II-2 Les résultats de l'enquête : des besoins
et une accessibilité à la mobilité
différenciés
Les réponses obtenues grâce à l'enquête
nous ont permis ensuite de dresser quelques conclusions.
-y'a-t-il une égalité de mobilité
selon le sexe ?
Nous avons pu constater rapidement, dès les
premières enquêtes, qu'il existait une inégalité
marquante entre les mobilités féminines et masculines. En dehors
du village, les hommes se déplacent plus que les femmes ; seulement 20%
des femmes effectuent un trajet régulier hors de Medavakkam, contre 73%
des hommes. On peut expliquer ce résultat par le facteur de l'emploi, un
nombre important de femmes étant inactives. Il faut rappeler que
traditionnellement en Inde, la femme même si elle a suivi des
études supérieures, ne travaille souvent pas, une fois
mariée. Elle est chargée de s'occuper de la maison et de ses
enfants si ily-en a, un statut qui limite les déplacements. Même
si de plus en plus de jeunes femmes actives s'implantent à Medavakkam,
la mobilité des femmes en général reste néanmoins
relativement faible2. Une deuxième raison importante de cette
mobilité plus faible des femmes est que le moyen de locomotion du
ménage, le plus souvent un deux roues, appartient à l'homme, et
que bon nombre des déplacements qu'elles effectuent hors de la ville le
sont accompagnée de leurs époux.
1 Cf. au questionnaire d'enquête sur les
mobilités présenté en annexe
2 Voir à ce sujet le travail d'Adeline Legros
sur les évolutions des femmes cadres à Medavakkam.
Ainsi nous nous sommes rendu compte que les femmes se
déplacent moins loin que les hommes, et n'utilisent pas les même
moyens de transports, étant dépendantes le plus souvent des bus
publics, auto rickshaws ou taxis selon leurs moyens financiers, pour quitter le
village.
-Les raisons des déplacements
C'est le travail qui génère à
Medavakkam le plus de déplacements, et de loin, puisqu'il concerne
généralement un trajet quotidien en semaine, aller et retour. Sur
notre échantillon d'individus, huit personnes travaillent à
Chennai même, principalement dans le quartier de T-Nagar, quatre
étudiants au-dessus de la 10th (équivalent du niveau lycée
en France) se rendent aussi à Chennai pour leurs études, et
encore sept personnes vont travailler sur la Velachery Road en direction de
Chennai.
Viennent ensuite par ordre d'importance les
déplacements liés à l'achat de fournitures ou de
courses spécifiques autre qu'alimentaires (celles-ci sont
majoritairement effectuées dans les marchés de plein air, les
petites boutiques de proximité et le supermarché de Medavakkam).
Les achats concernant l'habillement, le mobilier, les livres,
l'électronique et l'électroménager sont principalement
réalisés à Chennai dans les deux pôles commerciaux
majeurs de la ville : T-Nagar et Spencer Plazza.
Les loisirs quant à eux suivent de près
en termes de part relative des déplacements. Ils concernent
majoritairement les sorties à la plage, les espaces de loisirs de la Old
Mahabalipuram Road, et de manière plus infime les théâtres
et lieux de récréation du centre- ville de Chennai.
En ce qui concerne la religion, il est assez rare pour
un habitant de Medavakkam de sortir de son village quel que soit son
obédience religieuse. Les lieux de culte sont en effet très
présents à Medavakkam, un quartier se regroupant en
général autour de son temple, sa mosquée ou son
église, spatialisant religieusement les quartiers comme nous l'avons vu
plus haut dans l'organisation du village. Néanmoins, plusieurs
interrogés se rendent une à deux fois par ans à des
pèlerinages hindous, ce qui explique la présence de ce facteur
dans l'histogramme des motifs de déplacements réguliers hors de
Medavakkam.
Tableaux 8 et 9 :
40
20
70
60
50
30
10
0
Motifs des déplacements réguliers hors
de Medavakkam
hommes:
travail/école courses loisirs
religion visites
Source : auteur
40
20
70
60
50
30
10
0
femmes:
travail/école courses loisirs
religion visites
Source : auteur
-L'activité comme moteur de
mobilité
Les inactifs : 49% des femmes sont des femmes aux
foyers, 26% sont étudiantes ou écolières et 11% sont
âgées, elles sont donc à 86% inactives. Ce facteur est
déterminant dans la compréhension de la mobilité, les
inactifs bougent moins ; leurs déplacements concernent principalement
les courses, les enfants et les loisirs (visites à des amies,
promenades..). Les déplacements effectués sont donc
principalement internes, et quand ces femmes sortent de Medavakkam, c'est
majoritairement accompagné du mari.
