Le conseil de sécurité et les questions africaines de 1990 à nos jours( Télécharger le fichier original )par Nourdine Med Moeva Université Moulay Ismaîl, faculté des sciences juridiques économiques et sociales - Meknes (Maroc) - Maîtrise en droit public 2004 |
Introduction généraleSelon la grille de lecture de l'analyse systémique, « l'Afrique pourrait être considérée comme un sous système du système international»1; or depuis la fin des années 80, la communauté internationale a vu naître et s'enliser sur cette partie du monde, un éventail de problèmes dont leur vaste majorité tournent autour des conflits armés. Cependant, l'importance de ces problèmes africains à partir des années 90, ne se résume pas à l'existence des conflits seulement, car bien avant l'Afrique a connu un bon nombre de conflits. En effet, dans les années post 1990, à l'instar du conflit congolais des années 60 et du conflit angolais des années 70 et 80,2 l'Afrique n'était pas épargnée de ce fléau. Mais contrairement aux conflits africains contemporains, la majeur partie de ces derniers étaient des conflits qui mettaient en opposition deux sinon plusieurs Etats. Cependant, tout au long des années 80 qui ont d'ailleurs été qualifiées de décennie perdue pour le développement de l'Afrique, la situation s'est aggravée. C'est ce qui a conduit au relance du dialogue et des négociations entre pays développés et ces pays en développement au milieu de ces années. D'autant plus que les formidables changements qui se sont produits dans le monde à la fin de ces années 80, ont obligé à réévaluer la coopération et le traitement multilatéral des problèmes3. Ceci dit, certes, la fin de ces années est marquée essentiellement sur le plan de la politique internationale par la recomposition du système international suite à la fin de la guerre froide, mais plus consistants sont les répercutions qu'a eu ces événements sur les Etats africains. Dés lors longtemps convoités par les deux superpuissances, la fin de la guerre froide a laissé déboussolés nombre d'Etats africains4, qui jusqu'à là n'existaient sur la scène internationale, que sous le parrainage respectif de l'un de ces derniers sinon par la voie du mouvement de non-alignement qui de nos jours n'a qu'un intérêt purement historique5. C'est dans ce contexte que dés le début des années 90, l'on se trouve partout à quelques variantes près, dans une situation où l'Etat africain est désormais dans l'incapacité d'effectuer les arbitrages nécessaires et de définir les compromis sociaux indispensables non seulement à tout passage à l'économie de marché, mais aussi à la production même de l'ordre public6. De cela s'ajoute le fait que comme l'a souligné KODJO EDEMEDEM, et qui 1 Zartman, Africa as a subordinate state system in international relation, in international organization, 1967, p 545-564. 2 Voir aussi à ce propos: GRESH ALAIN, l'Afrique australe, une "sphère de conflits", Le monde diplomatique, Février 1988 3 CNUCED, Au service de la croissance et du développement, 30 ans et au-delà (1964-1994), P 6, UNCTAD/EDM/ERCP/8, Nations Unies 1994 4 Dans ces plans de développement économique et social pour 1986-1990 et jusqu'à l'an 2000, l'union soviétique avait ouvertement notifié une vaste programme prometteur pour l'Afrique ainsi que l'ensemble des pays en développements. 5 Igor Oussatchev, Du décret sur la paix, Vers un monde sans guerres et sans armes, P 43 et 44, Editions de l'agence de presse Novosti, Moscou 1987. 6Voir Achile Mbmbe, Déconfiture de l'Etat et risques de la "transition démocratique", Le Monde diplomatique, mai 1993. Voir aussi du même auteur, Afrique indocile, Karthala, Paris 1988. justifie aisément ce cas présent, « le continent africain, après deux décennies d'indépendance, et malgré les différentes stratégies de développement élaborées pour la décennie qui vient de s'achever, n'a pas encore réussi son décollage économique et industriel malgré les progrès accomplis, il demeure par excellence le continent du sous- développement» 7. C'est dans ce sens aussi qu'une étude intitulée Ecology and Politics: Environmental stress and security in Africa, a établie que «l'appauvrissement des ressources naturelles est étroitement lié à l'insécurité des personnes, des groupes ou des Etats8». A partir de là, on peut se poser la question suivante: Quelle est la part de la communauté internationale face à cet amer constat en Afrique ? . Autrement dit, sur le plan institutionnel international, quel est le rôle de l'organisation des Nations Unies face cela ? . Cependant, la réponse ne fut pas longue à attendre car l'organisation des Nations Unies lança «le nouvel ordre du jour pour le développement de l'Afrique», tout au début des années 19909. Ceci dit, comme l'a souligné Bertrand Schneider, «La communauté internationale tout entière est concernée par