La formation à la prévention des risques professionnels dans un système complexe : le lien entre perception, prescription et représentation pour agir( Télécharger le fichier original )par Céline ZIMMERMANN Université Pierre mendès France - MASTER 2 Formation Emploi Compétence 2008 |
2-4 Le facteur humain et la fiabilisation des interventionsEn 1979, sur la centrale de Three Mile Island, une mauvaise manoeuvre sur un circuit auxiliaire a entraîné automatiquement l'arrêt du réacteur. Cet enclenchement, prévu dès la conception de la centrale, a fonctionné normalement. Malheureusement, la situation présente n'a pas été perçue comme elle aurait dû l'être. En effet, l'opérateur n'avait pas certaines informations qui lui aurait permis de la comprendre. Il a donc réalisé des opérations qui ne correspondaient pas à la situation et mis en échec les systèmes de sûreté en arrêtant manuellement les dispositifs de secours, enclenchés automatiquement pour envoyer de l'eau dans la cuve du réacteur pour le refroidir. Depuis l'accident, on peut retenir deux points essentiels présents dans les importantes études sur la prévention des erreurs et l'importance du facteur humain dans la maîtrise de ces dernières : - L'importance des actions humaines pour le bon déroulement des processus car les concepteurs ne peuvent pas prendre en compte l'ensemble des situations possibles. La sûreté dépend de la capacité à comprendre les situations et à réagir aux imprévus. - La nécessité de chercher les causes des erreurs et ne plus seulement les classifier, de proposer des solutions systémiques en ne regardant pas uniquement l'individu qui les a commises. Amalberti39(*) rappelle la notion essentielle de « sécurité écologique » qui recouvre l'ensemble des mécanismes spontanés mis en jeu par l'opérateur pour maîtriser la situation, qui d'après lui, doivent être accompagnés et non contrés. Il précise cette dimension de maîtrise par le fait que l'opérateur ne cherche pas la perfection mais considère que le résultat de son action est acceptable par rapport à l'objectif fixé, s'il détient les ressources nécessaires pour atteindre le but. En tant que « variable accessoire », l'erreur permet de régler la maîtrise de la situation et se couple avec la « variable essentielle » qui est l'auto estimation de la compréhension de la situation et des stratégies adoptées. Dans ce cadre, l'opérateur peut laisser l'erreur se matérialiser entièrement et ce laps de temps lui permet d'organiser d'autres activités. Ainsi, trop de défenses peuvent déresponsabiliser les opérateurs. Dans un système où l'objectif s'approche du « risque zéro », des contraintes temporelles importantes peuvent émerger dans un contexte dynamique auquel ils doivent constamment s'adapter. Pour l'auteur, il est également important de pouvoir décloisonner les différents niveaux d'un système et envisager ainsi l'aspect systémique et collatéral de la prévention. Ainsi, dans un contexte contraignant, il convient d'insister sur le temps donné aux échanges entre le management et l'opérateur afin de renforcer la Culture Sécurité. Le secteur nucléaire a pu s'inspirer des efforts du domaine de l'aéronautique (fiabilisation de matériels, déploiement de l'informatique, développement pour la simulation) qui ont conduit à une amélioration importante de la sécurité. En effet, la résolution des problèmes techniques a pu mettre à jour des problèmes d'origine humaine entraînant ainsi une progression de facteurs humains. Trois axes de développement ont pu ainsi émerger : la consolidation des compétences non techniques (communiquer, collaborer, gérer les conflits, le stress ou la fatigue), le renforcement du retour d'expérience et la réduction de la charge de travail. Depuis 1980, ces efforts ont contribué à stabiliser la sécurité du système sans pour autant réduire le taux d'accident. La création d'encadrement ou de procédures supplémentaires n'a pas permis la réduction des écarts entre le prescrit et le réel malgré les apports de l'action ergonomique. En effet, nous l'avons vu avec Amalberti, les restrictions du périmètre autorisé pour travailler ont favorisé la « violation » de la prescription. Le traitement de cette dernière doit faire l'objet d'une approche systémique pour donner la priorité à des actions directes sur le système de gouvernance et ne pas rester seulement sur un traitement individuel des erreurs. Afin de générer une diminution notable des événements ayant une cause reliée au facteur humain et donc améliorer les résultats de sûreté, de sécurité, et de radioprotection, de l'environnement et la production, EDF préconise sur l'ensemble des parcs nucléaires et pour tout les métiers dont l'activité est en lien avec les installations, la mise en oeuvre de six pratiques de fiabilisation des interventions : § Le pré job briefing qui prépare individuellement et collectivement à l'action, à l'anticipation de la gestion des problèmes possibles et de leurs solutions, § La minute d'arrêt qui garantit la sécurité personnelle de l'intervenant en faisant en sorte qu'il ne s'engage pas trop rapidement dans l'action, § L'autocontrôle pour garantir l'adéquation entre l'action prévue et le matériel sollicité avant de passer à l'action, § Le contrôle croisé pour assurer à deux un contrôle de l'exécution des actions avant leur réalisation, § La communication sécurisé pour permettre une transmission orale d'une information claire, complète et ciblée, § Le débriefing pour retenir et capitaliser les éléments d'expérience sur l'activité et les conditions de sa réalisation, identifier les problèmes rencontrés dans la situation de travail et envisager les sources potentielles d'amélioration. L'objectif est de faire en sorte que tous professionnels «fasse bien du premier coup » par la mise en oeuvre de pratiques standards, reconnues et éprouvées par tous, dès qu'on intervient sur l' installation. Nous sommes ici dans une dimension d'autocontrôle de soi, impliquant une vigilance de tout les instants, face à des situations à risque comme un changement récent des procédures, une activité complexe impliquant des acteurs multiples, une modification de la planification ou des conditions d'intervention, une activité longue, laborieuse engendrant une fatigue importante et un stress élevé ou au contraire, une activité habituelle et routinière. * 39 Amaberti R, 2006, Le risque, revue contrôle N° 169, Autorité de sûreté nucléaire, pp34-44 |
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