Les actifs : D'une manière générale,
les actifs se déplacent à près de 60% pour des raisons
liées à leur travail.
On distingue alors souvent une différence dans les
distances au lieu de travail selon les professions. Ainsi les métiers
regroupés sous l'appellation « petits business », qui
regroupent tout les commerces de rue, les artisans et les vendeurs, ne sortent
du village pour se rendre à leur travail uniquement dans 14% des cas. Et
restent le plus souvent dans un périmètre de moins de 10kms de
Medavakkam.
En ce qui concerne les chauffeurs de bus, auto rickshaws
où voiture de maître interrogé dans cet échantillon,
et qui forment la catégorie des métiers des transports, 50% de
leurs déplacements concernent leur profession. Ce résultat peut
sembler faible pour une profession basée sur le déplacement mais
il est faussé par deux individus qui sont chauffeur de maître chez
de riches propriétaires de Medavakkam et qui ne se déplacent donc
pas beaucoup pour se rendre à leur travail.
Les salariés voient quant à eux 44% de leurs
déplacements réservés à leur travail.
Cette catégorie est assez éclatée
puisqu'elle concerne des employés allants de l'officier de police au
personnel hospitalier en passant par l'hôtelier. Excepté leurs
collègues des métiers des transports ce sont donc eux qui se
déplacent le plus pour accéder à leurs lieux de travail,
qui est majoritairement situé dans l'agglomération de Chennai.
Enfin, les métiers des High Technologies qui concernent
12% de notre échantillon sont très intéressants à
étudier dans le cadre des mobilités puisqu'ils font partie bien
souvent des nouveaux arrivants de Medavakkam. Ils regroupent des professions
allant de l'employé dans les softwares technologies aux
ingénieurs des compagnies de pharmacie et d'électronique
appliqués. La part de leurs déplacements due au travail est
faible (33%) ce qui peut expliquer leur implantation à Medavakkam dans
le but de se rapprocher de leurs entreprises.
-Les lieux fréquentés :
Carte 6 :
Fréquences des destinations villageoises hors de
Medavakkam
Source :Auteur & Sri Mangadu Kamatchiman map
Complément de légende
: Importance des déplacements en part des résultats
obtenus pour chaque destination. Du plus foncé au plus clair : 37% des
parts de déplacement, 10%, 6%, 5%, 4%, 3%, 2%, 1% ou moins. Source :
Auteur
C'est l'agglomération chenaite qui est le principal
vecteur de mobilités depuis Medavakkam. Les principaux lieux attractifs
de la mégapole sont les centres d'affaires comme Saidapet, Guindy ou
ceux situés sur l'artère commerciale d'Anna Salai. Comme nous
l'avons vu c'est d'abord l'activité qui motive ces choix. Les
déplacements réservés au travail concernent après
le centre-ville les villes voisines comme Sholinganallur ou Tambaram.
Viennent ensuite les quartiers d'achats ou l'on se rend pour
le ravitaillement en fournitures non-alimentaires pour la maison, comme les
vêtements ou le mobilier. La destination favorite des habitants de
Medavakkam pour ce motif de déplacement est T-Nagar, qui
représente aussi la destination la plus populaire, tous motifs de
déplacement confondus. TNagar est en effet extrêmement bien
relié par un itinéraire de bus et c'est un quartier très
apprécié pour les achats car il compte un nombre important de
grands magasins comme Chennai Silk Emporium par exemple qui reste un des
préférés des femmes chennaites en matière de saree.
Spencer Plaza est aussi un quartier commerçant bien que d'apparence plus
occidentale et présentant des enseignes de marques européennes,
il est pour les habitant de Medavakkam beaucoup plus marginalement
fréquenté.
