L'identité et le spectacle vivant à La Réunion( Télécharger le fichier original )par Virginie Verbaere Université Aix-Marseille III - Administration des Institutions Culturelles 2004 |
(b) La littérature réunionnaise d'expression françaisePrendre le fictif pour le réelSi le créole est un vecteur de l'identité, qu'en est-il du français qui veut représenter le monde créole ? On peut voir dans cette littérature l'attrait de l'exotisme. L'écrivain est généralement influencé par les représentations qu'il se fait du monde réunionnais. De ce fait cette littérature est souvent qualifiée de « poésie des îles », avec toutes les connotations paradisiaques que cette appellation suppose. Toute une partie des 18 et 19ème siècles français rêve des îles comme de l'espace du retour du sujet à son essence « loin des méfaits d'une civilisation destructrice qui a perdu le sens de l'homme et du monde, voici l'île-Eden, l'île-Berceau, l'île-Mère... »74(*). Une grande partie des poésies écrites à La Réunion semble appuyer et justifier ce fantasme européen. Le monde est décrit comme n'étant pas dans le temps mais ailleurs dans l'espace. D'où le bavardage, les stéréotypes et les clichés, la liste des images du rêve. Les poètes de la Réunion parlent de la mer, la montagne, les ravines avec une mise en scène d'une « île bienheureuse ». Mais en étant lucide, on sait que l'île porte l'empreinte de la violence. Tout est illusion et on ne s'étonne pas de voir cette littérature réunionnaise en français être dévalorisée par les tenants de l'identité réunionnaise. Nier le réelSi toute une partie de la littérature réunionnaise prend le fictif pour le réel une autre partie ne veut pas le voir. Ceci concerne essentiellement le roman ainsi que la « poésie de la recherche de l'identité ». L'important ici c'est « de dire la réalité qui est porteuse de valeurs réunionnaises pour démasquer le mensonge » mais il s'y installe quand même des clichés. Cette littérature à la recherche de l'identité, en voulant à tout prix construire des héros d'hier (roman historiques) ou du quotidien, met en scène un discours idéologique et ce discours prend la place du réel. Une littérature pertinenteFaut-il alors conclure que la réunionnité ne peut être mise en évidence qu'en langue créole ? Il faut revenir au problème de la langue et admettre que si la langue française n'est pas maternelle elle n'est pas non plus étrangère. Il paraît pour certain plus juste de voir l'écriture de la réunionnité en français : « là où l'énonciation se pluralise, où les voix, sans se désoriginer, se travaillent l'une et l'autre, où l'oralité s'inscrit dans l'écriture comme présence agissante de ces voix multiples -ni signes d'exotisme, ni marques du terroir- où le sens n'est pas plein et opaque, où les langues se font place dans une étrange proximité de paroles d'où naît cette inquiétante étrangeté qu'est le texte littéraire réunionnais d'expression française »75(*). * 74 RAMASSAMY A., 1987 : La réunion, décolonisation et intégration, AGM, Saint-Denis. * 75 REVERZY J.F., MARIMOUTOU J.C., 1990 : L'espoir transculturel, Université de la Réunion, Collection indianocéanique, Edition L'Harmattan, Paris. |
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