UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV.
MASTER 2ème Année Parcours
RECHERCHE
Droit du Travail et de la Protection Sociale.
ZAKOUR JAMILA
La couverture du risque maladie : Essai d'une
étude comparative entre les systèmes Français et
Marocain.
Mémoire présenté et soutenu en vue de
l'obtention du diplôme de Master Recherche Droit du Travail et de la
Protection Sociale.
Directrice de Recherche : Mme Badel
Maryse, Maître de Conférence à l'Université
Montesquieu Bordeaux IV, et membre du Laboratoire COMPTRASEC (UMR CNRS
5114).
Jury : Mme Badel Maryse
Mme Lacoste-Mary Valérie Maître de
Conférence à l'Université Montesquieu Bordeaux IV et
membre de l'Institut du Travail.
Promotion Universitaire 2005-2006.
Remerciements
Je tiens tout d'abord à remercier les excellentes
documentalistes du laboratoire Comparé de Travail et de
Sécurité Sociale ainsi que l'équipe pédagogique du
Master Recherche Droit du Travail et de la Protection Sociale, et plus
particulièrement M. Philippe Auvergon de m'avoir permis de tisser des
liens avec des enseignants de la Faculté de Droit de Rabat.
Merci également à nombre de mes camarades de
promotion, sans qui l'année n'aurait pas été si riche et
ce travail intéressant grâce aux débats et échanges
que nous eûmes.
Merci aussi (et surtout) à ma soeur aînée,
Malika Zakour, qui a accepté de partir en mission à Casablanca,
à la recherche d'ouvrages portant sur le droit de la
Sécurité Sociale et le Droit de la Santé au Maroc. Sans
son aide, ce travail n'aurait sans doute pas pu voir le jour.
The last but not the least comme dit le proverbe
anglais, mes remerciements vont à Madame Maryse Badel ma directrice de
recherche de m'avoir guidée dans cette belle entreprise.
In memoriam
Je tiens à dédier ce travail à mon
père, ZAKOUR MOHAMED (1933-2005), un de ces menus poussé
toujours plus à l'Est, et souvent victime de la
« rationalisation »du système de prise en charge du
risque maladie.
Sommaire
Introduction p.8
Première Partie : La prise en charge
du risque maladie p.9
Chapitre I : Présentation textuelle et
institutionnelle
des systèmes français et marocain
p.9
Section 1 : Les sources des systèmes p.9
Section 2 : L'organisation administrative
et institutionnelle p.28
Chapitre II : Les personnes protégées et
les logiques de
désignation des bénéficiaires :
quelles personnes
pour quels risques ? p.41
Section 1 : Les bénéficiaires de la prise en
charge
du risque maladie p.42
Section 2 : Quelles prestations pour quels risques ?
p.48
Deuxième Partie : Vers une nouvelle gestion
du systèmede soins en France et au Maroc
p.53
Chapitre I : Une redéfinition du concept de
couverture
de risque maladie p.55
Section1 : Le retrait du politique en matière de
gestion
du risque maladie p.55
Section 2 : Les insuffisances certaines de l'AMO p.62
Chapitre II : Quels relais légaux pour une
meilleure prise
en charge des particularismes et une réactivation
des solidarités p.68
Section 1 : le lien intime entre le droit et la religion
p.68
Section 2 : En France, comment sortir de la toute puissance
de la norme p.70
Conclusion p.74
Introduction.
« Rien n'est jamais acquis à l'homme, ni sa
force ni sa faiblesse ». Jamais la citation de Louis Aragon ne nous a
parue si proche du sujet qui nous préoccupe dans la présente
étude. En effet, traiter de la question de la prise en charge du risque
maladie impose tout d'abord l'adoption du postulat selon lequel il n'existe
aucune définition juridique du risque social tout comme le risque
maladie. Tout au plus les textes internationaux comme de droit internes se
contentent-ils de procéder à une énumération
Ethymologiquement le terme « risque »
apparaît vers le XVIème siècle, à l'époque
où se développe le commerce maritime et avec lui les
premières assurances contre « la fortune de mer ».
Le risque social est donc étroitement lié à
l'activité de l'Homme qui va parfois subir la commission du risque comme
les aléas climatiques, ou qui va parfois les provoquer comme ce fut le
cas pour de nombreuses crises économques et boursières. Pour
mieux cerner ce concept de risque social et de sa prise en charge, il faut
avoir la même démarche que Paul Durand1(*)à savoir rapprocher le
risque social à la société car il est un
élément de collectivité dans le risque social. Cela va
nous amener à penser le risque social comme un risque supporté
par la collectivité d'individus, comme ceux qui sont provoqués
par ces derniers. Mais cette vision est incomplète, c'est pourquoi il
faut la lier à la vision du risque social qui insiste sur l'aspect de la
prise en charge du risque de façon collective. Ce sera cette
dernière vision qui a la préférence de l'article L.111-1
du Code de Sécurité Sociale qui dispose que
« l'organisation de la Sécurité Sociale garantit les
travailleurs et leur famille contre les risques de toute nature susceptibles de
réduire ou supprimer leur capacité de gain. Elle couvre
également les charges de maternité et les charges de
famille ». Ce texte se situe en droite ligne de ce que prévoit
la Convention n° 102 de l'OIT de 1952 quant aux
Normes standards touchant à la protection sociale. Du
point de vue de la prise en charge du risque social, nous savons que cela
relève en principe du service public soit via par des administrations
centrales soit par les collectivités locales. Cependant malgré le
monopole des caisses de sécurité Sociale, des acteurs de la
sphère du droit privé vont eux aussi intervenir pour la prise en
charge du risque maladie. Et cette question du monopole de la protection
sociale qui relèverait exclusivement du service public, est
extrêmement discutée à l'heure actuelle aussi bien au sein
des institutions européennes que dans les débats propres au droit
interne. Quelle place pour les acteurs du domaine de l'assurance ? Et quid
des mutuelles ? Cela risque-t-il de creuser le fossé des
inégalités comme le craignent certains ? Ce sont autant
d'interrogations qui sont apparues avec la question de la réforme du
système de santé. Et loin de ne concerner que la France, ce
débat a fait son apparition sur la place publique au Maroc
également, car la Monarchie chérifienne essaie elle aussi de
réformer son système de soins et donc de prise en charge du
risque maladie. Il est d'ailleurs intéressant de constater que les deux
pays commencent par faire face à la même difficulté qui est
de dessiner les contours de ce que l'on peut bien entendre par
« risque social ». Point de définition mais
existence tout de même d'un régime de prise en charge de ce risque
et des prestations y afférant.
Quels points communs peut-il y avoir entre la France et le
Maroc en matière de prise en charge du risque maladie ? Ce pays,
à la confluence entre l'Europe, le Monde Arabe, et l'Afrique qui a subit
plus d'une influence: andalouse, portugaise, française pour les
principales ? Quelles similitudes peut-il y avoir entre le Pays du
Couchant (« Al Margheb signifie « couchant » en
arabe et c'est aussi l'avant derrière prière de la journée
pour un musulman) qui est la 5ème puissance économique
de l'Afrique derrière le Nigeria, l'Afrique du Sud, l'Algérie et
l'Egypte et la France entre matière de gestion du risque maladie ?
A la vérité, il y a bien plus de similitudes que les apparences
ne veulent le laisser croire. Il faut rappeler que le Maroc fut placé
dès 1912 du fait du Traité de Fès, sous la tutelle de la
France (celle-ci étant complétée par l'Espagne dans la
zone nord, pour le secteur d'Algésiras, et les espaces sahariens).
Aujourd'hui le
Maroc est un Etat souverain fort d'une superficie de 750 550
km et peuplé de 30 millions d'habitants,2(*) mais il continue encore à puiser dans
l'héritage colonial, notamment en ce qui concerne la gestion
administrative du pays et l'organisation du système de protection
sociale. Aujourd'hui, le Royaume Chérifien entame une
métamorphose progressive de sa société civile. Des
avancées significatives (bien qu'insuffisantes) ont été
menées en ce qui concerne la situation de la femme; celle-ci est
reconnue elle aussi chef de famille et plus seulement le mari et elle a le
droit d'obtenir la garde des enfants en cas de divorce. Elle peut se marier en
toute liberté et l'âge minimal légal est de 18 ans et non
plus 15 ans.
Si des similitudes apparaissent quant au postulat de
départ qui est le besoin de dépoussiérer le système
existant du risque maladie, en revanche ce seront deux philosophies
différentes qui vont guider les actions des deux Nations. En effet, si
la France, pays laïc depuis 1905 ne va retenir qu'une conception purement
objective du droit et donc des orientations qu'elle entend adopter (les
principales Ordonnances de 1945 qui ont forgé le système de
Sécurité Sociale ainsi que les Décrets antérieurs
qui ont donné naissance aux principales structures mutualistes, sont
autant d'arguments qui vont dans ce sens), le Maroc va de son coté
puiser dans des sources plus particulières, et notamment dans ce que va
lui apporter l'exégèse du droit musulman. Il existe un proverbe
musulman qui affirme que « là où le droit musulman ne
s'applique plus, il n'y a plus d'Islam ». Cette affirmation
reflète pleinement le lien de cause à effet qui existe entre le
droit et la religion dans ce pays. Malgré des divergences entre eux sur
d'autres points, les jurisconsultes s'accordent pour dire qu'il y a deux grands
sources du droit musulman : les sources originelles (et ce sont celles-ci
qui vont nous intéresser) que sont le Coran et la Sounna, et les sources
dites dérivées que sont les décisions de jurisprudences
entre autres.
Le Coran est de façon incontestée la source
première du droit musulman. Les dispositions qu'il contient vont
régler le quotidien de la vie du musulman : environ 70 versets
touchent au droit civil et il en est de même pour le statut personnel, 30
concernent le droit pénal, 13 pour la procédure judiciaire, 10
concernent le finances et l'économie. Enfin, 10 versets vont toucher au
droit constitutionnel.
De son coté la Sounna relate la manière
d'être et de se comporter du Prophète qui se doit de donner
l'exemple et guider la communauté des croyants. Elle rassemble
l'ensemble des actes et des propos de Mahomet, et ceci par une chaîne
ininterrompue de rapporteurs. Ces deux sources dont on mesure l'importance,
vont jouer un rôle de premier plan dans la recherche d'une nouvelle
approche de la prise en charge du risque maladie.
L'enseignement et l'étude des droits étrangers
tels que nos Universités le connaissent n'impliquent pas toujours une
comparaison. Bien souvent au cours de son cursus, le juriste en devenir assiste
à une présentation successive des différents
systèmes étrangers. Alors que le droit comparé suppose que
l'on regroupe les ordres juridiques nationaux, que l'on analyse ces derniers
pour voir en quoi ils se ressemblent et sur quels points ils divergent.
Toutefois, le travail du comparatiste ne s'arrête pas là. Il lui
faudra encore transcender le simple champ du droit, et tenir compte d'autres
éléments comme l'économie, l'histoire le
phénomène sociologiques. Connaissance, compréhension, et
comparaison tout en ne se limitant pas aux seules techniques juridiques. C'est
avec les méthodes des comparatistes Constantinescu et Rodière que
nous avons-nous même tenté de voir ce qui pouvait rapprocher la
France et le Maroc dans la gestion du risque maladie.
Approche différentes donc entre la France et le Maroc
même si ces deux ont à une époque eut un destin commun du
fait de la période coloniale, communauté qui ne s'est pas
complètement estompée avec le temps dans la mesure où
c'est une dichotomie « similitudes/différences
manifestes » qui ont guidé cette étude ; ce choix
méthodologique nous a semblé être le plus
pédagogique dans la mesure où il nous faudra dans une
première partie présenter la prise en charge du risque maladie
(Première Partie), puis dans un second temps nous nous attarderons sur
les enjeux de la réforme de la prise en charge du risque maladie en
examinant la nouvelle gestion du système de soins en France et au Maroc
(Deuxième Partie).
PREMIERE PARTIE: LA PRISE EN CHARGE DU
RISQUE-MALADIE.
« L'Homme est un loup pour l'Homme ».
Cette citation du philosophe allemand Hegel, montre combien la
sécurité tant économique que physique des membres de la
communauté a toujours constitué le principal souci des individus,
car celle-ci est souvent menacée par un certain nombre de risques
sociaux, qui vont soit entraver l'acquisition du revenu professionnel (la
maladie, l'invalidité), soit engendrer des dépenses de
santé et/ou de charges familiales (soins, enfants à charge...).
Même s'il était privé de tout droit subjectif parce que
tout seul, Robinson Crusoé n'en était pas moins exposé aux
risques sociaux tels la maladie.
Le développement à outrance du machinisme et
l'industrialisation des modes de production ont donné naissance à
une classe sociale nouvelle, qui tire de sa force de travail son unique moyen
de subsistance. Les travailleurs étaient donc exposés à
toutes sortes de risques et, très rapidement, les systèmes de
couverture des risques sociaux vont se révéler
inadéquats.
Bismarck3(*) est le premier homme politique à instituer de
nouvelles formes de solidarité. Il mettra en place les premières
assurances sociales qui couvrent entre autres risques, ceux liés
à la maladie. Les prestations étaient financées pour
partie par les cotisations des employeurs, et pour partie par les cotisations
des travailleurs salariés. Bismarck pourtant réputé pour
son conservatisme, avait décidé de se lancer dans une politique
de concession et d'amélioration du sort des plus indigents. Cette
nouvelle approche de l'assurance sociale va rencontrer un succès
très important, notamment en France à partir du début du
XXème siècle où les assurances sociales allaient venir
remplacer le dispositif existant mais inefficace. Et les risques
« maladie », « maternité »,
« invalidité » et
« vieillesse », allaient être couverts.
En matière de protection sociale plus
spécifiquement quant à la prise en charge du risque maladie, le
Maroc n'a connu de système de protection sociale juridiquement
encadré qu'à partir de l'époque du Protectorat. Mais
toujours dans cette optique de refonte totale de son système le Pays du
Couchant Lointain s'attaque aujourd'hui à ses structures de soins pour
que celles-ci soient mieux adaptées aux particularismes de la
société marocaine.
Qui est protégé et pour quels types de risques
(Chap. II) ? Afin de mieux comprendre les similitudes dans la gestion du
risque maladie, il convient d'opérer préalablement une
présentation à la fois textuelle et institutionnelle des
systèmes français et marocain de la protection sociale (Chap. I).
Chapitre I) Présentation textuelle et
institutionnelle des systèmes français et marocain
Aborder dans une acception comparative les modes
français et marocain de prise en charge du risque maladie, impose de
s'attarder sur l'architecture institutionnelle et textuelle de ces derniers.
Exercice fastidieux (surtout pour le courageux lecteur), mais pourtant un
passage essentiel en vue d'une meilleure compréhension quant aux enjeux
du débat. Les sources des systèmes étudiés ici
(Section 1) comme l'organisation administrative et institutionnelle, nous
montrent qu'il existe des liens entre l'approche française et marocaine
de la couverture du risque maladie (Section 2).
Section 1) Les sources des systèmes :
Qui ne risque rien n'a rien, c'est l'une des
devises de notre société industrielle. Parce
qu'il constitue la rançon du progrès le risque doit être
accepté dans son principe. Cependant si le risque social est normal
voire inévitable, il est inacceptable que les victimes soient seules
devant les charges et les conséquences engendrées. Il sera donc
supportés par les acteurs économiques qui mettent en place ces
risques, et encadrés par les acteurs étatiques qui vont
l'organiser, l'encadrer juridiquement.
Et s'il parait évident que le système
français possède un système de prise en charge du risque
maladie qui lui est propre (§1), le Maroc en revanche s'appuie sur le
système qui a été mis en place par le Protectorat pour
créer un régime propre. Il continue d'aligner son organisation
institutionnelle sur le système français (§2).
§1) Le système français de prise en
charge du risque maladie :
Lorsqu'il aborde les différentes influences du droit de
la protection sociale en France, le Professeur Morvan4(*) utilise une fort belle
expression. Pour lui, la Sécurité Sociale s'abreuve à
différentes sources : à la fois internationales et
constitutionnelles, législatives et réglementaires. Et s'il ne
fait aucun doute que la place occupée par les sources constitutionnelles
et internes (b) est prépondérante, l'influence des textes
internationaux et communautaires, mérite néanmoins un examen
très attentif, ils n'ont pas tous la même portée (a).
a)Les sources internationales et communautaires :
Qu'ils soient Déclaration, Charte, ou Convention, les
textes internationaux touchant à la protection sociale se
caractérisent par deux éléments : d'une part il
s'agit le souvent de textes émanant d'organisations internationales par
exemple l'OIT (avec la Déclaration de Philadelphie de 1944, ou encore la
Convention n° 102 de 1961), ou le Conseil de l'Europe (avec la Charte des
Droits Fondamentaux signée à Nice en 2000). D'autre part, ces
mêmes sources ont des portées différentes car elles vont
soit se contenter d'édicter des principes et/ou déclarations,
soit éditer des normes tout en organisant un contrôle de
l'effectivité des actions des Etat signataires. On constate donc que la
nature de ces textes varie beaucoup car les objectifs sont divers. Si certains
instruments internationaux affirment le droit à la protection sociale,
d'autres tentent de viser et de gommer les problèmes liés
à la territorialité des règles applicables et à
l'hétérogénéité des systèmes. Comme
l'explique clairement dans son ouvrage le Professeur Dupeyroux5(*), cette pléthore
d'instruments internationaux adopte des démarches différentes, et
va donc affecter les Etats signataires à des degrés
différents eu égard à
l'hétérogénéité des législations
nationales. Il faut distinguer, dans la nébuleuse des normes
internationales les instruments purement déclaratoires, des outils
à portée normative.
Les instruments internationaux purement déclaratoires
verront le jour au lendemain du Second Conflit mondial. Les dirigeants de
l'époque prirent compte de l'importance de la protection et du bien
être des travailleurs ; la sécurité sociale est vue
alors « (...) comme une dette à l'égard des peuples du monde
et une raison dans la lueur de la nuit »6(*) . C'est la Charte de
l'Atlantique signée par Roosevelt et Churchill le 12 Août 1941 qui
est le premier texte à lancer l'idée d'une protection sociale
générale, destinée à l'ensemble de la population.
Particulièrement son article 5 dispose qu'il est nécessaire
d'établir la collaboration la plus complète entre toutes les
nations dans le domaine économique, afin d'assurer à tous de
meilleures conditions de travail, une situation économique plus
favorable et surtout la Sécurité Sociale.7(*)
La Déclaration de Philadelphie adoptée le 10
Mai 1944 lors de la 28ème session de l'Organisation
Internationale du Travail se situe dans la même ligne que le
précédent texte tout en proposant des dispositions plus
particulières touchant à la prévention des risques sociaux
et à leur indemnisation.
