L'identité et le spectacle vivant à La Réunion( Télécharger le fichier original )par Virginie Verbaere Université Aix-Marseille III - Administration des Institutions Culturelles 2004 |
3) Analyse des discours sur le Séga et le MaloyaS'intéresser à la musique favorise donc la compréhension des enjeux sociaux à La Réunion car ce secteur artistique est partout et c'est la production culturelle la plus populaire de l'île. Elle permet la communication directe des textes idéologiques. Si la structuration du champ musical réunionnais permet de comprendre les référents identitaires, intéressons-nous de plus près aux conceptions qu'en ont les individus. On verra ainsi que les analyses de ces discours nous obligent à intégrer la musique dans la question de l'identité. Les deux courants musicaux que sont le séga et le maloya semblent être le foyer de l'identité réunionnaise dans ce champ artistique. On remarque une tendance chez les réunionnais à mettre en opposition les deux genres et à leur attribuer des origines différentes. Cette tendance résulte d'une vision unanimiste qui caractérise le besoin d'affirmer une identité en cherchant entre le séga ou le maloya la seule musique autorisée à représenter tous les Réunionnais. Des discours sur le séga et le maloya ont été recueillis par Brigitte Desrosier98(*). La musicologue a récolté les impressions des individus sur le rôle de la musique, ses fonctions et son organisation. Dans les sociétés créoles, la recherche permanente d'une histoire fait que le discours influence la mémoire collective et embrouille les faits. Il ne s'agit pas de douter de l'oralité réunionnaise mais ne perdons pas de vue le passé de la société. Dans ce cadre soulignons que la musique pourrait être une stratégie utilisée à des fins identitaires. Nous allons analyser ces discours récoltés par Brigitte Desrosier. (a) La musique comme stratégie identitaireLes discours sur la musique véhiculent une série de termes et d'affirmations que l'on peut relier à une quête de l'identité. Quête identitaire positiveUn individu peut ainsi utiliser la musique comme moyen de s'affirmer individuellement dans la société : « Notre but par la musique, c'est de sortir de ce qu'on est. Sortir de ce contexte là, de cette situation où on a rien, où on peut pas s'extérioriser, où on peut pas avoir de réussite sur sa vie. On est des jeunes, par la musique on veut toucher, parler de ce qu'on est, de l'esprit réunionnais. » « Je veux faire de la musique. J'ai envie de dire aux gens ce que je suis, ce que j'ai vécu. Car tu vois les Réunionnais, ils sont vachement complexés. C'est par rapport à l'éducation tu vois. Ça se reflète en nous. Sentiment de supériorité, d'infériorité. » Cette quête individuelle de l'identité peut s'effectuer dans le cadre d'une identité réunionnaise collective partagée et réinventée : « Les jeunes sont en quête d'identité, vite il faut trouver la musique qui nous ressemble. On n'a pas toujours l'information pour savoir qui on est, comment puiser les sources. [...] j'essaie vraiment de retrouver mes racines, de retrouver une certaine originalité à travers la musique. J'essaie de faire des morceaux, de ne pas trop me soucier des structures occidentales. Moi je suis pas totalement français mais j'essaie de trouver un équilibre dans cette société. » * 98 DESROSIER B., in CHERUBINI B., 1996, Regards sur le champ musical, Travaux & Documents, Université de La Réunion. |
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