En plus les poteaux placés entre les arbres
étaient devenus mous, du fait de la pression des éléphants
sur la barrière physique constituée des câbles
métallique et du fait des attaques des termites. Par ailleurs, en ce qui
concerne l'efficacité de chaque mesure passive employée, la zone
tampon a vraiment jouer le rôle dissuasif, car ayant enregistrée
le plus de pénétrations des éléphants, mais
n'entraînant pas directement une pénétration. Au sujet des
deux autres mesures, il faut aussi dire qu'une résistance a
été enregistrée du côté de la barrière
physique des câbles métalliques qui était
badigeonnée de la graisse pimentée, car jusqu'au mois de
septembre, cinq mois après le mise sous terre aucune
pénétration de cette mesure n'a été
signalée. En octobre les pénétrations surgissent,
période correspondant à l'augmentation des visitations des
éléphants au village et à l'existence des tubercules dans
le champ, la barrière étant devenu souple du fait de la pression
des éléphants et des coupures du fil de fer barbelé voire
des attaques des poteaux par les termites. En ce qui concerne la
barrière de piment, les dégâts causés sur cette
barrière n'ont été que les cas de piétinement,
rarement les cas de consommations sinon qu'une seule fois dont le plant a
été consommé et rejeter par la suite et le moment des
pénétrations a correspondu au moment ou le piment était en
fin de production.
LE-DUC YENO Stéphane et al. (Avril
2004 - Septembre 2006), Agriculture et conflits hommes/faune sauvage :
synthèse de données dans le Complexe d'Aires
Protégées de Gamba, 18 p.
Le présent document est un rapport de terrain
réalisé par Stéphane Le-Duc Yeno, Simplice Mbouity,
Emmanuel Mve Mebia et Christian Mboulou Mve suite à une étude
socio-économique portant sur la problématique du conflit
homme/faune sauvage entre avril 2004 et septembre 2006 soit 2ans et 5mois. Les
objectifs poursuivis par Stéphane LE-DUC YENO et ses collaborateurs
étaient entre autres, d'évaluer l'ampleur de la
problématique « Conflit Homme/ Faune Sauvage »
qu'ils nomment dans leur document Conflit Homme/Animal, et d'aborder de
façon spécifique le cas de l'éléphant
(CHE)58(*). Pour aborder
cette étude, les auteurs ont fait usage de deux méthodes. La
première méthode a consisté à travers un ensemble
de questions posées au cours d'entretiens avec les populations,
d'obtenir des informations sur : Les activités traditionnelles
menées par l'informateur, Les activités économiques
principales (génératrices de revenus d'appoint), Les
problèmes les plus importants liés à la pratique de
l'agriculture, Les problèmes rencontrés avec les animaux sauvages
(espèces impliquées, importance des dégâts,
fréquence des dégâts, types de cultures détruites,
age des cultures détruites, qualité des cultures
détruites), les problèmes spécifiques impliquant les
éléphants (les pertes de récoltes liées aux
passages des éléphants, les systèmes de protection mis en
place pour solutionner le problème des éléphants et leur
efficacité, les autres types de dégâts occasionnés
par les éléphants, règlement des conflits).
La deuxième méthode mise en oeuvre par les
enquêteurs les a conduit à se rendre dans les plantations des
personnes prises dans les 10% de leur échantillon de départ,
ayant subis des dégâts peu de temps avant leur arrivée dans
les villages, pour y enregistrer de la façon la plus objective que
possible les dégâts constatés. Dans ces plantations, les
informations suivantes ont été collectées :
cartographie du pourtour de la plantation, dénombrement du nombre de
pieds de cultures mangées, piétinées et
déracinées, l'age et qualité des cultures
détruites, espèces incriminées, description des
systèmes de protection mis en place par l'agriculteur. Cette
étude a été menée auprès de 152 personnes
dans 30 villages situés dans ou à la périphérie du
CPG (Complexe d'Aires Protégées de Gamba). Pour chaque
localité visitée, l'échantillon représentait 10% de
la population totale du village sélectionné de façon
aléatoire.
Dans le cadre de cette étude, la trentaine de villages
retenue est répartie sur cinq départements à savoir :
le département de Ndoungou, le département de la Basse-Nyanga, le
département de Mougoutsi, le département de Douigny et le
département de Mougalaba.A l'issue de cette enquête, les auteurs
soutiennent que parmi les activités exercées par les populations
de ces villages, celle qui tend le plus vers un caractère
économique et constitue la principale source de revenus d'appoints
utiles pour subvenir à leurs besoins de base, est encore l'agriculture
dans presque tous les département. Cependant, celle-ci souffre d'un
certain nombre de problèmes. Les principaux problèmes
identifiés par les populations dans la pratique de cette activité
sont la déprédation des cultures par la faune sauvage, notamment
les éléphants et les grands primates (gorilles et
chimpanzés), la faiblesse des transport pour l'acheminement des produits
vers les grandes villes, le manque de marchés pour écouler leurs
produits et le manque d'une main d'oeuvre dû à l'exode rural
très prononcé dans la majorité des villages. Toutefois,
bien que les espèces animales souvent impliquées dans les
conflits enregistrés soient clairement identifiées par les
villageois et confirmées par les enquêteurs eux-mêmes, les
avis sur les ampleurs des dégâts ne sont pas souvent en accord
entre les villageois et les autorités de gestion des aires
protégées.
Aussi, les systèmes de protection des cultures mis en
place par les populations sont majoritairement jugés inefficaces par
elles-mêmes et un manque de communication soutenue entre ces derniers et
les autorités de gestion de la faune, des aires protégées
et des collectivités locales conduisent les populations à un
sentiment d'abandon. Ce sentiment d'impuissance amène souvent les
villageois à faire leur propre justice en organisant des battues non
autorisées par l'administration. Dans notre étude, notre
visée théorique est de parvenir à une grille de lecture de
la société gisir à travers l'examen systématique
des modes de discours, des valeurs et des comportements relatifs à
l'animal afin d'en dégager les logiques sociales et modèles
symboliques sous-jacents. Autrement dit, cette étude se propose de
montrer tout l'intérêt scientifique que présente un
traitement anthropologique des comportements anciens et contemporains
liés à l'éléphant. Parmi les auteurs
sollicités, nous avons retenu principalement les travaux de Claude
Lévi-Strauss (1962).
Cet auteur a pendant longtemps battu en brèche le
préjugé si cher aux fonctionnalistes selon lequel les
sociétés « sauvages » ne manifestent
d'intérêt pour le monde environnant qu'à proportion des
besoins qui y sont liés. Mais ce préjugé trouve son
origine dans la différence entre la conception de la nature de
l'indigène et celle de l'occidental. En effet, dans la
société gisir, un animal n'est pas vu que pour se procurer de la
viande, un animal c'est un « tout ». C'est notamment le cas
de l'éléphant qui est à la fois un guide, un protecteur
à plusieurs niveaux, un génie, un symbole de pouvoir, de
puissance et de force mais également un totem. Comme il l'indique,
« les individus eux-mêmes ont parfois le sentiment aigü du
caractère « concret » de leur savoir, et ils
l'opposent vigoureusement à celui des blancs. »59(*)En effet, l'homme blanc voit
à un animal qu'un être biologique qui suscite admiration et
curiosité et que l'on peut soumettre à une étude, etc.
mais pour l'indigène c'est un « tout ».
Dans la conception occidentale, l'éléphant par
exemple, est une source de revenu, et un produit de grande beauté, de
solidité et de prestige. Pour un touriste, qu'il soit chasseur ou
visiteur, l'éléphant est un trophée à emporter par
le fusil ou la photo, etc. Cependant dans la conception des peuples
traditionnels, l'éléphant revêt une dimension symbolique
importante. Et l'auteur illustre ce point de vue en mentionnant que
« (...), l'animal, le totem, ou son espèce, ne peut être
saisi comme entité biologique ; par son double caractère
d'organisme (...) l'animal apparaît comme un outil conceptuel aux
multiples possibilités, pour « détotaliser »
et pour « retotaliser » n'importe quel domaine situé
dans la synchronie ou la diachronie, le concret ou l'abstrait, la nature ou la
culture »60(*).
1.3. Les concepts
Dans notre travail, nous allons faire référence
à un certain nombre de concepts. Pour élucider leur
compréhension dans la perspective qui est la nôtre, il convient
au préalable de les définir. Il s'agit tout
particulièrement des concepts tels que cultures vivrières.
Selon Akoma-Odzaga Grâce (1999) « les cultures
vivrières représentent toutes les cultures comestibles mais plus
particulièrement celles à cycle long prenant plus d'un an du
semis à la récolte ». Le Grand Dictionnaire
Encyclopédique Larousse définit les cultures vivrières
comme étant les cultures principales, les cultures dont les
opérations, depuis le semis jusqu'à la récolte,
s'étalent sur une longue période, et qui occupe le sol pendant la
plus grande partie de la campagne agricole. A. Coleno (1989)61(*) précise quant à
lui que « les plantes vivrières tropicales sont très
nombreuses. Elles comprennent des céréales (mil, sorgho,
maïs, blé, riz), des oléagineuses (arachides, soja,
sésame), des tubercules (manioc, igname, patate douce, taro, macabo),
des cultures maraîchères tomate, aubergine, piment, oignon,
cucurbitacées), des légumineuses à graines
(niébé, haricot). A cela s'ajoutent bananes et plantains ainsi
qu'une foule d'autres plantes utilisées de manière traditionnelle
dans les cuisines tropicales ».
Au regard de la définition de Akoma-Odzaga Grâce
et à celle du Grand Dictionnaire Encyclopédique et aux
précisions de A. Coleno, il faut retenir que les cultures
vivrières sont des cultures comestibles de base à l'exemple de
celles citées par A. Coleno qui exigent un temps assez long de la mise
en culture jusqu'à la récolte. Parmi celles cultivées
à Mandji et qui correspondent à ces définitions, nous
retrouvons : le taro (Colocasia esculenta), la patate douce
(Ipomoea batatas), le tubercule de l'igname (Dioscorea
alata), les racines du manioc (Manihot esculenta), la banane
douce (Musa sapientum) et le plantain (Musa paradisiaca), la
canne à sucre (Saccharum officinarum), l'ananas (Ananas
sativus), etc. Et ce sont ces cultures qui constituent le point de
jonction entre les populations paysannes et les éléphants.
L'éléphant d'Afrique (Loxodonta
africana), appelé en gisir Nzahu, est de la famille des
Eléphantidés ainsi que son cousin l'éléphant d'Asie
Elephas maximus. Matschie (cité par MireilleJohnson Bawe,) avait
déterminé en 1900 deux sous-espèces de
l'éléphant d'Afrique : l'éléphant de savane
(Loxodonta africana africana) et l'éléphant de
forêt (Loxodonta africana cyclotis). Seulement avec
l'évolution des techniques de recherche en biologie moléculaire,
plusieurs controverses sont apparues récemment au sujet du statut
taxinomique de l'éléphant de forêt que l'on retrouve au
Gabon, faisant de cette sous-espèce au départ une espèce
à part entière. De récentes études morphologiques
et génétiques ont divisées l'éléphant
d'Afrique en deux espèces différentes que sont Loxodonta
africana, l'éléphant de savane, et Loxodonta
cyclotis, éléphant de forêt.
D'autres, par contre, ont suggéré une
affiliation plus complexe, sans distinction précise entre les deux types
d'éléphants et démontrent l'existence de trois grands
groupes : les éléphants de forêt d'Afrique centrale,
les éléphants de forêt et de savane d'Afrique de l'ouest et
les éléphants de savane d'Afrique centrale, de l'est et du sud.
L'éléphant de forêt se distingue morphologiquement de
l'éléphant de savane par sa taille, ses oreilles arrondies
contrairement à ceux de l'éléphant de savane qui ont la
forme de la carte d'Afrique et ses défenses pointées vers le sol.
L'éléphant des savanes est plus grand que celui des
forêts. Il a le poil plus rare, des oreilles plus triangulaires et des
grosses défenses courbées vers le haut comparées à
celles de l'éléphant des forêts qui sont minces et pointent
vers le bas. Chez l'adulte, la hauteur au garrot varie de 2,5 mètres
à 4 mètres pour un poids de 2 à 5 tonnes
(Marchand, 1999). De couleur gris-claire à gris
foncée, son corps glabre est revêtu d'une peau épaisse et
plissée et est très peu poilu, mais sa queue se termine par une
touffe de poils raides. Les pattes robustes, massives et verticales reposent
sur des pieds dont le talon est recouvert d'un tissu élastique qui
amortit le choc des pattes. Au niveau des pattes, apparaissent deux à
cinq doigts portant chacun un ongle en forme de sabot. Les
éléphants sont dépourvus de glandes sudoripares, les
oreilles jouent ainsi un rôle important dans la ventilation de
l'organisme. La trompe, résultant de la fusion du nez et la lèvre
supérieure, est très musculeuse et dépourvue de structure
osseuse. A son extrémité débouchent les narines. La trompe
se termine par deux lobes opposés à l'aspect de doigts. Les
ivoires sont au nombre de deux correspondant aux incisives supérieures,
recourbées vers le haut et plus développées chez le
mâle ; elles sont disposées de part et d'autre de la trompe.
1.4. Pré-enquête
Pour s'assurer que les questions soient appropriées au
sujet de recherche et bien comprises de tous les participants, que les
réponses correspondent bien aux informations recherchées et
soient utilisables, une série de trois tests préalables a
été organisée. Cette série de tests a
été rendue possible à partir d'un canevas d'enquête
constitué d'un guide d'entretien préliminaire dont les questions
principales ont porté sur les points suivants : les causes de la
déprédation des cultures par les animaux sauvages, les moyens et
les techniques de protection des cultures et sur l'importance de
l'éléphant. Sur ces questions principales, nous en avons
greffé certaines d'autres qui étaient axées sur la
périodicité des incursions et celle de la catégorie et de
la maturité des cultures détruites et puis sur les
conséquences des dégâts.
Ces questions, nous les avons testé à Mandji en
décembre 2006 pendant nos vacances de fin d'année auprès
de deux agricultrices et de deux hommes dont un agriculteur et un agent des
eaux et forêts. Dans la même période, avant de nous rendre
à Mandji, nous les avons également testées auprès
de deux chercheurs dont l'un de l'IRET (Institut de Recherche en Ecologie
Tropicale) et l'autre du WCS. En ce qui concerne les deux chercheurs, le
pré-test a porté davantage sur la façon de mener
l'entrevue que sur les questions elles-mêmes. A l'issue de ces
pré-tests, certains ajustements de l'outil de collecte ont permis de
formuler la version définitive du guide d'entretien.
Cette pré-enquête nous a permis d'étendre
notre questionnaire sur d'autres aspects qui avait été
négligés. A la question relative aux conséquences de la
déprédation des cultures vivrières par les
éléphants, nous avons adjoint celle du coût de la
production agricole celle des attitudes des populations vis-à-vis des
éléphants et celle du règlement du conflit. Sur la
question qui concerne les causes, nous avons ajouté celle relative aux
paramètres environnementaux et aux essences forestières
exploitées par les chantiers forestiers dont les fruits sont
consommés par les éléphants et puis celle afférente
à la distance entre les champs et les villages. Et enfin, nous avons
introduit la question de la périodicité des activités
agricoles.
1.5. Enquête documentaire
Les ouvrages que nous utilisons dans ce travail, nous ont
été fournis par des centres de documentation et de recherche
suivants : LABAN (Le Laboratoire d'Anthropologie), La bibliothèque
du département d'anthropologie ; de linguistique et de
Géographie, l'IRSH (Institut de Recherche en Sciences Humaines), La
bibliothèque universitaire (BU), Le centre culturel français
Saint Exupery (CCF), La bibliothèque de l'Ecole Nationale des Eaux et
Forêt (ENEF), La bibliothèque de l'Institut Gabonais d'Appui au
Développement (IGAD),
Mais également dans certaines institutions publiques et
privées telles que le Ministère de l'Economie Forestière,
le WWF, le WCS, le cantonnement des Eaux et Forêt de Mandji, le
WWF-Mandji. Mais mentionnons également Internet qui nous a
procuré bon nombre de sources et d'autres proviennent de notre
bibliothèque personnelle.
1.6. Observations directes et guide d'entretien
Les instruments que nous avons mis à profit pour
récolter les données sont l'observation directe et le guide
d'entretien. L'observation directe à consister à nous rendre sur
les lieux des dégâts en compagnie des propriétaires des
plantations dévastées avant et pendant notre séjour pour
enregistrer les dégâts constatés. Au cours de ces visites,
des informations suivantes ont été collectées :
nature et structure des éléphants, nature des cultures
consommées, piétinées ou déracinées,
l'âge des cultures détruites, les signes de reconnaissance des
espèces responsables, les paramètres environnementaux, la
description du système de protection mis en place, la photographie des
espaces détruits et des dommages sur le système de protection.
Le guide d'entretien quant à lui a été
divisé en deux parties pour répondre à nos
différentes hypothèses. La première, subdivisée en
huit parties a été destinée aux populations locales. La
deuxième qui compte deux sous-parties dont la première
sous-partie comprend trois parties est réservée aux agents des
Eaux et Forêts locaux et la deuxième sous-partie qui compte quatre
parties est destinée aux agents des Eaux et Forêts centraux et aux
gestionnaires des sociétés de conservation. Les entretiens ont
été enregistrés sur cassette stéréo pour
pouvoir conserver et réutiliser les données collectées.
1.7. Caractéristiques du milieu
d'enquête
1.7.1. Caractéristiques abiotiques
· Le relief
Le relief est caractérisé en grande partie par
les plaines. Selon Paul Marie Louga (1999), dans la région de Mandji,
les plaines sont celles dites de niveau de base. Ce sont les zones où se
sont établis les hommes en raison des facilités de communication.
Dans ces milieux, les distances ne constituent pas un obstacle majeur. Elles
correspondent à la plaine côtière, zones plates et
uniformes, constituées par les cours d'eau débouchant à la
mer. On la rencontre aussi à l'intérieur du continent ou elle
forme la plaine continentale ou plaine de Tchibanga-Mandji62(*). Au nombre des plaines, Mandji
en compte principalement deux plaines : la plaine de Tchibanga-Mandji et
la plaine côtière. La plaine de Tchibanga-Mandji s'étend
sur 60km environ. Elle est localisée à l'ouest et à l'est
par le Mayombe et les monts Ikoundou et au nord au contact du massif de
Koumounabouali63(*). Quant
à la plaine côtière, elle se loge entre le Mayombe à
l'est et le littoral à l'ouest. Etroite dans sa partie sud, ce n'est
qu'au nord de la virgation « mayombienne » qu'elle
connaît sa plus grande extension, soit une moyenne de 40 km
environ64(*). Louga Paul
Marie (1999) mentionn que les parties les plus hautes se situent au voisinage
du massif Moukoumounabouali dont les points culminants dans la zone de Mandji
sont le Mont Diebou (376 m), le Mont Igoumbi (400 m) et le Mont Divana (360 m).
· La pédologie
Les études pédologiques effectuées dans
la zone de Mandji montrent que cette zone comporte des sols peu
évolués, podzoliques et des sols ferrallitiques et
hydromorphes65(*). Les
sols peu évolués sont rencontrés uniquement en savane. Ils
sont formés de gravillons ferrugineux libres, les uns par rapport aux
autres, et d'un niveau induré constitué de blocs de cuirasses.
Les sols de type podzoliques sont localisés sur les roches
sédimentaires des plaines mal drainées et riches en sable. Ils
sont repartis en deux sous-groupes : les sols podzoliques à
pseudo-gley de la plaine schisto-calcaire et les pseudo-sols de nappe. Les sols
ferrallitiques sont des sols climaciques. On en distingue plusieurs types
dont : le groupe des sols ferrallitiques appauvris, le groupe des sols
ferrallitiques typiques, le groupe des sols remaniés et le groupe de
sols ferrallitiques peu évolués. Quant aux sols hydromorphes, ils
sont caractérisés par des phénomènes de
réduction d'oxydes de fer. Ils sont généralement
asphyxiants, plus favorables à l'action biologique. Ils se repartissent
selon les catégories suivantes : les sols hydromorphes organiques
tourbeux oligotrophes, les sols hydromorphes minéraux à gley de
profondeur des franges, et les sols peu humifères à pseudo-gley.
C'est dans les zones proches ou freinées par les eaux où l'on
rencontre un mélange de sols argileux et argilo-sableux très
fertiles à la culture de la banane plantin66(*). En milieu de forêt, on
trouve des sols rouges, mélange riche en argile et en alumine de fer.
· Le climat
Mandji est couvert par un climat équatorial dit de
transition. Il se caractérise par une grande saison sèche qui
dure en moyenne quatre mois (juin-octobre) et par la réduction à
une simple récession des précipitations de la petite saison
sèche entre février et mars. Les températures moyennes
sont de l'ordre de 26° et les précipitations quant à elles,
ne sont jamais inférieures à 1800 mm/an67(*). Ces pluies se
répartissent en deux saisons pluvieuses. La première
s'étend d'octobre à décembre et la seconde de mars
à mai. Selon Georges Thierry Mangama (2002), les maxima ont lieu
pendant la saison des pluies alors que les minima sont enregistrés
durant les périodes sèches.
· Hydrographie
La région de Mandji est dominée par une gamme
variée d'organismes hydrographiques regroupés en réseau de
rivières, de lacs, d'étangs, de marécages et en
réseau de salines. Ce réseau hydrographique est marqué par
les périodes de crues et d'étiages. Il existe deux
périodes de crues : de novembre en décembre, ensuite de mars
en mai. Les périodes d'étiages s'étendent de juin à
septembre et de janvier à février. Pendant la grande saison
sèche (juin-septembre), les cours d'eau sont alimentés par les
nappes d'eau alluviales et souterraines, tandis que les pertes par
évaporation diminuent sensiblement du fait des températures
relativement basses. Comme l'illustre notre carte n°2, parmi les
rivières qui forment le réseau hydrographique de Mandji, le
bassin de la Doubigui est le plus important. C'est une rivière
située sur la rive gauche de la Ngounié. Cette rivière a
un bassin-versant de 1221km² et 76km environ de longueur. Elle prend ses
sources à 360m dans les monts Ikoundou et à 620m dans le
Mayombe68(*). La Doubigui
compte de nombreux affluents dont la plupart sont situés sur la rive
gauche. Il s'agit de l'Ougomzi, de la Mouréri et de la Moufoubou.
Sur la rive droite, se trouve l'affluent le plus important, la
Doubandji. Hormis la Doubigui, nous avons également le Rembo-Nkomi dont
le bassin-versant est estimé à 11.940km² environ69(*). Le Rembo-Nkomi comporte de
nombreux affluents. Parmi ces affluents, les plus importants situés dans
notre zone d'étude sont : la Doubanga ou l'Obangué et la Mbari.
La Doubanga couvre un bassin-versant de 2340km² et long de 178km
environ70(*). La Doubanga
est également équipée de plusieurs affluents parmi
lesquels : la Moufoubou et la Nimbi. La Moufoubou a pour principaux
affluents : la Migoumbi, la Moamba, la Niamaldibimou, la Doubayi et la
Dikaki. La Nimbi est un cours d'eau typique du bassin côtier. Elle a pour
principaux affluent à la rive gauche : la Bilima, frontière
semble-t-il naturelle avec les provinces de l'Ogooué-Maritime au
nord-ouest et du Moyen-Ogoué au nord. La Mbari est l'affluent le plus
méridional du Rembo-Nkomi ; elle sert également de
frontière naturelle avec la province de l'Ogooué-Maritime. La
région de Mandji compte de nombreux lacs dont les plus importants sont
les lacs Goumba et Pandanu. Le réseau d'étangs est formé
par l'ensemble des dolines fermées ou à exutoires temporels de la
plaine de Tchibanga-mandji. Elles correspondent à des étendues
d'eau qui pour la plupart d'entre elles s'assèchent entre mai et
octobre, en raison du déficit pluviométrique qui règne
dans la région au cours de ce laps de temps. Outre ces réseaux
d'eau, on rencontre également des nombreux marécages et salines
riches en sels minéraux très prisés par la faune sauvage
notamment les éléphants.
1.7.2. Caractéristiques biotiques
· La végétation
Selon Georges Thierry Mangama (2002), Mandji est une zone
couverte par la végétation du type équatoriale dans
laquelle il est possible de reconnaître la forêt ombrophile et la
savane. La végétation de forêt est pour l'essentiel
ligneuse. Elle se caractérise par :
· la forêt du bassin sédimentaire
côtier se localisant dans les plaines côtières et du
synclinal de la Nyanga. On y trouve des espèces telles que l'Ozouga,
l'Oken, l'Angoa, l'Ozigo, l'Okoumé, etc.;
· la forêt de montagnes qui se rencontre dans le
Mayombe et les monts Ikoundou ;
· la forêt secondaire qui est une
conséquence des activités humaines, formée en
général de : des graminées, des fougères, des
grandes plantes herbacées et des arbres à croissance rapide tels
que le Parassolier et l'Okoumé. Du fait de son omniprésence, la
forêt est la principale formation végétale même si,
elle est interrompue à certains endroits par la savane.
La savane désigne un type de végétation
caractérisée par une couche herbeuse parsemée de plantes
ligneuses en proportion variable. Les savanes rencontrées dans la zone
de Mandji, s'étendent des plaines côtières de Tchibanga
jusqu'à Mandji. On en dénombre essentiellement deux types de
savanes à savoir les savanes continentales et les savanes du basin
sédimentaire côtier. Les savanes rencontrées à
Mandji sont des savanes humides, herbacées et arbustives,
entrecoupées parfois de bosquets de fougères et de forêts
galeries le long des petits ruisseaux qui les abordent ou les traversent. Selon
Paul Marie Louga71(*),
« ces aires écologiques constituent un atout indéniable
à l'agriculture ».
· La faune
Mandji est une région est très riche en faune
sauvage, avec des espèces animales diversifiées. On peut
citer : Les buffles (Syncerus cafer Nanus), les Cobes defassa
(Kobus ellipsiprymnus) les éléphants (Loxodonta
africana), les panthères (Panthera leo). Cette zone
comprend également des grands singes dont les gorilles (Gorilla
gorilla), les Cercopithèques de Brazza (Cercopithecus
neglectus), Les chimpanzé(Pan troglodites) et de
nombreuses espèces de colobinae et de cercopithèques dont le
Cercocèbe à collier (Cercocebus torquatus), des
Ecureuils (Xerus rutilus), des Porc-épic (Hystrix
cristata), des Aulacodes (Tryonomis swinderianus), des
Céphalophes bleus (Cephalophus monticola), des Civettes
(Viverra civetta), des Pangolins (Manis sp.), etc. Les points
d'eau sont les refuges des aigles pêcheurs (Halieutus vocifer)
et des Dendrocygnes veufs (Dendrocygna viduata) alors que la
forêt regorge de Touraco-géants (Corithaeola cristata) et
de plusieurs espèces de Calaos. On y trouve aussi des Eperviers
(Accipiter). Les reptiles caractéristiques de la région
sont : les crocodiles (crocodile à museau court ;
Osteolaemus tetraspis et le crocodile nain ; Crocodilus
niloticus), le python de seba (Python sebae) et la vipère
du Gabon (Bithis gabonica).
1.7.3. Présentation de la CFAD de Mandji
La Compagnie des Bois du Gabon (CBG) détient une
Concession Forestière sous Aménagement Durable (CFAD) de 350000
hectares, créée le 1er avril 1998 avec un capital de 600.000.000
FCFA, appelé « CFAD de Mandji », dans la
périphérie Nord-Est du Complexe d'Aires protégées
de Gamba, au Nord du Parc National de Moukalaba-Doudou72(*). En plus de La CFAD de Mandji,
la CBG détient également une autre CFAD de 190000ha à
Mayumba, au sud du Complexe d'Aires Protégées de Gamba. Celle de
Mandji comprend deux UFA (Unité Forestière d'Aménagement)
dont celle de Rabi avec 185.700 hectares et celle de Mandji
évalué à 166.400 hectares. Le plan d'aménagement de
la société a été agréé par le
Ministre de l'Economie Forestière en décembre 2004 et il est mis
en oeuvre depuis janvier 2005. Comme le montre notre carte n°3, la
Concession Forestière sous Aménagement Durable (CFAD) de la
Compagnie des Bois du Gabon (CBG), se trouve dans le paysage de
l'écorégion de Gamba-Mayumba-Conkouati, plus
précisément à la périphérie nord-est du
CAPG dans le département de Ndolou (Province de la Ngounié),
au sud de la ville de Mandji. Dans les 350000 hectares que couvre cette CFAD
dite de Mandji, se trouvent logés à l'intérieur, les
villages Massana, Yeno, Petit village, Carrefour Rabi et la ville de Mandji
puis, le village Peny1 qui se trouve également à
l'intérieur du Parc National de Moukalaba-Doudou.
Carte 2 : Localisation de la CFAD de Mandji de la
CBG et des concessions forestières
Carte 3 : Réseau hydrographique
1.7.4. Les aires
protégées
Le Complexe d'Aires Protégées de Gamba (CAPG)
est situé dans l'écorégion des forêts
côtières du bassin du Congo. Il est composé de deux (2)
Parcs Nationaux à savoir le Parc National de Loango (153. 581 ha)
et le Parc National de Moukalaba-Doudou (502. 805 ha) situé
à une quarantaine de kilomètres de Mandji, entre lesquels
existent un ensemble de Domaines de Chasse : Ngowé-Ndogo (250.000
ha), Moukalaba (20.000 ha), Setté-Cama (200.000 ha) et Iguéla
(180.000 ha) et la Réserve de Faune des Plaines Ouanga d'une superficie
totale de 11320 km². Situé au Sud-Ouest du Gabon, avec environ 200
km de côte et une superficie d'environ 12.000km², le CAPG
bénéficie d'un climat équatorial chaud et humide. Ses
formes de relief datent du quaternaire et il comprend deux types
caractéristiques de sol : les sols du bassin sédimentaire
côtier et les sols sur socle cristallin (sols pour la plus part
hydromorphes et ferrallitiques) Le réseau hydrographique du bassin
sédimentaire se caractérise par les bassins du fleuve Nyanga
(22500km²), de la lagune Ndogo (733 km²) et de la lagune Ngové
(729 km²).
Carte 4 : Localisation du CAPG par rapport
à Mandji
1.7.5. Le milieu agricole
Dans notre zone d'étude, les sites agricoles sont au
nombre de neuf (09) comme le montre le schéma n°1 de la ville de
Mandji. Nous avons : Luba, Muvemba, Dubandji, Tamba, Muyamba,
Muréri, Douengi, l'Ovingi et « Yeno ». Les sept
premiers sont des sites constitués en grande partie de forêts
secondaires appelées en gisir mayingi. Ce sont des sites
agricoles où les règles de la gestion foncière sont
très strictes et prononcées. Muréri et Douengi sont
situés à une trentaine voire une vingtaine de minutes de marche
de la ville de Mandji selon les lieux d'habitation. Ce sont les sites où
sont cultivés le maïs et l'arachide et où sont
implantés les jardins (mifunda). Sur ces sites, nous retrouvons
les types de champs appelés mufunda73(*), didyènda74(*)et kangui-gibuga75(*). Par contre Muvemba,
Dubandji, Tamba, Muyamba, sont situés à environs une heure et
demie voire deux heures de marche de la ville. C'est sur ces sites que sont
cultivés les arachides, la canne à sucre, le manioc, les ananas,
le maïs et la banane. Mais du fait de l'épuisement du sol du
à plusieurs années de culture, la banane y est cultivée
très rarement ou en petite quantité.
La banane est du domaine des deux derniers sites
constitués en grande partie des forêts primaires appelées
en langue gisir ngunda. Luba, pour sa part est le site qui semble le
plus proche de Mandji. Il est constitué des forêts secondaires et
des forêts primaires. A l'entrée du site, on y trouve des jardins
et les champs d'arachide et de maïs, suivi de ceux de cannes à
sucre. Au fur et à mesure que l'on s'avance, on y rencontre des
forêts secondaires puis des forêts primaires. Mais ce site du fait
de son relief car situé sur une montagne n'est pas très
sollicité par les populations à l'exception de celles qui
détiennent des forêts secondaires. Cependant, les sites
traditionnels du fait de plusieurs années de culture, ne sont plus
fertiles. La production agricole devenant faible, les femmes sont
obligées de se rabattre à l'Ovingi ou sur la route de Yeno
où les forêts primaires sont encore abondantes. Mais le
déplacement pour se rendre à ces sites est assez pénible
et coûteux. Ce sont des sites dont la distance est assez longue. Les
femmes pour s'y rendre, empruntent des voitures des privées ou celles de
la CBG. Quant à la déprédation des cultures, aucun site
agricole n'est épargné.
1.8. La collecte
Notre échantillon d'étude a été
composé de vingt quatre (24) personnes dont douze (12) femmes et douze
(12) hommes que nous avons rencontrés à Mandji. Les participants
à l'étude ont été sélectionnés parmi
les hommes et les femmes pratiquant l'agriculture, vivant à Mandji et
partageant le même contexte socioculturel mais également, majeurs
et volontaires dont l'age variait entre 34 et 90ans. Parmi les douze (12)
femmes, six(6) sont initiées et parmi les douze (12) hommes, on compte
également trois (3) initiés et trois (3) chasseurs puis trois (3)
administratifs dont le Préfet du Département de Ndolou-Mandji et
deux (2) agents du Cantonnement des Eaux et Forêts de Mandji.
Le nombre d'informateurs a été
déterminé selon les moyens dont nous disposons, le
caractère volontaire de la participation, l'intérêt et la
disponibilité réels des enquêtés à fournir
des informations pertinentes et la gestion des rencontres dans les
différents quartiers de notre site de recherche. Toutefois, nous avons
sollicité l'aide de certaines personnes dont l'infirmière major
du centre médical de Mandji pour obtenir les données sur les
personnes victimes des dégâts corporels et des décès
issus des confrontations avec la faune sauvage et des amis étudiants
originaires de la contrée. L'aide de ces derniers consistait à
agir comme intermédiaire en expliquant le bien-fondé de
l'étude à leurs parents chez qui, nous nous présentions
avec quelques présents. Aussi, très utile a été
l'apport de notre père. En effet, le sujet de la
déprédation des cultures vivrières par les
éléphants est un sujet très sensible qui suscite chez
certains la passion et des suspicions et en même temps qui fâche.
Pour y arriver, après avoir localisé nos potentiels informateurs,
nous nous rapprochons de notre père pour avoir des informations sur eux
et pour qu'il nous explique les liens de parenté qui nous lient. Et
généralement, c'est au nom de ces liens de parenté que
nous nous rapproché de certains d'entre eux. Comme l'indique notre plan
de la ville de Mandji, les différents informateurs retenus dans cette
étude ont été abordés dans les quartiers
suivants : Sangala, Guignounga, Château, Digouema, Siévanou,
Guikolou, Plein-air, Cité Mpira et Miguebi.
Sur le terrain, la démarche retenue a été
l'entretien semi directif qui a consisté à recueillir des
données sur les opinions liées aux causes des incursions des
éléphants dans les champs, sur les conséquences et
l'ampleur des dégâts et sur la perception et la signification de
l'éléphant dans la société gisir mais
également sur les moyens et les techniques de protection des cultures.
Nous avons commencé notre travail de terrain de manière
informelle en décembre 2006 à Mandji, lors de nos vacances de fin
d'année. C'est pendant cette période que nous avons
commencé à apprendre attache avec nos informateurs et discuter
avec les agents du cantonnement des Eaux et Forêts pour avoir une
idée de l'ampleur du problème. C'est à partir du 28 avril
2007 que nous avons entamé notre travail de terrain à Mandji. Ce
travail s'est déroulé en deux phases. La première s'est
effectuée du 28 avril au 10 mai 2007 et la seconde du 01 août au
03 septembre. Nous précisons que les numéros suivants renvoient
aux lieux de localisation des informateurs sur le schéma.
1. Notre premier informateur est le
Préfet de Mandji, Monsieur Léonce
Iwangou. C'est au cours de la visite que nous lui avons rendu le
30 avril 2007 pour signaler notre présence dans la localité dont
il a la charge de diriger que nous avons négocié un rendez-vous
auprès de lui. Rendez-vous qu'il nous accordé le 03 mai 2007
à son bureau. Au cours de cet entretien, nous avons abordé les
questions relatives aux causes et aux conséquences de la
déprédation des cultures vivrières des populations par les
éléphants, puis celles liées à la gestion de ce
problème suite aux plaintes des populations. Cet entretien a duré
32mn.
2. Le deuxième informateur a
été Madame Kassou Charlotte du clan
Bumbadinga, résidant au quartier Château. Né en 1955, elle
est divorcée et mère de neuf enfants. Actuellement elle fait ses
plantations sur l'axe Mandji-Yeno. Elle compte à son actif trois
plantations dévastées. Madame Kassou Charlotte est non seulement
membre de la même église que celle à laquelle appartient
notre mère mais encore, elle faisait ses plantations dans le même
secteur que notre mère. C'est donc notre mère qui nous avait pris
rendez-vous auprès d'elle lors du culte du dimanche 29 avril 2007. Nous
considérant comme son fils, c'est dans l'après-midi du 04 mai
2007 qu'elle nous reçu sans aucune exigence. Notre entretien a
porté sur la faune sauvage et cultures vivrières, sur les causes,
l'ampleur des dégâts et sur les techniques de protection. Notre
entretien a duré 57mn.
3. Notre troisième informateur fut Monsieur
Jules Olago. Agé de 29 ans, il est le chef
adjoint du Cantonnement des Eaux et Forêts de Mandji. Il est l'un des
informateurs que nous avons rencontré lors de notre
pré-enquête en décembre 2007. Une fois arrivé
à Mandji, il a été l'une des premières personnes
que nous avons rencontrées. A la suite de cette rencontre, nous avons
pris rendez-vous pour le mardi 02 mai 2007. Malheureusement, il n'avait pu nous
recevoir. Mais le lendemain, il nous a personnellement appelé au
téléphone pour nous dire qu'il nous recevait vendredi dans
l'après-midi. Cet après-midi, nous nous sommes longuement
entretenus pendant 1h 40 sur la gestion de la déprédation des
cultures par les animaux sauvages, l'évaluation et l'ampleur des
dégâts, les sentiments des populations vis-à-vis des
éléphants et les battues administratives. C'est au cours de cet
entretien qu'il nous a fourni des données sur les plaintes
déposées par les populations à leur service. Le lendemain
matin, il nous avait gentiment invité à son domicile où
nous avons partagé avec lui un petit-déjeuner. Après ce
petit-déjeuner, nous nous sommes rendus à son bureau où
nous avons entamé la suite de l'entretien. Cette deuxième phase
qui avait commencée à 10h, avait porté sur les origines
des incursions des éléphants et les solutions au problème
et s'était terminée à 11h30.
4. Notre quatrième informateur est
Mawouiri Perrine. Mawouiri Perrine, âgée
de 53 ans du clan Mombi est notre tante. C'est donc sans aucun problème
que nous nous sommes entretenu avec elle pendant 27mn, le Samedi 05 mai 2007
après avoir pris attache avec elle à la veille. Initiée au
rite traditionnel Ngirina, notre entrevue a porté sur la conception de
l'éléphant dans les rites féminins et sur la
périodicité des activités agricoles et celles liées
à la maturation des cultures.
5. Notre cinquième entretien s'est
déroulé le 05 mai 2007 avec Madame Germaine
Bibalou du clan Bumedi de 15h 43 à 16h 19. Elle
est née en 1945 et réside au quartier Nguignounga. Mère
d'une nombreuse famille à laquelle nous appartenons, Germaine Bibalou a
11 personnes à sa charge. Ces dernières années, elle fait
ses plantations à 17kms de Mandji sur la route de Yeno après
avoir déserté le secteur de l'Ovigui où elle a eu cinq de
ses plantations dévastées par les éléphants. C'est
avec beaucoup d'enthousiasme qu'elle nous a accordé du temps
étant donné qu'il s'agissait d'un travail qui se rapportait
à notre scolarité. Cet entretien qui a duré 36mn, a
été axé sur l'organisation et la périodicité
du travail agricole et sur des dégâts causés aux cultures
puis les paramètres environnementaux.
6. Notre sixième informateur est
Marie Augustine Moumbangou dont nous sommes un ami
d'enfance de ses enfants. Mère d'une nombreuse famille, elle est
mariée et âgée de 54 ans. A son actif, elle a 18 personnes
en charge actuellement à Mandji. Du clan Bundombi, Marie Augustine
Moumbangou fait ses plantations à Tamba et sur la route de Yeno-Mandji.
Cette dame que nous appelons affectueusement maman Marie est aussi une amie de
notre mère. Au regard des liens d'amitié qu'elle entretien avec
notre mère et à ceux qui nous lient à ses enfants, nous
n'avons pris aucun rendez-vous pour qu'elle nous reçoive. Arrivé
chez elle le lundi 07 mai 2007 à 13h avec l'intention d'obtenir un
rendez-vous après lui avoir expliqué l'objet de notre visite chez
elle, elle nous a immédiatement reçu dans les trente minutes qui
suivaient. Elle nous a pendant longtemps entretenu sur les moyens et les
techniques de protection des cultures contre les éléphants, la
faune sauvage et cultures vivrières, l'évaluation et les revenus
agricoles, l'ampleur des dégâts et sur la
périodicité agricole et celle des dégâts. Cette
entrevue qui avait commencé à 13h30 s'était achevée
à 15h.
7. Le septième entretien a eu lieu le
07 mai 2007 avec notre grand-père Mayaouri
Robert. Né en 1953, il a deux femmes et 12 enfants.
Initié au bwiti ndéya, ses champs sont situés à
Tamba et sur la route Mandji-Yeno. Dès notre arrivé, nous sommes
rapproché de lui le samedi 05 mai 2007 pour lui dire que nous
désirons nous entretenir avec lui. Ayant pris part à une
veillée de bwiti ce samedi, il nous avait donné rendez-vous le
Lundi 07 mai 2007 à son domicile. Dans le souci de respecter le
rendez-vous, nous nous étions rendu à son domicile le matin
à 9h. Mais il n'a pu nous recevoir dans la matinée et il nous a
demandé de revenir à midi. Il nous avait finalement reçu
de16h à 17h17 en présence de l'une des ses femmes et de sa petite
soeur. Il nous a entretenu sur les causes des incursions des
éléphants et sur le comportement alimentaire des
éléphants. Pendant cet entretien, étant leur petit-fils,
sa petite soeur et lui me faisaient de temps en temps des plaisanteries. Ce qui
d'ailleurs détendait l'atmosphère. A la fin de l'entretien, nous
l'avons remis symboliquement une somme de cinq cent francs pour prendre un
verre.
8. Le lundi 07 mai 2007, nous avons
également rencontré notre huitième informateur. Il
s'agissait de Koumba Elisabeth. Cette dame veuve du clan
Buviligambu est née vers 1938. Avec elle également, les relations
ont été très détendues car cette dame est la veuve
du grand frère de notre père. Après avoir pris attache
avec elle trois jours auparavant dans une ambiance de retrouvaille familiale,
nous nous entretenus ce lundi de 18h à 18h30. L'entrevue avait
porté sur l'organisation agricole et sur les paramètres
environnementaux. A la fin de l'entrevue, elle nous a invité à
partager un repas.
9. Notre neuvième informateur
répond au nom de Mboula Yakouya Adolphe du clan Bubuka.
Marié et père de cinq enfants, Mboula est âgé de 48
ans. Il est originaire du village Massana et maître du bwiti
ndéya. Signalons que ce père de famille est notre grand
père. C'est lors d'une visite qu'il avait rendu à ma
grand-mère qui fut sa grande soeur que nous avons pris attache avec lui.
Après lui avoir expliqué l'objet de notre étude, il nous a
remis son numéro de téléphone afin de le prévenir
du jour et de l'heure à laquelle nous aimerions le rencontrer. Ce fut
finalement le 08 mai 2007 que nous nous sommes entretenus à son
domicile. Fort de ses connaissances du monde en tant que maître du bwiti,
notre entretien s'était orienté sur les questions liées
à la conception de l'éléphant chez le gisir, les moyens et
les techniques endogènes de protection des champs et sur les causes de
la déprédation des cultures par les éléphants. A la
fin de l'entretien, nous lui avons offert une canette de coca. L'entretien qui
avait débuté à 12h10, s'était terminé
à 12h50.
10. Mougala Jean Robert du clan Bupeti est
notre dixième informateur. Ce gisir de 53 ans est célibataire
sans enfant et réside au quartier Château. Ancien chauffeur, Jean
Robert Mougala est aujourd'hui sans activité
rémunéré et pour satisfaire à ses besoins, il
travaille comme bon nombre de personnes à surveiller les champs dans un
campement situé à 17 Kms de Mandji. C'est lors de nos visites
dans les champs en compagnie de notre père dont il est le
beau-père, que nous lui avons rencontré dans la matinée du
08 mai 2007. Témoin des maraudes des éléphants dans les
champs, notre entretien avait porté sur les paramètres
environnementaux, les moyens et les techniques de protection et sur la
périodicité des dégâts et le comportement des
éléphants dans les champs. Et pour le contenter, nous lui avons
offert un paquet de sucre et une boite de café. Cet entretien avait
duré 34mn.
11. Notre onzième informateur est
Nguindendi Jean Baptiste du clan Bundombi. Ancien chasseur
d'éléphant, il est âgé de 75ans et père d'une
nombreuse famille. A Mandji, il réside au village Gikolou mais c'est sur
la route de Yeno à 17 kms de Mandji que nous l'avons rencontré le
08 mai 2007 dans un campement dénommé Munu Guku, lors de nos
visites de terrain pour s'enquérir de l'ampleur des dégâts
dans les plantations. Tout comme notre dixième informateur, nous nous
sommes entretenu pendant 50mn sur les paramètres environnementaux, les
moyens et les techniques de protection et sur la périodicité des
dégâts et le comportement des éléphants dans les
champs. Afin de le contenter, nous lui avons offert une boîte de
café et un paquet de sucre, plus une petite somme de deux mille francs
donné par note père.
12. Notre douzième entretien s'est
effectué avec Boulikou Albert du clan Bumombu à
son domicile au quartier Siévanou le 09 août 2007. Né en
1926, Albert Boulikou est marié et père d'une nombreuse famille.
Il fut un grand chasseur d'éléphant de renon. Albert Boulikou est
le neveu de notre grand père dont nous portons le nom et par
référence à notre grand père, il
préfère nous appeler oncle. C'est donc dans un cadre familial que
nous nous sommes rapprochés de lui. Dès notre arrivé
à Mandji, nous sommes allé lui rendre une visite familiale.
Visite au cours de laquelle nous lui avons manifesté le désir de
discuter avec lui sur certains sujets liés à notre tradition. Le
08 août 2007, de retour des visites que nous avons effectuées dans
les champs, nous l'avons rendu une visite. Et c'est au cours de cette visite
que nous lui avons demandé s'il pouvait nous accordé un peu de
temps le lendemain pour évoquer le problème de la destruction des
cultures par les éléphants. Sans hésiter, il nous a
accordé ce rendez-vous. Le lendemain matin à 10h, muni d'un
sachet contenant une brique de vin rouge et un paquet de sucre destinés
à le remercier, nous nous sommes présenté à lui
où il nous avait reçu en présence de sa femme. L'entrevue
qui s'était déroulé de 10h 30 à 11h 50, avait
porté sur les conceptions et les attitudes des gisir vis-à-vis
de l'éléphant, les moyens et les techniques endogènes de
protection des cultures, la chasse à l'éléphant et sur les
paramètres environnementaux.
13. Le treizième entretien est celui
que nous avons réalisé avec Kabou Mbemeni Jean Pierre
du clan Bubuka le 09 août 2007. Né en
1948, il est marié et père de huit enfants. Kabou Mbemeni Jean
Pierre réside quartier Château à proximité du
terrain de notre grand père feu Mavioga Jean Pierre dont il est le
neveu. C'est le samedi 05 mai 2007, après une visite familiale de
routine que nous avions pris rendez-vous avec lui pour le Lundi 07 août
2007 à 10h. Malheureusement ce jour il n'a pu nous recevoir, il
était sorti, nous avait confié sa femme qui nous a demandé
de repasser dans la soirée. Etant familier à la maison, nous
sommes repassé à 19h. A cette heure nous l'avons trouvé et
il nous a recommandé de repasser le lendemain à 16h. Ce que nous
avons fait mais il n'a pu une fois de plus, nous recevoir car il était
parti à son campement et il était rentré un peu tard.
Soucieux de nous avoir fixé deux rendez-vous sans succès, il nous
a demandé de revenir le lendemain dans l'après-midi. Et c'est
finalement l'après-midi du 09 août 2007 qu'il nous a
accordé un entretien. Au cours de cet entretien, nous avons
abordé des questions liées à la conception de
l'éléphant et le totémisme chez les Bisir. Mais avant
d'entamer l'entrevue, nous lui avons offert une brique de vin rouge.
14. Notre quatorzième informateur a
été Hélène Nzahou résidant
au quartier Sangala. Cette mère de famille âgée de 67 ans
est du clan Bululu. Elle fut mariée à l'un de nos oncles. Ce lien
nous a favorisé de se rapprocher d'elle sans inquiétude. Elle a,
à son actif quatre plantations dont deux à Tamba et deux autres
sur la route de Yeno à 17kms de Mandji. Nous nous sommes
rapproché d'elle le 04 août 2007 afin de fixer une date
d'entretien. Malheureusement, pendant cette période elle était en
pleine exécution de ses travaux d'abattage. Toutefois, nous nous
étions premièrement entendu sur la date du samedi 11 août
2007 ensuite, sur celle du Lundi 13 août 2007. Mais aucun de ces deux
rendez-vous n'a été honoré. Mais le 15 août 2007, de
passage devant son domicile, elle nous a aperçu et nous a
interpellé pour nous demander de passer dans l'après-midi. Cette
après-midi, nous nous sommes entretenus de 16h30 à 17h30 à
son domicile plus précisément dans sa cuisine en présence
de sa grande soeur. Notre entretien avait porté sur l'organisation et le
coût du travail agricole, la faune sauvage et les cultures
vivrières, les causes, l'ampleur des dégâts.
15. Le quinzième entretien que nous
avons réalisé est celui que nous avons eu avec Nguimbety
Nzinzi Jean Claude du clan Buviligambu. Nguimbety Nzinzi Jean Claude
est marié et né en 1948. Ancien soudeur, il a à sa charge
treize (13) personnes. Ayant déposé une plainte pour destruction
des cultures par les éléphants au service des Eaux et
Forêts, il était connu des agents du dit service et c'est Monsieur
Jules Olago qui nous avait mis en contact avec lui. Nous l'avons finalement
rencontré le 11 août 2007 à son domicile pour l'expliquer
le fondement de notre travail et négocier un rendez-vous. Mais au regard
des travaux d'abattage qu'il effectuait pendant cette période et de la
fête de l'indépendance qui se profilait, il avait estimé
que nous nous rencontrions après la fête car il aurait
probablement terminé ses travaux. Nous avons consenti à cette
proposition et ce n'est que le 20 août que nous sommes encore reparti le
voir. Ce jour il nous a finalement accordé une entrevue pour le Mardi 21
août 2007 à 16h et il nous a remis son numéro de
téléphone. Rendez-vous que nous n'avions pas manqué mais
à 16h il n'était pas encore rentré. Nous lui avons
patienté pendant plus d'heure chez lui en compagnie de son frère
puis nous l'avons appelé pour lui demander si nous pouvons l'attendre ou
revenir une autre fois. Mais il nous précisa qu'il était en
chemin et il était finalement arrivé à 17h passé de
plus de 45 minutes. Après s'être excusé de nous avoir fait
attendre, il nous a entretenu pendant 30mn sur la faune sauvage et les cultures
vivrières, les paramètres environnementaux, les causes, l'ampleur
des dégâts et sur les moyens et les techniques de protection des
cultures contre les éléphants. A la fin de l'entrevue, nous lui
avons offert une petite somme de cinq cent francs pour prendre un verre.
16. Notre seizième informateur est
Mboumba Camille du clan Budombi. Né en 1947, il est
marié et père de six enfants. Mboumba Camille est l'amant de
l'une de nos grandes soeurs. Nous nous sommes rapproché de lui le 20
août 2007 pour prendre un rendez-vous qu'il nous avait accordé
pour le 24 août 2007 dans la matinée. Arrivé chez lui
à 7h, il nous a entretenu de 8h20 à 9h24 dans une ambiance
conviviale en allant jusqu'à nous offrir une boisson sucrée.
Tradipraticien et maître du bwiti ndéya, il nous a longuement
renseigné sur la conception de l'homme gisir face à
l'éléphant, les techniques de chasse traditionnelles, et sur les
moyens et les techniques endogènes de protection. Ayant reçu une
visite, il nous a prié d'interrompre l'entretien tout en s'excusant et
en nous demandant de revenir le lundi 27 août 2007. Avant de nous
séparer, nous lui avons offert une bouteille de whisky. Le matin du 27
août 2007, il nous encore reçu de 8h26 à 8h41. Ce jour,
l'entretien avait encore porté sur les conceptions de
l'éléphant chez l'homme gisir mais également sur les
causes, l'ampleur des dégâts et enfin sur la perception des
conflits.
17. L'entrevue avec Koumba Mouity
Magloire le 28 août 2007 fut le dix-septième.
Marié et âgé de 51ans, il est le chef du Cantonnement des
Eaux et Forêts de Mandji. C'est avec l'appui de son adjoint Jules Olago
avec qui nous nous étions déjà familiarisé que nous
avons pu obtenir un rendez-vous auprès de lui. Ce rendez-vous avait
été pris pour le mercredi 22 août 2007. Mais compte tenu
d'un déplacement qu'il avait effectué avec le Préfet sur
Mouila, nous n'avons pu le rencontrer. Le lundi 27 août, nous nous sommes
rapproché de lui pour renouveler le rendez-vous et il l'avait
été fixé pour le mardi 28 août 2007 à 10h.
Lors de cette entrevue, nous avons abordé en présence de l'un de
ses collaborateurs, des questions relatives aux causes des incursions, à
la provenance des éléphants et à la politique de
résolution du conflit hommes-éléphants. Cette entrevue
avait durée 40mn.
18. Notre dix-huitième informateur est
Pauline Moundouli. Cette mère de famille du clan
Buviligambu est née vers 1937. Cette dame réside à
environs cent mètres de l'un de nos informateurs au nom de Hilarion
Matoumba. C'est en allant le samedi 25 août 2007 avec l'espoir de
réaliser un entretien avec lui que nous avons entendu cette dame se
plaindre des éléphants qui venaient de dévaster sa
plantation que nous nous sommes intéressé à elle. Sachant
que le problème de la déprédation des cultures par les
éléphants est un problème sensible qui fâche, nous
avons opté de passer la rencontrer trois jours après.
Après s'être renseigné sur elle auprès de nos
parents, nous nous sommes décidé d'aller la voir le mercredi 29
août 2007. Une fois arrivé, après des salutations d'usage,
nous nous sommes présenté comme le veut la coutume gisir en
déclinant notre nom, celui de notre père et nos clans. Suite
à cette présentation, elle a aussitôt reconnu ma famille et
elle nous a donné d'avantage de détails sur les liens qui nous
lient. L'atmosphère étant détendue, elle nous a ensuite
demandé l'objet de notre visite. Ayant été victime
récemment, elle a aussitôt commencé a nous donné les
détails puis au bout d'une dizaine de minutes, nous avons orienté
le débat. Débat qui avait porté sur la
faune sauvage et les cultures vivrières, les causes et
l'ampleur des dégâts et sur la périodicité agricole
et des dégâts. Cet entretien s'était étendu de 9h
à 9h50.
19. Notre dix-neuvième informatrice
est Yamboka Jeannette du clan Buviligambu. Née vers
1930, Yamboka Jeannette est veuve et mère d'une nombreuse famille.
Signalons que cette dame est notre grand-mère et c'est fort de ce lien
que nous nous sommes approché d'elle. C'était le samedi 25
août 2007 à l'occasion d'une cérémonie de retrait de
deuil chez nos grands parents que nous avons pris contact avec elle pour un
éventuel entretien. Ainsi, elle nous a convié volontiers chez
elle le Mercredi 29 août 2007 car c'était aussi l'occasion de nous
présenter au reste de la famille disait-elle. Et ce fut de 16h15
à 16h56 qu'elle nous reçu après les présentations
des membres de la famille. En tant que jumelle et initiée aux rites
traditionnels Mugulu et Ilombo, nous avons tenu à ce qu'elle nous
entretienne sur les interdits alimentaires liés à
l'éléphant et sur la signification de l'éléphant
dans les rites traditionnels. Afin de la remercier, nous lui avons offert une
tête de tabac, une bouteille d'huile et un morceau de savon.
20. Notre vingtième informateur est
une dame au nom de Jeanne Mboki du clan Buviligambu. Soeur
jumelle de Yamboka Jeannette et tout comme elle, elle est née vers 1930.
C'est, étant encouragé par sa soeur Yamboka Jeannette que nous
nous sommes entretenus avec elle le 29 aout 2007. Car disait-elle, il
était probable qu'elle maîtrise certaines informations mieux
qu'elle. Le discours de notre informatrice avait été
également axé sur les interdits alimentaires liés à
l'éléphant et sur la périodicité agricole et celle
des maraudes des éléphants. Au bout d'un entretien qui a
duré 30mn, avant de nous séparés nous lui avons
symboliquement remis une petite somme de cinq cent francs.
21. Notre vingt unième
enquêté est également une dame du nom de Jeanine
Bamani du clan Buviligambu. Célibataire née en 1973,
elle est mère de trois enfants. Cette dame est la tante d'un ami
étudiant originaire de Mandji. C'est donc à travers lui que nous
avons pris contact avec elle le 24 août 2007. A la suite de ce premier
contact, nous nous sommes fixés rendez-vous pour le dimanche 26
août 2007. Arrivé sur les lieux du rendez-vous, elle n'a pu nous
recevoir. Car elle était épuisé pour avoir
été la veille superviser ses travaux d'abattage. Ce qui nous a
amené à se consentir d'un nouveau rendez-vous pour le 27
août 2007 dans l'après-midi. Malheureusement, cette fois encore
elle n'a pu nous accordé du temps car elle avait veiller à un
décès. N'ayant pas l'ambition de nous faire marcher, elle nous a
remis son numéro de téléphone afin que nous l'appelions
pour savoir le moment où elle serait disposée à nous
recevoir. Ce jour a été le 30 août 2007. Avec elle, nous
avons abordé les questions liées à l'organisation du
travail agricole, à la faune sauvage et les cultures vivrières et
aux interdits alimentaires se rapportant à l'éléphant. Au
bout d'un entretien qui avait duré 49mn, nous lui avons offert une carte
de recharge celtel d'une valeur de 1000 francs.
