I-2 Ressources hydrologiques
-L'aquifère
La zone aquifère de Lima couvre 390 km2, y
compris les bassins alluviaux inférieurs du Rímac et du
Chillón et les dépôts côtiers connexes. L'eau est
contenue dans une formation de sables et d'agglomérats à
granularité grossière d'une épaisseur qui varie de
zéro à certains endroits à probablement quelque 500 m,
bien que l'on ne dispose pas de chiffres précis. Les 100 m du dessus
sont constitués de sables et de graviers relativement propres et
très perméables, avec quelques éléments plus fins.
De 100 à 200 m environ de profondeur et, jusqu'au fond de
l'aquifère, la perméabilité générale de la
formation diminue, bien que, là encore, on dispose de très peu
d'information sur la structure en dessous de 200 m.
Le pompage excessif a fait en sorte que les niveaux de l'eau
dans la plupart des puits ont chuté de 1 à 2 m/an. Un certain
nombre de puits près de la côte ont dû être
condamnés à cause de la salinité élevée ;
d'autres, plus loin dans les terres, ont cessé de produire. Afin de
compenser la diminution de l'eau disponible, de nouveaux puits ont dû
être forés et les taux de pompage ont augmenté dans un
certain nombre de puits existants. Entre 1969 et 1985, les niveaux de l'eau
souterraine dans la zone côtière ont chuté d'au moins 10 m
et jusqu'à 30 ou 40 m dans la plaine élevée près
des contreforts (cf. carte 2).
Carte 2: Diminution des niveaux de l'eau souterraine (en
mètres) dans la région environnante de Lima entre 1969 et 1985
:
Source : Binnie et al. (1987)
Parmi les problèmes opérationnels qu'implique
l'exploitation de l'eau de l'aquifère de Lima (Binnie and Partners,
1987), mentionnons que :
· Les coûts du pompage ont augmenté du fait de
la chute des rendements des puits ;
· Les puits sont taris ou sont en cours de tarissement,
même si le forage atteint la roche de fond ;
· La salinité de l'eau souterraine augmente
près de la côte à cause de la chute des niveaux de l'eau,
et de l'intrusion d'eaux saumâtres du Pacifique.
· Les pompes sont trop grandes pour les rendements actuels
(ou le sont devenues), ainsi leur coût d'exploitation est plus
élevé qu'il serait nécessaire ;
· Les niveaux dynamiques de l'eau ont chuté en
dessous de la limite supérieure des tubages des puits filtrants, ce qui
occasionne un encroûtement de ces tubages et réduit ainsi le
rendement des puits.
Le taux de renouvellement de l'aquifère est
considérablement inférieur au rythme auquel l'eau est en train
d'être prélevée. "Nous sommes la seule ville en
Amérique du Sud avec tellement peu de réserves, moins d'une
année d'approvisionnement. Nous sommes très vulnérables",
indique Carlos Silvestri, l'ex-président de la compagnie des eaux de la
ville, la SEDAPAL1.
La réalimentation des eaux souterraines à
partir de la surface, ce qui représente la principale voie de
renouvellement, provient de plusieurs sources :
· Les lits de cours d'eau, principalement le Rímac,
mais en partie aussi du Chillón (Cf. Photo 1) ;
Photo 1 : Cassure du niveau du Rimac crée par la
SEDAPAL2, afin d'aider au processus de réalimentation
des eaux souterraines :
Source : Auteur.
· Les marécages et autres zones naturelles de
végétation au nord de la ville ;
· L'irrigation agricole dans les zones rurales de la plaine
côtière ;
1 Cf. Table des abréviations.
2 Cf. Deuxième partie, II-1, et Table des
abréviations.
· L'irrigation des jardins dans les zones urbaines;
· Les fuites dans le système de distribution de
l'eau;
· Les fuites dans le système d'égouts et les
effluents d'eaux usées domestiques non traitées.
Il ne se produit presque plus de recharge directe, que ce soit
du fait de la pluie ou du ruissellement local et ce, à cause du faible
régime pluviométrique dans la région de Lima (10 mm/an) et
du type de précipitations dont il s'agit (bruine et rosée). Le
ruissellement le long des pentes, qui entourent la ville, et l'infiltration
dans les contreforts et dans les formations locales en éventail sont
extrêmement rares.
