Conclusion
Si l'OBO est un montage d'ingénierie juridique et
financière, fondé sur l'idée, surprenante d'un point de
vue économique, d'un rachat à soi-même, sa vocation n'en
demeure pas moins patrimoniale, voire industrielle195 avant
d'être purement financière.
Ceci rend donc une dimension concrète à une
opération dont on pourrait penser qu'elle ne constitue en soi que le
paroxysme de l'hégémonie d'une finance en perpétuelle
mutation sur l'économie réelle.
En effet, l'une de ses spécificités majeure
réside dans le fait que le dirigeant actionnaire en est la clef de
voûte.
En premier lieu, celui-ci est à l'origine de
l'opération. C'est lui qui en décide la mise en place, afin de
concilier ses objectifs propres que sont la constitution d'un patrimoine
personnel, la conservation du contrôle de son entreprise ou la
pérennité industrielle de celle-ci.
Ensuite, à la différence des autres montages
financiers que l'on rencontre habituellement, c'est l'actionnaire historique
qui a vocation à rester à la tête de l'entreprise. C'est
donc lui qui mènera à bien l'opération, depuis son
déclenchement jusqu'à l'achèvement du business plan. A ce
titre, il reste donc la pierre d'angle de la réussite industrielle, qui
conditionne le succès financier.
Enfin, il est l'actionnaire principal avant l'OBO, et le reste
en général après celui-ci, même si des partenaires
financiers entrent au capital. Aussi sera-t-il le bénéficiaire
principal du montage, à chacune de ses étapes, que ce soit l'OBO
originel, la cession de sortie, voire un nouveau LBO.
Quand bien même l'OBO, comme tout montage de haut de
bilan, fait intervenir une pluralité d'acteurs indispensables, le
dirigeant actionnaire en est l'initiateur, le réalisateur et le
bénéficiaire.
Ainsi, l'Owner buy out reprend l'architecture ainsi que les
principes de base du montage phare de l'ingénierie financière
récente qu'est le LBO. L'émergence de l'OBO, certes encore
limité à des opérations de taille moyenne, procède
de l'extraordinaire développement du LBO ces dernières
années et du poids croissant du secteur du Private equity dans
l'économie196.
Si l'on peut s'interroger sur la pérennité d'une
tel modèle, on constate quoiqu'il en soit que cette technique
financière est utilisée à travers l'OBO dans une
perspective qui n'est pas uniquement la
195 Julien Tarby - Est-on jamais mieux racheté que par
soi-même? - Le Nouvel Economiste - 3 mai 2007
196 Eric Le Boucher - La fin de l'histoire en économie ? -
Le Monde - 8 juillet 2007
maximisation du rendement. Ceci fait donc de l'OBO un LBO
quelque peu à part, dans la mesure où sa logique comme sa
construction financière, juridique et fiscale sont spécifiques et
par la même distinctes des autres montages à effet de levier.
Un tel montage doit donc être optimisé, afin d'en
démultiplier les effets financiers et fiscaux, dans la perspective
initiale de l'actionnaire.
Mais cela ne doit en aucun cas occulter le fait que la
rentabilité de l'exploitation est à long terme le vecteur unique
de création de richesse. En l'absence de rentabilité
économique (celle de l'actif économique utilisé), aucune
perspective de rentabilité financière (celle des capitaux
propres) ne sera envisageable.
L'entrepreneur qui décide de mettre en place un OBO sur
sa propre société doit bien comprendre qu'un tel montage est
avant tout opérationnel. A ce titre, s'il permet de donner des
perspectives financières fortes à l'entreprise, de lui insuffler
un dynamisme nouveau et de constituer un signal positif pour ses partenaires et
pour le marché en général, cela ne peut en aucun cas
créer de la valeur là où il n'y en aurait pas.
Si l'OBO offre une véritable opportunité à
l'équipe en place, il n'y aura de perspectives financières qu'en
cas de succès opérationnel.
Confrontés à la crise de l'été
2007 portant sur les suprimes (prêts immobiliers
américains) et sur les dettes d'acquisition des LBO, ces derniers
risquent de connaître la fin de leur âge d'or, pour reprendre la
formule d'Henry Kravis, précurseur de ce type de montages. Selon
certains, la nouvelle finance a engendré de « l'argent facile
» 197, face auquel la régulation naturelle par
l'économie elle-même serait en retard. L'alignement de l'une sur
l'autre devrait se traduire par une crise aussi inéluctable que
nécessaire.
Segment très dynamique depuis deux ans, le
marché de la dette des opérations à effet de levier s'est
brusquement tendu au cours du mois de juillet 2007. La conséquence
logique en est que les leviers financiers perdront de leur efficacité.
Ainsi, selon l'investisseur en chef de l'un des principaux investisseurs
obligataires internationaux, « des LBO offrant des taux de
rentabilité à
197 Jean-Marc Vittori - La fin de l'argent facile -
Editorial - Les Echos - 26 juillet 2007
deux chiffres ne seront plus jamais rendus possibles par des
financements bon marché et des « covenants » laxistes
»198.