22. Le vingt deuxième entretien est
celui de Marie Augustine Diahou. Né en 1940, Marie
Augustine Diahou est mère d'une nombreuse famille dont huit enfants sont
actuellement à sa charge. Cette dame que nous considérons comme
notre mère est du clan Bupeti. Durant notre tendre enfance, elle fut la
voisine de nos parents. Ce qui a développé des liens forts entre
nos deux familles. C'est donc au nom de ces liens que nous nous sommes
rapproché d'elle pour obtenir des informations. Pendant nos
déplacements en quête d'informations, nous nous sommes rendu chez
plus d'une fois pour les salutations d'usage. Mais c'est fut le 31 août
2007 que nous lui avons demandé si elle pouvait nous accorder un peu
temps. Ce jour même, elle nous a chaleureusement accordé 47mn pour
parler de la faune sauvage et les cultures vivrières, des causes et de
l'ampleur des dégâts, de la périodicité agricole et
de celle des dégâts et enfin sur les moyens et les techniques de
protection des cultures contre les éléphants.
23. Notre vingt troisième informateur
est Hilarion Matoumba du clan Bupeti. Né en 1932, il
est marié et père de onze enfants. Ancien chasseur
d'éléphant, Hilarion Matoumba est le frère de Madame Marie
Augustine Diahou. C'est en se lamentant de ne pouvoir rencontré un
chasseur d'éléphant dans la matinée du 31 août 2007
chez elle, qu'elle nous a orienté vers lui. Arrivé à son
domicile dans la même matinée, nous nous sommes
présenté au nom de sa soeur. Et sans hésiter, il nous a
invité à nous entretenir. Son discours avait porté sur la
signification de l'éléphant dans le culte des jumeaux et
l'origine du patronyme Nzahou et sur les moyens et les techniques de
protection des cultures contre les éléphants et la chasse
à l'éléphant. Afin de la contenter, nous lui avions remis
une somme de cinq cent francs pour prendre un verre.
24. Enfin, notre vingt quatrième
informatrice est Marceline Nivou du clan Bumuedi. Né
vers 1917 cette mère de famille est mère initiatrice du rite
Ngubi. C'est grâce à un ami étudiant à
l'Université Omar Bongo au nom de Koumba Eddy Brice que nous avons pu la
contacter. Malheureusement, il n'a pas été aisé de la
rencontrer car elle était occupée par ses travaux
champêtres. Ce qui fait qu'elle résidait plus à son
campement qu'au village. Au regard du temps qui nous restait, notre ami nous
appris un rendez-vous avec elle afin qu'elle puisse nous recevoir dans son
campement. Accompagné de Brice Koumba, c'est le 02 septembre à
14h que nous nous sommes rendus à son campement situé à
6kms de la ville de Mandji. Après des salutations d'usage, son petit
fils nous a présenté puis, nous avons décliné notre
identité et celle de nos parents. Suite à ces
présentations, elle s'est rendue compte que nous étions son fils
car elle est du même clan que celui de notre mère. Ensuite nous
nous sommes entretenus sur le rapport entre l'éléphant et les
rites traditionnels féminins et sur le rite Ngubi. Cet entretien
s'était déroulé de 16h40 à 17h20. A la fin de
l'entretien, nous lui avons offert un paquet de sucre, une boîte de
café et cinq cent francs.
Outre les informateurs de Mandji, nous avons également
étendu notre enquête à Libreville du 17 octobre au 05
novembre 2007 auprès de deux (2) agents du Ministère en charge de
la faune et auprès de quatre (4) responsables des institutions et ONG
chargées de la protection de la nature notamment du WWF, de l'ECOFAC, du
RAPAC et l'UICN. Aussi, avons-nous sollicité l'aide du responsable d'un
magasin de vente de fournitures de grande chasse (Safari-gabon) pour
évaluer les prix des armes de grande chasse et des munitions.
1.9. Difficultés rencontrées
Comme toute étude de terrain, notre enquête ne
s'est pas déroulée sans difficultés. Les
difficultés que nous avons rencontrées peuvent être
regroupées au nombre de cinq. Tout d'abord, il avait été
question, de nous rapprocher des responsables des chantiers forestiers
situés dans la région de Mandji pour obtenir des données
sur le volume des essences telles que le moabi et autres qui constituent
l'alimentation de base des éléphants afin de vérifier
l'hypothèse selon laquelle les causes des incursions des
éléphants dans les champs des populations sont dues à la
destruction de ces essences forestières par les sociétés
forestières. Malheureusement les reponsables de la CBG qui est la
compagnie forestière opérant à Mandji et dans ses
environs, n'ont daigné de nous fournir une quelconque information
malgré la judicieuse intervention du chef adjoint du Cantonnement des
eaux et Forêts de Mandji et la présentation de notre lettre de
recommandation. Ils ont évoqué la raison selon quelle, ils
étaient pas sûrs de la destination des informations qu'ils
allaient nous fournir. Ensuite, pendant notre deuxième séjour au
mois d'août, nous avons rencontré d'énormes
difficultés à nous entretenir avec nos informateurs car le mois
d'août correspond à la période des cérémonies
(mariage, retrait de deuil, port de deuil, initiation,...) et des travaux
d'abattage. Il a été donc très difficile de rencontrer les
informateurs sans multiplier les rendez-vous réportés à
plusieurs reprises et cela à prolonger notre séjour par rapport
à notre chronogramme de travail. Puis, grande a été notre
déception de nous voir refuser les informations par les femmes sur la
symbolique de l'éléphant dans les rites initiatiques
féminins. Aucune de toutes celles que nous avons pu rencontrer n'a
accepté de nous donner une information sous pretexe que nous sommes un
homme et de surcroit un non initié.
Aussi, pendant toute notre période d'enquête,
nous avons consaté que le sujet de la déprédation des
cultures par les éléphants, est un sujet qui fâche et qui
suscite des suspicions et des passions. Etant donné que dans
l'imaginaire gisir, il y a des personnes qui se transforment en
éléphant, de ce fait, tout le monde se suspecte. Il est plus
aisé de parler de dégâts que d'évoquer les questions
liées à la symbolique et à la conception de
l'éléphant. Demander à une personne s'il consomme ou pas
la viande de l'éléphant ou l'importance de
l'éléphant peut vous valoir un rejet. C'est pour pourquoi, pour
parvenir à obtenir les informations, nous avons été
obligé de recourir à la parenté car dans ce contexte le
climat était plus détendu et l'informateur plus clément.
Enfin, lors de nos visites sur les lieux des dégâts, nous
envisageons prendre des photographies du système de protection des
cultures mis en place par les populations notamment celles des pièges
dont l'une des fonctions est la protection des cultures. Mais aucun chasseur
n'a accepté de nous montrer un de ses pièges à
l'éléphant en vue d'une prise d'image. Selon eux, il n'est pas
permis de montrer à n'importe qui l'endroit où se situe le
piège car il arrive parfois que des personnes se transforment en
éléphant et se font sciemment attraper par leur piège pour
les attaquer quand ils viennent les visiter sous prétexte que le
piège aurait attraper un éléphant. Et furieux, cet
éléphant se défend en attaquant le propriétaire du
piège.
1.10. Les résultats préliminaires
Parmi les personnes qui subissent les dégâts
dans leurs plantations, la quasi totalité identifient
l'éléphant comme étant la source de
déprédation principale. Ce constat est fait par tous les
agriculteurs interrogés y compris les administratifs. De plus, les
dégâts sur les cultures causés par les
éléphants semblent être très accrus dans les
secteurs de l'Ovingi et sur la route de Yeno où les personnes
interrogées au sujet de l'éléphant, incriminent l'action
de cet animal dans leurs champs. Les autres animaux signalés comme
principale source de destruction des cultures sont par ordre
d'importance : les aulacodes, les athérures et les gorilles. Les
dégâts dus aux intrusions des éléphants dans les
champs sont jugés comme étendus sur toute l'année. Au
terme de nos observations sur les dégâts constatés, les
cultures les plus appréciées par les éléphants sont
la banane, les taros, les ignames, les patates douces, la canne à sucre,
les ananas et les ignames. Les tubercules viennent en seconde position.
Par contre, les cultures telles que le manioc amer, le tabac
sont en général piétinées ou
déracinées et éparpillées pêle-mêle
dans la plantation. Les périodes des incursions dans les champs
surviennent le plus en début de saison de pluie (septembre-octobre), au
moment où les cultures des anciens champs sont mûrs et au moment
des semences des nouvelles plantations. Mais également entre
février et avril où les cultures sont encore pour la plupart
jeunes. En saison sèche (juin-juillet), les incursions sont moindres et
épisodiques mais lorsqu'elles se produisent les dégâts sont
également importants. Dans l'ensemble, les nuisances dues aux intrusions
des éléphants dans les plantations sont jugées
inestimables. Ces dégâts sont généralement
occasionnés sur les principales cultures (bananes, ignames, patates
douces, taros, cannes à sucre, tubercules de manioc) et touchent des
cultures de tous âges (jeune, intermédiaire, mûr),
majoritairement estimées de bonne qualité par les populations
elles-mêmes. Parmi les dégâts enregistrés à la
suite des passages d'éléphants et en dehors de ceux
occasionnés directement sur les cultures, on note à la suite de
nos observations des plaintes relatives à des :
· Clôtures abîmées ou
entièrement détruites ;
· Des blessures humaines (1 cas enregistré en
2004) ;
· Campements abîmés ou entièrement
détruits ;
· Lampes détruites ;
· Perte de vie humaine.
Les nuisances générées par les gorilles,
les singes et les criquets dans les plantations sont équitablement
jugés saisonniers. Dans ce groupe, les gorilles sont les animaux qui
semblent être à l'origine de dégâts de plus grande
ampleur mais leurs intrusions sont plutôt jugées moins
fréquentes au cours de l'année. Qu'ils soient
considérés comme déprédateurs principaux ou
secondaires, les dégâts occasionnés par les aulacodes et
les athérures sont presque unanimement reconnus par les agriculteurs qui
les subissent comme s'échelonnant sur toute l'année mais
d'ampleur négligeable. Les superficies de la banane, du taro, de
l'igname, de la patate douce, et de la canne à sucre sont plus
importantes par rapport à celles du tubercule. En effet, l'estimation de
la production détruite par culture permet de rendre compte de
l'importance économique des dégâts causés par les
éléphants dans les champs. Nos résultats d'enquête
ont montré que toutes les personnes interrogées avaient
enregistré des dégâts sur une période d'au moins
deux ans.
Système de
protection des cultures
Pour protéger les cultures contre les intrusions des
animaux en général et des éléphants en particulier,
la plupart des agriculteurs interrogés ont mis en place des
systèmes de protection. Outre le système de protection, certaines
plantations possèdent un campement. Ces campements sont
généralement fréquentés de façon
irrégulière par la majorité des agriculteurs. Avec le
campement agricole, la plupart des agriculteurs ont mis en place un
système de protection individuel contre les intrusions des
éléphants et des autres prédateurs de cultures. Les
systèmes de protection mis en places consistent
généralement à ceinturer les plantations de
barrières utilisant différents matériaux ou techniques
(naturels ou non) mais également des pièges. Parmi les personnes
ayant mis en place ces systèmes, certaines les jugent nuls, d'autres
d'efficacité moyenne.
Le système le plus utilisé est la clôture
traditionnelle qui consiste à ceinturée la plantation avec des
cordes modernes métallique en une, deux ou trois strates,
attachées à des arbres de diamètre moyen par des clous, et
sur lesquelles sont accrochées des boîtes métalliques
(canettes de jus ou de bière, boites de conserves vides) qui teintent
quand on exerce une pression sur la corde. Les systèmes qui utilisent
les lampes ou les feux allumés dans les plantations la nuit, des sons
produits en cognant sur des fûts, deviennent inefficaces après une
période d'habituation des éléphants et les personnes qui
obtiennent des résultats satisfaisants sont celles qui font une
surveillance permanente dans les plantations de jour comme de nuit. Le
système de protection mis en place par les agriculteurs dépend en
partie des moyens dont chacun d'eux dispose. Nous avons remarqué :
des clôtures traditionnelles avec campement et avec lampes et feux, des
clôtures traditionnelles avec campement et avec feux, des clôtures
traditionnelles sans campement, fumée toxique, Piéges, Coup de
fusil, Epouvantail métallique, Pagne de couleurs vives, Fût de
résonance.
Règlement des
conflits : Plaintes et battues d'éléphants dans les villages
A la question de savoir si dans leur vie d'agriculteur, elles
avaient déposé au moins une fois une plainte officielle
concernant les dégâts causés par des
éléphants dans leurs plantations, certaines personnes
déclarent l'avoir déjà fait et d'autres non. Cependant
celles qui l'ont déjà fait ne sont plus prêtes à le
refaire dans la mesure où elles n'ont pas eu d'écho favorable. Et
c'est sur cette base que celles qui ne l'ont jamais fait n'osent le faire car
elles estiment que si celles qui ont déjà déposé
des plaintes n'ont rien eu pourquoi iront-elles perdent leur temps. Ce qui
revient à dire que tout le monde à céder au
découragement, plus personne ne compte sur l'administration.
Pour les personnes ayant déposées des plaintes,
dans la majorité des cas, ces plaintes sont souvent restées sans
suite. Les autres cas bien que ayant conduits à des constats sur le
terrain par des agents des Eaux et Forêts, ont été pour peu
seulement, suivis d'une autorisation de battue par l'administration. Et parmi
les personnes ayant bénéficiées des battues, certaines
n'ont pas pu les rendre effective par manque d'arme adéquate ou de
balles et d'autres par manque de chasseur expérimenté. Par
ailleurs, plusieurs battues d'éléphants non autorisées et
menées par des chasseurs locaux ont conduits à des morts
d'éléphants. Chaque année il en meurt sûrement plus.
Perception et causes supposées des
incursions
Au regard de ces dégâts, la majorité des
personnes affirment que l'éléphant n'offrait aucun avantage pour
eux sauf pour ceux qui vendent l'ivoire et ceux qui ont des
« fétiches ». Rare sont les personnes qui les
tolèrent, la plupart des personnes les détestent. Toutefois, pour
les initiés, l'éléphant est un élément de la
nature très précieux qu'il faut conserver car il symbolise bien
de choses malgré les dégâts régulièrement
enregistrés dans les champs. Les causes des incursions des
éléphants les plus évoquées sont :
l'extermination des essences appétées par les
éléphants par la CBG, l'accroissement de la population
d'éléphants du à l'interdiction des battues,
l'inefficacité du système de protection du à
l'habituation des éléphants à ce système,
l'habituation des éléphants aux lampes et aux feux du à la
présence des lampes électriques des compagnies
pétrolières, et la présence « des
éléphants du village ».
Structure, provenance et Signes de
reconnaissance
Les résultats d'observations directes ont montré
que les groupes d'éléphants qui font des incursions dans les
champs des populations sont à la fois des éléphants de
forêt et de savane. Les éléphants de forêt, ont une
structure composée de six à huit individus rarement plus de dix.
Par contre les éléphants de savane ont une structure
composée de trois à quatre individus. Ces derniers forment en
général une même famille. La provenance des ces
éléphants est identifiée vers Rabi (route Yeno). Les
crottes, les pistes, les cassures d'arbustes et les empreintes ont
été les plus importants signes de reconnaissance relevés.
Toutefois, dans certains sites agricoles, nous avons remarqué la
présence de certaines essences forestières recherchées par
les éléphants notamment le douka, les manguiers sauvages dans et
aux environs de certaines plantations.
Chapitre 2 : Rapports Hommes/cultures
vivrières et rapports éléphants/cultures
vivrières
L'alimentation est un phénomène
socioculturel proprement humain, comme le relate cette sagesse populaire :
« tous les animaux se nourrissent, mais seul l'être humain
cuisine ». La formule suivante de Jean Brillat-Savarin76(*) (1974) résume bien cette
idée : « dis-moi ce que tu manges, je te dirai qui tu
es » n'est pas seulement une boutade. Ainsi, les pratiques
alimentaires d'un peuple, et les ethnologues comme Claude Lévi- Strauss
l'ont si bien montré, forment des éléments
déterminants de sa définition culturelle. Les populations
connaissent-elles parfaitement les espèces végétales de
leurs écosystèmes, mais aussi les différents usages
qu'elles peuvent en faire. Ces usages ne relèvent pas du hasard.
Car l'alimentation procède d'un système
de classification, et si l'on mange pour subsister, ce qui est « bon
à manger est bon à penser » selon la
célèbre expression de Claude Lévi-Strauss. L'alimentation
est de ce fait un fait social total en ce qu'elle permet une approche de la
société dans son ensemble. L'alimentation dans ces
différents usages occupe une place importante. Celle-ci est d'ailleurs
classée parmi les besoins alimentaires de l'homme. Loin de se situer
dans un universalisme alimentaire même si l'on sait que chaque
société s'alimente, notre travail, dans cette partie consistera
à partir de cette étude de cas de rechercher les rapports
culturels que les Bisir entretiennent avec leurs cultures vivrières.
2.1. Besoin d'alimentation et de production
L'homme est avant tout un être biologique. De ce fait,
il ressent de contraintes biologiques telles que la faim. Et pour satisfaire sa
faim, il doit se nourrir c'est-à-dire qu'il doit s'acquérir des
vitamines, des acides aminés et des calories lui permettant de
développer une activité physique et mentale. C'est dans cette
optique que Mathieu Mboumba Nziengui note que :
« l'alimentation, ainsi que les autres besoins physiologiques
permettent « l'équilibre de l'homme ».
L'énergie vitale dont a besoin l'homme est d'abord l'alimentation qui,
en plus de favoriser le bon état ou la bonne santé, reste la
« matrice » de tous les autres besoins de l'homme, en
même temps qu'il lui reconnaît le qualificatif
« d'aspiration naturelle » qu'éprouve chaque
être humain, quel qu'il soit »77(*).
Selon Ganyo Galley Yawo (1985), les références
des normes fixées pour le Gabon par les nutritionnistes en
matière d'alimentation, pour un adulte modérément actif
sont de 2800 calories par jour. Ce chiffre s'élève à 3500
à 4000 calories pour les travailleurs de force. Les trois
éléments déterminants de l'alimentation de base d'un homme
sont les glucides, les protéines et les lipides. Les glucides sont en
général apportés par les cultures vivrières tels
que la banane, le taro, l'igname, etc. Ces cultures sont celles qui constituent
l'aliment de base. L'aliment de base est par nature, l'aliment qui assure
l'essentiel des aliments caloriques, il calme la faim, assure une
satiété sécurisante. Il ne manque jamais, il est
présent sur la table toute l'année et est indispensable à
chaque repas. Quand il manque, il marque la faim. Et le repas est toujours
constitué de deux types d'aliments différents : l'aliment de
base et l'accompagnement. L'agriculture fournit principalement l'aliment de
base, c'est-à-dire la part énergétique du régime
alimentaire. Chez les Bisir, l'aliment de base est constitué en
général de féculent (manioc, banane plantain, igname,
taro, patate douce). Ainsi, pour obtenir l'aliment vital, les Bisir sont
obligés de le produire. Au sein du système de production, les
différentes activités (chasse, cueillette, piégeage,
pêche et agriculture) se complètent. Toutefois l'agriculture y
occupe la place principale. Voilà pourquoi
l'économie des Bisir est fondée essentiellement sur la production
agricole. Cette production agricole chez les Bisir vise deux principaux
buts : assurer, par les cultures vivrières, une alimentation
suffisante à chaque membre de la communauté. Roland Pourtier
(1989), en parlant des sociétés traditionnelles gabonaises
écrit que « nourrir tous ses membres est une
obligation »78(*).
Cette production vise également de se procurer par la
vente du surplus agricole, des revenus monétaires appréciables
afin de satisfaire d'autres besoins (biens vestimentaires, matériaux de
construction, transport, électricité, etc.). C'est d'ailleurs
à juste titre que Charlotte Kassou nous se lamente en disant que :
« (...) Les enfants ne peuvent plus manger cette nourriture,
l'argent de l'école, du taxi vient d'ici or moi je ne travaille pas, je
gagne un peu d'argent qu'avec ces cultures »79(*).Quoique l'agriculture
fournisse l'essentiel de l'alimentation, le régime alimentaire des Bisir
dépend aussi des produits sauvages de la forêt,
particulièrement en ce qui concerne l'apport en protéines. En
effet, la quasi-totalité des populations équilibrent leur
alimentation par de nombreux produits sauvages : l'agriculture donne la part
quantitative du régime alimentaire, la forêt en fournit la part
qualitative. Autrement dit, l'agriculture fournit principalement l'aliment
glucidique de base (calorique), alors que la forêt fournit les
protéines (soit par la chasse, soit par la pêche), les lipides et
une partie des vitamines.
L'alimentation occupe également une place centrale dans
les cérémonies traditionnelles. En effet, parmi les aliments qui
constuent l'aliment de base de l'homme gisir, certains sont des aliments de
prestige et symbolique. La banane par exemple est un aliment indispensable dans
les cérémonies mortuaires. Lors d'un décès chez les
Bisir, la famille paternelle du défunt à l'obligation de faire
appel à la famille maternelle pour l'annoncer le décès de
leur enfant. Lorsque celle-ci est arrivée, un repas symbolique (gikumbu)
lui est offert. Ce gikumbu est constitué d'un coq, d'une bouteille de
vin, accessoirement d'une bouteille d'huile et d'un régime de banane. Le
régime de banane symbolise la faim. Dans le mariage, la dot chez les
Bisir est constituée des composantes masculines et féminines. La
composante masculine est apportée par la famille du futur marié
et la composante féminine est celle exigée à la famille de
la future mariée. Cette dernière est constituée de nattes,
de coqs, de moutons, de canards, de paniers, de mortiers, de pilons et de
différentes sortes de cultures vivrières.
Sur le plan social, la production agricole procure de
l'autonomie. L'efficience du système de production traditionnel
découlait en grande partie du pouvoir de contrôle que
détenait les aînés. Or ce pouvoir était fondé
essentiellement sur l'accaparement par ces derniers de tous les biens surtout
les biens à usage matrimonial. Par le biais du paiement de la dot, les
aînés pouvaient exercer une pression permanente à n'importe
quel niveau sur n'importe quel membre du groupe. Mais l'introduction de la
monnaie, en substituant progressivement les espèces aux biens qui
traditionnellement entraient dans la dot, a sérieusement perturbé
le schéma classique. Jadis, les aînés seuls avaient
accès aux biens rares ; aujourd'hui tout le monde a accès
à cette nouvelle forme de richesse qu'est la monnaie. Il suffit de faire
une plantation pour échapper à l'emprise du schéma
d'autorité classique et devenir autonome. C'est donc fort de tous ces
besoins (alimentaire et cérémoniel) que les Bisir produisent.
2.1.1. L'organisation des tâches et coût des
activités agricoles
L'organisation des activités agricoles chez les Bisir
se faisait sur la base à la fois familiale et sociale. Le groupe
familial élargit (père, mère, oncle, cousins, etc.)
représentait l'élément de travail permanant de
l'unité de production mais le recours à la société
d'entreaide était souvent indispensable. La rémunération
se faisait en nature soit par des repas soit par des dons. Cette
société d'entreaide était un groupe de travail qui
rassemblait au niveau de chaque lignage ou clan, selon des critères
donnés, un certain nombre de personnes, en vue de l'exécution
d'une tâche de production précise. Avant que la civilisation
européenne n'ait fait évoluer les peuples traditionnels, les
travaux domestiques étaient répartis selon le sexe et
l'âge. En ce qui concerne les travaux agricoles, le nettoyage du
sous-bois et l'abattage des arbres en saison sèche étaient le lot
des hommes. Cette période, est une période masculine.
Selon Jean Emile Mbot, « chez tous les peuples
du Gabon, pour la grande majorité, le calendrier agricole s'étend
sur deux grandes périodes : la période masculine et la
période féminine »80(*). La période masculine encore appelée
saison sèche, est exclusivement réservée aux hommes qui
vont s'occuper des travaux champêtres, débroussage, abattage et
brûlis. La saison des pluies quant à elle, c'est la période
féminine. Elle est l'apanage des femmes qui s'activent pour planter,
désherber et transporter les aliments vers le village. Et la
société traditionnelle gisir n'échappe pas à ce
schéma agricole. Cependant, avec l'introduction de l'économie
capitaliste, la société gisir tout comme toutes les autres
sociétés traditionnelles, va subir de profondes mutations. Le
choix des sites agricoles, le défrichage, l'abattage, et brûlis
qui étaient autrefois l'apanage exclusif des hommes, sont de nos jours
effectués par les femmes de même que les activités
féminines sont réalisées par les hommes. L'introduction de
l'économie monétaire a sérieusement perturbé le
schéma traditionnel d'organisation de la production.
En juxtaposant à une économie du besoin une
économie de profit, elle a bouleversé un certain de normes
anciennes telles que l'éclatement des sociétés
d'entreaide. Celles-ci se constituaient désormais moins sur la base du
lignage que sur la base de rapports d'affinité multiples. Elles
deviennent des unités d'intervention groupant un ensemble de personnes
ayant décidé de mettre leur force de travail en commun pour la
louer à qui en a besoin sous forme de contrat de type salarial. Cet
éclatement des sociétés d'entreaide va donner donc
naissance à l'individualisation des unités traditionnelles de
production même si le domaine agricole demeure toujours collectif. Pour
réaliser les activités agricoles à Mandji, les hommes
prêtent leur force de travail moyennant trois (3) milles francs par
personne pour le défrichage d'une journée. Pour l'abattage, le
montant est de cinq (5) milles francs par abatteur par jour. Quant aux femmes,
pendant la période de la récolte des nouveaux plants et du
désherbage, elles exigent le paiement de trois (3) milles par femme par
jour. Sans oublier le transport dont le montant varie de six (6) à douze
(12) milles francs par jour.
2.1.2. Types de champs et principales plantes
cultivées
La culture du sol est l'une des principales activités
du peuple gisir à Mandji. Les populations s'adonnent dans leur
majorité à la culture des plantes vivrières au rang des
quelles, nous relevons :
n°
|
Noms gisir
|
Noms courants
|
Noms scientifiques
|
1
|
Dilanga (nom générique)
|
Taro (nom générique)
|
Colocasia esculentum
|
2
|
Dilanga di pwati
|
Taro blanc
|
Xanthosoma sagittaefolium
|
3
|
Dilanga di kira
|
Taro rouge
|
Xanthosoma violaceum
|
4
|
Mongu
|
Patate douce
|
Ipomoea batatas poir
|
5
|
Mbala (nom générique)
|
Igname (nom générique)
|
Dioscorea alata.
|
6
|
Gigongu
|
Manioc (espèce amère)
|
Manihot utilissima
|
7
|
Timba
|
Manioc (espèce sucré)
|
Manihot sp.
|
8
|
Musungu
|
Canne à sucre :
|
Saccharum officinarum.
|
9
|
Putu
|
Maïs
|
Zea mais
|
10
|
Difubu
|
Ananas
|
Ananas sativus
|
11
|
Mupala (nom générique)
|
Banane
|
Musa paradisiaca
|
12
|
Pinda
|
Arachide
|
Arachis hypomea
|
13
|
Nungu
|
Piment
|
Aframomum melegueta
|
14
|
Bukulu
|
Oseille
|
Hibiscus esculentus
|
15
|
Ditotu
|
Banane douce
|
Musa sapientum
|
Parmi ces plantes vivrières, nous avons par ordre
d'importance : le tubercule de manioc, la banane plantin, le taro,
l'igname, la patate douce et la canne à sucre. Cependant, ces cultures
évoluent dans des espaces végétales variées selon
l'importance que les populations accordent à chaque culture et la
fertilité du sol en vue d'un meilleur rendement. Ces espaces sont
classés en trois catégories : forêt primaire
(ngunda), forêt secondaire (mayigi), touffu et
difficilement pénétrable et les anciens champs en jachère.
La société traditionnelle gisir connaît cinq (5) types de
champs. Nous avons le « dilanda » qui correspond
à une agglomération de champs où sont cultivées
toute sorte de plantes, le « giamba » qui est la grande
plantation. Le « mufunda » est le champ
situé non loin du village. Le gibuga est le grand champ
d'arachides. Et le « dikusa » est le jardin de
case. A chaque catégorie de champ, correspond un type de forêt. La
forêt primaire est l'espace privilégié du
dilanda81(*) et le giamba82(*). C'est le lieu où
sont prioritairement cultivées les principales cultures (banane, taro,
manioc, patate douce et igname). La forêt secondaire est celle où
sont réalisés les champs du
type « mufunda » et le
« gibuga ».
2.1.3. Techniques de mise en culture et maturation des
plantes
Après toutes les opérations destinées
à assainir le site agricole, intervient les semences à partir de
septembre avec les premières pluies jusqu'en novembre. Septembre est
également la période de la récolte de certaines cultures
telles que la banane, la patate douce, le taro, l'igname y compris le manioc
cultivées dans les anciens champs. Pour réaliser les semis, le
champ est divisé en deux parties parfois trois selon la grandeur du
champ. Une partie est réservée à la culture de la banane
et l'autre à celle du manioc. La partie réservée à
la culture de la banane est souvent située sur la zone la plus humide.
Lorsque les femmes commencent à planter, elles débutent par les
boutures de banane (miaga) en septembre. Puis à partir d'octobre, elles
entament le manioc, les taros, l'igname, la patate douce et la canne à
sucre. C'est d'ailleurs ce que nous apprend Perrine Mawouiri quand elle
dit : « Lorsque nous cultivons, nous commençons par
les bananiers en septembre et le manioc, les taros en octobre lorsque l'eau est
descendue avec la terre et là nous plantons toutes les autres cultures,
les ignames, le manioc amer, la patate douce. D'octobre jusqu'en novembre tu ne
faits que planter. (...). Si tu cultives très tôt, entre avril et
mai tu commences à récolter les tubercules et les taros. Cette
année j'ai fait une seule grande plantation (...) cette plantation, je
l'ai divisé. Une partie j'ai mis les tubercules, le manioc. L'autre
partie, je n'ai mis que la banane puis entre les bananiers, j'ai mis les taros
blancs et rouges, les ignames, les aubergines, les tomates, le tabac, le
piment, l'oseille (...) »83(*). Selon notre informatrice, outre le manioc dont
la culture est réservée à une partie du champ, les autres
cultures sont plantées entre les bananiers. La maturation des cultures
intervient quant à elle à partir de mars et avril où les
cultures sont dans un état de croissance intermédiaire. Mais
c'est à partir de juin jusqu'en septembre où elles atteignent
leur maturité. Elle précise que « (...) la banane,
si elle se cultive en septembre, elle commence à s'incliner en mai et en
août et septembre, elle arrive en maturité. Par contre, si elle
est cultivée en octobre, elle s'incline au mois de juin et en octobre on
la récolte. Le manioc et les tubercules commencent leur apparition en
mars puis grossissent. Entre mai et juin tu peux commencer à
gonevosula »84(*).
En effet, toutes les cultures n'arrivent pas en
maturité au même moment. La banane par exemple arrive en
maturité entre septembre et octobre. Par contre, les taros et les
patates douces arrivent en maturité entre juin et juillet. L'igname sa
période de maturité se situe entre juillet et août.
Cependant, Perine Mawouiri nous apprend que : « que ce soit
les taros, les patates douces ou l'igname, on doit les déterrer avant
octobre car si ces cultures consomment beaucoup d'eau, elles ne seront plus de
bonne qualité. (...) le maïs produit entre décembre et
janvier par contre l'arachide, c'est entre janvier et février. (...)
dans une nouvelle plantation, les premiers aliments récoltables sont le
piment et l'oseille puis les taros, les patates douces, les ignames puis la
banane. Les canes à sucre, s'ils sont cultivées entre septembre
et octobre, ils mûrissent entre mai et juin »85(*).
2.2. Besoin de survie et de subsistance
La production des sociétés traditionnelles
s'articule autour de l'autosubsistance. L'agriculture est
considérée comme l'activité de subsistance
principale. Pour en saisir toute la portée, il convient
d'accorder à « subsistance » son sens le plus
compréhensif, à savoir l' « ensemble des
vivres et des objets qui permettent de subsister »86(*). Le domaine alimentaire en
constitue le pivot, mais elle inclut la totalité des actes par lesquels
un groupe subvient à ses besoins en exploitant son territoire.
Etymologiquement, le terme vivres vient du latin
« vivanda » qui signifie fait vivre, donne la vie.
Ainsi, l'acquisition des biens indispensables à la survie biologique
fait du besoin domestique le souci permanent et quotidien de l'individu. De ce
point de vue, pour subsister l'homme a besoin de travailler. C'est une
contrainte vitale. La satisfaction de ses besoins constitue la cause principale
qui pousse l'homme à produire. En effet, pour survivre, travailler et se
reproduire, l'homme doit trouver dans son alimentation l'énergie et les
nutriments nécessaires en proportions adéquats.
Un régime alimentaire équilibré est celui
qui apporte, en proportions correctes, tous les nutriments indispensables aux
besoins de l'organisme. La satisfaction des besoins nutritionnels se fait
à travers une série d'actes qui constituent le comportement
alimentaire de l'homme. Ce comportement repose à la fois sur des
phénomènes instinctifs et sociaux (production, consommation,
approvisionnement, etc.). L'expression « besoins
nutritionnels » désigne la quantité d'énergie et
de nutriments, exprimée sur une base journalière,
nécessaire à une catégorie d'individus donnés pour
permettre à ces individus en bonne santé de se développer
et de mener une vie normale. Si l'alimentation n'apporte pas en quantité
suffisante les dix acides aminés essentiels, de graves complications,
globalement désignées sous le nom de malnutrition
protéique apparaissent chez un individu. Et les populations de Mandji
savent que si un homme ne « mange pas convenablement », il
peut succomber comme en témoigne Charlotte Kassou dans cet extrait de
discours : « si une personne n'a plus de nourriture elle
peut mourir de faim, elle souffre, elle a faim (...) »87(*). Selon la FAO (1999),
environ 40 % de la population africaine totale sont de plus en plus
touchés par la pauvreté et la malnutrition, cette dernière
étant due au fait que les personnes touchées ne peuvent disposer
d'une nourriture leur permettant d'avoir en quantités suffisantes les
calories, les protéines, les vitamines et d'autres macronutriments
essentiels. L'apport en calories journalier par habitant, qui est en moyenne
de 2 027 calories dans de nombreux pays africains, est très
inférieur au minimum recommandé de 2 400 calories
nécessaires pour mener une vie saine et active.
2.3. Besoin de sécurité alimentaire
Dans sa définition la plus courante, la
sécurité alimentaire est la possibilité pour chaque
individu d'accéder en tout temps à une alimentation salubre et
nourrissante lui permettant de mener une vie saine et active. Telle est la
définition ratifiée par un certain nombre d'autorités.
Selon Azoulay Gérard et Dillon Jean-Claude (1993), la
sécurité alimentaire inclut essentiellement trois
éléments : l'existence de disponibilités alimentaires
suffisantes, la stabilité des approvisionnements dans le temps et
l'espace et l'accès matérielle et économique de tous les
individus aux approvisionnements disponibles. Dans cette dernière
définition, le premier élément implique la présence
de toutes les denrées qui composent le régime alimentaire en
qualité et en quantité suffisantes pour satisfaire les besoins de
toute la population dans une période déterminée. Ils
mentionnent que dans les villages, « la production agricole
domestique est le principal facteur permettant d'atteindre l'objectif de
sécurité alimentaire »88(*). La production alimentaire
domestique pour eux, comprend l'ensemble des produits comestibles contenant des
éléments nutritifs. Ils précisent que dans cette
production alimentaire domestique, la production vivrière regroupe
toutes les cultures alimentaires qui sont en majeure partie consommée
localement.
A Mandji, la disponibilité des denrées
alimentaire est rendue possible par les champs. Pendant toute l'année,
les populations se nourrissent avec les cultures de leurs champs. Une fois les
cultures sont arrivées en maturité, elles se conservent dans le
sol et les populations s'approvisionnent progressivement. En effet, la
caractéristique principale de cette agriculture de plantes à
bouture, est l'absence de moisson : les plantes (manioc, bananiers) produisent
presque continuellement, ce qui permet de venir prélever dans le champ
au fur et à mesure des besoins. D'ailleurs, à l'exception du
maïs, des arachides, des graines de courge, il n'y a pas de récolte
nécessitant d'être conservée en grenier. Une partie de cet
approvisionnement est autoconsommée et l'autre est
réservée à la vente. Les revenus issus de cette vente
permettent aux agriculteurs d'obtenir les moyens de payer le transport et tous
les autres aliments complémentaires. Dans les communautés rurales
et particulièrement chez les Bisir, l'agriculture contribue de
manière notable au revenu familial grâce à l'agriculture.
Toutefois, si la production agricole domestique est le
principal facteur permettant d'atteindre l'objectif de sécurité
alimentaire comme le soutient Azoulay Gérard et Dillon Jean-Claude
(1993), l'amélioration de la sécurité alimentaire, en
Afrique, passe donc pas l'augmentation de la productivité et de la
production alimentaire et agricole. Or, certaines tendances du
développement durable notamment celles liées à la
conservation de la faune sauvage et en particulier des éléphants,
dans certaines régions telles que Mandji, compromettent la croissance
agricole. Il s'agit en particulier de l'accroissement démographique de
la population des éléphants, de la destruction des cultures
vivrières des populations par les éléphants engendrant
ainsi une baisse de la production agricole. Au sein de certaines familles,
cette baisse de la production agricole pose le problème de la
disponibilité des ressources alimentaires de base et
autoconsommées et de l'accès à des denrées non
produits par les ménages mais disponibles chez les commerçants
dès lors que l'acquisition de ceux-ci est rendue possible en grande
partie grâce aux revenus tirés de l'agriculture. Cependant, la
diminution des cultures de subsistance entraîne une paupérisation
et une mauvaise alimentation. De ce fait, pour de survivre les populations sont
obligées de lutter contre la présence des éléphants
dans leurs champs.
2.4. Fétiches et techniques de protection
endogène
Par techniques de protection endogènes, on entend les
techniques de protection utilisées à l'intérieur de la
société gisir avant toute influence extérieure. Les
mesures d'atténuation des dégâts sont multiples et varient
selon les pays et l'ampleur des dégâts. D'après S. Alfa
Gambari Imourou et al. (2004), « en général,
les paysans font tout pour prévenir les conflits en s'adonnant à
des pratiques magiques rituelles et aux prières
collectives »89(*). En effet, Alfred Foucher90(*), de l'Université de
Paris, a fait remarquer que, bien avant que la religion fût
organisée dans les villages, les villageois vénéraient un
dieu-éléphant vaillant et sanguinaire qui les protégeait,
ainsi que leurs récoltes et leurs demeures. Et chez les Bisir,
l'éléphant est un fétiche de protection contre les
attaques mystiques mais également contre les prédateurs des
cultures. Et pour protéger leurs cultures, ils faisaient appel aux
pratiques magiques. Elles sont désignées par l'expression
« gukanda giamba » ou
« kiligu ». La première de ces pratiques
consiste à « féticher » un
éléphant du village qui se charge de la protection des champs.
Dans la société gisir, le fétiche (divanda) a un
double caractère. Nous avons des fétiches bienfaisants et les
fétiches malfaisants.
Les fétiches bienfaisants sont ceux qui sont
destinés au maintien de l'ordre la société ou à la
sécurité individuelle et qui sont reconnus par la
communauté, sans compromettre une quelconque vie humaine. Et les
fétiches malfaisants sont ceux qui sont affectés à faire
le mal. Dans la pratique du fétiche de
« l'éléphant de protection » des cultures,
cet éléphant a pour mission de chasser les
éléphants prédateurs des champs de son maître et
à les éloigner. Nous pouvons illustrer ce propos par l'extrait de
discours de Mboula Adolphe qui dit : « Lorsqu'une personne
«fétiche» un éléphant pour protéger sa
plantation, parfois sa plantation n'est pas touché par les
éléphants, il n'y aura que les plantations des autres. Cet
éléphant va chasser les autres éléphants de la
plantation de son maître. Une fois qu'il a fini de
« féticher » son éléphant, cet
éléphant vient consommer un aliment dans sa plantation pour dire
au maître qu'effectivement désormais je suis sur les
lieux »91(*).
Cependant, ce fétiche a un revers malsain. Lorsque le
maître est de mauvaise foi, il peut recommander à son
éléphant de diriger les éléphants prédateurs
vers les champs des autres personnes. Aussi, son éléphant pour se
nourrir, ne peut jamais s'attaquer aux champs de son maître, il va
s'alimenter dans les champs des autres d'où les plaintes
récurrentes des déprédations des cultures par les
« éléphants du village » issus de
l'intervention humaine. Par ailleurs, une fois le rituel magique a
été opéré par un nganga92(*) sur la demande du
propriétaire des champs, cet éléphant pour signifier
à son maître « la prise effective de ses
fonctions » de gardien des cultures, il consommera quelques aliments
à l'arrière plan du champs pour marquer sa présence
effective. La seconde pratique quant à elle, vise à rendre le
champ invisible aux yeux des éléphants. C'est à la demande
des propriétaires des plantations que le nganga organise une
petite veillée au cours de laquelle, il concocte des talismans qu'il
remet le matin à chaque femme demandeuse. Une fois dans son champ, la
femme plante ce fétiche auprès de la souche d'un arbuste
(dibandu di gisindu). Cependant, après cette opération,
il sera désormais interdit à toutes ces femmes de traverser un
tronc d'arbre, d'appeler quiconque pendant qu'elles se trouvent dans leurs
champs ou de répondre à un appel. Pour appeler une personne
pendant qu'elle s'y trouve, la femme doit soit cogner sur un tronc d'arbre ou
poser une question du genre : y a-t-il des gens là-bas ? Et
pour répondre, la personne interpeller doit, selon le protocole d'appel
utilisé, répondre en cognant également sur un tronc
d'arbre ou apporter une réponse à la question posée.
Ces interdits avaient pour fonction de ne pas faire
découvrir à l éléphant le lieu où se
trouve le champ car l'éléphant est considéré comme
un esprit qui vit en forêt. Notons que ces pratiques sont rarement
utilisées de nos jours. La rareté de l'usage de ces pratiques est
due au fait que les personnes qui les utilisent sont suspectées de
pratiques « sorcellaires ». Elles sont souvent
accusées d'être les auteurs des éléphants
prédateurs. Outre ces pratiques magiques, les populations de Mandji pour
protéger leurs cultures contre les intrusions des
éléphants, ont mis en place des systèmes de
prévention. Ces systèmes de prévention sont faits à
base de répulsifs traditionnels. Les répulsifs traditionnels sont
ceux qui sont inventés par les communautés rurales faits de
matériaux locaux de basse technicité disponibles dans la
région que nous analysons en termes de techniques de protection
traditionnelles.
2.5. Les techniques de protection traditionnelles et
conventionnelles
Les techniques de protection traditionnelles, sont celles qui
font appel à des matériaux locaux de faible technicité
disponibles à Mandji. Et les techniques conventionnelles, sont celles
qui sont prévues par la loi. Ici, les systèmes de
prévention mis en place consistent généralement à
ceinturer les plantations de barrières utilisant des fils
métalliques attachés à des arbres de diamètre moyen
à l'aide de clous en laissant une zone tampon de 3 à 5m. Et sur
les fils métalliques sont accrochés des boîtes vides
(cannettes de jus ou de bière, boîte de conserve vides) dans
lesquelles on met des petites pierres qui teintent quand on exerce une pression
sur les fils métalliques, et des tissus de couleur vives ainsi le montre
les photos n°1 et 2.
Photos 1 et 2 : système de protection des cultures.
(Cliché MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA, le 08 mai 2007 et le 13 aout 2007).
Ces images ont été filmées sur la route
Mandji-Yeno pendant nos visites de terrain. L'image n°1 a
été prise en mai 2007. Par contre, l'autre a été
filmée en aout 2007. Sur l'image n°1, nous observons une partie de
la forêt constituée de gauche à droite d'herbes et
d'arbustes. Au fond de l'image, on peut remarquer la présence du sous
bois. Au premier plan, nous avons un arbre de petite taille sur lequel est
suspendu une corde à laquelle sont accrochées des boîtes.
Cette corde à laquelle sont suspendues les boîtes, s'allonge sur
trois arbustes quasiment alignés. Au regard de la taille des herbes qui
entourent l'arbre figurant au premier plan, on peut dire que cet espace a
été défriché auparavant. Sur l'image n°2, on
voit à l'arrière plan et de gauche à droite, des feuilles
de manioc derrière lesquelles on observe un paysage forestier. Au
premier plan, on voit un arbuste mort à coté duquel on observe un
sachet de couleur rose sur un tissu qui tente vers du blanc et à
l'extrême droite on remarque la présence d'un bananier. Entre ce
bananier et le tissu tendant vers du blanc, on distingue la présence
d'un autre tissu probablement amarré sur une corde. De la manière
dont sont disposés ces tissus, on comprend aisément qu'ils sont
attachés sur un fil faisant office de clôture.
Les présentes images nous présentent certaines
méthodes de prévention contre les attaques des
éléphants dans les champs. Ces méthodes constituent un
ensemble d'obstacles mis en place à partir des matériaux naturels
et de récupération afin d'empêcher la
pénétration des éléphants dans les plantations. Les
clôtures avec les boîtes constituent une
« alarme ». Lorsqu'elles subissent une forte pression,
elles teintent et ce bruit alertent les propriétaires des champs.
Cependant, ces méthodes se sont le plus souvent
révélées peu efficaces. Elles n'ont en
général qu'un rôle symbolique et, dans bien des cas, les
animaux parviennent à les franchir. Une autre méthode consiste
à allumer de grands feux chaque soir en périphérie des
champs et des lampes pour tenir éloignés les
éléphants comme en témoigne les photos n°3 et 4.
Photos 3 et 4 : système de protection utilisant le
feu et les lampes. (Cliché BIPAKILA MANGAMA Pascal et
MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA, le 08 mai 2007).
Les présentes photos ont été
également prises sur la route Mandji-Yeno. La photo 3 a
été filmée par Pascal Bipakila dans la plantation de sa
femme. La photo 4 par contre a été prise par nous-même. A
l'arrière plan de la photo 3, nous apercevons des arbres et des
trouées du plafond forestier. A gauche nous voyons des jeunes plantes de
manioc. Par contre, à droite nous avons non seulement des jeunes plantes
de manioc mais également, nous observons des feuilles de bananiers. Et
au centre, nous avons deux hommes debout dont l'enquêteur à gauche
et à droite, le gardien de la plantation de la femme de Pascal Bipakila.
Entre les des deux hommes, nous apercevons une maisonnette
faite de quatre poteaux qui soutiennent une petite toiture faite d'un morceau
de tôle, sous laquelle nous avons une lampe accrochée. Devant les
deux hommes, nous avons un tronc d'arbre allongé au sol et deux souches
d'arbres. Cette photo met en exergue un système de protection des champs
contre les éléphants. La lampe accrochée sous la
maisonnette est allumée chaque soir par le gardien. Celle-ci
témoigne la présence des hommes sur les lieux. En effet, les
éléphants, ne prennent pas en général des risques
de pénétrer dans un champ lorsqu'ils constatent la
présence humaine surtout quand ils sont accompagnés des petits,
à l'exception de quelques mâles. Donc à la vue de la
lumière des lampes, ils s'éloignent. Cependant, ce système
de protection au bout d'un temps devient inefficace. Une fois que les
éléphants s'habituent à voir des lampes sans aucune autre
réaction, ils finissent par y pénétrer. Quant à la
photo 4, celle-ci nous montre à l'arrière plan, des arbres et des
trouées du plafond forestier, des jeunes feuilles de bananiers puis des
branches et des troncs d'arbres allongés au sol qui ont
résisté au passage du feu.
Au centre, nous observons un reste de feu composé des
morceaux de bois et de la cendre. Visiblement ce feu est protégé
par une maisonnette dont on aperçoit un poteau qui soutient le toit de
celle-ci. Le toit de cette maisonnette est constitué de vielles
tôles et soutenu par des bois. Comme la photo précédente,
celle-ci nous démontre comment les Bisir procèdent pour lutter
contre les incursions des éléphants dans leurs champs à
partir d'un système de protection qui utilise le feu. Tout comme la
lumière de la lampe, la présence du feu témoigne
également celle de l'homme. Aussi, selon nos informateurs,
l'éléphant est très sensible à la fumée.
Lorsqu'un feu est allumé et que par bonne fortune, la fumée se
dirige en direction des éléphants, ces derniers s'en
éloignent. Et pour rendre cette méthode plus efficace, les
certaines personnes font brûler dans ces feux, des herbes et certaines
plantes dont la fumée toxique a un effet répulsif sur les
éléphants.
Cette technique a été reconnue par
Frédéric Marchand (1999) qui nous apprend qu'au nord du Cameroun,
les villageois font brûler des déjections de moutons ou de
chèvres dont l'odeur est supposées avoir un effet répulsif
sur les pachydermes. A Mandji, nous avons également constaté que
les villageois font brûler des crottins d'éléphants
associés aux pneus et à certaines espèces
végétales telles que le piment, le cassia alata
(gurbanga), l'ocimum gratissimum (makadumba), dont les odeurs
contenues dans la fumée sont supposées avoir un effet
répulsif sur les pachydermes. C'est d'ailleurs ce que confirme Marie
Augustine Moumbangou quand elle dit : « Certaines
personnes comme moi par exemple, je creuse une fosse dans laquelle j'allume du
feu et puis nous mettons les vieux pneus, l'ocimum gratissimum, le cassia
alata, les feuilles de piment et toute herbe qui sent
mauvais »93(*).
Selon Marchand F. (1999), certaines espèces telles que le capsicum,
espèce végétale proche du piment ont pour effet d'irriter
temporairement les yeux et les muqueuses des animaux provoquant leur fuite
immédiate. Outre ces méthodes, les populations utilisent aussi
des techniques qui utilisent le « craquement » des objets
métalliques tels que des vielles limes accrochées à une
corde et suspendus à l'aide d'un bois.
Ces objets produisent du bruit à l'aide du vent. Par
contre, certaines personnes fabriquent des épouvantails en forme humaine
à l'aide des tissus de couleurs vives. Mais ce type de dissuasion n'a
cependant qu'une portée à très court terme dans la mesure
où les animaux s'habituent rapidement à la présence
humaine. Couplés à ces méthodes, certaines plantations
possèdent un campement. Mais ces campements sont
généralement fréquentés de façon sporadique
par la majorité des agriculteurs, c'est-à-dire de temps en temps
la nuit ou le jour, surtout pendant les périodes de semence
(septembre-novembre) ou de récolte (Mars-avril) où les intrusions
des éléphants dans les plantations semblent être
très fréquentes. Les femmes procèdent également au
ramassage des crottins d'éléphants qui sont par la suite
écrasés dans de l'eau. La solution obtenue est frottée sur
les bananiers. C'est que nous a confié Marie Augustine Moumbangou quand
elle dit : « Nous prenons aussi ses crottes que nous
écrasons dans de l'eau puis nous frottons sur les bananiers. Lorsqu'ils
s'approchent en sentant l'odeur de ses crottes, il croire que ces bananiers ce
sont ses crottes. Seulement il ne faut pas qu'il pleuve. S'il pleut, tu viens
encore frotter. Cependant, si le champ est grand, ce travail est
pénible»94(*). Cependant, ce travail est fastidieux
si le champ est assez grand. De plus, l'eau des pluies nettoie souvent ce
produit, ce qui annule les efforts consentis par les femmes qui sont
condamnées à recommencer cette opération. Toutefois,
aucune de ces barrières, aucune de ces méthodes ne peut
arrêter un éléphant déterminé à
passer, mais elles créent tout de même un obstacle psychologique
qui peut avoir des effets répulsifs. Aussi, le facteur contraignant est
le plus souvent la disponibilité du matériel pour construire ces
barrières comme en témoigne Marie Augustine Moumbangou dans ces
propos : « les fils métalliques que nous achetons avec
les gens des chantiers. C'est un travail mon fils, même si tu as un peu
d'argent en réserve tu es obligé de le sortir pour le donner au
boy chauffeur pour qu'il t'apporte le fil métallique et tu paies une
personne pour te débrousser les alentours du champs. Si la plantation
est grande, tu peux dépenser jusqu'à cinquante mille
francs »95(*).
De même, le problème des répulsifs
traditionnels est qu'ils ont tendance à devenir inutiles avec le temps.
Habituellement, les populations vont faire confiance à quelques
méthodes, et celles-ci seront utilisées de manière
répétée, avec très peu de variation. En plus, les
méthodes mentionnées ci-dessus sont considérées
comme « sans danger », ce qui veut dire qu'elles peuvent
faire peur aux pachydermes, mais elles ne leur font aucun mal. A cause de cela,
les éléphants s'y habituent et finissent par les ignorer. Ce
constat a été reconnu par Stéphane LE-DUC Yeno et al. dans
une étude menée aux CPAG d'avril 2004 à septembre 2006.
Les auteurs admettent que « les systèmes qui utilisent
les lampes ou les feux allumés dans les plantations la nuit, des sons
produits en cognant sur les fûts, deviennent inefficaces après une
période d'habituation des
éléphants »96(*). En effet, toutes ces méthodes
utilisées seules ne sont pas efficaces. Il faut nécessairement
les associer.
Et les populations reconnaissent unanimement que pour obtenir
des résultats relativement satisfaisants, il faut adjoindre aux feux
allumés, aux lampes, à l'émission des bruits et à
la barrière, un campement avec une présence humaine permanente
comme l'indique Marie Augustine Moumbangou dans cet extrait de corpus :
« Malgré tous ces procédés, pour
espérer avoir un peu de nourriture, il faut ériger un campement
et trouver une personne pour y rester pour surveiller le champ»97(*). Et Stéphane
Le-Duc Yeno et al. reconnaissent également que : « les
personnes qui utilisent les fûts n'obtiennent des résultats
satisfaisants qu'au terme d'une surveillance de tout instant [avec] une
présence permanente dans les plantations de jour comme de
nuit ». Cependant, cette entreprise est quasiment impossible à
réaliser pour certaines familles dans la mesure où les parents
ont des enfants qui sont scolarisés mais également pour des
raisons de santé ou pour des cas de décès. Pour pallier
à cette absence régulière dans les campements certaines
femmes sollicitent des services des personnes volontaires à assurer le
gardiennage de leurs champs moyennant un petit salaire de 15000 à 20000
CFA par mois.
Nous pouvons citer l'exemple de Mougala Jean Robert que nous
avons rencontré sur la route Mandji-Yeno à 17kms de la ville de
Mandji dans la plantation de Germaine Bibalou. Au regard de la
dégradation des cultures par les éléphants, nous
remarquons que l'émergence d'une nouvelle classe
socioprofessionnelle : celle des gardiens des champs. La présence
permanente d'une personne au campement participe des techniques
d'effarouchement des éléphants des champs. Une fois les
éléphants ont pu pénétrer dans les champs, les
personnes présentent sur les lieux utilisent le feu et l'émission
du bruit en criant, en cognant sur un fût ou sur des troncs d'arbre. Mais
pour Frédéric Marchand (1999), « la surveillance
des plantations ne constitue pas une solution efficace pour prévenir les
incursions d'éléphants. Dans la plupart des cas, la seule
présence humaine ne suffit pas à empêcher les pachydermes
de pénétrer dans les plantations. En outre, cette méthode
se révèle totalement inefficace pour les populations
d'éléphants qui vivent dans les milieux fortement
anthropisés et ne considèrent pas l'homme comme un danger
potentiel »98(*). Ainsi, en raison de l'exaspération croissante
des populations victimes des dégâts, le recours aux armes à
feu est également devenu fréquent. C'est dans ce sens qu'Albert
Boulikou témoigne en disant : « j'ai failli faire
mourir la famille de famine. J'ai été obligé de les
retrouver à la plantation. Je les ai patienté pendant trois
jours. Le troisième ils sont venus, je me suis caché
derrière un gros tronc d'arbre et j'ai tiré sur un d'entre eux
dans l'obscurité »99(*).
En effet, l'usage des armes à feu demeure l'unique
mesure de protection conventionnelle utilisée par les populations.
Celles-ci admettent unanimement qu'une fois dans un troupeau
d'éléphants, un d'entre eux a été tué ou
blessé, le troupeau ne revient plus à cet endroit. Or pour
Richard E. Hoare (2001), cela ne constitue qu'au mieux un répit
temporaire contre les éléphants. De nombreux exemples nous
permettent de supposer que les éléphants s'habituent
également aux tirs de fusils s'ils y sont exposés pendant une
période prolongé. R. E. Hoare (2001) nous apprend qu'au Zimbabwe,
dans une étude des mouvements d'un éléphant mâle
portant un col émetteur placé par un chercheur, l'un de ces
compagnons a été abattu dans une zone agricole le 7 avril. Suite
à cet abattage, cet éléphant portant le col
émetteur est rentré dans l'asile qu'offrait le Parc National
voisinant. Mais quatre nuits plus tard, il s'attaquait encore aux cultures dans
la zone agricole en proximité immédiate du site d'abattage, le
mois d'avril marquant le comble de la récolte. Donc l'utilisation des
armes à feu n'est pas a priori, une solution efficace. De plus, elle
n'est pas non plus exempte de risques pour les populations car un
éléphant blessé peut devenir très dangereux.
De plus certaines personnes utilisent des fusils de petit
calibre. Or l'utilisation de fusils de faible calibre n'occasionne
généralement pas la mort immédiate des animaux et la
plupart des pachydermes blessés ne succombent à leurs blessures
qu'après plusieurs mois. L'utilisation des armes à feu par les
populations n'est donc pas envisageable. En plus, à moins de
posséder un permis de chasse (grande chasse) et une arme
appropriée dont les coûts restent inabordables pour les
populations locales, toute forme de chasse, même traditionnelle dans
certains contextes, constitue pour les défenseurs de la faune sauvage,
un acte de braconnage. En outre, l'utilisation du feu, l'émission du
bruit et l'usage des armes à feu, sont des pratiques qui crée un
tel stress au sein des troupeaux d'éléphants qu'il devient
difficile de canaliser leur fuite qui, pris de panique, les animaux sont
susceptibles de devenir agressifs et présentent un danger potentiel pour
les personnes qui participent à ces opérations de refoulement.
2.6 Les cultures visées par les
éléphants
Lors des incursions des éléphants dans les
champs des populations, de nombreux dégâts sont causés aux
cultures. Les superficies de culture détruites au cours de la saison
2006-2007 peuvent être négligeables à l'échelle de
toute la communauté. Mais à l'échelle d'une famille, elles
sont impressionnantes. Selon Germaine Bibalou, la plupart des cultures
pratiquées dans la zone sont recherchées par les
éléphants. Elle précise que : « Une
fois les éléphants pénètrent dans une plantation,
tu peux avoir le manioc, les tubercules mais il commence en premier par la
banane, les taros, les patates douces et les ignames qu'ils déterrent
avec tous les troncs d'arbre. Il commence par ces cultures. Une fois qu'il a
fini de tout consommer, il s'attaque aux tubercules et au manioc qu'ils
déracinent et jettent en pêle-mêle dans la
plantation »100(*). Parmi ces cultures, la banane (Musa
paradisiaca), les taros (Colocasia Esculentum), l'igname
(Discorea sp), les patates douces (Ipomea Batatas), la canne
à sucre (Saccharum officinarum), l'ananas (Ananas sativus) ont
été les cultures les plus touchées, suivie par celle du
manioc (Manihot sp.) comme le montre la photo n°5. Le
manioc101(*)
(Manihot utilissima), du fait de la présence d'une substance
toxique qui lui confère un goût amer, n'est pas consommé
par les éléphants. Il est tout simplement piétiné,
déraciné et jeté çà et là dans les
champs. Ce comportement s'explique par la confusion que l'animal fait entre le
manioc sucré et le manioc amer. Lorsqu'il se rend compte qu'il a affaire
à la catégorie amer, il le jette.