le progrès de l'Afrique car le monde a besoin de l'Afrique comme l'Afrique a besoin du monde10». Ainsi, pour donner suite à cette initiative, un plan d'Action révisé à l'échelon du système des Nations Unies pour le redressement économique de l'Afrique a été adopté par les Nations Unies en 1994. Ceci comportait des mesures adéquates en vue de coordonner les programmes d'activité, et d'éviter les chevauchements en créant les synergies souhaitables pour ce continent. Par la suite, ce plan d'action a été remplacé en 1996 par l'Initiative Spéciale des Nations Unies pour l'Afrique11. Bien plus, et parallèlement à cela on retrouve d'autres initiatives tel le Nouveau Partenariat pour la Paix et le développement (NEPAD)12, dont l'accent est mis sur le concept de la «bonne gouvernance» pour les pays africains13. Cependant, toutes ces initiatives qui sont mises en oeuvre selon des rythmes et dans des conditions très variables selon les pays ou groupes de pays et selon les programmes considérés, ont toujours fait l'objet d'efforts importants de la part du système des Nations Unies en vue d'en assurer une coordination satisfaisante. D'autant plus qu'au niveau global et faisant suite à la résolution 1998/46 du Conseil Economique et Social, la première réunion annuelle de coordination régionale du système des Nations Unies en Afrique qui s'est tenue à Nairobi en mars 1999 sous la Présidence de la Secrétaire générale adjointe des Nations Unies14, a décidé que l'Initiative spéciale des Nations Unies en Afrique constituait un cadre 7KODJO EDEMEDEM (Ancien secrétaire général de l'O.U.A), Le retard de l'Afrique peut être rattrapé, Le Monde diplomatique, Février 1980. 8ROBERT-ALIROBERT-ALI BRAC DE LA PERRIÈRE, (oeuvre(s): COLLECTIF), Scandinavian Instituta of African Studios, 1989. 9 Adopté par l'Assemblée générale le 18 décembre 1991 : Voir à ce propos : Documents officiels de l'Assemblée générale, 47éme session, Supplément n 6 (A/47/6/Rev.1), vol. I, programme 45, Distr. GENERALE A/RES/49/142 le 01 février 1995. de même que le Rapport de B.B Ghali, Pour la paix et le développement, DPI/1537, Nations Unies, octobre 1994 : www.un.org 10Bertrand Schneider, l'Afrique face à ses priorités, P 10, économica, 1987. 11U.N.S.I.A 12Le texte du NEPAD est publié dans son intégralité sur le site Web : http://www.gov.za/issues/nepad.htm>. 13Voir à ce propos: Ecofinance N ° 37, novembre 2003 : ou aussi l'Extrait de la transcription de la conférence de presse du secrétaire d'État adjoint (Américain M. Kansteiner) aux affaires africaines : http://usinfo.state.gov/francais , 19 septembre 2002 14 Document Coordination and Collaboration among UN agencies at the regional and subregional levels in Africa adéquat pour la coordination des activités du système des Nations Unies en Afrique et qu'il convenait de simplifier les procédures de coordination actuelles. De même lors de sa session en date de juillet 1999 (Genève), le conseil a procédé à l'examen des suites données aux recommandations contenues dans le Rapport du Secrétaire général des Nations Unies sur «les causes des conflits et la promotion d'une paix et d'un développement durable en Afrique15». A cet égard l'importance accordée à la question de la coordination a été particulièrement soulignée puisque le rapport qui a été discuté comportait ces deux initiatives qu'on vient de mentionner concernant l'Afrique"16. Par conséquent force est de reconnaître qu'à l'époque contemporaine il n'y a guère de problème qui n'ait pas d'une façon ou d'une autre une dimension internationale. Cependant, il est apparu que dans ce «continent soumis à de multiples menaces [...], seule la paix interne et externe peuvent permettre d'affronter le redoutable défi que constitue [...], l'épanouissement des populations chaque jour plus nombreux et le retard qui s'accroît par rapport au reste du monde 17». Mais la paix en Afrique en particulier depuis les années 90, est devenu un problème assez épineux et ceux à cause du caractère interne que revêt la majorité des conflits sur ce continent. Ceci dit l'abandon du continent de la moindre valeur stratégique après la fin de la guerre froide a coûté très cher en vies humaines africaines et en «sécurité globale», car s'il est vrai que le terrorisme fleurit dans le chaos plus encore que sur la pauvreté, les conflits africains dits déstructurés, n'échappent pas à ce constat. Parlant d'elle mêmes, ces derniers ont en effet coûté la vie à plus de 3 millions de civils au Congo-Kinshasa, à plus de 300 000 personnes au Burundi, 200 000 en Sierra Leone, et autant au Liberia, sans négliger la situation actuelle en Côte d'Ivoire, de la Casamance, du Nord de l'Ouganda, de la Somalie, ou aussi de la longue guerre civile en Angola qui comptabilise au moins 500 000 morts, n'en parlons plus du conflit qui perdure entre le nord et