Quelles que puissent être les turbulences que connaissent
les marchés de la dette, l'Owner buy out demeure un montage
intéressant.
Tout d'abord d'un point de vue intellectuel, son étude
n'ayant pas fait l'objet des nombreux développements portant sur le LBO
classique.
Ensuite dans une perspective pratique, puisqu'il répond
aux attentes de nombreux entrepreneurs et permet d'utiliser les outils
forgés par l'ingénierie financière dans des situations
qu'elle ignorait jusqu'ici.
Ainsi, face au contexte de durcissement global des dettes de
LBO, qui porte plus sur la frénésie de ces dernières
années que sur le principe même du montage à effet de
levier, les OBO pourraient faire montre d'une plus grande résistance
pour deux raisons majeures.
Le premier atout que présente l'OBO est la
pérennité de sa direction. En effet, l'un des principaux
écueils expliquant l'échec des LBO réside dans le mauvais
choix du dirigeant lors de la reprise, risque exclu en l'espèce. «
La principale source de création de valeur (des LBO) est l'imagination
et l'énergie des entrepreneurs, et non une utilisation habile, voire
parfois excessive, de l'effet de levier », selon Dominique
Sénéquier, présidente de Axa PE199.
Le second avantage de l'OBO est qu'il est moins exposé
au risque de sous-capitalisation initiale, le capital de la holding
étant constitué des titres apportés par le dirigeant
historique. Il permet donc d'éviter les montages soumis à une
tension extrême du fait du poids excessif de la dette d'acquisition.
Aussi, l'objectif de l'OBO ne résidant pas uniquement
dans la maximisation du TRI de l'opération, les autres logiques qu'il
suppose demeureront alors même que le coût du financement
augmentera. En revanche, la mise en place d'un OBO ne présentant pas de
caractère indispensable pour un dirigeant, certains dirigeants y
renonceront probablement dans le cas où le niveau des taux deviendrait
prohibitif.
198 Bill Gross - Chief Investor Pimco, cité par
François Vidal - Les fonds LBO et leurs banques victimes à leur
tour de la crise du « subprime » - Les Echos - 26 juillet 2007
199 Dominique Sénéquier - Le capital-investissement
sert l'Europe industrielle - La Tribune - 15 mai 2007
Si l'on considère que la crise actuelle sonne le glas
de la frénésie des LBO au financement aisé, alors
l'optimisation des montages, et plus particulièrement des OBO, montages
non indispensables, nous l'avons dit, n'en devient que plus nécessaire.
Concernant les LBO, dans ce contexte, un rééquilibrage entre les
3 leviers, au détriment de levier financier peut être
nécessaire. En ce qui est de l'OBO, trois aspects propres doivent
être distingués en vue d'optimiser l'opération.
Tout d'abord, la construction d'un OBO efficace passera par la
constitution d'un tour de table optimal. C'est en effet l'un des aspects
majeurs de cette opération qui vise à faire entrer au capital les
différentes parties prenantes à l'entreprise. Le dirigeant devra
avant tout y faire entrer ses successeurs potentiels, familiaux notamment, mais
aussi ses cadres principaux ainsi que les partenaires financiers
nécessaires à la réalisation de l'opération et
à l'expansion de l'entreprise.
La présence au tour de table de partenaires
complémentaires est la variable clef qui déterminera
l'efficacité financière de l'opération et la
pérennité industrielle de l'entreprise.
Le second aspect déterminant réside dans
l'utilisation idoine des actifs de la cible en vue d'alléger le
financement de l'opération. La trésorerie excédentaire
doit faire l'objet d'une attention toute particulière sachant que sa
valeur dans le montage est supérieure à sa valeur de distribution
sous forme de dividendes, mais que son utilisation doit être
particulièrement prudente.
Enfin, d'un point de vue fiscal, des alternatives à
l'application de l'amendement Charasse doivent être recherchées.
En effet, en cette période de forte hausse des taux de financement des
LBO, renoncer au levier fiscal semble insensé. Aussi, les solutions que
sont les mécanismes de debt push down ou de management
fees payés à la holding, couplées à une
localisation avisée de la holding permettent de maximiser
l'efficacité du montage.
Si l'OBO désigne sous un vocable nouveau un type de
montage qui existait déjà auparavant, il n'en recouvre pas moins
une pluralité de situation, le concept de rachat à soi-même
recouvrant une grande diversité de niveaux de contrôle et
d'architectures financières.
Aussi, si l'optimisation de tout Owner Buy Out ne peut faire
l'économie des éléments cités ci- dessus, les
objectifs propres à chaque opération feront germer des facteurs
d'optimisation supplémentaires ou un redéfinition du poids de
chacun d'eux.
L'avenir de ce type de montage est donc conditionné,
pour ce qui est de son développement, à la capacité de
l'économie internationale à surmonter la crise de 2007, et pour
ce qui est de son principe, à l'éventuelle émergence d'une
technique d'ingénierie financière répondant de
manière plus efficace à ses objectifs.
|