DEUXIEME PARTIE :
L'ANALYSE DU CORPUS
CHAPITRE I :
DE LA RUE CASES-NEGRES A RUE CASES NEGRES
1.1 Présentation de La
rue Cases-Nègres
1.1.1 Son auteur
Joseph Zobel, l'un des «piliers» de la
littérature antillaise, est né à
Rivière-Salée, dans le Sud de la Martinique, en 1915.
Issu d'une famille très modeste, il est
élevé par sa grand-mère M'man Tine, ouvrière
agricole auquel il rend hommage dans La rue Cases-nègres. Pour
poursuivre ses études, il rejoint sa mère à Fort-de-France
et franchit grâce à ses sacrifices toutes les étapes d'un
parcours scolaire brillant, jusqu'au baccalauréat. Un premier emploi au
service des Ponts et Chaussées lui permet de vivre dans les villages du
Diamant et du Saint-Esprit, puis il entre comme aspirant
répétiteur au Lycée Schoelcher pour devenir maître
d'externat. La Seconde Guerre Mondiale, isolant la Martinique de la France, le
conduit à renoncer à ses projets d'études d'architecture
en France. Ses aspirations artistiques débouchent sur l'écriture
de quelques nouvelles dans lesquelles il décrit la vie du monde rural
martiniquais. Un ami professeur de gymnastique porte ses textes au journal
Le Sportif, feuille de chou habituellement consacrée à
la publication des comptes-rendus de rencontres sportives. Les lecteurs du
Sportif s'enthousiasment pour ces textes (publiés plus tard
dans le recueil Laghia de la mort) qui retranscrivent les
réalités martiniquaises. Parmi ses lecteurs, Aimé
Césaire, engagé dans l'aventure de la revue Tropiques,
encourage Joseph Zobel à écrire un roman. Ce sera
Diab'-là, l'histoire d'un paysan qui décide de
conquérir sa liberté par le travail de la terre, auprès
d'une communauté de pêcheurs dont il partage la vie. Le
thème du roman, pas plus que l'auteur, qui fustige l'ordre colonial, ne
plaisent guère à la censure, qui «devrait délivrer
des autorisations d'impression pour la moindre étiquette de bouteille de
liqueur», selon Zobel. Le roman ne sera publié qu'en 1947.
Le ralliement de la Martinique à la France Libre, en
1943, marque la fin du règne répressif de l'Amiral Robert,
envoyé du gouvernement de Vichy. Joseph Zobel rencontre alors le
gouverneur Ponton, envoyé par le Général de Gaulle et la
France Libre. Homme de culture, (c'est chez lui que Joseph Zobel rencontre
Louis Jouvet, de retour de son exil aux Etats-Unis), il recrute le jeune
écrivain comme attaché de presse du gouverneur, responsable de
deux publications : la revue Antilla et l'hebdomadaire culturel La
Semaine Martiniquaise. Après le décès du gouverneur
Ponton, dont le remplaçant n'accorde pas d'intérêt aux
questions culturelles, Joseph Zobel retourne au Lycée Schoelcher comme
secrétaire du proviseur. Profitant d'un congé administratif, il
rejoint Paris pour y reprendre ses études en 1946. Suivant des cours de
littérature, d'art dramatique et d'ethnologie à la Sorbonne,
Joseph Zobel est en même temps professeur adjoint au Lycée
François Ier de Fontainebleau, ville où il s'installe
avec son épouse et ses trois enfants en 1947. C'est à cette
époque qu'il découvre la France rurale et en particulier le
Gard.
Publié pour la première fois en 1950, son roman
La rue Cases-Nègres reçoit le Prix des lecteurs,
décerné par un jury de 1000 lecteurs de La Gazette des
Lecteurs. Le roman connaît un grand succès, renforcé
trente ans plus tard quand la réalisatrice Euzhan Palcy en tirera un
film du même nom (qui obtient le Lion d'Argent à la Mostra de
Venise en 1983).
En 1957, porté par son désir de connaître
l'Afrique, Joseph Zobel profite de ses nombreuses relations parmi les
Sénégalais de Paris (dont Léopold Sédar Senghor) et
part au Sénégal dans le cadre des dispositifs mis en place par la
loi-cadre. Le Ministre sénégalais de l'Education, Amadou Matar
M'bow, le recrute comme directeur du collège de Ziguinchor (actuellement
Lycée Djignabo) en Casamance. Il revient quelques mois plus tard sur
Dakar comme surveillant général du Lycée Van Vollen et
devient quelques années plus tard producteur d'émissions
éducatives et culturelles à la Radio du Sénégal,
dont il crée le service culturel. Les émissions de Joseph Zobel
seront écoutées dans toute l'Afrique Occidentale Francophone.
Quelques anecdotes de sa vie dakaroise sont relatées dans les recueils
Mas Badara (1983) et Et si la mer n'était pas bleue
(1982).
Installé en France depuis sa retraite en 1974
près du village d'Anduze (département du Gard), Monsieur Zobel
poursuit aujourd'hui, dans un paysage qui n'est pas sans rappeler les mornes du
Sud de la Martinique, son travail d'écriture. Il pratique en
maître l'art floral japonais et le dessin.
En plus de La rue Cases-Nègres, Zobel raconte
la vie de la Martinique rurale dans ses romans Diab'-là,
Les Jours immobiles et Les Mains pleines d'oiseaux
(réécrit en 1978 pour un public plus large) ainsi que dans les
recueils de nouvelles Laghia de la mort et Et si la mer
n'était pas bleue. En mars 2002, Zobel publie Gertal et autres
nouvelles, un recueil de nouvelles suivies d'extraits de son journal (1946
à 2002).
Poète depuis de longues années, Joseph Zobel
publie plusieurs recueils de poésie à compte d'auteur, dont
Poèmes de moi-même (1984). Publié en 1994,
Poèmes d'Amour et de Silence réunit des extraits d'un
journal, des poèmes et des dessins qui en font un très beau livre
d'art. En 2002, l'auteur publie chez Ibis Rouge Le soleil m'a dit...,
un ouvrage rassemblant une partie de son oeuvre poétique.
Par ailleurs, en avril 2000, le Lycée Thoraille
à Rivière-Salée a été rebaptisé le
Lycée Joseph Zobel, en l'honneur de l'écrivain. Et le Salon du
Livre Insulaire d'Ouessant a décerné son Grand Prix à
Joseph Zobel, pour l'ensemble de son oeuvre, en août 2002.
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