Les loisirs se séparent en deux principales tendances :
la plage et les parcs de loisirs et de restauration du bord de mer, et les
cinémas et théâtres de la ville. Plus rarement ces temps de
loisirs habituellement échelonnés sur un jour ou un week-end se
transforment en cours séjour comme c'est le cas pour deux couples
aisés interrogés qui se déplacent jusqu'à
Mahabalipuram pendant les vacances de saison. Sur l'Old Mahabalipuram Road,
nouvelle IT Road, se sont installé une série de parcs
d'attraction, d'hôtels et de fast-food comme MCM Dissie World ou VGP
Golden Beach qui attirent la classe moyenne émergente et les publics
aisés. Plus modestement, se promener sur les plages de Besant Nagar,
Thiruvanmiyur ou Marina Beach à la nuit tombé, pour profiter de
la fraicheur nocturne et des stand de restauration et d'attraction
disséminés le long de la mer, est une sortie agréable et
à moindre cout.
En ce qui concerne les déplacements motivés par
la religion, ceux-ci sont rares hors de Medavakkam, cependant plusieurs foyers
se rendent mensuellement ou de manière plus
espacée dans l'année au Mylapore Temple dans
Chennai lors des festivals ou des fêtes religieuses hindoues
importantes.
Enfin, les plus longues distances qui ne concernent plus
Chennai mais d'autre villes du Tamil Nadu comme Trichy, Madurai, Kanchipuram ou
Tiruvannâmalai, ainsi que des déplacements à faible
fréquences dans des lieux sortant des critères
énoncés ci-dessus, concernent majoritairement des visites
à des amis ou de la famille.
-Les autres déterminants de la
mobilité
-L'âge et la mobilité : Les moins de vingt
et un an et les 40/56 ans apparaissent comme les plus nombreux à se
déplacer. Ces déplacements se font cependant pour les premiers
dans un périmètre assez proche du village, jusqu'à Chennai
et vers les plages. D'une manière générale les individus
semblent aller de plus en plus loin avec l'âge (jusqu'à 56 ans),
on peut supposer qu'avec l'expérience ces individus sont prêt
à chercher un emploi plus loin, de plus avec l'âge, la
qualification augmente, et ce type d'emploi emmène les gens plus loin,
le salaire compensant souvent les mouvements pendulaires provoqués par
les trajets.
Apres 57 ans les individus ne se déplacent que
très peu excepté annuellement lors de visites à la famille
ou de pèlerinage qui peuvent alors les amener à plusieurs
centaines de kilomètres de leur domicile.
-le moyen de locomotion influe t-il la mobilité ?
Les gens ne se déplacent à pied que sur de
faibles distances, souvent lors de trajets internes à Medavakkam. Seuls
deux individus sont contraints de se déplacer à pied au village
voisin de Sholinganallur. L'un étant maçon et le second
travaillant sur le chantier de la route qui relie Medavakkam à la Old
Mabhalipuram Road via Sholinganallur, ils ne gagnent que des revenus
modérés et m'ont confié préférer ce mode de
locomotion gratuit.
Il semble que l'utilisation des deux roues se cantonne aux
sorties hors du village ou dans des quartiers éloignés, mais dans
des distances restant inferieures à 50kms.
A l'image du problème de la forte croissance des moyens
de locomotions personnels que nous avons approfondi dans la première
partie, le recours aux véhicules individuels motorisés est
croissant et important à Medavakkam. Les deux-roues sont majoritairement
utilisés mais on note aussi dans les milieux les plus aisés la
possession de plus en plus forte d'automobiles. Il existe même chez les
notables de la ville des voitures avec chauffeur puisque deux individus
interrogés sont chauffeurs de maître à Medavakkam
même.
Pour sortir de la ville c'est le bus public qui reste le plus
usité et à peu près par toute les classes sociales sauf
par les villageois possédants un moyen de locomotion personnel.
L'auto rickshaws arrive ensuite, le plus souvent selon les
témoignages, utilisés lorsque le bus n'arrive pas, que des objets
volumineux doivent être transportés ou qu'on se déplace en
groupe.
Les bus privés sont utilisés en semaine par les
écoliers scolarisés hors de la ville, les écoles
privées organisant leur propre ramassage. Ils sont aussi présents
dans certaines entreprises locales comme Celebrity Fashion ou Chemical Ltd.
Photo 8 : Bus de raccompagnement d'une entreprise
chimique de Medavakkam
Dans le cas des déplacements plus lointains, à
partir d'une centaine de km, c'est toujours le bus public (mais cette fois ci
les lignes d'état) qui reste en tête, suivi par le train puis la
voiture personnelle, de moindre proportion (13%).
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