Chapitre 3 : La montée du
protectionnisme d'Etat
Incontestablement, le libre échange inquiète nos
sociétés qui instinctivement se tournent vers le protectionnisme
pour se rassurer. Face a ce qui se voit, les délocalisations ou les
fermetures d'entreprises, le pouvoir politique se doit de réagir en
adoptant des mesures de protection pour en apparence les rendre plus difficile
.En revanche, ce qu'ils ignorent, ce sont les effets pervers et invisibles de
ces mesures qui sont autrement plus dommageable que l'ajustement
économique dans un marché libre.
Section 1 : Les arguments
Théorique des défenseurs du protectionnisme
Parmi les facteurs qui pourraient expliquer la rupture des
taux de croissance après 1973, on évoque souvent le fait que les
économies étant plus ouvertes, les conditions de la croissance
ont changé, l'internationalisation accrue ayant fait pesé sur les
économies nationales une contrainte extérieure forte, qui
rendrait caduques les vieilles régulations, notamment les politiques
keynésiennes .C'est la raison pour laquelle, on voit refleurir avec
plus de force les discours protectionnistes, sous-tendus par cette idée
que la mondialisation est coupable de tous les maux.
A) Le
protectionnisme éducateur
Dès le XIXème siècle, il existe des
opposants aux doctrines libre-échangistes développées dans
le cadre ricardien. Ils soulignent les effets négatifs de la concurrence
entre des nations qui n'ont pas atteint le même niveau de
développement. C'est dans le contexte de la Révolution
industrielle, que se développent ces thèses, notamment en
Allemagne, aux Etats-Unis et au Japon, qui sont trois pays touchés plus
tardivement par cette révolution industrielle, qui font donc
plutôt partie de la seconde vague d'industrialisation.
L'expression la plus connue de ces raisonnements sur les
effets négatifs du libre-échange, pour les pays qui
démarrent et connaissent donc un retard économique, a
été formulée par Friedrich List, en 1840,
dans son Système national de l'économie
politique. Il est partisan du Zollverein (union douanière
en Allemagne, entre des états, qui n'ont pas encore
réalisé leur unité politique) avec l'idée que
l'unification du marché intérieur va favoriser
l'industrialisation, à condition qu'il soit protégé de
l'extérieur par des barrières douanières. Il insiste sur
le fait que la puissance économique d'un pays vient de sa
capacité à développer une industrie, qu'il existe donc des
spécialisations plus avantageuses que d'autres et qu'on ne doit donc pas
s'en tenir à des avantages comparatifs acquis : il ne suffit pas
d'exploiter des avantages acquis, il faut en construire, pour se
spécialiser dans des productions avantageuses. Il constate par ailleurs
que les écarts de développement sont déjà
importants et qu'un pays qui souhaite développer son industrie, source
de sa puissance, ne pourra pas résister à la concurrence venue
d'entreprises déjà installées depuis longtemps sur e
marché et bénéficiant donc de coûts de production
inférieurs (grâce aux économies d'échelle et aux
effets d'apprentissage). Dans un premier temps, les biens importés
seront plus compétitifs que les biens fabriqués sur le
marché intérieur.List préconise un
" protectionnisme éducateur ", pour les industries
" naissantes " ou " dans l'enfance ". Il s'agit donc d'une
protection temporaire, le temps que l'industrie nationale puisse devenir
compétitive. (Remarque : le problème est de savoir à
quel moment lever ces protections)
Cette thèse fait l'objet d'un relatif consensus, y
compris au sein du GATT, elle y inspire les dispositions particulières
en faveur des PED .En toile de fond de cette thèse ou des thèses
similaires défendues aux Etats-Unis par Hamilton (1891, Report on
manufactures), il y a l'idée que l'Angleterre est
libre-échangiste, parce qu'elle est en avance économiquement et
que le libre-échange est profitable aux nations, à partir du
moment où elles en sont au même niveau de développement, et
à partir du moment où elles ont pu développer suffisamment
leur industrie. . Malgré ces évolutions, on assiste ensuite
à un retour du protectionnisme, qui débute en 1865 aux Etats-Unis
avec la fin de la guerre de Sécession (victoire du Nord, protectionniste
contre le sud, libre-échangiste), suivis par d'autres pays, dont
l'Allemagne, dès 1879. Ce retour à des mesures protectionnistes
est directement lié à des politiques volontaristes
d'industrialisation. C'est aussi le cas en France dès 1881 avec
l'adoption d'un tarif extérieur, puis en 1892 avec le vote de la loi
Méline, aggravée en 1910.
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