En effet, toutes les espèces vivantes ont des
prédateurs et pour lutter contre eux, chacune développe un
système de défense. Et les plantes développent des
amères, des poisons ou des épines. L'amère renvoie aux
poisons. Toutes les plantes qui contiennent du poison sont amères. C'est
pour cette raison que le manioc amer n'est pas attaqué par certains
animaux notamment les éléphants à l'exception des rongeurs
tels que le hérisson. Toutefois, s'il en consomme trop, il meurt. Mais
bien que le manioc amer ne soit pas consommé, la production de manioc
perdu est importante. Malgré leur préférence, les
éléphants endommagent aussi une large variété de
cultures vivrières comme l'oseille (Hibiscus esculentus), les
aubergines, l'arachide (Arachis hypomea) et le maïs (Zea
mais). Cette capacité à viser toute une gamme
d'espèces de plantes différentes reflète le fait que
l'éléphant a su développer un régime alimentaire
hautement varié mais également il souffre d'un manque d'aliments
dans son milieu naturel.
Photo 5 : Eléphant déterrant les tubercules de
manioc.
(Cliché Prince Ongognongo et al. Mars 2006).
Cette image, est une image extraite dans un rapport
d'étude de Prince Ongognongo et ses collaborateurs rédigé
en mars 2006 qui a pour titre : « conflit
homme-éléphant dans la périphérie du Parc National
de Nouabale-Ndoki au nord Congo ». Sur cette image, on
aperçoit en arrière plan un feuillage. Au centre, on voit un
éléphant accroupi en prenant appui sur ses pattes
supérieures, en train de déterrer les tubercules de manioc
à l'aide de sa trompe. Au premier plan et à droite, on observe
des tiges de manioc détruites. La présente image met en
évidence le comportement des éléphants dans les champs.
Elle confirme que la destruction des cultures vivrières par les
éléphants est bel et bien un problème réel.
2.7 Les profils types des cultures endommagées
par les éléphants
Les dommages aux cultures à Mandji sont hautement
variables dans le temps et dans l'espace, ils sont influencés par
beaucoup de facteurs et sont mal compris par les populations. A travers des
observations participantes qui nous ont permis de suivre les populations dans
leurs différentes activités agricoles, nous avons relevé
deux profils clés : le profil spatial et le profil temporel. En
effet, les éléphants endommagent les cultures de façon
très différente en fonction des lieux et aussi du temps. Il est
souvent difficile aux populations de prédire où les conflits
auront lieu. Par exemple un secteur peut être touché par les
dégâts provoqués par les éléphants alors que
celui d'à coté n'en subira aucun. Cependant, outre ces
variations, plusieurs profils spatiaux ont été identifiés.
L'endommagement des cultures se produit régulièrement dans les
zones les plus éloignés de la ville et ont tendance à se
raréfier quand on s'en éloigne sauf pendant certaines
périodes (septembre-octobre et fevrier-avril).
Les éléphants attaquent les cultures les plus
proches de leur habitat car le risque de détection y est plus faible.
Les éléphants qui attaquent les cultures utilisent souvent des
habitats refuges pendant la journée non loin des zones agricoles et une
fois la nuit tombée, ils quittent leur refuge et entrent dans les
champs. Cela s'explique par leur présence dans les champs dès 18h
et parfois 17h. Il est fréquent que les populations, dans leurs champs
entendent les barrissements des éléphants pendant la
journée. Aussi, dans les nouvelles jachères, la repousse de la
végétation attire les éléphants vers les cultures.
C'est d'ailleurs dans cette logique que Barnes et al.102(*) notent que :
« les zones abondantes en végétation secondaire par
les activités humaines (entre autre l'exploitation forestière
industrielle) sont appréciées par les
éléphants ».
Ils sont attirés par les plantes grimpantes
épaisses et les arbustes, ce qui les entraîne
inévitablement vers les cultures d'autant plus que les villageois ont
tendance à faire leurs nouvelles plantations à proximité
des anciennes. Signalons aussi que dans certaines concessions où le
braconnage est bien contrôlé, la coupe de bois favorise la
croissance de sous-bois qui constituent une bonne source d'alimentation pour
les éléphants103(*). Hormis le profil spatial, l'endommagement des
cultures est l'objet de large variation dans le temps. Sur le terrain, nous
avons constaté que les attaques des éléphants ont lieu
entre septembre et octobre et entre février et avril voire mai et entre
juin et juillet avec des raids en décembre. Les incursions de
décembre sont celles qui correspondent à la période
où les éléphants recherchent les mangues sauvages.
Les attaques de septembre à octobre correspondent quant
à elles, au moment des semences et à celui où certaines
cultures comme la banane arrivent en maturité. Celles de
février-avril se produisent au moment où les cultures sont dans
un état de croissance intermédiaire. Par contre les attaques de
juin-juillet, au moment où cessent les pluies, coïncident avec le
moment où certaines cultures notamment les tubercules, l'igname, le taro
et les patates douces arrivent en maturité. R. E. Hoare104(*) dans une étude
effectuée en Afrique australe, pense que pendant la saison
sèche, « les cultures à maturité sont les
cibles des attaques d'éléphants car leurs fruits et leurs graines
sont hautement nutritives. Elles sont beaucoup plus nutritives que le fourrage
naturel disponible aux éléphants ».
A la suite de Hoare, nous estimons qu'à Mandji, la
baisse de qualité du fourrage naturel peut déclencher les
attaques des cultures puisque l'herbe s'assèche à la fin de la
saison des pluies, sa valeur nutritive diminue, poussant les
éléphants à chercher d'autres sources de nourriture. Les
dégâts dus aux intrusions des éléphants dans les
champs sont jugés comme étendus sur toute l'année comme
l'indique Marie A. Moumbangou105(*). Toutefois, les périodes où les
attaques des éléphants sont les plus fréquentes
correspondent à celles des semences (septembre-octobre) et des
récoltes (jui-juillet).
2.6. Le comportement des éléphants dans
l'attaque des cultures
Selon jules Olago106(*), les attaques des cultures sont menées par de
petits groupes d'éléphants dont la structure varie entre huit (8)
et dix (10) animaux. Mais ce nombre peut varier selon les situations. Les
éléphants mâles sont reconnus comme étant
responsables de la majorité des incidents sur les cultures et forment
souvent de ce fait des groupes plus petits que les femelles car un petit groupe
est plus discret et sera moins facilement détecté par les
propriétaires des champs. La majorité des
attaques de cultures par les éléphants ont lieu la nuit. Elles se
déroulent en général à partir de 18h et parfois un
peu plus tôt en particulier dans les champs sans surveillance
jusqu'à 5h du matin. Par contre dans les champs où la
surveillance est permanente, elles se déroulent le plus souvent autour
de 3h du matin. La fréquence des attaques des cultures la nuit peut
s'expliquer par le fait que les éléphants profitent du couvert de
nuit pour augmenter leur chance de succès. Mais il a été
enregistré des cas d'attaque en pleine journée.
A notre avis, ces attaques sont le fait des vieux
éléphants isolés (mutimbu ; pluriel
mitimbu). Par ailleurs, un comportement spécifique des
éléphants qui nous été décrit par les
populations consiste pour les éléphants de barrir à
l'entrée du champ avant de débuter l'attaque des cultures. Ce
barrissement renvoie tout simplement à vouloir savoir s'il y a des gens
ou pas sur le champ visé. De manière générale, les
populations ont identifié les éléphants mâles comme
étant à l'origine de la majorité des problèmes.
Cela peut s'expliquer par le fait que les éléphants mâles
sont plus prêts à prendre des risques que les femelles, dans le
but d'augmenter leurs apports nutritifs. Car les femelles avec leurs petits
seront moins tentées d'exposer leurs progénitures aux grands
risques associés à l'attaque des cultures et de se retrouver
à proximité de la présence humaine. Cependant, des
troupeaux mixtes d'éléphants mâles et femelles ensemble,
sont responsables des dégâts sur les cultures.
2.8 Etat des lieux des sites agricoles après
passage des éléphants
Après le passage des éléphants sur les
sites agricoles, les dégâts sont impressionnants. En effet, suite
à nos observations sur le terrain, nous avons constaté que les
sites agricoles ne sont plus reconnaissables après le passage des
éléphants comme le montre les photos n°6, 7 et n°8.
Photo 6 et 7
BOU-BIPAKILA le 08 mai 2007 et le 13 août 2007 à
Mandji). bananiers et de manioc détruits par les
éléphants. : champs de (Cliché MOUKANIMAM)
L'image 6 a été prise sur la route Yeno-Mandji
et l'autre dans le secteur agricole de Luba en compagnie de Jean P. Kabou
Mbemeni. A l'arrière plan de la photo n°6, nous apercevons une
marée d'herbes derrière laquelle se trouvent des arbres. A
l'extrême gauche et derrière les jeunes bananiers, nous observons
une grosse souche d'arbre. Au centre, nous avons deux bananiers
étalés sur le sol à gauche desquels se trouve un jeune
bananier. Et nous avons à l'endroit où les deux bananiers
étalés au sol prenaient leurs racines, environs quatre jeunes
bananiers d'âges différents probablement leurs rejetons. Et un peu
plus loin, nous voyons, presque confondu avec des herbes, un jeune bananier
dont nous apercevons qu'une jeune feuille. A droite, il y a devant la souche de
l'arbre, des rejetons de bananiers. Sur la photo 7, nous avons au fond et de
gauche à droite, une partie de la forêt constituée d'herbes
et d'arbres dans laquelle nous observons à l'extrême gauche deux
trouées du plafond forestier. Au premier plan, nous avons des tiges et
des boutures de manioc déracinées. A droite, nous apercevons un
homme debout vêtu de vert et d'un bleu marine délavé avec
une machette.
Ces photos nous montre clairement l'état dans le quel
se retrouvent les champs après le passage des éléphants et
le type de cultures qu'ils visent mais également, l'ampleur des
dégâts causés aux populations. Les cultures sont
étalées au sol, déracinées et parfois
piétinées ce qui revient à dire qu'aucune culture n'est
donc épargnée. Cette situation plonge malheureusement les
populations dans une extrême pénurie alimentaire. En effet, dans
l'attaque des cultures les éléphants transforment le champ de
cultures en un « champ de bataille ». Si l'on en croit le
discours de Germaine Bibalou, (corpus n°, séquence n°1), les
éléphants consomment toute sorte de culture dans une plantation
à l'exception du piment et du manioc amer qu'ils piétinent,
déracinent et jettent ici et là dans le champ pour suivre la
banane, les taros, les ignames et patates douces. Certaines cultures comme le
manioc amer sont déracinées, piétinées et
jetées ça et là. D'autres sont étalées sur
le sol. C'est le cas des bananiers tels que le montre la photo n°6. Les
troncs d'arbres sont parfois déplacement au point où le
propriétaire ne saurait reconnaître sa plantation.
Photos 8 : état d'un champ de canne à sucre
après passage des éléphants.
(Cliché MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA, le 07 aout 2007).
La photo 8 a été prise dans le secteur agricole
de Luba en présence de Jean P. Kabou Mbemeni. Cette photo nous montre
à l'arrière plan une partie de la forêt avec de gauche
à droite des trouées forestiers. Au centre, nous avons de gauche
à droite, des restes d'une plantation de cannes à sucre qui sont
envahies par des herbes et au premier plan, nous voyons un tas de crottes
d'éléphant au milieu des jeunes herbes. La présente image,
tout comme les deux précédentes, nous présente
également l'état dans lequel se retrouve les champs après
la visitation des éléphants. Elle nous informe que les
éléphants s'attaquent à toute sorte de cultures
mêmes aux cannes à sucre. Or les populations tirent certains de
leurs revenus dans la vente du vin à base des ces cannes à
sucre.
2.9 Les dégâts directs et autres
biens
Les dégâts issus des incursions des
éléphants peuvent être catégorisés en
dégâts « directs » ou
« indirects » en fonction de leur impact sur les gens. Les
dégâts directs ici, sont ceux qui agissent sur le bien-être
physique et économique des communautés rurales en causant des
dégâts sur les cultures, les biens, aussi bien que des accidents
physiques entraînant des blessures ou les décès de
personnes. Le problème concernant les dommages aux cultures est
certainement l'un des conflits les plus répandus à travers toute
l'aire de répartition de l'éléphant d'Afrique dans le
continent africain. Selon Alfa Gambari Imorou Safouratou et al. (2004), en
République Démocratique du Congo (RDC) des attaques aux bananes
ont été notées dans le Parc National « Queen
Elisabeth » en Ouganda et au Gabon. En ce qui concerne le Gabon,
Sally Lahm (2005), « les conflits entre les hommes et les
éléphants constituent un sérieux problème à
l'échelle nationale »107(*). Elle ajoute que les cas de dégâts
aux champs agricoles se produisent dans toutes les provinces du Gabon. Bas H.
(2003) de préciser que : « quelquefois, les
éléphants y sont abattus à cause des dégâts
qu'ils causent aux plantations agricoles des communautés
locales »108(*).
A Mandji, les dégâts dus aux incursions des
éléphants dans les plantations sont jugés inestimables.
Ces dégâts sont généralement occasionnés sur
les principales cultures et touchent les cultures de tous âges (jeune,
intermédiaire, mature) majoritairement estimés de bonne
qualité. La nature, la qualité et l'âge des cultures ont
été identifiés à partir du protocole de collecte de
données et d'analyse des situations de conflits
hommes-éléphants en Afrique de R.E.Hoare109(*). A Mandji, lorsque les
éléphants détruisent les cultures vivrières, ils
affectent la vie des populations. En larges groupes mixtes constitués de
8 à 10 bêtes, les éléphants détruisent
souvent en une seule nuit de grandes zones cultivées où aucune
culture n'est épargnée. Et même si les
éléphants visent plutôt les cultures comme la banane, le
taro, la canne à sucre, l'igname et la patate douce ils
détruisent également d'autres biens comme les clôtures ou
les campements des villageois tel que le montre la photo n°9.
Photo 9 : dégâts causés à la
clôture d'un champ.
(Cliché Prince Ongognongo et al. Mars 2006).
Cette image a été extraite du document de Prince
Ongognongo et ses collaborateurs. Sur cette image, on observe à
l'arrière plan, un espace dégagé derrière lequel
nous avons des jeunes herbes qui s'étendent jusqu'au fond où on
aperçoit des troncs d'arbre. Au premier plan, nous avons une femme
debout devant une clôture en strate de trois fils métalliques et
de deux poteaux, tenant l'un des fils avec sa main gauche. A l'extrême
gauche, l'image nous montre le bras d'une deuxième personne.
Visiblement, cette image nous fait état d'une clôture dont les
poteaux sont penchés. A notre avis, cette clôture a
été probablement subie une forte pression
d'éléphants ou celles des intempéries. En effet, les
intempéries contribuent à la dégradation rapide de ces
installations qui demandent un entretien important pour rester fonctionnelles.
Toutefois, selon Frédéric Marchand (1999), la plupart des
clôtures métalliques destinées à protéger les
plantations des incursions des grands mammifères ne résistent
généralement pas à la pression des troupeaux
d'éléphants. Ce qui revient à dire que les
éléphants s'attaquent non seulement aux cultures mais ils
détruisent également les systèmes de protection.
Toutefois, il est nécessaire de souligner que les
éléphants ne sont pas les seuls coupables. Les gorilles
(Gorilla gorilla), en grand nombre eux aussi, sont également
dévastateurs, sans parler des aulacodes (Thryonomys
swinderianus) et des althérure (Atherurus africanus) qui
grignotent les plantes de manioc au niveau de la base des tiges et les
tubercules en maturité ou pas. Outre ces espèces, notons
également la présence des criquets (Orthoptères
acridiens) dont les dégâts sont jugés importants. Par
contre, contrairement aux autres espèces, les intrusions des gorilles
dans les champs sont plutôt jugées moins fréquentes au
cours de l'année. Et celles des criquets sont saisonnières.
Toutefois, même si toutes ces espèces causent des
dégâts, ceux des éléphants sont
considérés comme les plus importants.
2.10 Décès et dommages corporels
Les éléphants tuent et blessent les gens
à travers le continent africain. Selon Marianne Courouble110(*), en Afrique australe chaque
semaine la presse locale relate des incidents graves : des cultures
dévastées, des habitations détruites et des habitants
blessés ou tués par les éléphants. Pour Maiga
(1999)111(*), au Mali,
12% des conflits concernent les agressions sur les personnes physiques. Dans
notre zone d'étude, la plupart des gens qui sont tués ou
blessés sont des hommes, et ces incidents arrivent souvent pendant la
nuit. Selon l'infirmière major du dispensaire de Mandji, de 1996
à 2006, le dispensaire a enregistré un mort et quatre (4)
blessés à l'issue des confrontations avec les animaux sauvages et
en particulier avec l'éléphant. Le facteur clé de ces
incidents mis en évidence ici est la chasse. La plupart des personnes
blessées ou tuées avaient été attaquées lors
d'une partie de chasse ou en visitant les pièges. Les cas de
décès et des dommages corporels, même s'ils sont moins
nombreux que ceux des dégâts causés aux cultures, sont
considérés comme la plus sévère manifestation des
conflits hommes/éléphants et la plus intolérable. Et c'est
l'une des raisons qui accroît l'animosité des populations
vis-à-vis des éléphants.
2.11 Les dégâts indirects
Même si les dégâts indirects ne touchent
pas directement les foyers et l'intégrité physique des personnes,
ils ont tout de même un effet néfaste sur la vie des gens. Par
exemple, la peur de croiser un éléphant restreint sûrement
les mouvements des gens entre les champs et les villages, plus
particulièrement quand des attaques ont eu lieu récemment. Une
telle peur peut selon les périodes, par exemple retarder les semences
des nouveaux champs entre septembre et octobre. Cette peur réduit
également la cueillette et le ramassage de certains fruits tels que ceux
du manguier sauvage à partir desquels les femmes confectionnent des
sauces. Dans les campements, les gens se relaient pour garder les cultures et
les biens avec, pour conséquence, un manque de sommeil et
d'énergie, des possibilités réduites d'efforts dans
l'exécution des travaux et le stress psychologique. De telles
conséquences indirectes sont difficilement estimables
financièrement et sont donc difficiles à évaluer de
manière conventionnelle. Cependant, même s'ils sont plus
difficiles à quantifier que les dégâts directs, ces
dégâts ont tout de même un effet significatif sur la vie des
gens.
Chapitre 3 : Rapports
Hommes/éléphants
S'il est un animal que tout le monde connaît, c'est bien
l'éléphant. Certains l'admirent au cirque, d'autres le
collectionnent (peluches pour les petits objets précieux pour les
grands), d'autres encore passent leur vie à l'observer pour mieux
l'étudier. Il est vénéré par certains peuples, mais
aussi convoité et chassé pour son ivoire. C'est dans cette
optique que Nigel Leader-Williams note que : « Les
éléphants sont une provocation, car eux et leurs produits
attirent l'attention de beaucoup de gens, du fermier au chasseur pour la viande
et l'ivoire, sculpteurs et utilisateurs d'ivoire, chasseurs touristes et
touristes venant voir la faune sauvage, jusqu'aux scientifiques et
conservateurs. Cependant, la perception qu'ont tous ces différents
groupes, des éléphants varie grandement, et est faite d'un
mélange complexe de motifs, allant de l'avidité à la
noblesse et de l'intolérance à la sentimentalité. Pour un
fermier local il s'agit de trois tonnes de viande qui peuvent détruire
la récolte annuelle de maïs. Pour les chasseurs, sculpteurs et
acheteurs d'ivoire, c'est une source de revenu, et un produit de grande
beauté, de solidité et de prestige. Pour un touriste, qu'il soit
chasseur ou visiteur, l'éléphant est un trophée à
emporter par le fusil ou la photo. Pour un scientifique,
l'éléphant est une espèce pourvue d'une haute
intelligence, ayant un système social dont l'étude est
fascinante »112(*).
En dépit de cela, il n'a jamais cessé de
véhiculer une dimension imaginaire et symbolique dans l'univers culturel
de certains peuples. A titre d'exemple chez les bakwélé, les
bagando et les pygmées baka du Cameroun ainsi que ceux de la
République Centrafricaine, l'éléphant représente le
symbole de la force et du caractère évasif113(*). Chez le peuple
Baoulé du nord-ouest du Cameroun, l'éléphant était
un symbole de puissance114(*). Tout comme chez ces peuples,
l'éléphant revêt également une dimension imaginaire
et symbolique chez les Bisir.
3.1. Conception de l'éléphant chez les
Bisir
L'éléphant constitue un symbole majestueux du
continent africain. Il est utilisé comme logo sur une série de
produits commerciaux, les partis politiques et sur la monnaie de certains pays
de la sous-région, notamment la République Démocratique du
Congo. Au sein de l'« ethnoculture » gisir,
l'éléphant est un animal qui occupe une place importante dans
l'univers culturel de ce peuple. L'éléphant est
désigné en langue gisira par le terme
« nzahu ». Le terme gisira
« nzahu » est un terme invariable. Il n'a pas de
pluriel. L'éléphant se désigne toujours au singulier
même quand il s'agit de plusieurs éléphants. Que ce soit un
mâle, une femelle ou un éléphanteau, ils sont tous
désignés par le mot « nzahu ». Les
Bisir connaissent deux espèces d'éléphant. La
première est « nzahu musala » qui
correspond à l'éléphant de forêt (loxodonta
africana cyclotis) et la deuxième est « nzahu i
ditotu » dont la description renvoie à
l'éléphant de savane (loxodonta africana africana).
Par contre, dans la société des mâles,
lorsque deux mâles adultes se retrouvent dans un même état
sexuel, ils se combattent parfois jusqu'à ce que l'un des deux succombe.
Lorsque aucun n'a succombé, « le perdant » se retire
du groupe et s'isole. Cet état d'isolement d'un éléphant
combattu par un de ses congénères, est désigné par
le terme « mutimbu » ou « nzahu
mutimbu ». Cependant, dans l'imaginaire gisir deux conceptions
essentielles se dégagent de l'éléphant. Il y a
l'éléphant de forêt (Nzahu i musiru) et
« l'éléphant du village » (nzahu i
dimbu). L'éléphant de forêt est
l'éléphant naturel qui vit dans un environnement forestier
lointain même s'il peut avoir des interactions avec les hommes. Par
contre « l'éléphant du village » est un
éléphant protecteur qui est au service des hommes. Cet
éléphant vit toujours autour du village. Il peut parcourir des
longues distances pour des raisons alimentaires ou sexuelles mais il revient
toujours vers le village. Voilà pourquoi en cas de perte, il suffit de
suivre les pistes de l'éléphant car celles de
« l'éléphant du village » mènent
toujours vers les hommes. Dans l'univers culturel des Bisir,
l'éléphant occupe une place prépondérante. Il est
le symbole de puissance, d'influence, de la grandeur, de la renommée, et
du pouvoir.
Cette assertion est soutenue par l'extrait de discours
suivant : « les anciens
« fétichaient » l'éléphant pour avoir
l'influence et la grandeur et la renommée. Pour que les autres aient
peur de toi, on te faisait une scarification au front pour avoir l'influence
car personne ne peut fixer le front d'un éléphant.
L'éléphant est un animal influent et qui engendre la peur. Quand
tu attends qu'une personne fût influente ici, cela veut dire qu'il avait
l'éléphant. Lorsqu'il arrive au milieu des hommes, il attirait
toute leur attention. Il y avait certains notables qui avaient
« fétiché » l'influence de
l'éléphant. Quand il va chez l'autorité administrative,
celle-ci se sentait influencée et le considère comme un homme
respectable (...) »115(*). Selon Mahamane Halidou Maiga116(*), l'éléphant
est considéré chez les peuples du Gouma Malien comme un symbole
de la puissance, du pouvoir et de la force tranquille. Et chez les touareg, il
est le symbole de la longévité et du bonheur, il est souhaitable
de ce fait de le rencontrer au lever du jour.
L'extrait de discours de Camille Mboumba semble confirmer
notre assertion sur l'incarnation de l'influence et de la grandeur de
l'éléphant chez les Bisir. En effet, dans la
société traditionnelle gisir est chef de famille, de lignage ou
de clan, celui qui possédait de la grandeur et de l'influence à
l'égard des autres membres de la communauté. Et
l'éléphant est l'animal à partir duquel on
acquérait ces valeurs chez les Bisir. Il est vrai que de nos jours,
rares sont les hommes qui recourent encore à l'éléphant
pour posséder grandeur et influence mais ces pratiques sont encore de
mises. Outre la grandeur et l'influence, l'éléphant est
également considéré comme un guide. Lorsqu'une personne
vient à se perdre dans la forêt, elle doit, pour retrouver le
chemin du village, suivre les pistes de l'éléphant car celles-ci
mènent toujours au village.
L'éléphant est également présent
dans l'organisation matrimoniale chez les Bisir. Camille Mboumba nous apprend
que : « Autrefois, lorsqu'une personne va épouser
chez un notable, il apporte des défenses d'éléphant dans
la dot pour que la femme ait du poids devant la
société »117(*). En effet, comme de nos jours, les pointes
d'éléphant avaient déjà connu une grande valeur.
Elles étaient considérées comme l'une des plus grandes
richesses. Ainsi, lors du mariage de la fille d'un grand notable, la
compensation matrimoniale était toujours accompagnée de pointe
d'ivoire. Ces pointes d'ivoire consistaient à dire que la femme
épousée doit cultiver un certain nombre de qualités dont
la grandeur et la dignité. L'éléphant chez les Bisir
symbolise également le partage. Dans l'organisation sociale du peuple
gisir, la viande de l'éléphant est une viande qui ne se mange
jamais seul. Nul ne peut après avoir abattu un éléphant le
consommé seul avec sa famille. Une fois un éléphant est
abattu, le chasseur se présente au village muni de sa trompe pour
informer les autres membres de la communauté de son succès. Puis,
un ou deux jours après toutes les personnes sont autorisées
à participer au dépeçage de l'animal à l'exception
des initiés au rite ngubi et des plus petits.
Donc l'abattage d'un éléphant est un
évènement de partage. Même les personnes qui n'ont pu
prendre part au dépeçage reçoivent leurs parties. Ainsi,
lorsqu'un homme avait pour fétiche l'éléphant, il avait la
main large vis-à-vis des autres membres. Il était un homme de
partage et généreuse. Et nous sommes d'avis avec Jean Pierre
Kabou M. quand il dit que : « L'éléphant
était aussi le symbole du partage et de la
générosité. Tous ceux qui avaient pour fétiche
l'éléphant étaient des personnes qui avaient des grandes
familles, qui étaient sollicités et généreuses.
Parce que la viande de l'éléphant est une viande du
partage »118(*). Outre la générosité,
l'éléphant symbolisait aussi la renommée. Toutes les
personnes qui avaient l'éléphant comme fétiche,
étaient des personnes de grande renommée tout comme
l'éléphant qui est un animal très connu. Lorsqu'un
éléphant a été abattu ou quand il a causé
des dégâts, la nouvelle se répand facilement sur toutes les
contrées du village. La symbolique du partage de
l'éléphant est aussi utilisée pour désigner une
femme frivole.
Une femme qui a des rapports intimes avec plusieurs
partenaires est désignée par l'expression « nyama
nzahu » c'est-à-dire la viande de
l'éléphant dans la mesure où celle-ci est à la
portée de tout le monde. De la même manière que cette femme
partage son corps à plusieurs hommes, c'est de la même
manière que la viande de l'éléphant est consommée
par tout le village. Aussi, contrairement à certains textes oraux qui
rapportent le lion comme étant le roi de la forêt, chez les Bisir,
c'est plutôt l'éléphant qui est considéré
comme étant le roi de la forêt, comme l'indique Kabou Mbemeni Jean
Pierre quand il dit : « (...) C'est le président de
la forêt. L'animal qui fait le plus peur en brousse, c'est
l'éléphant et non le lion ou la panthère. C'est l'animal
que l'on évite le plus en brousse »119(*). Dans l'imaginaire du
peuple gisir, la nature est essentiellement constituée de deux
sphères : la sphère terrestre et la sphère maritime.
Dans la première, c'est l'éléphant qui est le roi. Et dans
la deuxième, c'est le domaine de l'hippopotame, c'est lui le roi des
eaux.
3.2. L'éléphant dans les rites
traditionnels
Une multitude de croyances lient les hommes parmi lesquels les
Bisir à l'éléphant ou vice versa. L'éléphant
constitue une espèce de référence dans des nombreux rites
à l'exemple des cérémonies traditionnelles chez les
pygmées du Cameroun et de la République de la Centrafricaine
étudiés par Alain Penelon120(*). La viande de l'éléphant constitue
nous apprend Ndogo121(*)
(2000), une offrande indispensable à Jengi chez les pygmées. Ces
peuples croient qu'ils ne peuvent pas vivre sans Jengi, qui pour eux,
désigne le Dieu de la forêt qui assure leur survie en terme de
protection, de bonne santé, de fertilité et de provision des
ressources alimentaires. Ainsi pour que Jengi soit disposé
à leur rendre ces services, un éléphant doit absolument
être sacrifié. Chez les Bisir, l'éléphant est un
protecteur dans la plupart des rites traditionnels, notamment dans le bwiti et
dans certains rites féminins tels que le mabandji, le
ilombo et le girina, etc., à l'exception des rites de
socialisation.
C'est ainsi nous apprend Camille Mboumba :
« Lorsque tu vois un homme avec la queue de l'éléphant
qu'il tient comme un chasse-mouche à la main, cela le protège.
Cette queue est un membre du corps de l'éléphant qui le
protège. Lui, il se cache dans l'éléphant. Un sorcier qui
le cherche ne trouvera que cette queue. Même certains bwitistes en
possèdent. Lorsque tu vois un chef de fil du bwiti avec une queue
d'éléphant, cela veut dire qu'il cache son corps dans un
éléphant ou se protège et protège tous les autres
membres qui sont derrière lui. Même dans tous les rites
féminins, on ne se cache que dans l'éléphant
(...) »122(*).Mais l'éléphant pris comme
protecteur n'est pas seulement l'apanage des initiés. Un non
initié peut également recourir à l'expertise d'un
nganga pour obtenir un « éléphant de
protection ». C'est d'ailleurs dans ce sens que Jean Emile Mbot
dit que : « dans les sociétés traditionnelles,
la faune revêtait une grande importance. L'animal remplissait diverses
fonctions : il soignait, nourrissait, il protégeait. (...). Aussi,
si vous demandez à un gabonais âgé s'il entretient un lien
avec un animal particulier, la réponse est généralement
positive, parce qu'il se souvient des soins thérapeutiques qu'il a
reçu à un moment de son existence, afin de se purifier, de se
prémunir contre les dangers, et de
guérir »123(*). Nous pouvons aussi lire sous la plume de Elie
Hakizumwami (2005) en parlant des usages traditionnels de
l'éléphant chez les Bakwélé, les Bagando et les
Pygmées Baka du Cameroun ainsi que chez les Pygmées Aka de la
République centrafricaine que « Les crottins de
l'éléphant auraient des propriétés curatives sur
plusieurs maladies à cause de la diversité
végétale du régime alimentaire de
l'éléphant. Ils seraient également
utilisés pour se protéger contre les mauvais
esprits »124(*).
En parlant des Bisir, Camille Mboumba dit :
« une personne fétiche un éléphant pour
protéger sa famille, les enfants et les femmes. On le reconnaîtra
qu'à partir des plaintes des propriétaires des plantations
détruites par son éléphant. Hier, que ça soit chez
modernes que ça soit chez les traditionnels il n'était pas
question de tuer l'éléphant parce que l'éléphant
était une protection des personnes »125(*). En effet, dans la
société traditionnelle gisir, les hommes peuvent posséder
un « éléphant du village » destiné
à les protéger et à protéger les siens contre
toutes attaques mystiques. Cependant la femme ne peut prétendre à
« l'éléphant du village » destiné
à la chasse car celle-ci est une activité exclusivement
masculine. Dans le culte des jumeaux (mavasa),
l'éléphant est considéré comme un génie
(mugisi). Selon la tradition orale gisir, l'hippopotame et
l'éléphant seraient des jumeaux. Parmi les deux, l'hippopotame
est l'aîné. A leur naissance, l'hippopotame serait resté
dans l'eau et y régna en maître et l'éléphant fut
monté à la berge où il est considéré comme
le roi de la forêt.
3.3 Eléphant et sorcellerie
Vivre avec les membres de la famille, du lignage ou du clan
sur le même environnement parait procurer un réel sentiment
d'intégration, de considération et une sensation de
sécurité, le tout bâti sur la notion d'entreaide et de
solidarité. Cependant, pour Raymond Mayer, « la famille
gabonaise comme toutes les autres familles connaît des phases des
conflits »126(*) . La jalousie et la rivalité, pour ne citer
que ces exemples sont les principaux leviers évoqués souvent dans
tous les cas de sorcellerie. La sorcellerie désignée dans la
société gisir par le terme
« bulosi » ou
« dikundu », renvoie au pouvoir de nuire aux
autres. Le sorcier se dit « musoli ». C'est un
agent du mal, une personne secrètement dotée de pouvoirs
maléfiques et extra humains qui lui permettent d'accomplir un certain
nombre de choses néfastes aux yeux de la société par
exemple, se transformer en un animal pour dévaster les productions
agricoles voisines.
C'est dans ce sens que Mboula Yakouya Adolphe nous a
confié que «Il y a des gens qui se transforment en
éléphants pour nuire aux autres, qui vont dans leurs plantations
pour faire le désordre en consommant leurs cultures et en les
détruisant. Parfois, il va faire appel aux autres
éléphants de la forêt pour venir tout consommer (...),
lorsque ceux qui gardent leurs campements se rendent au village, ces
éléphants dévastent toutes leurs plantations parce qu'ils
savent que les propriétaires sont au village »127(*). En effet, cet
extrait de texte oral nous apprend que tout être humain (blanc ou noir)
qui se transforme an animal, en particulier en éléphant est
considéré comme un sorcier. Cette sorcellerie est issue d'une
sorte de jalousie que les uns éprouvent envers les autres. Dans
l'univers culturel gisir, la richesse repose en grande partie sur la production
agricole. Plus votre production agricole est importante plus vous êtes
riche. Par conséquent, des personnes jalouses peuvent nuire à
votre production agricole. Cependant, cette nuisance peut aussi s'expliquer
d'une autre façon. Elle peut, certes, provenir de la jalousie mais dans
la plupart des cas, il s'agit de l'incapacité des propriétaires
des « éléphants du village » à les
nourrir et à les maîtriser. Un éléphant du village
est comme un éléphant naturel de la forêt, nous dit Albert
Boulikou (corpus n°2, séquence n°5). Un
« éléphant du village » est comme une
bête domestique que l'on peut attacher comme on attache un chien de garde
par exemple. Il aspire aussi à tous les besoins ressentis par un
éléphant naturel. Il doit se nourrir, boire et s'accoupler. Il a
le même comportement que les autres.
La plus grande difficulté éprouvée par
les propriétaires de ces derniers est celle de les nourrir car un
éléphant consomme 150 à 280 kg de matière
végétale par jour comme le mentionne Nicolas Manlius et Pierre
Pfeffer128(*). Or les
propriétaires ne possèdent pas des sites agricoles assez
importants pour les nourrir. Mais étant donné qu'ils doivent se
nourrir, les propriétaires sont obligés de les laisser
dévaster les cultures des autres membres de leur communauté. Tout
comme tout animal domestique a besoin d'un peu de liberté pour
s'épanouir, il peut arriver que « l'éléphant du
village » se détache par ruse, pour satisfaire ses besoins
notamment s'alimenter.
Et son propriétaire ne peut pas le garder attacher tous
les jours. Cependant, lorsqu'il parvient à se détacher, il se
dirige vers les champs des voisins. Mais pour les personnes victimes des
dégâts, les propriétaires de ces
« éléphants du village » ne sont pas
excusables. Lorsqu'une personne est reconnu comme étant
propriétaire d'un « éléphant du
village », il est catalogué comme étant un sorcier. Par
ailleurs, Camille Mboumba nous apprend que : « si dans un
rêve, on te donne de la viande de l'éléphant, il ne faut
pas en prendre, c'est de la chaire humaine »129(*). Autrement dit,
lorsqu'une personne dans un rêve reçoit de la viande de
l'éléphant, elle ne doit pas la consommé car il s'agit de
la chaire humaine (nyama i dibeti). Si vous en consommer, vous
êtes appelé à donner en retour un membre de votre famille
étant donné que tout « don » appelle un
« contre don ».
3.4 Les techniques traditionnelles de la chasse
à l'éléphant
Avant que l'Afrique ne fut divisée et
administrée comme elle l'a été avant et après les
indépendances, presque tous les peuples chassaient. Ils le faisaient
pour défendre leur terrains de culture contre les
déprédations et pour se procurer de la viande. Dans le sud du
continent africain, l'éléphant est chassé depuis des
longues dates. Il a toujours été un gibier pour les peuples
autochtones. Sa chasse était rendue possible grâce à
certaines méthodes. En effet, avant l'introduction du fusil de traite,
arme de pierre ou à piston, qui nous parait maintenant d'un
archaïsme très lointain, les peuples africains et en particuliers
ceux du Gabon chassaient avec les moyens locaux qui étaient à
leur portée.
La chasse à l'éléphant passait par la
chasse au feu, la chasse à la sagaie, jetée du haut des arbres,
et par l'usage du piège à harpon. Mais seule la mise en oeuvre de
fosse-pièges et celle de battues à la sagaie furent
générales. Aussi, la chasse de l'éléphant
était individuelles ou, le plus souvent collective mais les
procédées étaient multiples. Chez les Bisir en
particulier, ce sont les pièges qui furent en usage. Le piégeage
est un procédé très ancien. Il compte parmi les formes les
plus vieilles de la technique cynégétique. Les chasseurs Bisir se
servaient, pour capturer les éléphants, essentiellement de deux
sortes de moyens : les fosses-pièges désignées en
gisir par le terme « dubila », les pièges
à harpon appelés « gilungu » et le
noeud coulant appelé « munota u nzahu ».
Selon Camille Mboumba (corpus n°7, séquence n°1), le
« gilungu » se pratique en brousse. Il consiste
à couper un gros bois lourd que l'on amarre au milieu. Puis l'on
fabrique une grosse lance que l'on enfonçait dans le bois que l'on
suspendait à partir d'un arbre. A notre avis, cette description
brève correspond à celle du piège à harpon de
Jeannin Albert (1947) dans son ouvrage « L'éléphant
d'Afrique ».
Selon Jeannin Albert (1947), le piège à harpon
était un piège composé d'un gros bloc de bois, armé
d'une lourde pointe de fer et suspendu à 4 ou 5 mètres au-dessus
du sol sur de bois de petite dimension comme en témoigne la figure
n°1. La partie métallique terminale, en forme de lance, pèse
jusqu'à 50 kg. Cette grosse masse est liée à la terre par
une corde, faite de lianes, qui passe elle-même sur une barre d'appuie.
La corde est fixée à son autre extrémité sur une
traverse placée à peu près à deux mètres de
hauteur au-dessus d'un passage des éléphants. La corde est
à peine engagée dans la barre transversale. Elle est en
équilibre précaire. Si une bête emprunte ce passage, elle
heurte infailliblement la traverse, celle-ci est déplacée et la
corde de dégage, le gros bois n'est plus retenu, il tombe sur l'animal.
La disposition de l'ensemble est telle que le pachyderme est frappé
à la nuque, et en cherchant à s'enfuir, la pointe de fer se
baissait comme un levier et s'enfonçait dans son corps. Le type de
construction de ce piège ne comprenait aucun bâti, l'axe d'appui
était simplement posé entre les fourches de branches sur deux
arbres voisins, de chaque coté de la piste.
Figure 1 : type de piège à harpon.
Jeannin Albert (1947).
Cependant, il y a une particularité dans la pratique de
ce piège chez les Bisir. La pratique de celui-ci est
réservée exclusivement à un oncle de famille car il doit
se faire assister par l'un de ses neveux. Toute personne n'ayant aucun neveu
est proscrite de la pratique de ce piège. Selon Camille Mboumba,
« le gilungu se pratique que par une personne qui a des neveux
(...) toi-même l'oncle tu montes et tu demandais au neveu de se courber
et tu verses de l'eau qui passait par la pointe la lance et descendait sur le
dos du neveu, c'est pourquoi tu attends que c'est le neveu que l'on fait
courber au gilungu. Lorsque l'éléphant passe par là, il se
fait forcement attraper » (...) le droit à la pratique de ce
piège ne se faisait qu'avec le neveu parce que si le bois tombe,
ça ne tombera que sur le neveu. Et s'il meurt l'oncle n'avait pas de
compte à rendre puisque l'enfant qui est mort c'est son neveu, lui c'est
le gilungu qu'il a fait et il ne peut le faire avec n'importe quel enfant.
Même son père ne dira que l'oncle c'est le piège qu'il a
fait »130(*).
En effet, ce piège exige un rituel que l'oncle ne peut pratiquer
qu'avec son neveu. Une fois le piège positionné, l'oncle monte
sur le gros bois suspendu entre les arbres et demande à son neveu de se
courber au niveau de la pointe de fer. Après s'être courbé,
l'oncle verse de l'eau sur le gros bois qui, en passant par la pointe de fer,
descend jusqu'au dos du neveu. Une fois ce rituel opéré, à
tous les coups, le piège attrapera sa proie. Mais ce rituel était
très dangereux, dans la mesure où il se produisait parfois des
accidents. Il arrivait que le bois tombe et la sagaie transperce le neveu.
Mais cet accident était considéré comme
légitime, et aucun différend ne pouvait survenir à cet
effet. Même le père de l'enfant ne pouvait intervenir. Selon
l'idéologie lignagère et clanique chez les Bisir, l'oncle
à pleins pouvoirs sur ses neveux et nièces notamment, le pouvoir
de vie et de mort. Lorsque le père ou même la mère venait
à intervenir, toute la communauté convenait qu'il s'agissait d'un
accident et que ce n'était pas de la faute de l'oncle. Il avait
simplement fait un piège pour apporter de la viande au village. La
deuxième méthode de chasse était un piège
appelé « dubila ». Ce piège est
également pratiqué chez d'autres peuples du Gabon tels que les
Masangu.
Chez les Masangu, il est appelé
« dibile ». Selon Rigobert Moukambi Pango (2003)131(*), ce piège consistait
à creuser une grande fosse circulaire ou carré de 2 à 2m5
de longueur, sur un sentier d'animaux ou à un endroit où ils
viennent souvent. On peut planter au fond de la fosse des sagaies en bois ou
« misulu » qui transpercent l'animal une fois qu'il tombe.
On peut aussi laisser la fosse sans sagaies. Cette fosse est fermée avec
des feuilles mortes posées sur un matériel très fin tel
que les tiges de bambou, pour ne pas donner trop de résistance sous le
pied d'animaux. D'après Camille Mboumba (corpus n°8,
séquence n°3), le « dubila » consistait
à creuser une grande fosse proportionnelle à la taille de
l'éléphant sur une de leurs pistes.
Dans cette fosse, étaient plantées des longues
sagaies camouflées par des petits morceaux de bois en dessus desquels on
mettait de la terre dont le tout était recouvert des feuilles mortes.
L'endroit choisit pour ce piège, est un endroit où il n'y a pas
d'arbres à côté de la fosse pour éviter que le
pachyderme s'y accroche et parvienne à s'en sortir. Selon Jeannin Albert
(1947), les fosses étaient des trous, de dimensions variables, ayant en
moyenne 3 à 4 mètres de longueur, 2 de largeur et 3m.5 de
profondeur. Ces excavations allaient en se rétrécissant et
n'avaient plus que quelques centimètres de large à la surface
inférieure. Cet étranglement progressif avait pour but
d'annihiler tous les efforts que pouvait faire un animal afin de se
dégager. Il était de la sorte absolument coincé entre les
parois, dépourvu de point d'appui convenable pour s'aider de ses
membres. Les ouvertures supérieures étaient habilement
dissimulées, recouvertes d'un treillis de branches et de feuillages. Le
fond était fréquemment muni de pieux en bois, aux
extrémités taillées en pointe et durcis au feu.
Quant au « munota u nzahu »,
c'est un système du noeud coulant. A notre avis ce système semble
avoir été mis en oeuvre récemment chez les Bisir car
contrairement aux deux premiers, qui étaient faits à base des
matériaux locaux, ce piège est fait avec du fil métallique
d'introduction récente. Et Jeannin Albert (1947), soutient que
« le système du noeud coulant ne semble guère avoir
été mis en oeuvre que dans certaines parties de l'Afrique
orientale, dans les contrées situées au nord du lac Rodolphe
(...) »132(*). En s'inspirant, de la description de cet auteur, le
noeud coulant comporte trois éléments essentiels. D'abord, une
corde très résistante, faite de peaux de buffles ou d'antilope,
tannées à l'huile ou au beurre, tordues et serrées
ensemble.
Chez les Bisir, cette corde est remplacée par un fil
métallique d'épaisseur moyenne. Puis, un lourd billot de bois,
généralement un tronc d'arbre, pesant 250 à 300 kgs.
Ensuite, une claie composée de bambous, ayant une disposition circulaire
de 1m.20 de diamètre, avec cette particularité que les tiges de
bambous sont fixées sur le pourtour et que le centre est vide. Les
pointes des tiges dirigées vers le milieu du cercle sont
acérées. Le tout est placé sur un passage
d'éléphants, de la manière suivante : un trou est
creusé qui peut avoir 0m.50 de profondeur. Au-dessus, on met la claie
et, sur celle-ci, la corde présentée en noeud coulant très
large, dépassant amplement les dimensions d'un pied
d'éléphant, ayant environ 0m.80 de diamètre. L'autre
extrémité de la corde est solidement reliée à
l'énorme pièce de bois, qui est déposée à 2
ou 3 mètres du sentier. Ceci est recouvert de terre. Si un pachyderme,
suivant ce chemin introduit son pied sur la claie, celle-ci se rompt et le
sabot s'enfonce dans l'excavation faite. La corde, qui était maintenue
par la claie, enroule la cheville de l'éléphant. Les pointes
pénètrent dans sa chaire et l'irrite ; il veut se
débarrasser de l'objet mais ses efforts ne font que fixer davantage le
noeud coulant. Même s'il arrive à se défaire de la claie
à l'aide de sa trompe, la corde demeure étroitement jointe
à son pied.
Lorsqu'il commence de partir, il lui faut traîner la
lourde masse de bois. La bête s'émeut et veut quitter cet endroit,
elle précipite ses mouvements mais, quelle que soit sa vigueur, elle est
à chaque instant arrêtée ou retardée par ce tronc
d'arbre pesant qui se heurte à tous les accidents. En surveillant le
piège, les chasseurs s'aperçoivent qu'un sujet a
été pris. Ils le poursuivent, il a pu effectuer dans des
conditions effroyables dix ou vingt kilomètres, et ils peuvent le tuer
facilement car il n'a pas la liberté de ses mouvements et il est
épuisé. Cependant, contrairement aux deux premières
méthodes (gilungu ne dubila), la troisième (munota u
nzahu) est encore employée de nos jours, mais avec moins
d'intensité qu'autrefois.
3.5 Fétichisme et chasse au fusil
La chasse au fusil en milieu gisir est une pratique
d'introduction récente. Selon Albert Boulikou, cette pratique a
été introduite chez les Bisir par des chasseurs qui seraient
revenus vers la région de Lastrouville. Cette affirmation nous a
été rapportée dans l'extrait de discours suivant :
« Les chasseurs qui les tuaient n'étaient pas parmi nous,
ils revenaient de Lastrouville, nous les gisira nous avons appris à
faire la chasse avec eux, ils avaient un rite qu'on appelait munombu133(*). Lorsqu'ils arrivaient ici
ils descendaient chez les chefs. Ces chefs les montraient les forets où
l'on rencontre les éléphants. Et ces chasseurs partaient
accompagnés des autochtones à leur poursuite de ces
éléphants. Ils les tuaient avec les flèches, une fois
tués les gens du village prenaient la viande et ils
récupéraient les pointes de défenses qu'ils
vendaient »134(*). En effet, Jeannin Albert (1947) note qu'il y
aurait dans le bassin supérieur de l'Ogooué, au Gabon, un peuple
qu'il nomme les Mindassa, qui avait un cérémonial
compliqué dont le rôle principal était tenu par un
« nganga djoko ». Le mot « nganga
djoko » signifie littéralement selon l'auteur,
maître du rite de l'éléphant.
En effet, les opérations d'ordre magique,
c'est-à-dire toutes les tentatives de contrainte, jouant en direction
d'un objet afin que celui-ci se conforme aux souhaits de l'officiant ou des
officiants, étaient d'un usage général en ce qui
concernait la chasse chez nombre des peuples traditionnels. A propos des
Mindassa, Jeannin Albert rapporte les propos de Even, un administrateur
colonial, selon lesquels, la veille du départ pour la chasse, le
« nganga djoko » dépose dans une hutte, qui
correspond à un autel consacré, un panier d'écorce et un
sachet fait d'une peau de chat-tigre. Le panier contient des ossements des
défunts « nganga djoko » du village et ceux
de leurs épouses, qui les assistaient dans les
célébrations rituelles. Le sachet renferme de la cendre provenant
de la carbonisation d'excréments d'éléphants et de
certaines parties (trompe, pénis) du corps des grands sujets mâles
qui furent tués au cours d'expédition antérieures.
Les fusils et les sagaies des chasseurs sont placés
contre les parois de la hutte et à l'intérieur de celle-ci
entrent le « nganga djoko » et sa femme. S'il
possède plusieurs épouses, celle qui l'accompagne en cette
circonstance est toujours la préférée. Ceux qui prendront
part à la chasse s'assemblent au dehors. Le « nganga
djoko » commence par évoquer les morts, il les appelle,
les prie d'aider les hommes qui vont le lendemain chasser. Il s'adresse aux
esprits des éléphants mâles dont les cendres reposent
près de lui. Il les presse d'assister ses gens, de le seconder pour que,
dans la chasse qui aura lieu, de nouveaux éléphants soient
tués. Puis, il sacrifie d'un coup de sagaie au coeur, un mouton, et
décapite des poulets. Il arrose de sang les ossements des ancêtres
et la cendre des grands animaux.
Dans leurs soubresauts, les bêtes agonisantes projettent
des gouttelettes sanglantes sur l'opérateur, sur les chasseurs et les
armes, et ce sont là des éléments favorables, riches en
vertus mystiques. Au soir, les chasseurs consomment en commun la viande des
animaux sacrifiés et, lorsque la nuit vient, tous les habitants du
village dansent. Le « nganga djoko » regagne sa
case en compagnie de sa femme, et il est jugé bon, pour que l'entreprise
du lendemain soit suivie de succès, qu'ils aient entre eux des rapports
sexuels. Le lendemain, l'expédition s'effectue. Lorsqu'ils arrivent dans
la zone des éléphants, les hommes construisent rapidement un
campement en branches et en feuillage dans lequel la femme doit y demeurer,
ayant près d'elle les ossements et les cendres, jusqu'à la fin de
la chasse.
En présence des bêtes, c'est le
« nganga djoko » qui tire le premier coup de fusil
ou qui jette la première sagaie. Quand un éléphant est
atteint et meurt, le « nganga djoko » lui coupe
d'abord la queue. Il retourne, muni de ce trophée, au campement et en
frappe son épouse. La femme doit quitter son abri et elle suit son mari
jusqu'au « cadavre ». L'homme sectionne alors
l'extrémité de la trompe et applique ce fragment sur la bouche de
sa femme qui doit en aspirer le sang. Elle-même opère de cette
façon sur le « nganga djoko ».
L'éléphant est ensuite découpé. Les parties
sexuelles et celles qui doivent être conservées et réduites
en cendres sont recueillies par l'officiant, qui reçoit en outre les
intestins, le foie, la trompe, et un morceau du coeur.
Le reste de cet organe est réparti à
l'écart entre certains chasseurs qui sont initiés à une
confrérie secrète, le « Mongala ».
La nuit qui suit les chasses fructueuses, les habitants du village se livrent
de nouveau à des danses et à des chants. Le
« nganga djoko » de temps à autre,
s'élance au milieu des cercles de danseurs et simule par ses attitudes,
une profonde désolation. Il se lamente sur la mort de l'animal, il
exprime une douleur considérable qui dépasse, dit-il, celle que
lui a causé ou que lui causerait le décès des proches
parents. L'intensité de cette souffrance fictive doit être
proportionnée à la taille qu'avait la bête ; il arrive
que s'il ne s'agissait que d'un éléphanteau, les
témoignages de chagrin soient réduits. Ces agissements ont pour
objet d'apaiser l'esprit de l'animal et même de le concilier aux hommes
et de l'inciter, dans l'avenir, à favoriser les entreprises de chasse
qu'ils opèreront contre ses semblables.
Si sa mort n'était pas pleurée, il pourrait au
contraire en concevoir un ressentiment qui l'entraînerait à
avertir ses congénères, à les protéger, à
les pousser à des réactions de défense violente.
Après cette phase, le « nganga djoko »
enferme les cendres de l'éléphant abattu dans le sachet
consacré et remercie les ancêtres par un sacrifice de poulet. Mais
les prières, les offrandes et les danses rituelles, ajoute l'auteur, ne
suffisent pas à obtenir un résultat da chasse heureux. Des
interdits rigoureux doivent être observé qui sont indispensable au
succès de l'expédition. Les chasseurs, à l'exception du
« nganga djoko », particularité qui
crée aux manifestations des Mindassa un caractère tout à
fait spécial, doivent garder la continence depuis le cinquième
jour qui précède le départ jusqu'à leur retour au
village. Le « nganga djoko » y est d'ailleurs
condamné également, mais après que la chasse est
commencée et non dans la période qui la précède. La
violation de ces défenses provoquerait non seulement l'insuccès,
mais aussi des accidents, la mort d'un chasseur, par exemple. D'après
Albert Boulikou, les chasseurs qui seraient revenus de la région de
Lastrouville, étaient détenteurs d'un rite appelé
« munombu » dont les chasseurs Bisir se seraient
initiés. C'était un rite exclusivement réservé aux
hommes. Camille Mboumba (corpus n°8, séquence n°2), à
la suite de Boulikou Albert, nous apprend que lorsqu'un chasseur abattait un
éléphant, il coupait la queue de l'animal et l'apportait au
village.
Une fois arrivé au seuil du village, il brandissait
cette queue et les membres de sa famille poussaient des cris de joie
(gusiva milolu). Ces cris de joie exprimaient la grandeur de celui qui
vient de réussir un exploit car le succès d'une chasse à
l'éléphant procure grandeur, admiration, noblesse et
renommée. Puis, il fallait laisser passer deux jours avant d'aller
dépecer la bête. A la veille du troisième jour, une
veillée du « munombu » était organisée
le soir. Le lendemain, le chasseur était maquillé de kaolin rouge
puis se mettait devant pour conduire les membres de la communauté
indiqués à participer au dépeçage. Pendant le
parcours, les gens chantaient en battant les mains. Mais cette pratique du
« munombu » n'est plus d'actualité de nos jours.
Les chasseurs Bisir recourent désormais à des
pratiques magiques ou « fétichistes ». Mais avant de
s'initier à ces pratiques magiques, la chasse à
l'éléphant avec le fusil passe avant tout par un apprentissage.
C'est que nous confirme Camille Mboumba dans cet extrait de discours :
« N'importe qui peut devenir chasseur d'éléphant, c'est
un travail d'apprentissage il suffit d'avoir du courage parce que c'est pas
tout le monde qui résiste de regarder un éléphant.
Certains avec le fusil, s'ils voient l'éléphant, ils fuient, ils
parviennent qu'avec les petits gibiers. D'autres arrivent à tuer
l'éléphant même avec le calibre 12. La chasse à
l'éléphant se donne mais tu dois d'abord
apprendre »135(*). En effet, ne devient pas chasseur
d'éléphant qui veut mais qui peut. Seuls les jeunes hommes les
plus doués peuvent devenir chasseurs ; ils sont soumis à une
dure formation, et devaient faire preuve de courage, de sang-froid et
d'endurance physique car les marches peuvent durer longtemps, parfois plusieurs
jours. Enfin, il importe d'atteindre une grande maîtrise dans le pistage,
des dons d'habilité et être un bon tireur.
Le sang-froid est plus que jamais indispensable puisque
l'éléphant doit être tué de très près
comme l'indique Albert Boulikou quand il dit : « lorsque tu
veux tuer cet animal tu dois être en forme. Quand tu le chasses, s'il
arrive qu'il te voit le premier tu dois fuir et te cacher même
derrière un gros arbre parce que s'il te poursuit avec
méchanceté, même si tu tombes il va te dépasser. Et
quand tu fuies, tu ne dois pas le faire avec la peur, ton fusil doit être
avec toi à la main parce que si tu fuies en ayant peur, il peut t'avoir
(...) lorsque tu tires sur un éléphant, tu ne dois pas être
trop loin de lui »136(*). Pour cela, il importe d'apprendre à
évaluer la bonne distance susceptible d'atteindre fatalement la
bête. Mais l'atteindre fatalement revient également à
maîtriser les points d'élection des tirs. Pour Albert Boulikou
(corpus n°2, séquence n°2), les points essentiellement
vulnérables sont le conduit auditif externe (tsugu diru) qui
correspond au bulbe rachidien ou le trou de l'oreille, la base de la trompe
(mbami), au centre de la ligne qui joint les deux yeux, le coeur en
visant légèrement au-dessus du coude (mukeka urega).
L'idéal chez le chasseur est d'abattre l'animal sur
place, d'une seule balle. Cette réussite supprime les risques d'une
poursuite harassante, le danger de la charge de l'animal blessé et
irrité. La chasse à l'éléphant est une des plus
émouvantes qui soient. Cette supériorité lui vient de ce
qu'elle est difficile, l'adversaire étant un animal
particulièrement intelligent, et aussi du fait qu'elle peut devenir
dangereuse. Chez les Bisir, c'est la chasse la plus noble, elle procure
prestige et grandeur, même quand il s'agit d'un
éléphanteau. Jeannin Albert (1947) notait que parmi les plus
grands chasseurs professionnels occidentaux d'éléphants et gros
gibiers, tous connurent le danger de la charge d'un animal blessé ou
furieux et certains eurent un bref instant de défaillance ou simplement
manquèrent de chance et terminèrent leur carrière sous les
défenses et les sabots d'un éléphant qu'ils ne purent,
à la minute décisive, arrêter. Albert Boulikou nous
rapporte qu'« Ils étaient nombreux ici mais ils ont
succombé, ils se faisaient tuer par les éléphants, (...)
j'ai laissé parce que les faits surprenants devenaient trop (...)
parfois je vais en brousse pour une autre chasse, je n'apporte pas de carabine
seulement le calibre 12, je vois surgir de nulle part un éléphant
au moment où je réagi, il est non loin de moi.