Des sources de réalimentation en eau
énumérées ci-dessus, les plus importantes sont les quatre
premières. Le taux actuel de recharge à partir de ces sources est
d'environ 11 m3/seconde : soit quelques 4 m3/seconde
provenant des lits de cours d'eau ; 3 m3/seconde des fermes, parcs
et jardins ; et 4 m3/seconde des fuites dans le système de
distribution des eaux. Si l'on compte l'écoulement de l'eau souterraine
provenant des régions alluviales en amont, l'apport total à
l'aquifère est d'environ 13 m3/seconde.
Plusieurs de ces sources de réalimentation sont
actuellement menacées par la croissance urbaine. Nombre de fermes et de
parcs irrigués dans les environs de la ville ont été
déplacés. Si la tendance actuelle se poursuit, la recharge
à partir de ces sources pourrait être réduite de
moitié au cours des 20 prochaines années. La ville est
également en train d'empiéter sur les lits de cours d'eau
où a lieu une appréciable proportion de l'infiltration. Par
exemple, une nouvelle route est en train d'être construite le long du
Rímac, ce qui rendra imperméables plusieurs dizaines d'hectares
de la surface de la vallée.
Actuellement, le solde hydrologique de l'aquifère est
négatif; au moins 1 m3/seconde de plus est
prélevé -- ou est perdu au profit de la mer en raison de
l'écoulement souterrain -- qu'il n'y a de recharge à partir des
diverses sources de réalimentation. Le taux d'extraction n'a pas
été réduit en dépit de la diminution du volume de
recharge. À mesure que les niveaux de l'eau continuent à baisser
et que l'intrusion saline se poursuit, les coûts du pompage vont
augmenter et de nombreux puits plus anciens deviendront secs ou salins.
Concernant un aspect positif, un projet est actuellement en cours
en vue d'injecter artificiellement de l'eau dans l'aquifère pour
rétablir l'équilibre.
-Sources de surface
L'eau de surface répond à 55 % des besoins
urbains dans la région de Lima. Le débit moyen actuel du
Rímac est de 32,3 m3/seconde à Chosica, en amont de
Lima ; celui du Chillón est de 7,5 m3/seconde à
Larancocha près de son embouchure sur la plaine côtière.
Près de 10 m3/seconde sont perdus dans la mer lors des
inondations du Rímac ; durant ces périodes de crue, une
quantité excessive d'eau, chargée de sédiments, finit dans
la mer. Pour ce qui est du Chillón, de telles pertes comptent pour
environ 2 m3/seconde. Quelques 12 m3/seconde du
Rímac sont utilisés par la ville et 4 m3/seconde pour
l'irrigation. Environ 5 m3/seconde s'infiltrent dans
l'aquifère. Les eaux du Chillón servent presque exclusivement aux
fins de l'irrigation agricole (4,4 m3/seconde).
De plus, le régime des sources de surface est aussi
tributaire de l'aspect temporel, les régimes des rivières
étant caractérisés par leur irrégularité;
présentant de courtes périodes d'abondances (3 à 5 mois),
suivies par des périodes d'étiage de 7 à 9 mois. Sur des
périodes plus brèves, les rivières peuvent
également accuser des périodes de sécheresse pouvant
s'éterniser dans le pire des cas à plus de deux années
consécutives. Il faut donc également tenir compte de ces
irrégularités de régime dans la gestion des ressources en
eau.
Lima utilise la majeure partie de l'eau disponible dans les
deux cours d'eau ; seul un volume relativement restreint (12
m3/seconde) est perdu durant les inondations les plus intenses. Bien
que cette eau de crue soit difficile à utiliser en raison de
l'importante quantité de matières en suspension et de son
débit rapide, elle pourrait représenter un volume additionnel
pour l'approvisionnement urbain.
Le risque de contamination, tant de l'eau de surface que
souterraine, représente un problème croissant. L'activité
humaine dans le bassin moyen et supérieur du Rímac a des
incidences sur la qualité de l'eau. Toutes les eaux usées
provenant des collectivités et des villes situées en amont de
Lima finissent dans le cours d'eau.
Deuxièmement, les effluents des mines et de l'industrie
sont aussi déversés dans la rivière. À Lima
même, la pollution du cours d'eau s'amplifie à cause de l'absence
de contrôles sur la manière de disposer des déchets. Par
conséquent, la concentration des métaux lourds et d'autres
substances toxiques constitue déjà un danger potentiel pour
l'approvisionnement en eau de la ville. L'aquifère de Lima est
également menacé. Les alluvions sont perméables sur toute
leur profondeur et des déchets dangereux pourraient s'infiltrer dans les
réservoirs souterrains.
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