Cette prise de conscience d'associer l'ensemble des Etats
à l'amélioration du sort des travailleurs va s'accentuer à
cette période Post-Libération puisqu'en 1948, est adoptée
le 10 Décembre 1948 la Déclaration Universelle des Droits de
l'Homme, qui, dans ses articles 22 et 25, pose respectivement le principe que
toute personne « en tant que membre de la société,
droit à la sécurité sociale ;elle est fondée
à obtenir la satisfaction des droits économiques, sociaux et
culturels indispensables à sa dignité et au libre
développement de sa personnalité (...) », ainsi que le
principe que « toute personne a droit à un niveau de vie
suffisant pour assurer sa santé, son bien être et ceux de sa
famille, notamment pour les soins médicaux, ainsi que pour les services
sociaux nécessaire ; elle a droit à la
sécurité en cas de chômage, maladie, d'invalidité,
de veuvage, de vieillesse, ou dans les autres cas de perte de ses moyens de
subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa
volonté ». Ce texte va un peu plus loin que les deux
précédemment adoptés car il érige
littéralement en droit fondamental de l'Homme le droit à un
niveau de vie suffisant, et surtout le droit à la protection contre le
plus connu des risques sociaux, à savoir la perte d'emploi.
Sur le plan communautaire, il faut rappeler que dans l'article
2 du Traité d'Amsterdam, la Communauté Européenne fait de
la protection sociale et du maintien du niveau élevé d'emploi, un
de ses objectifs fondamentaux. Cependant, c'est avec le Traité de Nice
que l'Union Européenne va consacrer véritablement un
« volet social », car jusqu'à la signature lors du
Sommet européen de Nice le 7 Décembre 2000 et entré en
vigueur le 1er Février 2003, la volonté d'harmoniser
les politiques de protection sociale des Etats-membres semblait plus relever
du voeu pieux que d'une réalité. Et le nouvel article 137 du
Traité n'apporte guère d'éclaircissements
supplémentaires quant aux orientations données par l'Union
Européenne en matière de protection sociale.8(*)
Comme le souligne très justement le Professeur
Laborde9(*), malgré
leur caractère solennel, la plupart des sources précitées,
se bornent à émettre des recommandations ou des
déclarations de principes. Elles n'ont aucune force contraignante hormis
l'obligation morale pour les Etats signataires de respecter lesdits textes.
C'est pour cela qu'il est important d'étudier l'impact des instruments
normatifs, en particulier ceux issus d'organismes tels que l'Organisation
Internationale du Travail.
Ce sont principalement les Conventions de l'Organisation
Internationale du travail, crée en 1919, et qui siège à
Genève qui vont rendre effectives les normes que nous venons
d'étudier. L'organisation va édicter des textes dont les
dispositions ne se limitent pas au seul Droit du Travail, mais aussi à
l'édiction de normes standards, de minima sociaux en matière de
Protection Sociale, visant comme le rappelle le Professeur Laborde10(*) à harmoniser (tant une
unification des Droit parait impossible à l'échelle
internationale) les législations des Etats signataires des Conventions.
D'ailleurs la Déclaration de Philadelphie de 1944 faisait une obligation
solennelle pour l'OIT d'oeuvrer en faveur du développement de la
Sécurité Sociale, à son extension aux plus démunis
dans le monde.
L'abondance des textes témoigne de l'activité de
l'organisation. La plus connue des conventions est celle signée en 1952,
lors de la 34ème session de la Conférence
Internationale du Travail, dite « convention n° 102 »
entré en vigueur le 27 Avril 1955. Ce texte extrêmement important
porte sur les normes minimales en matière de Sécurité
Sociale. Elle englobe dans le domaine de la Sécurité Sociale 9
types de risques qui sont les suivants :
- la maladie
- la maternité
- la vieillesse
- les accidents du travail
- la maladie professionnelle
- le décès
- les charges familiales
- le chômage
- l'invalidité.
L'examen de cette convention est intéressante à
plus d'un titre, car d'une part elle participe à l'émergence d'un
concept international de Sécurité Sociale, d'autre part elle
tient compte des particularismes nationaux, car la rédaction des
dispositions sont assez souples pour pouvoir s'appliquer aussi bien à
des Etats en voie de développement, comme à des Nations
déjà socialement très avancés. Les Etats les moins
avancés peuvent tout de même ratifier la convention en acceptant
de ratifier par tranche de trois les chapitres relatifs aux principaux risques.
Un bilan régulier est mis en oeuvre afin de voir dans quelles mesures
lesdits Etats peuvent développer leur action, pour à terme,
ratifier complètement la convention, et donc toutes les normes
minimales.
Enfin, d'autres conventions de l'OIT plus particulières
vont compléter la convention n°102 ; elles constituent ce
qu'on peut appeler la seconde génération de conventions, et qui
visent une branche particulière de la Sécurité Sociale.
De cette constellation de textes que faut-il retenir ?
Une remarque : l'importance d'une protection sociale et la
nécessité de sa généralisation. Cependant, toutes
les normes n'ont pas la même portée, voire aucune force
contraignante. Néanmoins, il importe de souligner que dans le cas de la
France, ces mêmes normes ont guidé l'action du Législateur,
car nous retrouvons dans les sources constitutionnelles entre autres, les
principes qui ont contribué à l'élaboration d'un socle
international commun de Sécurité Sociale, comme par exemple
l'amélioration du sort du travailleur et des conditions de logement, de
bien être et de santé adéquats pour ce dernier et sa
famille.
b) Les fondements constitutionnels et les sources
internes :
La Constitution du 4 Octobre 1958 instituant la Vème
République, ne contient aucune disposition relative à la
protection sociale, ou à toute philosophie de gestion des risques
sociaux. L'article 2 de la Constitution énonce que « La France
est une République indivisible, laïque, démocratique et
sociale. »11(*). Cependant, malgré l'insertion du terme
« sociale », il n'existe aucune exégèse
constitutionnelle quant à la portée de ce terme. A propos du
caractère laïque ou encore indivisible de la Nation, il existe une
glose abondante de la part des Neuf Sages. Mais ces derniers demeurent
silencieux quant à la notion de sociale ; il y a donc une vraie
carence de la part du Conseil dans ce domaine comme le déplore à
juste titre Francis Kessler.12(*)
A la vérité, ce n'est pas la Constitution
elle-même qui sert de véritable fondement constitutionnel mais
bien son « Bloc de Constitutionnalité »
composé de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de
1789, du Préambule de la Constitution de 1946, et des Principes
Fondamentaux Reconnus par les Lois de la République. Et ce sera plus
précisément dans le Préambule qu'il faudra chercher les
sources constitutionnelles relatives à la protection sociale. En effet,
l'article 10 du Préambule de la Constitution de 1946 dispose que
« La Nation assure à l'individu et à la famille es
conditions nécessaires à leur développement » de
même l'article 11 dispose que « la Nation garantit à
tous, notamment à l'enfant, à la mère, et aux vieux
travailleurs, la protection de la santé, la sécurité
matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui en
raison de son âge, son état physique ou mental, de la situation
économique, se trouve dans l'incapacité de travailler, a le droit
d'obtenir de la collectivité des moyens convenables
d'existence ».
De ces principes énoncés à divers
endroits du texte, deux conséquences doivent être
dégagées. La première est le caractère non
équivoque de ces principes ; en effet, si l'article 2 de la
Constitution de 1958 laissait un certain flou quant à la portée
du mot « sociale », ici il ne fait aucun doute qu'il s'agit
de principes constitutionnels propres à la protection sociale. Et
même si les notions de « famille »,
« d'individus » peuvent faire l'objet
d'interprétations de la part du Conseil, il n'en demeure pas moins que
ce sont très clairement les risques sociaux qui sont visés comme
principales causes. La seconde remarque concerne l'utilisation qui est faite de
ces principes par le Législateur. Celui-ci voit son activité
encadrée par le Conseil Constitutionnel, mais il n'en demeure pas moins
qu'il aura toute latitude pour mettre en oeuvre les politiques publiques
relatives aux indemnisations chômage, ou encore aux dépenses de
santé. Et si cela s'avère nécessaire, il (le
Législateur) pourra tout à a fait restreindre l'application d'une
liberté constitutionnelle quand est en jeu la santé et la
protection des citoyens. L'exemple le plus parlant, sera celui du droit de
grève, auquel il pourra être porté atteinte dans un souci
de protection de la santé et sécurité des personnes et des
biens13(*).
Cependant la tâche qui est dévolue au Conseil
dans ce domaine n'est pas chose aisée dans la mesure où les
principes particuliers au droit de la santé (comme tout principe
constitutionnel pris en tant que tel d'ailleurs) ne peuvent trouver application
directe sans heurter d'autres principes d'égale valeur. Il revient donc
aux Sages « doser subtilement » pour reprendre l'expression
du Professeur Dupeyroux14(*)ce qui relève des droits libertés qui
peut se traduire par le droit de des droits qui touchent plus
directement à la catégorie de la Sécurité Sociale
et que l'on peut traduire par le droit à, et qui sont des
droits créances qui impose une intervention législative pour en
garantir la mise en oeuvre.
Le Bloc de Constitutionnalité constitue donc une source
de premier plan dans la construction juridique des normes de protection
sociale. Celle-ci est étroitement encadrée par des normes
à valeur constitutionnelles, mais la majorité des règles
qui participent de la construction juridique de la protection sociale,
proviennent du Parlement et du Gouvernement. La production des normes touchant
à la matière sociale, présente un certain particularisme
car elle s'articule à la fois autour du pouvoir législatif et
réglementaire
Initialement, dans la Constitution de 1958, rien ne
prévoyait une quelconque action du pouvoir parlementaire en
matière de financement de la protection sociale. En effet, l'article 34
de la Constitution dispose notamment que la Loi détermine les principes
fondamentaux du droit du travail, du droit syndical, et de la
sécurité sociale, à savoir son mode de gestion, les
catégories de bénéficiaires et de prestations... Mais les
députés ne pouvaient en aucun cas intervenir sur les orientations
et l'équilibre budgétaires. Cependant, très rapidement les
dépenses en matière de santé ont atteint des sommes
colossales, quasiment aussi élevées que le budget de l'Etat. Un
contrôle parlementaire s'est révélé indispensable.
Et cela se justifiait également sur un plan constitutionnel car
l'article 14 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen
dispose que « Tous les Citoyens ont le droit de constater, par
eux-mêmes, ou par leurs Représentants, la nécessité
de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi ou
d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la
durée ».
C'est ainsi qu'à partir de 1996, plus
précisément par la loi constitutionnelle du 22 Février
199615(*)et la loi
organique du 22 Juillet 199616(*) qui modifie l'article 34 de la Constitution, le
Parlement est associé à la préparation, au vote et au
suivi des Lois de Financement de Sécurité Sociale
(ci-après LFSS). Ces réformes sont intervenues dans le cadre de
ce que l'on appelle « le plan Juppé » du nom du
Premier Ministre de l'époque, et qui a réussit là ou
d'autres Chefs de Gouvernement ou députés17(*) avaient échoué,
à savoir une plus grande emprise des pouvoirs publics sur le
système de Sécurité Sociale.18(*) Aujourd'hui les débats
portant sur la LFSS sont un moment important aussi bien dans la vie
parlementaire que dans la sphère politique en général,
puisque la question du financement de la protection sociale en France constitue
un des axes-clés lors d'élections politiques.
Depuis 1945, c'est une tradition d'intervention
étatique qui caractérise le système de la protection
sociale en France. En effet, l'Etat est à l'origine des
régimes-clés de la Sécurité Sociale puisque
l'Ordonnance du 4 Octobre 1945 entre autre, porte création du
Régime Général. L'intervention de l'Etat se
caractérise par 4 points :
-L'Etat va définir le champ d'application des
régimes, leur organisation et compétence19(*).
-Il fixe le niveau des prestations de la
Sécurité Sociale, en précisant les conditions
d'attribution, le mode de calcul, le barème...
- Il prévoit le mode de financement adéquat.
-Et depuis la réforme constitutionnelle de 1996, il
veille à l'équilibre financier avec l'adoption de la LFFS.
Et si depuis la réforme constitutionnelle de 1996, le
Parlement joue un rôle primordial dans l'élaboration des
législations de sécurité sociale, il doit néanmoins
composer avec le pouvoir réglementaire. C'est donc un partage des
compétences entre les articles 34 et 37 de la Constitution qui
s'applique ici. Ainsi, si l'acteur Législatif a compétence pour
fixer exclusivement les principes fondamentaux de la Sécurité
Sociale tels que la création de régimes autonomes (cf. :
Cons.const du 2 Juillet 1965), le champ d'application de chaque régime
(cf. : CE ass. 27 Novembre 1964 « caisses centrales de secours
des mutualités agricoles), il reviendra au pouvoir réglementaire
de mettre en oeuvre les différents principes édictés par
la Loi, en faisant attention à ne pas s'éloigner de l'objet de
celle-ci. Par exemple, si la Loi pose le principe d'une condition d'âge
quant à l'ouverture du droit à la retraite, et bien le
Règlement va préciser l'âge à retenir, la
durée de la cotisation et le taux de calcul20(*). Enfin, les lois ordinaires
tout comme les conventions de Sécurité Sociale, peuvent jouer un
rôle de correctif dans l'application des orientations politiques car si
l'important article 34 de la Constitution donne compétence au
Législateur en matière de droits fondamentaux de
Sécurité Sociale, celle-ci (la compétence) peut être
complétée par les conventions signées entre les
partenaires sociaux que ce soit pour l'indemnisation du chômage avec les
accords nationaux interprofessionnels ou les prestations médicales ou
paramédicales.
Avec cette mise au point des compétences entre les deux
corps politiques. Le Code de la Sécurité Sociale en
témoigne avec sa division tripartite : une partie
législative « L » une partie pour les Décrets
en Conseil d'Etat « D », et enfin une partie pour les
Décrets simples « R ». C'est un véritable
rééquilibrage des pouvoirs qui est mis en place,
rééquilibrage accentué avec la loi du 2 Août
2005.
C'est la même dichotomie, et la même philosophie
qui ont guidé le Royaume du Maroc dans l'élaboration de son
système de protection sociale et donc de gestion des risques sociaux, et
qui continue de le guider aujourd'hui dans sa tentative de réforme de ce
dernier. Lui aussi s'abreuve à la fontaine des normes internationales
comme à la source constitutionnelle et religieuse, car le Maroc est un
Etat religieux.
§2) Un cadrage du système marocain sur le
système français.
Le Maroc présente un certain nombre de similitudes avec
le système français bien que les sources particulièrement
les sources internes soient principalement d'origine religieuse car le Maroc
est un pays Musulman. Le droit religieux forme donc une source non
négligeable dans l'élaboration des normes de droit positif,
surtout dans le domaine de la protection sociale. D'un strict point de vue de
la hiérarchie des normes, il sera fait une présentation
préalable des sources internationales (a), puis un second
développement portera sur les sources internes, à savoir les
fondements constitutionnels, religieux et légaux (b).
a) Les sources internationales dans la prise en charge du
risque maladie :
Malgré l'acquisition de sa souveraineté le 2
Mars 1956, le Maroc possède un système de gestion des risques
sociaux qui présente encore de nombreuses carences à l'aube du
21ème siècle21(*). Contrairement au système Français
où l'influence des textes internationaux touchant à la protection
sociale et la gestion du risque maladie ne se vérifient pas de prime
abord, le Maroc va chercher à s'appuyer en grande partie sur ces normes
pour développer et élargir le champ de la couverture sociale.
Pareillement à la France, le Maroc signataire de la
Déclaration de Philadelphie du 10 Mai 1944 (ce dernier n'ayant pas
encore accès à l'indépendance en 1944, la signature ne se
fera qu'en 1956, lorsque le Royaume chérifien sera admis à
l'unanimité à l'OIT lors de la 40ème
Conférence Internationale à Genève), qui est un des textes
fondateurs de l'OIT et des normes en matière de protection sociale.
Pourtant, le Maroc a semble-t-il cessé son effort de se mettre en
conformité avec les minima internationaux, car il n'a pas à ce
jour ratifié la très importante Convention n° 102 de l'OIT
qui pose les standards en matière de protection sociale en
général, et protection des risques sociaux en particulier. Cette
convention qui est le fruit de confrontations et d'échanges
d'idées et de conceptions de la sécurité sociale à
une échelle internationale pourrait s'appliquer pleinement dans un pays
en transition économique comme le Maroc. De plus, au regard des
conditions assez souples prévues par le texte lui-même, les pays
souhaitant adhérer progressivement à la convention 102, le
peuvent en ratifiant par tranche de 3, les branches relatives aux risques
sociaux les plus importants. Le Maroc remplit toutes les conditions objectives
quant à la possibilité de ratifier les branches, car sur les 9
chapitres prévus par la Convention, le pays en compte déjà
6, sachant que l'Etat signataire n'est pas exclut de progresser sur la voie de
la ratification pour à terme toute les ratifier. Les 6 branches que
compte le Maroc, sont les suivantes :
Les prestations vieillesse
Les prestations de chômage
Les prestations relatives aux accidents du travail
Les prestations relatives aux maladies professionnelles
Les prestations relatives aux pensions de survivants
Les prestations touchant à l'invalidité.
L'absence de la convention n° 102 s'explique peut
être (sans pour autant justifier le statu quo décidé par le
pays) par le fait que le Maroc a déjà ratifié la
Déclaration de Philadelphie de 1944, ce dernier a peut être
estimé que cela était suffisant car ladite Déclaration a
tout d'abord, elle pose les jalons de ce qui sera signée par la
convention bien que celle-ci est infiniment plus détaillée et
cible plus les particularités des risques sociaux ; ensuite le
texte de Philadelphie est une Déclaration, donc avec une portée
infiniment plus grande qu'une « simple » convention, car il
faut rappeler que l'OIT n'a proclamé de Déclarations que trois
fois depuis son existence ; la première fois ce fut en 1944, le
seconde en 1977 avec 4 principes fondamentaux dégagés et qui
deviendront des standards internationaux, et la troisième fois en 1998,
et qui reprend et développe les principes dégagés par la
Convention de 1977.22(*)Cela peut paraître suffisant aux yeux d'un pays
en voie de développement d'autant que ladite Déclaration est un
document important qui contient l'ensemble des propositions concernant la
sécurité sociale et étend les compétences de l'OIT
aux problèmes posés par l'indemnisation des risques sociaux et
leur prévention.
