La Littérature Hypertextuelle, analyse et typologie( Télécharger le fichier original )par Aurélie CAUVIN Université de Cergy Pontoise - Maitrise de lettres Modernes 2001 |
2. L'hyperfiction chez ses auteurs et l'usage.Sa non-présence dans les dictionnaires de langue le garantit comme néologisme. Le fait également que le terme est tout de même répandu sur Internet, une interrogation du moteur de recherche Altavista offre les résultats suivants : pour une recherche « toutes langues » on obtient 4942 pages, 1052 en langue allemande, et 59 en français103(*). Le terme d'hyperfiction ne paraît pas énormément répandu sur le web français. Il ne représente que 1% des pages. Cela s'explique notamment par le fait que les auteurs d'hyperfiction en langue française utilisent pour caractériser leurs oeuvres les mots : « hyper-roman » selon Anne Cécile Brandenbourger et François Coulon, « cyberfiction », fiction interactive, fiction hypertextuelle selon Alain Salvatore qui qualifie son oeuvre Écran Total, la fiction hypertexte de l'auteur de Es-tu là104(*) ou encore roman hypermédia, pour Lucie de Boutiny. Le titre de son oeuvre est NON-roman, pour justement exprimer la rupture permise par le support. Il est manifeste que le terme de fiction de par son caractère indéterminé définit le mieux cette notion. En effet la fiction reste un terme générique, qui ne se réfère à aucun genre précis. De plus si le terme de « roman » y est le plus souvent associé c'est qu'il est lui aussi un genre mal défini et aléatoire. La question reste en suspens, l'hyper-roman serait-il un sous-genre de l'hyperfiction, cela impliquerait que nous pourrions avoir des hyper-contes et des hyper-nouvelles. Les limites d'un genre sont en effet souvent mal définis. Pierre Barboza, dans un article consacré à Sale Temps, définit l'hyperfiction ainsi : « l'hyperfiction se compose d'un réseau d'unités d'information que nous appellerons narratives dont le récit progresse grâce à l'intervention du lecteur. »105(*) L'intervention du lecteur s'inscrit ainsi dans cette volonté d'un lectorat actif, dont les choix dirige sa lecture, et qui autorise des parcours multiples. Une recherche sur Bornéo 2, qui est la base d'observation et recherche de néologismes et qui contient 50132 unités recensées de 1988 à 1997, a donné les résultats suivants : Le terme « hyperfiction », « hyper-roman » ou « hyperoman » n'apparaissent pas mais nous trouvons le terme de « roman interactif » défini par Y. Eudes en 1996 : « le véritable roman interactif, encore rarissime sur le réseau, devra être à la fois collectif et hypertextuel. Chaque branche du récit sera développée par un auteur différent. En théorie, on atteint alors le stade optimal de la création, à la fois conviviale, innovante, et pleinement adaptée au réseau. Mais sur Internet comme ailleurs il y a loin de la théorie à la pratique. » Ainsi la théorie comme l'explique l'auteur ne suffit pas quand on analyse le réseau hypertextuelle qu'est Internet. De plus l'hypertexte fictionnel est un genre aléatoire, poreux qu'il est difficile de définir précisément, il varie en fonction des autres oeuvres, il évolue dans le réseau, dans l'interactivité, aussi est-il peut-être nécessaire d'essayer de mettre en évidence une typologie. Pourquoi une typologie de la littérature « internaise », pour éclairer cette démarche Jean Clément106(*), dans « Hypertexte et complexité » revient sur le réseau hypertextuel : « Espen Arseth propose d'appeler cybertexte tout texte dont la constitution nécessite une opération physique de la part de l'utilisateur. Du Yi King au Cent Mille Milliard de poèmes de Raymond Queneau, du jeu d'aventure aux hyperfictions, la cyberlittérature constitue ainsi une vaste famille dans laquelle l'hypertexte occupe une place privilégiée. » Une question se pose à la lecture de cette citation, la littérature cybertextuelle engloberait l'hyperfiction. L'hyperfiction comme genre s'est vue définie chez les spécialistes, en rapport avec les oeuvres originelles, des auteurs des Etats-Unis, mais dans le réseau francophone, comment est-elle appréhendée. De plus une pratique se répand chez les théoriciens, qui passent volontiers de l' hyper au « cyber », en effet la littérature hypertextuelle, se radiographie comme une cyberlittérature composée de cybertextes, écrits par des cyberécrivains, évoluant dans le cyberespace. Cette pratique reflète un courant de pensée qui veut que l'hypertexte, trop répandu aujourd'hui n'apparaît plus comme un mot à charge culturelle partagée. L'hypertexte est relégué au second plan, car il se trouve trop imprégné de ses valeurs originelles : en effet tout est hypertextuel, analogique, numérique. Pour pallier à cette prolifération du mot l'alternative est de reprendre le préfixe « cyber », pour justement exprimer la filiation avec Internet. L'hyperfiction apparaît donc comme un noeud dans le réseau de la littérature hypertextuelle et la définition du genre doit passer premièrement par une typologie des oeuvres avec laquelle elle est en concurrence, mais peut-être aussi en complémentarité. L'analyse du réseau hypertextuel, cybertextuel, de la littérature n'est pas aussi évident, dans la mesure où nous avons dégagé que l'hypertexte est une notion englobant différents sèmes. « Les livres sont également différents. Ceux qui font appel à la fiction embrassent un seul argument, avec toutes les permutations inimaginables. Ceux qui sont de nature philosophique contiennent invariablement la thèse et l'antithèse, le pour et le contre rigoureux d'une doctrine. Un livre qui ne contient pas son contre-livre est considéré comme incomplet. » Borges, Fictions * 103 Recherche effectuée le 3/01/2001 * 104 L. G. Savard, Es-tu là, http://www.destination.ca/~lgsavard/ * 105 Pierre Barboza, « Sale temps pour la fiction, proposition au sujet d'une hyperfiction », in La mise en scène du discours audiovisuel, Jean Paul Desgouttes (dir.), L'harmattan, Paris 1999 * 106 Jean Clément, « Hypertexte et Complexité » in Internet et littérature, nouveaux espaces d'écritures, Montréal, Études Françaises, Mars 2000, p 53 |
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