(...) »137(*). A Mandji, de tels cas ont également
été enregistrés. En effet, la chasse à
l'éléphant était et est toujours une entreprise
risquée. La charge d'un éléphant est fort dangereuse.
Intelligent et pourvu d'un odorat très subtil, il cherche à
rejoindre celui qui l'a attaqué et s'en débarrasser.
En dehors des espaces protégés et sûrs,
l'odeur de l'homme éveille aussitôt en lui la crainte et la
colère. S'avancer contre le vent est donc une obligation
primordiale. De plus, dans le sous-bois, les choses ne vont souvent pas mieux.
On ne peut savoir comment sont disposés les éléphants,
quelle est leur dispersion, et on les voit très mal. On distingue
à peine leurs têtes. Elles sont trop grandes, leurs têtes
sont à la hauteur des branches. En les observant de loin on ne saurait
différencier les mâles et les femelles et lorsqu'on est
arrivé à bonne portée, ils ne sont plus aux mêmes
places. On opte généralement pour celui qui a les plus belles
défenses. Il y a toutes les chances pour qu'il soit le mâle le
plus âgé. Mais dans ces conditions, des incidents peuvent survenir
dans le déroulement de l'action. L'agressivité peut avoir des
causes diverses. L'association entre l'odeur de l'homme et la douleur encore
cuisante d'une blessure est la commune. Le souci de protéger les jeunes
agit chez les mères.
Il y a également des animaux qui, au même titre
que les humains, détestent la société en tiennent à
leur solitude. Il en est qui, avec l'âge ou par suite de lésions
intolérables dues ou non à des balles de fusil, font preuve d'un
caractère exécrable. Il arrive aussi qu'il n'y ait pas charge
d'un éléphant mais fuite de l'ensemble du troupeau. Si le
chasseur n'a pas été décelé par ses effluves et que
cette course folle ait lieu dans sa direction, il peut se trouver dans une
situation inquiétante. Au vu de ces éventuels dangers et afin de
les prémunir, les chasseurs Bisir avaient et ont toujours mis en place
deux pratiques dans la chasse à l'éléphant. Ces pratiques
sont celles qui font appel à des procédés magiques. La
première consiste par un procédé magique à se
transformer en éléphant afin de se rapprocher à son
gré de ses proies et en abattre celles que l'on désire sans se
faire détecter. C'est ce que nous dit Albert Boulikou dans ce fragment
de corpus : « Tu pars chez une personne qui sait
« féticher » l'éléphant (...) il te
fabrique un éléphant mystique pour te cacher. Cet
éléphant est comme une chemise que tu portes. Il te donne un
dibumba138(*), ce
fétiche c'est l'éléphant qui marche avec toi dans un sac.
Parfois c'est une chênette qui a pour médaillon le dibumba et ce
dibumba c'est l'éléphant en question. En ce moment même si
celui que tu veux abattre est méchant, il ne peut pas t'avoir parce
qu'il ne te voit pas comme un homme, il ne voit q'un éléphant
comme lui»139(*).
Cette pratique est détenue par un nganga qui,
sur la demande du chasseur lui donne un talisman fait à base des
éléments recueillis sur un éléphant et bien
d'autres plantes magiques. Les éléments recueillis sur
l'éléphant peuvent être soit un os de la tête, soit
un fruit non digérer prélevé dans l'intestin d'un
éléphant récemment abattu ou de ses crottins ou bien un
des poils de sa queue. Et dans cette optique, nous convenons avec
Lepemangoye-Mouleka Sandry Franck quant il dit que : « les
variétés animales interviennent de beaucoup dans la composition
des fétiches, talismans ainsi que dans les rites sacrificiels
liés à un évènement social précis. Divers
fétiches et talismans apparaissent sous forme de sous-produits animaux
(peaux, plumes, dents, griffes, cornes, poils) associés ou non à
des plantes racines ou écorces d'arbres, statuettes ou autres
objets »140(*). Ce fétiche donne au chasseur le pouvoir de
se transformer en éléphant.
Et Jeannin Albert (1947) soutient cette pratique en
disant : « certains hommes ont un pouvoir de dynamisme
spécial. Ils peuvent se transformer en animaux et se mêler
à leur gré aux bêtes sauvages, commettre des
meurtres »141(*). A partir de ce moment, le chasseur
transformé en éléphant est confondu au troupeau et peut
abattre autant qu'il désire sans être inquiété d'une
éventuelle charge. Cependant, il y a une seule et unique prescription
dont le non respect conduit fatalement à la mort. C'est dans ce sens que
Boulikou Albert nous a confié que : « Cependant tu ne
dois pas excéder le nombre d'éléphant à abattre
qu'il te donne. S'il te dit que tu abattras cinq éléphants, si tu
atteints les cinq, celui que tu abattras encore est celui qu'il ta
fabriqué, en ce moment tu te vends, cet éléphant te
tue »142(*).
Il faut dire que lorsque le chasseur va solliciter les services d'un
nganga, celui-ci lui recommande un nombre limité de bêtes
à tuer. Cependant, il lui sera interdit d'abattre le dernier
éléphant car c'est ce dernier qui lui sert de bouclier. Mais
paradoxalement, il arrive fréquemment que les chasseurs se fassent tuer
par les éléphants qu'ils auraient eux-mêmes
sollicités auprès des nganga. La deuxième
pratique opérée par les chasseurs consiste à se rendre
invisible au milieu du troupeau d'éléphants puis, en abattre le
nombre voulu.
Pour illustrer ce propos, citons Véronique Daou
Joiris143(*) qui, au
sujet des Pygmées du sud-est du Cameroun écrivait :
« les Baka disposent d'un pouvoir d'invisibilité ou encore
de la possibilité de se transformer eux-mêmes en animal, une
faculté qui leur permet de s'approcher des éléphants sans
être repérés ». Cette pratique chez les
Bisir nous est rapporté dans l'extrait de discours suivant :
« Certains « fétichent »
l'obscurité c'est-à-dire que même s'il
pénètre au milieu des éléphants, ces
éléphants ne peuvent le voir même s'il tire, ils entendent
que la détonation du fusil mais ils ne le voient pas. Ces chasseurs
là n'ont pas de nombre défini, il tue à volonté.
Ceux-là, on leur donne parfois une corde pour attacher autour des reins.
Parfois c'est un dibumba mis dans une boîte »144(*). Il s'agit comme dans
la première pratique de se rapprocher d'un nganga qui lui donne
un talisman au pouvoir magique que le chasseur porte sur lui. Ce talisman peut
être un bracelet ou une corde attachée autour des reins.
Mais contrairement à la première pratique,
celle-ci n'exige pas un nombre limité d'éléphants. Le
chasseur pourra en abattre autant qu'il voudra tout au long se sa
carrière. Karl Groning (1999), notait que « les peuples
autochtones dans le sud du continent noir utilisaient toutes les parties du
corps de l'éléphant. Avec la peau on faisait des boucliers, des
tambours, de quoi se protéger contre les intempéries, ou bien des
ceintures et des lanières ; les tendons servaient de fil à
nouer ; les poils de la queue devenaient des amulettes au pouvoir magique
(...) »145(*). C'est certainement ce pouvoir magique
conféré par certaines parties de l'éléphant que les
chasseurs Bisir exploitent pour se rendre invisible. Toutefois, signalons
qu'à cette époque, les Bisir ne chassaient pas les
éléphants pour leur ivoire. Ils les chassaient pour
protéger leurs cultures et pour la viande comme le confirme les propos
suivants: « Ils tuaient les éléphants à
cause de la destruction des cultures vivrières qu'ils occasionnaient.
Lorsque les éléphants devenaient menaçants, ils faisaient
appel à un chasseur parce que à cette époque les
éléphants ne se montraient pas à tout moment.
(...) »146(*). Et Karl Groning (1999), pour sa part soutient
en parlant des premiers chasseurs en Afrique noire que :
« les premiers africains n'ont jamais chassé
l'éléphant pour le seul ivoire de ses défenses. (...) mais
lorsqu'au XVe siècle, les portugais débarquèrent en
Afrique (...) avec leur système de valeurs, lorsque les défenses
d'éléphants devinrent hautement convoitées, l'attitude des
peuples et des tribus autochtones face à la chasse se transforma.
L'ivoire devint alors peu à peu l'objectif principal de la
chasse »147(*).
3.6 L'éléphant, proverbes et contes chez
les Bisir
Tout mode de discours ethnologique en rapport avec la nature
dans n'importe quelle communauté bantu de référence
renvoie à un ordre écologique certain et obéit en
même temps à un processus de manipulation sociale et
d'appropriation contextuelle de la part des personnes-ressources de la
communauté productrice. Jean Emile Mbot (1999) déclare à
propos que « les animaux dans les contes fang apparaissent comme
des marques où des lecteurs des rôles, de fonctions, d'attitudes
et rapports sociaux réels dans les communautés
fang »148(*). Ces rapports sociaux sont ce que nous traduisons
ici sous les vocables de « codes écologiques » et
codes de « projets sociaux ».
Les « codes écologiques »
reflètent la diversité biologique d'une part, et d'autre part,
ils expriment la nature cosmique ou biologique des règles animal,
végétal, minéralogique, astrologique, etc. Ils constituent
un « des multiples canaux culturels [qui] donnent dès
l'enfance à connaître une collection assez
stéréotypée d'animaux qui constituent le premier cycle du
savoir zoologique »149(*). Les codes de « projets
sociaux » sont sous-tendus par le jeu perpétuel et constant de
manipulation et de déformation sociales de la réalité
écologique aboutissant ainsi à de véritables
significations sociales c'est-à-dire à de véritables
« leçons de choses ».
Quelques exemples empruntés à nos corpus de
terrain suffisent pour l'attester, à l'exemple du conte «kughu
i muendu wenda fudu ne nzahu »150(*). Ce conte s'adresse à une personne
à qui l'on a fait du bien et qui ne s'est pas rendu compte du bien qu'on
l'a fait même si ce bien n'est pas visible et qu'il n'a pas l'air de s'en
souvenir. Et elle croit plutôt que c'est lui qui vous a fait du bien
alors qu'au fond dès le départ, de part votre morphologie, votre
manière de parler ou d'être, c'est vous qui aviez
été le meilleur garant de son succès.
L'éléphant n'aurait jamais pu soulever un autre
éléphant sur son dos donc Dieu a bien fait que la tortue soit
plus petite que l'éléphant et c'est ce qui a fait que
l'éléphant ait pu le porter et parvenir à poursuivre leur
voyage.
Un autre exemple est celui tiré des proverbes
suivants : « Bisasaku bia bondisi kari bia bondugi ka mu
mukakela nzahu »151(*). Ce proverbe nous apprend que lorsqu'un homme
vient à fonder une grande famille, lorsqu'il est le responsable de la
famille, tous les problèmes qui vont survenir au sein de celle-ci sont
sous sa responsabilité, parce qu'il en est le chef. Cette pensée
renvoie au sens de la responsabilité du chef de famille. Les singes qui
font tomber les branches mortes ici, représentent les éventuels
problèmes que les personnes (progéniture) qui sont sous le
contrôle du chef de famille peuvent créer. Le deuxième
proverbe « Ayenu nzahu akubeli si bukanu
dubila »152(*), est une variante du proverbe
français « ce n'est pas le jour du marché qu'on
nourrit le coq ». Chez les Bisir, ce proverbe est un conseil à
tout homme qui entreprend une tache. Il faut lorsqu'on s'engage dans une
entreprise, prévoir tout le matériel pouvant être utile,
nécessaire à l'obtention des résultats escomptés.
A travers la culture orale gisir, on constate que les
ressources animales en particulier l'éléphant, sont dotées
de qualités humaines : on les imagine parlant un langage humain,
bâtissant des cases et des villages, vivant en famille, se mariant,
échangeant des biens, etc. En définitif, ce jeu de projection
social du monde humain sur le monde animal se révèle
éminemment propre à penser en retour le premier car,
« aux traits de leurs comportements, écologiques
réels correspondent les caractères sociaux qu'une
communauté leur confère, selon des projets sociaux
précis »153(*). Et c'est aussi dans cette optique Radcliffe Brown
note que : « l'univers de la vie animale est
représentée sous forme de relations sociales, comme celles qui
prévalent dans la société des
hommes »154(*).
Dans la société gisir, les codes de
« projets sociaux » se déploient comme un ensemble
de valeurs éthiques et morales, comme un cours théorique et
pratique de stratégies sociales sous-jacentes à la vie
individuelle et communautaire en matière de gestion et de
cohésion sociale entre l'ensemble des catégories sociales :
aînés et cadets, hommes et femmes, pères et fils, etc. Pour
les Bisir, l'éléphant symbolise plusieurs qualités
humaines telles que la force, la grandeur d'esprit, etc. En effet,
l'éléphant dégage une importance dans l'expression des
valeurs sociales qui sont au fondement des attitudes et comportements
(pouvoir-dire, pouvoir-faire, savoir-faire, savoir-être, savoir-vivre)
qui doivent être préférés et valorisées par
la communauté. Ainsi, il est conseillé par exemple d'avoir un
grand coeur afin de supporter et d'assumer toutes les responsabilités
des membres de votre famille comme l'éléphant supporte toutes les
branches mortes que les singes font tomber sur son dos (cf. proverbe n°1).
Car un homme qui aspire à être un chef de famille doit s'attendre
à assumer les conséquences des actes qui seront posés par
sa progéniture. De même, avant de se lancer dans une entreprise il
faudrait s'assurer de vos propres capacités à la réussir
comme l'éléphant qui avait avalé la noix du Poga oleosa
parce qu'il comptait sur ses capacités physiques à
l'expulser.
3.7 Eléphant et anthroponymie
L'anthroponymie se définit comme l'étude des
noms de personnes. Le nom est un des aspects fondamentaux de la personne qui
fonde son identité et détermine sa personnalité. F.
N'sougan Agblemagnon (1984) note que « le nom, plus qu'un
symbole, est un signe vivant représentant la personne et en tenant lieu.
C'est pourquoi le nom, dans ces conditions, a droit aux égards que la
personne elle-même. Il n'est pas seulement l'ambassadeur de la personne
en cause, il est cette personne elle-même »155(*). Le nom fait donc partie de
l'individu. Dans la société gisir, le nom est traduit par
« dina » tandis que le surnom se dit
« kumbu » c'est-à-dire le nom qu'on se donne
soi-même. Le nom n'est pas un élément neutre car il existe
un éventail varié de principes qui président à
l'attribution du nom. En d'autres termes, l'anthroponymie gisir ne sert pas
uniquement à identifier un individu. Elle va au-delà de la
personne nommée pour exprimer des faits sociaux, des croyances
religieuses ou des idées philosophiques. N'sougan Agblemagnon (1984)
dans une étude sur les Eve du Togo note que : « la
fonction du nom dans cette société n'est pas seulement de
numéroter les individus, mais d'exprimer une crainte, de marquer une
date, de conjurer un sort, de remercier la Providence, de caractériser
un évènement »156(*). Il existe donc une pluralité de noms chez
les Bisir qui traduit des origines ou qui sont censés rappeler les
circonstances particulières : noms de naissance, noms de
mortalité infantile, noms d'initiés, noms de croyances
religieuses, noms d'après le rang ou le sexe, noms de plaisanterie, noms
particuliers à ancêtre, etc. « Ne prend pas
n'importe quel nom qui veut ; ne change pas de nom qui veut, n'importe
comment et n'importe quand »157(*), dira N'sougan Agblemagnon.
Ainsi, Tsana est le nom attribué à une jeune
fille orpheline ou abandonnée. Ce nom s'applique aussi aux hommes
orphelins. Mais pour se distinguer de la femme, il s'accompagne d'un autre
nom. On aura par exemple Koumba tsana. En cela le nom
« d'origine concrète, ne fait pas que nommer ; il
explique. C'est plus qu'un signe. Il devient une figuration symbolique. Il
illustre en résumant. En ce sens, il est vrai de dire qu'il
révèle l'être »158(*). Le règne animal
offre souvent une nomenclature privilégiée pour dénoter le
système anthroponymique chez les Bisir. Comme le note Mukumbuta
Lissimba159(*),
« la nature compte une proportion importante de noms se
référant à la faune et la flore de la forêt
équatoriale, de même qu'à divers minéraux et
phénomènes naturels ». Les noms empruntés
à la nature, particulièrement à la faune mentionnent pour
la plupart d'entre eux, des espèces animales utiles du point de vue des
pratiques fétichistes et totémiques. Ce sont des noms
dotés d'une véritable "efficacité symbolique". Ainsi, on
retrouve des noms tels que Magena (panthère), Nzigou (chimpanzé),
Mboma (python), Nzahu (éléphant), etc.
Cependant, chez les Bisir le nom Nzahu qui signifie
éléphant en gisira, est un nom de jumeaux. La
gémellité est un phénomène qui occupe une place
spéciale au sein des « ethnocultures » du Gabon.
Dans son ouvrage Histoire de la famille gabonaise, Raymond Mayer a fait
état des règles d'attribution des noms chez les jumeaux. Le
principe général est que « (...) ce sont en effet
les jumeaux eux-mêmes, qui assimilés à des génies,
qui viennent en rêve imposer les noms à
donner »160(*). C'est dans cet esprit que Hilarion Matoumba nous a
confié que : « Mfoubou et Nzahou (...) ne sont pas
des noms donnés aux gens du dehors, ils viennent avec eux-mêmes
les jumeaux. Lorsqu'une femme accouche les jumeaux, ces enfants font deux,
trois ou quatre jours, ils iront communiquer aux gens qui sont à
l'extérieur de la maison leurs noms. Et ces personnes viennent dire que
les enfants ont dit qu'ils s'appellent tel et tel ».
Dans la société Eve, comme dans d'autres
sociétés africaines, nous dit N'sougan Agblemagnon, les jumeaux
sont d'abord caractérisés et identifiés par leur nom. En
effet, dans la société gisir, les jumeaux sont
considérés comme des « génies » et de
ce fait, ils doivent porter des noms des génies. Dans le monde animal
l'éléphant est considéré comme un génie et
de ce fait, il est attribué comme nom aux jumeaux. Selon Hilarion
Matoumba, « l'éléphant chez les gisir un jumeau.
Ils sont nés à deux : l'éléphant et
l'hippopotame. L'hippopotame et l'éléphant sont des jumeaux.
L'hippopotame est le grand frère. Les jumeaux sont des personnes qui
sont comme des génies »161(*). Cependant, pour perpétuer la
mémoire d'un parent jumeau dont le nom était Nzahou, il peut
arriver que ce nom soit porté par une personne qui n'est pas jumelle.
3.8 Système totémique et interdits
alimentaires liés à l'éléphant
Le système totémique qui est une mise en
correspondance entre la série culturelle et la série naturelle,
sert à exprimer un phénomène local :
solidarité de la communauté, classique qui se manifeste par
l'observation des règles révélatrices de stratégies
sociales. Il s'agit ici des interdits notamment les interdits alimentaires.
Pour Raymond Mayer (2002), « l'interdit alimentaire est à
la fois un signe d'appartenance à un clan, et le signe d'une alliance
mythique privilégiée avec un animal, vue dès lors comme un
animal secourable, même si ces dispositions ordinaires sont loin
d'être aussi inoffensives »162(*). En parlant du peuple gisir Kabou Mbemeni Jean
Pierre nous apprend que : « L'éléphant
constitue un totem pour certains clans. Le premier clan qui utilise
l'éléphant comme totem, c'est le clan Gimondu, lequel clan avait
deux totems principaux : l'éléphant et le léopard.
L'éléphant pourquoi ? L'éléphant c'est le
« grand boussolier », c'est le bulldozer, il creuse la
route. Lors de la grande migration, les Gimondu ont sans doute suivi la piste
d'un éléphant pour les amener jusqu'au lieu où ils se sont
établis »163(*).
C'est dans cette optique que les Bisir du clan
gimondu ne chassent pas l'éléphant parce qu'il leur aurait servi
de guide dans leur mouvement migratoire. Depuis lors, il est leur totem.
Par contre, il leur est permis de consommer la viande de
l'éléphant à l'exception, des
« bibusi »164(*). cette exception peut s'expliquer par le fait que
« la connexion entre un individu d'une part, et, de l'autre, une
plante, un animal ou un objet, n'est pas générale : elle
affecte généralement certaines
personnes »165(*). Par contre, nous dit notre informateur, chez le
clan Bupeti, on n'observe aucune quelconque prescription alimentaire.
Toutefois, l'éléphant demeure à la fois
leur totem et leur protecteur. Il précise que
« L'éléphant était le village, c'est le
symbole de la cité et quand tu es dans la cité, tu es à
l'abri de tous les dangers qui peuvent te guetter. C'est pourquoi les personnes
qui avaient pour fétiche l'éléphant avalait tout le
village lorsque la nuit tombait, parce qu'il n'y pas une bête qui
surpasse l'éléphant la force et fureur. Le seul totem qui
n'était pas consommé chez les gimondu c'était seulement le
leopard parce que l'homme gisir ne consomme pas le
léopard »166(*). Au regard des rapports sociaux que la
société gisir entretient avec l'éléphant et en
particulier les membres des clans Gimondu et Bupeti, nous pouvons dire que dans
ce cas, l'animal totémique devient comme le notait Léa Zame
Avezo'o (1998), « un être proche avec qui on entretient
dorénavant des rapports de solidarité. Il va donc s'instaurer
entre ces deux catégories d'êtres vivants [l'homme et l'animal] un
lien affectif qui garantit le respect de cet interdit »167(*). Cependant, bien que
l'éléphant aucune une place importante dans l'univers culturel
des Bisir, il est également source de rapports conflictuels entre les
populations et les experts de la protection de la faune et l'Etat
représenté par les agents des eaux et forêts locaux.
3.9 Présentation du type de conflit
Les conflits sont de plusieurs ordres mais en
général, on en distingue cinq types : le conflit
d'ordre relationnel, le conflit d'ordre factuel, le conflit
d'intérêt, le conflit d'ordre structurel et le conflit de valeur.
Parmi ces différents types de conflits, nous allons, pour notre part,
nous intéresser aux conflits liés aux ressources naturelles
c'est-à-dire aux conflits d'intérêts. Les ressources
naturelles sont constituées d'éléments de richesse du
milieu. C'est l'ensemble des potentialités naturelles (ressources
foncières, forestières, fauniques, halieutiques,...) ou
artificielles (cultures agricoles) qu'offre le milieu. Et les conflits
d'intérêts procèdent des désaccords et des
différends sur l'accès, le contrôle et l'utilisation des
ressources naturelles. Les différends naissent également en cas
d'incompatibilité des intérêts et des besoins des uns et
des autres, ou de négligence des priorités de certains groupes
d'utilisateurs dans les politiques, programmes et projets.
Ces conflits d'intérêts sont une
caractéristique inévitable de toutes les sociétés.
Mais ces conflits n'opposent pas seulement les acteurs humains entre eux. Il en
est qui portent sur la faune sauvage et ayant des répercussions sur les
activités des projets de conservation. Il existe ainsi des
difficultés de conciliation d'usage entre la faune sauvage et les
agriculteurs. Ces derniers sont victimes de la déprédation de
leurs cultures vivrières par les éléphants. Mais au Gabon,
l'éléphant figure depuis 1989 sur l'annexe 1 de la CITES, donc
des animaux intégralement protégés. Son abattage expose
les contrevenants aux sanctions prévues par la loi. Les ressources
privées appartenant aux populations doivent-elles être
abandonnées à des
utilisateurs « protégés par la loi ». Le
problème mis en relief dans notre zone d'étude concerne donc les
dégradations provoquées par les éléphants sur les
cultures et l'abattage de cet animal par les villageois.
3.10 Le règlement du conflit : les battues
administratives et la légitime défense
Au Gabon, le seul mode de règlement du conflit
hommes-éléphants prévu par la loi est l'abattage
administratif et en cas exceptionnel, la légitime défense. Selon
l'IUCN168(*) (2001),
les conflit hommes-éléphants se définissent comme
étant tout contact des deux espèce qui a pour
conséquence tous effets négatifs sur la vie sociale,
économique ou culturelle des humains, la préservation de
l'éléphant ou l'environnement. L'abattage administratif est rendu
possible par la loi 016 /2001 portant code forestier en République
Gabonaise qui édicte entre autres de nouvelles règles
d'aménagement des forêts et de la faune sauvage.
Cette loi en son article 196, stipule
que : « A la suite des dégâts
causés aux cultures par certaines espèces, l'administration des
eaux et forêts peut, après enquête et dans les conditions
fixées par voie réglementaire, autoriser les battues ou tout
autre moyen de lutte à l'intérieur d'une zone
délimitée. IL en est de même pour la lutte contre les
animaux blessés ou malades. En cas l'abattage, l'administration des eaux
et forêts récupère les dépouilles et les
trophées. La viande est laissée aux populations
locales ». Quand à la légitime défense,
elle est autorisée par l'article 171 et définie par l'article 172
de la même loi. L'article 172 définie la légitime
défense comme l'acte de chasse prohibé pratiqué dans la
nécessité immédiate de sa défense, de celle
d'autrui, de son propre cheptel domestique ou de sa récolte.
Dans les localités telles que Mandji, pour obtenir une
autorisation de battue administrative, nous explique Jules Olago169(*), les populations adressent
des plaintes soit au Préfet soit au chef du cantonnement des eaux et
forêts. Celles qui sont adressées au préfet sont par la
suite transmises au chef cantonal des eaux et forêts. Puis les agents des
eaux et forêts procèdent à un constat de terrain, sur les
sites des dégâts. A la suite de ce constat, un procès-
verbal de constatation des dégâts est rédigé par les
eaux et forêts. Ensuite, une copie de ce procès-verbal et de la
plainte est envoyée chez le préfet qui se charge de les
transmettre au Gouverneur de la Province de la Ngounié. Ces mêmes
documents sont transmis également à l'inspection provinciale des
eaux et forêts par ses collaborateurs locaux.
Et sur avis de l'Inspecteur provincial des eaux et
forêts, le Gouverneur de province délivre des autorisations de
battues administratives. Ces autorisations de battues administratives indiquent
le nombre des bêtes à tuer et la durée de validité.
Sous le contrôle de l'adjoint au chef cantonal des eaux et forêts
de Mandji, M. Jules Olago, nous avons relevés 23 plaintes
déposées sur leur table par les populations du département
de Ndolou de 1994 à 2006. Parmi ces 23 plaintes, 10 proviennent de
Mandji. Cependant, la quasi totalité des personnes ayant
déposées des plaintes ont déclaré n'avoir
reçu aucune suite. Certaines personnes, bien qu'ayant conduits à
des constats sur le terrain par les agents des eaux et forêts n'ont pas
reçu des autorisations de battue par l'administration.
Par contre, celles qui les ont reçu, n'ont pas pu
rendre effective leur battue par manque d'arme appropriée ou par manque
de chasseurs assermentés. De plus, après abattage, la viande des
animaux abattus est laissée à la population, mais les produits
d'ivoire sont récupérés par l'administration. Cependant,
ce mode de règlement du conflit ne satisfait pas les populations.
Premièrement, la lenteur du temps de réaction après
dépôt d'une plainte, est considéré comme
étant le plus grand problème, car les agents des eaux et
forêts arrivent sur les lieux longtemps après que les
éléphants aient quitté les cultures endommagées par
manque de moyen de locomotion.
Deuxièmement, les délais qui s'écoulent
entre le dépôt d'une plainte, l'obtention de l'autorisation de
battue et l'intervention sont souvent longs. Troisièmement, il se pose
souvent le problème de la récupération de l'ivoire par les
agents des eaux et forêt au nom de l'Etat. Pour les populations locales,
les pointes d'ivoire issues de ces battues leur reviennent de droit parce que
les armes et les balles utilisées leur appartiennent. Ce
mécontentement des populations face à la
récupération des pointes d'ivoire par les agents des eaux et
forêts est reconnu par Jules Olago quand il dit : « Mais
les populations ne sont jamais d'accord avec cette mesure, elles se sentent
souvent lésées parce que ce sont eux qui achètent les
munitions, qui trouvent le fusil et le chasseur. Et les cultures
détruites sont à eux »170(*).
En plus, ce sont elles-mêmes qui se chargent de
satisfaire le chasseur. A cet effet, Jean Pierre Profizi (1999),
reconnaît que l'un des problèmes qui se pose aux battues
administratives est « la question du paiement du chasseur
professionnel qui viendra procéder à la battue et qui
désire se dédommager avec les « pointes »,
alors que le service forestier veut les récupérer au nom de
l'Etat ! »171(*). Donc la récupération des pointes
d'ivoire par les eaux et forêts au nom de l'Etat est la véritable
pierre d'achoppement du conflit entre les populations et l'administration des
eaux et forêts.
Ainsi, face à la lenteur de la procédure, aux
plaintes n'ayant pas eu de suite favorable et à la
récupération des produits d'ivoire par les agents des eaux et
forêts, les populations locales se font justice elles mêmes en
prenant le risque d'affronter les animaux, et pouvoir ainsi s'approprier
à la fois la viande et, surtout les pointes. Les réponses non
favorables aux plaintes des populations qui désirent des battues
administratives et la soif de se faire justice est reconnu par le préfet
de Mandji quand il dit : « (...) je transmets chez le gouverneur
à Mouila pour obtenir une autorisation de battue. Mais depuis lors
aucune suite n'a été donnée aux correspondances. Ce qui
fait que les populations abattent les éléphants sans faire des
déclarations»172(*).
Nous ne pouvons déterminer le nombre de battues non
autorisés mais nous pouvons être tenté de dire qu'il y a un
danger qui guette les éléphants. En effet, les habitants ne
veulent pas vivre avec un tel problème, quel qu'en soit la réelle
ampleur, sans agir. Cet agir peut s'illustre par la découverte fortuite
d'une pointe d'éléphant que nous avons effectuée dans un
campement sur la route de Yeno lors de nos visites de champs comme le montre la
photo n°10.
Photo n°10 : pointe d'ivoire trouvée dans un
campement abandonnée sur la route Mandji-Yeno.
(Cliché MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA, le 08 mai 2007).
On peut distinguer sur cette photo, une rondelle de bois sur
un espace dégagé sur laquelle se trouve une pointe d'ivoire
d'environ 20 à 25 cm, autour de laquelle, on observe quelques herbes.
Au regard de la taille de cette pointe d'ivoire, il semble que celle-ci
provient d'un éléphanteau. Ce qui reconforte l'idée selon
laquelle, les populations dans leur lutte contre les incursions des
éléphants s'apprennent à n'importe quelle
éléphant peu importe sa taille, son sexe ou son âge. Selon
Frédéric Marchnd (1999), quel que soit le passé des
interactions entre les hommes et les éléphants dans une zone, la
confrontation n'est jamais exempte de danger, pour les uns comme pour les
autres.
Cette soif de se faire à tout prix justice face
à l'indifférence de l'administration à l'égard des
plaintes des populations est également exprimée par Bas
Huijbregts dans l'extrait de discours suivant : « A cause de
leurs cultures qui sont détruites les villageois ont une perception
négative des aires protégées parce que au Gabon il
n'existe pas encore de mesures d'accompagnement par rapport aux
éléphants quand ils détruisent les cultures. Donc ils se
font tirer dessus. Même s'ils ne meurent pas mais ils sont
blessés. Mais tuer les éléphants n'est pas une solution
durable »173(*). Cependant, que ce soit de manière
légale ou illégale, certains gestionnaires de faune comme Bas
Huijbregts pensent que abattre des éléphants n'est pas une
solution durable. Pour Frédéric Marchand (1999), si cette
méthode donne à court terme une relative satisfaction aux
populations humaines touchées, elle semble toutefois inefficace sur le
moyen et long terme dans la mesure où les problèmes resurgissent
parfois dans les mois suivant l'intervention.
Aussi, compte tenu des délais qui s'écoulent
entre le dépôt d'une plainte et l'intervention,
« les animaux abattus sont souvent sélectionnés au
hasard et ne sont généralement pas ceux qui ont
occasionnés les dégâts »174(*).De ce point de vue,
l'éléphant responsable des dégâts ne peut pas
être identifié et un autre est souvent tué à sa
place « symboliquement » pour apaiser la colère des
populations locales. Mais aucune preuve tangible ne permet d'affirmer que
l'abattage d'un éléphant a un effet réellement dissuasif
sur le reste du troupeau175(*). La réaction des autres
éléphants peut être de changer des zones d'attaque
plutôt que d'arrêter d'attaquer les cultures. Par
conséquent, il importe aux autorités en charge de la faune de
trouver d'autre forme de résolution du conflit
hommes-éléphants. Et à cet effet, nous consentons avec
Allogo constant quand il dit : « Si nous avons pris
conscience qu'il faut protéger nos animaux, notre patrimoine naturel, il
faut que nous trouvions des solutions. La solution facile au Gabon c'est la
battue administrative or cette solution n'est pas durable. La solution durable
est celle d'assumer nos responsabilités. Si nous estimons que nous nous
engageons à protéger notre patrimoine animal parce que celui-ci
est important sur le plan national alors il faut une solution nationale, il
faut que les gens assument leurs responsabilités »176(*).
Et Jean Pierre Profizi estime pour sa part
qu' « il faut donner un espoir à ces agriculteurs qui
veulent profiter du fruit de leur travail, tout en évitant bien sur que
réapparaissent les grands massacres d'autrefois. Il faut surtout
éviter de « laisser filer » la situation qui
aboutirait à renforcer des comportements irresponsables d'abattage sans
merci de ces magnifiques occupants des forêts
gabonaises »177(*). Cependant, nous constatons que la prise en
compte des plaintes des populations relatives aux dégâts
causés par les éléphants dans leurs champs est
négligeable. Nombre d'entre eux pensent que les populations
exagèrent l'ampleur des dégâts à l'exemple de M.
Allogo Constant qui pense que : « Les récoltes sont
moindres mais ils arrivent quand même à trouver des compensations.
Ils font autre chose en dehors des plantations. Généralement les
éléphants piétinent les cultures et prendront quelques
régimes de bananes à leur passage et dans d'autres endroits, les
dégâts sont fictifs, les gens dramatisent. Les
éléphants font partie des espèces intégralement
protégées mais il y a l'utilisation des battues administratives.
Les populations en tuant l'éléphant sont sûr qu'elles
auront de la bonne viande et des défenses à
vendre »178(*).
Toutefois, même si des exagérations sont
commises, le problème est réel. Il cause de tensions et du
mécontentement entre les villageois et les autorités
administratives locales d'une part et entre eux et les responsables de la CBG
qui sont chargés de l'exécution du plan d'aménagement de
la faune dans la région. Il a été reconnu dans le rapport
d'activités annuel 2002 de l'Inspection provinciale des eaux et
forêt de la Ngounié que « l'abondance des
éléphants détruisant les cultures vivrières
inquiètent les populations qui ne cessent de solliciter les
décisions de battues administratives »179(*). De plus, aucune
enquête n'a démontré la pratique d'un trafic d'ivoire
à Mandji.
La lecture des discours de certains acteurs de la protection
de la faune et celle de la Loi relative à l'exploitation de la faune
donne l'impression que la protection des éléphants passe avant
celle des hommes y compris leurs intérêts. C'est pourquoi les
populations n'hésitent pas à accuser l'administration de
protéger les animaux et de ne pas les aider à protéger
leurs cultures comme en témoigne Charlotte Kassou quand elle dit :
« Je ne sais pas la raison pour laquelle ils défendent de
tuer les éléphants, qu'ils mangent que la nourriture des gens.
Cela voudrait dire que les éléphants vivent et que les hommes
meurent ? Regarde un tel problème où les gens doivent mourir
avec famine. Nous cultivons maintenant pour l'éléphant, qu'il
soit en vie et nous-mêmes, nous devrons mourir »180(*).Or comme le note Serge
Bahuchet et al. (2000), « il ne peut y avoir une gestion saine de
l'environnement tropical sans un épanouissement des êtres humains
qui en vivent. (...) L'homme, dans quelque milieu que ce soit, est capable de
gérer convenablement son milieu, pourvus qu'il dispose de bonnes
conditions sociales, politiques et
économiques »181(*). A la suite de Serge Bahuchet et al., il convient de
dire que l'on ne peut donc protéger les animaux sans protéger les
hommes y compris leurs intérêts. Ce problème est donc un
sujet important pour la planification d'un plan de gestion de la chasse qui est
censé être basé sur la collaboration entre la CBG, les eaux
et forêts et la population locale.
En effet, le regard des autorités en charge de la
protection de la faune est plus attendrissant envers les
éléphants. Tout d'abord, en ce qui concerne les battues
administratives, l'article 201 du code forestier précise que dans le
cadre de la gestion de la faune sauvage, l'administration des eaux et
forêts peut faire appel à des lieutenants de chasse pour
(notamment) participer aux battues administratives à la suite des
dégâts importants ou répétés causés
aux cultures vivrières. Or l'administration des eaux et forêts n'a
jamais envisagé cette possibilité. Les battues administratives
sont toujours exécutées par les populations locales
elles-mêmes qui prennent tous les risques. Ensuite, non seulement elles
déterminent le nombre de bêtes à abattre mais
également la durée de validité.
Or l'éléphant est animal qui parcourt des
longues distances et qui apparaît dans les champs à des
périodes bien déterminées notamment entre
(septembre-octobre) et entre (février-avril) et se repli puis revient
effectué des raids sporadiques. Ce qui revient à dire que s'il
revient détruire les cultures d'une personne ayant obtenu une
autorisation une semaine ou un mois après l'expiration de la
durée, l'autorisation de battue devient nulle. Même si dans un
secteur voisin il a été signalé la présence
d'éléphants, la personne qui détient une autorisation de
battue ne peut pas intervenir car celle-ci est individuelle, elle ne se
prêtre pas.
A l'exception des villages où les décisions de
battues sont communautaires, à Mandji, elles sont individuelles. Enfin,
cette procédure exige des personnes qui parviennent à obtenir des
autorisations de battues, la recherche d'un chasseur qui a un permis de chasse
et pourvu d'un permis de port d'arme, mais également
expérimenté. L'exécution d'une battue administrative doit
s'opérer avec un fusil approprié de grande chasse du type 458 qui
doit être assuré. Et la chasse ne doit pas s'effectuer
au-delà de 5km du site des dégâts. En conséquence,
nous remarquons qu'il y a peu de volonté de la part des
autorités pour trouver une solution durable à ce conflit. Tout
leur intérêt est viré vers la protection de
l'éléphant dans la mesure où il constitue une richesse
exploitable à préserver.
Tuer un éléphant à cause de la protection
des cultures vivrières des populations locales, c'est gaspiller une
ressource de valeur. C'est pourquoi d'aucuns comme Aurélien Mofouma
disent que : « L'intérêt économique
d'une entité comme le Rapac ne réside pas dans les produits de
l'éléphant comme l'ivoire et autres. Notre intérêt
économique est perçu dans l'écotourisme parce qu'un
éléphant peut rapporter plus d'argent à un pays par
rapport à un éléphant mort. Un touriste qui vient observer
un éléphant et qui paie par exemple 5000 francs l'entrée,
fait rentrer beaucoup d'argent »182(*). Il ajoute que : « (...) si les
éléphants sont devenus trop nombreux, ils menacent le milieu, on
peut organiser des battues administratives mais en ce moment dans le cadre des
battues de la chasse sportive. Avec le tourisme, l'abattage d'un
éléphant c'est un ou deux millions et le compte est bon pour tout
le monde. Le touriste lui, il gagne la gloire et le prestige d'avoir abattu un
éléphant puis le film et le trophée, la viande est
donnée aux populations et l'administration l'ivoire et les un ou deux
millions. Or lorsqu'un braconnier tu un éléphant,La viande est
abandonnée, les pointes d'ivoire sont vendues à 50000 francs. Au
niveau économique c'est du gâchis. Nous pensons que la nature a
une valeur que l'homme peut exploiter pour le bénéfice de
l'administration et les populations environnantes »183(*). Au regard de ces
discours, nous nous accordons avec Arnaud Sournia qui note que :
« les dégâts sur culture constituent
également un argument de poids en faveur du maintien du commerce de
l'ivoire, ce qui pourrait expliquer que les autorités ne semblent pas
pressés de résoudre le problème »184(*). C'est pour ces raisons
à notre avis, que l'exploitation de la faune sauvage est
gérée au niveau des autorités provinciales. Le pouvoir
institutionnel des autorités départementales en matière de
gestion de la faune est dérisoire. Ainsi, les populations locales ne
sentent pas le reflet de leur volonté dans la gestion mise en place par
les agents des eaux et forêts de Mandji, il est compréhensible
d'observer une réaction de rejet de leur part vis-à-vis des
éléphants.
Selon Ronald Orenstein (1993), lors de la septième
réunion de la conférence des membres de la CITES le 11 octobre
1989 à Lausanne en Suisse, un vote avait eu lieu sur la proposition du
transfert de l'éléphant d'Afrique de l'Annexe II à
l'Annexe I, amendée par la Somalie devant les
délégués de quatre-vingt onze pays et plusieurs
observateurs. Au cours de ce vote, soixante-seize (76) pays avaient voté
pour et onze (11) avaient voté contre plus quatre (4) abstentions. Parmi
les pays qui ayant voté contre figurait le Gabon. En effet,
d'après Ronald Orenstein (1993), l'UICN et le WWF proposèrent un
compromis qui aurait laissé les éléphants du Zimbabwe, du
Botswana et de l'Afrique du Sud à l'Annexe II mais qui aurait
imposé un moratoire de deux ans sur le commerce.
Pendant, ce temps, quelques pays de l'Afrique Centrale, comme
le Gabon, annoncèrent que, si les Etats d'Afrique australe devaient
recevoir un traitement de faveur simplement parce qu'ils étaient proches
du Zimbabwe, ils demanderaient également une exemption. Si nos
interprétations sont exactes, le vote du Gabon contre l'inscription de
l'éléphant en Annexe I montre son désir de vouloir
continuer à vendre son ivoire. En effet, d'après Samuel
Engone-Bilong (corpus n°21, séquence n°4), le Gabon
possède de nos jours un grand stock d'ivoire. Et depuis 2001, il a
été attribué au Gabon un quota annuel d'exportation,
cautionné par la CITES, de 150 trompes d'ivoire (75 animaux) provenant
de trophées acquis conformément à la loi185(*).
3.11 Les activités forestières et
pétrolières
Les activités forestières et
pétrolières sont l'une des causes des dommages causés aux
cultures par les éléphants. Comme l'indique nos cartes n°3,
n°5 et n°6, plusieurs compagnies pétrolières et
forestières dont la CBG est la plus importante opèrent dans et en
périphérie de la région de Mandji. Cependant, les
activités de ces entreprises ont un impact parfois négatif sur
l'environnement et en particulier sur le sol, les cours d'eau, les
espèces floristiques, le climat, la faune, et le bien-être social.
Pour notre part, nous allons nous intéresser uniquement sur les effets
induits sur la végétation, la faune et le bien être social.
Selon Daniel-Yves Alexandre (1999), « le régime
alimentaire des éléphants de forêts africaines (Loxodonta
africana aucun) est constitué, pour une part appréciable, de
fruits, surtout ceux des arbres. L'animal ne dédaigne pratiquement aucun
fruit, mais il a ses préfères »186(*). Et parmi ses
préférés identifiés dans notre zone d'étude,
nous avons ceux de : Irvingia gabonensis (mwiba), Panda
aleosa (poga), du Baillonella toxisperma (moabi), Piptadenia
africana Hook. (meduka), Dacryodes buettneri (mesigu), etc.
Il mange ces fruits en fonction de leur fréquence dans
le milieu, mais il peut rechercher activement ceux qu'il apprécie le
plus. Or ces arbres sont intensivement exploités à des fins
commerciales. Les rapports d'activités de l'Inspection des eaux et
forêts de la province de la Ngounié, mentionnent que la production
des exploitants forestiers s'élevait à 142158,244m3 pour
l'Okoumé et l'Ozigo et à 56305,24m3 pour le bois divers en 2004.
Cette année, la production a été concentré à
Mouilla, Fougamou, Mandji et Ndendé. Mandji occupait le premier rang
avec 125270,028m3. En 2005, la production forestière était de
36774,008m3 pour l'Okoumé, l'Ozigo et de 29512,274m3 pour le bois
divers.
Le rapport 2005 indique la production forestière
avec 66286,282m3 est très marquée par les sociétés
forestières comme « CBG ; EGG ; IFL et SONE
BOIS » qui à elles seules produisent la plus grande
quantité de bois de la province. Signalons que les
Sociétés CBG et EGG opèrent à Mandji. Cette
année, la production forestière de Mandji a occupé le
2e rang avec 21195,287m3 derrière Fougamou avec 24916,633m3.
Bien que ces données n'expriment pas de manière objective la part
du volume des espèces telles que le Moabi, l'Ozigo et autres
appétées par les éléphants, elles montrent quand-
même que l'exploitation du bois divers est assez importante dans la
région de Mandji. Et c'est à ce titre que Paul Marie Louga
dit : « qu'il s'agisse de l'Okoumé ou des bois divers
très prisés sur le marché international des bois
tropicaux, ils sont intensivement exploités dans la région de
Mandji »187(*).
Cette intensification de l'exploitation des bois d'oeuvre
autres que l'Okoumé a été rendu possible par le fait que
le Gabon a vu « ses exploitations de grumes diminuées de
plus de 10% et de près de 25% pour l'Okoumé en
2004 »188(*).En effet, selon le PFBC, le Gabon est le plus grand
exportateur de grumes de la région, principalement l'Okoumé, et
le 3e plus grand exportateur de l'OBIT. Cependant le secteur de
l'exportation de grumes a subi une succession de crises depuis 1998. Celles-ci
ont pour origine le mode d'organisation de la filière, une
fiscalité qui freine la compétitivité, les voies de
transport et la concurrence de pays à main d'oeuvre et à
fiscalité plus avantageuses. De ce point de vue, bien que
l'Okoumé demeurait l'essence prépondérante, une
diversification des essences exportées en grumes s'imposait. Elle
s'accentue du fait des plans d'aménagement rendus opérationnels,
mais aussi de la possibilité d'exportation de grumes pour certaines
essences dont la commercialisation est interdite sous cette forme depuis
d'autres pays notamment le Cameroun : moabi, bossé, iroko, douka,
acajou, sapelli,etc.
Aussi, le secteur bois s'est caractérisé par un
premier semestre 2005 favorable. La production des grumes, toutes essences
confondues, a progressé de 4,7% par rapport à la même
période un an auparavant. Cette production est dominée par celle
des bois divers. On note ainsi une inversion de tendance de l'okoumé,
qui historiquement représentait la plus grande partie de la production
gabonaise, en faveur des bois divers. La production de bois divers a
augmenté de 22% entre juin 2004 et juin 2005, alors que pendant la
même période, celle de l'Okoumé reculait de près de
11%. Cependant dans les zones de l'aire de répartition
d'éléphants au Gabon, l'exploitation intensive du Moabi et autres
essences exploitables dont les fruits servent à l'alimentation des
éléphants, est l'une des causes de la destruction des cultures
vivrières par les éléphants comme le témoigne Jules
Olago189(*) en ces
termes : « Dans le département l'exploitation
forestière est intensive et parmi les espèces exploitées,
il y a des espèces telles que le moabi, l'acajou, le douka. Or les
éléphants se nourrissent des fruits de ces arbres. La
rareté de ces espèces fait que les éléphants
descendent vers les villages ». En effet, tous nos informateurs
sont d'avis que l'exploitation de ces essences est l'une des raisons pour
laquelle les éléphants se rabattent dans les champs des
populations. La destruction d'un certain nombre d'arbres et d'autres
formes de vie est indubitablement une conséquence directe et
inévitable de l'exploitation forestière. Outre l'exploitation
abusive de certaines essences, l'exploitant forestier est aussi responsable du
déséquilibre et de la destruction de l'habitat naturel des
éléphants.
Carte5 : Situation de l'exploitation forestière dans la zone
écologique du CAPG (WWF-Gamba, 2004)
L'exploitation d'une forêt nécessite la
construction d'un certain nombre d'infrastructures : campements,
réseaux routiers, parcs à bois, pistes, etc. Le réseau
routier est composé de routes principales et secondaires qui sont
utilisées par les grumiers pour transporter le bois depuis les parcs
à bois en forêt. La présence d'un réseau routier,
même bien conçu entraîne par ailleurs comme
conséquence indirecte une fragmentation du massif forestier à
diverses échelles. Puis une fois les accès assurés, les
opérations liées à l'abattage et à la sortie des
grumes jusqu'aux parcs à bois en forêt vont aussi détruire
ou endommager une partie de la végétation. La percée des
engins à travers la forêt, détruit l'habitat naturel des
animaux et accentue le déplacement de ces derniers vers les zones de
stabilité (savane et périphérie des villages).
Dans ces déplacements, les éléphants
provoquent la dégradation des cultures des populations. Ensuite, toutes
les équipes qui parcourent la forêt font
généralement beaucoup de bruit, en particulier lorsqu'elles
utilisent les engins à moteur et perturbent la faune. C'est dans cette
logique que Paul Marie Louga dit que: « les engins
motorisés, par les bruits qu'ils produisent ameutent les animaux et ces
nuisances sonores constituent une véritable source de traumatisme qui
nuit à l'équilibre de la faune »190(*). Les auteurs de l'ouvrage,
Les forêts du Bassin du Congo : Etat des forêts 2006 admettent
qu'en dépit du manque d'études rigoureuses sur les impacts de
l'exploitation forestière sur la faune, « il est probable
que les perturbations liées a la présence humaine et au bruit
sont peu dommageables pour la faune sauvage tant celle-ci à la
possibilité de bouger des zones perturbées vers des zones plus
tranquilles »191(*). Elie Hakizumwami (2005) de préciser que
« L'exploitation forestière et minière menacent
également l'intégrité des populations
d'éléphants gabonais et de leurs habitats, car elle
entraîne le braconnage de cette espèce et les migrations
d'éléphants vers les zones où ils sont mieux
sécurisés. Les éléphants deviennent de plus en plus
rares dans les zones forestières exploitées par certaines
sociétés forestières probablement à cause de la
dégradation de leurs sources alimentaires résultant du
déboisement ou de la fuite des bruits des tronçonneuses et
d'autres engins utilisés dans l'exploitation
forestière »192(*).
Mais pour Sally Lahm (1994, cité dans Halford Thomas
et al., 2003), l'augmentation de l'agressivité de
l'éléphant (et des conflits) est due à l'installation des
conduites, des routes etc. qui coupent les couloirs de migrations et perturbent
leur comportement. Tout comme l'exploitation forestière, celle des
gisements pétroliers a également des conséquences sur la
faune. Cependant, de la même manière que l'exploitation
forestière, celle du pétrole dans ses activités de
prospection et de forages, influence le comportement écologique des
animaux et partant, des éléphants. Au cours des campagnes
sismiques, il est fait usage régulier des feux et des dynamites dans les
zones marécageuses.
Elles sont également accompagnées de bruit
causé par le personnel. Les activités de forages quant à
elles, utilisent aussi un équipement motorisé et des
installations électriques à grande intensité dans la
mesure où celles-ci s'effectuent 24h/24h. Ainsi, toutes ces
activités sont donc une source de stress pour les animaux qui sont
obligés de se déloger de leurs habitats pour s'installer ailleurs
en particulier vers les villages. Mais leur installation dans ces nouveaux
espaces causent souvent du tord aux populations en occasionnant la destruction
de leurs cultures.
Cette idée est soutenue par Allogo Constant qui pense
que : « A cause de la présence de ces engins les
éléphants se déplacent et vont s'installer là
où on ne les voyait pas avant mais ils vont causer du tord aux
populations qui exploitent ce milieu. Une fois les engins disparus, ils
reviennent mais ils auront déjà causés du tord. Mais ils
vont avoir des problèmes pour se réadapter dans leur ancien
environnement parce que lorsqu'ils y étaient, ils avaient
déjà développé certaines habitudes alimentaires.
Ils ne vont plus trouver de moabi, ils vont avoir des problèmes pour se
familiariser donc ils sont obligés de retourner là où ils
étaient ou aller ailleurs mais là bas ils vont causer du tord
»193(*).Ce
scénario est le même dans les zones où s'effectuent les
activités pétrolières. Toutefois, étant
donné que les installations pétrolières y demeurent
pendant des longues périodes, ces animaux vont se familiariser avec
celles-ci y compris avec la présence humaine. La conséquence
immédiate de cette situation est vécue surtout par les
populations car s'étant familiarisé avec les installations
électriques des compagnies pétrolières, les
éléphants n'auront plus peur des feux et des lumières des
lampes placées dans les champs. C'est d'ailleurs ce que nous dit Mboula
Yakouya Adolphe : « Ces éléphants se sont
familiarisés avec les lumières électriques de Rabi, tu
peux allumer les lampes dans la plantation, ils n'ont plus peur, ils vont y
pénétrer »194(*).
3.12 Les causes socioculturelles et naturelles
Les relations entre les humains et les éléphants
sont très complexes. Les éléphants dévastent les
champs de cultures et tuent parfois les personnes. Ils sont pour cette raison,
à la fois craints et détestés. Cependant malgré les
dégâts qu'ils causent aux hommes, les éléphants sont
étrangement attirés par l'homme. Pour Akogo-Mvogo G. (1994
cité dans Elie Hakizumwami, 2005), les Bakwele, les Bagombo, les
Pygmés Baka du Cameroun et les Pygmés Aka de la République
Centrafricaine croient que les personnes peuvent se transformer en
éléphants. En effet, un facteur culturel important existe dans
les conflits homme-éléphants : la superstition. Beaucoup des gens
croient que les hommes se transforment en éléphants nuisants.
Dans notre zone d'étude, cette idée est énormément
répandue. Nos informateurs à Mandji à l'exemple de Mboula
Yakouya Adolphe (corpus n°13 séquence n°3) y compris les
administratifs en particulier, le préfet de Mandji (corpus n°16
séquence n° 2) ont reconnu qu'il y a des gens qui se transforment
en éléphants pour détruire les champs de culture des
autres. C'est à ce titre que nous rejoignons Elie Hakizumwami (2005) qui
disait que « Certaines communautés humaine croient que
certaines personnes se réincarnent en éléphant. Ainsi, le
problème des dévastations des champs agricoles prend une
dimension supérieure, les gens étant persuadés que la
destruction des récoltes serait le résultat
d'une malveillance à l'égard de tel ou tel
fermier »195(*).
A Mandji, cette destruction des cultures d'autrui, par des
personnes qui se transformeraient en éléphant est le fait parfois
des sentiments de jalousie et de haine que les uns nourrissent à
l'égard des autres. Cependant, pour Mboumba Camille, il ne s'agirait pas
d'emblée de jalousie, de haine ou de malveillance mais plutôt de
l'incapacité des détenteurs (maîtres) des
"éléphants du village" à les nourrir. Dans l'univers
culturel gisir, l'éléphant occupe une place de choix dans les
pratiques liées à la protection contre les attaques
mystiques et celles de la chasse à
l'éléphant mais également dans les méthodes de
protection des cultures vivrières. Ces pratiques donnent lieu à
la détention d'un éléphant à qui l'on va confier un
certain nombre de missions. Cependant, ces "éléphants du village"
sont comme tous les autres éléphants naturels. Ils aspirent aux
mêmes besoins notamment celui de se nourrir. Selon Nicolas Manlius et
Pierre Pfeffer (1999), un éléphant consomme quotidiennement 150
à 280 kg de matière végétale. Et la
difficulté éprouvée par les propriétaires de ces
"éléphants du village" est celle de pouvoir les nourrir à
l'échelle individuelle sachant qu'ils doivent se nourrir eux-mêmes
ainsi que leurs familles.
De ce fait, ne pouvant pas nourrir leurs
"éléphants du village", ils leur laissent la latitude d'aller se
nourrir dans les champs des autres. Outre ces raisons d'ordre culturel, la
déprédation des cultures à Mandji est liée aussi
à des causes naturelles. D'après Jules Olago, « Il
y a certaines saisons où les espèces végétales dont
se nourrissent les éléphants comme le moabi ne produisent pas
assez de fruits. Certaines saisons, il y a plus de fruits en forêt et
d'autres pas assez donc la quantité de nourriture devient insuffisante
pendant ces saisons pour les éléphants. Le moabi par
exemple, est un arbre qui donne les fruits tous les deux ans »
196(*). Or les fruits du
moabi sont l'un des plus favoris des éléphants. Ce qui revient
donc à dire que pendant les périodes où les moabi ne
produisent pas, alors les éléphants se rabattent sur d'autres
fruits et les cultures vivrières des populations locales. Par ailleurs,
selon Bas « Les éléphants qui causent les
dégâts sont parfois parmi les plus vieux. Lorsque
l'éléphant vieilli, les cinq dents de l'arrière se
détruisent parce qu'ils mangent des aliments durs. Et au bout d'un
certain âge, il a mal et ne peut plus consommer des aliments durs. Donc
il va développer une préférence pour les aliments doux. Et
cultures vivrières constituent des aliments doux pour
lui »197(*). L'un des critères de choix du site
agricole est la présence des points d'eau. Cela s'explique d'ailleurs
par les noms des sites agricoles comme Ovingui, Douengui, Doubandji,
Mouréri, Tamba, qui sont des noms des cours d'eau. Du fait de la
distance qui sépare les villages et les sites agricoles, les populations
érigent toujours des campements à proximité des points
d'eau afin de se désaltérer et de préparer les aliments.
Selon Perrine Mawouiri198(*), « Les gens font des plantations non
loin des points d'eau parce que si tu faits un campement pour venir y
séjourner, tu auras besoin d'eau pour préparer et boire. Tu ne
pourras pas venir travail s'il n'y a pas d'eau à proximité.
L'homme ne peut rester sans eau parce que si une personne s'évanouit
vas-tu le réanimer avec quoi ? Moi je fais toujours mes plantations
là où il y a un peu d'eau parce que l'eau est précieuse.
Dans le campement il peut arriver qu'une personne tombe malade et on ira pas au
village chercher de l'eau. On a besoin d'eau pour boire et préparer.
Quand on travaille on doit toujours boire l'eau même s'il y a un peu de
vin. Là où nous sommes il y a des rivières et les
marécages ».
Or d'après Steeve Blake (2002), « les
marécages sont un habitat important pour les éléphants
tout au long de l'année mais plus particulièrement durant les
périodes sèches. » il y ajoute que :
« à certains endroits, les éléphants sont
fréquemment rencontrés en très forte concentration dans
les zones de terre ferme à proximité immédiate des
marécages »199(*). Donc les points d'eau sont des zones par
excellence des éléphants. Les éléphants en se
déplaçant à la recherche des points d'eau, peuvent
rencontrer des cultures. Les dommages aux cultures sont également
influencés par un type de végétation où l'on
rencontre des arbres tels que le douka. Dans la recherche de certains fruits,
leur découverte peut coïncider avec celle d'un champ comme le
montre la photo n°11.
L'image ci-dessus a été prise également
lors de nos enquêtes de terrain sur la route Mandji-Yeno. Cette photo
montre la présence d'un arbre appelé douka (Piptadenia
africana Hook..) que les Bisir appellent muduka, entouré
d'herbes et derrière lequel, nous apercevons les branches d'un autre
arbre. Au premier plan et devant ce douka, nous avons une jeune tige de manioc.