Affirmer que ce pays fait montre d'une mauvaise volonté
en matière d'harmonisation internationale, reviendrait à lui
intenter un procès d'intention, car l'Etat marocain a ratifié de
nombreuses conventions de l'OIT dont les plus intéressantes sont :
la convention n°2 sur le chômage (qui est aussi un risque social),
la convention n°4 sur le travail de nuit des femmes, la convention
n°99 sur le calcul des salaires minima dans l'agriculture, les conventions
n° 145 et 146 respectivement sur la continuité de l'emploi des gens
de mer, et les congés annuels des gens de mer... La ratification de ces
conventions particulières montre que le Maroc poursuit un effort de
ratification des normes internationales, mais peut être qu'eu
égard à son stade de développement, il fait des choix
quant aux conventions qu'il lui semble les plus urgentes, car les conventions
que nous venons de citer ciblent les catégories socioprofessionnelles
qui sont les plus nombreuses ; les gens de mer, les agriculteurs... Il
faut garder à l'esprit que le Maroc tire ses ressources principalement
de l'agriculture et de la pêche. La ratification des conventions qui
s'applique à cette population parait donc tout à fait
justifiée. On peut dire que ce pays fait preuve d'un certain pragmatisme
motivé certainement par des considérations d'ordre
économique ; le Maroc ne pouvant pas assurer pour le moment une
généralisation de la prise en charge du risque maladie, la
ratification de la convention n° 102 est peut être tout simplement
différée.
De plus, comme la France qui puise aussi bien dans les sources
internationales que « régionales » avec les sources
d'ordre communautaires, le Maroc va lui aussi chercher à
compléter les influences internationales par des sources plus
régionales et surtout qui vont tenir compte de son caractère
d'Etat musulman. C'est ici que revêt toute l'importance d'organisations
telles que l'Organisation Arabe du Travail (ci-après l'OAT), ou encore
l'Organisation de la Conférence Islamique (ci -après OCI). Pour
ce qui est de l'OAT, dont on peut dire qu'il est le pendant arabe de l'OIT, le
Maroc a ratifié quatre des dix neuf conventions de l'organisation. Il
s'agit des conventions n° 1, 2,11 et la plus importante ici, la convention
n°11. Ces conventions traitent respectivement des droits relatifs aux
niveaux de travail, à la circulation de la main d'oeuvre, au droit de la
négociation collective, et enfin aux droits de l'assuré arabe
à la couverture sociale en cas d'installation pour le travail dans un
pays arabe.
Ce sera l'OCI et sa Déclaration du Caire sur les Droits
de l'Homme en Islam adoptée en 199023(*), qui vont jouer un rôle premier notamment en
matière de protection des risques, d'autant que certaines de ses
dispositions vont être reprises dans les sources internes de la prise en
charge du risque social. Les différents droits concernant la protection
sociale et la prise en charge du risque en particulier, sont
énumérés à divers endroits du texte ; en
effet, l'article 2 énonce l'interdiction de la servitude, de
l'exploitation, de l'humiliation de l'homme qui est né libre. L'article
13, plus explicite, consacre le droit du travail et des garanties sociales pour
tous les travailleurs, et rappelle les devoirs des Etats en ce sens. Cet
article doit être lu à la lumière de deux autres
dispositions du texte que sont les articles 14 et 17 qui disposent
respectivement le droit au travail, et le droit à la protection
sanitaire et sociale ; l'article 17 va même jusqu'à rappeler
les obligations qui incombent aux Etats en la matière, et en
matière de services publics
Ces dispositions sont importantes à double titre, d'une
part elles ne diffèrent pas de celles proclamées par la
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948, notamment en ce
qui concerne le droit à la sécurité sociale, à la
dignité et au respect du statu des travailleurs. D'autre part le
Préambule de la Déclaration du Caire affirme le caractère
fondamental de ces principes, ce qui signifie qu'ils s'imposeront aux Etats
signataires, par conséquent qu'ils s'imposeront dans les sources
internes du système marocain de la prise en charge du risque maladie.
Les dispositions de la présente Déclaration sont d'autant plus
importantes qu'elle sont vues comme des droits de Dieu (Hukuk Allah),
c'est-à-dire des droits absolus, qui sont comme une sorte de
« dépôt » (amana) que l'Homme a
accepté de porter.24(*)
Bien qu'elle utilise un vecteur plus régional qui fait
état des particularismes religieux du Maroc, on est en droit d'affirmer
que la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948 constitue
bien l'une des sources à laquelle le Maroc va s'abreuver afin d'irriguer
et d'oeuvrer à la mise en place d'un système performant de prise
en charge des risques sociaux. C'est une influence qui s'exerce de
manière plus discrète certes, mais qui est bien réelle.
b) Les fondements constitutionnels, religieux et
légaux :
Dans le développement précédent, il
était question d'une influence des normes et principes internationaux
sur le droit marocain de la protection sociale. La Constitution de ce pays, et
particulièrement un de ses articles, prouvent la réalité
de cette influence. Il s'agit de l'article 18 de la Constitution. Celui-ci
dispose que « tous supportent, solidairement les charges
résultant des calamités nationales ». C'est une lecture
combinée qu'il faut adopter, avec l'article 17 du même texte qui
dispose que « tous supportent, en proportion de leurs facultés
contributives, les charges publiques que seule la loi peut, dans les formes
prévues par la présente Constitution, créer et
répartir ». L'existence d'un principe de solidarité
nationale est bel et bien réelle, mais il faut s'interroger sur la
notion de « calamités nationales ». Est-ce que le
risque maladie peut et doit être vu comme une « calamité
nationale » ? Pareillement à la notion de
« sociale » dans la Constitution française de 1958
où les commentaires sont inexistants, à propos de la
portée de la notion de « calamités
nationales », aucune glose n'existe ou ne fait
référence à cette notion.
De même que les nombreuses similitudes avec le
système français se retrouvent également ici, puisque le
principe d'un système qui instaure la solidarité et le montant
des contributions proportionnellement aux capacités financières
de chaque citoyen qui a guidé à l'émergence du
système français, trouve un écho dans le système
marocain de la prise en charge du risque maladie.
Le Maroc est actuellement régi par la Constitution du
13 Septembre 1996 (adoptée par Référendum), et
promulguée par le Dahir du 7 Octobre 199625(*).Ce n'est pas la
première expérience constitutionnelle du pays, car ce dernier en
a connue quatre autres : en 1967, 1970, 1972, 1992, et enfin 1996. Le
Maroc en est donc à sa cinquième Constitution. Celle-ci comme
nous l'avons expliqué en début de développement,
présente plusieurs similitudes avec son homologue française, que
ce soit au regard du pur droit constitutionnel (le Roi exerce lui aussi le
droit de grâce, et le droit de dissoudre les Chambres du Parlement. De
même, il nomme aux emplois civils et militaires tout comme le
Président de la République), comme au regard des principes qui
gouvernent le droit de la protection sociale et la prise en charge du risque
maladie. En effet, si en droit français nous avions signalé la
grande pauvreté des dispositions du corps même de la Constitution
de 1958 quant aux questions de protection sociale, le même constat doit
être fait pour le Maroc malgré la présence de 2
dispositions qui balisent le travail du Législateur. Similitude
là encore dans la recherche des fondements constitutionnels mais hors le
champ de la Constitution elle-même. La réponse doit être
recherchée à la fois du coté du droit musulman, car
l'Islam est la religion de l'Etat comme le souligne l'article 6 de la
Constitution du 13 Septembre 1996, tout comme du coté du corps
Législatif.
« En Islam, le croyant est pour le croyant comme un
édifice social dont les parties se soutiennent mutuellement ».
Ce hadith26(*)
rapporté par des proches du Prophète, illustrent l'idée de
solidarité en Islam. En effet, dans le droit musulman la philosophie de
l'équilibre social est fondée sur le principe de
l'équilibre entre les individus et le milieu naturel, le respect de la
dignité humaine, et la solidarité entre les membres de la
communauté musulmane27(*).Cela impose que les richesses soient réparties
de manière équitable, en s'assurant que chaque musulman
perçoive un minimum. Dans le cas où ce revenu minimum n'est pas
garantit pour diverses raisons économiques et financières, la
communauté devra compenser le manque à gagner afin de maintenir
l'équilibre social. C'est le principe de la
« Zakat », qui peut se définir comme une dîme
que les riches sont tenus de verser aux plus démunis. La
solidarité au sein de la communauté s'appuie donc sur le principe
de l'unité. De plus, concernant la Zakate, celle-ci est bien plus qu'une
simple obligation morale, puisqu'au regard de son évolution, elle fut
institutionnalisée, voire encadrée juridiquement au temps du
règne du Calife Omar Ibn El Khattab, autour de l'an 20 de
l'Hégire, avec la création d'un cabinet chargé de
procéder au recensement de la population aux fins d'identification de
tous les nécessiteux et notamment les veuves et les orphelins, en vue de
leur venir en aide. Le fonds de solidarité avait déjà vu
le jour dans le monde musulman. Le droit à la Sécurité
Sociale est dans l'Islam instauré de fait, puisque l'un des objectifs de
la Religion est d'instaurer le bien être moral et social des individus et
de la communauté, et par là même le droit à la
protection sociale et donc à la prise en charge des risques. De plus,
cette notion ne vise pas uniquement les travailleurs, car contrairement au
système français où la protection sociale est liée
à l'exercice d'une profession, dans le droit musulman et dans le
système marocain datant de l'époque qui précédait
le Protectorat plus particulièrement, le bénéfice de la
protection n'était pas lié à l'exercice d'une
activité professionnelle. Ceci, avait permis au Maroc de tisser tout un
réseau de liens de solidarité entre les membres de la
communauté, et aussi ente les membres d'une même corporation de
métiers, qu'ils soient employeurs ou employés.
Même si ces principes continuent de perdurer car ils
sont issus d'une source tout à fait primordiale, à savoir le
Coran, ces derniers ont été fortement remis en cause lors de la
période du Protectorat. En effet, dès 1912, c'est une toute autre
approche qui va prévaloir dans le système de la prise en charge
du risque maladie, car à la solidarité inconditionnée,
l'administration française va greffer son système sur la
société marocaine, et désormais ce sera le principe de la
solidarité professionnelle qui va s'appliquer. Progressivement les
différents systèmes de sécurité sociale vont
délimiter au fur et à mesure le champ d'application en
désignant les catégories de travailleurs couverts, et les
prestations qu'ils visent. De fait, on comprend alors que toute personne
n'exerçant pas une activité est exclue de ce système,
alors même qu'elle ne l'était pas dans le système issu du
pur droit musulman.
Aujourd'hui le Maroc a hérité à l'issue
de l'indépendance d'un système de sécurité sociale
organisé juridiquement dont la grande partie des textes est issue de la
période du Protectorat, avec une pléthore de législations
de nature mutualiste, car rappelons-le, c'est une véritable
« greffe » du système français sur le
système marocain qui eut lieu. La répartition de la gestion du
risque maladie se fait de la manière suivante : les
mutualités couvrent les soins de santé sous forme de prestations
en nature, ce qui signifie qu'il y aura une prise en charge partielle ou totale
des dépenses de santé, ce qui peut paraître étonnant
car en principe ce sont les Caisses Nationales de Sécurité
Sociale qui doivent assurer la gestion des prestations et ne particulier celles
liée au risque maladie. Cependant lesdites prestations se sont
révélées insuffisantes. De plus les caisses mutualistes
préexistaient aux caisses de Sécurité Sociale, et sont
mieux organisées. Il paraissait alors évident de leur laisser la
gestion des soins de santé et donc du risque maladie. Les assurances
privées gèrent la réparation du risque des maladies
professionnelles et accidents du travail, de même que les risques
liés à l'invalidité, la vieillesse, ou
décès.
Ce sont 2 Dahirs qui vont poser les bases du système de
prise en charge du risque maladie ; deux Dahirs qui se fondent en grande
partie sur ce qui a été laissé par l'héritage
colonial français. Le premier est le Dahir n° 1.57.187 en date du
12 Novembre 1963, portant statut de la mutualité28(*). Et le second Dahir en date du
27 Juillet 1972, et son Décret d'application du 30 Décembre 1972
concerne l'institution de la Caisse Nationale de Sécurité
Sociale. Ces deux textes étant insérés dans le code
marocain de la Mutualité. Ces deux dahirs complétés par la
dernière réforme en date et qui institue l'Assurance Maladie
Obligatoire (AMO)29(*),
forment les principales sources qui certes se situent en fin de
hiérarchie des normes, mais dont la portée est absolument
fondamentale, et particulièrement pour le Maroc qui a choisi de faire
une place de choix pour les groupes mutualistes.
Plusieurs enseignements doivent être tirés de ce
que nous venons d'expliciter. Tout d'abord une expression. Celle du Professeur
Rousset30(*) lorsque ce
dernier parle de « greffe de l'Etat » (en l'occurrence
celle de l'Etat Français sur le Royaume du Maroc). L'héritage
colonial et notamment sur le plan administratif, prouve combien il est
difficile pour un pays qui accède à l'indépendance parfois
au terme d'un processus long et douloureux, de s'affranchir totalement de la
présence même symbolique de l'ancien colon.
C'est Bertrand Badie31(*)qui a mené le plus loin la réflexion
autour de l'importation du modèle occidental de l'Etat-Nation. En effet,
l'essentiel de se thèse démontre d'une part l'échec de
cette importation en ce qu'elle ne tenait pas compte des particularismes
identitaires et/ou religieux, et les nombreux conflits et génocides dans
la région des Grands Lacs en Afrique de l'Ouest et dans les Balkans,
sont malheureusement là pour l'illustrer. D'autre part, il met en avant
la paradoxale survivance de cette domination culturelle et politique du Nord
à l'égard du Sud. Les modèles démocratiques en
Afrique, sont les mêmes que ceux qui furent importés et
imposés par les occidentaux. Et cela se vérifie avec force pour
le Maroc, qui en dépit de son caractère de Monarchie
Constitutionnelle, a choisit lendemain de son indépendance, de
s'appuyer sur les structures existantes pour bâtir un modèle
politique national qui s'aligne sur les caractéristiques de la
société marocaine. Le Royaume chérifien en plus d'avoir
conservé la langue et l'organisation française de la protection
sociale, a puisé dans le modèle administratif également,
car le pays est découpé en Régions (Wilaya), et en
provinces (l'équivalent de nos Départements), avec à leurs
têtes un Gouverneur nommé par le Souverain. Ces derniers ont la
qualité de représentants du Roi et de
Délégués du Gouvernement, cependant, ils n'ont aucune
compétence réelle, que ce soit en matière
budgétaire et décisionnelle. Un mélange de
décentralisation et de semi déconcentration que le système
administratif marocain, pour tenir compte du caractère Monarchique du
paysage politique...
Section 2) L'organisation administrative et
institutionnelle.
Ici aussi nous retrouverons de fortes similitudes entre les
acteurs français (§1) et marocains de la gestion du risque maladie
bien qu'ils ne postulent pas de la même philosophie ; un
système qui fait une grande place à la participation des
salariés, et un système qui fait appel aux acteurs mutualistes en
vue de pallier les carences encore existantes (§2).
§1) Les acteurs de la gestion du risque
maladie :
Qu'elles soient nationales, ou avec des extensions
régionales ou plus locales, il existe une constellation de Caisses et
d'Organismes dont l'une des fonctions (lorsque ce n'est pas la fonction
principale), est la prise en charge du risque maladie. Cet ensemble de
structures peut constituer une certaine richesse dans le paysage de la
protection sociale en France ; mais elle est aussi porteuse de faiblesse,
car bien qu'ils convergent vers une meilleure couverture du risque
maladie, ces mêmes acteurs partent « en ordre
dispersé », en ce qu'il n'existe aucune coordination de leurs
politiques. La Sécurité Sociale n'est donc pas gouverné
comme le constate Pierre-Louis Bras.32(*)De cette absence de gouvernance proviendrait sa
faiblesse. C'est en vue de pallier ce manque de gouvernance, que la Loi du 13
Août 2004 a été votée, loi qui comporte de
nombreuses dispositions sur les organismes de Sécurité Sociale
(a) ainsi que le principe de tutelle avec l'Etat (b).
a) Les organismes de prise en charge du risque
maladie :
La loi du 13 Août 2004 a profondément
remanié l'architecture existante des organismes de gestion du risque
maladie, soit en dotant les institutions existantes de nouvelles
prérogatives, soit en créant de nouvelles institutions. Ici, ce
sera principalement la CNAMTS qui sera touchée par le remaniement de son
champ de compétence. D'autres organismes tels que l'UNCAM ou encore
l'UNOCAM33(*)voient le
jour du fait de la loi de 2004. Enfin, des protagonistes dont le champ de
compétence reste à définir car il sera pour l'essentiel
consultatif), viennent exercer un rôle dans cette nouvelle gouvernance de
l'assurance maladie.
- La Caisse Nationale d'Assurance Maladie des Travailleurs
Salariés (CNAMTS) est la première des structures existantes
touchée par le remaniement de la loi de 2004. En effet, cette
dernière voit son Conseil d'Administration disparaître au profit
d'un simple Conseil, dont les fonctions ne sont plus de réguler les
affaires de la Caisse par ses séances de délibérations,
mais de définir des orientations et de contrôler que celles-ci ont
été respectées ; ces orientations vont en
général concerner le respect des objectifs de dépenses
votés par le Parlement (cf. : art.221-3 et R.221-1 du Code de la
Sécurité Sociale et de la Mutualité). De même que ce
n'est plus un Directeur qui est la tête de la caisse, mais un
« Directeur Général », un
« DG » pour reprendre le jargon du droit des affaires. Ce
dernier est nommé par l'Etat pour un mandat de cinq ans, avec l'accord
du Conseil au sein duquel siège des représentants des instances
syndicales, patronales et mutualistes. Force est de constater que le Directeur
Général est l'acteur clé de la réforme
proposée par P. Douste-Blazy, ministre de la santé à
l'époque. Le « DG » dispose du pouvoir de nommer les
directeurs des Caisses Primaires d'Assurance Maladie (CPAM), et il ne peut
être destitué qu'à la majorité des 2/334(*). Il est intéressant de
voir dans quel sens a évolué le circuit décisionnel de la
Sécurité Sociale. Si à ses débuts et jusqu'à
la réforme de 1967, les salariés étaient pleinement
acteurs en ce qu'ils élisaient les administrateurs des caisses et
pouvaient participer à l'élaboration des politiques de la
Sécurité Sociale, car ils en étaient les principaux
destinataires ; aujourd'hui ces derniers n'ont plus aucune emprise sur les
décisions qui se tiennent en des lieux éloignés de leurs
préoccupation. Pas les mêmes les organisations syndicales ne
parviennent à maintenir un rapport de force au profit des cotisants
et/ou salariés. Le paritarisme vit ses derniers jours semble-t-il, et
l'on peut affirmer que si la France respectait l'esprit de certaines
conventions de l'OIT touchant à la protection sociale en ce qu'elle
permettait que la prise de décision se fasse par les salariés et
cotisants eux même, avec la réforme de 2004 elle se situe hors la
loi au regard des normes internationales35(*).
Un mot enfin à propos de l'extension au niveau
régional de la CNAMTS, que sont les CRAM. Ces dernières n'ont pas
vu leurs fonctions aussi fortement ébranlées que la CNAMTS. Elles
continuent d'assurer les compétences de droit commun qui sont les leurs,
et qui dépassent le seul cadre de la prise en charge du risque
maladie ; l'assurance veuvage de même les accidents du travail et
les maladies professionnelles, font partie des champs d'action des CRAM. Tout
au plus, la nouvelle loi leur a-t-elle permis de développer un domaine
de compétence en matière de politique hospitalière, ce qui
paraîtrait plus ou moins cohérent parce que se situer en droite
ligne des réformes en cours notamment avec le plan
« Hôpital 2007 » du même ministre
Douste-Blazy.
