Section 2 : Les différentes formes et les
effets du protectionnisme
La nouvelle théorie du commerce international a
suffisamment modifié les fondements de l'analyse des échanges
mondiaux pour introduire certaines ambiguïtés sur les avantages du
libre-échange. Profondément libre-échangiste, Paul Krugman
démontre que « Même si le protectionnisme n'est pas une
calamité atroce », il ne peut être envisagé comme
une politique répondant de manière adéquate aux
problèmes rencontrés aujourd'hui par les pays
développés.
A) Les
différentes formes du protectionnisme
Le protectionnisme est mis en place par un Etat qui veut
réduire ses importations en provenance de l'étranger, et
notamment celles qui concernent des biens particuliers dont l'afflux pourrait
porter préjudice aux producteurs nationaux. La première grande
distinction passe entre les barrières tarifaires et les barrières
non-tarifaires :
· les droits de douane : sous forme
de tarif spécifique (un forfait par unité) ou autrement dit
valorem (en pourcentage du prix de vente)
· les restrictions quantitatives :
les prohibitions n'existent plus. En revanche, il existe des quotas
d'importation, par exemple les accords de restriction
volontaire d'exportations signés par le Japon et les
Etats-Unis : face à la montée des voitures importées
du Japon, les Etats-Unis ont décidé d réagir, ils ont
d'abord eu recours à la clause de sauvegarde, en arguant du fait que
l'augmentation importante des importations de voitures en provenance du Japon
avait détruit 200000 emploi entre 1978 et 1980. Mais ce recours a
été rejeté par le GATT comme non fondé (on a
considéré que les difficultés de l'industrie automobile
américaine venaient de la faiblesse de la demande et pas de la
concurrence japonaise directement). Les Etats-Unis ont ensuite
négocié en 1981 avec les japonais un accord d'auto-imitation des
exportations : on a fixé à 1.85 millions de véhicules
par an le nombre maximum de voitures japonaises exportées aux Etats-Unis
entre 1981 et 1985, à 2.3 millions par la suite. Cet accord a
été respecté, puisque depuis 1981, la part des
constructeurs japonais sur le marché intérieur américain a
plafonné à 22%. (0.2% en 1964, 4.6% en 1970, 22% en 1979). Les
Japonais ont d'ailleurs du coup choisi de s'implanter sur le territoire
américain, ce qui est une façon de contourner ces mesures
protectionnistes.
Ces accords d'autolimitation sont couramment pratiqués
aux Etats-Unis, en violation des principes du GATT : 9% environ des
importations aux Etats-Unis sont touchés par de tels accords
d'autolimitation.
· les normes et mesures
administratives : par exemple les normes nationales sur la
qualité des produits, qui sont édictées au nom de la
protection des consommateurs (exemples : normes sanitaires dans
l'agroalimentaire, normes antipollution dans l'automobile, normes de
sécurité,...). Il est facile dans ce domaine de glisser
insensiblement de la protection du consommateur à des formes
déguisées de protectionnisme. Autre exemple : le conflit
entre la France et l'Allemagne sur les normes concernant la bière dans
les années 80. Un édit allemand du XVIème siècle
définit la composition de la bière, selon des normes qui ne sont
pas celles pratiquées par les fabricants français. Quand la
bière française a gagné des parts de marché en
Allemagne, les pouvoirs publics allemands ont procédé à
des analyses des produits français et les ont déclarés non
conformes aux normes. Autre exemple : la France se sert du
nécessaire agrément de France Télécom pour le
matériel téléphonique et les fax pour se protéger
contre les importations en provenance d'Asie du Sud-Est. La France a aussi
utilisé des mesures administratives en 1982, lorsque l'on cherchait
à réduire le déficit commercial :
· obligation de mentionner le pays d'origine sur les
produits importés
· rédaction en français de tous les
documents d'accompagnement
· création d'un centre unique de
dédouanement des magnétoscopes à Poitiers, alors qu'ils
arrivaient d'Asie au port du Havre.
Les japonais enfin, se sont fait une spécialité
de ces usages protectionniste des normes, notamment l'obligation qui est faite
de respecter une taille minimum pour les caractères sur les emballages,
ce qui favorise les langues à idéogrammes...
· les subventions à l'exportation ou
à la production. Elles génèrent de nombreux
conflits entre les Etats-Unis et la Communauté Européenne,
notamment au sujet de la politique agricole commune et sur Airbus.
· Les manipulations de taux de
change : pendant longtemps, on a accusé le Japon, puis les
pays d'Asie du Sud-Est (la Corée du Sud en particulier) de
sous-évaluer leur monnaie pour rendre leurs produits plus
compétitifs sur les marchés extérieurs. Ces accusations
posent différents problèmes :
· comment peut-on définir le taux de change de
référence qui permettrait de juger si une monnaie est
dévaluée ou non, s'agit-il du taux de change , avec tous les
problèmes posé par l'estimation de ce taux de change ?....
· les autorités monétaires d'un pays
sont-elles en mesure de manipuler durablement le taux de change ?
Malgré ces limites, certaines études empiriques
concluent que cette arme a été utilisée par le
japon : le Yen aurait été sous-évalué entre
1975 et 1978, puis de 1979 à 1981, ce qui aurait permis une hausse des
parts de marché des entreprises japonaises à l'étranger et
une limitation des importations. Le protectionnisme financier comprend les
subventions à l'exportation, les crédits à l'exportation
à taux d'intérêt réduits ou bonifiés, les
avances plus ou moins remboursables ou encore les distorsions liées aux
différences des régimes fiscaux .Le protectionnisme
monétaire désigne des instruments monétaires et cambiaires
ayant pour effet de permettre au taux de change de se déprécier
plus qu'il ne le ferait autrement ou de prévenir une appréciation
qui prendrait place en leur absence. Exemple : les dévaluations
compétitives, l'action sur les taux d'intérêt.On estime
qu'à peu près la moitié des importations des PED sont
soumises aujourd'hui à l'ensemble des barrières non tarifaires,
contre 25% en 1966.
Si on fait le tour des différentes pratiques
protectionnistes, on s'aperçoit que les pays riches ne craignent pas par
moment de pratiquer les différentes formes de protectionnismes, y
compris pour se protéger des pays du Sud.
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