A gauche de cette tige de manioc, nous observons des jeunes feuilles de manioc
et à droite, nous voyons des herbes.
La présente image met en évidence certains
paramètres environnementaux qui sont à l'origine de la
présence des éléphants dans les champs. En effet, le douka
est un arbre dont les fruits sont très appréciés par les
éléphants. Cet arbre étant dans le champ, la
découverte de celui-ci va amener les éléphants à
s'attaquer aux les cultures qui s'y trouvent.
Photo 11 : un douka dans une plantation sur la route
Mandji-Yeno.
(Cliché MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA, le 08 mai 2007).
3.13 Les Causes socio-économiques et
politiques
Certaines causes du conflit hommes-éléphants
dénoncés par les populations de Mandji sont liées aux
conditions socio-économiques et politiques. Comme nous l'avons
déjà mentionné plus haut, la région de Mandji, est
une région productrice de pétrole et de bois. Selon Paul Marie
Lounga (1999) l'exploitation forestière a porté ses fruits dans
la région de Mandji depuis 1987 avec la découverte du champ
pétrolifère de Coucal et en 1991 avec celui d'Avocette, suivi du
gisement Nziembou-Diguégui en 1996. Cependant, les populations ont le
sentiment de ne pas bénéficier ou de ressentir les
retombées de ces activités dans leur vie quotidienne. Elles
estiment avoir vécu depuis longtemps dans une situation d'autarcie et de
dénuement qui n'a pas facilité leur développement. De ce
fait, elles ont le sentiment d'avoir été abandonnées par
les pouvoirs publics sans raisons justifiées alors que leur terroir
produit des richesses. Ce sentiment d'abandon ressenti par la population est
reconnu par Bas dans cet extrait de discours: « L'une des raisons
est que les populations se sentent délaissées par
l'administration centrale qui ne se préoccupe pas de leurs
problèmes quotidiens. Les gens manquent d'hôpitaux,
d'écoles, d'eaux, de routes,... et ils les voient seulement pendant les
campagnes électorales pour faire les promesses qu'ils ne
réalisent pas et les ONG, elles pendant les campagnes de
sensibilisations sur la protection. Donc ils trouvent l'éléphant
comme la clé où ils greffent tous leurs plaintes. Les plaintes
sur les éléphants ne sont que la manifestation de tous leurs
problèmes non résolus puisqu'il y a d'autres animaux qui ravagent
mais ils ne font pas de problèmes »200(*).
En effet, les populations attendent un changement de leurs
conditions sociales. Elles se plaignent des routes enclavées, du manque
criard d'équipement et des médicaments dans les dispensaires, de
la cherté des produits de première nécessité mais
également, elles réclament des meilleures conditions
d'enseignement pour leurs enfants et de l'implantation d'une antenne de
télévision et biens d'autres choses. Ces plaintes sont
mentionnées ici par Camille Mboumba quand il dit :
« Voyez-vous comment ces gens là nous traitent-ils ?
Veulent-ils nous voir mourir ou vivre ? Ce sont eux qui profitent de
l'argent et des avantages du pétrole et du bois et lorsque les
éléphants viennent dévaster nos champs, ils nous disent de
ne pas les tuer. Comment va-t-on résoudre un tel problème ?
Les prix chez les maliens et chez les mauritaniens ne sont pas abordables (...)
Regarde notre route, lorsqu'il pleut elle se coupe. Dans notre dispensaire il
n'y a pas de médicaments. Lorsqu'une personne tombe malade, elle ne fait
soigner soit Mouila soit à Lambaréné (...). Nous n'avons
pas de télévision ici, nous ne pouvons pas suivre les
évènements du pays ceux qui en ont ne suivent que les
évènements des autres pays. Nous ne savons pas ce que font les
gens que nous élisons ici tous les jours et nous, nous souffrons
à cause de leurs éléphants »201(*).
Le mécontentement de leurs conditions sociales
actuelles est exprimé à travers le conflit
hommes-éléphants. Dans la mesure où les cultures
détruites sont leurs biens légitimes, les populations estiment
avoir le droit d'exprimer leur désagrément. Dans leurs discours,
on voit bien qu'elles dénoncent les mauvaises conditions de vie qui sont
les leurs dans l'espoir que l'administration centrale réagira
favorablement à leurs préoccupations. C'est d'ailleurs l'une des
raisons pour lesquelles, nous avons remarqué l'exagération de
l'ampleur des dégâts par certaines personnes. Car elles pensent
que l'administration va les dédommager. Ce type de comportement a
été reconnu par Mahamame Halidou Maïga (1999) dans une
étude sur les relations Hommes éléphants menée au
Gourma Malien. L'auteur révèle que « Les
populations exagèrent faciles les dégâts dans l'espoir
d'être dédommagées »202(*).
Le niveau de dégâts perçu par les
villageois est beaucoup plus élevé que les dégâts
effectifs quand ceux-ci sont objectivement mesurés. A Mandji, nous avons
enregistré quelques cas à l'exemple de celui de Nguimbety Nzinzi
Jean Claude qui nous a rapporté que toutes ses plantations avient
été dévastées par les éléphants.
Cependant, lorsque nous avons pris attache avec sa femme pour aller faire un
constat sur les lieux, nous avons été déçu de ne
constater que les dégâts occasionnés par les
éléphants ont été le fait d'un simple passage des
éléphants sur le champ en piétinant quelques maniocs. Par
ailleurs, la définition des objectifs et des activités
menées dans le cadre des projets de la gestion durable de la faune s'est
généralement faite sans impliquer les populations locales. La
quasi-totalité de la population locale de Mandji ne sait même pas
pourquoi on leur interdit de ne plus abattre les éléphants. Cette
définition ne tient pas compte des aspirations des populations locales.
Ce qui en définitive crée un fossé entre l'administration
et elles. Ce fossé se fait remarquer par l'usage dans leur discours des
expressions telles que « batu benu » (vos gens),
« yawu » (eux), « batu
bagu » (tes gens), « batu bana »
(ces gens là), « nzahu tsiawu » (leurs
éléphants), « bane bawu » (leurs
enfants). L'usage récurrent de ces termes est le signe de la
non-implication et de la non-prise en compte des populations locales. Ces
termes nous laissent entendre également que les éléphants
sont la propriété exclusive de l'Etat et témoigne le
manque d'implication des populations. Celles-ci ne se sentent pas
concernées. Cette attitude des populations locales vis-à-vis de
l'administration a également été soulignée par Jean
Profizi (1999) dans son article « Trop d'éléphants
au Gabon ? »203(*) dont le premier sous- titre «
Emportez vos enfants les éléphants » est
révélateur.
Jean Profizi (1999) dans cet article, nous rapporte qu'en mars
1996, le chef du village Mambi dans la Nyanga avait répondu à une
délégation du ministère gabonais des eaux et forêts
sur une question relative à la santé de la forêt qui les
entoure et sur les mesures qu'ils désireraient voir prendre pour leur
permettre de continuer, ainsi que leurs enfants, à profiter de la
forêt et si possible, d'améliorer leur sort, que :
« Vous les Eaux et Forêts reprenez vos enfants les
éléphants, vous nous interdisez de les chasser, d'accord, on
respect. (...) Mais prenez-les dans la brousse, emmenez-les et gardez-les, chez
vous. Sinon il faudra bien qu'on désobéisse à l'Etat et
que la chasse reprenne...»204(*). De telles réactions sont
manifestées par les populations locales de Mandji à l'exemple de
celle de Camille Mboumba qui
dit : « Cependant, s'ils
disent seulement de ne pas tuer les animaux, lorsque les gens seront
dépassés par les dégâts des éléphants,
ceux qui possèdent des moyens les abattront (...) s'ils veulent que
leurs enfants soient protégés, qu'ils viennent établir des
limites pour les garder pour que les gens ne partent plus là où
ils sont».205(*)
En effet, au Gabon, comme dans beaucoup de pays en voie de
développement, la première préoccupation des hommes est
leur survie, et non pas la conservation de la faune sauvage telle que
conçue actuellement par le pouvoir institutionnel.
Les hommes et les animaux partagent la terre, et des animaux
comme les éléphants sont considérés par les
premiers comme une menace à leur survie et gênent leurs objectifs
de développement. C'est dans cette optique que Camille Mboumba
dit : « « l'éléphant est un animal qui
embête les gens avec leurs cultures, il peut lui aussi être brimer
pour qu'il ne soit plus ici»206(*). Mais le processus peut être
enrayé si toutefois la faune sauvage, y compris les
éléphants, sont économiquement rentable pour les
populations locales. En effet, une meilleure acceptation de la présence
d'éléphants ne s'avère possible qu'à partir du
moment où l'animal constitue une source substantielle de revenus pour
les villageois. L'aboutissement à une cohabitation pacifique entre
l'homme et l'éléphant passe par la valorisation économique
de l'éléphant au profit des populations locales.
La faune sauvage doit être comme le souligne Tchamie
Thiou Tanzidani Komlan207(*), un patrimoine national et, à ce titre, elle
ne doit pas être la propriété exclusive de l'Etat qui tire
seul profit du tourisme et de la chasse autorisée. Ainsi, pour n'avoir
toujours pas, à leur avis, bénéficié des
retombés de la croissance économique du pays à
l'époque des vaches grasses, les populations de Mandji estiment avoir
le devoir de profiter de l'exploitation des ressources naturelles
conformément aux prescriptions du droit coutumier et aux pratiques
traditionnelles jusque là observés. De l'Etat, elles ne
récoltent que des proscriptions légales qui leur annoncent des
privations de jouissances des « ressources reçues de leurs
ancêtres ». Et d'après Camille Mboumba « Ce sont
eux qui profitent de l'argent et des avantages du pétrole et du bois et
lorsque les éléphants viennent dévaster nos champs, ils
nous disent de ne pas les tuer »208(*). Ainsi, à cause de la privation des
retombées du pétrole exploité dans leur région, les
populations de Mandji ont « depuis 1993 connu près d'une
demi-douzaine de mouvements d'humeur qui émaillé les relations
entre elles et les sociétés pétrolières
opérant dans la région. Cette hargne récurrente puise ses
racines dans la conjugaison d'un certain nombre d'évènements
(...) vécus par les populations comme de véritables frustrations
liées notamment au fait que ces derniers estiment ne pas profiter de
l'exploitation des ressources tirées du sol et du sous-sol de
Ndolou »209(*).
Cette série de crise déclenchée depuis
1993 se poursuit de nos jours et le dernier date de décembre 2004 qui a
fait deux morts et plusieurs blessés. Etant donné que des
conflits liés aux ressources naturelles ont déjà eu lieu
dans la région, il serait impératif de chercher des solutions aux
problèmes de la déprédation des cultures vivrières
car le conflit homme éléphant dans la région existe bel et
bien même et pourrait dégénérer à un moment
donné. Et c'est là l'un des intérêts de ce
travail.
3.14 Abandon des pratiques agricoles
endogènes
Dans l'espace culturel gisir, chaque clan ou chaque lignage a
son domaine forestier. Celui-ci était une propriété
collective et, seuls, les membres du clan avaient le droit de s'y
établir, de l'exploiter et d'y circuler librement. L'exploitation de ce
domaine forestier chez les Bisir se faisait sur la base à la fois
familiale et sociale. Le groupe familial représentait
l'élément de travail permanant de l'unité de production
mais le recours à la société d'entreaide était
souvent indispensable. Cette société d'entreaide était un
groupe de travail qui rassemblait au niveau de chaque lignage ou clan, selon
des critères donnés, un certain nombre de personnes, en vue de
l'exécution d'une tâche de production précise. Cependant,
l'introduction de l'économie monétaire a sérieusement
perturbé le schéma traditionnel d'organisation de la production.
En juxtaposant à une économie du besoin une économie de
profit, elle a entraîné l'éclatement des
sociétés d'entreaide.
Celles-ci se constituaient désormais moins sur la base
du lignage que sur la base de rapports d'affinité multiples. Elles
deviennent des unités d'intervention groupant un ensemble de personnes
ayant décidé de mettre leur force de travail en commun pour la
louer à qui en a besoin sous forme de contrat de type salarial. Cet
éclatement des sociétés d'entreaide va donner donc
naissance à l'individualisation des unités traditionnelles de
production même si le domaine agricole demeure toujours collectif.Ainsi,
les unités de production étant devenues individuelles, lors des
incursions des éléphants dans les champs, les opérations
de lutte contre les animaux prédateurs s'effectuent également de
manière individuelle. Ce qui revient à dire comme le souligne
Sally Lahm (1996, cité dans Halford Thomas et al., 2003)
que l'abandon des pratiques communautaires de l'agriculture
remplacées par les approches plus individualistes concentre les
dégâts sur l'individu et non plus sur la communauté. Or si
la production se faisait encore de manière collective, les mesures de
lutte devaient être également communautaires et plus efficaces. De
plus, du fait des regroupements administratifs des villages, plusieurs familles
ont abandonné leurs terres. Et pour survivre dans leur nouvel espace,
elles ont du s'approprier des terres sur la base du principe du premier
occupant, loin des terres des autochtones. Ce qui explique alors que les champs
des uns et des autres soient éloignés. Mais cet
éloignement favorise les incursions des éléphants dans les
champs. Par ailleurs, pour lutter contre la déprédation des
cultures par les éléphants, les Bisir avaient un certain nombre
de pratiques rituelles qu'ils opéraient mais celles-ci sont presque
abandonnées. Les quelques rares personnes qui les utilisent sont souvent
taxées de sorciers.
3.15 Eloignement des champs et croissance
démographique
Selon les données du recensement de la population de
1993, la population rurale de la région de Mandji était
estimée à 2187 individus et celle dite urbaine comptait
près de 1776 habitants. Cependant, si l'on tient compte du nombre des
villages dont le nombre d'habitants a périclité ou ceux qui ont
totalement disparus tels que Kanana, Meli et Guikolou mais également de
l'émergence des nouveaux quartiers dans la ville de Mandji tels que
« Plein-air » ou la Cité Mpira, l'on est en droit de
soutenir que ces données ne font plus autorité aujourd'hui. Pour
Paul Marie Lounga (1999), depuis l'année du dernier recensement
beaucoup de personnes enregistrées dans les villages voisins de la ville
s'y sont installées de manière significative et
définitive. Ce qui revient à dire que ces données ne sont
plus d'actualité.
En effet, cette hypothèse est soutenue par le nombre de
villages qui ont présentement périclité ou ont totalement
disparu. La disparition de ces villages ou le rétrécissement du
nombre de leurs habitants a favorisé une croissance démographique
au niveau de la ville de Mandji. D'ailleurs cela est visible par
l'agrandissement sans précédent de la ville avec
l'émergence des nouveaux quartiers comme Plein-air, cité Mpira et
la cité Forextra. Cependant, cette croissance relative de la population
pose un problème de terres cultivables.
D'après M. Tshiunza et E. Tollens (1997),
« la pression démographique conduit
généralement à une raréfaction des terres
cultivables ; celle-ci peut-être absolue ou relative. Elle est
absolue lorsqu'il y a encore de nouvelles terres cultivables disponibles mais
situées loin des habitations des paysans. Dans ce dernier cas, les
paysans ont la possibilité soit de continuer à cultiver, tout en
réduisant la durée de la jachère, les terres proches de
leurs habitations, soit d'ouvrir des nouveaux champs loin de chez eux. Ouvrir
des nouveaux champs est plus avantageux du point de vue de la fertilité
des sols spécialement dans les systèmes de production où
les paysans ne comptent que sur la jachère pour améliorer la
fertilité des sols »210(*). Comme le montre notre carte n°1, la ville de
Mandji a été érigée sur une plaine. Ce qui revient
à dire que les terres cultivables les plus proches non seulement, elles
ne sont pas nombreuses mais également ce sont celles où les
règles d'appropriation sont les plus strictes. Aujourd'hui, du fait de
plusieurs années de culture et de la diminution du temps de la
jachère, ces terres ne sont plus fertiles et la production devient de
plus en plus faible.
De ce point de vue, les populations sont contraintes de
s'éloigner davantage de la ville en quête de terres plus fertiles
car les champs éloignés sont généralement sujets
à des longues périodes de jachère ; celles-ci
permettent la restauration de la fertilité naturelle des sols.
Cependant, l'exploitation des champs éloignés présente un
certain nombre de désavantages. D'après Simons S. (1986,
cité dans M. Tshiunza et E. Tollens 1997), le premier désavantage
lié à l'exemple des champs éloignés est le temps de
marche supplémentaire pour atteindre et en revenir ainsi que pour
transporter les récoltes. A Mandji, outre le transport des
récoltes sur les longues distances, c'est surtout le temps de marche
supplémentaire qui pose le plus problème car il empêche aux
paysans de mettre en place chaque soir les mesures de prévention contre
les incursions des éléphants dans la mesure où les champs
ne sont pas situés à proximité des villages. Cela revient
à dire que si une personne n'est pas au campement, elle ne peut mettre
tout le dispositif de prévention en place. En effet, hormis la mise en
place d'une clôture, l'idéal est d'allumer les feux et les lampes
chaque soir. Or les populations ne peuvent pas effectuer ces longues distances
chaque jour en aller et retour.
Un autre inconvénient est celui lié à
l'occupation des territoires. Au regard du manque de terres cultivables proches
des habitations, les populations aménagent parfois sur des sites
déjà colonisés par les éléphants ou propices
à leur présence. C'est pourquoi Barnes Richard (1996, cité
dans Halford Thomas et al., 2003) note que l'une des causes du conflit est
l'augmentation de l'étendue géographique de l'agriculture
notamment dans les zones où les éléphants se
trouvent ; elle peut s'expliquer par l'augmentation de la
démographie et par l'appauvrissement des terres
périphériques aux villages et la recherche de terres plus
fertiles.
3.16 Espaces protégés et interdiction de
la grande chasse
La ville de Mandji et certains villages font partie
intégrante de la CFAD de Mandji de la CBG. Ce plan d'aménagement
prévoit la mise en place d'un plan de gestion de la faune ; et pour
y parvenir, la CBG a depuis 2005 entrepris des échanges avec le WWF.
Celles-ci ont abouti à un appui du FFEM (Fonds français pour
l'Environnement Mondial) au WWF dans le cadre du programme initiative pour le
patrimoine mondial forestier en Afrique Centrale (CAWHFI) afin d'appuyer
techniquement l'administration de la CBG dans la mise en oeuvre de ce plan de
gestion de la faune211(*). C'est ainsi que dans cette CFAD, la CBG
réglemente tout transport de chasseurs, d'armes à feu et de
gibiers. Elle a également procédé à la fermeture
des routes et la destruction des points d'exploitation non utilisés. Et
avant cette période, en 2002 l'Etat gabonais a crée 13 parcs
nationaux dont celui de la Moukalaba-Doudou comme en témoigne la carte
n°5. La présence de ces espaces et celle de la CFAD de la CBG
favorisent la recrudescence de la population animalière et notamment
celle des éléphants qui trouvent en ces lieux des refuges de
sécurité.
C'est dans cet esprit que Jules Olago dit que
« Mandji est à l'intérieur de la CFAD de la CBG
tout comme les villages Yeno, Masana, Petit-village, carrefour Rabi et Peny1 et
dans ces zones la chasse est presque interdite. C'est qui fait la population
animalière à augmenter et n'ayant plus de quoi se nourrir, les
éléphants se rabattent sur les champs des
populations »212(*). Et Bas213(*) de dire : « C'est un
problème répandu partout en Afrique où il y a
l'éléphant. Au Gabon, le problème se pose le plus
là où il y a des aires protégées à
proximité des populations et il en résulte parfois des conflits
entre les populations et les responsables de l'administration ».
Aussi reconnaît-il que : « Les éléphants
sont devenus très nombreux, la population d'éléphant est
en bonne santé au Gabon ». Cette croissance de la
population des éléphants a aussi été rendue
possible par l'interdiction de la chasse dans les aires protégées
(article 259 Code forestier) mais également à cause de
l'interdiction de la grande chasse au gabon. Cette interdiction favorise la
recrudescence de la population animalière dans les espaces
protégés. Et parmi les facteurs qui sous-tendent le conflit entre
les humains et les éléphants, Barnes et al. (1996)214(*) citent le confinement
des éléphants dans les aires protégées où
ils se trouvent parfois en surpopulation. En effet, depuis 1981 la grande
chasse a été interdite sur toute l'étendue du territoire
gabonais par le décret présidentiel
n° 000115/PR/MAEFDR. Ce décret a été
renforcé à partir de 1989, date à laquelle le Gabon a
inscrit l'éléphant sur l'annexe 1 de la CITES. Cette inscription
s'est soldée au début de l'année 1990 par l'interdiction
du commerce interne de l'ivoire au Gabon dans l'optique de diminuer
l'intensité du braconnage de l'éléphant et le flot
d'ivoire gabonais vers l'étranger. De plus selon, les nouvelles
dispositions en matière de politiques environnementales, le code
forestier en son article 215, interdit la chasse dans les aires
protégées. Ces dispositions ont donc favorisé davantage la
croissance de la population des éléphants. Et nous nous accordons
avec Jean Pierre Profizi (1999) quand il dit : « la
« grande chasse » a été interdite au Gabon
comme dans la plupart des pays africains. Tout cela a produit la situation
actuelle : des populations d'éléphants en expansion
générale exerçant une pression sur les cultures qui
devient insupportable pour les villageois »215(*).
Dans la même optique, Claude Augée Angoué,
dans une étude réalisée à la Lopé, affirme
que : « les dispositions prises par les populations locales
pour protéger leurs champs ne peuvent plus faire face aux
dégâts causés par la concentration d'animaux dans les aires
protégées, notamment celle des éléphants d'Afrique
protégés par l'interdiction de la grande chasse au Gabon depuis
le début des années quatre vingt »216(*). A la suite de Jean
Pierre Profizi et de Claudine Angoué, nous nous accordons à dire
que « le problème se serait aggravé depuis que des
lois plus strictes relatives à la chasse et à la protection des
espèces ont été introduites, en particulier dans le cas
des éléphants »217(*). De ce point de vue, l'augmentation de la
population d'éléphants à Mandji expliquerait leur
présence récurrente tant en saison sèche qu'en saison de
pluies dans les champs des populations locales dans la mesure où les
dégâts s'échelonnent pendant toute l'année.
Même si les incursions en saison de pluies sont plus importantes, mais
celles enregistrées en saison sèche ne sont pas
négligeables.
Selon les populations, traditionnellement il y avait deux
périodes au cours desquelles, les incursions des éléphants
se produisaient. Les premières incursions se déroulent entre
septembre et octobre et les secondes s'effectuaient entre mars et mai.
Cependant, selon nos informateurs, les éléphants n'ont plus de
période préférentielle. Ils interviennent dans les champs
à n'importe quel moment. Par ailleurs, la recrudescence de la population
d'éléphants peut également s'expliquer par la perte de la
crainte de l'homme du fait qu'ils ne se sentent plus en danger face à
lui. Cette perte de la crainte de l'homme a été favorisée
par sa protection. Et parmi les facteurs inhérents au conflit
hommes-éléphants, Kangwana (1995)218(*), retient la perte de la
crainte de l'homme due à sa protection et à la lutte contre le
braconnage dont l'espèce bénéficie inhérente
à son inscription sur la liste CITES. En effet, l'une des causes
retenues par les populations est celle de l'interdiction de la chasse à
l'éléphant. D'après Adolphe Mboula Yakouya,
« Ils sont devenus nombreux c'est pas pour rien, c'est parce que
les blancs ont toujours défendu de les tuer. Ces éléphants
sont devenus aussi plus nombreux parce qu'ils se sont beaucoup reproduits,
c'est un animal qu'on ne tue pas beaucoup puisqu'il est protégé.
On le tue que par moment »219(*). Marianne Courouble pour sa part, affirme qu'
« en Afrique australe, les éléphants se
reproduisent à un taux de 5 à 6%, ce qui donne 3500
éléphants de plus chaque année. »220(*)
3.17 Impacts des éléphants sur les
hommes
Les conflits hommes éléphants sont entre autres
l'une des conséquences des nouvelles politiques environnementales. En
effet, l'impact des politiques environnementales sur les activités
socio-économiques traditionnelles a fait l'objet de plusieurs rapports
à la demande des organismes de protection de l'environnement. A
l'exemple de ceux de Sally Lahm (1994 ; 1996), Languy Marc et Moussounda
Nzamba P. (1996), Languy Marc (1996) et Blaney S. et al. (1998). A propos de
ces rapports, Claudine Augée Angoué note dans une étude
menée sur les populations de la réserve de la Lopé,
qu' « ils ont souvent mis l'accent sur la
déprédation des cultures par les animaux
(éléphants, mandrills et rongeurs) et les moyens d'y faire face,
sans pour autant remarqué que les conditions de développement
entraînées par les activités de protection et de
conservation de forêt peuvent nuire au bon fonctionnement de la
société rurale»221(*).
Les problèmes de conflits entre les hommes et les
éléphants bien que localisés au Gabon, causent
préjudices aux populations locales affectées. A Mandji, nous
avons remarqué comme l'avait également remarqué Claudine
Augée Angoué que « les dispositions prises par les
populations locales pour protéger leurs champs ne peuvent faire face aux
dégâts causés par la concentration d'animaux dans les aires
protégées, notamment celle des éléphants d'Afrique
protégés par l'interdiction de la grande chasse au Gabon depuis
le début des années quatre-vingt. Du fait de l'accroissement de
la population animalière qui annule les efforts entrepris par les femmes
et des difficultés éprouvés par celles-ci à changer
le comportement socio-économique. (...) »222(*). Ainsi, ne pouvant plus
faire face aux incursions des éléphants, certaines familles
victimes des dégâts causés par les éléphants,
ont abandonné des plantations entières cultivées comme
nous l'apprend Diawou Marie Augustine dans cet extrait de corpus :
« Moi j'étais à Luba, j'ai abandonné ce
secteur à cause des éléphants il y a deux ans. Il n'y a
plus des gens, ceux qui restent, on les comptes. Moi je suis parti à
Dubandzi les autres sont partis sur la grande route de Yeno. J'ai encore
tenté à Dubandzi. La saison sèche au cours de laquelle je
suis passé à Dubandzi ils ont dévasté ma
plantation, cette saison je n'ai plus débroussé, on a seulement
fait un jardin »223(*).
Cette conséquence explique le rapprochement des champs
près des terres situées à proximité des villages,
zone souvent composées de terres appauvries par plusieurs
décennies de cultures sur brûlis. Les parcelles arables sont
devenues exiguës et la jachère n'est plus suffisante pour
régénérer les sols. A cet égard, la
productivité s'effondre et les villageois s'appauvrissent. Cet
état d'appauvrissement est le fait qu'aujourd'hui, l'agriculture demeure
la principale activité traditionnelle génératrice de
revenus pour les familles à côté de la chasse qui se
pratique de moins en moins à cause des nouvelles lois relatives à
l'exploitation de la faune sauvage. Nous avons également constaté
que les villageois victimes de dégâts rencontrent des
difficultés économiques et financières suite aux
dégâts. Plusieurs d'entre eux n'ont pas, ou peu, eu de revenus de
la saison agricole et ont manqué d'argent et d'aliments de base pour
organiser leurs cérémonies rituelles en conséquence et
pour préparer la saison agricole suivante. En effet, chaque femme,
à chaque début de saison agricole, compte toujours sur son ancien
champ pour récolter les plants qui vont servir à la culture du
nouveau champ. Mais également aux revenus issus de celui-ci pour
satisfaire défricheurs et abatteurs. Or si tout le champ a
été dévasté par les éléphants, elle
se retrouve sans moyens pour aménager son nouveau champ. Aussi, les
dégâts causés par les éléphants, plongent les
populations dans une situation d'insécurité alimentaire les
entraînant ainsi à changer certaines de leurs habitudes
alimentaires mais également les relations entre elles et les populations
urbaines. Cette situation d'insécurité alimentaire a
été reconnue par Elie Hakizumwami (2005) qui soulignait
déjà que « l'assistance aux populations locales
à mieux maîtriser les conflits de cohabitation entre les hommes et
les éléphants contribuerait à limiter les
dégâts que causent ces animaux et à éviter
l'insécurité alimentaire qui résulterait de ces
dégâts »224(*). Aujourd'hui, nombreuses sont, les familles qui
survivent qu'avec de la nourriture achetée. C'est ce constat que nous
fait partager Kassou Charlotte quand elle dit : « Je connais
plusieurs familles ici qui ne vivent qu'avec de la nourriture qu'elles
achètent. Or si une personne n'a plus de nourriture, elle souffre, elle
a la famine, elle ne vit qu'en quémandant chez les autres et en
achetant. Or la nourriture que l'on quémande ne peut nourrir la famille
parce que si je quémande aujourd'hui, demain je ne pourrais pas aller
quémander et pour acheter, il faut avoir l'argent »225(*).
Or au regard des prix d'achat, il n'est pas souvent
évident aux familles d'offrir à leurs familles une nourriture de
bonne qualité de manière régulière et en
quantité suffisante. Ce qui amène les femmes à recourir
à l'entraide alimentaire. Cependant, dans la société
traditionnelle gisir, une femme qui passe son temps à demander à
d'autres la nourriture est considérée comme une femme paresseuse.
Voilà pourquoi l'on a observé que malgré les
dégâts que les éléphants causent dans leurs champs,
les femmes redoublent d'efforts pour faire d'autres champs. Car pour
éviter d'être taxé de paresseuse par les autres femmes,
vaut mieux avoir une plantation détruite par les animaux que ne rien
avoir du tout. Cependant, ce comportement modifie leur rapport à
l'environnement. En effet, traditionnellement, l'agriculture pratiquée
par les populations de Mandji est une agriculture itinérante sur
brûlis dont les superficies des champs s'étendent de deux à
trois hectares, basée sur un système où des terres
anciennes cultivées sont mises en repos pour y être
exploités de nouveau après une période de 5 à 6 ans
pendant que de nouvelles terres sont mises en culture. Cependant, le
constat fait sur le terrain révèle que la tendance est
plutôt à une agriculture de conquête, où de plus en
plus de nouvelles terres sont colonisées et les anciennes
laissées à l'abandon.
Aussi, pour tenter d'échapper aux dégâts
causés par les éléphants, les femmes ont adopté
l'habitude de faire 2 ou 3 grandes plantations dans des secteurs
différents avec l'espoir que si l'une d'entre elles est détruite,
elles pourront survivre avec les autres, ainsi nous précise Diawou Marie
Augustine dans le segment de corpus suivant : « Certaines
personnes qui ont des moyens font désormais deux ou trois plantations
parce que si les éléphants viennent dévaster une d'entre
elles, elles peuvent survivre avec le reste. D'autres, font des très
grandes plantations de cette manière si les éléphants
viennent la dévaster, ils ne finiront pas toutes les cultures en une
seule nuit»226(*).
D'autres femmes par contre, optent pour la réalisation d'une seule
plantation mais avec une dimension assez importante de 5 à 7 hectares
avec l'espoir également que si une partie de la plantation est
détruite, elles peuvent se nourrir avec l'autre partie comme en
témoigne Perrine Mawouiri quand elle souligne que :
« Cette année j'ai fait une seule grande plantation (...)
cette plantation, je l'ai divisé. Une partie j'ai mis les tubercules, le
manioc. L'autre partie, je n'ai mis que la banane puis entre les bananiers,
j'ai mis les taros blancs et rouges, les ignames, les aubergines, les tomates,
le tabac, le piment, l'oseille (...) de cette manière même s'il
mange une partie je pourrais survivre avec l'autre »227(*). Cependant, ce
comportement nuit à l'environnement dès lors que des nouvelles
terres sont de plus en plus exploitées. Ces conflits ont
également un impact important sur la psychologie des populations et en
particulier sur celle des femmes. Une fois que la présence des
éléphants a été identifiée dans un secteur
où elles ont des plantations, elles n'hésitent pas à les
abandonner à cause de la peur que suscite cet animal. Ce sentiment de
peur qui anime les populations est exprimé par Germaine Bibalou dans le
fragment de texte suivent : « J'ai une plantation qui a
été dévasté par les éléphants dont
nous n'avons même pas goûté une seule nourriture, même
une patate douce n'a pas été goûtée pendant
l'année 2002. Je l'avais faite au village qu'on appelait Maniani. Une
fois que j'avais fini de cultiver, les plantes commençaient à
produire. Mais nous n'étions que deux femmes dans le campement (...)
toutes les autres ne restaient pas au campement qu'au village donc les
éléphants étaient devenus plus menaçants parce
qu'il n'y avait pas des gens pour les chasser dans tout le secteur. Les
éléphants ne s'éloignaient plus et puis nous avons pris
peur, nous sommes rentrées au village. Et les
éléphants ont tout détruit, elle était comme cette
cours, même une bouture de manioc, on ne pouvait plus en
trouver.»228(*).
D'ailleurs, nous avons constaté que les gens ne peuvent
plus rester dans leurs champs au-delà de 15h car à partir de 17h,
les éléphants font leur entrée dans les champs. Cette peur
engendre un autre coût social qui réside dans la baisse du
rendement du travail dans la journée dès lors que les gens ne
peuvent plus travailler dans leur champ en toute quiétude. Certaines
personnes ont cédé au découragement. Ce
découragement a un grand impact sur les jeunes générations
de femmes qui sont appelées à perpétuer la pratique
agricole comme en témoigne Diawou Marie en disant :
« Regarde même Mimi qui voulait commencer à
apprendre à faire sa propre plantation l'année dernière,
est découragée à cause des éléphants or si
moi je meurs comment va-t-elle faire avec les enfants ? Il faut qu'elle
apprenne à faire les travaux d'une femme »229(*).
3.18 L'impact des dégats pendant la saison
sèche et la saison de pluie
Comme nous l'avons dit précédemment, les
éléphants peuvent attaquer les cultures à la fois en
saison des pluies et en saison sèche, avec quand même des
préférences pour certaines périodes dans les saisons. Dans
notre zone d'étude, l'endommagement des cultures, pendant ces deux
saisons, a un impact très différent sur la vie des populations
locales. Pendant la saison des pluies, de septembre à novembre, les
populations s'adonnent intensivement à la culture des arachides,
maïs, canne à sucre, taro, igname, patate douce, tubercule et
banane. La mise en culture peut parfois se poursuivre de janvier jusqu'en mars.
La période de septembre à octobre correspond également au
moment de la récolte, c'est la période où les cultures des
anciens champs arrivent en maturité. Au cours de cette période,
non seulement les éléphants s'attaquent aux cultures mûres
qui sont dans les anciens champs mais également à celles qui sont
encore jeunes dans les nouvelles plantations.
Ces cultures qui sont attaquées par les
éléphants au moment de la mise en culture même si elles
sont rarement et complètement détruites, les populations
considèrent ces dégâts comme très lourdes de
conséquences car elles comptent sur ces cultures pour se nourrir pendant
la saison sèche. Les attaques de ces jeunes cultures, accroît le
travail des femmes qui sont obligées de reprendre la mise en culture en
la prolongeant jusqu'en décembre. Les incursions des
éléphants dans les champs de février en avril
correspondent au moment où les cultures sont en état de
croissance intermédiaire si elles n'ont pas subies des attaques en
septembre et octobre. Mais si elles ont subies des attaques entre septembre et
octobre, et que la mise en culture a été refaite, les
éléphants les trouvent en état de croissance jeune. Ces
cultures pluviales représentent les principales récoltes
vivrières d'une année donc lorsqu'elles sont détruites,
c'est la sécurité alimentaire de toute une année qui est
menacée. Pendant la saison sèche, les mois de juin et juillet
correspondent au moment de la récolte de certaines cultures telles que
les taros, les tubercules et les ignames. Par contre le manioc et les bananes
sont dans un état de croissance intermédiaire si elles n'ont pas
subies de dégâts. Donc pendant la saison sèche, non
seulement les éléphants continuent d'attaquer les cultures
lorsqu'elles parviennent en maturité mais également celles qui
ont un age intermédiaire. Cependant, la saison sèche est la
période par excellence des cérémonies traditionnelles donc
l'une des conséquences c'est le manque d'aliments de base pour les
organiser.
3.3. L'Impact des hommes sur les
éléphants
Tout l'impact du conflit hommes éléphants n'est
pas seulement ressenti par les humains. Les éléphants connaissent
également des pertes. Selon une information de Intégration
Régional Information Net Works, rapportée par Melissa Groo,
dans le territoire de Rutshum, à l'Est de la République
Démocratique du Congo, de février à avril 2005, huit (8)
éléphants ont été abattus par des militaires
à cause de la dévastation des cultures. Dans notre zone
d'étude, les conflits hommes éléphants provoquent la
colère des communautés envers les éléphants,
à cause de l'impact négatif qu'ils peuvent avoir sur leur vie.
D'après Camille Mboumba, « (...) les Bisir tuaient les
éléphants à cause de la destruction des cultures
vivrières qu'ils occasionnaient. Lorsque les éléphants
devenaient menaçants, ils faisaient appel à un chasseur parce que
à cette époque on voyait les éléphants
rarement »230(*). Une telle colère peut nuire à la
conservation des éléphants, et pousse les populations à
tuer les éléphants ou à fermer les yeux sur leur
braconnage par vengeance pour les dégâts causés. C'est
d'ailleurs, cette colère qui explique les discours du type :
«Moi si j'achète ma carabine, je peux souvent abattre les
éléphants et les défenses je les vendrais. Hormis cela,
l'éléphant est un animal qui embête les gens avec leurs
cultures, il peut lui aussi être brimer pour qu'il ne soit plus
ici »231(*).
En plus, dans la conception des populations de Mandji, il y a
une idée très répendue selon laquelle, si un
éléphant, peu importe son sexe ou sa taille, même un
éléphanteau est abattu ou blessé, le troupeau abandonne de
fréquenter le site où un des leurs a été
touché . C'est dans ce sens que Charlotte Kassou nous dit
que : « mais celui qui vient détruire les cultures
des gens, c'est celui là qu'on doit abattre. Il faut en abattre parce
que si un chasseur abat un éléphant à proximité de
la plantation, tu peux demeurer même pendant un an les autres ne
reviennent pas parce qu'ils sentent l'odeur de leur
congénère »232(*). Cette idée amène certaines
personnes exacerbées par des dégâts à prendre
souvent des risques d'affronter les éléphants. C'est ainsi que
Boulikou Albert nous rapporte que : « Moi ici, j'ai failli
faire mourir la famille de famine. J'ai été obligé de les
retrouver à la plantation. Je les ai patienté pendant trois
jours. Le troisième ils sont venus, je me suis caché
derrière un gros tronc d'arbre et j'ai tiré sur un d'entre eux
dans l'obscurité »233(*). D'autres par contre procèdent à
la pose des pièges. Cependant, malgré ce sentiment de vengeance
qui anime les populations vis-à-vis des éléphants, la
population d'éléphants n'est pas du tout menacée à
Mandji.
Nombreuse sont les personnes qui admettent que l'on ne peut
abattre tous les éléphants à cause des dégâts
qu'ils occasionnent à leurs cultures car l'éléphant est
une espèce indispensable, c'est un
« gisiemu » chez les Bisir c'est-à-dire
quelque chose de précieux. Par contre certains sont d'avis pour abattre
uniquement les éléphants responsables des dégâts.
Mais à Mandji rares sont les personnes qui sont détentrices d'une
arme de grande chasse. Car celles- ci ne sont pas à la portée des
populations locales du fait de leurs prix et ceux des fournitures (balles) qui
sont inaccessibles pour elles. Selon la responsable de Safari Gabon, une arme
de type calibre 375 (4 coups) de grande chasse coûte 1.196.120. FCFA. De
plus, les dispositions relatives à la grande chasse ne sont pas souvent
à la portée des populations. Selon l'article 163 de la loi
0016/2001, nul ne peut chasser au Gabon s'il n'est détenteur d'un permis
de chasse ou d'une licence de chasse. Cependant, les permis de chasse ne
peuvent être délivrés qu'aux détenteurs d'un permis
de port d'arme (article 165). Quant à l'achat d'une arme, celui-ci
nécessite la présentation d'un permis d'achat d'arme
délivré par le Ministère de l'Intérieur, de
même que celui des munitions qui demande un bon d'achat. Toutes ces
dispositions ne favorisent pas une grande possibilité aux populations de
pratiquer la chasse à l'éléphant. Toutefois, Jules Olago
nous a signalé des cas d'abattage illégal
d'éléphants dans la zone. Mais il précise que
« Les éléphants même s'ils sont abattus par
les populations de manière clandestine, c'est pas à but de
braconnage ou commercial en vendant les pointes mais c'est juste pour la
protection de leurs cultures et pour la viande »234(*). Les quelques rares
fusils de grande chasse appartiennent aux cadres du coin ou sont l'objet d'une
donation par les hommes politiques de la localité.
Mais, même si nous relevons l'existence des telles armes
à Mandji, le manque criard des chasseurs professionnels et des
fournitures de chasse notamment celles des balles freinent les populations
à assouvir leur vengeance. L'achat des balles se fait exclusivement
à Libreville et le prix d'une balle est de 8.665 FCFA soit 173.300 FCFA
la boîte de 20 cartouches selon la responsable de Safari gabon. Or selon
Albert Boulikou (corpus n°2, séquence n°3), pour
procéder à une partie de chasse à
l'éléphant, il faut au minimum cinq balles sinon plus. Cette
attitude clémente des populations à l'égard des
éléphants et le manque de moyens nous amène à
soutenir l'assertion de certains experts de la faune qui disent
qu'« au Gabon, la faune sauvage est abondante et aucune
espèce n'est en danger »235(*).
Conclusion
Notre recherche a porté sur les rapports Hommes,
cultures vivrières et éléphants chez les Bisir de Mandji.
En d'autres termes il s'agissait d'analyser les rapports de l'homme à
l'éléphant par rapport à la déprédation des
cultures vivrières. Au terme de cette recherche, la construction de
notre objet d'étude nous a permis de découvrir les
différents aspects du modèle culturel de l'éléphant
chez les Bisir mais également les facteurs sur lesquels reposent la
destruction des cultures vivrières par les éléphants. Ces
rapports nous ont amené à analyser les logiques auxquelles
répond le conflit entre les populations de Mandji et les gestionnaires
de la faune par rapport à la destruction des cultures par les
éléphants. Cependant, la problématique que nous avons
développée dans ce mémoire s'est focalisée
principalement sur la question relative aux critères sur lesquels
reposent les rapports Homme/éléphants dans la
société gisir. A cette question principale, nous avons
greffé celle liée à la causalité des incursions des
éléphants dans les champs.
L'objet de la recherche est l'analyse des rapports de l'homme
gisir à l'éléphant par rapport à la destruction des
cultures vivrières. Pour analyser ces rapports, une hypothèse
centrale a été formulée. Celle-ci stipule que les rapports
Homme/éléphants dans la société gisir reposent sur
les représentations sociales et culturelles que les Bisir se font de la
faune sauvage et de l'éléphant en particulier. Par rapport au
terrain, cette hypothèse semble être vérifiée. En
effet, les résultats mettent en évidence que ces
représentations sociales et culturelles sont celles qui
définissent la pratique de la chasse à l'éléphant,
les techniques de protection des cultures contre les incursions des
éléphants, certaines assises du pouvoir politique, la protection
contre les attaques mystiques et certains projets sociaux. Par rapport à
l'hypothèse secondaire, celle suppose que les causes des incursions des
éléphants dans les plantations sont dues à un changement
dans l'utilisation du territoire par l'homme, à un changement dans
l'écologie comportementale due à une intervention humaine et aux
changements observés dans les comportements sociaux chez les populations
locales.
Le changement de l'utilisation de l'espace par l'homme
s'explique par la destruction des habitats des éléphants par les
sociétés d'exploitation forestière et
pétrolière et par l'éloignement des champs dû
à la croissance démographique. Toutefois, nous pouvons retenir
l'exploitation forestière et minière comme facteur explicatif des
causes des incursions des éléphants dans les champs de cultures.
Par contre, la croissance démographique ne semble pas avoir un effet sur
l'éloignement des champs. C'est le type d'écosystème
(savane) sur lequel a été érigé la ville de Mandji
qui pousse les villageois à s'éloigner pour rechercher les terres
cultivables. Aussi, au regard de la non disponibilité des nouvelles
données sur le dernier recensement, il serait aléatoire
d'établir un rapport immédiat entre la croissance
démographique et la compétition spatiale entre les hommes et les
bêtes.
Par ailleurs, la création des zones abondantes en
végétation secondaires par les activités humaines dont
l'exploitation forestières et l'agriculture sont
appréciées par les éléphants, ce qui explique leur
présence permanente dans la région. Le changement dans
l'écologie comportementale due à une intervention humaine passe
par l'interdiction de la grande chasse au Gabon, par la protection de
l'éléphant vu son inscription en annexe 1 de la CITES et par la
création des aires protégées. La conjugaison de ces
facteurs induisent une perte de la crainte de l'homme chez les
éléphants du fait de la diminution de la chasse et favorise leur
reproduction. Cette intervention humaine augmente l'agressivité des
éléphants et des conflits due à l'installation des
conduits, des routes, etc. par les sociétés forestières et
pétrolières qui coupent leurs couloirs de migrations et
perturbent leur comportement. Par ailleurs, nos résultats montrent
également que la création des aires protégées (CAPG
et CFAD) favorisent le confinement des éléphants dans ces espaces
protégés où les éléphants se trouvent en
surpopulation. Par contre les changements observés dans les
comportements sociaux chez les populations se fondent sur l'abandon des
techniques de protection endogènes, sur l'abandon des pratiques
communautaires de l'agriculture remplacées par des approches plus
individualistes concentrant ainsi les dégâts sur l'individu et non
plus sur la communauté et sur la diminution de la tolérance face
aux dégâts due à l'appropriation de la forêt par
l'Etat et les interdictions de chasse. Cette diminution de la tolérance
des dégâts causés par les éléphants est
aggravé également par le sentiment d'abandon que les populations
manifestent vis-à-vis de l'Etat qui se soucie guère de
l'amélioration de leurs conditions de vie et du fait de ne pouvoir
bénéficier des retombées pétrolières et du
bois exploités dans leur région.
La question des rapports de l'homme à la nature et en
particulier à la faune a été abordée par plusieurs
auteurs. Pour confronter la théorie au terrain nous avons
particulièrement sollicité les travaux de Claude
Lévi-Strauss (1962), Philippe Descola (1986), Bodinga-Bwa-Bodinga et
Van der Veen (1995), Raymond Mayer (2004), et Sabine Rabourdin (2005).
Lévi-Strauss, a analysé les rapports des
« sociétés primitives » à leur milieu
immédiat. Il note que pour ces sociétés,
« un animal peut à lui seul, devenir un outil conceptuel
très complexe et complet »236(*). Philippe Descola (1986),
quant à lui nous explique dans une étude sur les Achar237(*), que les Hommes
entretiennent avec la nature des rapports égalitaires, en
intégrant l'environnement à leur vie sociale. Les relations
sociales du groupe humain et ses formes de communication s'étendent
d'une certaine manière aux éléments de la nature.
Bodinga-Bwa-Bodinga et Van der Veen dans une étude
linguistique sur les évia du Gabon, analysent l'influence du monde
animal dans l'expression des valeurs morales de ce peuple. Ils soutiennent que
« le comportement de tel animal est jugé exemplaire et
l'Homme est invité à le suivre. Le comportement de tel autre
animal sert à dévoiler certaines qualités jugées
négatives, dangereuses ou néfastes, donc à éviter
ou à abandonner »238(*). Raymond Mayer (2000), admet pour sa part
qu' « il n'y a pas d'animaux naturels ; il n'y a que
des animaux culturels, car chaque animal occupe une position spécifique
dans l'entendement et le comportement des Hommes »239(*). Dans cette même
lancée, Sabine Rabourdin (2005), a montré que dans les
sociétés modernes, le monde culturel de la société
humaine et le monde naturel de la société animale sont deux
univers nettement séparés (...) alors que dans les
sociétés traditionnelles, certaines communautés attribuent
à de nombreuses plantes ou animaux, (...), des caractéristiques
qui relèvent des rapports humains et sociaux. Parmi ces théories,
nous avons essentiellement tenu compte de celle de Lévi-Strauss.
Au terme de notre étude, cette théorie a
trouvé une application par rapport à notre terrain. En effet,
Claude Lévi-Strauss, indique que « les individus
eux-mêmes ont parfois le sentiment aigu du caractère
« concret » de leur savoir, et ils l'opposent
vigoureusement à celui des blancs»240(*). L'homme blanc voit à
un animal qu'un être biologique qui suscite admiration et
curiosité et que l'on peut soumettre à une étude, etc.
mais pour l'indigène c'est un « tout ». Et Le
modèle de nos gestionnaires de la faune sauvage est issu d'une
conception typiquement occidentale, qui fait l'impasse sur les valeurs d'usage
de la faune pour les populations vivant à son contact.
Dans la conception occidentale, l'éléphant, est entre
autres, une source de revenu, un produit de grande beauté, de
solidité et de prestige. Pour un touriste, qu'il soit chasseur ou
visiteur, l'éléphant est un trophée à emporter par
le fusil ou la photo, etc. or chaque animal occupe une position
spécifique dans l'entendement et le comportement des hommes même
si le comportement confine parfois à une attitude d'indifférence.
En effet, dans la conception des Bisir, outre le fait qu'il
soit une source de protéines animales, l'éléphant
revêt une dimension symbolique importante. Il est le symbole du pouvoir,
du partage, du prestige et de la grandeur. En même temps, il est aussi un
totem, un guide et un protecteur. Et Lévi-Strauss (1962), illustre ce
point de vue en mentionnant que « (...), l'animal, le totem, ou son
espèce, ne peut être saisi comme entité biologique ;
par son double caractère d'organisme (...) l'animal apparaît comme
un outil conceptuel aux multiples possibilités, pour
« détotaliser » et pour
« retotaliser » n'importe quel domaine situé dans la
synchronie ou la diachronie, le concret ou l'abstrait, la nature ou la
culture »241(*). A cet effet, nous accordons avec Raymond Mayer
(2004), il souligne que « ...un animal n'est pas vu de la
même manière suivant les sociétés humaines dans
lesquelles il se trouve, et au voisinage desquels se trouve son
écosystème »242(*). Aussi ajoute-t-il, qu'« il est
nécessaire de connaître l'axiologie particulière de chaque
« ethnoculture » vis-à-vis des animaux avant d'y
envisager une intervention exogène. Car à l'intérieur d'un
même territoire, les attitudes vis-à-vis d'une même
espèce animale peuvent changer ». Ainsi au regard des rapports
aussi différents que les uns et les autres entretiennent avec le monde
animal et parfois radicalement opposés, l'auteur vient à conclure
qu' « il n'y a pas d'animaux naturels : il n'y a que
des animaux culturels. A la taxinomie des animaux correspond aussi une
taxinomie des comportements »243(*).
Ainsi, dans le même élan que ces auteurs, notre
préoccupation s'est appuyée sur l'analyse du modèle
culturel de l'animal dans la société gisir de Mandji au Gabon.
Pour y parvenir, nous avons procédé à une enquête
fine de terrain à Mandji. Notre échantillon d'étude a
été composé de vingt quatre (24) personnes dont douze
(12) femmes et douze (12) hommes que nous avons rencontrés à
Mandji. Les participants à l'étude ont été
sélectionnés parmi les hommes et les femmes pratiquant
l'agriculture, vivant à Mandji et partageant le même contexte
socioculturel, majeurs et volontaires dont l'âge variait entre 90 et 34
ans. Parmi les douze (12) hommes, on compte trois (3) administratifs dont le
préfet du département de Ndolou-Mandji et deux (2) agents du
Cantonnement des Eaux et Forêts de Mandji.
Le nombre d'informateurs a été
déterminé selon les moyens dont nous disposons, le
caractère volontaire de la participation, l'intérêt et la
disponibilité réels des enquêtés à fournir
des informations pertinentes et la gestion des rencontres dans les
différents quartiers de notre site de recherche. Toutefois, nous avons
sollicité l'aide de certaines personnes dont l'infirmière major
du centre médical de Mandji pour obtenir les données sur les
personnes victimes des dégâts corporels et des décès
issus des confrontations avec la faune sauvage et des amis étudiants
originaires de la contrée. L'aide de ces derniers consistait à
agir comme intermédiaire en expliquant le bien-fondé de
l'étude à leurs parents chez qui, nous nous présentions
avec quelques présents. Aussi, très utile a été
l'apport de notre père. En effet, le sujet de la
déprédation des cultures vivrières par les
éléphants est un sujet très sensible qui suscite chez
certains la passion et des suspicions et en même temps qui fâche.
Pour y arriver, après avoir localisé nos potentiels informateurs,
nous nous rapprochons de notre père pour avoir des informations sur eux
et pour qu'il nous explique les liens de parenté qui nous lient. Et
généralement, c'est au nom de ces liens de parenté que
nous nous rapproché de certains d'entre eux. Comme l'indique notre plan
de la ville de Mandji, les différents informateurs retenus dans cette
étude ont été abordés dans les quartiers
suivants : Sangala, Guignounga, Château, Digouema, Siévanou,
Guikolou, Plein-air, Cité Mpira et Miguebi.
Sur le terrain, la démarche retenue a été
l'entretien semi directif qui a consisté à recueillir des
données sur les opinions liées aux causes des incursions des
éléphants dans les champs, sur les conséquences et
l'ampleur des dégâts et sur la perception et la signification de
l'éléphant dans la société gisir mais
également sur les moyens et les techniques de protection des cultures.
Nous avons commencé notre travail de terrain de manière
informelle en décembre 2006 à Mandji, lors de nos vacances de fin
d'année. C'est à partir du 28 avril 2007 que nous avons
entamé notre travail de terrain à Mandji. Ce travail s'est
déroulé en deux phases. La première s'est effectuée
du 28 avril au 10 mai 2007 et la seconde du 01 août au 03 septembre 2007.
Outre les informateurs de Mandji, nous avons également étendu
notre enquête à Libreville du 17 octobre au 05 novembre 2007
auprès de deux (2) agents du Ministère en charge de la faune et
auprès de quatre (4) responsables des institutions et ONG
chargées de la protection de la nature notamment du WWF, de l'ECOFAC, du
RAPAC et l'UICN. Aussi, avons-nous sollicité l'aide du responsable d'un
magasin de vente de fournitures de grande chasse (Safari-gabon) pour
évaluer les prix des armes de grande chasse et des munitions.
Du point de vue méthodologique, les données
récoltées n'ont pas permis de saisir certaines pratiques telles
que les usages alimentaires et thérapeutiques. Cette situation a
limité l'identification des usages traditionnels de
l'éléphant chez les gisir. Aussi, la faible taille de
l'échantillon ne permet pas une bonne lecture de l'ampleur des
dégâts à l'échelle communautaire. Au regard des
résultats fournis par notre terrain, nous ne saurions dire que le cas
analysé chez les Bisir de Mandji soit généralisable
à l'ensemble des Bisir du gabon. Toutefois, en tenant compte de la
configuration physique et socioculturelle de l'ensemble du département,
ces résultats peuvent se vérifiés dans tout le
département de Ndolou. Mais celles-ci méritent d'être
vérifiées ailleurs. Aussi, est-il nécessaire
d'entreprendre des investigations approfondies sur l'impact des conflits
hommes-éléphants afin de saisir avec précaution les
menaces qui pèsent sur la sécurité alimentaire des
populations sachant que le Gabon demeure encore un pays auto insuffisant sur la
plan alimentaire.
Sources documentaires
1. Sources orales
Bamani Jeannine, 34 ans, agricultrice, clan
Buviligambu, quartier Sangala. Entretien réalisé le 30 août
2007 sur L'organisation du travail agricole, la faune sauvage et les
cultures vivrières et sur les interdits alimentaires se rapportant
à l'éléphant. Durée : 49mn.
BIBALOU Germaine, 62 ans, agricultrice, clan
Bumuedi, quartier Sievanou. Entretien réalisé le 05 mai 2007 sur
L'organisation et la périodicité du travail agricole et sur
des dégâts et les paramètres environnementaux.
Durée : 36mn.
BOULIKOU Albert, 81 ans, ancien chasseur
d'éléphant, clan Bumombu, quartier Sievanou. Entretien
réalisé le 09 août 2007 sur Les conceptions et les
attitudes des gisir vis-à-vis de l'éléphant, les moyens et
les techniques endogènes de protection des cultures, la chasse à
l'éléphant et sur les paramètres environnementaux.
Durée : 1h 20mn.
DIAHOU Marie Augustine, 67 ans, agricultrice,
clan Bupeti, quartier Miguebi. Entretien réalisé le 31
août 2007 sur La faune sauvage et les cultures vivrières, les
causes et l'ampleur des dégâts, la périodicité
agricole et celle des dégâts et enfin sur les moyens et les
techniques de protection des cultures contre les éléphants.
Durée : 47mn.
IWANGOU Léonce, Préfet du
Département de Ndolou-Mandji. Entretien réalisé le 03 mai
2007 sur Les causes et les conséquences de la
déprédation des cultures vivrières des populations par les
éléphants et la gestion de ce problème suite aux plaintes
des populations. Durée : 32mn.
KABOU MBEMENI Jean Pierre, 59ans,
agriculteur, clan Bubuka, quartier Château. Entretien
réalisé le 09 août 2007 sur La conception de
l'éléphant et le totémisme chez les Bisir.
Durée : 1h 10mn.
KASSOU Charlotte, 52 ans, agricultrice, clan
Bumbamdinga, quartier Château. Entretien réalisé le 04 mai
2007 sur La faune sauvage et les cultures vivrières et sur les
causes et l'ampleur des dégâts puis sur les techniques de
protection. Durée : 57mn.
KOUMBA Elisabeth, 69 ans, agricultrice, clan
Buviligambu, quartier Yabunga-Diguema. Entretien réalisé le 07
mai 2007 sur L'organisation agricole et sur les paramètres
environnementaux. Durée : 30mn.
KOUMBA MOUITY Magloire 51 ans, Chef de
Cantonnement des Eaux et Forêts. Entretien réalisé le 28
août 2007 sur Les causes des incursions, la provenance des
éléphants et sur la politique de résolution du conflit
hommes-éléphants Durée : 40mn.
MATOUMBA Hilarion, 75 ans, chasseur
d'éléphants et agriculteur, quartier Miguebi. Entretien
réalisé le 31 août 2007 sur La signification de
l'éléphant dans le culte des jumeaux et l'origine du patronyme
Nzahou et sur les moyens et les techniques de protection des cultures contre
les éléphants et la chasse à l'éléphant.
Durée : 43mn.
MAWOUIRI Perrine, 53 ans, agricultrice, clan
Mombi, quartier Sievanou. Entretien réalisé le 05 mai 2007 sur
La conception de l'éléphant dans les rites féminins et
sur la périodicité des activités agricoles.
Durée : 27mn.
MAYAOURI Robert, 54ans, agriculteur clan
Bubuka, quartier Yabunga Diguema. Entretien réalisé le 07 mai
2007 sur Les causes des incursions des éléphants et sur le
comportement alimentaire des éléphants. Durée :
1h 17mn.
MBOKI Jeanne, 77ans, agricultrice, clan
Buviligambu, quartier Cité Mpira. Entretien réalisé le 29
août 2007 sur Les interdits alimentaires liés à
l'éléphant et sur la périodicité agricole et celle
des maraudes des éléphants. Durée : 30mn.
