L'identité et le spectacle vivant à La Réunion( Télécharger le fichier original )par Virginie Verbaere Université Aix-Marseille III - Administration des Institutions Culturelles 2004 |
(b) La population noireL'importation d'esclaves africainsLes Africains constituent environ entre 4 et 5% de la population et ils sont appelés "Cafres". Les Malgaches, qui furent à l'origine de l'occupation définitive de l'île, se sont largement métissés avec les Européens puis les Créoles. Au début de la colonisation, la Compagnie des Indes encourage et organise la traite des noirs pour des raisons économiques10(*). Ils sont achetés comme esclaves pour travailler dans des conditions très rudes dans les plantations de canne à sucre puis de café. Ils viennent de la côte orientale d'Afrique, où les trafiquants arabes et portugais sont d'efficaces fournisseurs. Qualifiés indifféremment de "Kafir", un mot arabe qui signifie infidèle, ces africains appartiennent en réalité à différents peuples parfois issus de très loin à l'intérieur du continent. S'y ajoutent des esclaves malgaches, encore plus nombreux : ils appartiennent à des tribus de l'intérieur que les côtiers razzient dans l'unique but de vendre les prisonniers. Tendance à la rébellionLa plupart des esclaves se rebellaient et beaucoup saisissaient la moindre occasion pour s'enfuir. L'île est suffisamment accueillante pour faire vivre un homme en autarcie dans les hauteurs. On appelle ces esclaves les « marrons » parce qu'ils pratiquaient le « marronnage ». On comprend mieux le sens de ce mot lorsqu'on connaît son origine : il vient de l'espagnol « cimarron » qui veut dire « animal domestique échappé et redevenu sauvage ». Cette attitude était sévèrement punie et parfois même par la mort. Quelques blancs ruinés par la crise du café et la fin de l'exploitation de l'île par la Compagnie des Indes les avaient rejoints par la suite dans les hauteurs de l'île pour cultiver les terres. La population des hauts augmentait avec ces nouveaux arrivants et les zones centrales de l'île se peuplèrent. Ainsi, les régions au centre de l'île comme par exemple les cirques de Cilaos et de Mafate, portent des noms d'origine malgache11(*). Communauté mise à l'écart puis reconnueLes descendants d'esclaves africains, avec l'acculturation, le métissage et une idéologie coloniale ne reconnaissant aucun droit culturel aux Africains, ont perdu une grande partie de leurs repères culturels et de leurs liens avec l'Afrique. De plus, la situation des descendants d'engagés africains qui, jusqu'à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, étaient encore exploités comme des esclaves fait qu'aujourd'hui, « leurs descendants accusent un retard considérable au niveau des responsabilités économiques, politiques et sociales »12(*). Depuis quelques années, nous assistons à un renouveau des formes culturelles par lesquelles cette présence s'exprime, notamment la musique. Nous pouvons aussi observer une détermination à faire reconnaître la population d'origine afro-malgache en « luttant contre les discriminations sociales et économiques qui persistent contre les individus et groupes héritiers de l'esclavage » selon les propos de la politologue Françoise Vergès1. Des travaux sur la manière dont le racisme colonial s'est ancré dans la langue et les attitudes ont aussi montré combien il serait illusoire de penser que le poids des représentations et des inégalités produites par l'esclavage ne pèse plus sur la société réunionnaise13(*). « Ce travail de reconnaissance, de ré appropriation et de restitution est en train de transformer profondément la société réunionnaise », précise Françoise Vergès, en ajoutant toutefois que les Réunionnais connaissent peu ou très mal l'Afrique : « Ils ignorent tout de sa diversité politique et culturelle. Les médias véhiculent encore trop souvent des stéréotypes et des clichés, reprises par la doxa réunionnaise. Rien ou si peu est enseigné sur ce continent dans les écoles et l'université. Il y a donc tout un travail d'information à faire sur l'Afrique ». Françoise Vergès a en outre déclaré que « la culture est devenue un enjeu central dans la géopolitique et l'économie du monde actuel. La diversité culturelle est plus que jamais reconnue comme participant à l'élaboration d'un monde plus juste et pluriel. Il y a donc un intérêt certain pour les descendants d'esclaves et pour tous les Réunionnais de participer à cet avènement». On note donc ici la volonté de ne pas fermer les yeux sur la communauté originaire d'Afrique. La condition de « noir » rappelle celle d'un passé douloureux, l'esclavage, que la plupart des réunionnais qui en sont originaires refoulent pour se construire. De plus, les stéréotypes laissés par la colonisation mettent les noirs dans une situation d'infériorité sociale, comme étant incapables d'accéder socialement et professionnellement à la classe privilégiée. Ces stéréotypes issus du passé expliquent aujourd'hui le combat mené par des réunionnais qui s'assument en tant que tels, contre cette tendance à oublier une quelconque filiation avec cette communauté ou d'en effacer l'apparence. * 10 Cf Annexe 2 : Carte des migrations. * 11 Cf. Annexe 1 : Carte de l'île. * 12 ROCHELAND C., Union Africaine : un strapontin pour la réunion, article Panapresse, 17 juin 2003. * 13 MAYOKA P., 1998, l'image du Cafre, Hibiscus, Saint-Denis de La Réunion, 55p. |
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