L'UNCAM (Union Nationale des Caisses d'Assurances Maladie),
organisme crée par la loi d'Août 2004 (et dont le régime
est institué aux articles L.182-2 et suivants, et R.182-2 et suivants du
Code de la Sécurité Sociale) qui hérité de la
fonction de gestion des caisses d'assurances maladie dont elle assure
« le pilotage » pour reprendre les termes de la loi. La
gestion du réseau des caisses qui était autrefois assurée
par la CNAMTS est transférée à l'UNCAM qui devient ainsi
l'instance de gouvernement des caisses ce qu'elle assure des missions cruciales
telles :
- négocier et signer les conventions nationales
régissant les relations de l'assurance maladie avec les professions de
santé
-décider l'inscription ou la radiation d'un acte ou
d'une prestation de soins dans la liste de ceux pris en charge
-ou encore de rendre un avis public et motivé sur les
projets de lois et décrets relatifs à l'assurance maladie.
Il s'agit ici bien plus qu'un simple transfert de
compétences qui est opéré ici si l'on s'attarde sur la
répartition et les modes de désignation aux postes à
responsabilités au sein de l'UNCAM. En effet, l'UNCAM,
établissement public administratif, est doté d'un Conseil
d'Administration composé de dix huit membres, tous issus de la CNAMTS,
douze membres du conseil de la MSA (mutualité du secteur agricole),
trois membres proviennent du conseil de la caisse des non salariés-non
agricoles. Ce qui ressort ici, c'est que le principe du paritarisme autrefois
appliqué comme mode de, répartition des sièges, ne
s'applique pas dans le cas de l'UNCAM. Les représentants du monde
salariés et patronal sont présents certes, mais le rapport de
force comme le rapport institutionnel ne s'articule plus autour d'eux.
Comme la CNAMTS qui possède une extension
régionale, l'UNCAM a aussi une représentation régionale
avec l'URCAM qui n'est pas une création de la loi de 2004 (puisque
l'URCAM a été créée par une Ordonnance, mais
l'URCAM a vu ses fonctions redéfinies par celle-ci
particulièrement en matière de gestion des dépenses de
santé dans son ressort territorial. Elle met en place et veille à
l'application d'une politique commune de gestion des dépenses. Elle est
également l'acteur privilégié pour tisser des
réseaux avec les professionnels de santé qui exercent sur une
aire géographique donnée, afin de les inciter à exercer
dans des zones rurales et urbaines où est constaté un
déficit en matière de soins.
La nouvelle répartition des responsabilités et
surtout le caractère éminemment politique des nominations,
montrent la diminution de l'influence des représentants des
salariés (car il est certain que les représentants du pouvoir
patronal chercheront eux à devenir un passage obligé dans ces
nominations et les prises de décision, d'autant qu'il ne saurait y avoir
de majorité des deux tiers sans eux), et place la gestion du risque
maladie entre autre là où n'est pas sa place, à savoir le
terrain politique lieu privilégié des allégeances et des
conflits au détriment des intérêts des
administrés.
Enfin, la loi du 2 Août 2004 a également permis
l'émergence d'acteurs au rôle plus flou tantôt consultatif,
tantôt normatif. C'est le cas pour la Haute Autorité de
Santé. Cette autorité est créée par l'article 35 de
la loi de 2004. Ses missions comme nous venons de le dire sont assez
confuses : elle a pour rôle de procéder à
l'évaluation périodique des prestations et produits de
santé, mais elle peut également émettre un avis et des
recommandations de bonne pratique des soins. Elle bénéficie elle
aussi d'un transfert de compétences qui étaient dévolues
à l'AFSAPS via des commissions qui lui sont rattachées :
transparence, évaluation des prestations ...
Malgré le caractère solennel de sa
dénomination de « Haute Autorité de
santé », cette dernière ne possède aucun pouvoir
direct. Elle ne fait que formuler des avis et/ou des recommandations. Le
pouvoir décisionnel revient au directeur général de
l'UNCAM quant aux décisions de touchant aux actes et aux prestations, et
au Ministre pour les décisions touchant aux médicaments. Cette
absence de marge de manoeuvre est accentuée par le principe de
tutelle.
b) les nécessaires interactions avec l'Etat :
le principe de tutelle.
L'idée de tutelle renvoie à l'exercice par
l'administration de l'Etat, voire par les caisses nationales elles même,
de pouvoirs de suspension ou d'annulation à l'encontre des directions
des organismes de Sécurité Sociale. De façon
concrète, cela va s'illustrer par des enquêtes ou des
vérifications effectuées a posteriori au sein des
différents organismes de Sécurité Sociale en vue
d'évaluer la qualité de leur gestion.
- Au plan national, la tutelle sur le régime
général incombe en principe sur le Ministre de la santé.
Ce dernier va s'appuyer sur la direction de la Sécurité Sociale,
et aussi sur des instances plus spécifiques comme l'inspection
générale des affaires sociales (IGAS).
-L'exercice de la tutelle sur le plan régional va
relever de la compétence du Préfet de région. Ici aussi,
le représentant de l'Etat à l'échelle locale va s'appuyer
sur des structures telles que la direction régionales des affaires
sanitaires et sociales (DRASS) ou encore sur l'IGASS qui en pratique, se
révèlent être les véritables détenteurs de la
tutelle car bien souvent les autorités préfectorales
délégueront largement aux directeurs régionaux le pouvoir
d'inspection.
L'exercice de la tutelle s'applique aussi bien aux personnes
qu'aux actes. Ainsi les actes ne deviendront exécutoires qu'une fois
passé un délai de vingt jours laissé aux ministres de la
santé et/ou des finances pour pouvoir faire opposition. Le
contrôle de la légalité va essentiellement porter sur les
décisions (qu'elles soient individuelles ou collectives) ne
présentant aucune difficulté majeure. D'une certaine
façon, on retrouve la théorie administrative du
«contrôle restreint » car les décisions ne
demandent pas ici de réel examen sur le fond.
Fruit d'un savant mélange entre autorité
étatique, et intervention des partenaires sociaux, le système de
prise en charge du risque maladie reflète une relation hybride, à
mi-chemin entre autonomie des caisses et la présence de l'Etat tuteur et
« gardien » du respect des orientations politiques et
budgétaires. C'est ce même compromis entre la tradition mutualiste
et la présence de la personne de l'Etat que l'on retrouve
également dans le système qu'a choisi le Maroc.
§2) L'accès aux soins au Maroc : un
compromis entre pratiques mutualistes et tutelle étatique.
C'est le même postulat de départ qui peut
être fait pour le système marocain quant à la couverture du
risque maladie, à la différence que cette pléiade
d'intervenants est tantôt privée avec les organismes mutualistes
(b), tantôt publics avec la Caisse Nationale de Sécurité
Sociale (a). De même que les choix quant aux politiques de santé
(et particulièrement celles touchant au risque maladie) sont toutes
différentes les unes des autres selon la population ciblée et les
soins pris en charge, ou encore des conditions d'affiliation changeantes selon
les régimes.
a) La Caisse Nationale de Sécurité
Sociale
Instituée par le Dahir n° 1-59-148 du 31
Décembre 1959, la Caisse Nationale de Sécurité Sociale
(ci- après la CNSS) couvre les salariés de l'industrie, du
commerce, et ou encore ceux de l'artisanat et de la pêche. Cet organisme
assure à ces salariés, une protection contre les risques de
suppression de leur revenu comme le risque maladie.
Du point de vue de son organisation, la CNSS ressemble en de
nombreux points au système français en ce qu'elle est
organisée autour d'un conseil d'administration, et qu'elle compte un
« directeur général » comme en France. Son
Conseil d'Administration est composé de 24 membres titulaires qui
représentent l'Etat (8 administrateurs), les employeurs (8
administrateurs), et les salariés (8 administrateurs aussi.). Le
principe de parité gouverne encore le mode de répartition des
sièges entre les différents collèges. Le conseil
d'administration est investi d'énormes pouvoirs quant à la
gestion de la CNSS. A cet égard, il délibère et statue
sur :
-le plan annuel de la Caisse
- l'approbation du budget de la Caisse
- le rapport annuel d'activité présenté
par le directeur général.
Ce même directeur général peut être
assisté dans sa mission part toutes les structures qui participent
à la gestion de la Caisse, à savoir les directions
régionales qui gèrent les quelques 56 agences de
sécurité sociale sur le territoire, le pôle recouvrement
comme le pôle gestion des ressources humaines, ou encore des organismes
plus spécialisés comme l'Inspection Générale des
services ou la Direction de l'audit. Enfin, la Loi instituant l'Assurance
Maladie Obligatoire (AMO) modifie la composition du conseil d'administration
mais uniquement lorsque celui-ci délibère sur les questions
relatives à l'AMO. Un représentant du Premier Ministre et six
autres représentants pour les Départements de l'emploi, finances,
santé, agriculture, commerce et industrie ainsi que le directeur de
l'Agence Nationale de l'Assurance Maladie (ANAM).
Pour ce qui est de ses sources de financement, la CNSS
possède plusieurs sources. En effet, ses ressources financières
sont d'abord assurées par une contribution patronale et ouvrière
assise sur les salaires. Cette contribution va varier selon les prestations
concernées, mais surtout elle diffère pour les marins
pêcheurs dont la contribution est assise sur les recettes brutes du
bateau de pêche, et selon le type de bateau. Ainsi les chalutiers se
verront taxés de 4,65% du total des produits de la vente, tandis que les
sardiniers se verront assujettis à une taxe de 6% du total du produit de
la vente. Enfin, la CNSS est aussi chargée du recouvrement de la taxe de
la formation professionnelle qui est une taxe exclusive de l'employeur, et
d'un taux de 1,6% de la masse salariale brute.
On remarquera la très grande similitude structurelle
comme politique quant à la prise du risque maladie en France comme au
Maroc. Les deux Nations ont une Caisse Nationale de Sécurité
Sociale dirigée par un « DG » dont la principale
mission aujourd'hui est moins de veiller au droit à la santé et
au droit de voir le risque maladie couvert des travailleurs, que de veiller
à ce que les dépenses de la Caisse ne soient pas pharaoniques et
respectent les objectifs fixés par le Législateur. Seulement le
Maroc n'a pas le même taux de croissance que la France ; il est
encore ce qu'on appelle un « pays en voie de
développement », et nécessite une action plus
ciblée en faveur des plus démunis qui ne sont pas mutualistes,
mais qui ont néanmoins le droit à ce que leur risque maladie soit
pris en compte. C'est pourquoi, la Loi n° 65-00 et qui est entrée
en application depuis le 15 Septembre 2005 institue une Assurance Maladie
Obligatoire (AMO) au profit des fonctionnaires et agents de l'Etat (dont le
régime est géré par la CNOPS, caisse nationale des
organismes de prévoyance), comme au profit des salariés du
secteur privé dont le régime est géré par la CNSS.
Les plus démunis qui ne sont ni fonctionnaires, ni salariés du
secteur privé ne sont en principe pas laissés sur le bord de la
route, car un régime d'assistance médicale aux plus
démunis (RAMED) est institué avec l'AMO. L'objectif
affiché de cette AMO est de poser une sorte de « socle
commun », une couverture médicale de base. Et cela notamment
avec le fait que l'affiliation soit obligatoire et l'obligation qui est faite
à tout employeur public comme privé de procéder à
une déclaration d'immatriculation, sous peine de sanction si ce dernier
omet de déclarer à son organisme d'affiliation ses
employés.
Du fait que le Maroc soit encore un pays en transition du
point de vue économique, celui-ci fait preuve d'un certain pragmatisme
économique. Sachant qu'à l'heure actuelle l'AMO telle qu'elle
vient d'être mise en place ne peut pendre en charge l'ensemble des soins
même si le texte le prévoit, dans un premier temps la prise en
charge du risque maladie va se faire de manière plus sélective.
Ainsi les soins ambulatoires ne seront pas pris en charge durant les
premières années par l'AMO. Les pathologies prises en charge
immédiatement par l'AMO relèvent de ce qu'on appelle
« les affections de longue durée » (ALD) qui
regroupent principalement les maladies cardio- vasculaires, les pathologies
mentales ou encore les maladies ophtalmiques36(*) . L'ensemble des soins seront couverts jusqu'à
70% ou 90% de la tarification nationale selon que les soins aient
été prodigués par un hôpital public ou une
institution privée (ces dernières ayant des prix plus
élevés, le taux de 70% s'appliquera pour elles). De plus, des
conventions concernant la tarification de l'ensemble des soins, seront
négociées entre les organismes gestionnaires de l'AMO et les
prestataires de soins publics et privés, à l'initiative et sous
la conduite de l'ANAM.
Enfin, concernant le financement de l'AMO, ici c'est un
système mixte qui est choisi, car l'AMO va être financée de
plusieurs façons : les dons et legs, les produits financiers, et
« toute autre ressources attribuées au régime
d'assurance maladie obligatoire de base en vertu de la législation
particulière » nous dit la Loi. Ce texte présente plus
d'un intérêt en ce qu'il montre la réelle volonté du
Maroc de vouloir généraliser la couverture du risque maladie et
en cela respecter les objectifs internationaux de mettre en place une
« assurance sociale de maladie » comme le rappelle Guy
Perrin37(*), une assurance
qui vise à couvrir les populations les plus faibles contre les risques
financiers dus à la maladie. Cette démarche n'en est encore
qu'à ses débuts et la capacité financière de l'AMO
n'est pas encore consolidée, d'où la diversité des sources
de financement tels que les dons et legs afin de compenser
l'impossibilité actuelle de financer cette AMO uniquement par
l'impôt sachant que le recouvrement de celui-ci est difficile dans un
pays en transition comme le Maroc. D'où l'importance jouée par
les organismes mutualistes dans la mise en place de cette couverture
universelle.
b) Les organismes mutualistes.
La création de mutuelles au Maroc fut favorisée
par une infrastructure ancienne de coopératives et de mutuelles qui
existaient déjà du temps de la présence française.
Mais c'est depuis le Dahir n°1-57-187 du 12 Novembre 1963 que les
mutuelles disposent d'un encadrement juridique. Son article 1er
dispose que : « les sociétés mutualistes sont des
groupements à but non lucratif, qui, au moyen de cotisations de leurs
membre, se proposant de mener dans l'intérêt de ceux-ci et de leur
famille, une action de prévoyance, de solidarité et d'entraide
tendant à la couverture des risques pouvant atteindre la personne
humaine ».
Ces mutuelles sont donc des sociétés
privées, à but non lucratif dont l'objet principal est d'apporter
aide et assistance aux fonctionnaires de l'Etat et aux travailleurs du secteur
privé dans le domaine de la santé, en contrepartie des
cotisations prélevées sur leurs salaires. Les
sociétés mutualistes constituent une source non
négligeable quant à la législation des risques sociaux.
Pour preuve, le nombre immense des mutuelles (dont l'adhésion est
obligatoire pour celles qui traitent du secteur public depuis un Dahir du 25
Août 1999, et facultative pour celles s'appliquant au secteur
privé) qui au dernier recensement de 1998 étaient au nombre de 52
toutes catégories confondues dont les plus importantes étant la
MGEM (mutuelle générale de l'éducation nationale), la
mutuelle de l'ONCF (Office National des Chemins de Fer), la MAMDA (Mutuelle
Agricole Marocaine d'Assurances) la mutuelle des marins pêcheurs et gens
de mer (IMINI)... Toutes ces mutuelles ainsi que d'autres se
fédèrent autour de la Caisse Nationale des Organismes de
Prévoyance (CNOPS) qui a pour rôle de coordonner les
activités relatives à la couverture des dépenses de soins
de santé des adhérents.
Ces mutuelles se caractérisent par leur importance
jouée dans la gestion de l'AMO pour les personnels du secteur public,
mais aussi par les principes mutualistes qui sont identiques à ceux
prônés par les mutuelles françaises. Ces dernières
sont elles aussi appelées à devenir des acteurs obligés
dans la nouvelle gouvernance de la gestion du risque maladie (la liberté
de choix, la solidarité et l'équité entre les
adhérents, la gestion démocratique des affaires de la mutuelle
par les adhérents...) puisqu'elles sont présentes dans les
structures qui gèrent la sécurité sociale, qu'un Conseil
supérieur de la mutualité existe38(*)(dont la mission est d'émettre des avis et des
recommandations visant à encourager l'action mutualiste). C'est donc un
système mixte que le Royaume Chérifien a choisit de mettre en
place. Comme pour l'organisation administrative du pays, il s'est fondé
sur ce qui préexistait pour le réformé, et l'adapter
à la particularité de la société marocaine qui en
plus d'une solide réforme de la couverture du risque maladie continue de
développer un volet sanitaire via l'Institut National de Santé
Publique (INSP ci-après).
Cette institution ô combien importante dans la politique
nationale de santé est une création du même Dahir qui vit
naître l'encadrement juridique des mutuelles (Le dahir du 12 Novembre
1963). L'INSP est un établissement public doté de la
personnalité juridique et d'une autonomie financière. Il est
placé sous la tutelle du Ministère de la Santé. Sa
principale mission est d'orienter la politique de santé sur le plan
national en plus de divers missions telles que :
-organiser et développer la formation du personnel
médical et paramédical dans les écoles existantes et le
cas échéant d'en créer d'autres avec le concours des
institutions internationales.
-d'entreprendre la production de sérums et tout autres
produits biologiques ou sanitaires, en organisant un partenariat avec les
organismes privés comme publics.
Tout comme la CNSS, cet institut est doté d'un conseil
d'administration qui vote et adopte le budget et les comptes de l'institut, qui
élabore le statut du personnel, ou encore qui met en place des
programmes de recherches et d'enseignements qu'il proposera pour approbation au
Ministre de Tutelle.
Un mot enfin à propos des ressources de l'institut.
Pareillement à l'AMO, l'INSP va puiser un peu partout ses ressources
financières ce qui illustre une fois de plus l'idée que
malgré toute la bonne volonté des partenaires sociaux et
politiques de mettre un place un système pérenne de couverture du
risque maladie, l'éternelle question du financement demeure le principal
obstacle. Le financement de l'INSP va donc provenir des dons et legs, des
subventions d'organismes publics, et des rémunérations provenant
de services rendus.