MBOUMBA Camille, 60ans, clan Budombi,
tradipraticien et maître initiateur du bweti ndéya, quartier
Plein-air. Premier entretien réalisé le 24 août 2007 sur
La conception de l'homme gisir face à l'éléphant, les
techniques de chasse traditionnelles, et sur les moyens et les techniques
endogènes de protection. Durée : 1h 04mn.
Deuxième entretien le 27 août 2007 sur Les conceptions de
l'éléphant chez l'homme gisir mais également sur les
causes, l'ampleur des dégâts et enfin sur la perception des
conflits. Durée : 46mn.
MBOULA YAKOUYA Adolphe, 48 ans, agriculteur
et maître du bwiti, clan Bubuka, quartier Sangala. Entretien
réalisé le 08 mai 2007 sur La conception de
l'éléphant chez le gisir, les moyens et les techniques
endogènes de protection des champs et sur les causes de la
déprédation des cultures par les éléphants.
Durée : 40mn.
MOUMBANGOU Marie Augustine, 54 ans,
agricultrice, clan Bundombi, quartier Yabunga Diguema. Entretien
réalisé le 07 mai 2007 sur Les moyens et les techniques de
protection des cultures contre les éléphants, la faune sauvage et
cultures vivrières, les revenus agricoles et sur l'ampleur des
dégâts puis sur la périodicité agricole et celle des
dégâts. Durée : 1h 30mn.
MOUGOULA Robert, 53 ans, agriculteur et
gardien de champs, clan Bupeti, quartier Château. Entretien
réalisé le 08 mai 2007 sur Les paramètres
environnementaux, les moyens et les techniques de protection et sur la
périodicité agricole et celle des dégâts.
Durée : 34mn.
MOUNDOULI Pauline, 70 ans, agricultrice, clan
Buviligambu, quartier Cité Mpira. Entretien réalisé le 29
août 2007 sur La faune sauvage et les cultures vivrières, les
causes et l'ampleur des dégâts et sur la
périodicité agricole et celle des dégâts.
Durée : 1h 37mn.
NGUIMBETY NZINZI Jean Claude, 59ans,
agriculteur, clan Buviligambu, quartier Sangala. Entretien
réalisé le 21 août 2007 sur La faune sauvage et les
cultures vivrières, les paramètres environnementaux, les causes,
l'ampleur des dégâts et sur les moyens et les techniques de
protection des cultures contre les éléphants.
Durée : 30mn.
NGUINDENDI Jean Baptiste 75 ans, clan
Bundombi, agriculteur et ancien chasseur d'éléphant, quartier
Gikolou. Entretien réalisé le 08 mai 2007 sur Les
paramètres environnementaux, les moyens et les techniques de protection
et sur la périodicité agricole et celle des
dégâts. Durée : 50mn.
NIVOU Marcelline, 90 ans, agricultrice clan
Bumuedi, quartier Sangala, agricultrice, mère initiatrice des cultes
ngubi, mugulu et mabandji. Entretien réalisé le 02 septembre 2007
sur Les rapports entre l'éléphant et les rites traditionnels
féminins et sur le rite Ngubi. Durée : 40mn.
NZAHOU Hélène, 67 ans,
agricultrice, clan Bululu, quartier Sangala. Entretien réalisé le
15 août 2007 sur l'organisation et le coût du travail agricole,
La faune sauvage et les cultures vivrières, les causes,
l'évaluation et l'ampleur des dégâts et sur les
conceptions. Durée : 1h.
OLAGO Jules, 29 ans, Chef-adjoint du
Cantonnement des Eaux et Forêts. Premier entretien réalisé
le 03 mai 2007 sur La gestion de la déprédation des cultures
par les animaux sauvages, l'ampleur des dégâts, les battues
administratives. Durée : 1h 40mn. Deuxième entretien le
04 mai 2007 sur Les origines des incursions des éléphants et
les solutions au problème. Durée : 1h 30mn.
YAMBOKA Jeannette, 77 ans, agricultrice, clan
Buviligambu, quartier Cité Mpira. Entretien réalisé le 29
août 2007 sur Les interdits alimentaires liés à
l'éléphant et sur la signification de l'éléphant
dans les rites traditionnels. Durée : 41mn.
2. Sources écrites
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3. Textes et lois
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5. Sources cartographiques et
Schéma
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Carte n°2 : Jean Bertrand Armel MOUVIOSSI, LAGRAC,
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Carte n°3 : Stéphane LE-DUC YENO, WWF-Gamba,
2007.
Carte n°4 : Stéphane LE-DUC YENO, WWF-Gamba,
2006.
Carte n°5 : Stéphane LE-DUC YENO, WWF-Gamba,
2004.
Schéma : Parfait NDONG ONDO, LAGRAC,
Université Omar Bongo, 2007.
6. Sources photographiques et
iconographiques
Photo couverture : ONGOGNONGO Prince
Photo 1 : MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA
Photo 2 : MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA
Photo 3 : BIPAKILA Pascal
Photo 4 : MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA
Photo 5 : ONGOGNONGO Prince
Photo 6 : MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA
Photo 7 : MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA
Photo 8 : MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA
Photo 9: ONGOGNONGO Prince
Photo 10: MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA
Photo 11 : MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA
Figure : Albert Jeannin
Annexes
Discours des locaux
Récit244(*) n°1 de Boulikou Albert245(*) sur La chasse à
l'éléphant
1- Barele babokanga Nzahu tsina basabanga netu mumu
berambugilanga gu Lastrouville, yetu bisira guaya duse guaya mbara yawu babanga
ne mugisiawu unengugula munombu. Pabe maruganga mumu, ba sundilanga mbu tsiefi.
Tsiefi tsini ba kubalonga misiru mia labini nzahu. La yawu bakuendanga ne
betsige. Tsiawu nzahu be veranga ne mekongu, La nzahu pasi maboku, batu
bekuenda gosasa, pungi yawu beni bekubonganga, be bonganga bekusumbisa,
bakudinga tsika.
|
1- Les chasseurs qui les tuaient n'étaient pas parmi
nous, ils revenaient de Lastrouville, nous les bisir nous avons appris à
faire la chasse avec eux. Ils avaient un rite qu'on appelait
munombu246(*).
Lorsqu'ils arrivaient ici ils descendaient chez les chefs. Ces chefs les
montraient les forêts où l'on rencontre les
éléphants. Et ils partaient accompagnés des autochtones
à leur poursuite. Ils les tuaient avec les flèches. Une fois les
éléphants tués, les gens du village prenaient la viande et
eux-mems récupéraient les pointes qu'ils vendaient.
|
2- Mebeni dzibanga murele nzahu, murele a uneni unzahu, pa
ukaro boka gibulu gina niuru tsiagu sikidzi dikengi. Mbara gu ndiayu wamulegili
pa ama regila gukuena ukurina veveni, esi mwiri nenana ubedze kusuema mbara gu
yandi agarugi ne buvembe esi use goberuga la yandi ama kuvioga. La gu warinili,
usa rinili gu wome, bute buagu bugabi nagu gudikake mbara pa wome uma kuganga
ne votsu yandi bedze kudila. (...) pasi waveri nzahu use gabi taga nandi. menu
dze veranga neva verili ba mbatsi, menu ni veranga kapene sept metre, huit
metre si ni kuvere (...) menu ni bokilanga tujur ka gumuru. (...)Menu ni be
bokanga ka niangu dibeti viaviavi ka niangu. Gere waromuboka sirplace wamuveri
gu mbami, pasi sanana, ukumuverilila gu tsugu diru, gu mukeka, mukeka urega mba
vana wabembi murima.
|
2- Moi-même je fus un chasseur d'éléphant,
un grand chasseur. lorsque tu veux tuer cet animal tu dois être en forme.
Quand tu le chasses, s'il arrive qu'il te voit le premier tu dois fuir et te
cacher même derrière un gros arbre parce que s'il te poursuit avec
méchanceté, même si tu tombes il va te dépasser. Et
quand tu fuies, tu ne dois pas le faire avec la peur, ton fusil doit être
avec toi à la main parce que si tu fuies en ayant peur, il peut t'avoir
(...) lorsque tu tires sur un éléphant, tu ne dois pas être
trop loin de lui. Moi je ne tirais pas comme certains, je les tirais à
sept ou huit mètres (...) je les tuais toujours par la tête (...)
je les tuais toujours la journée et non la nuit. Si tu veux le tuer sur
place, tu le vises au front, au-dessus de l'oreille, ou au niveau de
première côte pour atteidre le coeur.
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3- Menu vava mbe ni ka bokitsi tsapale ne dzala. Niku
rambuga vava guberagusenu guna gu giambi. Niku be kekisa ne tsufu reru, a
imurenu be kuruga, ni ku sueme gu dzime mukoga uneni, ni kuvera imosi
gutsiediviseme.
Avana usa boki gumugangu nyama nzo unzahu, waboki gu
gusandza gusandza. (...) Gukielu gusandza gu giamba pabe mugamba, gutsie musiru
gu divisama usa bendze kusala, waboki ka iwalabi gu gusandza. (...) Nzahu
yasalu, nzahu waboku guburele batu bekuse sasa, duke dinga tsike ne pungi
(...). Pasi uka gwendi gu burela bu nzahu wagwendi ne masani me ranu pasi masa
kulu pasi unamoni wabegi esi digumi.
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3- Moi ici, j'ai failli faire mourir la famille avec la faim.
J'ai été obligé de les retrouver à la plantation.
Je les ai patienté pendant trois jours. Le troisième ils sont
venus, je me suis caché derrière un gros arbre et j'ai
tiré sur un d'entre eux dans l'obscurité.
En ce moment tu ne tues pas pour la viande ou les
défenses, tu tues pour les chasser de la plantation. S'ils sont en
troupeau dans la brousse en pleine nuit, tu ne peux pas choisir, tu ne tues que
celui que tu voies. L'éléphant qu'on choisit, c'est un
éléphant qu'on tue au cours d'une chasse pour la viande et pour
avoir l'argent avec les défenses (...). Lorsque tu va à la chasse
à l'éléphant tu apporte au moins cinq balles sinon une
dizaine.
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4- Be kidzungu, botsu be mandji be maguda vana gudia di
bandu guvanda. Wagwendi gu mutu wavandi nzahu (...) aga ku vandilili nzahu
dibeti ne pundu igu kusuega. Nzahuina ire gnoya iwaduari. Aga kuvegi mwe
dibumba, dibumba dina nzahu, la dia gwe ne gwenda nagu bambani, digu tsie
pengiagu. Memosi panga, la pangeni igabi ne dibumba, dibumba dina, nzahueni.
Avana esi wagulu indiayu waveri esi ise ranga ne buvembe asa kudengi mbara
asalabi mutu agalabi ka nzahu nandi. tumba durangu du nzahu du yandi aga
kuvegi, uya duviosisi. Pasi ase ku vagala waboki nzahu iranu pa si maduka
iranu, indiayu wakuboka neyoni, vana uma kosumbisa nzahu ina yakuboki.
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4- On les fabriquait, tous ceux de Mandji sont morts à
cause des fétiches. Tu pars chez une personne qui sait
« féticher » l'éléphant (...) il te
fabrique un éléphant mystique pour te cacher. Cet
éléphant est comme une chemise que tu portes. Il te donne un
dibumba247(*),
ce fétiche c'est l'éléphant qui marche avec toi dans un
sac. Parfois c'est une chênette qui a pour médaillon le dibumba et
ce dibumba c'est l'éléphant en question. En ce moment même
si celui que tu veux abattre est méchant, il ne peut pas
t'avoir parce qu'il ne te voit pas comme un homme, il ne voit q'un
éléphant comme lui. Cependant tu ne dois pas excéder le
nombre d'éléphant à abattre qu'il te donne. S'il te dit
que tu abattras cinq éléphants, si tu atteint les cinq, celui que
tu abattras encore est celui qu'il ta fabriqué, en ce moment tu te
vends, cet éléphant te tue.
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5- Mbili be tsibe muna, tumba be magwida, be se bokungu ka
ne nzahu, gere giliba, gere giegina dzayabi (...). Mbatsi menu dze veranga negu
nenga, dzabanga ne divanda tumba dze sisa mba bimaga mbe biaranga (...) mefimba
nia gwendi gu musiru gu burele budzusu, dza gwenda ne buta bu nzahu, ka bugegi,
nia susuli ka, ni vaganga adikutsie, nzahu iku nevave ne vana (...) Nzahu tsina
si mevanda, si bedze vevila vika, pa ama benguna ne si musiru, ayvama potegeni
ne be mbatsi, be mbatsi guandi besa mukuani, besa musandzi, ba gaya konga. Ne
tsiotsu tsina sia gone ne guyanga biamba bi be mbatsi mbara wisi tsiotsu asa
bedze itunganga. La pa imanianguga la ika gone gwenda gone guya biamba bibe
mbatsi, dibandu ba bemani ne guboka. Pa uma ivera, gilimba gineni, mutu uvanda
iyoni. Yandi gwandi ne gu dimbegene ne gubele.
|
5- Ils étaient nombreux ici mais ils ont
succombé, ils se faisaient tuer par les éléphants, si
c'est l'oubli, si c'est quoi je ne sais pas (...). heureusement pour moi
j'abattais avec l'apprentissage, je n'avais pas de fétiche mais j'ai
laissé parce que les faits surprenants devenaient trop (...) parfois je
vais en brousse pour une autre chasse, je n'apporte pas de carabine seulement
le calibre 12, je vois surgir de nulle part un éléphant au moment
où je réagi, il est non loin de moi. (...).
Ces éléphants mystiques peuvent se promener
seuls, s'ils rencontrent ceux de la forêt, ils se mélangent avec
eux, ils ne les chassent pas, ils ne les briment, ils mangent ensemble. Ce sont
tous ces éléphants qui dévastent les champs des autres
parce que le propriétaire ne peut pas tous les jours l'amarrer. Et quand
il se détache, il va dévaster les champ des autres c'est pour
cette raison qu'on les extermine.
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Ce récit de Boulikou Albert nous apprend qu'à
l'origine le peuple gisir ne pratiquait pas la chasse à
l'éléphant avec le fusil, il aurait appris cette pratique il y a
quelques années, avec des chasseurs qui seraient venus de Lastrouville.
En période d'incursions d'éléphants dans leurs champs, les
hommes gisir faisaient appel à ces chasseurs. Ce récit nous
apprend également que l'éléphant n'est pas une bête
facile à abattre. Sa chasse nécessite un apprentissage et surtout
beaucoup de courage. C'est donc la combinaison de l'apprentissage et du courage
qui sont des conditions de base pour devenir un chasseur
d'éléphant. Ainsi, quiconque osait s'aventurer à cette
chasse mettait sa vie en péril. Cependant, certains passent par une
pratique mystique qui consiste à l'acquisition d'un
éléphant mystique à la demande du chasseur à un
nganga et c'est cet éléphant mystique qui protège le
chasseur lorsqu'il est au milieu des vrais éléphants de
forêt. En ce moment le chasseur et la bête forment une même
entité.
Mais l'inconvénient de cette pratique est que le nganga
donne au chasseur un nombre limité de bêtes à abattre et
lorsqu'il a fini d'abattre le nombre de bêtes qui lui a été
attribué, s'il s'avise à en abattre une autre, celle-ci le tuera.
De plus, cet éléphant mystique est comme une bête
domestique qui doit se nourrir et que l'on peut attacher comme un maître
attacherait son chien à un poteau. Mais comme elle doit se nourrir,
c'est en ce moment qu'il dévaste les champs des autres personnes. Aussi,
du discours de notre informateur, il y a deux types de chasse à
l'éléphant. La première chasse vise la viande et la vente
des pointes d'ivoire et dans ce cas, le choix de la bête à abattre
s'impose, il s'agit d'atteindre le mâle dominant. La deuxième
chasse a pour objectif la protection des cultures et dans ce dernier cas,
aucun choix de la bête à abattre n'est de rigueur. Le chasseur
tire sur n'importe quel bête même sur un éléphanteau,
pourvu qu'un d'entre eux soit touché même s'il ne meurt pas. Car
une fois que l'un d'entre eux a été blessé ou tué,
le troupeau cesse de fréquenter ce milieu pendant une longue
période, considéré désormais par eux comme hostile.
Récit248(*) n°3 de Diawou Marie Augustine249(*) sur La nature et les signes de reconnaissance des animaux
responsables des dégâts et sur les conséquences de ces
dégâts
1- Menu dzibanga gu luba, ni masise dilandi dine gu kielu
nzahu guku mipume mi beyi. guse ga batu, batu gune be karangu ka gurangu. ni
mavioga gu dubandzi be mbatsi be ma vuduga gu dubandzi beku gu dzila neni igi
yenu dza gwenda. Mangala ini maviogila gu dubandzi baya giamba, ayiyi dzaku
sola, du makaka ka kangi ne vane be tsiya. Du tsibanga gu dubandzi gune digumi
dibegetu ne begetu de siamunu. Yetu botsu du ma vaduge guna (...) Dibandu dwa
rinilila, nzahu dwa rina.
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1- Moi j'étais à Luba, j'ai abandonné ce
secteur à cause des éléphants il y a deux ans. Il n'y a
plus des gens, ceux qui restent on les compte. Moi je suis parti à
Dubandzi les autres sont partis sur la grande route de Yeno. La saison
sèche au cours de laquelle je suis passé à Dubandzi ils
ont dévasté ma plantation, cette saison je n'ai plus
débroussé, on a seulement fait un jardin. Même celle
là, ils ont dévasté. Nous étions seize femmes
à Dubandzi. Nous sommes toutes sorties de là-bas. La raison pour
laquelle nous avons fui c'est les éléphants.
|
2- Muati vava bene ngudu tsiawu bakavagingi biamba ka bi
beyi bireru mbara esi nzahu atsiya gi mosi be gudengana ne bia sali. Memosi
mutu akusola ka giamba gineni gineni mba esi nzahu aseruga guse guya besa
gumana giotsu mu dibeti di mosi. Kila nesi Mimia mbe pakila guvaga giandi
giamba ne mupuma vioga amabusa ka gukielu nzahu a menu pa nimafu aguvagilitsie
ne bane fo kanengi guvaga bi diandzu bi mugetu.
|
2- Certaines personnes qui ont des moyens font
désormais deux ou trois plantations parce que si les
éléphants viennent dévaster une d'entre elles, elles
peuvent survivre avec le reste. D'autres, font des très grandes
plantations de cette manière si les éléphants viennent la
dévaster, ils ne finiront pas toutes les cultures en une seule nuit.
Regarde même Mimi qui voulait commencer à apprendre à faire
sa propre plantation l'année dernière, est
découragée à cause des éléphants or si moi
je meurt comment va-t-elle faire avec les enfants ? il faut qu'elle
apprenne à faire les travaux d'une femme.
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3- A gu dubandzi diambu diranga gweni gune mimioli. ne
mupuma uwu bema duvega dzala viagunu ne nzahu (...) Mbeka tsibisi, ne be kambi
bemuna bepakila mbetsi mumu tumba minioli ne nzahu yawu re beranga. Minioli
begaye bigongu mume gaya, beku gomba muri gombi gombi la gigongu gina gisaku
benda. Nzahu yandi agaya bigongu, mipala, malanga, agaye biotsu. Nziya yawu
bese gaya bayudzi ka guyudza, bapasi miaga ka gupasa. Mbeka nziya asapaga
gusandza pa umaboka imosi ne votsu asakuruga.
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3- À Dubandzi le problème qui se pose le plus
là-bas c'est les criquets. Cette année ils nous ont donné
plus de faim que les éléphants (...) certes les hérissons,
les porcs-épics, les antilopes sont présents, ils ont
commencé depuis longtemps mais les criquets et les
éléphants, ce sont eux qui ravagent le plus. Les criquets mangent
le manioc au niveau des feuilles, ils grattent les plants du manioc et ce
manioc ne peut plus se développer. L'éléphant lui, il
mange le manioc, la banane, les taros, il mange tout. Quant aux gorilles, eux,
ils ne consomment rien, ils font seulement le désordre, ils
détruisent les bananiers. Mais ils ne sont pas difficiles à
chasser, il suffit d'en tuer un seul, ils ne viendront plus.
|
4- Gugu yabe gibule gise gwingene gu giamba dimbu me tambi
ne dugengi duandi. Kambi dwa labi ne ga gone tabulile bigongu. nzahu ane giandi
giyitsi, agatsari gutsara agarubuli ane gone bendza bi gubendza. Si timbu
giandi ka marufi mawu. Nzahu agavagi agayi aganiaki, merufi mana wameragunu me
muna mu yandi ase viogila. Minioli dwa gone baragunu be mune, tsibisi
munongu.
|
4- C'est par les empreintes des pattes et l'odeur que nous
reconnaissons l'animal qui vient dévaster la plantation. L'antilope
cheval on le reconnaît à partir des plants de manioc
cassés. L'éléphant a sa manière de consommer, il
piétine les cultures, les déracine et brise certains endroits. Un
autre signe ce sont leurs crottes. L'éléphant pendant qu'il
consomme, il rejette les crottes et ces crottes, on les retrouve sur les
endroits par lesquels il est passé. Les criquets on les retrouve sur les
plantes, les aulacodes, c'est la même chose.
|
Le présent récit met en évidence la
nature des animaux prédateurs des cultures vivrières des
populations mais également les signes par lesquels les populations les
reconnaissent et les conséquences liées aux dégâts
causés par ces animaux. Il montre en effet, que l'éléphant
est l'animal qui cause le plus de dégâts dans les champs. Outre
l'éléphant, il y a aussi d'autres espèces telles que les
aulacodess, les athérures, les gorilles et les criquets qui
détruisent les cultures. Mais un accent particulier est mis sur
l'éléphant par rapport à la quantité des cultures
détruites, il consomme quasiment tout. Le discours de cette
informatrice, nous apprend que c'est en fonction des empreintes, de l'odeur et
des excréments que les populations reconnaissent les animaux
responsables des dégâts. Mais également par la façon
de prélever les cultures. Les aulacodes et les althérures
broutent le manioc au niveau des racines et des tiges et lorsque le manioc
n'est pas encore en maturité, il se brise et ne se développe
plus. Les criquets s'apprennent également au manioc. Ils le broutent au
niveau des tiges et des feuilles et il ne peut plus se développer aussi.
L'éléphant quant à lui, déracine, brise et
piétine les cultures. Par contre le gorille n'est pas friand des
cultures des hommes, il vient uniquement détruire les bananiers comme
s'il s'agissait d'un jeu. Au regard de tant de dégâts, certaines
femmes ont cédé au découragement en abandonnant des
plantations entières dans certaines zones agricoles pour aller
s'installer ailleurs. Ce découragement a également affecté
les jeunes filles qui sont appelées à apprendre la pratique de
l'agriculture et de la perpétuer de génération en
génération.
Récit250(*) n°4 de Mboumba Camille251(*) sur La conception de l'éléphant chez les
Bisir
1- Agu ginombi, ka batu be ne disinda ne me sami mawu ba
bokingi nzahu beku bonganga pungi beku sumbisanga, avana umalaba musumbu u
nzahu. Menu pasi ni masumba karabine yami, ni bedze bokanga nzahu, si
pungi tsina, ni ku sumbisanga.
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1- Dans la tradition, il n'y a que les gens qui ont le courage
et leur munition qui abattent les éléphants et prennent les
défenses pour vendre en ce moment tu vois l'intérêt de
l'éléphant. Moi si j'achète ma carabine, je peux souvent
abattre les éléphants et les défenses je les vendrais.
|
2- Nzahu aga bongulilu gisiemu ka ne batu bavandi. Gu
tsibilanga bivunda gurege, be vanda nzahu gu gubonga busisi, ne diduma be
kugoba. Be mbatsi be ku kurina, baku baki mbami nzahu mbara usa bedza gengesena
ne mbami nzahu ana busisi.Nzahu gibulu gine busisi gine woma. Pa uma gulu
gutsibanga gi vunda mumu gitsibanga ne busisi ndimbu atsibanga ne nzahu. Pa aga
gwingini gu misu me batu, la batu botsu mbia. Gu tsibanga muati tsiefi si
vandanga busisi bu nzahu. La aga gwendi mbu comanda, la comanda nana aga mulu
busisi, aga mueni re mundumba mutu (...).Be bokanga nzahu diambu di gumana
biguya. Pasi nzahu si maranga mu biamba, baku nenga murele nzahu mba gurege
nzahu asa labananga gi gumbi giotsu. (...) nzahu yandi agalodzi tsile pa mutu
amatsiemuga gu musiru agabingi ka muanda nzahu mba mianda mi nzahu mia vudugi
ka gu batu. Pasi mutu amavanda nzahu igusuega digumba diandi, asabambili. Aga
yabegenu ka ne batu badiandzi biguya biawu. Mutu wamusurumi ka nganga. Mesiga
ne gu mbu mitangani ne gu ginombi, nzahu asa bokungu, atsibanga protection
ibatu.
|
2- Il n'y a que les gens qui
« fétichent » qui prennent des bisiemu252(*) sur
l'éléphant. Les anciens
« fétichaient » l'éléphant pour avoir
l'influence et la grandeur et la renommée. Pour que les autres aient
peur de toi, on te faisait une scarification au front pour avoir l'influence
car personne ne peut fixer le front d'un éléphant.
L'éléphant est un animal influent et qui engendre la peur. Quand
tu attends qu'une personne fût influente ici, cela veut dire qu'il avait
l'éléphant. Lorsqu'il arrive au milieu des hommes, il attirait
toute leur attention. Il y avait certains notables qui avaient
« fétiché » l'influence de
l'éléphant.
Quand il va chez l'autorité administrative, celle-ci se
sentait influencée et le considère comme un homme respectable
(...).
Ils tuaient les éléphants à cause de la
destruction des cultures vivrières qu'ils occasionnaient. Lorsque les
éléphants devenaient menaçants, ils faisaient appel
à un chasseur parce que à cette époque les
éléphants ne se montraient pas à tout moment. (...)
l'éléphant est celui qui montre le chemin.
Lorsqu'une personne se perd en brousse, elle suit seulement
les pistes de l'éléphant car celles-ci mènent toujours
vers le village. Lorsqu'une personne fétiche un éléphant
pour protéger sa famille, les enfants et les femmes, il ne leur dit. On
le reconnaîtra qu'à partir des plaintes des propriétaires
des plantations détruites. La personne qui le découvre c'est le
nganga. Hier, que ça soit chez les blancs modernes ou chez nous il
n'était pas question de tuer l'éléphant parce que
l'éléphant était une protection.
|
3- Pa umalaba mutu una gilanga gi nzahu giandi agagangi gere
muandzu gu dikake, wa mu protege. Gilanga gina gileme gi nzahu, wa mu protegi.
Yandi aga suemeni gu gari nzahu. Mutu dibeti agarondi mu binga aga ragunu ka
gilanga gi nzahu. Esi bisi bwiti muati be ne mioni. Ugulaba nima y bwiti une
woni ne guvagala agasuemili gu gari nzahu dzo yandi re gasuemisi batu be gu
dzimandi. Ne migitsa miotsu migegi mi begetu basuemi ka gu nzahu (...). Gu gere
pa mutu agago gongila mundumbe, ba beganga pungi nzahu mu tsombu mbara mugetu
aku goba gu misu me batu. Pa sa gukiela ina, nzahu gibulu gia kuani ka batu
biguya, yandi guandi a bedzu gukuanu re ayusugi mumu. (...) pa ndiayu
umavegu nyama idibeti gu ndosi timbu nyama idibeti uya ibonga.
|
3- Lorsque tu vois un homme avec la queue de
l'éléphant qu'il tient comme un chasse-mouche à la main,
celle-ci le protège. Lui, il se cache dans l'éléphant. Un
sorcier qui le cherche ne trouvera que cette queue. Même certains
bwitistes en possèdent. Lorsque tu vois un chef de fil du bwiti avec
une queue d'éléphant, cela veut dire qu'il cache son corps dans
un éléphant et protège tous les autres membres qui sont
derrière lui. Même dans tous les rites féminins, on ne se
cache que dans l'éléphant (...).
Autrefois, lorsqu'une personne va épouser chez un
notable, il apporte des défenses d'éléphant dans la dot
pour que la femme ait du poids devant la société.
Hormis cela, l'éléphant est un animal qui
embête les gens avec leurs cultures, il peut lui aussi être brimer
pour qu'il ne soit plus ici. (...). Si dans un rêve, on te donne
de la viande de l'éléphant, il ne faut pas en prendre, c'est de
la chaire humaine.
|
En suivant le présent discours, on se rend compte que
l'éléphant dans la société gisir est perçu
comme un protecteur et un guide. Il protège des attaques mystiques. Et
en général ce sont des initiés du bwiti et des rites
traditionnels féminins qui en sont détenteurs. Dans le bwiti, le
symbole de cette protection est la possession de la queue de
l'éléphant par l'un des chefs de fil. L'éléphant
est également un guide dans la mesure où en cas de perte dans la
forêt, il suffit de suivre les traces de l'éléphant car
celles-ci mènent toujours vers les hommes. Ce discours, nous apprend
également que l'éléphant symbolise la grandeur, le respect
et l'influence. Autrefois, lorsqu'un homme allait épouser dans une
famille d'un grand notable, la dot était constituée d'une pointe
d'ivoire. Cette pointe d'ivoire symbolisait la grandeur de la femme. Elle
devait avoir du poid dans son foyer.
Récit253(*) n°5 de Mboumba Camille254(*) sur La perception de l'éléphant au regard
des dégâts qu'il occasionne
1- Ubedza nyambila re batu bagu bayabi re nzahu givava
giagulu o agalabi ka gulabe sa diambu dimosi. Nzahu gu yandi agalabi murimandi
wa fasi mekulegeni o wavatsie ? Sa mambu me beyi. A nzahu ne guyudzanga batu
biguya, musiru negune gu du gayila, gu musiru negune dua vagili kepagere
diambu, nzahu gu musiru negune aga vagili kepagere mue diandi biambu. Ayawu
guse vagala yenu du yaku gue musiru tsagalanu yenu gu dimbu, nzahu buandi
bulongu musiru yenu batu gu dimbu, batu bana bedze guse dulongala yetu gu dimbu
duguyilanga nana duyakugwenda musiru (...). Anyani Nyambi gu yandi kidze
bulongu, nzahu, miri aregila gu kidze gie ? Mbara o duyaboka nzahu mba
nzahu agaya milunda akona buranga bibunda dikengi. Gu yandi agayi milunda,
agayi gu dzala yandi, nyambi amulonga biguya biandi ne bina. Gere agagone niaka
bikone buranga, yawu bayabili tsie ? (...). A megembi, gu yandi aga
niakili, aga buri giandi megembi ? Poga ba buringia ? Mba yetu, dwa
labingi nzahu pa amaniaka mbili merufi, ugulaba dilinga di poga tsi yandi
atsiya, si sabendi. Dugulaba nzahu amayi meduka, mbura iyandi aga goniakila,
ugulabe mbili medouka ma bolili vana, me sabendi mba muotsu gu yandi aga
niakili dualabi bi yandi agayi dusalabi mirwiliga re nzahu aniaka vava muri
giagi aka bendi. Mbeka gu giamba pa amayi teri ama gwenda gu musiru amaniaka,
ugulaba mburina yabendi biriri bi teri tsina sa miri gu musiru. Adina di miri
gie mi yandi aga vari mi yandi agaye ? Mba duse betsi laba gu marufi mandi
dukulaba di tungi di mukumi, di moabi, di muduka. Mba mbe yawu ba miburi,
Mandji yotsu mbe ibasa kane miabi ne meduka. Ayawu ba yabilitsi tsie re nzahu
aganiaki nana ? Mbeka merufi me nzahu me fumie. Ubedza bega merufi me
nzahu gu dimbu uku vara kapagere givaru vana giabendi avana niayabi. Sa biyawu
bavari gu musiru dzakutisi (...)
|
1- L'éléphant détruit les cultures des
gens or c'est en brousse où nous nous nourrissons, où nous
faisons tous nos besoins mais c'est aussi en brousse où
l'éléphant fait ses besoins.
Qu'ils viennent nous dire de ne plus aller en brousse et de
rester au village et que la brousse est le monde de l'éléphant.
Mais peuvent-ils venir nous montrer comment allons-nous nous nourrir sans plus
aller en brousse (...).
Lorsque Dieu a crée le monde, entre
l'éléphant et les arbres qu'a-t-il crée en premier ?
parce qu'ils disent qu'il ne faut plus tuer l'éléphant parce
qu'il consomme des fruits pour produire des grumes. Or lorsqu'il consomme ces
fruits, il les consomme pour satisfaire sa faim et Dieu a dit que ces fruits
sont ses aliments. Si vraiment en déféquant il fait pousser des
arbres, comment le savent-ils ? (...). Pourquoi ne fait-il pas aussi
pousser les noix du Poga oleosa qu'il consomme ? parce que lorsque
l'éléphant dépose ses crottes, nous voyons des tas de noix
de Poga oleosa qui ne poussent pas.
Nous voyons des tas des fruits du douka qui pourrissent dans
les crottes des éléphants et qui ne poussent pas. Nous n'avons
jamais vu des arbustes qui se sont développés parce que
l'éléphant aurait déposé ses crottes à cet
endroit. Toutefois, dans les plantations, lorsqu'il consomme les concombres et
quand il dépose ses crottes, nous voyons des feuilles des fruits
qu'il a mangés et non des arbres. Quels sont les noms des arbres
consommés par l'éléphant qu'il cultive ? parce que
nous n'avons jamais vu dans ces crottes un arbuste de l'okoumé, du moabi
ou du douka.
S'il produit réellement des arbres, dans ce cas tout
Mandji devait se remplir de moabi et de douka. Comment savent-ils que ce sont
les éléphants qui ont produit tel arbre ? c'est vrai que les
crottes de l'éléphant sont un fumier. Tu peux apporter des
crottes d'éléphant au village et planter n'importe quelle
culture, elle va se développer et ça nous le savons. Mais ce
qu'il plante en brousse, nous ne maîtrisons rien.
|
2- Nesi gu yawu bemakidza mburawu igu suega bibulu gu rabi
ne muotsu ne muotsu, bibulu bina pasi bia burena bisa kunanga bulongu ?
Kaba bekidzi mbura ne fil igwingisa bibulu biawu biotsu gi gumbi gina mutu wago
biboka guna aku ne musosu la vana batu be bedza guvaga biamba biawu bi
gubungula bane bawu bekia vagi lekol. Tumba pabe masila kakere duyaboka bibulu,
batu pabe makibe wulaba gikeneni gi nzahu, aba ne ngudu beguboka (...)
Pabarondi re bane bawu babi protege bese kidza mbura tsi limite sigu be
bandekena mba batu be kole ku gwenda muna. La yawu guandi beyadala gu mbugetu
(...) Gu tsielu CBG gu reserve gune, gusa guambili buta, gusa labini buta.
Tumba negu ngendza bibulu bina bia tsageni ka guna bi savudugia ? Ne nzahu
aga gwendi miendu mi ragame abedze guse guya mumu agugabuga mbara guna, yawu
beni beyabi dubedza go suema gugu mbara guna besagulu kumbula, agune besalabi
kepagere diambu. Tumba yawu besa bedza tsagana ka guna mbara CBG be matabula
miri miawu miotsu, bene dzale guna, be gubinga tsielu tsi biguya (...) nonga
berugi guse laba mba mbeka guguandisa bibulu tumba gilima begu dila nguba ibatu
(...)
|
2- Même dans le cas où ils ont
aménagé leur endroit à Rabi et partout ailleurs pour y
mettre tous leurs animaux, ces animaux lorsqu'ils vont se reproduire, ne
vont-ils plus se déplacer pour aller ailleurs ? donc il faut qu'ils
aménagent un endroit avec des câbles pour y introduire tous leurs
animaux et à partir de ce moment, la personne qui osera aller abattre
l'une de ces bêtes aura un problème et les gens pourront faire
leurs plantations pour nourrir leurs enfants qui vont encore l'école.
Cependant, s'ils disent seulement de ne pas tuer les animaux,
lorsque les gens seront dépassés par les dégâts,
ceux qui possèdent des moyens les abattront (...) s'ils veulent que
leurs enfants soient protégés, qu'ils viennent établir des
limites pour les garder pour que les gens ne partent plus là où
ils sont. Et il faudrait que ces éléphants ne viennent plus aussi
dans notre côté (...) du côté de la CBG, il y a une
réserve là-bas et on n'y entend aucun coup de fusil, aucun fusil
n'y pénètre.
Mais est-il vrai que ces animaux ne restent que là-bas,
ils ne sortent pas de cet espace ? tel que l'éléphant, il
parcourt des longues distances, il peut venir se nourrir ici et retourner parce
qu'il sait que là-bas il est en sécurité, il ne court
aucun danger. Malheureusement, ils ne peuvent pas rester que là-bas
parce que la CBG a coupé tous les arbres à partir desquels ils se
nourrissent. Ils ont faim par conséquent, ils vont se rabattre du
côté où il y a des cultures. (...) il serait mieux qu'ils
viennent voir parce que c'est bien beau de protéger les animaux mais il
viendrait un temps où ces animaux subiront la colère des gens.
|
3- Ki laba ne batu bana baduvagilia yawu barondi yetu gufu
o dubi monihu ? Doli ne meboti me petrola yawu beni ne guyanga Doli si
mikumi yawu beni ne guyanga si nzahu pasi sia dumani biguya duyaboka A diambu
dine di gwendila tsie ? mesumbu mbu be gusa ne mi moritani guranga (...)
ki laba tsila yetu pa mfula ku yoni ne gutabuga. A gugu esi bilongu gu pitali
bisandi. Pa mutu beli, aga gobugilu ka gu muila ne gu ndendi (...). Dusekanga
ne televisi gugu, abane ne tsioni balabi ka mambu maviogi gu malongu me be
mbatsi. batu be duavuru ne guvota vava wisi wotsu dusayabi me bavagi si yetu
dukengi ka gukenga dibandu nzahu tsiawu.
|
3- Voyez-vous comment ces gens là nous
traitent-ils ? veulent-ils nous voir mort ou vivant ? ce sont eux qui
profitent de l'argent et des avantages du pétrole et du bois et lorsque
les éléphants viennent dévaster nos champs, ils nous
disent de ne pas les tuer. Comment va-t-on résoudre un tel
problème ? les prix chez les maliens et chez les mauritaniens ne
sont pas abordables (...).
Regarde notre route, lorsqu'il pleut elle se coupe. Dans notre
dispensaire il n'y a pas de médicaments. Lorsqu'une personne tombe
malade, elle ne fait soigner soit Mouila soit à Lambaréné
(...). Nous n'avons pas de télévision ici, nous ne pouvons pas
suivre les évènements du pays. Nous ne savons pas ce que font les
gens que nous élisons ici tous les jours et nous, nous souffrons
à cause de leurs éléphants.
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4- Mireci miarugi mu melongu me be mbatsi, yetu mumu
duburu ka ne timba, malanga, bigongu, mipala tumba bina re bigaya nzahu (...)
yawu guandi esi be tsiya milunda mina pasi bese betsi guya biguya bina
besagukuri tumba giyitsieni guandi gi sagiboti. Pa amaruga gu giamba guse guya
mue giguya, aya esi mesina mebeyi me timba akone gwenda. Tumba pasi ase betsi
pasa giamba gu gari asa gukuri. Avana pa amapasa gu gari amugese aku guse
guyilegu? Amunga giamba? (...) Nzahu aguya aganiaka, batu benu ne
guvaganga agavari, agie asavarili bigongu, mbala bi agaya, nemune misungu agie
bisabendili? Batu bana, mbeke gugandisa nzahu diboti tumba biguya biyawu
beyaga, base guambila re nzahu imosi pasi ima gwingena gu giamba bedze peyanga
tangu tsie. Nzahu pasi imagwingena gu giamba dukuvaga facture beku ruga bekuse
peyi mbara nzahu isase boku (...)
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4- Les riz viennent des pays des autres, nous chez nous, nous
sommes nés avec les tubercules, les taros, le manioc, la banane mais ce
sont ces aliments qui sont consommés par les éléphants
(...). Ils peuvent consommer les fruits mais s'ils n'ont pas encore
consommé ces cultures, ils ne peuvent pas se rassasier mais c'est leur
façon de se nourrir qui n'est pas bonne. Lorsqu'il arrive dans une
plantation, il ne peut pas se contenter de deux ou trois cultures de manioc et
s'en aller, il faut qu'il consomme la moitié de la plantation pour qu'il
soit rassasié.
Et en consommant la moitié, demain où
viendra-t-il encore se nourrir ? et le propriétaire ? (...)
l'éléphant pendant qu'il se nourrir, il défèque et
vos gens dissent qu'il plante. Pourquoi ne plante-t-il pas le manioc, les
ignames et les cannes à sucre qu'il consomme? c'est bien que ces gens
défendent l'abattage des éléphants mais pour les cultures
qu'ils dévastent, disent-ils combien peuvent-ils payer pour un
éléphant qui pénètre dans une plantation ?
lorsqu'un éléphant pénètre dans une plantation,
nous établissons une facture et ils viennent la payer. (...)
|
5- Mbeke batu gu yawu bavagila duyaboka nzahu, batu be
bedza gulu mba batu bene mirima, a nzahu murima mandi utsie uyandi
gurinila agigi giguya gi mutu dzaguya mba nikole laba misosu. Negu ngedza
dibedza guba mba niongu beyi, ireru guya, batu beguboka, pabe malaba beyavaga
musosu. Pabe mavaga musosu batu botsu be gwenda gu yawu. Negu Mandji vava pasi
bema boka nzahu pasi bema guse ganga mutu una gu bega gu dzugu, batu botsu begu
rambuga begwenda reveranu batu botsu gudzugu (...) Migaga besa bedza guvera
bulongu ne pundu gudzugu, begu vudusa mutu una, a nzahu guandi imamane gufu,
esi bese vuru vera mutu una gudzugu, migaga besa guvagala bokanu mutu una mba
seboka nzahu. Yawu dimbunga bavagi, barondi ka nzahu tsina bayingi biguya bi
batu gube bungula gukielu pungi ne miri mi yawu bavari. Eaux et Forêt
bakali nzahu, eaux et forêts yawu re bedenga musiru guandi agie aga
gabilili musiru re guangaganu miri mba nzahu bagalili muna, agie baku gabilanga
musiru ne batu guangaganu miri la nzahu bekuku gubanga ne dzala bekuku ruganga
gu mimbu. Donc c'est faux bane dimbunga (...) A mutu ukidza buta bu karabine ne
masani nie ? Mekidzu gugu vaga gie sa gugu boka nzahu ? Gie baku
gandisila. Gere bavagila nzahu si saku boku be bongi karabina ne mesni be
suegi, begandisi nzahu beyaku guyi biguya bibatu mu biamba. Mba force iyawu
guandi babegi karabine mutu guandi yanditsieni nika sumbi karabine pa nzahu
bemaruga guse mane biguya biami nia muboki.
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5- Lorsqu'ils disent de ne plus abattre les
éléphants, les gens peuvent comprendre parce qu'ils sont
dotés de raison mais l'éléphant quant à lui, a-t-il
une raison, peut-il décider ne plus dévaster les cultures des
gens pour qu'il ne puisse pas avoir des ennuis ? parce que s'ils
dévastent une fois, deux fois, la troisième fois les gens vont
les abattre et s'ils le constatent qu'ils ne fassent aucun problème.
S'ils en font, toute la population ira chez eux.
Tel qu'ici à Mandji, si une personne abat un
éléphant et s'ils le mettent en prison, toute la population se
présentera pour dire mettez nous aussi en prison (...) la loi ne peut
pas mettre toute une population en prison, ils vont libérer cette
personne puisque l'éléphant est déjà mort et ils ne
pourront pas tuer cette personne parce qu'elle aurait abattu un
éléphant. C'est de la démagogie que eux, ils font. Ils
veulent seulement que ces éléphants consomment les cultures des
gens, que les populations nourrissent ces éléphants à
cause de leur ivoire et des arbres qui produisent. La forêt appartient
aux Eaux et Forêts, pourquoi partagent-ils encore cette forêt pour
couper les arbres alors que les éléphants se nourrissent de ces
arbres et ils se retrouvent affamés et ils sont obligés de se
rabattre dans les villages. Par conséquent ils font de la
démagogie (...) qui avait fabriqué les armes et les munitions de
la grande chasse ? ces armes et ces munitions ont été
fabriquées pourquoi ? n'est-ce pas pour abattre les
éléphants ? pourquoi défendent-ils encore cette
chasse ? s'ils veulent que les éléphants ne soient plus
abattus, qu'ils ne vendent plus les armes et les munitions, qu'ils disent aux
éléphants de ne plus dévaster les cultures des gens dans
les champs.
Parce que, tant qu'ils vont continuer à vendre les
armes et les munitions, si les éléphants continuent
également à détruire les champs, les gens seront tenter
d'en payer pour les abattre.
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6- Mutu nemenu, nzahu pa amaruga gu giamba giami, nya
muboki, dzasuegi gusuege (...) pa beseruga guse paga misosu, pegianu disumbu di
nzahu (...) nigu ipei tumba meguami biguya bina mandi bibedze gwenda de million
mbara giamba ana mbili biguya tangu yafurni mefubu, c'est des millions, tangu
yafurni gigongu ginduli, c'est des millions, tangu yafurni mbala, c'est des
millions, tangu yafurni mipala, c'est des des millions (...) Nzahu imosi, pa
imaboku guse guya biguya bibatu, pa imaya giamba gimosi pabe mafunda nya guvuli
bisi tribunal duyatsu pera dzugu anua guvuli tangu tsei niki ipei menu guandi
niku vagala peyanu biamba bitsiyu ne nzahu.
|
6- Une personne comme moi, si un éléphant vient
dans ma plantation, je l'abattrai et je ne cacherai pas (...) s'ils viennent me
chercher des ennuis, je leur dirai de me donner le prix de
l'éléphant (...) et je payerai mais, de mon côté les
cultures qui ont été dévastées peuvent coûter
des millions parce qu'une plantation a plusieurs cultures.
La quantité fourni par les ananas vaut des millions, la
quantité fourni par le manioc vaut des millions, la quantité
fourni par les ignames vaut des millions, la quantité fourni par la
banane vaut des millions (...) si nous abattons un éléphant parce
qu'il est venu détruire les cultures des gens, s'ils nous
entraînent dans les tribunaux, je dirai aux gens du tribunal qu'il est
inutile de me mettre en prison, combien me demandez vous pour cet
éléphant et je payerai le prix et je leur dirai de payer aussi
toutes les plantations dévastées par les
éléphants.
|
Ce récit de Camille Mboumba pose le problème de
la responsabilité de l'administration par rapport à la gestion
des éléphants et à l'aménagement du territoire mais
également celui de la compensation des dégâts. Il
dénonce le manque de certaines infrastructures sociales et remet en
cause la capacité de l'éléphant à
régénérer certaines essences forestières.
D'après lui, les hommes étant dotés de raison sont
prêts à accepter de ne plus abattre les éléphants.
Mais il pose en retour une question aux responsables de la faune pour savoir si
les éléphants eux, ils peuvent comprendre qu'il ne faudrait plus
qu'ils touchent à leurs cultures pour éviter les problèmes
entre les populations et les eaux et forêts. Par ailleurs il est
inconcevable pour lui d'admettre que l'éléphant puisse à
« accoucher » des arbres car dans la conception gisir, Dieu
a crée les arbres avant les animaux. En outre, il met en garde les
autorités face à la déprédation de leurs cultures
par les éléphants.
En effet, à travers ce récit, on comprend
aisément que les sentiments de rejet que les populations
éprouvent face à l'éléphant sont dus à la
non compensation des dégâts qu'il occasionne. La non compensation
des dégâts risquerait d'augmenter l'abattage illégal des
éléphants. Elles protestent contre l'interdiction de l'abattage
des éléphants et réclament des dédommagements des
cultures dévastées par les pachydermes. Cette protestation
à l'égard de l'administration se lit par l'usage du pronom
personnel pluriel « ils » qui est cité dans le texte
près de quinze fois et des formules telles que « tes
gens » ou « leurs enfants ». Pour les
populations, il est inconcevable de protéger l'éléphant au
nom d'une régénération de la forêt car selon elles,
Dieu aurait crée les arbres avant les animaux par conséquent
aucun animal ne peut être à l'origine du développement d'un
quelconque arbre. Elles estiment en définitive que l'administration ne
porte aucun intérêt pour la destruction de leurs cultures mais
elle en porte par contre pour l'éléphant à cause de son
ivoire.
Récit255(*) n°6 de Périne
Mawouiri256(*)
sur La périodicité des activités agricoles et sur le
choix du site
1- Duapakili gusala mbura mwa d'avril- mai. Mwa de mai
wagone sonda mburagu iwasolili giamba ukone labe musiru mbara mu mbura sia
gwingini mamba nonga ukulabe ngendza gere guguba mamba gere mbura iboti. Avril
ne mai ne vana wagone labe musiru gere gumamba. Pa umamana gukeba musiru mwa y
juin ukukeba nyama ne biguya ne doli ukwenda gosolisa. Memosi wubedza gusola
juillet uku guangisa la avant 17 août ukeniendza.
|
1- Nous commençons à choisir le site agricole
à partir du mois d'avril- mai. En mai c'est là où on
cherche l'endroit pour faire le champ, tu dois aller regarder la brousse parce
qu'il y a des endroits qui s'inondent donc il faudrait savoir au
préalable si l'endroit s'inonde ou c'est un bon site. Une fois que tu as
trouvé le site, en juin tu cherches le poisson, la
nourriture et l'argent pour la débroussage. Parfois tu peux
débrousser en juillet tu faits abattre, avant le 17 août tu
brûles.
|
2- (...) Pa dukavari dua pakili guvara miage ne
septembre la timba malanga ne octobre pa mamba mare sunda ne mutamba si vana
duku vara bivaru biotsu bigegi mbala bigongu mongu. ne octobre kuanga novembre
ukia vari (...). Pasi use vura ne guvara avril ne mai wapakili gubuka timba
malanga ma chinu. Ne mupuma uwu nzevaga giamba gimosi gineni (...) Giamba gina
nzepasa agigi giari nzevara timba bigongu adina disimu nivara ka mipala si
mupwasi si mipala nze vera melanga me poati ne me kira ni vera chinu mbala
miniambi tomata talku nungu ne bukulu (...).
|
2- (...) Lorsque nous cultivons, nous commençons par
les bananiers en septembre et le manioc, les taros en octobre lorsque l'eau est
descendue avec la terre et là nous plantons toutes les autres cultures,
les ignames, le manioc amer, la patate douce. D'octobre jusqu'en novembre tu ne
faits que planter. (...).
Si tu cultives très tôt, entre avril et mai tu
commences à récolter les tubercules et les taros. Cette
année j'ai fait une seule grande plantation et je l'ai divisé.
Une partie j'ai mis les tubercules, le manioc. L'autre partie, je n'ai mis que
la banane puis entre les bananiers, j'ai mis les taros, les ignames, les
aubergines, les tomates, le tabac, le piment, l'oseille (...).
|
3- Batu bavagi biamba mbura sataga ne mamba mbara pa uma
vaga mupindi u ndiayu guse gubanga, uguba ne keri mamba me gulambilila ne me
gunu. Usa bedze guse diandza mbura pasi gusa mambe beli. Mutu asa kambi ne
mamba a mutu tabuga ugu mufuanga ne gie ? Menu nia vagi biamba biami gu
mbure ine mamba beli. Gu mupindi mutu benza dimbegene ne gu bela, dusa gwe keba
mamba gu dimbu. Du ne keri ne mamba me gunu ne gulamba. Pa dua dianzi du nonga
gunu mamba nesi gu melamu. Agu duvu gu miemamba ne manga. (...) miaga pasi use
vara ne septembre, miapakili gutsokema ne mai la si août ne septembre
mikuèla. Pasi use mivara ne octobre, miatsokimi ne juin si octobre mi
kagesu. Timba ne bigongu bayetsi ne mars si be kuroga. Mai ne juin ubedza
gonevosula si septembre ne octobre si maguela. (...) malanga ne mongu yawu ba
buri juin. Juin juillet kuanga août ka gone bukanga. Mbala abana bisi
juillet ne août. Tumba ne malanga, ne mbala ne mongu dua bukisa avant
octobre mbara pa si manu mamba sia yungi. (...) putu sia buri décembre
ne janvier si pinda ne janvier fevie. (...) gu giamba giona givava gia regilu
guya bukulu ne nungu duka melanga ne mbala ne mipala. Misungu pasi misivaru ne
septembre ne octobre mia buri mai ne juin.
|
3- Les gens font des plantations non loin des points d'eau
parce que si tu faits un campement pour venir y séjourner, tu auras
besoin d'eau pour préparer et boire. Tu ne pourras pas venir travailler
s'il n'y a pas d'eau à proximité. L'homme ne peut rester sans eau
parce que si une personne s'évanouit vas-tu le réanimer avec
quoi ? Moi je fais toujours mes plantations là où il y a un
peu d'eau parce que l'eau est précieuse. Dans le campement il peut
arriver qu'une personne tombe malade et on ira pas au village chercher de
l'eau. On a besoin d'eau pour boire et préparer. Quand on travaille on
doit toujours boire l'eau même s'il y a un peu de vin. Là
où nous sommes il y a des rivières et les marécages. (...)
La banane, si elle se cultive en septembre, elle commence
à s'incliner en mai et en août et septembre, elle arrive en
maturité. Par contre, si elle est cultivée en octobre, elle
s'incline au mois de juin et en octobre on la récolte. Le manioc et les
tubercules commencent leur apparition en mars puis grossissent. Entre mai et
juin tu peux commencer à gonevosula257(*). Ils arrivent en
maturité entre septembre et octobre. (...) les taros et les patates
douces arrivent en maturité entre juin et juillet. L'igname sa
période de maturité se situe entre juillet et août.
Cependant, que ce soit les taros, les patates douces ou
l'igname, on doit les déterrer avant octobre car si ces cultures
consomment beaucoup d'eau, elles ne seront plus de bonne qualité. (...)
le maïs produit entre décembre et janvier par contre l'arachide,
c'est entre janvier et février. (...) dans une nouvelle plantation, les
premiers aliments récoltables sont le piment et l'oseille puis les
taros, les patates douces, les ignames puis la banane. Les canes à
sucre, s'ils sont cultivés entre septembre et octobre, ils
mûrissent entre mai et juin.
|
Ce récit de Perrine Mawouiri nous informe sur les
différentes périodes des activités agricoles et sur les
critères de choix d'un site. Les périodes des activités
agricoles évoquées par notre informatrice sont celles qui vont de
la localisation du site agricole à la récolte des cultures. Ces
périodes s'étendent en général entre le mois
d'avril et mai jusqu'en octobre de l'année suivante. Entre avril et mai,
c'est la période du choix et de la localisation du site agricole. Le
choix du site pendant cette période permet d'identifier si celui-ci
absorbe ou pas de l'eau. Si au cours de cette période, l'on retrouve
encore suffisamment de traces d'eau, cela voudrait dire que ce site n'est pas
approprié à la mise en culture. Une fois le site choisi, le
débroussage commence en général en juin et l'abattage
débute en juillet. Le mois d'août est la période de mise en
feu. Puis, intervient la mise en culture qui va de septembre jusqu'en novembre.
Cette mise en culture débute avec la culture des bananiers puis, suivie
de celle de tous les autres cultures d'octobre jusqu'en novembre parfois, elle
peut s'étaler jusqu'en avril.
Toutefois, il peut arriver qu'en septembre les femmes puissent
planter les bananiers et les autres cultures notamment les taros et les
tubercules en même temps surtout en cas de famine et lorsque cette
dernière n'a aucune réserve dans son ancien champ. A partir de ce
moment, les tubercules et les taros cultivés en septembre peuvent
être récoltés entre mars et avril. Dans le choix du site,
il y a un certain nombre de critères qui sont retenus. Outre le fait
qu'il n'y ait pas d'eau sur le site agricole, l'un des critères de choix
d'un site est la présence d'eau potable. L'eau est un
élément central dans l'activité agricole du fait de son
caractère vital. Elle permet non seulement de se
désaltérer au regard des efforts physiques que ce type de travaux
nécessite mais également de préparer les aliments et de se
soulager en cas de maladie. Elle est d'autant plus importante en cas
d'implantation d'un campement. La primauté de ce critère d'eau
s'explique par le fait que la grande majorité des sites agricoles
à Mandji portent des noms des cours d'eau. Malheureusement ces milieux
qui regorgent des points d'eau sont ceux qui sont le plus
fréquentés par les éléphants.
Récit258(*) n°7 de Mboumba camille259(*) sur Les techniques endogènes de chasse
1-Gu rege, batu be bokanga nzahu ne mi rambu. Nzahu a ne
murambuandi wa nengulu gilungu. Gilungu a rambungu, negu ndiayu nana, uke buru
ne ketu, ketu ina aku bura bane, la uku ne bane be katsi, vana ukungu ne
guramba gilungu. Pa uma gwenda gu musiru, uku tabula gikoga gi neni gi tsire,
gi ku tungungu gu gari. La uke diandze dikongu di neni, (...) dikongu dine diku
tobu gu gikoghe gine la uku baresi guyulu. La ndiabeni katsi ukwenda gune
guyulu, la uku nienge mwane katsi la mwane nuna aku bandame vane, ndu la ndiayu
ukuetile mamba, me kusunde kuanga kodu dikongu la mekusunda gu mukakele mwane
katsi. Nzahu pa ama viogilili vane aga gwakilu ka gwakilu.
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1-Avant, les gens tuaient les éléphants dans les
pièges. L'éléphant a un piège qu'on appelle
gilungu260(*).
le gilungu se pratique que par une personne qui a des neveux.
Lorsque tu vas en brousse, tu coupes un gros bois lourd que l'on amarre au
milieu. Puis tu fabriques une grosse lance (...) cette lance on
l'enfonçait dans le bois et on le suspendait.
Toi-même l'oncle tu montes et tu demandais au neveu de
se courber et tu verses de l'eau qui passait par la pointe de cette lance et
descendait sur le dos du neveu. lorsque l'éléphant passe par
là, il se fait forcement attraper.
|
2- Murambuna umemungu ka ne mwane katsi mba pa
gimasukumuga vane, gia sukumugi ka ndiayu mwane katsiandi, mba yandi bedze gufu
guna asa ne musosu mba mwana, mwana katsiandi. yandi gilungu ase ramba asa
bedze vaga ka pagere mwane. Ne tayandi aguvaga ayandi gilungu ase
ramba.
|
2- Le droit à la pratique de ce piège ne se
faisait qu'avec le neveu parce que si le bois tombe, ça ne tombera que
sur le neveu parce que lui, s'il meurt l'oncle n'avait pas de compte à
rendre puisque l'enfant qui est mort c'est son neveu. Lui c'est le gilungu
qu'il a fait et il ne peut le faire avec n'importe quel enfant. Même son
père ne dira que l'oncle c'est le piège qu'il a fait.
|
3- La udubila, be bukanga gidune gi neni gu muanda nzahu.