le sud du Soudan où l'on parle à nos jours de pas moins de 2 millions de morts18. En tant qu'organe principal chargé du maintien de la paix et de la sécurité internationales, le conseil de sécurité des nations unie ne peut s'y déroger. Cependant sa tâche parait un peu plus délicat qu'auparavant et ceux pour deux raisons: D'une part, face à ces conflits qui en grande partie sont des conflits internes, le champ d'action du conseil de sécurité tel qu'il est déterminé par la charte, ne lui permet pas d'intervenir dans ces derniers tant qu'ils ne présentent pas des signes expansionnistes sinon catastrophiques de manière à menacer la paix et la sécurité internationales. D'autre par, il est apparut que même s'il intervient, aussi efficace que soit son action, face aux catastrophes humanitaires qui sont devenus monnaie courante dans ces conflits, le constat historique de nos jours, nous renvoi à l'anecdote du médecin après la mort . 15 Rapport du S G de l'O.N.U, Causes des conflits en Afrique, Section de la technologie de l'information du Département de l'information Nations Unies 1998. www.onu.fr : voir aussi : Basic Facts About the United Nations, P 68, DPI/2155, United nations, April 2001. 16 Voir à ces propos : Coordination de l'action du système des Nations Unies en Afrique, sur le site web des Nations Unies : 17 Ibid. Bertrand Schneider, l'Afrique face à ses priorités, P 11. 18 Stephen Smith, La seconde "pacification" de l'Afrique, Le Monde 24juin 2003. http://www.lemonde.fr Toutefois, ceci n'est toujours pas aussi caduc qu'on pourrait le croire car dans bien des cas les résultats ont été assez remarquables, comme nous le verrons un peu plus loin. Mais, étant donné que le mandat du conseil de sécurité se limite principalement au maintien de la paix et de la sécurité internationales, notre travail ne peut que porter sur les conflits armés africains qui pourraient d'une façon ou d'une autre menacer la paix et la sécurité internationales. Cependant, on ne peut prétendre ainsi, avoir fait le tour du sujet et ceux aussi pour deux raisons. Primo, comme l'a fait remarquer Boutros. B Ghali : « dans ce nouveau contexte international, la paix et la sécurité implique bien d'avantage que des questions de territoires et d'armements, mais aussi des questions d'ordre économique et sociale sont à prendre en compte à plus fortes raisons19». De plus ce caractère interne que revêt la majorité des conflits africains pose le problème du fondement des interventions du conseil de sécurité dans ce genre de conflits. D'où la nécessité de déterminer de prime abord : Quel est le fondement et l'étendue de la compétence du conseil de sécurité dans ce cas précis des questions africaines ?. Autrement dit, c'est le problème du champ d'action du conseil de sécurité en Afrique que nous allons essayer de traiter dans un premier chapitre. Secondo: continuant dans ce même ordre d'idées, il est à prendre en considération la réalité de ces conflits déstructurés et à reprendre d'une façon récapitulative les actions sinon les réactions du conseil de sécurité et les issues respectives de ces conflits. C'est ainsi qu'une question s'impose portant sur la relation entre l'action sinon la réaction du conseil de sécurité et l'issue d'un conflit ? C'est ce qui ferra l'objet de notre deuxième chapitre sous l'intitulé du conseil de sécurité entre saisine et auto-saisine des questions africaines. Ce faisant, cette approche laisse subsister quelques zones d'ombres émanant des termes mêmes qui constituent l'intitulé de ce travail; ce qui ne peut être compréhensif que par l'éclaircissement au préalable des ces derniers. C'est pourquoi, il s'impose de nous poser ces quelques questions: Que ce que le conseil de sécurité ? Quelle est sa place sinon sa consistance au sein du système onusien? En quoi est il concerné par les questions africaines ? . Cette première série de questions vise surtout par leurs réponses, à nous permettre de dégager en premier lieu l'importance sinon la consistance que porte tel ou tel problème une fois saisi par le conseil de sécurité, mais aussi à mettre en avant le rôle et la compétence de cet organe au sein du système onusien, qui se résume grosso modo au maintien de la paix et à la sécurité internationales. C'est de là que vient notre deuxième série de questions qui s'articule autour de cette compétence du conseil de sécurité et portant sur le sens du maintien de la paix ainsi que son contenu tout particulièrement en Afrique à partir de cette dernière décennie. Aussi, convient-il d'introduire par un chapitre préliminaire tendant à jeter la lumière sur le cadre conceptuel lié au sujet. 19 Rapport de l'ex-secrétaire général de l'O.N.U, Boutros.B. Ghali, pour la paix et le développement DPI/1537, Nations Unies, septembre 1994. |
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