Les ambitions des réformateurs sont donc
ramenées vers des objectifs plus modestes vu la faiblesse et le
caractère aléatoire des montants qui sont alloués à
la politique de santé. De plus, la carte sanitaire du pays, montre que
les structures hospitalières sont inégalement réparties
sur le territoire, les milieux urbains et particulièrement la
région du Grand Casablanca étant mieux dotés que les zones
rurales où paradoxalement les besoins de la population sont les plus
importants39(*)
CNAMTS, CNSS, INSP, mutualités de tous secteurs
confondus... Qu'ils soit marocain ou français, la question de la prise
en charge du risque maladie, se caractérise inexorablement par la
création ou la modification d'organes et d'administrations
spécialisées, ce qui alimente l'idée selon laquelle
l'assuré se retrouve face à un véritable mille feuilles
administratif et institutionnel, avec à la fois une mise en avant des
partenaires privés que sont les mutuelles entre autres, et une tutelle
de l'Etat toujours présente même si son rôle a
considérablement évolué depuis la création du
Régime Général en 1945 pour la France, et 1959 date de la
création de la CNSS au Maroc.
« Science sans conscience n'est que ruine de
l'âme » pour Rabelais. L'homme de lettres rejoint ainsi un de
ses prédécesseurs, Confucius, qui à propos de
l'apprentissage des savoirs et de leurs diffusion avait une phrase très
juste : « apprendre sans penser est du travail perdu ;
penser sans travailler est périlleux ». Ces citations peuvent
être appliquées ici quant à la question de la prise en
charge du risque maladie, car il est important d'avoir une approche
« apprendre en faisant » afin de créer un
système qui participe au processus de développement de la prise
en charge du risque maladie dans les deux pays que nous étudions.
Apprendre en faisant... Apprendre à intégrer des analyses
sociologiques, démographiques et non plus seulement économiques,
c'est de cette manière seulement que l'on pourra identifier les vrais
besoins des personnes protégées et évaluer quels types de
risques, visent quel type de personnes.
Chapitre II) Les personnes protégées et
les logiques de désignation des bénéficiaires :
quelles personnes pour quels risques ?
Dans une étude de 199740(*) qui garde toute son actualité, le Professeur
Alfandari rappelle que le risque zéro n'est pas, et que nul ne peut
vivre sans risque. A partir de ce postulat, il convient d'identifier lesdits
risques auxquels l'Homme est confronté. Le principal risque en question
va constituer en la perte de sa source de revenus du fait de la maladie, risque
qui est vu comme un risque social et qui sera pris en charge par la
Sécurité Sociale. Celle-ci se caractérise par un principe
indemnitaire plutôt que préventif, même si ce volet de
meilleure gestion et donc prévention du risque maladie tend à
occuper une place de plus en plus grande dans les débats relatifs
à l'assurance maladie.
Et l'axe principal de ce débat passionné et
passionnant consiste à affirmer qu'il convient de repenser
l'architecture actuelle de la protection sociale dans ses fondements en vue de
mieux identifier les bénéficiaires de la prise en charge du
risque maladie (Section 1), et dégager quelles sont les prestations
à mettre en place et pour quels risques (Section 2).
Section 1) Les bénéficiaires de la prise en
charge du risque maladie :
Dans une étude comparative entre deux pays
donnés il n'est pas toujours aisé pour son auteur tout d'abord
de rendre son étude vivante sans être ennuyeux, puis de trouver
des socles communs comme des différences d'approches sur la même
question.
Parfois la tâche est rendue plus aisée du fait de
l'histoire des pays visés, comme de leur proximité
géographique ou linguistique. C'est évidemment le cas ici pour la
France et le Maroc qui ont une histoire commune pour ce qui est de la
période du Protectorat. De plus le Maroc étant un pays où
la langue française est la deuxième langue officielle, des
similitudes évidentes quant à l'attribution de la qualité
d'assuré social émergent forcément (§1). Cependant si
proches qu'ils puissent paraître dans leur façon de couvrir le
risque maladie, il existe des différences manifestes entre les deux
Etats quant il s'agit d'attribuer la qualité d'ayant droit (§2).
§1) Des similitudes évidentes quant à
l'attribution de la qualité d'assuré social.
Dans le système français, l'attribution de la
qualité d'ayant droit va découler de plusieurs
éléments : le Code de la Sécurité Sociale et
la jurisprudence (a). Ce mode de rattachement va aussi utiliser par le
système marocain (b).
l'apport du Code de la Sécurité Sociale et de
la jurisprudence :
Aborder la question de l'attribution de la qualité
d'assuré social dans le système français revient à
se pencher avec attention sur l'article L.311-2 du Code de la
Sécurité Sociale, car cet article est riche en enseignements. En
effet ledit article dispose que « sont affiliées
obligatoirement aux assurances sociales du régime général,
quel que soit leur âge et même si elles sont titulaires d'une
pension, toutes personnes quelles que soit leur nationalité, de l'un ou
l'autre sexe, salariées ou travaillant à quelque titre ou en
quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs et quels que soient
le montant et la nature de leur rémunération, la forme, la
nature, ou la validité de leur contrat. ». Cet article
présente plusieurs axes intéressants. Tout d'abord, il permet
d'effectuer un rapprochement avec la sphère travailliste en ce que les
conditions pour être assujetti et donc bénéficier de la
qualité d'assuré social, il convient de réunir trois
conditions qui sont les mêmes que celles que l`on trouve dans le droit du
travail lorsqu'il s'agit de déterminer s`il existe ou pas une relation
de travail: l'existence d'un lien de dépendance (le droit du travail
préfère l'expression de « lien de
subordination »),une rémunération, et enfin l'existence
d'une convention.
Il faut donc se transporter dans la sphère travailliste
et aux décisions jurisprudentielles de la Chambre Sociale de la Cour de
Cassation, qui a balisé le difficile chemin emprunté afin de
dégager l'existence d'un lien de dépendance qui est le
critère essentiel pour déterminer l'existence d'une relation de
travail. Ce sont principalement deux arrêts de la Haute Juridiction
qu'il convient de retenir ici: celui en date du 13 Novembre 1996 dit
« Société Générale »41(*) qui définit le lien de
subordination comme l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un
employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en
contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son
subordonné. Et cette décision doit être lue en
complément avec un arrêt antérieur mais non moins important
en ce qu'il rappelle en des termes très clairs que dès lors que
les conditions objectives imposées par la loi sont réunies, la
volonté des parties ne saurait soustraire volontairement le
salarié et donc l'assuré social, du régime dont il
dépend et des prestations y afférant. Il s'agit bien sur le
très important arrêt d'Assemblée Plénière
« Barrat » en date du 4 Mars 1983 qui pose ce
principe.42(*)
L'existence du lien de dépendance suit ici le
même raisonnement que celui appliqué dans les relations
individuelles de travail: un travail du juge pour dégager l'existence ou
pas d'un lien de dépendance et application des dispositions des articles
L.311-2 du Code de la Sécurité Sociale au profit du
salarié/assuré social.
Est-il besoin de signaler que le système marocain
postule des mêmes éléments et que la conclusion est
fortement voisine de celle que nous de présenter? Non bien sur car les
premières lignes de ce développement adoptaient cette idée
de systèmes voisins, néanmoins observer avec attention les
dispositifs du système marocain quant à l'attribution de la
qualité d'assuré social se révèle
intéressant car (et nous n'avons de cesse de le rappeler) il s'agit d'un
Etat qui a pour fondement une religion malgré la production de textes
normatifs traitant de la couverture du risque maladie et la toute jeune
réforme de l'assurance maladie obligatoire.
b) Les similitudes du système marocain.
Toujours dans une acception comparative l'attribution de la
qualité d'assuré social dans le système marocain va lui
aussi se fonde sur des textes, et plus précisément le Dahir de
1972 qui institue le régime de sécurité sociale.
Contrairement au Code de Sécurité Sociale qui contient plusieurs
dispositions sur la notion d'assuré social et les conditions
d'attribution de celle-ci, dans la législation marocaine c'est un
article unique qui pose la définition de la notion d'assuré
social et les conditions que la loi requiert. En effet, l'article 15 dispose
que tous les employeurs occupant au Maroc des personnes assujetties au
Régime Général sont tenus de procéder ou faire
procéder à leur affiliation à la CNSS. Cette condition est
très intéressante à étudier car elle amène
l'idée que cette action de déclaration d'affiliation est le point
de départ de l'application des dispositions de l'article 15 et donc de
la reconnaissance de la qualité d'assuré social. Et pour
s'assurer que l'employeur n'omette de se soumettre à cette obligation,
l'alinéa 4 de l'article 15 prévoit la possibilité pour le
salarié lui même de demander son affiliation à la CNSS.
Cependant, il y a fort à parier qu'en pratique si l'employeur ne
déclare pas son salarié comme il le devrait pour faire
l`économie du paiement de charges patronales, le salarié et
potentiellement assuré social n'osera sûrement pas se substituer
à lui pour le faire car dans un pays où le chômage est
endémique, le salarié préférera se risquer à
travailler sans protection aucune plutôt que de ne pas travailler du
tout. Les contrôles de l'inspection marocaine du travail et/ou des agents
de la CNSS constituent les uniques garde-fous à l'arbitraire de
l'employeur.
Points de réflexions jurisprudentielles donc pour
apporter des éclaircissements quant à la notion d'assuré
social. Quelques zones d'ombres demeurent surtout à propos de secteur
marginal et parfois inorganisé du point de la gestion du risque maladie
(tels que les gens de maison, les gardiens d'immeubles et/ou de locaux à
usage commerciaux ...). De cette façon, il ne faut pas tenir pour acquis
que l'ensemble des salariés est déclaré, et qu'ils peuvent
bénéficier à ce titre des prestations relevant de leur
régime. On voit ici qu'en dépit de la nécessité
d'être rattaché à une catégorie socio
professionnelle pour que le risque maladie soit pris en charge dans le droit
marocain cela ne constitue pas le point de départ de la mise en oeuvre
du régime comme on a pu le constater pour le système
Français. Et les différences d'approches ne s'arrêtent pas
là car le bénéfice de la qualité d'ayant droit ne
s'attribue pas de la même manière selon l'un ou l'autre
système.
§2) Des différences manifestes pour
l'attribution de la qualité d'ayant droit.
S'il apparaît que dans le schéma classique de
l'attribution de la qualité d'ayant droit au conjoint le lien conjugal
constitue l'élément clé en France (a), le Maroc
présente une spécifié en matière de
répudiation et de divorce (b).
a) Le lien conjugal comme élément d'extension
de la qualité d'ayant droit au profit du conjoint :
Si pour le développement précédent l'on
pouvait parler littéralement de « calque » d'un
système sur un autre (le marocain s'inspirant du Français en
l'occurrence), ce n'est pas le cas pour la présente question. En effet,
dans le système Français de prise en charge du risque maladie la
situation de l'ayant droit s'est fondue dans celle de l'assuré social.
Le schéma le plus classique était celui du couple traditionnel
où la femme ne travaillait pas et par conséquent dépendait
du régime de son mari auquel elle était rattachée. Elle
bénéficiait de droits certes mais de droit
dérivé. Aujourd'hui bien que ce schéma parental
perdure, il n'en demeure pas moins que les ayant droit se voient
reconnaître des droits propres, qui sont insuffisants cependant
pour leur reconnaître des droits en qualité d'assuré social
tant qu'ils n'exercent pas d'activité salariée.
Ce qu'il faut retenir dans cette présentation c'est que
l'approche française si elle se caractérise par un rattachement
à une catégorie professionnelle pour que s'applique l'article
L.311-2 du Code de la Sécurité Sociale, ne laisse pas pour autant
les ayants droits sur le bord de la route. Il est intégré
à la sphère de l'assurance sociale tout en étant en dehors
du cercle du fait de son non autonomie en matière de risque maladie. En
cela c'est une approche qui diffère totalement de celle adoptée
par le régime marocain de prise en charge du risque maladie. Celui-ci
est en effet exclusif en ce que les textes de lois ne prévoient
même pas l'extension du régime aux ayants droits, à savoir
le conjoint et les enfants. Il faut cependant se garder des conclusions
hâtives, et affirmer qu'au fond cela n'est guère étonnant
eut égard au seuil de développement peu élevé du
pays: le réseau de la prise en charge du risque maladie est plutôt
lâche, alors comment y intégrer par extension ceux qui ne
travaillent pas? A la vérité ces derniers ne sont pas totalement
mis à l'écart par le législateur marocain. Celui-ci
compense le silence de l'article 15 du Dahir de 1972, par la mise en place du
système de l'Assurance Maladie Obligatoire (AMO), fruit d'une
réforme en gestation depuis 1992 et qui vit le jour en 2002 pour
être promulguée en 2005. Avec cette réforme de grande
ampleur, les membres de la famille du salarié de même les enfants
dès lors qu'ils sont âgés de moins de 21 ans, sont couverts
par cette AMO (il est intéressant de voir que pour la notion de famille,
là aussi on ne manque pas de remarquer le rapprochement avec la
conception française de la famille à savoir le conjoint et les
enfants, alors que la vision africaine et musulmane de la famille
déborde largement celle retenue par le législateur sans doute par
pragmatisme financier). Cette AMO remplit plusieurs fonctions en
définitive: celle que l'on peut attribuer à la Couverture Maladie
Universelle (CMU) car elle fut initialement pensée pour les populations
les plus démunies, celles totalement exclues de toute prise en charge du
risque maladie. Puis elle fut étendue aux membres de la famille de
l'assuré social, à savoir le conjoint (le plus souvent ce sera
l'épouse) et les enfants dès lors qu'ils sont âgés
de moins de 21 ans (il est d'ailleurs intéressant de voir que la notion
de famille qui est retenue par le législateur marocain est
inspirée de la notion française de la famille qui limite celle-ci
au conjoint et aux enfants du couple. Cette conception du schéma
familial est pourtant loin de correspondre à la conception africaine et
musulmane de la famille. Sans doute ne fut-elle pas retenue par pragmatisme
financier.). En définitive, cette mesure assez ambitieuse dans son objet
octroi la qualité d'ayant droit aux membres de la famille de
l'assuré social même si les dispositions de la loi ne le disent
pas expressément mais c'est ce qui découle de l'application des
dispositions de ladite loi.
Ces différences d'approches quant à
l'attribution de la qualité d'ayant droit s'accentuent lorsqu'il s'agit
de se pencher sur les spécifiés du système marocain en ce
qui concerne les conséquences d'une répudiation ou d'un
divorce.
b) La spécificité du système marocain
en matière de répudiation ou de divorce.
Ces particularismes se vérifient surtout lorsqu'il est
question de répudiation ou de divorce. Les femmes sont les
premières à faire les frais d'un non rattachement à un
régime de sécurité sociale puisque dans la majorité
des cas elles n'exercent pas d'activité salariée le plus souvent
par manque de qualification, du fait du travail à domicile ou parce
qu'elles exercent une activité non couverte par un régime de
protection sociale. Ce sont les femmes vivant en zone rurale qui sont les
premières marginalisées: elles le sont par le manque de
structures de soins et par l'absence de tout système de protection du
risque maladie. Cette mise à l'écart de toute assurance sociale
possible est exacerbée dans les hypothèse de répudiation
car la femme se trouve alors dépouillée de tout droit sociaux. La
solution pour elle serait alors de tenter de se rattacher à une
catégorie socio professionnelle, mais au vu de la situation de l'emploi,
cela relève d'une mission impossible. Et si elle a le malheur
d'être âgée et analphabète sa situation empire.
Il apparaît donc qu'il y ait une approche totalement
différente quant à l'attribution et aux conséquences de
la qualité d'ayant droit dans les systèmes étudiés
ici. Si en France l'ayant droit existe en tant que tel et possède des
droits propres par rapport à l'assuré social, ce n'est pas cette
technique qui prévaut au Maroc, où le schéma classique
sans pour autant être traditionaliste ou conservateur de la famille
continue de perdurer malgré la métamorphose progressive de la
société marocaine. Pluralité d'approches qui s'illustre
aussi dans la couverture des risques et les prestations.
Un mot enfin à propos de la polygamie. Rien n'est
prévu dans les textes portant sur la politique d'accès aux soins.
Les principes régissant cette importante question se trouvent être
des textes concernant le droit patrimonial de la famille, qui pose le principe
de l'égalité de traitement entre toutes les épouses de
l'assuré (rappelons qu'en Islam le musulman peut avoir autant de femmes
que ses ressources peuvent le lui permettre. Il doit pouvoir subvenir à
ses besoins de façon décente. Le facteur économique est
particulièrement important dans cette question, et les imams qui
célèbrent le mariage religieux sont très regardants sur la
question, en vue d'éviter sans doute des divorces ultérieurs.).
Par extension, on peut affirmer que ce même principe s'applique pour
l'accès aux soins.
Section 2) Quelles prestations pour quels risques?
La présente section présente la
particularité de n'avoir qu'un seul développement touchant aux
prestations liées au risque maladie (§1). Toutefois cela
n'ôtera rien à l'intérêt de l'étude dans la
mesure où les différentes prestations étudiées ici
le seront dans une perspective pleinement comparative.
§1) Les prestations liées à la
maladie:
Il s'agira ici de se pencher sur les prestations en
espèce (a) et les prestations en nature (b) que mettent en place les
deux systèmes et toujours en appliquant cette dichotomie
« points communs/différences », de quelle
manières elles sont pensées.
a) Les prestations en espèce:
Dans cette réflexion comparée portant sur les
prestations en espèce ce sont les différences qui ressortent, au
regard notamment des textes qui trouvent à s'appliquer. En effet, si le
système marocain reste silencieux sur les fondements textuels qui vont
participer à l'élaboration du régime juridique des
prestations en espèces le droit français en revanche se
caractérise par des dispositions à foison qui visent pour la
plupart des situations particulières tenant au régime juridique
de ce type de prestations43(*). Tout à l'inverse le droit marocain des
prestations en espèce est assez pauvre en matière de texte; non
pas qu'il n'en existe pas mais ces derniers demeurent assez circonspects quant
à savoir ce qu'ils entendent par « indemnités
journalières » puisque c'est l'expression utilisée. Ce
qui frappe d'emblée c'est la différence d'expression
usitée par l'un et l'autre système, car le choix n'est pas
anodin. L'expression « indemnités
journalières » renvoie à une conception plus
assurantielle de la prestation et évoque donc le concept de l'assurance
privée. Tandis que les termes « prestations en
espèces » ne draine pas cette idée que l'assuré
sera garantit de recevoir secours et soins médicaux en contrepartie de
sa contribution financière.
Lorsque l'assuré social est malade, pour pallier le
manque de revenus dû à l'absence de son salaire, il lui sera
versé un substitut. Ce sont les indemnités journalières.
Comme le prévoit l'article L.321-2 du Code de la Sécurité
Sociale ces indemnités se seront versées qu'après un
délai de carence; il faut en effet attendre le 4ème
jour suivant l'acte médical qui prescrit l'arrêt de travail. C'est
le même délai qui est prévu par le Dahir de 1972 et
modifié depuis car ce que prévoyait originellement la loi,
était un délai bien plus long de sept jours. Désormais
à compter du 4ème jour de l'incapacité,
l'indemnisation intervient. Le calcul du montant de l'indemnité
journalière est soumis à certaines conditions: pour la percevoir,
l'assuré doit justifier de 54jours de cotisation pendant les six mois
qui précèdent l'incapacité de travail. Dès lors que
ces conditions sont remplies, ce dernier recevra 2/3 du salaire de
référence, sachant que le salaire marocain de
référence plafonné à 6.000 DH, est obtenu en
divisant le total des salaires perçus par l'assuré pendant les
six mois précédents. Conditions de calculs plus simple que celles
que prévoient le Code de la Sécurité Sociale à en
juger ce que disposent les articles L.323-1 et suivants et R.321-1 et suivants.