La beku bonganga be bikoga bigegi bi gukubiga ne mutamba guyulu, usaguyabe gu
givave gune. La gutsi guvara niobu.la gwarugi nzahu aku sakumuga guna la niobu
tsina tsi kumutsoka la akuvakene gu gari. La vane guyabe muri beli mba pa
gumabe muri beli aga katugi. Avave bese kanga ne guku ramba be kaveringi ka ne
mate. Mirambu vave ka ne fil si neni si maruga ne mitangani.
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3- Celui de dubila, ils creusaient une grande fosse sur la
piste des éléphants. Ils prenaient des petits bois qu'ils
mettaient de manière horizontale à la fosse et ils couvraient le
tout avec de la terre, tu ne pouvais savoir qu'il y avait quelque chose
à ce lieu. Et dans la fosse on plantait des sagaies.
Quand l'éléphant passera, il va tomber dans la
fosse, les sagaies vont le pénétrer et il y restera
coincé. Mais il ne faudrait pas qu'il est des arbres à
côté parce que s'il y en a il peut sortir de la fosse. En ce
moment ils ne font plus les pièges, ils les tuent avec les fusils. Les
pièges sont faits maintenant avec les fils venus avec les blancs.
|
Notre huitième récit répond à la
question de savoir comment autrefois les Bisir pratiquaient la chasse à
l'éléphant. A cette question, Camille Mboumba nous apprend qu'ils
pratiquaient cette chasse à base de deux types de pièges. Le
premier piège était appelé gilingu. Il consistait à
suspendre un gros bois à partir des grosses lianes, dans lequel
était enfoncé une grosse lance, sur une piste
d'éléphant. Mais pour pratiquer ce piège, il fallait
obligatoirement être un oncle de famille notamment avoir des neveux. Car
il y avait un rituel que l'oncle ne pouvait exécuter uniquement qu'avec
un neveu et ce rituel était la condition sine qua non pour que le
piège puisse attraper l'animal. Le rituel consistait à faire
courber le neveu sous le gros bois suspendu dans lequel l'oncle avait
enfoncé la lance et son neveu devait être centré sur la
lance puis, l'oncle montait au niveau de ce bois et il versait de l'eau sur ce
bois. Cette eau devait passer par la pointe de la lance et descendre sur le dos
du neveu. Une fois ce rituel exécuté, aucun
éléphant ne pouvait échapper.
Cependant, il se produisait parfois des accidents. Il y
arrivait que l'oncle en montant pour verser de l'eau, que le bois tombe sur le
neveu et ce dernier meurt. Mais chez les gisir, cette mort était
jugée légitime. Ni le père, ni la mère de l'enfant
n'avait le droit de contester l'oncle. Cela soutient l'idéologie
lignagère dans les sociétés matrilinéaires
où l'oncle a les pleins pouvoirs sur ses neveux et nièces
notamment le pouvoir de vie et de mort. Le deuxième type de piège
est le piège dubila. Celui-ci consistait à creuser une grosse
fosse sur une piste d'éléphant dans laquelle on plantait des
longues lances et on recouvrait le tout par des petits bois et des feuilles sur
lesquelles on mettait de la terre. Mais aujourd'hui ces techniques de chasse ne
sont plus pratiquées, elles ont été remplacées par
les pièges à base de fil métallique et le fusil.
Récit261(*) n°8 de Mboumba camille262(*) sur Les pratiques
« fétichistes » de la chasse à
l'éléphant
1-Ke pagere mutu bedze gube murele nzahu, gi diandzu gi
gunenga pasi murimagu udiola mbare nzahu sa botsu basindili nzahu. Bana ne buta
agalabi nzahu, agarini, barunguli ka bibulu bi gegi. abana ne buta barungili
guboka nzahu esi ne calibre 12. Burele bu nzahu agavengu tumba warenenge la si
ukuvengu, mba nzahu si mevanda, mbara ubedze muvera usayabi la abedze mbambena
nagu. Memosi waveri nzahu masani me siamunu, mane ne gereru la agagwendi.
Mefimba pasi gu dimbu, gu batu ba kuvini, bedze goku kalugili mukuyi gu musiru
ugulabe re nzahu, ugu muvera la uka gwendili mune. Gi gumbi gine pa ama gwenda
gu musiru, pa ama benguna na nzahu, yandi beni agayabi nzahu iyi isa iboti.
(...)
|
1-N'importe qui peut devenir chasseur
d'éléphant, c'est un travail d'apprentissage il suffit d'avoir du
courage parce que c'est pas tout le monde qui résiste de regarder un
éléphant. Certains avec le fusil, s'ils voient
l'éléphant, ils fuient, ils parviennent à tuer que les
petits gibiers. D'autres arrivent à tuer l'éléphant
même avec le calibre 12. la chasse à l'éléphant se
donne mais tu dois d'abord apprendre puis on te donne pour pouvoir identifier
un éléphant mystique parce que tu peux le tirer dessus sans le
savoir or si tu le tires, il va s'attaquer à toi.
Parfois tu peux tirer un éléphant six à
sept coups mais il part.
Quelquefois si au village tu as des détracteurs, ils
vont se transformer en esprit malsain et se présenter à toi dans
la forme d'un éléphant et lorsque tu tireras tu vas en
pâtir. En ce moment lorsque le chasseur va en brousse et il rencontre un
éléphant, il saura si cet éléphant est naturel ou
pas. (...)
|
2- Guvere gu gunenga usane tangu, tumba guvere gu divanda,
aga vegu durangu mba aga vegu nzahu. Nzahu gibulu gi neni gise lalabananga.
Pasi umaboke nzahu, ukune diduma dineni. Pa uma goboke nzahu, ukuse gwambile gu
dimbu, uku tabule gilanga giandi uku bega gu diumbu. Batu bagu bavagi milolu.
Tumba gosase nzahu ina, bare viosanga tsufu beyi si imureu bekuanda gosasa
nzahu ina. Tsisigeni begina munombu gu dimbu (...) dibeti ne pundu la makiela
murela akugotsu tsigu, uku duara gibari gi musingi. Bagetu ne batu botsu ba
gosasa nzahu beku mibiganga gu tsima ne nimbu kuanga gu mbura itsifilu nzahu.
|
2- La pratique de la chasse à partir de l'apprentissage
n'a pas un nombre défini d'éléphants à abattre mais
ceux qui tuent avec un fétiche ont un nombre défini parce qu'on
te donne un éléphant. L'éléphant est un grand
animal qui ne se voyait pas n'importe quand et n'importe comment. (...)
les Bisir tuaient les éléphants à cause de la destruction
des cultures vivrières qu'ils occasionnaient. Lorsque les
éléphants devenaient menaçants, ils faisaient appel
à un chasseur parce que à cette époque on voyait les
éléphants rarement.
Lorsque tu parvenais à en tuer, tu avais une grande
notoriété. Quand tu abattais un éléphant, tu venais
annoncer au village, tu coupais sa queue et tu l'apportais au village. Quand tu
arrivais au village, tes parents poussaient des cris de
bénédiction. Mais pour aller dépéçer cet
éléphant, ils pratiquaient d'abord le culte du munombu au village
(...) pendant toute une nuit. Le lendemain, le chasseur était
maquillé de kaolin rouge et porte la peau de la civette. Il se mettait
en marche jusqu'à l'endroit où il avait tué l'animal et
derrière lui venaient les femmes et les hommes qui partaient pour
découper la bête en chantant.
|
3-Murele unzahu pasi agarondi gu vanda nzahu, aga guelaba
nganga. Nganga memosi aga muvegi megumi me ranu me nzahu tsi yandi agaboki
memosi kame nzahu la aku muvandila nzahu iyandi gubokilanga nzahu tsina. Agabi
ne yandi nzahu. Pasi nganga ase muvega megumi me ranu memavu, yemosi yasali ina
pasi ase iboka, yaboki yandi beni. Bana ba vandi ka divisema, negu vagala nesi
ase gwingene gu gari nzahu, nzahu be sa mueni esi aga veri bagulu ka kumbula
besa mueni. Abana basa ne durangu, ba boki ka guboka. Abana bavegu dimungi
memosi mukudu bavegu ugu tunga mu dilungu (...) memosi dibumba di veru gu
mungungu.
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3-Le chasseur d'éléphant quand il veut faire les
fétiches pour un éléphant, il va voir un nganga. Le
nganga lui donne par exemple cinquante éléphants ou cinq
cent éléphants qu'il doit abattre puis un éléphant
à partir duquel il les tuera. Il possède son
éléphant à lui. Si le nganga lui a donné cinquante
éléphants, le dernier qui reste, si le chasseur l'abat,
l'éléphant le tue lui-même.
Certains « fétichent »
l'obscurité c'est-à-dire que même s'il
pénètre au milieu des éléphants, ces
éléphants ne peuvent le voir même s'il tire, ils entendent
que la détonation du fusil mais ils ne le voient pas. Ces chasseurs
là n'ont pas de nombre défini, il tue à volonté.
Ceux-là, on leur donne parfois une corde pour attacher autour des reins
ou un talisman à mettre dans une boîte.
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4- Murele uvanda nzahu, pasi ama benguna ne murele nandi
pasi yandi asa muene, murele una abedze muvera mbara yandi agalabi nzahu
asayabi re mutu. Bifimba renane ba batsungugili ne lakcida si burela (...)
tumba gere gufu, asa gafu wisie wamosi. Pa nzahu ina imafu gu musiru, yandi gu
dimbu aku dimbegene negu bela guranga kuanga tsonu beyi la ne gufu. Tumba
murele una nzahu, pa yandi ama regile gufu nzahu i yandi avanda ise gafu yasali
gu musiru ne girwili gisega ne fumu (...) vane asegapage guboku esi ne calibre
12 ubedze muboka.
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4- Le chasseur d'éléphant qui a
pour fétiche un éléphant, s'il se rencontre avec un
chasseur ordinaire, si le premier ne le voit pas en première position,
le second peut le tirer dessus parce qu'il ne voit qu'un éléphant
et il se sait pas que c'est un homme. C'est parfois de cette manière que
surviennent les accidents de chasse et certains se blessent. Si c'est la mort,
il ne meurt pas le même jour.
Si cet éléphant meurt en brousse, le
propriétaire au village tombe gravement malade pendant deux semaines et
il meurt. Mais ce chasseur vient à mourir le premier,
l'éléphant qu'il a « fétiché »
ne meurt pas, il reste en brousse comme un animal domestique sans maître
(...) et en ce moment il n'est plus difficile à abattre, même avec
un calibre 12, tu peux l'abattre.
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Ce récit de M. Mboumba Camille répond à
la problématique des pratiques
« fétichistes » liées à la chasse
à l'éléphant chez les Bisir. En suivant ce récit,
notre informateur nous apprend que la chasse à l'éléphant
peut se pratiquer par n'importe qui, pourvu qu'il ait du courage et qu'il
apprenne la chasse. Le courage et l'apprentissage sont les conditions de base
pour devenir un chasseur d'éléphant. Une fois ces conditions
réunies, l'apprenti chasseur peut se présenter chez un
« nganga » pour solliciter un un fétiche. Ces
fétiches visent à identifier les éléphants naturels
des éléphants mystiques dont la chasse est proscrite et de se
protéger de l'agressivité des éléphants. Ces
fétiches, sont de deux genres. Le premier consiste en la possession d'un
éléphant mystique destiné à protéger le
chasseur des éléphants étant donné que
l'éléphant est un animal redoutable.
Et ce fétiche demande de la part du chasseur, le
respect du nombre limité des éléphants à abattre
qui lui aurait attribué le « ganga ». Le
deuxième fétiche, est un fétiche d'invisibilité. Il
permet au chasseur de se cacher sous une obscurité dans laquelle les
éléphants ne peuvent le voir. Avec ce fétiche, il n'y a
aucune condition, le chasseur peut tuer autant qu'il désire. Mais bien
qu'ayant des chasseurs spécialisés, les Bisir n'abattait pas les
éléphants n'importe comment. Ils étaient en
général abattus pour défendre leurs champs. Aussi,
étant donné que l'éléphant était un animal
rare et considéré comme un génie, qui ne se montrait pas
n'importe comment et n'importe quand, son abattage procurait du prestige et de
la notoriété.
Récit263(*) n°9 de Germaine Bibalou264(*) sur Le comportement de
l'éléphant dans les champs et l'ampleur des
dégâts
1-Ni bedza guambila nzahu asa ne mwiri u yandi asa gaya,
asa ne dugaya du yandi asa gaya. Nia labila ka sa gaya ka ditsotsu dietu didi,
ne gurbanga, ne nungu. Sa bina biotsu ne bina bi yandi agaya. Muati miri
agarubuli mesungumana akuyanga, agaya ne nguli mbari ne misogu, agapasi mbari.
Bagayi tindi biotsu besa ne givava gi yawu basisi tindi guvagela mupala dilanga
usa gulabe esi gibusi tindi timba gusandi umangila bigongu bi ndungu bi nduli
memosi pasi utsibe ne melumbi aku bitsarila kana diadidi akone vioga aga gone
bingilili timba ne malanga a mbala diambu ne pundu. Pa umalabe nzahu gorege gu
giamba uvure gube ne gigongu ne timba yandi agaregili gubinga mbura imipala
akubinga malanga ne mongu agaraculi ne mikoga miotsu ne mbala. Yandi aga regili
gubinga ka bina lasi pa amamana guya bina biotsu lasi akwe bemba timba ne
bigongu akurubula akuene bambulanga.
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1-Je peux dire que l'éléphant n'a pas d'arbres
qu'il ne consomme pas, il n'a pas de feuilles qu'il ne consomme pas. Je vois
qu'il ne consomme pas seulement notre citronelle, le dartier et le piment. Mais
tout le reste il consomme. Certains arbres, il enlève les écorces
pour consommer, il consomme même les toutes nouvelles branches du
palmier, il le déchire pour consommer le nguli265(*).
Ils consomment tout, il n'y a pas quelque chose qu'ils
épargnent que ça soit la banane, les taros tu ne trouveras
même pas la `racine-mère' moins encore les tubercules à
l'exception du manioc amer. Parfois avec un peu de chance, ils les
piétinent pour suivre les bananes, les taros, les ignames. C'est un
problème.
Une fois les éléphants pénètrent
dans une plantation, tu peux avoir le manioc, les tubercules mais il commence
en premier par la banane, les taros les patates douces et les ignames qu'ils
déterrent avec tous les troncs d'arbre. Il commence par ces cultures.
Une fois qu'il a fini de tout consommer, il s'attaque aux tubercules et au
manioc qu'il déracinent et jettent pêle-mêle dans la
plantation.
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2-(...) yawu barugi ka gusevaga dimbunga bapasi
miaga gupasa. Ni maguyu giamba ne nzahu gise mangu giguya esi mongu ise mangu
mupuma u 2002 nigivaga vava gu mwe dimbu bese ninganga Meniani. Tindi vana
nimana guvara biguya biapakila guvega re dukubanga ka yetu begetu bebeyi gu
mupindieni (...) mba be mbatsi botsu bese tsagenanga mupindi ka gu dimbu si
nzahu mbe si maranga mba gusabanga batu begu sandzanga muna muotsu ka yetu
bebeyi mbe duku guna. Nzahu mbe sise gaku gulu gusandzu re dukulu wome
dukuvuduga gu dimbu. Si nzahu beku niamba biotsu gibe ka ne kane esi muri
ugigongu use kulabananga. . Baraculi kuanga mikoga esi dingililu di giamba
usabedza kudiyaba.
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2- (...) J'ai une plantation qui a été
dévasté par les éléphants dont nous n'avons
même pas goûté une seule nourriture, même une patate
douce n'a pas été goûtée pendant l'année
2002. Je l'avais faite au village qu'on appelait Maniani. Une fois que j'avais
fini de cultiver, les plantes commençaient à produire.
Mais nous n'étions que deux femmes dans le campement
(...) toutes les autres ne restaient pas au campement qu'au village donc les
éléphants étaient devenus plus menaçants parce
qu'il n'y avait pas des gens pour les chasser dans tout le secteur. Les
éléphants ne s'éloignaient plus et puis nous avons pris
peur, nous sommes rentrées au village. Et les éléphants
ont tout détruit, elle était comme cette cours, même une
bouture de manioc, on ne pouvait plus en trouver. On ne pouvait même plus
retrouver l'entrée du champ, ils avaient déplacés les
troncs d'arbres.
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3-Barugungi dibeti ase gayi niangu (...) Nzahu gu musiru
bagayi milunda begayi miduka miba tumba pasi una muri uyawu begayi bebeli ne
giamba talanga begukuya giamba. Nemenu bese guya misungu miami mbara mbatsi
unami giamba ndilu ane mwibe gu mbeka giamba giandi (...). Ne gugu guduvu gu
muduka beli pa meduka mana mabonduga pa be magulu dzulu be me bingilila la vana
beku bingilila guandi biguya. Gu miri mi beyi mi medouka mia bondugi ne miba mi
bogu mi muna. Miemamba mi guna awu gitataba uyawu baboti bekuse guyilanga ne
muemamba wa viosi tumba wa kamugi mangala. Motsu mana ma yawu
babingilili.
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3- Ils viennent la nuit, ils ne se nourrissent pas la
journée (...) l'éléphant en brousse se nourri des fruits
comme le douka, les mangues sauvages mais s'il y a un des arbres qui produit
ses fruits à proximité de ta plantation, il faut savoir qu'ils
vont te dévaster le champ.
Moi, ils sont venus dévaster mes cannes à sucre
parce que celle qui la plantation à côté de la mienne avait
un manguier sauvage à proximité de sa plantation (...). Là
où nous sommes, il y a un douka à proximité. Ils sont
attirés par cet arbre lorsque les fruits tombent. Mais en suivant les
fruits, ils viennent aussi dans la plantation. Il y a aussi des cours d'eau. Il
a celui qui ne tarit pas dans lequel ils viennent manger et un autre qui coule
mais qui tarit en saison sèche. Ce sont toutes ces choses qu'ils
suivent.
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Ce récit répond à la question comment se
comportent les éléphants dans une plantation et quelle est
l'ampleur des dégâts causés. En suivant le discours de
cette informatrice, nous nous rendons compte que les éléphants
sont des animaux nocturnes, ils ne se nourrissent que la nuit. C'est donc la
nuit qu'ils attaquent les cultures des populations. Dans ces attaques, les
cultures les plus appétées par les éléphants sont
la banane, les taros, les ananas, les cannes à sucre, les ignames et les
patates douces. Une fois qu'ils ont fini de consommer ces cultures, ils
s'attaquent aux tubercules. Le manioc amer n'est pas très
apprécié par eux. Comme le manioc amer ressemble aux tubercules,
ils le déterrent en croyant que c'est du tubercule. Mais après
avoir constater l'amertume de cette culture, ils le déterrent et le
jettent pêle-mêle dans la plantation.
Aussi, lorsque les éléphants sont à la
recherche des fruits de certaines essences comme le douka, s'ils arrivent que
ce douka soit à proximité d'une plantation, ils vont s'y
rabattent. Par ailleurs, la peur que suscite l'éléphant pousse
les femmes à abandonner leurs champs. Contrairement à d'autres
prédateurs tels que les hérissons, les porcs-épics et les
gorilles, les éléphants sont les plus destructeurs. Ils
consomment tout y compris la mie du palmier et les écorces d'arbres. Les
seuls aliments qui font exception sont le piment, la tisane et le dartier.
Selon Madame Bibalou, certes les autres animaux détruisent aussi leurs
cultures mais ils se limitent à la consommation de deux ou trois
cultures dans une nuit et leur manière de consommer ne leur prive pas de
nourriture. Par contre, c'est la manière de consommer des
éléphants qui leur engendre la faim. Aussi, ajoute-t-elle le
gorille est un prédateur exceptionnel. Il ne consomme rien de leurs
cultures mais se réjouit de les détruire en déchirant
uniquement les bananiers.
Récit266(*) n°10 de Marie Augustine
Moumbangou267(*) sur La périodicité des incursions
des éléphants dans les champs et sur les moyens et les techniques
de protection
1- Gu Mandji vava usabanga nzahu viri nana menu nienda
gosola biamba bibeyi gu Luba ne quatre vingt dix-huit (...) biyu biguya biotsu
duse vaga mupindi. Si maranga veveni veveni ne deux mille (...) Nzahu asaga ne
gi gumbi gu mutubu gu octobre wavari baguse racula bivaru veveni veveni nzahu
agarangi mwa y mars. Ba rangi ne mwa y mars avril ne decembre mba decembre
babingili mibe mi bogu beku guma mwa de mars avril ne mai avana beka gatuli
maramba. Avana mars avril ne mai mutu ne mupindi si aku bandekena mupindi.
Gurega nzahu ayibanga ne gi gumbi alabananga ne mars kuanga mai mba vana asega
ne milunda mi guya gu musiru. baruganga guandi veveni veveni gumutabugilu
mamba. Pa umalabe mutabugilu bavagela nzahu agabeli miyanga, vana ne gu yawu
bagarugili lembe. tumba octobre kuanga decembre batu bare varanga tumba tsitsi
si kavagi ndiayu wavari yandi agarugi guse rubula bi ndiayu usevara mesiga.
Avava septembre ne octobre be muna, fevrier kuanga avril ne mai beku kuruga.
Mangala gumutabulilu u mamba yawu kafua (...) decembre barugi mba babingilili
mibe.
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1- Ici à Mandji, il n'y avait pas
d'éléphants de cette manière. Moi je suis allé
faire deux plantations à Luba en 1998(...) nous avons consommé
ces cultures sans ériger un campement. Ces éléphants sont
devenus plus terribles en 2000 (...) L'éléphant n'a plus de
période. En saison de pluie, en octobre, pendant que tu cultives, ils
viennent déraciner les plantes mais ils sont plus terribles en mars.
Ils sont présents en décembre parce que à
cette période ils suivent les mangues sauvages
puis ils reprennent en mars, en avril jusqu'en mai et là c'est
la période de gugatula maramba268(*). En mars, avril et mai,
la personne qui a un campement doit y demeurer. Avant il y avait une
période où les éléphants apparaissaient,
c'était de mars jusqu'en mai parce que pendant cette période ils
n'avaient plus de fruits en brousse. Ils venaient aussi dans les champs pendant
la saison sèche au moment où les pluies cessent.
Lorsque les pluies cessent, on dit que nzahu agabeli
miyanga269(*) ,
c'est là où ils viennent en masse. Mais en octobre jusqu'en
décembre les gens avaient le temps de cultiver mais ceux-là,
font, pendant que tu plantes, lui, ils viennent déraciner ce que tu as
planté. A présent, entre septembre et octobre ils sont dans les
champs puis de février en avril jusqu'en mai.
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2- Gibilu gi ranga dua vagi dzietsi gone solanga musiru
gukonduga giamba dukone sumbanga dzietsi ne bisi fuomu tsini. Gibilu mwanami
esi una mue tosini doli wayi vudusi gu ivega boy chauffeur tsini guku begila du
dzietsi uku ku peyi mutu ugone sola busola ina pa giamba gineni watsiemusi esi
digumi di tosini. Ne ruvi tsisiga tsiotsu gubangisanga (...) giriri giotsu gi
wagulu dzulu ukone tabulanga ne nungu la uku bikanga gu ruvi duna mba gu
agarugi agabenguni ne dzulu ina la amagabuga. ne gasoil igone ne gwitilanga mu
bisotsu. Pa ndiabeni uguna kol 17h 18h ukuvaga gibiki gina mba yandi agarugingi
gi gumbi gi 20h (...) ne lambi tsina nonga si yatsima wavagi be ndagu nana tol
mosi gu kodu giamba tol mosi gukodu giamba la sikungasa munu (...). Muati batu
ne menu nya bukingi gi duna duke bangisa ruvi la duke bikanga mbunga tsi lotu
si gulu, makadumba, gugerbanga, magayi me nungu, tindi giriri giotsu gi ne
dzulu ne bina bi duaveri. Duabolingi guandi merufi mandi duke sulanga gu mamba
la duke kone siganga mumiaga tumba gidiandzu gineni pa giamba gigineni mbara pa
ama bingilili muaga pasi amagulu dzulu merufi mandi aguyabara miaga mina merufi
mandi la amasisa tumba uyanoga ka mfula. Pa gumanoga mfula wakuse singa. Tumba
pasi giamba gi gineni, ugabi ne gi diandzu giranga. Tumba uvuru guvaga mevunu
motsu mana, ukudila bebiguya ka uvaga mupindi la uku keba mutu ugutsagala guna
gugurara giamba. (...) mebeni ni marambuga vava gosudza plainte gu eaux et
forets mupuma 2003 tumba ne buotsu ne mumu betse nyagula. Batu vava be mbili
bese gosudza plainte tumba gu sa musumbu. Dibandu ne muni pasi nzahu ama kwiya
giamba batu besa ku gwendanga gu mbu batu bana. (...) Memosi pasi bese ronda
baguendi nagu golabilili mayilu me nzahu tumba gusa diambu dia vagu. (...) pasi
bese kulu ngeba bakuvegi permisi i guboka nzahu muati ba kambilungu ka ne
berela ou bien ne mesani mba vava mesani ma sumbilu ka gu Pungu. (...)
|
2- C'est un travail pénible, nous débroussons
tous les bords de la plantation et nous faisons passer les fils
métalliques que nous achetons avec les gens des chantiers. C'est un
travail mon fils, même si tu as un peu d'argent en réserve tu es
obligé de le sortir pour le donner au boy chauffeur pour qu'il t'apporte
le fil métallique et tu paye une personne pour te débrousser les
alentours du champs. Si la plantation est grande, tu peux dépenser
jusqu'à cinquante mille francs. Et tous les soirs, il faut allumer le
feu (...) tu coupes toutes les herbes qui sentent mauvais y compris le piment
pour mettre au feu lorsqu'il aspire cette fumée, il retourne. Puis le
gasoil pour verser dans le feu.
Lorsque toi-même tu es au campement, tu commences
à faire ce feu entre 17h et 18h parce qu'il arrive souvent à 20h
(...) puis on place des lampes sous des morceaux de tôles dans les coins
de la plantation qui ne doivent pas s'éteindre (...). Certaines
personnes comme moi, je creuse une fosse dans laquelle j'allume du feu et puis
nous mettons les vieux pneus, l'ocimum gratissimum, le cassia
alata les feuilles de piment et toute herbe qui sent mauvais. Nous prenons
aussi ses crottes que nous écrasons dans de l'eau puis nous frottons sur
les bananiers. Lorsqu'il s'approchent en sentant l'odeur de ses crottes, il
croire que ces bananiers ce sont ses crottes. Seulement il ne faut pas qu'il
pleuve. S'il pleut, tu viens encore frotter. Cependant, si le champ est grand,
ce travail est pénible. Malgré tous ces procédés,
pour espérer avoir un peu de nourriture, il faut ériger un
campement et trouver une personne pour y rester pour surveiller.
(...) moi- même j'ai déposé une plainte
aux eaux et forêts en 2003 mais jusqu'à présent je n'ai pas
reçu de suite. Elles sont nombreuses ici, les personnes qui ont
déposé des plaintes mais rien n'est fait. C'est pourquoi
aujourd'hui même si les gens sont victime des dégâts, ils ne
partent plus les voir. (...) parfois, ils vont avec toi voir les
dégâts mais après rien n'est fait. (...) s'ils ont
pitié de toi, ils te donnent une autorisation de battue mais certaines
ne trouvent pas des chasseurs ou des balles car ces balles ne sont
achetées qu'à Libreville. (...)
|
Ce récit de Madame Marie Augustine Moumbangou
répond aux questions de savoir comment les populations Bisir
protègent-ils leurs cultures et quelles sont les périodes
des maraudages des éléphants? Selon cette informatrice, avant
l'année 2000 les éléphants n'étaient pas assez
nombreux à dévaster les cultures à Mandji. Ils
apparaissaient épisodiquement au mois de décembre et entre le
mois de mars et mai. Le mois de décembre correspond à la
période où les éléphants sont à la recherche
des mangues sauvages. La deuxième période allant de mars à
mai est celle qui est dite gugatula maramba en gisir. C'est la
période pendant laquelle les fruits en forêt se font rares ou se
sont épuisés et pour survivre, les éléphants se
rabattent vers les champs des populations.
C'est à partir de 2000 que les dégâts sont
devenus de plus en plus nombreux et les éléphants attaquent les
cultures à tout moment. Ils n'ont plus de périodes
précises où ils apparaissent dans les champs. Toutefois, les
dégâts sont plus réguliers après la petite saison
sèche et entre février et mai. Et pour lutter contre ces
dégâts, les populations procèdent à la mise en place
des clôtures à base des fils métalliques. Ces
clôtures sont érigées tout autour de la plantation sur unr
zone tampon. A cette clôture, s'ajoute l'allumage des lampes et du feu
quotidiennement. Dans ce feu, certaines femmes font brûler des vieux
pneus, des feuilles de piment, l'ocimum gratissimum, le cassia
alata et toute sorte d'herbes dont l'odeur est
désagréable.
Récit270(*) n°11 de Kassou Chartotte271(*) sur Les
conséquences, les solutions envisagées et les causes de la non
fréquentation des campements
1- Nya yabi mbili famille vava sia vivri ka ne biguya bi
gusumba. La si mutu pa asegandi ne biguya abedza gufu ne dzala, akala diguga
aku ne dzala aka vivri ka gone nevonda mbu be mbatsi ne gusumba. La biguya
biguvonda bisa bedza gubungula gifumba apa nya govonda ne muniwu mugesa dza
bedza kugovonda la gugu sumba ukube ne doli.
|
1- Je connais plusieurs familles ici qui ne vivent qu'avec de
la nourriture qu'elles achètent. Or si une personne n'a plus de
nourriture elle peut mourir de faim, elle souffre, elle a faim (...), elle ne
vit qu'en quémandant chez les autres et en achetant. Mais la nourriture
que l'on quémande ne peut nourrir la famille parce que si je
quémande aujourd'hui, demain je ne pourrais pas aller quémander
et pour acheter, il faut avoir l'argent.
|
2-Tsayabi dibandu di yawu bakalila nzahu tsi yaboku
bayingi ka biguya bi batu. vedire ke batu bafu nzahu re vivriya ?
Kigengila dina diambua batu bafu ne dzala bekufu. Duvarilingi nzahu akuba
moniwu yetu beni dufu ne mukenguna. (...) pa uma goboka guna ugabi ne misosu
tumba nzahu pa imaruga gu giamba ibedzu boku tumba yetu dua ngengi vava adisani
ne murela dugu mudilili gu ? ka mba batu beni besa vagi mukuti ne berela
beni paga mbe batu botsu begu tsielu imosi beku gunga disumbu di mesani beku
keba murela.
|
2- Je ne sais pas la raison pour laquelle ils défendent
de tuer les éléphants, qu'ils mangent que la nourriture des gens.
Cela veut dire que les éléphants vivent et que les hommes
meurent ? regarde un tel problème où les gens meurent de
faim. Nous cultivons maintenant pour l'éléphant, qu'il soit en
vie et nous-mêmes, nous devrons mourir.
(...) Si tu vas l'abattre là-bas tu auras des ennuis
mais s'il arrive dans ton champ il peut être abattu mais nous, nous
souffrons parce que où allons nous trouver les balles et le
chasseur ? c'est parce que les gens concernées ne se cotisent pas
et puis les chasseurs sont difficiles à trouver sinon toutes les
personnes qui sont dans un même secteur devraient se cotiser et chercher
un chasseur.
|
3- Besa bedza guboka nzahu tsiotsu si gu musiru tumba
nzahu yaguse mana batu biguya re yabokui. Yetu vava mefitsi netu, meboga netu,
gu mandji vava gusa wisi gusa mukielu (...) Si sabedzu guboku tsiotsu mba nzahu
gisiemu (...) Yetu gu mandji gugu gubokisa, bana netu adugu vivra tsie ?
Batu besega kutsagana mupindi dibandu mbili mambu yetu baba dune bana dusa
bedza gutsagana gu mupindi. (...) Bane besa ku guyanga biguya bieni doli si
lekola girombililu ka gugu doli si taxi girombilu ka gugu la menu dza diandzi
nia dili bedoli ka ne biguya bina.
|
3- Ils ne peuvent pas tuer tous les éléphants
qui sont en brousse mais celui qui vient détruire les cultures des gens,
c'est celui là qu'on doit abattre. Il faut en abattre parce que si un
chasseur abat un éléphant à proximité de la
plantation, tu peux demeurer même pendant un an les autres ne reviennent
pas parce qu'ils sentent l'odeur de leur congénère. Nous ici,
nous avons des décès et les retraits de deuil.
Ici à Mandji, il n'y a pas un jour où il n'y a
pas de veillée. Nous ici à Mandji, nous avons des
décès, nous avons des enfants, comment allons nous vivre ?
(...) on ne peut pas les abattre tous parce que l'éléphant est un
gisiemu272(*).
Les gens ne restent plus dans les campements à cause de beaucoup de
problèmes. Nous autres là, nous avons les enfants donc nous ne
pouvons pas habiter au campement.
(...) Les enfants ne peuvent plus manger cette nourriture,
l'argent de l'école du taxi vient d'ici or moi je ne travaille pas, je
ne gagne un peu d'argent qu'avec ces cultures.
|
Ce récit de Madame Charlotte Kassou nous renseigne sur
les conséquences, les causes de la non fréquentation des
campements et sur des solutions envisagées par les populations elles-
mêmes. Selon cette informatrice, les conséquences de la
déprédation des cultures par les éléphants sont la
faim et la perte des revenus. Cette situation a des répercussions sur le
plan social dans ce sens que certaines femmes, pour nourrir leurs enfants sont
obligées de mendier chez d'autres. Or la mendicité est
très mal perçue dans la société gisir. Une femme
qui mendie est considérée comme une paresseuse. Ce qui conduit
donc les familles à être condamné à tout acheter.
Cependant pour acheter, il faut avoir de l'argent. Ensuite, nous avons
l'abandon des plantations entières et des campements du fait de la peur
psychologique que les éléphants déclenchent chez les
populations.
Tous ces efforts financiers et physiques consentis et qui sont
annulés par les éléphants font que les populations
puissent avoir des sentiments de rejet vis-à-vis des
éléphants. Cependant, nous remarquons tout de même, une
attitude assez conciliante. Les populations, malgré les
dégâts que leur causent les éléphants, ne sont pas
d'accord avec l'idée d'exterminer tous les éléphants. Ils
admettent quand même que l'éléphant est une espèce
importante par conséquent il ne peut être exterminé. Il y a
là, un sentiment de d'attraction et de répulsion qui se
manifeste. Toutefois, elles sont d'avis pour l'abattage des
éléphants responsables des dégâts. Pour cela, elles
envisagent comme solution, de se cotiser pour l'achat des munitions et le
payement d'un chasseur.
Récit273(*) n° 12 de Hilarion
Matoumba274(*)
sur La signification de l'éléphant dans le culte des
jumeaux et l'origine du patronyme Nzahou
1- Gu batu balugu nzahu, ndugina me mosi divasa. Gu batu
ba buru batu be beyi, awuna agabi dine nzahu awuna mfubu. Mfubu ne nzahu.
(...). Nduga si mavasa, si salugu gu yetu gukana, sia rugi nawu. Pa mugetu a
mabure mavasa, bane bana bavane tsufu beya ireru inana ba go giambila nduga
neguna mine metu niani ne niani. La batu beni guna bekuruga guse guambila bane
baba mine mawu niani ne niani. La gu gifumba giagu pasi gu mutu ulugu nzahu,
ndugina ubedze iluga mwanagu. (...).
|
1- Il y a des gens qui sont surnommés Nzahou. Parfois
ce sont des jumeaux. Il y a des gens qui naissent à deux, l'un a pour
nom Nzahou et l'autre Mfoubou. Mfoubou et Nzahou (...) ne sont pas des noms
donnés aux gens du dehors, ils viennent avec eux-mêmes les
jumeaux.
Lorsqu'une femme accouche les jumeaux, ces enfants font deux,
trois ou quatre jours, ils iront communiquer aux gens qui sont à
l'extérieur de la maison leurs noms. Et ces personnes viennent dire que
les enfants ont dit qu'ils s'appellent tel et tel. Dans ton clan, s'il y a une
personne qui était surnommé Nzahou, tu peux donner ce nom
à ton enfant (...).
|
2- nzahu gu gisira divasa. beburu yawu be beyi nzahu ne
mfubu. Mfuu re givunda. Mevasa batu bere migisi. Awuna akusala gu mamba nzahu
akuruga gu disimu. Pa nzahu imaboku gu batu besa labilili di sasilu di nzahu
mba nzahu divasa. Mutu u divasa asa bedza gwenda gu disalilu di nzahu ka ne
batu bene migisi ne ngubi. Pabe magwenda golabe disasilu di nzahu abe ne migisi
basumu auna ngubi agutabuga ne gubela. besa gayi nzahu, divasa.
|
2- L'éléphant chez les gisir un jumeau. Ils sont
nés à deux : l'éléphant et l'hippopotame.
l'hippopotame et l'éléphant sont des jumeaux. l'hippopotame est
le grand frère. Les jumeaux sont des personnes qui sont comme des
génies (...) L'un est resté dans l'eau et l'autre est
monté à la berge. Lorsqu'un éléphant est abattu, il
y a des gens qui n'assistent pas au dépeçage parce que
l'éléphant est un jumeau. Une personne qui est jumelle ne peut
pas aller au dépeçage de l'éléphant tout comme
celle qui a des esprits tels que le ngubi.
Si elles s'y rendent, celles qui sont initiées vont
rentrer en transe et celles qui ont le ngubi vont tombé malade. Ces
personnes ne consomment pas la viande de l'éléphant.
|
Le nom Nzahou, est un nom réservé aux jumeaux
chez les Bisir et son pendant est le nom Mfoubou. Nzahou en langue gisir
signifie éléphant et Mfoubou est l'appellation gisir de
l'hippopotame. Dans la tradition gisir, ces deux bêtes sont
considérées comme des jumeaux. Si une femme vient à faire
des jumeaux, si l'un des jumeaux a pour nom Nzahou, l'autre va s'appeler
Mfoubou. Et ces enfants sont des frères de ces deux bêtes. Dans la
mesure où ils incarnent leurs esprits. En conséquence, ils ne
peuvent consommer la viande de l'une de ces bêtes et assister à
leur dépeçage. Lorsqu'ils naissent, se sont eux-mêmes qui
s'attribuent ces noms. Cependant, il peut arriver qu'une famille ait eu un
grand parent au nom de Nzahou ou Mfoubou. Et pour perpétuer la
mémoire de celui-ci, l'un des membres de la famille peut donner l'un de
ces noms à son enfant.
Récit275(*) n°13 de Mboula Yakouya
Adolphe276(*)
sur Les causes de la déprédation des cultures par les
éléphants et les moyens et les techniques endogènes de
protection des champs.
1- Gurega bivunda bavaganga be kiligu. Kiligu divanda dia
protegi giamba. Mutu uyabe ne gavagilu, avaganga mwe gimogu, agabi metsagana gu
ditogu si aku kidzanga be mebumba me yandi aga veri bisiemu bi yandi beni
agayabi. La makiela aku veganga begetu una diandi, una diandi. Dibumba dina
mugetu aga divari gu dibandu di gisindu. Si aku kuega bingitsi. Uyalatena
mukoga, uyaku nenga mbatsi mbile pasi ugu giamba pa mutu amaku nenga ne dina
diagu uyaguagula. wa mu nengi gi nengitsi gi dzusu pasi sa nana, uku dukisa gu
mukoga.
|
1- Autrefois les anciens faisaient des petits
kiligu277(*).
La personne qui connaît la pratique fait une petite veillée au
cours de laquelle il reste assis sur une natte et il fabrique des talismans
dans lesquels il met les bisiemu qu'il connaît lui-même.
Et le matin, il remet à chaque femme son talisman. Ce talisman, la femme
le plante sous une souche d'arbre. Puis il leur donnait des interdits.
Il ne fallait plus traverser les troncs d'arbre, appeler une
personne quand tu es à l'intérieur de la plantation et si une
personne t'appelle par ton nom tu ne dois pas répondre. Tu ne dois pas
appeler une personne en ne citant son nom tu dois cogner sur un tronc d'arbre
ou demander s'il y a des gens ou pas.
|
2- Pa mutu mavanda nzahu igu kale biguya biambi, memosi
giamba giandi gise gayu ne nzahu kabe bi be mbatsi. ikone sandzanga be mbatsi
gu giamba giandi. Memosi nzahu ina isa guya giamba giandi ka bibe mbatsi. Pa
amamane ivanda yarugi guse guya gi guya gimosi gu giamba giandi gu yabisa fumu
reni ku vava ne gu kedze.
Mitangani mivandingi nzahu pabe magwendanga zahu tsina sia
salingi mune (...) dibandu sia funinnile. Re ne tsiogani si makukibe mbara sia
burena mbili, gibulu gi sa boboku veveni mba gia gandisu guboku, gia boku ka mu
bigumbi. Dibandu be karugili gu mbeka batu gone keba guyi.
|
2- Lorsqu'une personne « fétiche »
un éléphant pour protéger sa plantation, parfois sa
plantation n'est pas touché par les éléphants, il n'y aura
que les plantations des autres. Cet éléphant va chasser les
autres éléphants de la plantation de son maître. Une fois
qu'il a fini de « féticher » son
éléphant, cet éléphant vient consommer un aliment
dans sa plantation pour dire au maître qu'effectivement désormais
je suis sur les lieux.
Les blancs « fétichent » les
éléphants et quand ils s'en vont, ces éléphants
sont abandonnés ici (...) c'est pourquoi ils sont devenus nombreux. Ils
sont devenus nombreux c'est pas pour rien, c'est parce que les blancs ont
toujours défendu de les tuer. ces éléphants sont devenus
aussi plus nombreux parce que ils se sont beaucoup reproduits, c'est un animal
qu'on ne tue pas beaucoup puisqu'il est protégé. On le tue que
par moment.
|
3- memosi akuenenga nzahu nandi gube bega gu giamba la
bekuya biguya biotsu (...), muati batu be rari mipindi miawu pasi be magwingena
gu dimbu, nzahu ne guya biamba biawu mbara bayabi re beku gu dimbu.
Nzahu tsina si magwiku ne lambi si kur si Rabi dibandu
ubedze bangisa lambi gu giamba besa gakugulu wome bagwingeni gu gari giamba si
nzahu tsina sia sobegena de tsi yawu bavandi si mimbu. Gi gumbigini besabanga
ne mata, batu be giliganga biamba biayu ne kiligu (...) ne muni batu be
mavuvisa mambu mana, be ma mebuse. Agu muamusa gukala nzahu yawu ndiayu uku
mukalusi unzahu.
|
3- Il y a des gens qui se transforment en
éléphants pour nuire aux autres, qui vont dans leurs plantations
pour faire le désordre en consommant leurs cultures et en les
détruisant. Parfois, il va faire appel aux autres
éléphants de la forêt pour venir tout consommer (...),
lorsque ceux qui gardent leurs campements se rendent au village, ces
éléphants dévastent toutes leurs plantations parce qu'ils
savent que les propriétaires sont au village.
Ces éléphants se sont familiarisés avec
les lumières électriques de Rabi, tu peux allumer les lampes dans
la plantation, ils n'ont plus peur, ils vont y pénétrer et ils se
sont mélangés avec les éléphants du village. A
cette époque, ils n'avaient pas de fusils, ils protégeaient leurs
champs à partir de certaines pratiques (...) aujourd'hui les gens ont
négligé ces pratiques, ils les ont refusé. Lorsque tu vas
aider une personne avec ces pratiques pour chasser les éléphants,
on dira que tu es celui qui se transforme en éléphant.
|
Ce récit répond à la question relative
aux causes des dégâts dans les champs et à celle des moyens
et des techniques endogènes de protection des cultures. Dans ce
récit, Adolphe Mboula évoque plusieurs facteurs qui sont à
l'origine des dégâts. Parmi ces facteurs, nous avons
l'accroissement de la population d'éléphants qui est
favorisé par l'interdiction de les abattre, l'abattage par les
compagnies forestières des essences forestières
appétées par les éléphants telles que le moabi, la
présence des éléphants du village qui se seraient
accouplés avec ceux de la forêts, la familiarisation des
éléphants avec les installations électriques des
compagnies pétrolières et forestières et l'abandon des
pratiques endogènes de protection des cultures.
En effet, selon notre informateur, l'homme gisir
possède un certain nombre de pratiques à partir desquelles, il
protège ses cultures. Le kiligu consiste à
protéger la plantation contre les animaux sauvages. Une autre pratique
avait pour objectif d'obtenir un éléphant mystique chargé
de protéger les cultures comme le ferait un chien de garde. Cet
éléphant a pour mission de chasser les éléphants
prédateurs du champ de son propriétaire et de les amener loin de
l'espace agricole. Cependant, de nos jours, ces pratiques sont de plus en plus
abandonnées, très peu, sont encore les personnes qui les font.
Les rares personnes qui le font encore sont souvent suspectées
d'être celles qui possèdent des éléphants du village
par conséquent celles qui ravagent les cultures des autres.
Récit278(*) n°14 de Mboumba Camille279(*) sur
L'éléphant et la tradition orale
1. Conte (kughu) : le voyage de la tortue et de
l'éléphant (kughu i muendu wenda fudu ne nzahu)
1-fudu ne nzahu bane be tate Denzambi,
Denzambi banda asisa ne mbatsiandi Denzambi tundu, asisa
mue dinuana guna. re wisi tate Denzambi banda aku ruma fudu ne nzahu mbu dina
diandi gonunga dinuana diandi. re nzahu ugivunda ne guambila fudu, ka fudu
wendi.
|
1-La tortue et l'éléphant, sont les enfants de
père Denzambi. Denzambi du bas avait laissé une dette avec son
ami Denzambi du haut. Un jour, père Denzambi du bas décida
d'envoyer la tortue et l'éléphant chez son homonyme pour aller
récupérer son dû. Et l'éléphant le grand
frère, dit à la tortue, nous allons partir.
|
2-Ka bagwendi, bagwendi ka bakalabi ka yalala mune
mwemamba tubu ne memba. fudu yanditsieni ho ! Ya nzahu avana mbili mamba
nana duguviogili tsie ?
nzahu yanditsieni Heu ! aguduguvioli tsie, dusa
gupoka ka mamba mana la duku panda gu disimu dina. fudu yanditsieni menu
dzagurungula. nzahu ka panda gu dzimami vava, nzahu ka kututu, fudu ka garta
gerta si nzahu ka ne gudala mwe mamba kuanga gu disimu dina. si fudu ya nzahu
si dzudzio dumamana gukatuga muemamba. ah ! si sunda esi gutsira dze
gulungu. ka fudu yanditsieni Ho ! ya nzahu giranga menu.
nzahu a giranga ndiayu tsie ? menu sara dze kunangula
mbe samenu ndiayu mbe use rungula gukatula gidiba gigia ?
fudu yanditsieni ya nzahu giranga menu, giranga menu. sa
melumbi giranga menu. avana mbe guvagala ndiayu use bela menu mbe dze rugula
kunangula ?
kaba giranga menu, mba menu dziba mugegi, ndiayu umakiba
menu. ngedza ndiyu use katusa menu melumbi menu re ni mwane mugegi, menu re
nine meyuru magegi a mbe dziba ne ndiayu mbe use rugula gunangula ?
giranga menu.
|
2-Ils marchent, ils marchent, soudain, ils voient devant eux
une grande rivière pleine d'eau. La tortue dit : ho! grand
frère éléphant comment allons traverser cette
rivière pleine d'eau ?L'éléphant lui
répondit : heu! mais comment allons passer, nous allons simplement
traverser cette rivière et nous retrouver à l'autre rive. La
tortue dit, moi je ne pourrais pas. L'éléphant lui dit tu va
monter sur son dos.
Il s'agenouilla et la tortue monta. Puis,
l'éléphant traversa la rivière. Arrivé à
l'autre rive, la tortue dit à l'éléphant de le descendre
car ils avaient fini la traversée de la rivière.
L'éléphant répondit : ha descend maintenant,
d'ailleurs je n'ai même pas ressenti de poids. Une fois descendu, la
tortue dit à l'éléphant, oh grand frère, le
meilleur c'est moi.
L'éléphant dit mais le meilleur c'est toi
comment ? c'est moi qui t'ai soulevé si je ne l'avais pas fait, tu
aurais pu traverser cette rivière ?
La tortue dit grand frère, le meilleur c'est moi, c'est
moi meilleur. Heureusement que le meilleur c'est moi. Maintenant, si toi tu
serais tombé malade aurais-je pu te soulever ?
Donc le meilleur c'est moi, parce que moi j'ai un petit poids
et toi tu m'as dépassé. Il vrai que c'est toi qui ma fait
traversé mais heureusement que j'ai petit poids, j'ai un petit corps
parce que si j'avais été comme toi, tu aurais pu me
soulever ? donc le meilleur c'est moi.
|
Ce proverbe s'adresse à une personne à qui l'on
a fait du bien et qui ne s'est pas rendu compte du bien qu'on l'a fait
même si ce bien n'est pas visible et qu'il n'a pas l'air de s'en
souvenir. Et elle croit plutôt que c'est lui qui vous a fait du bien
alors qu'au fond, dès le départ, de part votre constitution, de
votre manière de parler ou d'être, c'est vous qui aviez
été le meilleur garant de son succès.
L'éléphant n'aurait jamais pu soulever un autre
éléphant sur son dos donc Dieu a bien fait que la tortue soit
plus petite que la tortue et c'est ce qui a fait que l'éléphant
ait pu le porter.
1. Proverbes
1. « Bisasaku bia bondisi kari bia bondugi ka gu
mu mukakela nzahu »
Traduction : les branches mortes que font tomber les
singes, ne tombent que sur le dos de l'éléphant.
Lorsqu'un homme vient à fonder une grande famille,
lorsqu'il est le responsable de la famille, tous les problèmes qui vont
survenir au sein de celle-ci sont sous sa responsabilité, parce qu'il en
est le chef. Ce proverbe renvoie au sens de la responsabilité du chef de
famille. Les singes qui font tomber les branches mortes ici,
représentent les éventuels problèmes que les personnes
(progéniture) qui sont sous le contrôle du chef de famille peuvent
créer.
2. « nzahu amina poga mba avaga gitu ne
mugumbuandi »
Traduction : l'éléphant avait avalé
la noix du Poga oleosa parce qu'il comptait sur ses capacités.
Ce proverbe veut dire qu'il faut d'abord compter sur ses
propres moyens avant de compter sur qui que ce soit. Il faut savoir respecter
un contrat, un engagement. Ce proverbe est une variante du proverbe de
Vauvenargues qui dit : « qui sait tout souffrir peut tout
oser ».
3. « mugetu wakubusi disongi, nzahu ise ku gonga
giamba »
Traduction: une femme qui te refuse en amour, est comme un
éléphant qui a rodé autour de ta plantation sans y
pénétrer.
Ce proverbe s'adresse à un homme qui aurait fait la
cour à une femme sans pourtant réussir à la
conquérir. Mais au lieu de regretter cet échec, il doit
plutôt s'en réjouir car cette femme lui aurait occasionné
des dépenses. Ce qui en définitif lui fait faire une
économie forcée. Ce proverbe est l'équivalent du proverbe
français : « A quelque chose malheur est bon ».
Les diverses manifestations de la vie animale
(éthologie, morphologie, écologie, habitat, vie sociale,
période d'activité, cycle reproductif, prédation, mode
d'alimentation, couleur, odeur, cris spéciaux, etc.) ont, durant des
siècles sinon des millénaires, exercé une sorte de
fascination sur les facultés d'observation et l'imagination des peuples
du monde bantu et, même temps, elles ont sollicité leur
curiosité et leur sensibilité écologique. On observe
fréquemment une projection du monde social sur le monde animal et vice
versa. Ainsi que le notait Radcliffe Brown, « l'univers de la vie
animale est représentée sous forme de relations sociales, comme
celles qui prévalent dans la société des
hommes »280(*).
Récit281(*) en français n°15 de Kabou Mbemeni
Jean Pierre282(*) sur La conception de
l'éléphant et le totémisme chez les bisir
1. L'éléphant constitue un totem pour certain
clan. Le premier clan qui utilise l'éléphant comme totem, c'est
le clan Gimondu, lequel clan avait deux totems principaux :
l'éléphant et le léopard. L'éléphant
pourquoi ? L'éléphant c'est le « grand
boussolier », c'est le bulldozer, il creuse la route. Lors de la
grande migration, les Gimondu ont sans doute suivi la piste d'un
éléphant pour les amener jusqu'au lieu où ils se sont
établis. Chez les Bupeti, ils avaient trois bêtes. Ils avaient
l'éléphant, le léopard et l'aigle.
L'éléphant était le village, c'est le symbole de la
cité et quand tu es dans la cité, tu es à l'abri de tous
les dangers qui peuvent te guetter. C'est pourquoi les personnes qui avaient
pour fétiche l'éléphant avalait tout le village lorsque la
nuit tombait, parce qu'il n'y a pas une bête qui surpasse
l'éléphant la force. Le seul totem qui n'était pas
consommé chez les gimondu c'était seulement le léopard
parce que l'homme gisir ne consomme pas le léopard.
L'éléphant était aussi le symbole du partage et de la
générosité. Tous ceux qui avaient pour fétiche
l'éléphant étaient des personnes qui avient des grandes
familles, qui étient sollicités et généreuses.
Parce que la viande de l'éléphant est une viande du partage.
2. Par contre, il était interdit à un gimondu de
tuer la panthère ou l'éléphant. S'il le faisait, il tuait
son propre ancêtre, il se tuait lui-même. Mais si pendant, les
périodes de grande disette, un éléphant était
abattu, une personne ne peut plus avoir plusieurs interdits alimentaires. C'est
probablement pour cette raison que les gimondu consommaient
l'éléphant à l'exception des bibusi283(*) elles-mêmes.
L'interdit qui prévalait, c'était l'interdit commun à
toute la communauté villageoise à l'exemple du léopard.
L'éléphant avait une importance capitale. C'est le
président de la forêt. L'animal qui fait le plus peur en brousse,
c'est l'éléphant et non le lion ou la panthère. C'est
l'animal que l'on évite le plus en brousse.
Récit284(*) n°16 de Monsieur Léonce
Iwangou285(*)
sur Les conséquences et la gestion des plaintes des populations sur
la déprédation ces cultures vivrières par les
éléphants
1. Lorsque je reçois les plaintes, je les transmets
aux Eaux et Forêts qui eux, vont sur les lieux faire un constat. Ensuite,
ils me ramènent la plainte accompagnée du procès-verbal du
constat que je transmets chez le gouverneur à Mouila pour obtenir une
autorisation de battue. Mais depuis lors aucune suite n'a été
donnée aux correspondances. Ce qui fait que les populations abattent les
éléphants sans faire des déclarations. Mais l'une de nos
inquiétudes est que si nous délivrons des autorisations de
battue, les gens vont abattre les éléphants en quantité et
l'inconvénient c'est le risque de la disparition de
l'espèce.
2. Les conséquences de cette situation sont la
famine. L'autre conséquence où ce problème se fait plus
ressentir, c'est la pénurie alimentaire. La preuve c'est que le
marché n'est plus opérationnel puisqu'il n'y a pas de produits
à vendre. Pendant la période de décembre, janvier et
février, il était rare de voir une femme exposé même
un seul paquet de manioc en vente. (...) mais sinon les villageois
eux-mêmes savent pourquoi les éléphants détruisent
leurs plantations. Ce sont eux-mêmes les responsables.
Ce discours du préfet de Mandji, évoque d'une
part les causes et les conséquences de la déprédation des
cultures vivrières par les éléphants et d'autre part la
gestion des plaintes des populations relatives à la destruction de leurs
cultures vivrières. Au titre des conséquences, on relève
la famine et la pénurie alimentaire. Une fois que les populations se
rapprochent de lui avec des plaintes, il les transmet au service des Eaux et
Forêts départemental qui effectue des constats de terrain. Constat
à la suite duquel, le service des Eaux et Forêts établit un
procès-verbal de constatation qu'il joint à la plainte et renvoie
le tout chez le préfet. A partir de ce moment, le préfet transmet
le dossier chez le gouverneur pour solliciter des autorisations de battue
administrative.
Malheureusement, ces sollicitations d'autorisations de battue
administrative auprès du gouverneur ne sont quasiment pas agrées.
Selon le préfet, les autorisations de battue ne sont pas
délivrées à cause de la peur de la disparition de
l'espèce. De ce point de vue, nous voyons aisément que l'attitude
de l'administration consiste finalement à protéger les animaux au
détriment des hommes. Cette attitude dont les populations ont
conscience, poussent certain à procéder à des battues
illicites et sans déclaration.
Récit286(*) n°17 de Jules Olago287(*) sur La démarche
administrative en vue d'une autorisation de battue
d'éléphant
1. Après le dépôt de la plainte chez
nous, nous l'enregistrons puis nous allons sur le terrain pour faire le
constat. Nous mesurons l'étendons des dégâts, nous prenons
la mensuration des empreintes pour déterminer la taille et la structure
du troupeau. Au retour, nous rédigeons un procès-verbal de
constatation des dégâts. Nous déposons une copie de la
plainte et une autre du procès-verbal chez le préfet qui les
transmet chez le gouverneur. Nous de notre coté, nous envoyons aussi une
copie de la plainte et du procès-verbal à l'Inspecteur provincial
à Mouila. Puis le gouverneur délivre des autorisations de battue
sur avis de l'Inspecteur provincial.
2. Cette autorisation a une durée
déterminée. La durée peut être de trois semaines, un
mois, deux ou trois mois et elle précise le nombre
d'éléphants à abattre. Cette battue doit se
dérouler dans un périmètre de 5kms par rapport au champ.
Le chasseur doit avoir un permis de chasse, de l'expérience, un fusil
approprié tel que le 458 qui doit être assuré. Après
avoir abattu l'éléphant, le chasseur doit venir nous signaler,
nous allons sur les lieux pour faire un constat de battue. Nous prenons la
longueur des pointes, la hauteur au garrot, puis nous identifions le sexe. Et
nous récupérons les pointes.
3. Mais les populations ne sont jamais d'accord avec cette
mesure, elles se sentent souvent lésées parce que ce sont eux qui
achètent les munitions, qui trouvent le fusil et le chasseur. Et les
cultures détruites sont à eux. La délivrance des
autorisations des battues administratives dépend de l'ampleur des
dégâts. Mais tant qu'il n'y a pas de plaintes écrites
aucune autorisation de battue ne peut être livrée. Les
autorisations de battues délivrées, sont délivrées
par canton ou par village. Un canton ou un village peut recevoir une
autorisation pour trois ou quatre éléphants. Mais au niveau de la
commune, les autorisations sont individuelles.
