L'identité et le spectacle vivant à La Réunion( Télécharger le fichier original )par Virginie Verbaere Université Aix-Marseille III - Administration des Institutions Culturelles 2004 |
B. Le secteur du spectacle vivant comme tremplinsNous entendrons par « spectacle vivant » toutes les activités d'expressions artistiques telles que : la musique, le théâtre et la danse. Dans cette partie, nous verrons dans quelle mesure le rapport à une histoire issue de la période de l'esclavage donne, ici plus qu'ailleurs, une responsabilité particulière des artistes réunionnais du spectacle vivant qui doivent accompagner et réinventer le travail de l'historien. Nous allons voir que la culture créole se manifeste essentiellement à travers les secteurs artistiques liés au spectacle vivant. 1) Pourquoi avoir choisit le spectacle vivant ?Les productions artistiques et la construction identitaireDe 1991 à 1995, une équipe de recherche en anthropologie a été mise en place pour étudier le phénomène artistique à La Réunion et dans l'océan Indien. Des travaux de Rose-Marie Var, Pierre Gilbert, Frédéric Borne, nous avons pu tirer plusieurs synthèses76(*). Elles reflètent la diversité des approches et des regards. Les rapports entre la société et la culture, entre l'organisation sociale et les expressions artistiques, sont peut-être plus difficiles à appréhender dans un champ artistique éclaté, au moment où la musique, le théâtre, la danse se mondialisent. Analyse du lienSi l'on considère le spectacle vivant comme un système culturel qui véhicule du sens et si on examine de près les activités artistiques on remarque, en tant qu'étranger, qu'elles révèlent l'identité des habitants. Le principal est de comprendre la pluralité des codes dont se servent les sujets locaux pour décrire leur propre identité de cerner leur situation, que ce soit sous une forme musicale, théâtrale ou tout autre forme artistique. Dans cette analyse, il ne faut pas perdre de vue que l'expression artistique puise dans l'espace sémiotique propre à la population étudiée et dans les liens qu'elle entretient avec d'autres espaces sémiotiques. On peut alors s'interroger sur les oeuvres traditionnelles comme sur les genres nouveaux d'expression orale et musicale. Ensuite, on peut mettre à jour leur organisation interne, les relations, les principes de formation et de transformation de ces modèles, avant de mettre à jour les usages, les pratiques et les règles qui gouvernent la production de ces modèles, les classes, les rangs et les positions de ceux qui les créent et de ceux qui les adoptent. On constatera ainsi qu'ils fonctionnent le plus souvent comme de véritables emblèmes de l'identité culturelle. Mais, face à l'instabilité sociale et économique, il faut admettre que la société invente, crée, développe à travers les arts du spectacle, une nouvelle façon de décrire les mutations culturelles et d'interpréter le quotidien. Certains lieux d'expression de cette production artistique et culturelle, rappellent les « non-lieux » de la surmodernité que décrit Marc Augé77(*). Dans le non-lieu, les personnes sont de simples utilisateurs ou consommateurs et ils sont seuls. « Dans les non-lieux, personne n'est chez soi mais on n'y est jamais non plus chez les autres ». L'artiste réunionnais serait-il plus à l'aise dans un non-lieu que dans un lieu de l'identité partagée ? Cela peut paraître paradoxal quand on sait que le Réunionnais, et plus particulièrement le Métis, a le sentiment de réunir toutes les identités, de vivre dans une société qui a perdu ses points de repères. On retrouverait ainsi l'artiste réunionnais dans ces « micro-communautés » qui ne sont pas fermées sur elles-mêmes, mais ouvertes sur le sens de leur rôle « inter-communautaire » ? Les jeunes artistes réunionnais formeraient alors une pluralité de micro-sociétés. Si l'on se place à l'échelle de population de l'île de La Réunion, on s'attend par exemple à ce que la musique réunionnaise ait des répercussions sur toutes les catégories sociales comme le zouk aux Antilles. Cette influence est recherchée par les principaux artistes réunionnais. Si l'on choisit le spectacle vivant et plus particulièrement la musique, comme modèle unique du champ artistique réunionnais lui-même inscrit à l'intérieur des différents champs de production culturelle c'est que ce secteur nous semble le plus représentatif de l'identité à La Réunion. Cependant, si « La musique est une activité essentielle du savoir du rapport social » selon Frédéric Borne78(*) et que « L'expression musicale intervient à différents niveaux de la construction symbolique des identités » il ne faut pas perdre de vue les autres vecteurs d'identité. * 76 CHERUBINI B., 1996, Regards sur le champ musical, Travaux & Documents, Université de La Réunion * 77 Augé M., cité par CHERUBINI B., 1996, Regards sur le champ musical, Travaux & Documents, Université de La Réunion * 78 CHERUBINI B., 1996, Regards sur le champ musical, Travaux & Documents, Université de La Réunion |
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