En effet, l'assuré social dans ce cas présent va recevoir une
indemnité journalière de demi-salaire soit 50% de ce qu'il gagne
par jour: ces indemnités seront par la suite revues à la hausse
au delà du 6ème mois de perception pour passer
à 51,49%. Le plus souvent ce n'est pas l'employeur qui paie les
indemnités journalières mais un tiers qui les verse pour son
compte en application d'un accord national interprofessionnel ou la convention
collective de branche, tandis que l'assuré social marocain les percevra
par la CNSS directement.
Les prestations en espèces constituent le plus souvent
la principale forme indemnitaire pour l'assuré social marocain qui, s'il
ne possède une assurance privée ou n'est pas rattaché
à une mutuelle, ne pourra bénéficier des prestations en
nature tel que le remboursement des frais médicaux par exemple.
b) Les prestations en nature
Comme le rappelle justement le Professeur Dupeyroux44(*), ces indemnités
présentes ds particularismes en ce qu'elles font intervenir des acteurs
autres que l'assurés et l'employeur. Elle va s'inscrire dans une
relation triangulaire avec les caisses de sécurité sociale. Le
contenu de ces prestations ont pour mission d'assurer le remboursement partiel
ou total de certains frais médicaux qui ont été
engagés par l'assuré lui même lors de la survenance du
risque maladie. Les frais qui sont pris en charge sont
énumérés à l'article L.321-1 du Code de la
Sécurité Sociale, et sont divisés en plusieurs
catégories: frais médicaux, pharmaceutiques, chirurgicaux, de
traitement...
L'autre caractéristique des prestations en nature, est
son caractère familial à la différence des prestations en
espèce qui sont des revenus de substitution. Ici les conjoints, les
enfants et toutes les personnes mentionnées à l'article L.313-3
sont pris en charge et peuvent donc bénéficier des prestations en
nature elles aussi. Depuis la loi de 1999 sur le pacte civil de
solidarité, la qualité d'ayant droit a été
étendue et ne se limite plus aux personnes du même sexe. Pour les
enfants de l'assuré, le régime est toujours le même:
rattachement de l'enfant jusqu'à l'âge de 16ans et qui peut
être prorogé jusqu'aux 20 ans de l'enfant.
Enfin, pour ce qui concerne la question de l'avance des frais
médicaux, le principe de base est fondé sur le libre choix du
patient pour désigner son médecin, laboratoire,
établissement hospitalier... Le malade va ensuite faire l'avance des
frais de soins dont il bénéficie, et sera remboursé par la
suite. Mais de plus en plus des mécanismes de tiers payant qui
permettent de dispenser de toute avance de frais par le malade se
développent ce qui au fond est préférable car cela permet
une meilleure gestion des soins des patients qui eux, n'auront pas à
attendre parfois assez longtemps le remboursement des frais avancés.
Il en est tout autrement pour le Maroc qui a
développé un volet mutualiste et assurantiel assez important. De
ce fait, la question des prestations en nature ne se pose guère puisque
ce sont souvent les mécanismes de tiers payant mis en place depuis de
nombreuses années qui s'applique. Cela exclut bien sur les populations
les plus pauvres qui sont bien souvent exposées à des pathologies
assez graves. Et l'institution de l'AMO ne prévoit rien quant à
la prestation en nature, car en principe cette même assurance doit
dispenser de toute avance des frais par l'assuré social et ses ayant
droits. Cependant cette réforme commence à mettre mise en oeuvre,
il faut donc attendre et voir comment elle va se traduire dans les prochaines
années et si elle est réellement efficace.
Cette première partie riches de données, de
sources nationales et internationales, nous permit de poser des bases solides
en matière de prise en charge du risque maladie, et surtout de
présenter de façon très détaillée les
acteurs institutionnels de deux Etats qu'a priori tout éloigne,
et qui en réalité sont voisins sur plus d'une approche quant
à la gestion du risque maladie. Exposé dominé par un
nombre important d'explications et d'analyses qui se justifient par deux
éléments: tout d'abord il s'agit de mener une étude
comparée ce qui impose pour le courageux juriste d'être
très clair sur chaque élément et explication qu'il
amène afin que le non moins courageux lecteur ne se perde dans cette
nébuleuse où se retrouvent pêle-mêle la
Déclaration de Philadelphie, le Coran, les Dahirs, les Décrets
Royaux et autres Lois de Financement de Sécurité Sociale.
De plus, dans un contexte de globalisation des
économies de recompositions et transformation des
sociétés civiles française et marocaine, cette
présentation institutionnelle nous est apparue comme incontournable.
D'autant plus que les deux Etats amorcent une réforme de fond de leurs
système respectifs de sécurité sociale, en adoptant les
mêmes objectifs: maîtrise des coûts, responsabilisation des
assurés, main tendue aux autres acteurs de la sphère de la
protection du risque maladie que sont les assurances privées et les
mutuelles. Toutefois ce débat passionné et non moins passionnant
soulève de nombreuses interrogations: comment sera pensée la
nouvelle architecture du système de soins dans ces pays? Ils ont les
mêmes objectifs, mais pas le type de population et pas le même type
de risque, le taux de croissance est radicalement différent et le fait
que le Maroc soit un pays avec une religion d'Etat, sont autant de facteurs qui
permettent de s'interroger sur la nouvelle gestion des systèmes de soins
en France et au Maroc
DEUXIEME PARTIE: VERS UNE NOUVELLE GESTION DU
SYSTEME DE SOINS EN FRANCE ET AU MAROC.
Ces dernières années la question de la
réforme de la Sécurité Sociale s'est imposée dans
les débats publics et son importance est telle que c'est une question
qui s'est transformée en enjeu politique. Nombreux furent les titres de
la presse qui adoptaient un ton volontiers provocateur quand ils
s'interrogeaient sur le devenir du système de soins en France, et
notamment sur le fameux « trou de la Sécu ».
La France comme la plupart des Etats européens se
trouve confrontée à de sérieuses difficultés quant
à l'équilibre financier de son système de soins. Dans de
nombreux Etats providence les tensions financières se font de plus en
plus sentir, et ils sont nombreux à avoir adopter une stratégie
qui consiste à diminuer petit à petit le niveau des prestations
et des remboursements de celles-ci. Mais, l'attitude la plus significative de
ce revirement politique consiste en la disparition de l'Etat dans les prises de
décisions touchant à la politique de soins qui s'explique par une
décentralisation accrue en matière de politique de santé.
Il organise son retrait au profit d'instituions nouvelles ou modifie celles
existantes pour leur attribuer des fonctions supplémentaires.
Tâche qui avait réellement débuté en 1996 avec la
réforme dite « Juppé », et qui a pleinement
repris son cours dès 2004 avec l'apparition des premières
structures décisionnelles telles que l'UNOCAM (dont nous
étudierons les fonctions dans un développement ultérieur)
pour atteindre son point culminant avec la Loi organique du 2 Août 2005
qui apporte une pierre supplémentaire sur l'autel de la réforme
de la Sécurité Sociale. Cela ne signifie pas qu'entre 1996 et
2005 les gouvernements successifs aient été frappés
d'amnésie quant à cette brûlante question, c'est justement
le caractère extrêmement passionné du débat et en
particulier en France qui incita à plus de prudence nos gouvernants car
les sanctions électorales ne se font jamais attendre. Il a
été (et c'est toujours le cas à la vérité)
très difficile en France eut égard à l'histoire de la
Sécurité Sociale caractérisée par une forte
présence de l'Etat dans l'orientation politique et budgétaire du
système de soins, de rallier la société civile à ce
que nombre d'auteurs appellent « la nouvelle gouvernance »
du système de soins. Le Maroc à moins de difficultés car
son seuil de développement est moindre que la France, cependant il
compte un plus grand nombre d'exclus de toute prise en charge quant à la
maladie. Le Royaume Chérifien est lui aussi tenté de regarder du
coté de « la nouvelle gouvernance », ce qui aura
pour conséquence une redéfinition du concept de
« couverture du risque maladie » (Chapitre I). Toutefois
des interrogations demeurent, car l'idée selon laquelle il faut faire du
passé table rase pour laisser place à une nouvelle forme de
gestion du risque maladie qui se passerait quasiment de toute intervention
étatique est assez dangereuse pour les deux pays. Ces derniers postulent
que seule une conception purement comptable des choses constitue la solution au
déficit des structures de soins. Entendre un tel argument revient
à ne pas tenir compte des particularismes de chacun des pays et
constitue un raccourci intellectuel qui élude toute autre solution
alternative permettant de réactiver les solidarités (chapitre
II).
Chapitre I) Une redéfinition du concept de
« couverture du risque maladie ».
Les développements présents nous ont permis de
comprendre que nul ne peut vivre sans risque, celui-ci faisant partie
intégrante de la société. Les polémiques qui ont
émergé concernant des scandales touchant au droit de la
santé et aux questions sanitaires que furent l'affaire dite de
« la vache folle » ou du « sang
contaminé », constituent des exemples parfaits quant à
la différence entre risque subi et le risque choisi.
Le risque maladie est une notion qui a évolué de pair avec le
développement des technologies, favorisant l'apparition de nouveaux
risques maladie. On pourrait alors légitimement penser que cela justifie
les décisions politiques visant à faire évoluer
l'architecture existante pour l'aligner sur les nouveaux concepts. En
réalité c'est moins la volonté de prendre en charge le
risque maladie de manière plus efficace que de procéder à
des mesure drastiques en matière budgétaire qui motive l'action
du législateur. Si en France la couverture du risque maladie est
caractérisée par un retrait du politique (Section 1), au Maroc
cette redéfinition de la prise en charge du risque maladie
reflète des insuffisances certaines (Section 2).
Section 1) Le retrait du politique en matière de
gestion du risque maladie.
Dans ses fondements initiaux, la Sécurité
Sociale et plus précisément son volet assurantiel sur le risque
maladie, avait pour objectif principal de réduire les aléas
à défaut de les supprimer en versant des prestations
contributives. Le risque maladie était ainsi supporté par la
collectivité où chacun contribuait à hauteur de ses
moyens. Aujourd'hui la mutation de la notion est un des arguments phares de
ceux qui claironnent que les nouveaux risques maladie ne peuvent plus
être pris en charge comme ils le furent jusqu'à présent, et
que l'Etat doit se contenter de poser des cadres pour une nouvelle gestion du
risque maladie sans pour autant intervenir. C'est une solidarité par le
marché, cheval de bataille cher à un certain groupement patronal,
qui est proposée. Et il semble que cette idée ait
rencontré un écho favorable puisque l'Etat dès 2004 a
opéré un transfert de ses compétences en la
matière. La création de l'UNOCAM en témoigne (§1), de
même l'analyse de la LFSS de 2006 illustre ce changement de cap (§2)
tout comme l'émergence des « contrats
responsables » (§3)45(*)
§1) La réforme de 2004 et la création
de l'UNOCAM.
La loi n° 2004-810 du 13 Août 2004 relative
à l'assurance chômage a donné naissance à l'Union
Nationale des Organismes d'Assurance Maladie complémentaire (UNOCAM
ci-après), réécrivant ainsi l'article L.182-2 du Code de
la Sécurité Sociale.
Cet organisme qui regroupe des représentants des
mutuelles, des institutions de prévoyance et des sociétés
d'assurance, a pour fonction entre autres d'émettre des avis quant au
choix d'admissions des actes, des prestations et des taux de remboursement. Ces
avis ont une importance considérable car ils vont orienter les
politiques de dépense des organismes complémentaires. Elle est
également associée aux négociations portant sur les
contrats et conventions signés avec les professionnels de santé.
Il va sans dire qu'au regard de la tendance actuelle de recadrage
budgétaire, les avis de l'UNOCAM comme la teneur des accords
signés avec les professionnels de santé ne va pas dans un sens
d'une extension de la couverture du risque maladie. D'ailleurs, la composition
de cet établissement public administratif et les choix
sémantiques l'illustrent bien: la « couverture
maladie » laisse la place à la « gestion »
ou « gouvernance » du risque maladie, et toutes les
structures mises en place s'alignent sur une organisation qui tient du
gouvernement d'entreprise, avec un conseil d'administration et à sa
tête un Président. L'UNOCAM ne fait donc pas exception à la
règle puisqu'elle est composée d'un conseil d'administration
composé de douze membres tous issus des institutions mutualistes,
d'assurance et de prévoyance, à leur tête un
Président choisit parmi ses membres. Un collège de directeurs
regroupant les directeurs de la CNAMTS ainsi que des secteurs libéraux
et agricoles est institué. Conseil d'administration, collège
décisionnel. Ce sont autant de structures que l'on ne s'attend pas a
priori à voir dans un secteur aussi particulier que la couverture
du risque maladie. Et pourtant tel est le cas à l'heure actuelle. Pour
les défenseurs d'une gestion du risque maladie la définition
traditionnelle de la protection sociale est inadéquate à formuler
une « stratégie » (encore un thème
tiré du monde des affaires) efficace pour à la fois
réduire les déséquilibres financiers et promouvoir une
vraie politique de prise en charge de la maladie qui couvrirait l'ensemble de
la population.
Désormais toutes les décisions concernant les
prestations et leur équilibre budgétaire ne ressort plus de la
sphère de l'Etat: le protagoniste politique s'est amputé de cette
fonction qui paradoxalement exerce une influence décisive sur les
débats concernant les politiques budgétaires. Le Léviathan
ne serait donc là uniquement pour mettre en place des cadres
légaux et institutionnels souvent aidé par des acteurs de la
sphère privée (mutuelles, assurances...) qui voient là une
occasion de développer leur champ de compétences. Plus
d'arbitrage, plus de coordination des décisions de la part du
Gouvernement. Alors on pourra objecter que la personne de l'Etat n'est pas
totalement absente de ces nouveaux centres décisionnels au regard
notamment des modes de nomination des directeurs de CNAMTS. Mais là
n'est pas le coeur du problème: l'inconvénient réside dans
le fait qu'il y a une telle dilution des responsabilités qu'au fond on
ne sait plus qui est vraiment responsable de quoi. Enfin, il est
indéniable qu'une conception purement comptable s'est substituée
à l'intérêt des administrés. La Loi organique du 2
Août 2005 le montre bien; sous couvert d'une meilleure lisibilité
au profit du Parlement, cette loi s'aligne totalement sur les schémas
fiscaux et comptables que l'on trouve habituellement dans les lois
d'orientations portant sur les loi de finances.
§2) Analyse de la LFSS de 2006 et son impact sur la
gestion du risque maladie.
La Loi organique du 2 Août 2005 opère une
réforme en profondeur de l'architecture de la Sécurité
Sociale. Cette réforme se caractérise par un renforcement des
pouvoirs du Parlement quant à l'élaboration de la loi de finances
et corrélativement une mise à mal du principe du paritarisme
social.
Présentement, il nous faut nous attarder sur le
caractère essentiel quant au rôle joué par le
Parlement ; les objectifs sont plus détaillés, les
débats plus nombreux notamment du fait du pouvoir d'amendement des
députés et de l'obligation faite au Gouvernement d'adresser au
Parlement un ensemble assez volumineux de documents relatifs notamment au
périmètre de l'ONDAM (qui est l`objectif national des
dépenses de l`assurance maladie, qui indique l'évolution maximale
autorisées des dépenses d'assurance maladie engendrées par
l'activité de chaque branche professionnelles), aux dépenses de
chaque branche de l'assurance-maladie, ou encore aux prévisions
financières retenues dans le cadre du plan pluriannuel (qui concerne les
quatre années à venir). Le Parlement est donc associé
à l'élaboration de la loi dès son origine. Le
contrôle s'est renforcé avec la loi organique du 2 Août 2005
car les députés peuvent saisir la Cour des Comptes pour toute
question relative aux finances de la Sécurité Sociale. Cette
dernière publiera de toute façon un Rapport public qui fera
état de l'application effective des lois de financement de la
Sécurité Sociale, et examinera l'ensemble des comptes des
organismes de sécurité sociale.
La LFSS peut être considérée comme un
réel progrès quant à la participation des
représentants des citoyens sur les finances de Sécurité
Sociale qu'il s'agisse du contenu comme du contrôle. Cependant, des
réserves peuvent être émises. En effet, même si le
rôle du Parlement a été renforcé dans cette
architecture nouvelle comme s'en félicite certains auteurs46(*), c'est justement sur ce point
que le bât blesse ; n'y a-t-il pas le risque de voir ces lois
n'être que le fruit de technocrates dont la plupart n'ont aucun lien avec
la réalité des besoins et la pratique sur le terrain ? En
effet, l'ensemble des débats et des documents produits à cet
effet ne traitent que de notions comptables, d'objectifs résultats,
s'éloignant pour des raisons purement budgétaires, des principes
premiers de la protection sociale. Repenser l'architecture du financement de la
Sécurité Sociale est une nécessité, mais elle ne
doit pas occulter l'importance d'autres données qui peuvent être
sociologiques, ou démographiques. En un mot, ce qui ne n'entre pas dans
une simple catégorie fiscale. Yves Saint Jours exprime très
clairement ces revers.47(*)L'auteur démontre l'écueil des lois de
financement en ce qu'elles ne prennent jamais en compte les besoins
réels sanitaires et sociaux. Le droit à la santé et le
droit des assurés sont des garanties qui ont des fondements
constitutionnels, et l'on ne saurait les remettre en question sous
prétexte de fixer un plafond qui réduirait le déficit de
la Sécurité Sociale, car cela reviendrait à remettre en
cause le principe même des cotisations. Enfin, l'on voit mal comment un
médecin ou un employé d'un organisme de Sécurité
Sociale pourrait expliquer à un malade/assuré qu'il ne pourra
bénéficier de soins donnés au motif que ses cotisations ne
peuvent financer les prestations de santé auxquelles il aurait droit
sans provoquer l'ire (tout à fait justifiée au demeurant) de ce
dernier.