Ce récit de Jules Olago répond à la
question de savoir quelle est la démarche entreprise pour obtenir une
autorisation de battue administrative. Selon notre informateur, pour obtenir
une autorisation de battue, il faut au préalable que les populations
déposent des plaintes auprès du service des Eaux et Forêts
ou auprès du préfet. Ce qui veut dire que les
éléphants peuvent venir détruire les cultures jusqu'au
niveau des jardins de case, tant qu'il n'y aura pas dépôt de
plainte, il n'y aura pas d'autorisation de battue. Une fois la plainte
déposée, un constat de terrain est effectué par les agents
des Eaux et Forêts de Mandji. A la suite de ce constat, un
procès-verbal de constatation faisant mention de l'ampleur des
dégâts, est rédigé. Puis, une copie de la plainte et
celle du procès-verbal sont transmises chez le préfet qui se
charge de les envoyer chez le Gouverneur de province. Et le service des Eaux et
Forêts départemental se charge lui-même de les transmettre
chez l'inspecteur provincial des Eaux et Forêts également à
Mouila. Après lecture du dossier par ces deux autorités
administratives provinciales, le gouverneur délivre des autorisations de
battue sur avis de l'inspecteur. Et l'inspecteur ne peut donner un avis
favorable que si l'ampleur des dégâts est avérée.
Ces autorisations de battues lorsqu'elles sont
délivrées, ont une durée déterminée qui peut
aller de trois semaines à trois mois et elles précisent le nombre
de bêtes à abattre. Et elles précisent également un
certain nombre de critères de chasse à respecter. Tout d'abord le
chasseur doit avoir un permis de grande chasse, un fusil de grande chasse
approprié et qui est assuré et avoir de l'expérience.
Ensuite, la chasse doit s'opérer dans un périmètre de 5kms
de la plantation. Une fois la bête abattue, le chasseur doit aviser les
responsables des Eaux et Forêts pour faire un constat de battue puis ils
récupèrent les pointes d'ivoire et la viande est donnée
à la population. Toutefois, il y a un cas d'exception qui ne
nécessite pas la demande d'une autorisation de battue administrative.
C'est le cas de légitime défense où un
éléphant peut être abattu s'il est surpris dans une
plantation.
Mais dans ce cas aussi, le chasseur doit le signaler
également aux agents des Eaux et Forêts qui doivent faire un
constat de battue, récupérer les pointes d'ivoire et donner la
viande à la population. Cependant, les populations ne digèrent
pas l'idée de voir l'administration des Eaux et Forêts
récupèrer l'ivoire. Elles estiment que ces pointes devaient leur
revenir dans la mesure où les cultures détruites sont les leurs,
les munitions et le fusil leur appartiennent et se sont elles-mêmes qui
se chargent de trouver le chasseur et de le contenter. Cependant, au regard de
toutes ces exigences notamment au niveau de la limite de la durée, on se
rend compte que l'administration gère les battues administratives de
manière à ce qu'elles ne soient pas exécutées afin
de protéger les animaux.
D'abord la démarche en vue de l'obtention d'une battue
administrative est lente, ce qui exige une longue période d'attente.
Ensuite, étant donné que les éléphants ont des
périodes où ils maraudent le plus, il est fort probable
qu'à la date de l'obtention de l'autorisation, les
éléphants aient changé de secteur. Par conséquent
votre autorisation sera nulle et sans effet puisqu'elle ne se prête pas
et la battue ne peut se faire qu'aux alentours de votre champ. Enfin, en milieu
villageois exigé d'un chasseur un permis de grande chasse alors que
celui-ci a été consacré chasseur d'éléphant
par les siens est un signe qui tend à ne vouloir l'exécution des
battues des éléphants.
Récit288(*) n°18 de Jules Olago289(*) sur L'ampleur des dégâts et les origines des
incursions
1. Nous recevons pas mal de plaintes et en
général dans ces plaintes, ce sont les éléphants
qui sont le plus cités parce que ce sont eux qui causent le plus de
dégâts. L'éléphant met les plantations à nu,
il mange tout. Il s'attaque le plus aux bananes, aux taros, aux ignames,
à la patate douce, aux cannes à sucre, aux ananas, aux maniocs.
Ils ravagent le plus en saison de pluie de septembre en octobre et entre
février et mars jusqu'en mi-avril, après la petite saison
sèche. En saison sèche ils sont moins envahissants. Pendant les
deux saisons, ils dévastent toutes espèces confondues, en
maturation ou pas.
2. Dans le département l'exploitation
forestière est intensive et parmi les espèces exploitées,
il y a des espèces telles que le moabi, l'acajou, le douka. Or les
éléphants se nourrissent des fruits de ces arbres. La
rareté de ces espèces fait que les éléphants
descendent vers les villages. Mandji et certains villages se trouvent au sein
des zones protégées. Mandji est à l'intérieur de la
CFAD de la CBG tout comme les villages Yeno, Masana, Petit-village, carrefour
Rabi et Peny1 et dans ces zones la chasse est presque interdite. C'est qui fait
la population animalière à augmenter et n'ayant plus de quoi se
nourrir, les éléphants se rabattent sur les champs des
populations.
3. Il y a aussi le manque d'information et l'ignorance qui
sont à l'origine de ce problème. Et un travail au niveau de la
sensibilisation et de la vulgarisation de la loi qui doit être faite. Les
populations ne connaissent pas leurs droits et elles agissent parfois en
désordre. Au niveau de la protection des cultures, quand il s'agit
d'abattre un éléphant, il faut abattre la femelle dominante parce
que c'est elle qui conduit le troupeau vers les zones d'approvisionnement. La
mâle dominant n'est là que pour la protection et la
procréation. Or nos populations quand elles ont la possibilité et
les moyens de tuer un éléphant, elles ont tendance à
abattre que les mâles dominants.
4. Il y a certaines saisons où les espèces
végétales dont se nourrissent les éléphants comme
le moabi ne produisent pas assez de fruits. Certaines saisons, il y a plus de
fruits en forêt et d'autres pas assez donc la quantité de
nourriture devient insuffisante pendant ces saisons pour les
éléphants. Le moabi par exemple, est un arbre qui donne les
fruits tous les deux ans.
5. La conséquence la plus immédiate c'est la
famine dont souffrent les populations. Ils sont aussi obligés de se
déplacer vers d'autres sites agricoles en abandonnant les premiers
champs. Les populations sont souvent en rogne parce qu'elles estiment qu'elles
ne bénéficient pas des retombées des parcs, du bois qui
est exploité chez eux. Ils pensent que l'administration seule
bénéficie de la vente des pointes des éléphants
alors que ces éléphants détruisent leurs cultures et ces
cultures ne sont pas dédommagées par l'administration. Les
éléphants même s'ils sont abattus par les populations de
manière clandestine, c'est pas à but de braconnage ou commercial
en vendant les pointes mais c'est juste pour la protection de leurs cultures et
pour la viande.
6. Les éléphants qui ravagent les
plantations des populations sont du type cyclotis dont la structure est
composée de huit à dix éléphants. Ils proviennent
des parcs, des aires protégées soient de Rabi ou de Gamba, de
tout ce qui est espace protégé mais ces espaces ne sont pas
matériels c'est-à-dire qu'il n'y a pas de
barrières.
Ce récit de Jules Olago répond à la
problématique des origines des incursions des éléphants
dans les champs des populations mais également à celle relative
à l'ampleur des dégâts. Pour cet agent du Cantonnement des
Eaux et Forets de Mandji, les animaux les plus cités et qui causent plus
des dégâts dans les plaintes des populations locales sont les
éléphants. Ces pachydermes sont de gros prédateurs, ils
mettent des plantations à nu en consommant tout. Parmi les
espèces les plus attaquées par les éléphants, nous
avons la banane, les taros, les ignames, les patates douces, les ananas, les
cannes à sucre et les tubercules. Selon notre informateur pendant la
saison sèche, ils sont moins envahissants. Mais leur période de
prédilection est surtout la saison de pluie de septembre en octobre et
de février jusqu'en mi-avril. Tout comme les autres informateurs, M.
Jules Olago évoque entre autres comme origines de ces incursions,
l'exploitation forestière et les zones protégées.
En effet, à en croire notre informateur, l'exploitation
forestière dans la zone de Mandji est intensive. Et parmi les essences
exploitées, figurent des essences telles que le moabi, le douka, ...
dont les fruits sont aliments appétés des
éléphants. Et la rareté de ces essences fait que les
éléphants sont obligés de se ruer vers les villages. Une
autre des raisons évoquées dans ce discours est la
présence des zones protégées dans la région de
Mandji et ses environs. Au titre de ces zones protégées, nous
avons le CAPG dont les zones les plus proches de Mandji sont : le parc
national de Moukalaba-Doudou, le Domaine de chasse d'Iguela et le Domaine de
chasse de Ngové-Ndogo. De plus, Mandji et certains villages sont
à l'intérieur de la CFAD de la CBG dans la quelle la chasse est
pratiquée mais strictement réglementée. Par contre dans
les autres zones la chasse est interdite. Cette prolifération des zones
protégées favorise la recrudescence de la population
animalière en particulier celle des éléphants. D'ailleurs
notre informateur précise que c'est dans ces zones dont la chasse est
interdite que proviennent les éléphants. Enfin, sont
évoquées, les causes naturelles.
D'après Jules Olago, il y a des saisons où les
fruits des essences dont se nourrissent les éléphants sont rares
car une essence telle que moabi produit les fruits tous les deux ans. A cela,
s'ajoute le culte de la battue du plus gros éléphant. En effet,
les chasseurs, lorsqu'ils ont la possibilité d'abattre un
éléphant, ils ont tendance à chercher à abattre le
plus gros des éléphants en particulier le plus gros mâle.
Or dans le cas de la protection des cultures, l'éléphant à
abattre est la femelle dominante dans la mesure où c'est elle qui dirige
le troupeau vers les points d'approvisionnement. Cependant, au titre des
conséquences, Jules Olago dénonce la famine subite par les
populations et l'abandon des plantations. Cette situation se traduit par le
mécontentement des populations qui protestent de ne
bénéficier des retombées des parcs et du bois
exploité dans leur région.
2. Discours des ONG et des administratifs centraux
Récit290(*) n°20 de Bas Huijbregts291(*) sur Les causes et les conséquences de la
destruction des cultures vivrières par les éléphants
1. C'est un problème répandu partout en
Afrique où il y a l'éléphant. Au Gabon, le problème
se pose le plus là où il y a des aires protégées
à proximité des populations et il en résulte parfois des
conflits entre les populations et les responsables de l'administration. Ici,
les éléphants sont un peu de partout et on connaît
très peu leur écologie et leur comportement.
2. Les éléphants sont devenus très
nombreux, la population d'éléphant est en bonne santé au
Gabon or la population humaine dans ces zones est faible, 60 % de la population
est urbaine. Dans la zone du CAPG, la population des éléphants
est à 10000 individus alors que celle des humains est estimée
à 9000 habitants. Mais les éléphants ne détruisent
pas expressément les champs des populations, ces champs sont
situés sur leurs chemins. C'est rare que les éléphants
mangent expressément les cultures des villageois. C'est lors de leurs
déplacements qu'ils détruisent les cultures qu'ils trouvent sur
leur passage.
3. L'une des raisons est que les populations se sentent
délaissées par l'administration centrale qui ne se
préoccupe pas de leurs problèmes quotidiens. Les gens manquent
d'hôpitaux, d'écoles, d'eaux, de routes,... et ils les voient
seulement pendant les campagnes électorales pour faire les promesses
qu'ils ne réalisent pas et les ONG, elles pendant les campagnes de
sensibilisations sur la protection. Donc ils trouvent l'éléphant
comme la clé où ils greffent toutes leurs plaintes. Les plaintes
sur les éléphants ne sont que la manifestation de tous leurs
problèmes non résolus puisqu'il y a d'autres animaux qui ravagent
aussi les cultures mais ils ne font pas de problèmes.
4. Les éléphants qui causent les
dégâts sont parfois parmi les plus vieux. Lorsque
l'éléphant vieilli, les cinq dents de l'arrière se
détruisent parce qu'ils mangent des aliments durs. Et au bout d'un
certain âge, il a mal et ne peut plus consommer des aliments durs. Donc
il va développer une préférence pour les aliments doux. Et
les cultures vivrières constituent des aliments doux pour lui. Aussi on
se demande si l'éléphant n'a pas développé un
goût particulier pour les produits agricoles dans les zones des conflits
parce qu'on ne connaît pas assez bien leur comportement alimentaire,
leur écologie. Très peu d'études ont été
menées sur l'éléphant de forêt. Si nous avions
des informations fiables sur eux, on pourrait prévenir les
populations sur leurs mouvements.
5. Il est difficile de regrouper les populations et
trouver un responsable pour la surveillance. Les plantations sont
isolées et il est difficile dans ce cas de les contrôler et de les
patrouiller. Il y a une différence entre la perception du
problème et le problème réel. Ce sont les gens
délaissés qui se plaignent le plus parce qu'ils pensent que le
gouvernement va les aider. A cause de leurs cultures qui sont détruites
les villageois ont une perception négative des aires
protégées parce que au Gabon il n'existe pas encore de mesures
d'accompagnement par rapport aux éléphants quand ils
détruisent les cultures. Donc ils se font tirer dessus. Même s'ils
ne meurent pas mais ils sont blessés. Mais tuer les
éléphants n'est pas une solution durable.
Ce récit de M. Bas tente de répondre à la
question des causes et des conséquences du conflit entre les hommes et
les éléphants. Au titre des causes, il ressort que les
éléphants sont devenus nombreux et ils se concentrent le plus
dans les aires protégées. Et le problème se pose le plus
chez les populations vivant à proximité des aires
protégées. Etant en sécurité dans ces zones
protégées, la population d'éléphant à
augmenter, elle se porte bien par rapport à celle des humains.
L'illustration la plus frappante est de la population d'éléphant
du CAPG qui s'élève à 10.000 individus par rapport
à celle des humains qui serait à 9.000 habitants. Cela prouve
donc que les éléphants sont effectivement nombreux. Le manque
d'informations objectives sur les éléphants d'Afrique en
particulier ceux vivant au Gabon, serait à l'origine de ce conflit car
aucune connaissance fiable n'est disponible sur l'écologie
comportementale des éléphants. Bas se demande même si les
éléphants n'auraient pas cultivé un goût particulier
pour les cultures vivrières des populations. Selon M. Bas, ce sont
également les éléphants vieillissants qui seraient en
partie à l'origine des dégâts dans les champs des
populations.
En effet, il semble que l'éléphant en
vieillissant, perd ses molaires parce qu'il mange des aliments durs. Et au bout
d'un certain âge, il a des douleurs et ne parvient plus consommer des
aliments durs. Il va développer une préférence pour les
aliments doux. Et les cultures vivrières constituent des aliments doux
pour lui. De même, des causes sur l'occupation de l'espace sont
également à mettre à l'actif de ce conflit car les
populations font parfois leurs plantations sur les chemins des
éléphants. Et dans leurs déplacements, ils rencontrent ces
cultures et les dévastent. A cela s'ajoute, la dispersion des
plantations. Les plantations sont souvent isolées les unes des autres.
Ce qui rend difficile le contrôle et les patrouilles. Toutefois, il
ressort aussi de ce discours que des raisons d'ordre socioéconomique
sont à l'origine de ce conflit. Les populations se sentent
délaissées et oubliées par l'administration centrale qui
ne pensent à elles que pendant les moments de campagnes
électorales et de sensibilisation sur la protection de l'environnement.
Cet état de choses fait que les éléphants constituent
l'élément sur lequel elles expriment tous leurs
mécontentements.
Récit292(*) n°22 de Samuel Engone-Bilong293(*) sur Les causes et la politique de résolution
1. Malheureusement il n'existe pas des mesures
alternatives dans notre pays en cas de dégâts. Et le fait qu'on
dise que les défenses sont remises aux autorités, cela les
embête parce que l'intérêt pour les villageois c'est de
vouloir garder les pointes pour essayer de récupérer tout ce
qu'ils auront dépensé en les vendant, puisque les balles et le
fusil sont à eux. Donc ils veulent récupérer les
défenses pour vendre l'ivoire.
2. Je pense que depuis que la chasse est fermée, la
population d'éléphant ne fait que s'accroître. La chasse
étant fermée la population d'éléphant ne peut
qu'augmenter. Puisque les populations se plaignent de plus en plus, il faudrait
dans ce cas revoir la situation. Par exemple il serait possible d'alterner la
chasse à l'éléphant comme pour celle de la petite chasse.
(...)
3. Pour le cas du surnombre des éléphants,
c'est au Gabon de poser son problème à la CITES comme d'autre
pays l'ont fait. Nous avons déjà un gros stock d'ivoire. Les
administrations des Eaux et Forêts ne peuvent pas s'acheter des armes
pour abattre les éléphants ou d'en donner aux populations. Nous,
nous sommes là uniquement pour protéger la faune si cette faune
disparaît, nous ne pouvons plus exister. Nous, on ne peut pas acheter les
armes pour donner aux populations pour tuer les éléphants sinon
notre administration n'a plus sa place.
Ce récit de M. Samuel répond à la
question de savoir comment faire pour résoudre le problème de la
déprédation des cultures par les éléphants et des
causes du conflit entre les hommes et les éléphants. A la lecture
de ce récit, notre informateur nous apprend que les causes de ce conflit
sont le fait que les populations s'opposent à la décision qui
consiste à récupérer les pointes d'ivoire par
l'administration des Eaux et Forêts. L'ambition des populations est de
les obtenir pour ensuite les vendre afin de pouvoir compenser les pertes de
leurs cultures mais également les dépenses faites sur l'achat des
munitions et du fusil. A cela s'ajoute l'accroissement de la population
d'éléphants depuis la fermeture de la grande chasse. C'est
pourquoi, étant en surnombre, il revient à l'Etat gabonais de
poser ce problème à la CITES comme l'ont d'autres pays africains
de l'aire de répartition des éléphants.
De ce point de vue, il nous semble que finalement
l'administration veut gagner du temps afin que sa population
d'éléphant soit décrétée en surnombre pour
qu'elle puisse vendre son ivoire et autres dérivées de
l'éléphant. Cependant, pendant ce temps, les populations
subissent les dégâts causés dans leurs champs par les
éléphants. Car comme nous explique M. Samuel, il n'existe aucune
mesure alternative en cas de dégâts aux cultures. Et
l'administration des Eaux et Forêts, nous dit notre informateur,
« est là uniquement pour protéger la faune si cette
faune disparaît, nous ne pouvons plus exister. Nous, on ne peut pas
acheter des armes pour donner aux populations pour tuer les
éléphants sinon notre administration n'a plus sa
place ». Ce qui veut dire que l'administration ne se préoccupe
pas des populations.
Récit294(*) n°23 de Mofouma Aurelien295(*) sur L'intérêt de la protection de
l'éléphant et les causes du conflit
homme-éléphant
1. L'intérêt économique qu'une
entité comme le Rapac peut avoir, ne réside pas dans les produits
de l'éléphant comme l'ivoire et autres. Notre
intérêt économique est perçu dans
l'écotourisme parce qu'un éléphant peut rapporter plus
d'argent à un pays par rapport à un éléphant mort.
Un touriste qui vient observer un éléphant et qui paie par
exemple 5000 francs l'entrée, fait rentrer beaucoup d'argent.
2. Mais si les éléphants sont devenus trop
nombreux, ils menacent le milieu, on peut organiser des battues administratives
mais en ce moment dans le cadre des battues de la chasse sportive. Avec le
tourisme, l'abattage d'un éléphant c'est un ou deux millions et
le compte est bon pour tout le monde. Le touriste lui, il gagne la gloire et le
prestige d'avoir abattu un éléphant puis le film et le
trophée, la viande est donnée aux populations et l'administration
l'ivoire et les un ou deux millions. Or lorsqu'un braconnier tue un
éléphant, la viande est abandonnée, les pointes d'ivoire
sont vendues à 50000 francs. Au niveau économique c'est du
gâchis. Nous pensons que la nature a une valeur que l'homme peut
exploiter pour le bénéfice de l'administration et des populations
environnantes.
3. Pour résoudre le problème, la loi ne
prévoit que la légitime défense et les battues
administratives mais l'administration récupère les
défenses d'ivoire mais les populations ne sont pas d'accord parce
qu'elles pensent qu'elles peuvent les vendrent aux commerçants et avoir
quelque chose. Ils veulent entendre dire qu'il faut tuer les
éléphants parce que l'éléphant comporte un certain
nombre d'enjeux économiques comme l'ivoire. Il y a des sous produits de
l'éléphant qui sont un enjeu économique. La preuve est que
quand les gens abattent les éléphants ils abandonnent la viande,
ils ne prennent que les trophées, les poils, les ivoires et tout ce qui
peuvent vendre.
4. C'est un problème récurrent dans toute la
sous-région. Ils subissent les problèmes mais il faut les
relativiser. Dans une étude menée à Mourindi, quand les
gens posent les problèmes des éléphants, ils posent en
même temps beaucoup d'autres problèmes qui interpellent
l'administration générale. Ils posent à la fois le
problème de la fermeture de la chasse, de la nature des armes, des
hôpitaux, des écoles,...quelques fois, c'est une manière de
s'adresser à l'administration. Ils vont les stocker parce que se sont
des biens publics et puis chercher plus tard à obtenir une
décision. Ils les stockent et en général ils finissent par
les détruire. La vente est interdite.
L'intérêt pour la protection de
l'éléphant au niveau du RAPAC, est un intérêt
économique vu à partir de l'écotourisme. En effet, pour ce
membre du RAPAC, un éléphant vivant rapporte plus d'argent
à un pays par rapport à un éléphant mort. En effet,
nous explique notre informateur, un touriste qui vient observer un
éléphant paie son entrée et cela fait rentrer beaucoup
d'argent au pays. Il est assez clair que pour les acteurs de la protection et
de la conservation de la nature, l'éléphant est une espèce
qu'il faut à tout prix protéger pour qu'elle rapporte des revenus
à l'Etat. Et cela se voit quand M. Mofoubou estime qu'il faut
effectivement abattre les éléphants en surnombre à la
suite des battues administratives mais il précise que cela doit se faire
dans le cadre de la chasse sportive.
Car la chasse sportive profite justement à l'Etat. Par
contre lorsque un chasseur avec ou sans autorisation de battue, abat un
éléphant dans le cas de la protection de ses cultures, cette
battue ne profite pas assez à l'Etat à l'exception des pointes
d'ivoire. Or un éléphant vivant fait rentrer des revenus à
plusieurs niveaux. Tout d'abord par le payement des entrées dans les
parcs, la prise des images et la chasse sportive. Ensuite, à l'issue de
cette chasse sportive, les pointes sont récupérées par
l'administration des Eaux et Forêts qui, dans les conditions normales
peuvent être vendues.
Selon notre informateur, les causes de ce conflit sont
à rechercher dans les enjeux économiques notamment l'ivoire que
produit l'éléphant. Les populations désirent vendre
l'ivoire qu'elles obtiennent des battues des éléphants cependant,
l'administration des Eaux et Forêts exige qu'elles la lui restituent. Et
naturellement elles protestent contre cette mesure. Aussi, ce conflit serait la
manifestation de leurs mécontentements vis-à-vis de
l'administration centrale qui ne parvient pas à trouver des solutions
face à certains de leurs problèmes quptidiens.
Récit296(*) n°25 de Allogo Constant297(*) sur La perception de
l'éléphant, les Causes et les mesures de résolution du
conflit
1. Les gens font difficilement le rapport entre
l'exploitation forestière, les essences exploitées, la vie des
éléphants et celle des hommes. Dans certaines zones il y a une
forte présence d'engins des sociétés forestières
qui coupent du bois et surtout le moabi. A cause de la présence de ces
engins les éléphants se déplacent et vont s'installer
là où on ne les voyait pas avant mais ils vont causer du tord aux
populations qui exploitent ce milieu. Une fois les engins disparus, ils
reviennent mais ils auront déjà causés du tord. Mais ils
vont avoir des problèmes pour se réadapter dans leur ancien
environnement parce que lorsqu'ils y étaient, ils avaient
déjà développé certaines habitudes alimentaires.
Ils ne vont plus trouver de moabi, ils vont avoir des problèmes pour se
familiariser donc ils sont obligés de retourner là où ils
étaient ou aller ailleurs mais là bas ils vont causer du
tord.
2. Les récoltes sont moindres mais ils arrivent
quand même à trouver des compensations. Ils font autre chose en
dehors des plantations. Généralement les éléphants
piétinent les cultures et prendront quelques régimes de bananes
à leur passage et dans d'autres endroits, les dégâts sont
fictifs les gens dramatisent. Les éléphants font partie des
espèces intégralement protégées mais il y a
l'utilisation des battues administratives. Les populations en tuant
l'éléphant sont sûr qu'elles auront de la bonne viande et
des défenses à vendre.
3. Si nous avons pris conscience qu'il faut
protéger nos animaux, notre patrimoine naturel, il faut que nous
trouvions des solutions. La solution facile au Gabon c'est la battue
administrative or cette solution n'est pas durable. La solution durable est
celle d'assumer nos responsabilités. Si nous estimons que nous nous
engageons à protéger notre patrimoine animal parce que celui-ci
est important sur le plan national alors il faut une solution nationale, il
faut que les gens assument leurs responsabilités.
Ce récit répond à la question quelles
sont les causes des incursions des éléphants dans les champs des
populations et que faire ? Selon Constant Allogo, les gens font
difficilement le rapport entre l'exploitation forestière, les essences
exploitées, la vie des éléphants et celle des hommes. Pour
lui, la forte présence des engins des compagnies forestières et
l'exploitation du moabi sont l'une des causes du dérèglement du
comportement des éléphants. Ces derniers sont perturbés
par la présence des engins et par l'absence du moabi. Pour survivre, ils
sont obligés de se déplacer vers les villages. Et lorsque
l'activité forestière arrive à son terme, les
éléphants réintègrent leur milieu d'origine mais
ayant développé certaines habitudes alimentaires notamment la
consommation du moabi qu'ils ne vont plus retrouver, ils ont du mal à se
réadapter. Ils sont alors contraints de revenir vers les villages. Donc,
on observe un changement dans l'écologie comportementale de
l'éléphant due à une intervention humaine. Une autre des
raisons évoquées par M. Allogo est l'accroissement de la
population des éléphants au niveau des parcs et dans leurs
alentours. Dans ces espaces, les éléphants sont de plus en plus
nombreux par souci de sécurité.
Au regard de ces déclarations, on voit bien que M.
Allogo opte pour la défense des éléphants. Il
reconnaît pourtant que les éléphants détruisent les
cultures des populations et que la conséquence de cette destruction est
la baisse de la récolte. Cependant, il admet que les
éléphants ne sont pas les plus grands responsables des
dégâts causés aux cultures. Généralement les
éléphants piétinent les cultures et prennent quelques
régimes de bananes à leur passage et à certains endroits,
les dégâts sont fictifs du fait de la dramatisation des victimes.
Aussi, pour lui, les éléphants ne sont pas trop nombreux. Ce sont
les populations qui veulent justifier la délivrance des battues
administratives qui les déclarent être trop nombreux dans l'espoir
d'obtenir de la bonne viande et l'ivoire.
Toutefois, en suivant ce discours, M. Allogo lance un appel
aux autorités administratives pour qu'elles assument leurs
responsabilités vis-à-vis des dégâts que les
éléphants causent aux populations. Car dit-il, si nous estimons
que notre patrimoine animal est important, il nous revient à
nous-mêmes les nationaux de prendre toutes les mesures nécessaires
pour le conserver afin d'éviter que la colère des victimes
s'abattent sur eux. Une solution durable à l'échelle nationale
s'impose car les battues administratives ne sont pas une solution durable.
GUIDE D'ENTRETIEN
I. Identification de l'informateur
Lieu de l'enquête :........................
Date ....................................
Nom (s) et Prénom(s) :
..................................................................
Age : .....................Sexe : M F
Situation matrimoniale : Marié(e) ;
Célibataire ; Autres
Village d'origine :
........................................................................
Clan :
.......................................................................................
Lignage :
...................................................................................
Initié(e) : Oui Non
Rite initiatique :
..................................................................... ....
Lieu de
résidence :........................................................................
Situation
professionnelle :................................................................
Nombre
d'enfants:.........................................................................
Secteur(s) agricole(s) actuel(s):
.........................................................
Ancien(s)
site(s) :.........................................................................
Nombre de plantations
détruites :.......................................................
II. Populations locales
1. Organisation du travail agricole
Exécution des travaux des champs
A qui appartiennent les terres sur lesquelles vous
cultivez ?
Coût d'une production agricole et nombre de champs par
an
Différentes espèces de plantes
cultivées et cultures principales
Revenus agricoles
Superficie totale des champs
Techniques de mise en culture
Les critères du choix du site
2. faune sauvage et cultures
vivrières
Problèmes particuliers rencontrés avec les
champs ?
Animaux à problème et espèce plus
dévastatrice
Comportement des éléphants dans les champs
Signes de reconnaissance
3. causes, évaluation et ampleur des
dégâts
Nature ou type de dégâts causés
Cultures les plus endommagées et superficie
détruite
Connaissez-vous des personnes qui ont été
blessées ou tuées par les éléphants ?
Causes des incursions des éléphants dans les
champs
Conséquences de la déprédation des cultures
Aviez-vous déjà abandonné un site agricole
à causes des éléphants ?
Aviez-vous déposé une plainte aux Eaux et
Forets ?
4. Paramètres
environnementaux
Localisation des sites agricoles et distance entre les champs et
les habitations
Espèces forestières consommés par les
éléphants
Présence de ces espèces et des points d'eau
à proximité des champs
Provenance et fréquence des maraudages
Taille, structure et sexe des éléphants
5. Périodicité agricole et des
dégâts
Période des activités agricoles
Période de mise en culture
Période de maturation des cultures
Périodes et moments des maraudages
Catégorie de cultures détruites à chaque
période
6. moyens et techniques de protection des cultures
contre les éléphants
Comment éloignez-vous les éléphants des
plantations ?
Efficacité et inefficacité des techniques
Solutions envisagées
Aviez-vous déjà porté plainte pour la
destruction de vos cultures ?
7. Conceptions et attitudes vis-à-vis de
l'éléphant
Origine du patronyme Nzahou
L'importance de l'éléphant
Signification de l'éléphant dans les cultes
L'interdit alimentaire
L'éléphant dans la tradition orale
Cohabitation avec les éléphants
8. La chasse à l'éléphant
Outils et techniques de chasse
Consécration d'un chasseur d'éléphant
Les interdits liés à la chasse à
l'éléphant
III- Acteurs de la protection de la faune
1. Administratifs locaux
Gestion de la déprédation des cultures
par les animaux sauvages
Les populations se plaignent-elles de la destruction de leurs
plantations par les animaux sauvages ?
Espèces concernées et la plus citée
Plaintes enregistrées concernant la faune sauvage
Périodicité des plaintes et cultures
citées
Démarche entreprise après dépôt
d'une plainte
Sentiments des populations par rapport à la battue
administrative
Attitudes des populations vis-à-vis de les
éléphants
Nombre d'éléphants abattus légalement
Nombre d'éléphants abattus
illégalement
Evaluation et ampleur des
dégâts
Nature ou type de dégâts causés
Cultures les plus endommagées et superficie
détruite
Connaissez-vous des personnes qui ont été
blessées ou tuées par les éléphants ?
Origines des incursions et solutions
Causes et conséquences des incursions des
éléphants dans les champs
Provenance des éléphants
Situation géographique des compagnies
forestières et minières
Espèces forestières exploitées et
régime alimentaire des éléphants
Localisation des sites agricoles
2. Administratifs de la direction de la chasse et de la faune
et ONG
Conception de l'éléphant
Importance de l'éléphant
Intérêt de la protection de
l'éléphant
Statut de protection et état de
l'éléphant
Gestion de la grande chasse
Obtention d'un permis de grande chasse
Achat d'arme et de munitions
Etat de la grande chasse et du commerce des produits de
l'éléphant
Animaux à problème et cultures
vivrières
Aviez-vous connaissance de la destruction des cultures
vivrières par la faune sauvage ?
Espèce la plus concernée
Nature des dégâts causés par les
éléphants
Causes, conséquences et mesures de
résolution
Quelles sont les causes de la déprédation des
cultures par les éléphants ?
Quelles en sont les conséquences chez les humains et
chez les éléphants ?
Politique de résolution du conflit
Mesures en cas de blessures et de mort d'hommes
Mesures en cas de dégâts aux cultures
Les battues administratives
Table des matières
Première partie : orientations de
l'étude
Chapitre 1 : Orientations
théoriques
1.1 Présentation de l'objet d'étude et zone
d'enquête
1.2 Problématique et hypothèses
1.3 Objectifs de l'étude
1.4 Intérêt de l'étude
1.5 champ théorique de l'étude
1.6 Etat de la documentation
1.7 Les concepts
Chapitre 2 : Orientations
méthodologiques
2.1 Pré-enquête
2.2 Enquête documentaire
2.3 Observations directes et guide d'entretien
2.4. Milieu d'enquête
2.4.1. Caractéristiques abiotiques
2.4.2. Caractéristiques biotiques
2.4.3. Présentation de la CFAD de Mandji
2.4.4. Les aires protégées
2.4.5 Le milieu agricole
2.5 La collecte
2.6 Difficultés rencontrées
2.7 Les résultats préliminaires
Deuxième partie : Nature des rapports Gisir
à l'environnement
Chapitre 3 : Rapports Hommes/cultures
vivrières
3.1. Besoin d'alimentation et de production
3.1.1. L'organisation des tâches et coût des
activités agricoles
3.1.2. Types de champs et principales plantes
cultivées
3.1.3. Techniques de mise en culture et maturation des
plantes
3.2. Besoin de survie et de subsistance
3.3. Besoin de sécurité alimentaire
3.4. Fétiches et techniques de protection
endogène
3.5. Les techniques de protection traditionnelles et
conventionnelles
Chapitre 4 : Rapports Eléphants/cultures
vivrières
3.4. Les cultures visées par les
éléphants
3.5. Les profils types des cultures endommagées par
les éléphants
3.6. Le comportement des éléphants dans
l'attaque des cultures
3.7. Etat des lieux des sites agricoles après passage
des éléphants
3.8. Les dégâts directs et autres biens
3.9. Décès et dommages corporels
3.10. Les dégâts indirects
Chapitre 5 : Rapports
Hommes/éléphants
5.1. Conception de l'éléphant
5.2. L'éléphant dans les rites traditionnels
5.3. Eléphant et sorcellerie
5.4. Les techniques traditionnelles de la chasse à
l'éléphant
5.5. Fétichisme et chasse au fusil
5.6. L'éléphant, proverbes et contes chez les
Bisir
5.7. Eléphant et anthroponymie
5.8. Système totémique et interdits
alimentaires liés à l'éléphant
5.9. Présentation du type de conflit
5.10. Le règlement du conflit : les battues
administratives et la légitime défense
5.11. Les activités forestières et
pétrolières
5.12. Les causes socioculturelles et naturelles
5.13. Les Causes socio-économiques et politiques
5.14. Abandon des pratiques agricoles endogènes
5.15. Eloignement des champs et croissance
démographique
5.16. Espaces protégés et interdiction de la
grande chasse
5.17. Impacts des éléphants sur les hommes
5.18. L'Impact des dégâts pendant la saison
sèche et la saison des pluies
5.19. L'Impact des hommes sur les
éléphants
Conclusion
Références documentaires
Annexes
* 1 Province du su de la
Ngounié.
* 2 Claude LEVI-STRAUSS,
La pensée sauvage, Paris, Plon, 1962, p. 218.
* 3 Sébastien
BODINGA-BWA-BODINGA et Lolke J., VAN der VEEN, Les proverbes evia et le
monde animal : la communauté traditionnelle des evia (Gabon)
à travers ses expressions proverbiales, Paris, L'Harmattan, 1995,
p. 66.
* 4 Indiens d'Amérique
du sud.
* 5 Raymond MAYER,
« Des caméléons et des hommes» in : Revue
Gabonaise des sciences de l'Homme n°5, Actes du séminaire sur
« Les formes traditionnelles de gestion des écosystèmes
au Gabon », du 18 au 24 mai 1998 à Libreville, Gabon, Ed.
LUTO, P.U.G, p. 48.
* 6 Habitants du Ladakh,
région septentrionale de l'Inde.
* 7 Les animaux qui nous
détruisent les cultures vivrières.
* 8 Les
éléphants qui nous exterminent les cultures vivrières.
* 9 Paulin Kialo, Une
double lecture de la forêt : Pové et Forestiers au
Gabon, Mémoire de DEA, Libreville, Université Omar Bongo,
1999, p.19.
* 10 Georges Thierry
Mangama, Analyse morphostructurale de la région de Mandji
(Gabon), Mémoire de Maîtrise, 2002, p. 12.
* 11 Georges Thierry
Mangama, Analyse morphostructurale de la région de Mandji
(Gabon), Mémoire de Maîtrise, 2002, p. 12.
* 12 Roland Pourtier (1989),
Le Gabon : Espace-Histoire-Société, tome 1,
l'Harmattan, Paris, p. 70.
* 13 Jan Vansina,
« Esquisse historique de l'agriculture en milieu forestier
(Afrique Equatoriale) » in : Revue Scientifique et
Culturelle du CICIBA, n°2, 1985, p. 9.
* 14 Richard Hoare, 1995,
cité dans Halford Thomas et al., 2003.
* 15 Richard E. Hoare, 1999,
cité dans Prince Ongognongo et al. 2006.
* 16 UICN-WWF, 1994 ;
Mubalama, 2000.
* 17 Alfa Gambari Imorou S.
et al., 2004.
* 18 Alfa Gambari Imorou S.
et al., 2004.
* 19 Mama, 1998 cité
dans Alfa Gambari Imorou S. et al., 2004.
* 20Mahamane Halidou MAIGA
(1999), « Les relations homme/éléphant dans le
Gourma malien» in : Le FLAMBOYANT, n°50, juin 1999, pp.
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* 21 MARCHAND
Frédéric (1999), « Les conflits entre homme et
éléphants : quelles solutions ? »
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* 22 Okoumassou et Durlot,
2002, cité dans Alfa Gambari Imorou S. et al., 2004
* 23 Adama, 1997 cité
dans Alfa Gambari Imorou S. et al., 2004.
* 24 Stéphane Le-Duc
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2002.
* 27 Convention sur le Commerce
International des espèces menacées de la faune et de la flore
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* 28 Elie HAKIZUMWAMI
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* 29 Jean Pierre, PROFIZI
(1999), « Trop d'éléphant au
Gabon », Le FLAMBOYANT, n° 50, juin 1999, pp.18-19.
* 30 Jean Pierre PROFIZI
(1999), Trop d'éléphant au Gabon, Le FLAMBOYANT,
n° 50, juin 1999, pp.18-19.
* 31 Eléphants.
* 32 Un mouvement d'humeur
des populations du village Fouanou, dans le Département de Ndolou
(Mandji), situé près du gisement pétrolier de
Panthère Nze, exploité par la société
américaine Panafricanan Energy s'est soldé par deux morts et
plusieurs blessés. Ce mouvement d'humeur trouve sa source dans le fait
que les populations estiment ne pas profiter de l'exploitation des ressources
tirées du sol et du sous-sol de leur terroir.
* 33Joris
DAOU, « Anthropologie économique » [En
ligne]. Disponible sur World Wide Web: «
www.candiulb.be/forum/index.php?act=attach&type=post&id=18459 »,
consulté le 23 novembre 2007.
* 34 Marcel Mauss (1905)
cité dans KIALO Paulin, (2005), Pové et forestiers face
à la forêt gabonaise : Esquisse d'une anthropologie
comparée de la forêt, Thèse de doctorat,
Université ParisV René Descartes, p. 303.
* 35Claude Meillassoux,
1984, cité dans KIALO Paulin, (2005), Pové et forestiers face
à la forêt gabonaise : Esquisse d'une anthropologie
comparée de la forêt, Thèse de doctorat,
Université ParisV René Descartes, p.305.
* 36 Catherine Clément,
Claude Lévi-Strauss, Paris, PUF, Coll.
« Que-sais-je ? » 4è éd., 2003, p.85.
* 37 Claude
Lévi-Strauss, La pensée sauvage, Paris, Plon, 1962, p.
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* 38 Patrick Mouguiama Daouda
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* 39Claude LEVI-STRAUSS,
(1962), Le totémisme aujourd'hui, Paris, PUF, p.115.
* 40Claude LEVI-STRAUSS,
(1962), La pensée sauvage, Paris, Plon, p. 5.
* 41 Claude LEVI-STRAUSS,
(1962), La pensée sauvage, Paris, Plon, p. 218.
* 42 Philippe DESCOLA,
(1986), La nature domestique. Symbolisme et praxis dans l'écologie
des Achar, p.12.
* 43 Philippe DESCOLA,
La nature domestique. Symbolisme et praxis dans l'écologie des
Achar, p. 12.
* 44 Philippe DESCOLA,
(1986), La nature domestique : Symbolisme et praxis dans
l'écologie des Achar, p. 18.
* 45 Philippe DESCOLA,
(1986), La nature domestique : Symbolisme et praxis dans
l'écologie des Achar, p.60.
* 46 Raymond MAYER
(1998), « Des caméléons et des
hommes» in : Revue Gabonaise des Sciences de l'Homme
n°5, Libreville, Ed. du LUTO, P.U.G, p.44.
* 47Raymond MAYER
(1998), « Des caméléons et des
hommes» in : Revue Gabonaise des Sciences de l'Homme
n°5, Libreville, Ed. LUTO, P.U.G, p.46.
* 48 Raymond MAYER
(1998), « Des caméléons et des
hommes» in : Revue Gabonaise des Sciences de l'Homme
n°5, Libreville, Ed. LUTO, P.U.G, p.48.
* 49 Bruno LATOUR (1999),
Les politiques de la nature : Comment faire entrer les sciences en
démocratie, Paris, La découverte, Coll. Armillaire,
p.376.
* 50Bruno LATOUR (1999),
Les politiques de la nature : Comment faire entrer les sciences en
démocratie, Paris, La découverte, Coll. Armillaire,
p.64.
* 51Bruno LATOUR (1999),
Les politiques de la nature : Comment faire entrer les sciences en
démocratie Paris, La découverte, Coll. Armillaire, p.67.
* 52Bruno LATOUR (1999),
Les politiques de la nature : Comment faire entrer les sciences en
démocratie, Paris, La Découverte, Coll. Armillaire,
p.102.
* 53Bruno LATOUR (1999),
Les politiques de la nature : Comment faire entrer les sciences en
démocratie, Paris, La Découverte, Coll. Armillaire,
p.280.
* 54 Philippe Descola,
Anthropologie de la nature, p. 629.
* 55 Merleau-Ponty, 1974
cité dans Sandry Franck LEPEMANGOYE MOULEKA (2003).
* 56Sabine RABOURDIN (2005),
Les sociétés traditionnelles au secours des
sociétés modernes, Paris, Delachaux et Niestlé,
p.33.
* 57Sabine RABOURDIN (2005),
Les sociétés traditionnelles au secours des
sociétés modernes, Paris, Delachaux et Niestlé,
p.29.
* 58 Conflit
Homme/éléphant.
* 59Claude LEVI-STRAUSS,
(1962), La pensée sauvage, Paris, Plon, p. 51.
* 60Claude LEVI-STRAUSS,
(1962), La pensée sauvage, Paris, Plon, p.196.
* 61 COLENO A., Protection
des plantes, évolution, adaptation, proposition pour les cultures
vivrières tropicales, in : Amélioration et
protection des plantes vivrières tropicales, Journées
Scientifiques du Québec 31 août-1er septembre 1987,
Paris, Ed. John Libbey Eurotext, coll. Universités Francophones, pp.
91-101.
* 62Georges Thierry Mangama
(2002), Analyse morphostructurale de la région de Mandji
(Gabon), Mémoire de Maîtrise, Libreville, Université
Omar Bongo, 2002, p.33.
* 63Georges Thierry Mangama
(2002), Analyse morphostructurale de la région de Mandji (Gabon),
Mémoire de Maîtrise, Libreville, Université Omar
Bongo, 2002, p.33.
* 64Georges Thierry Mangama,
(2002), Analyse morphostructurale de la région de Mandji (Gabon),
Mémoire de Maîtrise, Libreville, Université Omar
Bongo, 2002, p.34.
* 65Georges Thierry Mangama
(2002), Analyse morphostructurale de la région de Mandji (Gabon),
Mémoire de Maîtrise, Libreville, Université Omar
Bongo, 2002, p. 20.
* 66Paul Marie LOUGA (1999),
L'exploitation forestière dans l'économie de la région
de Mandji, Mémoire de Maîtrise, Université Omar Bongo,
p. 16.
* 67 Georges Thierry Mangama,
(2002), Analyse morphostructurale de la région de Mandji (Gabon),
Mémoire de Maîtrise, Libreville, Université Omar
Bongo, p. 13.
* 68Georges Thierry Mangama
(2002), Analyse morphostructurale de la région de Mandji (Gabon),
Mémoire de Maîtrise de Géographie, Libreville,
Université Omar Bongo, 2002, p.39.
* 69 Georges Thierry Mangama
(2002), Analyse morphostructurale de la région de Mandji (Gabon),
Mémoire de Maîtrise de Géographie, Libreville,
Université Omar Bongo, 2002, p. 40.
* 70 Georges Thierry Mangama
(2002), Analyse morphostructurale de la région de Mandji
(Gabon), Mémoire de Maîtrise de Géographie,
Libreville, Université Omar Bongo, p. 42.
* 71 Paul Marie LOUGA (1999),
L'exploitation forestière dans l'économie de la région
de Mandji, Mémoire de Maîtrise, Université Omar Bongo,
p 14.
* 72Manassé-II MBA
(2007), Chasse et exploitation forestière au GABON : Une
analyse de la filière chasse au sein de la Concession forestière
sous aménagement durable (CFAD) de la Compagnie des bois du Gabon (CBG)
à Mandji, Rapport de stage, p.1.
* 73 Jardin situé
à proximité du village.
* 74 Petit champ
d'arachides.
* 75 Terrain
déboisé où il n'y a qu'à brûler et
sarcler.
* 76 Jean Brillat-Savarin
(1974), cité dans OBENGA Théophile (1985), Traditions et coutumes
alimentaires du Kongo au XVIIè siècle in : Muntu, n°3,
pp. 17-37.
* 77 Mathieu MBOUMBA
NZIENGUI (1999), « Etude de la notion d'alimentation comme
facteur du developpement physique et psychologique » in :
L'alimentation, Revue Semestrielle de l'Institut de Recherches en sciences
Humaines, n°6, vol. 6, p.44.
* 78 Roland POURTIER (1989),
Le Gabon : Espace, Histoire et Société, Paris,
l'Harmattan, tome 1, p. 215.
* 79 Charlotte Kassou, corpus
n° 11, séquence n°3.
* 80 Jean Emile Mbot
(1997), Quand l'esprit de la forêt s'appelait
jachère in : L'esprit de la forêt : Terres du
Gabon, Paris, Somogy Editions d'art, pp. 33-51.
* 81 Suite de plantations.
* 82 Tout grand terrain
cultivé.
* 83 Perrine Mawouiri, corpus
n°6, séquence n°2.
* 84 Gonevosula en gisira,
c'est creuser un aliment tel que le tubercule qui en état de croissance
intermédiaire de manière prudente.
* 85 Perrine Mawouiri, corpus
n°6, séquence n°3.
* 86 Définition
donnée par le Petit Robert.
* 87 Charlotte Kassou, corpus
n° 11, séquence n°1.
* 88 Gérard AZOULAY
et Jean-Claude DILLON (1993), La sécurité alimentaire en
Afrique : Manuel d'analyse et d'élaboration des
stratégies, Paris, Karthala, p. 127.
* 89 ALFA GAMBARI IMOROU
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Marcel (eds.), Actes du 6ème Symposium International sur
l'Utilisation Durable de la Faune Sauvage : « La faune
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à Paris, France, Tome 2, Game Wildl. Sci., pp.553-569.
* 90 Karl GRÖNING (1998)
(dir.), L'éléphant : mythes et
réalités, Cologne, Ed. Konemann, p. 159.
* 91Adolphe Mboula Y., corpus
n° 13, séquence n°2.
* 92 Médecin et
« devin » traditionnel.
* 93 Marie Augustine
Moumbangou, corpus n°10, séquence n°2.
* 94 Marie Augustine
Moumbangou, corpus n°10, séquence n°2.
* 95 Marie Augustine
Moumbangou, corpus n° 10, séquence n°2.
* 96 Stéphane LE-DUC
Yeno et al., Agriculture et comflits hommes/faune sauvage :
synthèse des données collectées dans le complexe d'aires
protégées de Gamba, Rapport WWF, avril 2004-septembre 2006,
p. 12.
* 97 Marie Augustine
Moumbangou, corpus n° 10, séquence n°2.
* 98 Frédéric
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éléphants : quelles solutions ? In :
Le FLAMBOYANT, n° 50, pp.16-18.
* 99 Albert Boulikou, corpus
n°2, séquence n°3.
* 100 Germaine Bibalou, corpus
n°9, séquence n°1.
* 101 Ici, il s'agit du manioc
« amer » à base duquel les Bisir fabriquent du
manioc en bâton.
* 102 Barnes et al., 1991
cité dans Halford Thomas et al., 2003.
* 103 Barnes, 2005 cité
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* 104 Richard E.Hoare
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pour la gestion des situations de conflit hommes-éléphants en
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* 105 Marie A. Moumbangou,
corpus n° 10, séquence n° 1.
* 106 Jules Olago, corpus
n°18, séquence n°7.
* 107 Sally LAHM, (1994 ;
1996), cité dans Elie Hakizumwami, 2005.
* 108 Bas Huijbrights et al.,
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* 109 Richard E.Hoare,
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* 110 Marianne Courouble,
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* 111 Cité dans S. Alfa
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* 113Elie Hakizumwami,
(2005).
* 114Karl Groning, (1999).
* 115 Camille Mboumba, corpus
n° 4, séquence n°2.
* 116 Mahamane Halidou Maiga,
« Les relations homme/éléphant dans le Gourma
malien», Le FLAMBOYANT, n° 50, juin 1999, pp.20-26.
* 117 Camille Mboumba, corpus
n° 4, séquence n°3.
* 118 Jean Pierre Kabou
Mbemeni, corpus n° 15, séquence n°1.
* 119 Jean Pierre Kabou
Mbemeni, corpus n° 15, séquence n°2.
* 120 Alain Penelon,
2003cité dans Elie Hakizumwami, 2005.
* 121 Ndogo 2000, cité
dans Elie Hakizumwami, 2005.
* 122 Camille Mboumba, corpus
n° 4, séquence n°3.
* 123 Jean Emile Mbot (1999),
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* 125 Camille Mboumba, corpus
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2e éd., p. 51.
* 127Adolphe Mboula Yakouya,
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* 129 Camille Mboumba, corpus
n°4, séquence n°3.
* 130 Camille Mboumba, corpus
n°7, séquences n°1 et n°2.
* 131 Rigobert Moukambi Pango
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* 132 Jeannin Albert (1947),
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* 133 Rite lié à
la chasse à l'éléphant que les Bisir pratiquaient
autrefois et qu'ils auraient emprunté à un peuple de
l'Ogooué Lolo.
* 134 Albert Boulikou, corpus
n°2, séquence n°1.
* 135 Camille Mboumba, corpus
n°8, séquence n°1.
* 136 Albert Boulikou corpus
n°2, séquence n°2.
* 137 Albert Boulikou corpus
n°2, séquence n°5.
* 138 Le dibumba est un
talisman.
* 139 Albert Boulikou
corpus n°2, séquence n°4.
* 140 Sandry Franck
Lepemangoye-Mouleka (2003), Ethnozoologie du monde bantu :
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* 141 Jeannin Albert
(1947), L'éléphant d'Afrique, Paris, Payot, Coll.
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* 142 Albert Boulikou
corpus n°2, séquence n°4.
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social de la foret tropical. L'exemple Baka du sud-est
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sauvée ? écologie et peuples autochtones, vol. 13,
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* 144 Camille Mboumba, corpus
n°8, séquence n°3.
* 145 Karl Groning (1999)
(dir.), L'éléphant : mythes ou
réalités, Cologne, Ed. Konemann, p.330.
* 146 Camille Mboumba,
corpus n°4, séquence n°2.
* 147 Karl Groning (1999)
(dir.), L'éléphant : mythes ou
réalités, Cologne, Ed. Konemann, p.330.
* 148 Jean Emile Mbot
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français sur les peuples du Gabon de 1839 à 1952, p.389.
* 149 Marlène
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* 150 Corpus n°15.
* 151 Corpus n°15.
* 152 Corpus n°15.
* 153 Jean Emile Mbot
(1999), Esquisse d'une lecture anthropologique des écrits des
français sur les peuples du Gabon de 1839 à 1952, p.399
* 154 Cité dans
Lévi-Strauss Claude, 1962, Le totémisme aujourd'hui,
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* 157 F. N'sougan Agblemagnon
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* 165 Claude LEVI-STRAUSS,
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n° 16, séquences n° 1, 2 et 3.
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* 171 Jean Pierre Profizi,
« Trop d'éléphant au Gabon », Le
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* 172 Léonce Iwangou,
corpus n°, séquence n°
* 173 Bas HUIJBREGTS, corpus
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1997cité par Frédéric Marchand, « Les
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* 175 Richard E. Hoare 1995
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* 176 Constant Allogo, corpus
n°25, séquence n°4.
* 177 Jean Pierre Profizi,
« Trop d'éléphant au Gabon », Le
FLAMBOYANT, n° 50, juin 1999, pp.18-19.
* 178 Constant Allogo, corpus
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(1998), « Des caméléons et des
hommes» in : Revue Gabonaise des sciences de l'homme
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* 243 Raymond MAYER
(1998), « Des caméléons et des
hommes» in : Revue Gabonaise des sciences de l'homme
n°5, Libreville, Ed. du LUTO, P.U.G, p.48.
* 244 Récit
collecté le 15 août 2007, transcrit et traduit en français
par MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA.
* 245Albert Boulikou, ancien
chasseur d'éléphant, clan Bumombu, 81 ans, quartier Sievanou.
* 246 Rite lié à
la chasse à l'éléphant que les Bisir pratiquaient
autrefois et qu'ils auraient emprunté à un peuple de
l'Ogooué Lolo.
* 247 Le dibumba est un
talisman.
* 248Récit
collecté le 31 août 2007, transcrit et traduit en français
par MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA.
* 249Marie Augustine
DIAHOU, 67 ans, agricultrice, clan Bupeti,
quartier Miguebi.
* 250Récit
collecté le 24 août 2007, transcrit et traduit en français
par MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA.
* 251 MBOUMBA Camille,
60ans, clan Budombi, tradipraticien et maître initiateur du
ndéya, quartier Plein-air.
* 252 Bisiemu est un mot gisir
qui désigne les ingrédients à base desquels on fait soit
un fétiche, soit un traitement dans la médecine
traditionnelle.
* 253Récit
collecté le 27 août 2007, transcrit et traduit en français
par MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA.
* 254 Camille MBOUMBA,
60ans, clan Budombi, tradipraticien et maître initiateur du
ndéya, quartier Plein-air.
* 255Récit
collecté le 05 mai 2007, transcrit et traduit en français par
MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA.
* 256 Perrine MAWOUIRI, 53
ans, agricultrice, clan Mombi, quartier Sievanou.
* 257 Gonevosula en
gisira, c'est creuser un aliment tel le tubercule qui est en état de
croissance intermédiaire de manière prudente.
* 258Récit
collecté le 24 août 2007, transcrit et traduit en français
par MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA.
* 259Camille MBOUMBA,
60ans, clan Budombi, tradipraticien et maître initiateur du
ndéya, quartier Plein-air.
* 260 Gilungu est le nom de
l'une des techniques de piège à l'éléphant chez les
gisir.
* 261Récit
collecté le 24 août 2007, transcrit et traduit en français
par MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA.
* 262 Camille MBOUMBA,
60ans, clan Budombi, tradipraticien et maître initiateur du
ndéya, quartier Plein-air.
* 263Récit
collecté le 05 mai 2007, transcrit et traduit en français par
MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA.
* 264 Gerùaine BIBALOU,
62 ans, agricultrice, clan Bumuedi, quartier Sievanou.
* 265 Le nguli est le terme
gisir qui désigne le coeur du palmier.
* 266Récit
collecté le 07 mai 2007, transcrit et traduit en français par
MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA.
* 267 Marie Augustine
MOUMBANGOU, 54 ans, agricultrice, clan Bundombi, quartier
Yabunga Diguema.
* 268 Gugatula maramba
désigne la période allant de mars jusqu'en mai où les
éléphants sont en pénurie de fruits en brousse et pour
survivre, ils viennent en force dans les champs des populations.
* 269Nzahu agabeli
miyanga chez les gisir c'est la définition de la période qui
correspond aux incursions des éléphants pendant la saison
sèche.
* 270Récit
collecté le 04 mai 2007, transcrit et traduit en français par
MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA.
* 271Charlotte KASSOU,
52 ans, agricultrice, clan Bumbamdinga, quartier Château.
* 272 Gisiemu est le pluriel
de bisiemu.
* 273Récit
collecté le 31 août 2007, transcrit et traduit en français
par MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA.
* 274 Hilarion MATOUMBA, 75
ans, chasseur d'éléphants et agriculteur, quartier Miguebi.
* 275Récit
collecté le 08 mai 2007, transcrit et traduit en français par
MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA.
* 276 Adolphe MBOULA
YAKOUYA, 48 ans, agriculteur et maître du bwiti, clan
Bubuka, quartier Sangala.
* 277 Kiligu est un
fétiche destiné à protéger les champs et l'action
de faire un kiligu c'est gugiliga. Gugiliga c'est faire le kiligu.
* 278 Récit
collecté le 27 août 2007, transcrit et traduit en français
par MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA.
* 279 Camille MBOUMBA,
60ans, clan Budombi, tradipraticien et maître initiateur du
ndéya, quartier Plein-air.
* 280 Radcliffe Brown,
cité dans LEVI-STRAUSS, Claude, 1962, Le totémisme
aujourd'hui, Paris, PUF, p 130.
* 281 Récit
collecté le 09 août 2007, transcrit par MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA.
* 282 Jean Pierre KABOU
MBEMENI, 59ans, agriculteur, clan Bubuka, quartier Château.
* 283 Ici, ce terme renvoie
aux femmes de pouvoir.
* 284 Récit
collecté le 03 mai 2007, transcrit par MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA.
* 285 Léonce
IWANGOU, Préfet du Département de
Ndolou-Mandji.
* 286 Récit
collecté et transcrit par MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA le 03 mai 2007.
* 287 Jules OLAGO, 29 ans,
Chef-adjoint du Cantonnement des Eaux et Forêts.
* 288Récit
collecté et transcrit par MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA le 04 mai 2007.
* 289 Jules OLAGO,
29 ans, Chef adjoint du Cantonnement des Eaux et Forêts.
* 290Récit
collecté et transcrit par MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA le ??? octobre
2007.
* 291 Bas HUIJBREGT, 37
ans, Conseiller technique principal du projet WWF-Gamba.
* 292Récit
collecté et transcrit par MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA le 24 octobre 2007.
* 293 Samuel Engone-Bilong, 53
ans, Ingénieur des Eaux et forêts, chef de service chasse.
* 294Récit
collecté et transcrit par MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA le 14 novembre 2007.
* 295 Aurélien Mofouma,
39 ans, Ingénieur forestier, RAPAC.
* 296Récit
collecté et transcrit par MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA le 14 novembre 2007.
* 297 Responsable de
l'UICN, Programme Régional de l'Afrique Centrale pour
l'Environnement.
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