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L'identité et le spectacle vivant à La Réunion

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par Virginie Verbaere
Université Aix-Marseille III - Administration des Institutions Culturelles 2004
  

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Le Centre Dramatique de l'Océan Indien

Des créations originales ainsi que des adaptations en créole ont été réalisées au théâtre contemporain du grand marché sous la direction de Ahmed Madani telles que « Dokter Kontroker » et « l'avis lo mor » ou encore « Légendes créoles ». Son principal objectif est de mettre en place des actions de coopération régionale dans le domaine théâtral. D'abord de centre dramatique « de la Réunion », il est devenu «  de l'Océan Indien ». L'appellation n'est pas innocente. A la Martinique, le centre s'appelle « de la Martinique ». Pour les uns, elle prouve la volonté de s'intégrer dans un environnement géopolitique. Pour les autres, c'est une façon de renforcer l'influence de la France dans la région et de mettre à distance une culture Créole pour s'en remettre à un modèle métropolitain, sinon à une culture universelle. L'appellation est confirmée par les objectifs du centre et de monsieur Madani qui prône le recours aux ethnies et aux cultures d'origine, « Il est arrivé et arrive encore à l'île d'être mal dans sa peau par refus de ses racines et de son identité ». Aux yeux des métropolitains qui sont ici de passage il y a des cultures indiennes, chinoise, africaines mais aussi une culture créole. Il y a le métissage et également une cohérence entre «  peuples qui forment la Réunion » et « s'enrichissent mutuellement de leurs différences ». En ce qui concerne la création, le véritables objectif du centre est de faire une programmation annonçant des co-productions avec l'essentiel des compagnies réunionnaises. Mais la concurrence est rude et la création locale doit faire face à « une surenchère des importations ». Le centre doit alors avoir pour mission d'être un « outil pluriel » qui favorise la culture réunionnaise tout en favorisant l'expression artistique de la zone Océan Indien.

Le Théâtre Vollard

Un article paru dans le journal de l'île (JIR) en mai 2004 et écrit par Emmanuel Genvrin le directeur du théâtre Vollard avait attiré notre attention. Il faisait état des créations théâtrales sur l'île fustigeant au passage les compagnies en leur reprochant de ne faire que des adaptations en langue Française des oeuvres du répertoire classique. Il préconisait un théâtre réunionnais plus proche de la société. Cet article faisait écho à celui, publié en 1980 dans Le Quotidien et dont voici un extrait : «  Il n'y a pas de théâtre réunionnais, il existe des textes qui ont parfois une valeur, il existe des auteurs qu'il faut encourager, il n'existe pas d'oeuvre qui mériterait d'être présentée lors d'un festival...le théâtre réunionnais est à venir... ». Aujourd'hui la situation n'a-t-elle donc pas vraiment changé ?

Nous avons rencontré l'auteur et metteur en scène Emmanuel Genvrin. Il fonde le théâtre Vollard en 1979. «  Nous somme nés à la fin des années soixantes-dix, comme Ziskakan, comme Danyel Waro, et avons accompagné une génération en mal de révolte et d'identité. Dans une île passée en vingt ans du moyen âge colonial à la société de consommation, les chocs ont été rudes et les conflits nombreux...l'administration nous étranglait...nous avons soutenu les motivations de la révolte du Chaudron ». Emmanuel Genvrin n'a cessé de se demander s'il fallait se taire ? Eviter la politique ? Ne faire que du théâtre ? « Aujourd'hui grâce aux combats, l'histoire de l'île n'est plus occultée et une culture nouvelle est née. »

Il nous explique que « Marie Dessembre », « Nina Ségamour », « Etuve », « Lepervenche », « Votez Ubu Colonial » sont autant de jalons dans l'itinéraire de la compagnie. Ces pièces ont connu un succès se comptant en milliers de spectateurs. Elles ont fondé un style propre au théâtre Vollard et ont eu une influence au-delà de la vie culturelle pour toucher l'opinion publique ou l'actualité politique et témoigner d'un passé souvent occulté de l'île. Elle s'inscrit aujourd'hui dans la mémoire collective. Pour faire sa pub et attirer l'attention, pour contester les systèmes politiques mis en place, la troupe Vollard a crée des événements, manié des symboles et multiplié les provocations. Par exemple, le slogan «  quelle culture ? » inscrit sur la façade du théâtre Vollard était dédié à la ville de St-Denis. Elle est régulièrement reprise par les médias, les partisans de la culture créole et tous ceux qui veulent protester contre les politiques culturelles en place.