L'objectif avoué de cette réforme est un
rapprochement du système de financement du risque maladie sur le mode de
gestion des lois de finances caractérisées par une
rationalisation des dépenses. La création de commissions
parlementaires destinées à se prononcer sur le bien ou mal
fondé des orientations financières, ou encor l'application de
certaines disposition du Code des Juridictions Financières ( en
particulier l'article L.132-3-1 qui permet à la Cour des Comptes de
mener des enquêtes sur des organismes soumis à son contrôle)
montre à quel point la désolidarisation entre le Droit du Travail
et le Droit de la Sécurité Sociale au profit d'un rapprochement
avec le Droit Fiscal est criante. La recherche d'un sacro-saint
équilibre financier en vue de maîtriser les dépenses
relatives au risque maladie via des mesures telles que la création d'un
dossier médical personnalisé du patient et son suivi non moins
personnalisé, le renforcement des contrôles des arrêts de
travail, ne semble pas avoir été atteint aujourd'hui, bien au
contraire ces mesures génèrent des dépenses une
efficacité très limitée. Mais cela n'empêche
guère les défenseurs de cette conception de soutenir que
là réside le secret d'une meilleure gestion du risque maladie par
un jeu d'écritures comptables et l'utilisation d'une forme de
solidarité un peu hors norme puisqu'elle est instituée par le
marché. C'est dans cet esprit que furent crées les contrats
responsables.
§3) L'émergence des contrats responsables et la
logique de tarification du risque maladie.
Responsabiliser les assurés en augmentant les montants
restant à leurs charges. La prise de conscience doit-elle
forcément passer par un allègement du portefeuille du malade? Il
apparaît bien que oui à en croire l'esprit de la loi du 13
Août 2004 qui institue entre autres choses les contrats dits
« responsables ». Ces derniers ont pour objectif de
limiter les prises en charge de frais qui ne sont pas remboursés par le
régime obligatoire, même en présence de couvertures
complémentaires. Le Législateur ne souhaitant pas
réitérer l'échec de l'expérience du ticket
modérateur, il a donc imposé que le label « contrats
responsables » ne soit délivrés que sous la condition
expresse que les organismes de protection complémentaires proposent des
contrats qui respectent le cahier des charges tel que dégagé par
la loi de 2004, à savoir l'exclusion de toute possibilité de
rembourser les dépassements d'honoraires, ou encore certains actes
cliniques ou techniques comme nous le rappelle l'article R.871-1 du Code de la
Sécurité Sociale, réécrit à la suite de
la présente réforme. La mise en conformité des contrats
existants ou à venir ne dépend du pouvoir politique (en
l'occurrence du pouvoir réglementaire qui liste les interdictions et les
obligations qui incombent aux acteurs de la protection sociale
complémentaire) car comme le rappelle à juste titre
O.Pujolar48(*), il ne
s'agit pas d'interdictions et/ou d'obligations dont la mise en
conformité est d'ordre public. Ce constat va dans le sens de ce qui a
été déjà développé dans cette
étude; que la solidarité par la redistribution est
substituée à une solidarité par le marché dont la
gestion est confiée à quelques entrepreneurs sociaux qui ne
manqueront pas de rappeler que la responsabilité
compétitivité qu'ils souhaitent mettre en place reflète
des devoirs, devoirs qui ne sont que la juste contrepartie des droits que
chaque citoyen possède. Le seul écueil qui vient
sérieusement affaiblir ce raisonnement de comptable, car d'une part les
populations qui bénéficient de protection complémentaires
complètes et efficace, ne seront pas particulièrement
gênées par ces interdictions et majorations. D'autre part, tout le
monde n'est pas titulaire ou bénéficiaire d'une couverture
complémentaire. Que faire de ces personnes qui se trouvent
déjà exclues de nombreux soins du fait de leur cherté et
non prise en charge? Car même les bénéficiaires de la CMU
sont soumis à cette obligation de prendre à leur charge certains
actes médicaux, ce qui peut scandaliser dans la mesure où c'est
justement parce qu'ils n'ont pas de quoi s'offrir une couverture
complémentaire solide qu'ils possèdent la CMU dans le meilleur
des cas.
Penser l'individu comme acteur de choix collectifs
paraît relever d'une intention fort louable car cela l'incite à
s'interroger sur son champ d'action et de la possibilité qu'il a de
maîtriser les dépenses touchant au risque maladie dont il est
victime à défaut de les prévenir. Cependant si le postulat
est intéressant, le mode opératoire laisse dubitatif, car
jusqu'à présent la sélection par le porte-monnaie n'a
jamais donné de résultats probants. Les mêmes risques
d'échecs sont à prévoir pour le régime marocain de
gestion du risque maladie.
Section 2) Les insuffisances certaines de l'Assurance
Maladie Obligatoire.
Le Maroc est à cent lieus d'avoir le même niveau
de développement que la France, et son taux d`exclus est bien
supérieur. C'est sans doute pourquoi il a fallut attendre quasiment 14
années une réforme de son organisation de prise en charge du
risque maladie; les changements de gouvernements et donc d'orientation
politique ont sans doute contribué à ce retard législatif.
Aujourd'hui l'Assurance Médicale Obligatoire a pour but de couvrir
l'ensemble de la population. Mais cette dernière présente une
faiblesse du point de vue de son financement (§1). C'est pourquoi, il est
primordial pour cet État de regarder volontiers vers les sources
internationales pour s'en inspirer (§2).
§1) L'institution de l'Assurance Maladie Obligatoire:
heurts et malheurs d'une réforme ambitieuse.
La réforme du système de prise en charge du
risque maladie au Maroc, est le fruit d'un travail laborieux et d'une longue
attente. Attente qui a commencé en 1992, pour se terminer par l'adoption
d'une loi votée en Novembre 2002 puis de décrets pris en
Août 2005. Cette loi s'applique depuis le 15 Septembre 2005. L'objectif
de cette réforme ambitieuse est de couvrir l'ensemble de la population
contre les risques liés à la maladie; l'AMO se donnait ainsi pour
objectif de permettre aux populations les plus pauvres qui étaient
exclues de toutes couvertures car elles n'appartenaient à aucune
catégorie socio professionnelle ou parce que leurs revenus ne leur
permettaient pas de s'offrir une couverture complémentaire, de se
trouver sur un même pied d'égalité que les personnes
bénéficiaires d'une telle protection. Une réforme de
grande ampleur donc au regard de la population touchée, mais aussi au
regard des risques couverts car l'AMO entend ni plus ni moins couvrir ce que la
loi appelle les ALD (affections de longue durée), qui sont les plus
coûteuses généralement.
Toutefois il y a de fortes chances que le Législateur
ne revoit ses ambitions à la baisse, car il semble qu'un
élément essentiel ait été oublié par cette
loi de Novembre 2002. : Son financement. Certes dans sa
présentation, l'AMO prévoit un prélèvement de 4%
sur le salaire brut, taux qui serait supporté pour moitié par le
salarié et l'employeur pour l'autre moitié. De même, la
CNSS est elle aussi appelée à mettre la main à la poche
puisque 6.5% des excédents bruts dégagés par la branche
allocations familiales seront affectés au financement de l'AMO. Enfin,
la loi prévoit que les dons, legs et tout autre produit financier
tiré de la gestion du patrimoine de l'AMO.
Les sources de financement montrent combien l'Etat marocain
est absent et du même coup c'est toute volonté de mettre en place
d'un véritable système prenant en charge les risques maladies des
populations les plus pauvres qui fait défaut. Le Maroc est classé
par l'Organisation Mondiale de la Santé comme un pays
intermédiaire, et, à ce titre, il paraîtrait logique que
dans un premier temps celui-ci se caractérise par une forte
présence pour remettre sur pied ses structures de santé, car
à l'heure actuelle les hôpitaux publics sont dans un état
désolant et n'offrent pas faute de moyens les soins auxquels peuvent
légitimement s'attendre les administrés, en particulier ceux ne
bénéficiant pas de couverture complémentaire. De plus, au
regard de la gestion de l'AMO, un déséquilibre se profile
à la fois sur les capacités financières et sur les
populations protégées. En effet, la part de l'AMO qui touchera le
secteur public sera gérée par la CNOPS tandis que la CNSS se
verra la rude tâche de gérer les salariés du secteur
privés aux revenus moins réguliers, moins élevés et
surtout moins nombreux que leur confères du public. Ce partage est
d'autant plus aberrant que les premiers sont déjà couverts pour
le risque maladie car c'est une obligation de bénéficier d'une
couverture complémentaire (le plus souvent ce sera une mutuelle). On
peut alors s'interroger sur la finalité de l'AMO pour des personnes qui
a priori n'en ont pas besoin et qui en plus ne participent
pas à son financement (car rappelons-le, l'AMO est financée entre
autre sources sur les cotisations des salariés et employeurs du secteur
privé et les excédents
générés par la branche allocations familiales de la CNSS).
Une participation des organismes privés constituerait un excellent moyen
de pallier le défaut de toute imposition, et permettrait de mettre en
place un vrai système de type béverigdien comme c'est le souhait
du législateur. Après tout puisque le Maroc regarde beaucoup du
coté de la France et des institutions monétaires internationales
telles que la Banque Mondiale, et tous s'accordent à affirmer que la
solidarité par le marché est une forme de contrepartie aux droits
qu'ont les citoyens, et qu'il faut les responsabiliser. Il est normal et juste
que cette logique s'applique aux protagonistes qui auront le lourd mandat de
prendre en charge la mise en place et la pérennité de ce
système.
L'accent est mis sur le rôle important joué par
les organismes mutualistes et d'assurance privée, permettant à
l'Etat de se délester d'une fonction pourtant vitale dans un pays comme
le Maroc, et ceci au détriment de toute réelle politique
sanitaire et sociale. La seule alternative intéressant réside
dans la possibilité pour le Royaume chérifien de se tourner vers
les textes internationaux traitant de la Sécurité Sociale car ces
derniers offrent tout de même un « filer social » qui
pourra servir de socle pour une protection pérenne.
§2) L'importance des textes internationaux touchant
au risque maladie.
Nombre d'instruments internationaux adoptés par l'OIT
et par les Nations Unies proclament que tout être humain a droit à
la Sécurité Sociale. Ainsi la Déclaration de Philadelphie
(que le Maroc a ratifié) pose comme une obligation de la part de l'OIT
de promouvoir « l'extension des mesures de sécurité
sociale en vue d'assurer un revenu de base à tous ceux qui ont besoin
d'une telle protection, ainsi que de soins médicaux
complets ». De même le Pacte international de l'ONU portant sur
les droits économiques sociaux et culturels en son article 9
reconnaît « le droit de toute personne à la
sécurité sociale, y compris les assurances sociales »,
ce qui se situe en droite ligne de ce que posait déjà la
très importante Convention n°102 de l'OIT de 1952 qui posait des
normes standard notamment en matière de couverture du risque maladie. Il
va sans dire que la mise en pratique de ce droit exige une participation plus
qu'active des Etats, et des organisations internationales si le besoin s'en
fait sentir. Pour ce qui est du Maroc, il faut commencer par rappeler que
celui-ci n'a ratifié qu'un seul des textes énoncés en
début de développement, la Déclaration de Philadelphie en
l'occurrence. Ce texte important dans sa portée paraît
néanmoins insuffisant pour ce qui est de la mise en oeuvre d'un
système viable de couverture du risque maladie.
Il est impossible de demander au système marocain de
protection sociale plus qu'il ne peut donner en l'état actuel de son
développement, c'est pourquoi il est primordial pour cet Etat que
celui-ci se décide enfin à ratifier la Convention n° 102 qui
pose des minima en matière de maladie. Bien que ces normes ne soient
vues seulement comme de minces filets sociaux, elles pourraient constituer une
base de départ pour ce qui peut être un système de prise en
charge du risque maladie à vocation universaliste ce qui
atténuerait la pauvreté et contribuerait à une meilleure
participation des revenus. Pour ce faire, l'Etat marocain peut tout à
fait regarder du coté de l'OIT qui entre autre fonction assure une
mission d'assistance au profit des pays souhaitant développer leur
système de couverture sociale. Ainsi l'organisation internationale
propose plusieurs façon d'opérer49(*): elle propose une approche progressive, qui à
chaque étape serait intégrés des acteurs de plus en plus
importants en terme numérique et financier comme le nombre
d`assurés. Elle propose donc de commencer par le développement de
la pratique de la micro assurance qui est une pratique inspirée du micro
crédit. Ici, la micro assurance renvoie à l'aptitude de
gérer des flux de trésorerie modestes. L'Etat aura de son
coté le devoir de promouvoir cette micro assurance par divers moyens
tels que des incitations fiscale, des prêts et subventions, ou encore la
mise en place d'un cadre législatif approprié. Si ces
propositions sont intéressantes parce qu'elles tiennent compte du fait
que les pays prêts à faire appel à ces méthodes sont
fort peu développés (des pays
« intermédiaires » pour utiliser l'euphémisme
terminologique de la Banque Mondiale), elles présentent néanmoins
des lacunes en ce qu'elles postulent que les personnes qui vont en
bénéficier sont forcément des travailleurs. Elles ne
prévoient rien pour les populations dans l'indigence la plus totale,
alors même que ce sont ces dernières qui ont le plus besoin de
cette extension de la couverture maladie. Avoir une bonne santé peut
être aussi être un facteur de départ à la
réinsertion dans le secteur de l'emploi. Le travail c'est la
santé nous dit l'adage populaire, mais qu'en est-il de ceux qui n'ont
pas de santé ni de travail? Il semble qu'ils ne soient pas
intégrés dans les programmes des organisations internationales.
Dans le cas particulier du Maroc, il est capital que ce dernier ratifie de
toute urgence la Convention n° 102 de l'OIT et s'inspire des propositions
de l'organisation, mais en les adaptant aux besoins de sa population, et en
recherchant de sont coté des solutions de financement qui satisfasse
tout le monde. Ainsi, pourquoi ne pas songer à mettre en place une sorte
de taxe qui s'appliquerait à toute personne entrant sur le territoire
marocain et destinée uniquement à financer le programme
d'assurance maladie obligatoire, comme ce fut le cas pour la construction de la
mosquée Hassan II de Casablanca? Les travaux titanesques de cette
mosquée ont été financés en grande partie par une
sorte de droit d'entrée sur le territoire marocain. Et comme le Maroc
tire ses ressources pour partie de la fréquentation touristique, cela
permettrait de fixer un montant raisonnable et qui n'effarouche ni les
touristes ni les couches plus aisées qui face à une nouvelle
gabelle ne soient tentés d'organiser leur évasion fiscale. De
cette manière le système de l'AMO est assuré d'avoir les
ressources nécessaires à la fois pour étendre ses
prestations aux populations les plus indigentes, et aussi pourquoi pour
développer son volet sanitaire et social surtout en amenant
progressivement les bénéficiaires à se
réinsérer dans la vie active par des plans réels
d'accompagnement vers l'emploi. Le développement sanitaire et social du
pays passerait donc par d'autres canaux que celui de l'argent et de la
flexibilité au mépris des droits sociaux les plus fondamentaux
dont la prise en charge du risque maladie fait partie.
Récemment un certain groupe bancaire et financier avait
mené une campagne d'affiches publicitaires vantant les mérites
dudit groupe parce que celui-ci sait prendre en compte les besoins et les
attentes particulières de ses clients à travers le monde50(*). Les affiches montraient
notamment une poignée de main avec une courte légende expliquant
que ce signe reflétant les règles élémentaires de
bienséance en Europe, était au contraire extrêmement mal
perçu en Asie. Morale de l'histoire: il est plus qu'important
aujourd'hui de prendre en compte les particularismes culturels pour une
meilleure adaptation des projets que l'on compte mettre en place.
Ce qui est vrai pour le monde merveilleux des affaires, l'est
aussi pour la sphère non moins merveilleuse du droit social que ce soit
les relations collectives de travail ou la protection sociale. On ne
négocie pas de la même manière selon que l'on soit
héritier d'une culture de la confrontation comme en France par exemple,
ou une culture plutôt tournée vers la cogestion et la
prévention des conflits comme dans les pays d'Europe du Nord type
Suède ou Danemark. Dans la réflexion que nous menons ici, ce
qu'il est important de démonter c'est qu'en dépit d'une
interaction existante entre la France et le Maroc dans la question de la prise
en charge du risque maladie, se serait se méprendre que de ne pas tenir
compte des particularismes culturels. Ils sont présents et jouent un
rôle parfois déterminant dans les questions sociales. Il convient
aujourd'hui de réfléchir aux relais légaux que l'on peut
mettre en place pour une meilleure prise en compte des particularismes et une
réactivation des solidarités (Chapitre II).
Chapitre II) Quels relais légaux pour une
meilleure prise en compte des particularismes et une réactivation des
solidarités?
Dans un système économique mondial où le
modèle de l'Etat-Nation est mis à mal parce que inadapté
pour faire face aux phénomènes transnationaux, il apparaît
primordial de repenser de nouveaux modes de solidarités dans le domaine
du risque maladie. Un modèle qui ne jure pas par le marché, mais
plutôt une nouvelle forme de gouvernement des risques, un remodelage
institutionnel dans lequel il faut définir la part des tâches qui
incombent à chaque protagoniste. Cette entreprise ne postulera pas des
mêmes éléments en France et au Maroc. Dans ce dernier le
lien entre le Droit et la Religion est plus intime (Section 1). Tandis qu'en
France, la toute puissance de la norme ayant montré ses limites, il faut
se demander comment en sortir (Section 2).
Section 1) Le lien intime entre le Droit et la Religion au
Maroc.
Contrairement à la France, le Maroc est une Monarchie
qui a une religion d'Etat, l'Islam. La place prépondérante
occupée par le Coran dans l'édification du droit musulman et
particulièrement dans le domaine de la protection du risque maladie
n'étonnera pas donc (§1).
§1) L'importance du Droit musulman.
Les développements portant sur le droit musulman quant
à l'organisation de la Cité et notamment à la gestion de
la prise en charge du risque social qu'est la maladie, nous ont permis de
montrer que préalablement à la période du Protectorat, il
existait déjà une forme de solidarité entre les sujets de
droit musulman même si cette dernière n'était pas
instituée dans un cadre légal. Elle se caractérisait par
une généralisation de la protection accordée aux sujets de
droit, sans condition d'appartenance socio professionnelle. La présence
française va jeter les bases d'une nouvelle philosophie de la protection
qui va bousculer les habitudes des marocains. La prise en charge du risque
maladie va être déterminée selon l'appartenance
catégorielle du bénéficiaire. Celui n'exerçant pas
d'activité professionnelle est donc exclu de toute logique de
protection. Un développement des groupes mutualistes va laisser de
profondes traces dans la gestion du risque maladie par le droit marocain,
celui-ci se référant plus volontiers à une notion
éminemment européenne du risque maladie et de sa prise en charge.
Il s'agit moins de faire le procès du Législateur marocain que de
démonter qu'il s'est appuyé sur une culture qui n'était
pas la sienne, sur une culture largement imposée par l'ancien
colonisateur. Si cela pouvait se comprendre au lendemain de
l'Indépendance, cette justification est en déclin aujourd'hui car
les normes de référence sont inadéquates aujourd'hui eut
égard à aux traits particuliers de la société
marocaine. Au lieu d'une culture aliénante et inappropriée quant
à la gestion du risque maladie, il convient de rechercher une culture
juridique maghrébine en ce domaine. Il ne s'agit pas ici d'affirmer que
la solution se trouve dans un repli sur soi et un rejet des influences
extérieures puisque ces influences ont déjà eut lieu (la
diversité de la cuisine de la musique marocaine) en témoignent,
mais force est de reconnaître les limites du modèle
importé en ce qu'il exclut une grande partie de la population du pays.
L'application des principes tirés de l'exégèse du Coran en
matière de logement, d'éducation, de droit patrimonial de la
famille, et ce qui nous intéresse ici la mise en place d'une couverture
généralisée du risque maladie, peut constituer une piste
de réflexion intéressante pour favoriser l'émergence d'une
vraie protection de type universaliste telle que l'on a pu la retrouver dans la
doctrine de Sir Beveridge lors de l'élaboration du système de
protection sociale en Grande Bretagne. Cette approche servira à
contribuer à l'apparition d'une véritable conception humaine et
solidaire de la gestion du risque maladie, une vision qui s'inspire de
principes fondamentaux des droits de l'homme conformément aux
préceptes musulmans et par là, conformément aux
préceptes propres à la civilisation maghrébine.
Donner un cadre légal a des pratiques dont le respect
est aussi important que d'effectuer son pèlerinage ou les cinq
prières quotidiennes relève d'un enjeu fondé sur une
solidarité réelle. La Zakate, l'entraide familiale sont autant de
pratiques qui jouent un rôle non négligeable dans le
développement de la couverture du risque maladie. A partir de ce constat
il serait aisé pour le Législateur de réfléchir
à un cadre légal à ces méthodes de gestion du
risque maladie d'autant que les sources constitutionnelles, religieuses,
légales sont en totale interaction les unes avec les autres. Enfin cela
correspondrait plus à la typologie de la société
marocaine. Ce sont des us qui existent déjà, la loi se
contenterait de leur donner une existence légale ce qui renforcerait
leur portée.
Le Maroc a longtemps regardé vers l'Europe et la France
en particulier pour ce qui était de la gestion de la couverture maladie,
car la norme semblait être la seule réponse. Elle montre
aujourd'hui que sa toute puissance est bien relative.
Section2) En France, comment sortir de la toute puissance
de la norme:
Les développements de Bertrand Badie à propos de
la fin des territoires et de l'effritement des institutions traditionnelles ne
s'applique pas uniquement aux relations internationales. Elles trouvent une
illustration en droit interne également avec l'existence d'une
volonté d'institutionnaliser les formes de solidarités (type
solidarités familiales) qui existent déjà dans les faits,
et leur donner un fondement légal (§1).
§1) La nécessité d'institutionnaliser
les solidarités déjà existantes.
L'analyse des lois de finances de la Sécurité
Sociale, de même que les différentes mesures qui ont
été prises pour réformer le système de couverture
du risque maladie, montrent combien la norme est pensée comme seule et
unique source pour tous les problèmes touchant à la politique de
santé en France. Cependant, il apparaît que le remède soit
pire que le mal, car malgré cette omniprésence de la Loi cette
dernière semble inadaptée aux problèmes qui se posent
quant à la gestion du risque social.
En effet, la conception française accorde à la
norme une place de premier choix. Celle-ci est élaborée sur le
même schéma: un seul objectif, celui de réduire coûte
que coûte les dépenses publiques. Des légions de tableaux
représentants des objectifs à atteindre, d'autres à ne pas
dépasser sont chaque année présentés
accompagnés de masses de documents comptables et fiscaux. La norme est
pensée, votée de manière totalement hermétique, ne
laissant aucune place pour l'individu et les formes alternatives de
solidarités, telle que la solidarité familiale. Celle-ci
constitue parfois une alternative pour la personne démunie de toute
protection en cas de maladie. Et cela se vérifie avec plus de force
encore lorsque la personne visée n'appartient à aucune
catégorie socio professionnelle. Il peut sembler étrange que l'on
choisisse d'axer la question de la prise en charge du risque maladie vers une
conception moins normative et plus humaine. Mais n'est-ce pas tout aussi
étrange que dans un pays qui se trouve siéger parmi les 8
puissances économiques mondiales, il y ait une dualisation aussi
fortement accentuée quant à l'accès aux soins en cas de
survenance de la maladie? La « fracture sociale », pour
reprendre un thème cher au Chef de l'Etat, ne se réduit pas elle
continue de se creuser à en croire les prévisions de l'exercice
2005 de la Sécurité Sociale. La réponse purement
législative s'est à chaque fois révélée
inadapté comme réponse. Et il n'existe à l'heure actuelle
aucune volonté de regarder ailleurs, vers d'autres modes de rapports
sociaux, d'autres façons de penser le risque maladie. Certains auteurs
avaient préconisé de se tourner vers l'instauration d'une
allocation universelle. Cette idée est fondée sur la disparition
de toute condition de ressources et/ou de rattachement à l'obligation de
travailler. Elle consiste dans le versement d'une allocation universelle de
base, dont l'impôt sur le revenu reprendrait une fraction à mesure
que les revenus dans le foyer augmentent et donc que l'allocation perdrait
ainsi toute utilité.
La protection sociale est en constante évolution et son
orientation future dépend souvent de son histoire passée. L'un
des buts premier de la protection du risque maladie ne consiste pas en la
simple survie de l'assuré par l'octroi d'une somme le plus souvent
insuffisante pour vivre dignement, mais bien dans l'insertion de l'individu qui
en bénéficie dans la société civile et au respect
de sa condition d'être humain. C'est pourquoi, à l'heure où
l'exercice de la Sécurité Sociale sont une fois de plus
déficitaires malgré les innombrables « plans de
redressements » et autre orientations financières, il incombe
au Législateur d'accepter de regarder dans d'autres directions pour
assurer une couverture maladie viable et vraiment
généralisée. Il serait intéressant que la donne
s'inverse, et que ce soit la France qui s'inspire du système marocain,
du moins de la philosophie de certaines de ses sources pour repenser son
architecture du risque maladie.
Similitudes, différences d'approches, fondements
religieux et constitutionnels... Nous avons pu constater que ces derniers se
rejoignaient sur le fait qu'ils faisaient tous deux appel à la fois aux
acteurs de la sphère publique comme ceux du secteur privé pour
gérer le risque maladie. Similitudes aussi dans le fait que ce sont les
acteurs économiques les plus pauvres qui ne bénéficient
pas d'une protection adéquate en cas de risque maladie. Ce qui frappe
également, c'est le manque d'interaction développée entre
les différentes branches de la protection sociale. Celle-ci (une
coopération poussée) permettrait de compenser les aléas
financiers de l'une ou l'autre branche. Le développement à propos
de l'AMO au Maroc et qui a montré la fragilité financière
de ce système, nous permet d'appuyer cette affirmation.
Il est toujours difficile de tenter de résumer sa
pensée en quelques lignes surtout lorsque le sujet étudié
est aussi vaste et vivant que la couverture du risque maladie dans le droit
comparé entre la France et le Maroc. Difficile car au fond c'est un
débat qui n'est jamais terminé eut égard à la
grande fluctuation des orientations politiques, mais surtout de la notion
même de « risque social » qui ne couvre plus le
même champ qu'il y a quelques années. Si au XIXème
siècle le risque social était celui qui était acceptable
car indemnisable, la notion a mue vers le milieu du XXème siècle
pour reconnaître au risque social l'idée qu'il serait pris en
charge dès lors qu'il est imputable. Et les grands drames de
santé publique tels que la crise dite de « la vache
folle » ou du « sang contaminé » illustre
bien ce propos, car il y avait là l'idée d'identifier l'auteur de
la production de ce risque, d'assurer un suivi et de procéder à
la prise en charge.
Aujourd'hui, la sécurité sociale ne se contente
plus de soulager les misères de notre époque à partir de
règles qu'on lui aura édicté. Elle doit élaborer
des mesures propres à maintenir la santé et la protection sociale
et économique des administrés, et elle y parvient tant bien que
mal à partir du jeu des dispositifs de la sécurité sociale
et surtout de son volet assurantiel. Ces choix en faveur d'une politique
plutôt qu'une autre se trouvent guidés par des facteurs non plus
seulement juridiques, mais aussi par des facteurs relevant de la
médecine, de la psychologie ou de la sociologie. C'est donc un domaine
à la croisée de plusieurs disciplines, qui de par son
évolution et les questions qu'il soulève, entre de plein pied
dans le cadre de la recherche universitaire. C'est souvent dans ses lieux que
est élaborées ce qui sera le début de la réponse
recherchée par le politique. Toutefois, la réflexion dans le
domaine de la Sécurité Sociale présente
l'inconvénient de s'exercer dans de modestes limites par rapport
à d'autres sphères du droit. Et cela est encore plus vrai lorsque
la réflexion implique une acception comparative. Mais la force cette
branche du droit social réside dans son caractère vivant et dans
le réseau qu'elle a su tisser avec les praticiens de l'administration de
la Sécurité Sociale. L'avenir nous dira si à long terme,
ce mariage entre le savant et le politique s'est révélé
fructueux ou tout simplement un mariage de raison.
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« Les pensions de sécurité sociale au Maghreb :
une étude sur les cas du Maroc et de la Tunisie »,
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· Rachid Filali Meknassi:
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Maroc » (publication faite dans le cadre d'une coopération
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· Johannes Jûtting :
« Systèmes de sécurité sociale dans les pays
à faibles revenu : concepts, limites et besoin de la
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· Sonia Laguaguena :
« Articulation entre AMO et AMC », rapport
présenté dans le cadre des conférences d'actualité
du droit de la protection sociale, organisées dans le cadre du Master
Recherche de Droit du Travail et de la Protection Sociale, promotion
2005-2006.
· Jean-Philippe Monmousseau :
« La loi organique du 2 Août 2005, et le
financement de la Sécurité Sociale »,
présentation effectuée lors des conférences portant sur la
protection sociale dans le cadre du Master Recherche Droit du Travail et de la
Protection Sociale, promotion 2005-2006.
· Rémi Pellet :
« L'équilibre financier de l'assurance maladie
après la loi du 13 Août 2003 » Droit Social,
Novembre 2003, p ; 979.
· Georg Wannegat :
« La Sécurité Sociale dans l'enseignement et la
recherche », RISS, n° 1-2, 1072.
* 1 P.Durand la
politique contemporaine de sécurité sociale, Dalloz 1953.
* 2 Selon le dernier
recensement de la population que eut lieu en 2002.
* 3 Otto Von Bismarck,
homme d'État Prussien (1815-1898). Premier Ministre du Roi Guillaume
II, et vainqueur de la guerre qui opposa la Prusse à la France en
1871.
* 4 P. Morvan, Droit de
la protection sociale, Litec, 2005, coll. Manuels
* 5 J-J Dupeyroux (dir.),
Droit de la Sécurité Sociale, Dalloz, 2005 coll.
Précis.
* 6 F.Kessler, Droit
de la protection sociale, Dalloz 2005, p. 126.
* 7 J-J Dupeyroux (dir.),
op. Cit. p.395.
* 8 En effet, le nouvel
article 137 adopte une rédaction qui laisse pour le moins songeur,
puisqu'il dispose que les diverses initiatives prisent par les Etats membres en
matière de protection sociale et de lutte contre l'exclusion, le sont
« à l'exclusion de toute harmonisation des dispositions
législatives et réglementaires des Etats membres ». De
plus, le paragraphe 4 du même article précise que les dispositions
« ne portent pas atteinte à la faculté reconnue aux
Etats membres de définir les principes fondamentaux de leur
système de sécurité sociale, et ne doivent pas en affecter
sensiblement l'équilibre financier ».
* 9 J-P Laborde, Droit
de la Sécurité Sociale, PUF, 2005, p.209.
* 10 J-P Laborde, op.
Cit. p.210.
* 11 J.Godechot, Les
Constitutions de la France depuis 1789, Flammarion, 1995.
* 12 F. Kessler, op
cit, p.153.
* 13 CF :
décision du Conseil Constitutionnel n° 80-117 DC du 22 Juillet
1980.
* 14 J.J Dupeyroux (dir.)
op. cit.p.372.
* 15 CF ; Loi n°
96-138 du 22 Févier 1996 instituant les lois de financement de la
Sécurité Sociale
* 16 CF : Loi
Organique n° 96-646 du 22 Juillet 1996, relative aux lois de financement
de Sécurité Sociale.
* 17 Voir par exemple la
tentative en 1987 de Michel d'Ornano alors Président de la Commission
des Finances à l'Assemblée et à l'origine d'une Loi
Organique qui proposait un contrôle du Parlement sur les finances de la
Sécurité Sociale
* 18 CF : O. Pujolar,
Présentation de la loi organique du 2 Août 2005 relative aux lois
de financement de sécurité sociale ,
LEXBASE HEBDO n°179- EDITION SOCIALE.
* 19 Pour exemple,
l'Ordonnance du 24 Avril 1996 qui organise la Sécurité Sociale
* 20 CF : Cons.const
du 8 Août 1985.
* 21 CF :
A.Boudahrain, La Sécurité Sociale au Maghreb du nouveau
millénaire : carences et défis. Tome I Maroc,
éditions Al Madariss, 2001.
* 22 La déclaration
de 1977 pose quatre grands principes qui seront repris par la dernière
déclaration en date, celle de 1998. Ces principes sont les
suivants : liberté syndicale et droit d'action collective,
prohibition du travail des enfants, prohibition du travail forcé,
élimination de la discrimination dans l'accès à
l'emploi
* 23 Voir annexe 3.
* 24 Cette remarque fait
référence à une Sourate particulière du Coran, qui
a servi à la rédaction de la présente norme. Il s'agit de
la Sourate 33, verset 72, dite « des coalisés » (Al
-Azhab) et qui dispose « (...) Nous avons proposé le
dépôt de la foi aux cieux, à la terre et à la
montagne. Ceux-ci ont refusé de s'en charger, ils en ont
été effrayés. Seul l'Homme s'en est chargé
(...) ».
* 25 Un
éclaircissement doit être apporté quant au terme
« Dahir » car c'est un acte qui revêt une grande
importance surtout en matière protection sociale. Le dahir était
un acte qui émanait du Souverain en tant que source Législative
et Exécutive, puisque avant l'instauration d'un Parlement en 1977, le
Souverain était aussi détenteur du pouvoir Législatif. Il
y avait donc une vraie confusion des pouvoirs entre les mains du Monarque.
Aujourd'hui, la Constitution prévoit en son article 29 que le Roi exerce
donc les pouvoirs que lui procurent la Constitution par voie de Dahirs (pouvoir
de nomination, de droit de grâce, de dissolution des Chambres...). Ces
actes sont donc à mi-chemin entre le Décret et les pouvoirs
propres du Président pour rester dans une acception comparative avec la
France.
* 26 Le Hadith est un
terme qui signifie « conversation/récit ». Il vise
les recueils des actes et des paroles de Mahomet et de ses compagnons à
propos de commentaires de versets du Coran et/ou de règles de conduite.
* 27 Ces idées ont
postulé à la rédaction de la Déclaration du Caire
sur les Droits de l'Homme en Islam.
* 28 Voir Annexe 4.
* 29 Voir
développements supra.
* 30 M. Rousset,
indépendance nationale et système juridique au Maroc,
Presses Universitaires de Grenoble, 2000.
* 31 B.Badie, l'Etat
importé et, La fin des territoires, chez Fayard,
respectivement 1992 et 1998.
* 32 P. Louis Bras a
occupé le poste de Directeur de la Sécurité Sociale au
Ministère de l'Emploi et de la Solidarité, pour la période
2000-2002. Il est aussi l'auteur d'un article intitulé
« Notre système de soins sera-t-il mieux
gouverné ? », dans la revue Droit Social de Novembre
2004, p.967.
* 33 Nous ne nous
attarderons pas sur l'UNOCAM ici, car celle-ci fera l'objet d'un
développement plus loin dans cette étude.
* 34 Voir annexe 5.
* 35 Cette affirmation qui
peut être paraître audacieuse se justifie. En effet, l'examen des
conventions de l'OIT n°67 sur la garantie des moyens d'existence rappelle
que « la gestion des assurances sociales devrait être
unifiée ou coordonnée dans un système
général de services de sécurité sociale et les
cotisants devraient être représentés par l'entremise de
leurs organisations (...) ». De plus, la très
célèbre convention n° 102 de l'OIT dispose que
« lorsque l'administration n'est pas assurée par une
institution réglementée par les autorités publiques ou par
un département gouvernemental responsable devant un Parlement, des
représentants des personnes protégées doivent participer
à l'administration ou y être associés avec pouvoir
consultatif dans des conditions prescrites (...) ».
* 36 Les pathologies qui
sont prises en charge par l'AMO sont toutes répertoriées dans un
tableau.
* 37 G.Carrin
« l'assurance sociale maladie dans les pays en voie de
développement : un défi
permanent », RISS, n°2/2002, p/73.
* 38 Crée par un
décret royal de 1966, ses membres sont nommés par le Roi pour une
durée de 3ans, et se réunit environ 2 fois par an sur convocation
de son président
* 39 CF : voir annexe
6.
* 40 E.Alfandari
« l'évolution de la notion du risque
social », Revue Internationale de Droit Economique, 1997,
p.9.
* 41 CF :
« Société Générale »,
Cass. Soc 13 Novembre 1996, droit social 1996, p.1067, avec les conclusions de
J.J Dupeyroux.
* 42 CF:
« Barrat c/Société anonyme « Ecoles des
Roches », avec les conclusions de J. Cabannes dans Dalloz 1983,
p.381.
* 43 Ainsi par exemple
l'article L.324-1 qui dispose que les indemnités pourront être
versées pendant 3ans. Ou encore l'article L.323-6 qui impose à
l'assuré social de respecter les obligations du médecin et de se
soumettre aux contrôles organisés par le service du contrôle
médical. Toutes ces dispositions assez particulières
témoignent de la grande diversité des sources et des situations
quant aux prestations en espèces.
* 44 J.J Dupeyroux, M.Borgetto,
R.Ruellan, R.Lafore op. Cit.
* 45 Plusieurs excellentes
de doctrine offrent des développements intéressants su la
question. La plus récents et la plus complète selon nous, est
celle de Laurence Jegouzo dans la revue de droit sanitaire et social
n°2/2005, p. 253.
* 46 B.Duarte, la loi
organique du 2 Août 2005 ou la revalorisation du rôle du Parlement
en matière de lois de financement de Sécurité Sociale,
Droit Social Mai 2005, p.522.
* 47 Y.Saint-Jours,
op.cit.
* 48 O.Pujolar Assurance
maladie complémentaire: les contrats responsables enfin
réglementés, LEXBASE HEBDO édition sociale
n°186 du jeudi 8 Octobre 2005.
* 49 CF:
Sécurité Sociale, un nouveau consensus, rapport de l'OIT
publié en 2002. Le rapport est disponible sur le site Internet de
l'organisation.
* 50 Il s'agit du groupe HSBC
(Hong Kong Shanghai Bank Corporation). Cette campagne fut menée en
Grande Bretagne principalement où l'impact culturel est fortement pris
en compte dans la négociation et la signature des contrats.
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