Puis la compagnie est sortie de ses quatre murs et du territoire pour s'ouvrir à la métropole. « Tôt ou tard une troupe de théâtre doit se frotter à Paris ». Emmanuel Grenvin pense que c'est là que sont les décideurs, les médias qui comptent. Le public est exigeant, cosmopolite et il n'y a pas de tricherie. Le metteur en scène nous dit sa volonté de créer une atmosphère dans ses pièces grâce à la danse, au chant et à la musique proprement réunionnaises (séga, maloya) ou d'inspiration africaine. Quant à l'utilisation du créole, il a fait l'effet d'une dynamite en 1981 pour la première grande création car il n'était plus la référence plaisante et grotesque mais un parler naturel. Un certain public hostile au théâtre Vollard lui reprochait l'usage du créole sur scène alors que la langue était réservée au quotidien, banni des écoles et de l'expression artistique. Ce débat est encore d'actualité mais amenuisé par la généralisation qui en a été faite par la suite dans toutes les formes artistiques à revendication identitaire. « Au théâtre c'est un plaisir d'utiliser les qualités poétiques du créole, langue métaphorique, porteuse d'émotions, d'humour dans la saveur crue et imagée des dialogues... ». C'est surtout dans l'écriture des créations personnelles d'Emmanuel Genvrin que s'élaborait une nouvelle dramaturgie proprement réunionnaise en inscrivant ses personnages dans la réalité sociale et culturelle de l'île. C'est la première troupe à avoir revendiqué si fortement la « réunionnité », en même temps que les groupes musicaux. Avec Marie Dessembre, pièce écrite pour la célébration de l'abolition de l'esclavage en 1981, on voit une société réunionnaise dans ses origines et «  les profondeurs de son inconscient collectif : héritage de l'esclavage, racisme latent, la maternité triomphante et la paternité non assumée. ». L'enjeu est plutôt ici de saisir les constantes et les non-dits de l'âme collective réunionnaise.

Conclusion

Les responsables des structures culturelles façonnent le monde du spectacle vivant réunionnais à travers des orientations et des choix dont résultent leurs programmations. Bien qu'influencés parfois par les collectivités qui les subventionnent et auxquelles ils doivent satisfaire, la plupart des administrateurs et gestionnaires de salles de concert, théâtres et centres dramatiques veulent répondre de façon originale et personnelle à leur public. Il n'existe pas un public réunionnais mais des publics, adeptes d'un lieu particulier de diffusion culturelle. Chaque lieu est à l'image des personnes qui le fréquentent et chaque personne y trouve ce qu'elle cherche. Les salles de spectacles de La Réunion reflètent ainsi les identités réunionnaises qui se logent dans leur programmation. « Les bambous soulignent cette capacité du spectacle vivant à véhiculer une identité réunionnaise112(*). Que se passe-t-il quand une collectivité, le Département, délègue à une association la gestion d'un office culturel ? La programmation est-elle influencée par la politique du Conseil Général ? Est-elle en adéquation avec les aspirations identitaires du public réunionnais qui fréquente les lieux ? Se fait-elle plutôt l'image d'une culture métropolitaine qu'on a vue influente lors de la départementalisation ? Propose-t-elle une programmation sinon diversifiée tout en étant équilibrée entre le spectacle vivant du département et une production artistique métropolitaine ?

* 112 Cf. Annexe 6 : Témoignage du théâtre « Les Bambous »

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault