Université de Cergy-Pontoise
UFR Lettres et Sciences Humaines
Département de Lettres Modernes
Aurélie CAUVIN
LA LITTERATURE HYPERTEXTUELLE : ANALYSE ET
TYPOLOGIE
Mémoire de maîtrise de Lettres Modernes
(Mention )
Sous la direction de
Jean Pruvost
Professeur
JUIN 2001
I. Introduction
7
II. le livre opposé à l'hypertexte :
historique et théorie
10
A. Terminologie
11
1. L'hypertexte et le web
11
2. Hypertexte : noeud et liens
12
3. Hypertexte, composés et dérivés :
hypermédia, hypertextuel, hyper-
13
B. Aperçu historique de l'hypertexte
15
1. Le rêve d'un texte illimité
15
2. Les fondateurs de l'hypertexte
15
a) Vannevar Bush et Memex
15
b) Paul Otlet et la bibliophoto
17
c) Douglas Engelbart et NLS
18
d) Ted Nelson et Xanadu
18
3. De l'utopie à la réalisation : Bill
Atkinson et Hypercard
19
4. L'hypertexte et Internet : Tim Berners-Lee et le World Wide
Web (W3)
20
5. Le cédérom comme support de transition pour
l'hypertexte
22
C. L'hypertexte comme réseau de texte
24
1. Théorie de la convergence :
intérêts et limites
24
a) La pluralité des représentations
25
b) La pensée fragmentaire
25
c) L'interconnexion des textes
26
2. Hypertexte : informatique et/ou
littérature ?
27
D. La métaphore du rhizome
30
1. Présentation de Gilles Deleuze et de Mille Plateaux
30
2. Le rhizome comme représentation du livre
30
a) La remise en cause du livre dit
« classique »
30
b) Pour un livre rhizome
31
3. Le rhizome comme représentation d'Internet
33
4. Le rhizome comme représentation du réseau
hypertextuel
34
5. Tableau récapitulatif
36
E. Du lecteur consulteur au lecteur interactif
38
1. Le dictionnaire comme modèle de consultation
38
2. le lecteur interactif
40
D. le codex vs hypertexte
41
III. Naissance de
l'hyperfiction française délimitation du genre :
définition et typologie
42
A. Historique de 1996 à l'aube du XXIe. Siècle
42
1. De 1994 à 1998 : les prémisses
42
2. De 1999 au XXIème siècle : le livre
concurrencé
43
a) 1999 : une année préparatoire.
43
b) l'an 2000 : le « big-bang »
44
· Les oeuvres
44
· Le Livre numérique et livre
électronique : une distinction signifiante.
45
c) 2001, une continuité logique
47
B. L'hyperfiction : essai de définition
48
1. Néologie par emprunt ou néologie formelle, choix
du terme
48
2. L'hyperfiction chez ses auteurs et l'usage.
51
C. L'hyperfiction dans la littérature internétaise
française d'aujourd'hui : esquisse de typologie
53
1. l'hypertexte littéraire, l'hyperlivre et les bases de
données
54
a) hypertexte narratif vs hypertexte littéraire
54
b) Le livre et l'hypertexte :
complémentarité et paradoxe.
55
· Une constante : l'opposition au codex
55
· Le renvoi et l'organisation : une
complémentarité
58
c) Les aides de lecture et le libre choix de navigation
59
2. La génération automatique de texte
62
a) Littérature et informatique : de l'Oulipo à
l'Alamo
62
· L'Oulipo et ses enjeux
62
· De l'Oulipo à l'Alamo
62
b) La génération automatique des textes :
Trajectoires
63
c) L'hyperfiction et la génération automatique de
texte
64
· La navigation du lecteur
64
· La métamorphose de l'oeuvre : rêve de
l'illimité
65
3. Le lecteur potentiel : des distinctions
éclairantes
67
a) Narrataire/narrateur - Lecteur/auteur
67
b) Le narrataire dans l'hypertexte de fiction
67
4. Le récit interactif dans la littérature
pour la jeunesse
69
a) La lecture comme jeu
69
b) Le labyrinthe de l'interactivité
70
c) La lecture de l'énigme
70
d) Un exemple de schéma : La pyramide truquée
71
e) La reprise du schéma dans NON
72
5. L'écriture participative : du lecteur au scripteur
74
a) Le possible dialogue avec l'auteur
74
b) De l'auteur au scripteur
74
c) Le roman participatif, collectif
75
d) Le collectif : une complémentarité
78
6. Le roman feuilleton
79
a) Des tentatives de roman feuilleton sur Internet
79
b) Le «work in progress» : le spectacle de
l'épisode
80
c) Un exemple de livraison par épisode :
Apparitions inquiétantes.
81
D. Conclusion
83
IV. Le lien et l'organisation de la fiction : essai
de typologie
86
A. Les renvois de navigation :
87
1. les liens externes
87
2. les liens internes : la métonymie
89
B. Liens internes de l'hyperfiction
91
1. Les mécanismes de liaison
91
2. Lien organisationnel comme reflet du sens
94
a) Des liens uniquement numérotés
94
b) L'alternance numérotation et sémantique
97
3. Liens et composantes de la fiction
99
a) Les personnages
99
b) Le temps et l'espace
100
· L'espace
101
· Le temps
103
4. Deux textes en parallèle : A vers B (lien retour)
104
a) Qui veut tuer Fred Forest
104
b) Poids de naissance
105
c) Quelques exemples de mécanismes dans Poids de
naissance
108
· La métonymie
108
· La personnification
109
· L'argumentation : de l'argument à l'exemple
109
· Explication : lien de cause à effet
110
C. Des exemples de liens relatifs aux dictionnaires et aux
définitions
111
1. La lexicographie comme intertexte : dictionnaire et
littérature
112
a) De littérature à littérature
112
· Reprise du Dictionnaire des Idées
reçues de Flaubert.
112
· Système des liens
113
· Définition
114
2. De la littérature à la lexicographie
115
a) Le dictionnaire comme lecture
115
b) L'étymologie
117
· Le rôle de la définition
118
c) Le dictionnaire de langue
119
· Seul
119
· Jardin
120
· Attente
121
· Ailleurs
122
d) L'encyclopédie comme modèle d'écriture
123
D. Le renvoi hypermédia
125
1. L'image comme lien vers un texte
126
2. L'animation
128
3. Le son et la vidéo
128
E. Conclusion
129
V. Conclusion
131
VI. Bibliographie
134
A. Corpus
134
a) Monographies
134
b) Logigraphie
134
c) Format numérique « collection
2003 ».
134
d) Sites Internet
e) Roman collectif, contributif
136
B. Monographies
137
C. Articles
140
D. Recherche
141
E. Lexiques, dictionnaires, glossaires.
142
F. Revues, journaux et sites connexes
143
G. Groupe de discussion, liste de diffusion
144
H. Interventions, journée d'études
145
I.
Introduction
La littérature hypertextuelle, connue aussi sous le nom
de littérature numérique, s'intègre dans l'histoire des
pensées du XXe siècle. Elle est liée au
développement technologique et aux nouvelles possibilités
offertes par l'Internet et les Nouvelles Technologies d'Information et de
Communications (NTIC) en même temps qu'elle s'inscrit dans le
prolongement de différents courants littéraires :
volonté de déconstruction du récit de la part des
écrivains, antiroman, roman d'aventure, littérature
expérimentale. Cependant l'hypertexte aujourd'hui est un concept
défini très aléatoirement : dans son histoire il a
été associé à divers disciplines, et les
définitions données aujourd'hui peinent à se
détacher de ses implications originelles. La définition
donnée par la Délégation Générale à
la Langue française apparaît comme la plus simple :
« système de renvois permettant de passer directement d'une
partie d'un document à une autre, ou d'un document à d'autres
documents choisis comme pertinents par l'auteur » mais aussi la plus
réductrice.
En fait l'hypertexte s'accompagne de différentes
propriétés : non-linéarité, virtualité,
fragments, interactivité, dé-limitation. Ces différentes
caractéristiques ont été expérimentées
séparément par les auteurs au cours de l'histoire de la
littérature, mais il faut considérer ces propriétés
comme inséparables pour pouvoir aborder cette littérature
« nouvelle ». La littérature hypertextuelle serait
donc une « nouvelle » forme de littérature, mais le
sujet ne traitera ici que de la fiction ou plus précisément
de l'hyperfiction, désignée également par Jean
Clément de fiction interactive ou fiction hypertextuelle1(*).
L'hypertexte, est avant tout une structure, un support
caractérisé par la non linéarité, qu'il ne faut pas
confondre avec la non linéarité du récit. Le roman qui en
résulte est souvent comparé à la structure d'un
rhizome : le rhizome est une tige souterraine des plantes vivaces qui
pousse des bourgeons au dehors et émet des racines adventives à
sa partie inférieure.. Faut-il considérer cette
littérature comme nouvelle ? Ou considérer quelle n'est que
le prolongement logique de la littérature du XXe
siècle ? L'hyperfiction est-elle un nouveau genre
littéraire ? Peut-elle se classer du coté de la
littérature, de la paralittérature ?
L'hyperfiction est un genre né au États-Unis,
les auteurs étaient organisés autour d'un logiciel commun :
Storyspace, un éditeur commun : Eastgate Systems, et d'un livre
fédérateur : Writing Space2(*) (1991), de Jay David Bolter. La première
hyperfiction américaine voit le jour en 1986, Michael Joyce qui
dès 1984 avait travaillé sur le logiciel Storyspace avec Jay
David Bolter écrit Afternoon, A story. Cette oeuvre est
considérée comme la première hyperfiction. Suivront
ensuite d'autres oeuvres éditées chez Eastgate Systems. Le 15
août 1993, le supplément littéraire du New York Times est
consacré à l'hyperfiction et à ses auteurs, à
travers Robert Coover, professeur et écrivain d'hyperfiction, texte
repris par le courrier international n°151du 23 Septembre 1993. Mais du
côté français, il faut attendre 1996 pour voir
apparaître les premières hyperfictions non pas en ligne mais sur
support cédérom.
Le corpus se fonde sur des oeuvres contemporaines, les
supports sont variés : cédérom, en ligne...Les
oeuvres apparaissent comme hétérogènes, mais
l'exhaustivité, quand nous analysons le réseau Internet
paraît difficile. Aussi la plupart des oeuvres sont reconnus par les
journaux, les magazines spécialisés ou, elles s'inscrivent dans
un réseau institutionnel.
Dans quelles mesures ses oeuvres peuvent-elles être
considérées comme des hyperfictions et comment se
rattachent-elles ou au contraire se détachent-elles des oeuvres de
fiction dites « classiques » ? L'hyperfiction demeure en
concurrence avec d'autres formes de littérature hypertextuelle ou
hypermédia sur Internet. Les auteurs français n'apparaissent ni
fédérés, ni conscient de faire partie d'un groupe. Comment
se situent-ils par rapport aux autres littératures concurrentes ou
complémentaires sur Internet ? Comment sont-ils
considérés par les institutions ?
Le premier chapitre replace la genèse de
l' hypertexte et donc d'Internet dans l'histoire des
idées : philosophiques, technologiques et littéraires, de
manière à dégager les concepts essentiels à
l'analyse de ce nouveau média qu'est Internet et en quoi l'hypertexte
est une notion définie aléatoirement et en implication avec ses
origines. Trois grands domaines sont à l'origine de l'hypertexte :
la technologie, les principes de lecture-écriture,
l'épistémologie. Cette partie tentera également
d'expliquer comment Internet remet en cause la représentation du livre.
Elle s'organise en six axes : en premier lieu un
aperçu terminologique fondé à partir des
définitions en usage dans les dictionnaires, tentera de radiographier
les sens commun contenu dans la notion de l'hypertexte. Pour éclairer
cette notion, le deuxième axe situera l'hypertexte dans son histoire
technologique. Le troisième axe est fondé sur la théorie
de la convergence établie par Georges Landow, cette théorie
opère essentiellement autour de la mise en relation de termes, et
notamment sur le rapprochement des critiques littéraires, comme, Rolland
Barthes, Jacques Derrida, Gérard Genette...Le quatrième axe
s'articule autour de l'interprétation d'Internet et de l'hypertexte
comme rhizome. Le terme de rhizome est emprunté à Gilles Deleuze,
et sera repris ensuite par Mireille Buydens, et Pierre Levy, deux
exégètes des réseaux. Il reste à définir le
rôle du lecteur, le lecteur avait déjà une lecture active
dans la consultation d'un dictionnaire avec Internet il est devenu d'une part
un lecteur planétaire, et d'autre part un lecteur dit interactif. Pour
conclure sur ce chapitre les traits sémantiques du codex s'oppose
à ceux proposée pour l'hypertexte.
Le second chapitre, plus descriptif, tentera de replacer
l'hypertexte de fiction dans la littérature
« internétaise » d'aujourd'hui,
« cybertextuelle ». Tout d'abord le terme d'hyperfiction
est considéré comme un néologisme et son avènement
se radiographie dans et par les usages. Ensuite l'hyperfiction se situe dans le
ou les réseau de la littérature pré-électronique
et celui de la littérature en ligne ; une typologie, rendue
nécessaire, afin de comprendre l'hyperfiction comme une confluence
d'influence. Cette partie consacrée au livre dans tous ses états
abordera l'hyperfiction dans son opposition avec le livre, paradoxe ou bien
complémentarité ? Elle tentera aussi de radiographier le
lecteur dans tous ses états afin de définir les limites de
l'interaction auteur-lecteur, rendue possible par le nouveau média
qu'est Internet. L'interactivité tant revendiquée est-elle
véritablement possible ? Quelles sont les limites, les paradoxes,
les contraintes, de l'hypertexte ? De l'hyperfiction ? De
l'interactivité ?
Le troisième chapitre est fondée sur l'analyse
de l'analogie, des mécanismes sémantiques permis par
l'hypertexte. Dans quel mesure le lien, le renvoi sur lequel se fonde
l'hypertexte et dont il se réclame renouvelle le roman, fait
apparaître les liens logiques, analogiques, quels sont les
mécanismes, peut-être jouant sur le ludisme qui fondent
l'hypertexte. Les liens réorganisent en effet le roman, les liens seront
analysés d'une part en fonction des liens en usage sur Internet, d'autre
part sur les liens internes de la fiction. Le lien fait aussi apparaître
en arrière plan d'autres textes : citation d'oeuvres choisies,
commentaires des personnages, voire des définitions de dictionnaires. De
plus le réseau permet d'insérer d'autres type de liens comme par
exemples des images, des vidéos, du son, ces derniers seront
étudiés en dernier.
II. le
livre opposé à l'hypertexte : historique et
théorie
Ce qui a permis ici de regrouper sous ce titre la technologie,
la philosophie, et la critique est une volonté commune chez leurs
acteurs d'expérimenter de nouvelles formes et nouvelles méthodes
de pensée. Ainsi un trope commun à ces trois courants est la
déconstruction de la pensée et du discours qui se
concrétise dans la notion d'hypertexte. En effet l'hypertexte a pour
origine technologique des systèmes bien qu'utopistes, qui remettent en
cause la manière dont nous pensons, nous lisons et nous
écrivons. Dans les années 1990, un chercheur américain G.
Landow va mettre en évidence la proximité de pensée entre
les théoriciens de l'hypertexte et les critiques littéraires
français tels que Gérard Genette, Roland Barthes, ainsi que
de philosophes comme Derrida. Mais la théorie de la convergence de
Landow apparaît en tout premier comme éclairante pour expliquer
le tournant, la remise en cause du livre par l'hypertexte et l'Internet. Le
texte est considéré comme un réseau, une ouverture, une
déclosion, par opposition au livre classique.
La lecture, la critique, se trouve elle-aussi prise dans ce
réseau, ce rhizome peut-être. Les philosophes, les critiques
devant ce décloisonnement, cette ouverture tentent d'interpréter
Internet et le réseau hypertextuel avec une herméneutique, une
phénoménologie du réseau. Internet remet en cause un
certain nombre de concepts, de notions, la peur du réseau mondial. La
pluralité des représentations de lectures et d'écritures
relève manifestement des méthodes, des concepts propres repris
dans la notion de l'hypertexte. C'est pourquoi la définition de
l'hypertexte passe par des domaines comme la technologie, la philosophie, et
la lecture-écriture.
Dans un premier temps il est nécessaire de replacer
l'hypertexte dans son contexte historique et terminologique pour essayer de
comprendre comment il s'oppose avec le livre, dans un deuxième temps
l'écriture d'un hypertexte est à mettre en relation avec les
théories du texte telles que Barthes, Genette ou enfin Deleuze les ont
définies, dans un troisième temps le lecteur devient un
interlecteur, il est passé du statut de consulteur au statut
d'inter-acteur, internaute.
A. Aperçu historique de
l'hypertexte
1. Le rêve d'un texte
illimité
A l'origine de l'hypertexte se trouve une volonté de
remise en cause de la du discours linéaire. Il a permis de créer
des structures fondées sur l'analogie. De plus, derrière cette
notion se cache un rêve de l'illimité qui prend forme sous des
représentations comme une bibliothèque à l'échelle
mondiale, de méta-dictionnaire... Mais ces idées prennent
naissance avant même l'avènement de la technologie. Ainsi
l'hypertexte et ses fondateurs s'inscrivent dans la lignée de penseurs
comme Léonard de Vinci, Mallarmé, H. G. Wells pour ne citer que
ces quelques noms, soit pour l'interconnexion des textes entre eux, soit pour
l'idée d'un « Livre Unique », ou enfin d'une
encyclopédie mondiale. Ainsi Léonard de Vinci annonçait
déjà au XVe siècle dans ses prophéties le livre
comme un ensemble de pages à relier et à relire selon le
cheminement de la pensée : « Les choses disjointes seront
unies et acquerront par elles-mêmes une si grande vertu qu'elles
restitueront aux hommes leur mémoire : ce sont les feuilles de
papyrus, formées de lambeaux détachés et qui
perpétuent le souvenir des pensées et des actions
humaines. » De même Mallarmé en 1897
décrit dans la préface d' Un coup de dés jamais
n'abolira le hasard son projet de « livre
unique » : « [...] appliquer un regard aux premiers
mots du Poème pour que de suivants, disposée comme ils
sont ; l'amènent au dernier, le tout sans nouveauté qu'un
espacement de lecture. » En proposant l'idée d'une
encyclopédie mondiale, H. G. Wells décrit en 1936 dans une
conférence qui sera publiée en 1938, l'organisation d'un
réseau nerveux qui servirait à tisser des liens entre les
travailleurs intellectuels du monde grâce à un média
d'expression commun et à l'unité produite par la
coopération à la réalisation de ce projet commun
Chercher citation et oeuvre exacte
. L'idée de Wells est aujourd'hui reprise par la notion
d'hypertexte et d'Internet.
2. Les fondateurs de l'hypertexte
a) Vannevar Bush et Memex
En 1945 Vannevar Bush3(*),
qui est V Bush ???
publie As we may think4(*), article dans lequel il décrit un
dispositif d'accès à l'information considéré par
certains comme un prototype d'hypertexte. Il y présente MEMEX,
mot-valise formé sur les mots MEMory et indEX, un système
basé sur des liens associatifs. Ainsi décrit-il le mémex
ainsi :
«Un mémex, c'est un appareil dans lequel une
personne stocke tous ses livres, ses archives et sa correspondance, et qui est
mécanisé de façon à permettre la consultation
à une vitesse énorme et avec une grande souplesse. »
A l'origine Bush déplorait un état de
fait : l'explosion documentaire scientifique et technique. Le
système qu'il prônait devait permettre à ses utilisateurs
de classer et de retrouver toute sorte de documents. Celui-ci était
conçu comme le titre de l'article le sous-entend, sur la manière
de penser de l'homme. En effet Bush estimait que nous ne pensons pas par
classifications mais par associations, c'est pourquoi le système qu'il a
mis au point est conçu de manière analogique :
« Une étape s'avère indispensable au
classement par association, dont le principe reposerait sur un système
permettant à tout article d'en sélectionner immédiatement
et automatiquement un autre. C'est ce processus reliant deux articles l'un
à l'autre qui caractérise le mémex5(*). (...)»
Vannevar Bush avait pour objectif déclaré
d'étendre les capacités intellectuelles humaines grâce aux
machines. MEMEX était constitué d'un système
mécanique de microfiches dont les différents contenus
étaient reliés entre eux par des liens associatifs ; deux
écrans permettaient de visualiser simultanément des documents
textuels et des photographies ou graphiques. Roger Laufer, dans son
ouvrage Texte, Hypertexte, Hypermédia, explique la raison
pour laquelle Memex peut être reliés à l'hypertexte :
« L'indexation associative des matériaux
stockés en mémoire constitue la caractéristique
fondamentale qui rapproche Memex des systèmes hypertextuels6(*).»
Cependant, les informations sont reliés par
l'utilisateur. Il enregistre les chemins qu'il a définis et peut les
nommer. Il a également la possibilité de retravailler le texte et
se l'approprier en ajoutant des commentaires et des annotations. Mais ce
système ne fut jamais réalisé. Roger Laufer l'explique par
le fait que la vision de Memex a souffert « des limites
technologiques de l'époque et de l'optimisme un peu naïf de
l'immédiat après-guerre. »
b) Paul Otlet et la bibliophoto7(*)
Malgré la proximité et la
contemporanéité de leur travaux ni Paul Otlet ni Vannevar Bush
n'eurent connaissance de leurs travaux respectifs. En 1910 Paul Otlet et son
collègue Robert Goldschmidt mettent au point « la
Bibliophoto », sorte de bibliothèque portable de microfiches.
Rayward juge en 1994 que P. Otlet pourrait avoir eu une vision de XANADU, le
système envisagé par Ted Nelson dans les années soixante.
Paul Otlet fondait en 1892, avec Henri Lafontaine (1853-1943), à
Bruxelles, l'Office International de Bibliographie, qui devint en 1895,
l'Institut International de Bibliographie et finalement en 1931, l'Institut
International de Documentation. Ce changement de nom reflète
l'augmentation sensible de la place de la documentation, et de son insertion
dans les « sciences de l'information ».
Ainsi, les travaux de P. Otlet marquent le début de
l'histoire de la documentation et de ses techniques. Il publie en 1934, son
Traité de Documentation, qui se présente comme une
synthèse de ses travaux, dans lequel il traite des problèmes de
l'organisation de l'information. Il spécule sur la « station
de travail du chercheur » : cette station devait intégrer
des instruments auxiliaires au travail intellectuel tels que la transcription
de la voix vers le texte, la lecture à distance, l'ajout d'annotations
à des textes à distance (ce qui est l'une des fonctions
attribué à l'hypertexte aujourd'hui). Les outils technologiques
dont disposait P. Otlet étaient des fiches de carton normalisées
de 3 X 5 pouces. Il consignait sur des fiches de grand standard des
informations concernant des ouvrages.
Ces informations sont considérées comme les
noeuds actuels de l'hypertexte. Les liens étaient assurées par la
Classification Décimale Universelle qui est une reprise du classement de
Dewey. Otlet et son confrère Lafontaine installèrent un
réseau documentaire international, pour utiliser et enrichir leur
documentation, si bien qu'en avril 1934 on comptait plus de quinze millions six
cent mille fiches dans sa base de données. Bien que très
éloignés dans l'espace, Bush et Otlet eurent la même
idée : indexer des documents et le relier entre eux afin de
créer un réseau documentaire international et d'entraver la
montée incessante de la documentation.
c) Douglas Engelbart et NLS
Dans la lignée de V. Bush, Douglas Engelbart publie en
1963 « A conceptual framework for the augmentation of man's
intellect8(*) » un article qui annonce
l'hypertexte. Douglas Engelbart travaille à l'institut de recherche de
Stanford : « Augmented Human Intellect » (AHI). Il est
connu pour le développement des interfaces et surtout pour la
création de la souris. En 1968, il présente le premier
système informatique fonctionnant sous mode hypertexte, le NLS pour
« on-line système », base de données qui
facilite le travail en collaboration où tous les intervenants sont
reliés en réseau.
Ce système fut intégré dans le projet
AUGMENT de D. Engelbart. NLS est un dispositif expérimental
destiné au chercheur afin d'archiver ses articles et autres textes
théoriques. Ces derniers seraient attachés à une
« revue » commune à tous les chercheurs, pouvant
être lue et complétée par des références
croisées entre les documents. Engelbart eut l'idée de ce
système en lisant l'article de Bush. NLS n'est pas
considéré comme un véritable hypertexte mais il a
développé certaines de ces caractéristiques. La base de
données textuelles est conçu de manière non
linéaire. NLS dispose aussi de filtre de point de vue, qui permettent de
sélectionner l'information. Pour naviguer dans ce système
hypertexte D. Engelbart inventa la souris, mais aussi la
« fenêtre », le
« multi-fenêtrage », le courrier électronique.
Toutes ces idées furent ensuite reprises par le Xerox Parc pour finir
chez Macintosh. Il est à noter que l'équipe de D. Engelbart
était pluridisciplinaire, elle était constituée de
psychologues, de programmeurs, d'ingénieurs informatique, ainsi que des
spécialistes en intelligence artificielle, en analyse de
système...
d) Ted Nelson et Xanadu
Theodor Holm Nelson est considéré comme
l'inventeur du concept et du néologisme
« hypertexte », daté de 1965. Il est à
l'origine de deux textes fondateurs de l'hypertexte dont il a surtout
décrit les propriétés : Computer Lib/Dream Machines
(1975) et Literary Machines (1985). Ces deux textes ont permis,
associés à des conférences sur le sujet, la propagation du
concept. Dans la réédition de Literary Machines, en
1993, T. H. Nelson définit l'hypertexte ainsi :
« Il s'agit d'un concept unifié
d'idées et de données interconnectées et de la
façon dont ces idées et ces données peuvent être
éditées sur un ordinateur ».
T. H. Nelson y revendique néanmoins sa double
filiation : Vannevar Bush et Douglas Engelbart. Le second ouvrage de
l'auteur est consacré à la description de Xanadu9(*) qui est un dispositif
hypertextuel d'archivage et de consultation de documents en réseau.
L'idée sur laquelle repose ce système est de disposer d'un fond
commun rassemblant les documents de l'humanité, accessibles à
tous et modifiables en insérant des documents et en établissant
des liens. Le document représente selon T. Nelson notre unité
fondamentale et peut être ouvert sur n'importe quel autre document.
L'ensemble des documents, d'après Hélène
Godinet-Hustache10(*),
représente une gigantesque base de données virtuelle et
dynamique, dans laquelle les utilisateurs se déplacent, lisent des
informations , les comparent à d'autres, les regroupent par
thème, insèrent des références mentionnées
dans un autre document, etc.
L'auteur est aussi à l'origine de la distinction de
deux catégories d'hypertexte :
- L'hypertexte par blocs ou fragments, comme avec une
encyclopédie ou un jeu de fiches. Le lecteur lit un bloc de texte, puis
un autre dans l'ordre qui lui convient.
- L'hypertexte étendu fait appel à la
notion de renvoi. Chaque portion du texte présenté de
manière non séquentielle renvoie à un ou plusieurs autres
textes. Se trouvent ainsi combinés l'association d'un texte à un
autre et le passage d'un bloc à un autre, l'ensemble constituant le
parcours ou la « navigation »
L'idée innovante de T. Nelson est le concept de liens,
mais les pistes associatives générées par les liens ne
sont pas du même ordre que celles décrites par V. Bush. En effet
l'analogie chez ce dernier est empirique, elle est commandée par
l'utilisateur, alors que pour Nelson la structuration des connaissances est
arbitraire pour le lecteur. La structure cognitive de chaque individu est
basée sur des expériences antérieures, sa formation...
Nelson croit que la manière dont chacun accède
aux connaissances, les relie et agit sur elles, devrait être
différenciée. Mais Nelson, philosophe de formation, est de toute
évidence davantage un théoricien de l'hypertexte qu'un
réalisateur. Il se dit même « computopien »,
utopiste de l'informatique. Il créa en 1983 une société,
du nom de son projet dans le but de le concrétiser : remplacer
l'édition classique et développer des logiciels d'édition
électronique de documents hypertextuels. Mais il faut attendre Bill
Atkinson pour voir la mise en oeuvre effective de l'hypertexte.
3. De l'utopie à la
réalisation : Bill Atkinson et Hypercard
Bill Atkinson apparaît comme le
« réalisateur » de la première application
hypertextuelle : Hypercard, commercialisée par Apple en 1987.
Alors que Vannevar Bush, Douglas Engelbart, et Ted Holmes Nelson se situaient
du côté des visionnaires et utopistes, des théoriciens,
Bill Atkinson siège du côté de la réalisation. Il
définit Hypercard ainsi : « un outil pour créer et
organiser l'information et pour la partager avec les autres, une sorte de
lecteur de cassette pour l'information11(*) » Il explique également que
Hypercard est un logiciel qui permet d'en construire d'autres. Hypercard est
décrit comme un logiciel dont l'élément d'information de
base est une fiche (card) qui correspond à une page-écran. Un
ensemble de fiches constitue une pile (stack). Les liens entre les fiches sont
contrôlés par des boutons qui correspondent à des
icônes, des flèches, des mots ou des zones d'écran.
L'activation du bouton par l'utilisateur provoque l'exécution du
programme, et de l'action qui y correspond : afficher un autre fiche,
générer un son12(*)... Ce logiciel a trois fonctions essentielles :
se balader dans les piles de cartes, éditer ces cartes et enfin
programmer des liens plus complexes au moyen d'un langage (Hypertalk).
Au départ Hypercard ne fut pas conçu pour
construire des hypertextes, mais il l'est devenu à travers les usages
pédagogiques qu'il a permis de réaliser. Les usagers ont pris
conscience de l'intérêt de ce logiciel permettant d'une part d'en
construire d'autres mais aussi de développer le principe d'hypertexte
avec des liens référentiels et des liens organisationnels.
Grâce à ce logiciel l'hypertexte est devenu une technologie
intellectuelle qui nécessite une technologie informatique
appropriée. Le succès de ce logiciel s'explique par le fait
qu'Apple l'intégrait gratuitement à tous ses ordinateurs
Macintosh, c'est pourquoi il est considéré comme « le
premier logiciel hypertexte grand public. » Mais l'hypertexte
aujourd'hui est associé à Internet car il en est l'architecture
principale.
4. L'hypertexte et Internet : Tim
Berners-Lee et le World Wide Web (W3)
L'Internet, Interconnexion of Networks, trouve ses
origines dans un système développé dans les années
soixante par le département de défense américain, et d'un
organisme ARPA pour (Advanced Research Project) qui mis au point le
système Arpanet. Ce dernier est un système de communication
d'ordinateurs en réseau, où les centres de recherche sont
reliés. Il avait essentiellement un objectif militaire, car il est
constitué d'entités autonomes (des noeuds), sans structure
centralisée. Au départ les premières communications entre
les ordinateurs monopolisaient chacune une ligne de transmission, mais ce
système ne convenaient pas et on s'orienta vers le système de la
file d'attente qui permettaient à plusieurs machines d'utiliser la
même ligne téléphonique, mais ce procédé
implique que quand un utilisateur utilise la ligne les autres doivent attendre.
Ainsi on inventa le système de transmission dit par
« paquets », cela explique deux choses : d'une part si
deux utilisateurs utilisent la même ligne téléphonique on
transmet alternativement « les paquets » de chaque
utilisateur, personne n'est bloqué mais la transmission est plus lente.
Par exemple quand un utilisateur choisit un fournisseur d'accès à
Internet il se relie au serveur de ce fournisseur d'accès, cela explique
aussi la lenteur de l'affichage des pages et le débit différent
suivant les heures de connexion. Ce système par paquets est la base du
langage commun dont Vinton Cerf est à l'origine. En 1974 il
créé un langage commun : le TCP/IP « Transmission
Control Protocol over Internet Protocol » en vue de rassembler
plusieurs dizaines de milliers de réseaux d'ordinateurs
interconnectés. Tout au long des années 70, les
universités sont progressivement incluses dans le réseau Arpanet.
Sur ce modèle vont apparaître dans un premier temps des
systèmes de transfert d'information entre les ordinateurs,
essentiellement dans les universités, les laboratoires de recherches et
enfin les entreprise. Les années 90 sont marquées par la
démocratisation d'Internet, et par sa croissance. En 1994 Internet cesse
d'être réservé à une élite professionnelle,
comme l'explique Jean Pruvost dans Dictionnaires et nouvelles
technologies :
« Il suffira en 1994 de libérer Internet ce
cette structure réservée à une élite pour que la
toile transforme chaque ordinateur personnel en centre possible de diffusion et
de réception planétaire.13(*) »
Il manque à Internet une norme commune et un logiciel
commun. Mais ce protocole commun à la base de la connexion des
ordinateurs ne suffit pas à décrire le réseau mondial
qu'est Internet. En effet Internet a plusieurs facettes dont la plus connue est
le World Wide Web, qui est la structure d'organisation des documents. Il
représente aussi un réseau documentaire qui a acquis un langage
standardisé autour des documents HTML et des protocoles
« http »et « ftp ».
En octobre 1989, est créé à Genève
un programme, le World Wide Web ou W3 à l'initiative de Tim
Berners-Lee. Travaillant au Centre européen pour la recherche
nucléaire (CERN), il poursuit une idée qu'il avait
déjà inscrite dans un programme de 1980 nommé Enquire
Within. Il s'agissait de permettre de stocker des documents en
établissant des liens entre eux, il était au départ
destiné à fournir un mode convivial pour échanger
l'information dans cette communauté de chercheurs. Au lieu qu'un fichier
soit dans un répertoire, lui-même dans un autre répertoire,
et ainsi de suite dans une organisation arborescente, ce programme proposait
d'accéder aux documents par des liens définis librement par les
utilisateurs. Représentés sur papier, les liens s'entrecroisent
comme les fils d'un tissu. C'est cette idée de tissu qui présida
au choix du mot web, tisser. Web peut se traduire aussi par
« entrelacs » ou « réseau ». Son
idée était celle d'une organisation radicalement
décentralisée, comme un tissu. Son programme World Wide Web fut
terminé en un an, adopté comme outil de travail par les
physiciens du CERN, il fut distribué gratuitement sur Internet en
août 1991 et fonctionna d'abord en mode texte. Berners Lee et son
équipe vont développer des standards, notamment le langage de
balisage HTML (Hyper Text Markup Language) qui permettent de produire des
documents et de décrire leur structure de manière à ce
qu'ils soient accessibles à tous, n'importe où, à tous
moments. L' HTML est un langage informatique utilisé pour la description
de documents sur les serveurs W3 il s'agit d'un ensemble simple de commande de
format des documents. Le langage HTML est en fait une application de la norme
SGML (Standard General Markup Language). SGML est une norme inventée en
1986 capable de décrire des documents en toutes langues. Cette norme est
née du besoin de disposer d'un format commun, capable d'une part de
servir de points communs aux échanges mais aussi de créer un
standard intermédiaire. HTML est une application dérivée
de la norme SGML, HTML définit une classe de documents :
« Parmi les techniques et les protocoles de
diffusion en réseau, il faut distinguer ceux qui permettent la
transmission de documents sous forme de simples fichiers (FTP : File
Tranfer Protocol) de ceux qui exploitent le principe des hypertextes
répartis (HTTP : Hyper Text Transfer Protocol ). Parmi ces
derniers, le World Wide Web (en abrégé, le Web ou, en
français, la Toile) s'est imposé rapidement. Grâce à
un langage de balisage à la norme S.G.M.L. appelé H.T.M.L. (Hyper
Text Markup Language), il est possible de publier et de faire circuler des
documents multimédias correctement mis en page et reliés par des
liens hypertextuels à des documents hébergés sur d'autres
sites du réseau.14(*) »
Cette dernière définition rejoint celle
d'Hélène Hustache Godinet selon laquelle le web serait un
réseau global d'hypermédia. Mais le W3 n'est pas le seul support
à utiliser l'hypertexte, le produit sur cédérom se sert
également des possibilités offertes par l'hypertextualité
sans pour autant le systématiser.
5. Le cédérom comme support de transition
pour l'hypertexte
Il apparaît intéressant de prendre en compte le
support du cédérom comme média de l'édition
électronique. En effet le cédérom est un moyen de
diffusion de documents hypertextuels, c'est-à-dire de documents dont la
consultation rend possible un parcours par association d'idées,
autorisé par l'organisation interne des noeuds et des liens.
Généralement nous faisons la différence entre un
hypertexte off-line disponible sur un support optique fixe et un hypertexte
on-line dynamique et accessible par réseau numérique. Le
cédérom est considéré dans son aspect fini,
fermé, par opposition à l'ouverture du document en réseau.
A cette dichotomie, nous pourrions opposer un argument : les
encyclopédies (Encarta par exemple) sur cédérom
intègrent de plus en plus les adresses des sites web d'un sujet à
l'intérieur de l'article, afin de permettre à l'utilisateur
d'approfondir le sujet auquel il s'intéresse, et lui évitant de
passer par un moteur de recherche. Le cédérom dépasse
donc son support fermé pour s'ouvrir à Internet et devient ainsi
un support dynamique. De même la revue ALIRE, éditée sur
cédérom, se présente comme un portail sur la
littérature informatique, elle offre la possibilité au lecteur de
se connecter sur les sites web des écrivains. Mais sur le support
cédérom reste tout de même un support fermé dans la
mesure où l'utilisateur ne peut en aucun cas ajouter ces propres liens
et reste enfermé dans des parcours prédéfinis. Mais nous
verrons que l'interaction de l'utilisateur sur le support est toutefois
réduite même sur le web. Il ne peut en réalité
activer que les liens prévus par l'auteur. En effet le support
cédérom comme l'indique le sigle «cdrom » :
« compact disque read only mémory » qui
signifie : « disque compact accessible en lecture
seule » ne permet pas à l'utilisateur de créer ses
propres parcours de lecture. Cependant les premières hyperfictions
furent éditées sur support optique, par exemple 20% d'amour
en plus (1996) de François Coulon ou Sale Temps (1996)
de Franck Dufour et alii n'existent que sur cédérom. Ce
support a donc permis, avant la propagation du web en France, la diffusion du
concept et de documents hypertextuels.
Pour conclure sur cet
aperçu historique de l'hypertexte, il faut rappeler l'existence d'une
notion en étroite corrélation avec les domaines auquel il est
rattaché. A l'origine se trouve bien en effet une volonté de
texte illimité, de remise en cause de la linéarité de la
pensée comme Vannevar Bush et mémex, Paul Otlet était
avant tout un documentaliste, alors que Ted Nelson se situe-t-il du
côté de la remise en cause de l'écriture. L'hypertexte
associé au World Wide Web et au réseau est une notion
récente, et en confluence avec l'apparition du web. Enfin le
cédérom a permis de vulgariser l'hypertexte avant la
propagation de l'Internet en France. La terminologie va permettre
d'éclairer cet historique.
B. Terminologie
Pour essayer de resituer l'hypertexte il est d'abord
nécessaire de replacer la définition de l'hypertexte en fonction
des définitions en usage dans les dictionnaires afin de pouvoir
dégager des sèmes communs. Le sème est une notion
empruntée à la linguistique, il se définit comme une
unité de signification. Le sémème est
considéré comme l'ensemble des sèmes qui forment le
signifié d'un mot. C'est pourquoi si on analyse l'hypertexte comme un
mot qui se définit premièrement dans l'usage et
deuxièmement comme un mot qui se radiographie aussi dans et en rapport
avec les dictionnaires, nous pourrons établir des constantes, ou au
contraire des différences.
1. L'hypertexte et le web
L'hypertexte est un concept qui, apparu en 1960 à
l'initiative de Ted Nelson , ne se voit vulgariser que dans les années
1990. La propagation du terme en France est liée à l'apparition
du World Wide Web, et aux nouvelles possibilités du traitement de
l'information documentaire grâce aux ordinateurs, c'est ce que met en
évidence le journal Le Monde daté du 14 mars 2000, dans sa
rubrique sabir cyber 15(*):
« Un hypertexte est un ensemble de texte
reliés par des liens. Ces liens, généralement
représentés par un souligné et une couleur
différente sont actifs. Naviguer sur le web est ainsi le strict
équivalent de se déplacer dans un hypertexte. »
Le web est un système fondé sur l'utilisation de
l'hypertexte, qui permet la recherche d'information dans Internet,
l'accès à cette information et sa visualisation. L'hypertexte est
avant tout caractérisé par sa non linéarité. En
effet la plupart des définitions s'accordent sur ce point, par exemple
l'Office de la Langue Française le définit ainsi :
« Présentation de l'information qui permet
une lecture non linéaire grâce à la présence de
liens sémantiques activables dans les documents.16(*) »
ou encore :
« l'hypertexte permet un parcours non
linéaire d'une oeuvre (ou d'un document quelconque au demeurant) par des
clics sur des zones actives qui masquent des liens avec d'autres
éléments du texte.17(*) »
D'un point de vue lexicologique,
« hypertexte » est un mot composé savant à
base nominale formé en français du préfixe grec hyper
et du nom commun texte. Le mot texte vient du latin textus
qui signifie « le tissu, la trame ». Avec
l'apparition de l'hypertexte on assiste à une remotivation du sens
premier. En effet l'hypertexte, associé au web qui signifie
toile, est remotivé dans la mesure ou la toile, le tissu, et la trame
appartiennent aux même champ lexical.
Le préfixe hyper exprime la démesure,
l'excès. Il signifie au « dessus, au delà ».
Il faut donc imaginer un texte au delà du texte lui même, au
delà d'un point de vue local : le texte se trouve après ou
avant un autre texte mais aussi un texte démesuré, que l'on ne
peut plus quantifier. Ainsi la première partie de la définition
d'hypertexte dans la deuxième édition du Dictionnaire du
multimédia, de Jacques Notaise, Jean Barda, et Olivier
Dussanter (AFNOR, 1996), explique que l'hypertexte est une fonction
logicielle qui, dans un texte, associe, à certains mots ou groupe de
mot, des programmes procurant des compléments d'information se situant
au-delà du texte. A chaque instant le lecteur peut obtenir ces
compléments en cliquant simplement sur le mot ou groupe de mots choisi.
Certains logiciels hypertextes traitent ainsi tous les mots d'un texte en
associant, par exemple, à chacun sa définition puisée
dans un dictionnaire ou un glossaire.
Il est à signaler que les auteurs du Dictionnaire
de l'informatique de l'AFNOR (Association Française de
Normalisation), de 1997, ayant pour sous-titre Le vocabulaire
normalisé, présentent l'hypertexte comme relevant de notre
manière de penser, ce qui n'est pas sans implication historique18(*). En effet, que l'hypertexte
permet la réalisation de documents d'une manière qui imite la
structuration humaines des idées, différentes de la structure
linéaire des films, des livres et de la parole.
2. Hypertexte : noeud et liens
Cependant les sèmes de l'hypertexte ne se limitent pas
à sa non linéarité, d'écriture et de lecture. Il
est manifeste que la lecture plurilinéaire représente un topos
récurrent, un trope inévitable dès qu'on évoque le
sujet. Ce processus s'établit à l'aide de
« liens ». Le lien permet de naviguer entre les documents,
d'ailleurs c'est cette partie de l'hypertexte que le Petit Robert sur
cédérom19(*)
retient :
« Procédé permettant d'accéder aux
fonctions ou informations liées à un mot affiché à
l'écran, en cliquant simplement sur ce mot. »
En effet les notions de lien et de noeud sont
inséparables de l'hypertexte dans la mesure où celui-ci est
constitué de noeuds d'information connectables par des liens activables.
Ainsi nous trouvons également :
« Hypertexte, nm, technique ou système qui
permet dans une base de données documentaire de passer d'un document
à un autre selon des chemins préétablis ou
élaborés lors de la consultation. » 20(*)
et,
« INFORM, système constitué d'un
ensemble de textes associés par des liens permettant à
l'utilisateur de naviguer de l'un à l'autre. » pour ce qui
concerne le dictionnaire de la francophonie » Hachette, en
ligne21(*)
De plus une distinction est établie entre les
différents type de liens : généralement sont
distingués :
- le lien organisationnel et le lien sémantique,
- le lien interne et le lien externe à une page,
- le lien défini par l'auteur et le lien
créé par le lecteur,
- le lien défini selon sa direction et dans son rapport
avec le noeud
- etc.
Les différenciations sont nombreuses suivant l'approche
choisie (informatique, cogniticien, linguiste..) et le public visé.
Le lien, pour passer d'un document à un autre peut
être de différentes natures : comme par exemple du
texte : mot, groupe de mots, adresse url, images, sons. Le mot
« activable » est appelé
« hypermot ». L'adresse « url » est
l'adresse d'un site ou d'une page web, elle se présente
généralement ainsi : «
http://www.francoiscoulon.com »
et est composée de plusieurs éléments,
« http » est un sigle qui référence au type
de format utilisé, il signifie « Hyper Text Transfert
Protocol », les trois « w », correspondent
à la siglaison de World Wide Web,
« françoiscoulon » est le titre du site, la
dernière partie « .com » fait
référence au nom de domaine, il varie selon l'objectif du site,
le pays...le « .com » signifie que le site a une fonction
commerciale.
3. Hypertexte, composés et
dérivés : hypermédia, hypertextuel, hyper-
Sur le web, il est souvent question d'hypertexte alors qu'il
s'agit de plus en plus d'hypermédia puisque les données peuvent
se présenter sous la forme de texte, d'image, ou de son.
L'hypermédia se définit comme une extension de l'hypertexte
à des données multimédias, permettant d'inclure des liens
entre des éléments textuels, visuels et sonores.
Grammaticalement, le terme « hypertexte »
a valeur de nom commun et d'adjectif qualificatif. Il existe également
un adjectif dérivé, hypertextuel, dont l'usage est moins
fréquent, en effet l'Office de la Langue Française le mentionne
et il est apparu dans la nouvelle édition du Petit Robert :
« Hypertextuel : relatif à l'hypertexte.
Notes : l'adjectif textuel étant un dérivé du mot
texte, le substantif a tout naturellement donné l'adjectif
« hypertextuel »
Le préfixe « hyper » est
très courant dans les mots composés de la langue
« cyber », mais la néologie sémantique touche
généralement peu les « préfixes » et
« suffixes ». Le préfixe
« hyper » se voit attribuer un nouveau signifié. En
effet il désigne dans la langue cyber les mots composés
dérivés d'hypertexte. On assiste donc à un nouveau
préfixe obtenu par apocope du mot hypertexte, qui devient
« homonyme » du premier.
Pour conclure sur cette définition voici les
principales caractéristiques de l'hypertexte de ce que l'on peut en
retenir :
- il est lié au web et s'organise donc comme un
réseau, un tissu ;
- ce tissu est composé de noeuds (la page) et de liens
qui varient
- les liens peuvent être des images, des sons, des
vidéos, appelés hypermédia ;
- l'hypertexte est à la fois un concept, un outil
informatique, un produit ;
- il s'inscrit dans le domaine auquel il se
réfère, c'est pourquoi les définitions, suivant qu'elles
prennent telle ou telle dominante peuvent varier ;
- il s'oppose aussi à l'approche traditionnel du livre
dont il remet en cause certaines notions
Mais dans d'autres domaines telles que la linguistique
et la philosophie seront tentés la remise en cause du livre et du
texte, notamment par Barthes et par Derrida, où l'hypertexte devient un
le lieu de convergence entre la littérature et la philosophie, il
devient un principe d'écriture.
C. L'hypertexte, une représentation du texte
quelques notions sous-jacentes
1. L'hypertexte comme réseau de texte
L'hypertexte n'est pas dès son origine assimilé
à la littérature, il a d'abord été
intégré par d'autres disciplines participant de la documentation,
de la pédagogie, etc. Progressivement l'approche hypertextuelle se
généralise avec notamment l'avènement du web. Mais le
mouvement de la littérature vers l'hypertexte apparaît comme
indécis. Chez les théoriciens américains se
développe la théorie de la convergence au début des
années 1990 en particulier dans trois livres : Writing
Space22(*) de Jay
David Bolter, Hypermedia and literary studies, de Delany et
Hypertext, the convergence of contemporary critical theory and
technology23(*) de
George Landow. Alain Giffard dans son article « Petites Introductions
à l'hypertexte »24(*) définit la théorie de la convergence
ainsi :
« la notion d'hypertexte est l'occasion d'un
rapprochement entre la technologie et les théories littéraires,
représentées en particulier par le poststructuralisme et la
déconstruction.»
Ainsi explique-t-il que le noyau de littéraires
américains qui se sont intéressés à l'hypertexte au
point de participer à la réalisation de certains logiciels
(intermédia, storyspace) retrouvent dans les livres de Barthes, Derrida
et Genette, les idées mêmes qui constituent leurs orientations
techniques. Landow la définit dans son introduction, intitulée,
« hypertextual Derrida, post structuralist Nelson ?» Ce
chiasme exprime le point de vue de Landow : il considère Derrida,
philosophe comme un théoricien de l'hypertexte alors que Nelson,
théoricien de l'hypertexte est présenté comme un
post-structuraliste. Il définit l'hypertexte comme une
« une incarnation frappante de certains concepts majeurs de
Barthes et Derrida »
La théorie de la convergence s'organise autour de trois
axes principaux : l'interconnexion des textes, la pensée
fragmentaire, et la pluralité des représentations, qui
opèrent à la fois sur le sur le plan de l'écriture et de
la lecture : « L'hypertexte se caractérise par sa
non-linéarité et sa discontinuité
potentielle. » Cette convergence intervient essentiellement autour de
la mise en relation de concepts et de termes et s'articule autour de
l'utilisation d'un même vocabulaire. Par exemple métaphore du
« réseau » comme représentation du texte
est commune à la littérature et à la technologie.
a) La pluralité des
représentations
Barthes définit le texte comme un réseau de
textes, cette conception du texte permet de comprendre le concept de
pluralité des représentations. Généralement on
oppose l'axe syntagmatique, qui est l'axe sur lequel se combinent les
unités à l'axe paradigmatique, qui au contraire est l'axe qui
reflète les relations existant entre les éléments capables
d'assumer une même fonction. L'axe syntagmatique est l'axe de la
linéarité du texte par opposition à l'axe paradigmatique
qui est l'axe de la non linéarité du texte. Ces deux concepts
permettent d'expliquer comment nous sommes passer du texte clos sur lui
même à un texte ouvert, dé-limité,
dé-cloisonné, qui permet la mise en relation du texte avec
d'autres textes. Le paradigme comme notion permet d'expliquer le texte comme
pensée fragmentaire ou le texte comme une ouverture sur d'autres textes.
b) La pensée fragmentaire
La pensée fragmentaire est en effet un dispositif mis
en place par l'hypertexte dans la mesure où il est
caractérisé par la discontinuité. Le discontinu permet au
lecteur, à l'exégète de faire des regroupements, de mettre
en relations des fragments qui font écho, et de faire apparaître
des analogies, des comparaisons, des différences.
Barthes, est partisan d'une nouvelle critique basée sur
l'interprétation des textes selon une lecture moderne,
c'est-à-dire en faisant abstraction des contingences et de la
signification du texte dans son époque d'origine. Il proscrit
l'idée d'une critique qui ne prendrait en compte que l'histoire
littéraire et qui considérerait l'oeuvre uniquement dans son
contexte d'origine. Il prône au contraire une nouvelle critique
basée sur l'interprétation des textes qui amènent à
des lectures différentes des critiques jusqu'alors pratiquées.
Barthes considère le processus d'écriture du critique
ainsi : « écrire, c'est d'une certaine façon
fracturer le monde (le livre) et le refaire »25(*). Son ouvrage S/Z
révèle une critique entièrement tournée vers
l'interprétation de l'auteur comme critique mais qui ne saurait
remplacer le lecteur : « Il reste encore une dernière
illusion à quoi il faut renoncer : le critique ne peut en rien se
substituer au lecteur »
Pour ce qui est de la pensée fragmentaire, G. Landow
met en relation les lexies de Barthes avec ce que Nelson définit comme
« l'hypertexte par blocs ou fragments » où le
lecteur lit un bloc de texte, puis un autre dans l'ordre qui lui convient. La
lexie est définie ainsi par Barthes dans son ouvrage
S/Z26(*) :
« On étoilera donc le texte, écartant,
à la façon d'un séisme, les blocs de signification, dont
la lecture ne saisit que la surface lisse, imperceptiblement soudée par
le débit des phrases, le discours coulé de la narration, le grand
naturel du langage courant . Le signifiant tuteur sera découpé en
une série de courts fragments contigus, qu'on appellera ici des lexies,
puisque ce sont des unités de lecture »
La pensée fragmentaire n'est à considérer
que du point de vue de la lecture comme héméneutique. De plus
l'idée d'une pensée fragmentaire est une idée
récente dans la philosophie occidentale27(*), Derrida (1930-) en reste le principal
théoricien avec notamment son entreprise de déconstruction qui
caractérise toute son oeuvre. Elle se définit par la remise en
question de la forme traditionnelle du livre, rêve de l'unité et
de la totalité du discours clos sur lui même. C'est pourquoi ses
textes n'ont ni début, ni fin, ils sont greffés sur d'autres
textes et sont prétexte à d'autres textes :
« la fin de l'écriture linéaire est
bien la fin du livre même si aujourd'hui encore, c'est dans la forme du
livre que se laissent tant bien que mal engainer de nouvelles écritures,
qu'elles soient littéraires ou théoriques28(*) »
Mais il ne faut pas chercher dans cette pensée
fragmentaire une interconnexion des textes ou un ordre analogique selon lequel
l'homme pense par association d'idées. En effet la pensée
fragmentaire ou paradigmatique est un concept philosophique et de la critique
et non un concept du lecteur.
c) L'interconnexion des textes
Roland Barthes dans l'introduction à S/Z met
en évidence l'interconnexion des textes entre eux, par exemple il
explique29(*) que le
texte peut être sujet à plusieurs interprétations et qu'il
n'est pas statique. La tâche assignée du critique est selon lui de
mettre en relation un texte avec d'autres textes.
« Le commentaire d'un seul texte n'est pas une
activité contingente, placée sous l'alibi rassurant du
« concret » : le texte unique vaut tous les textes de
la littérature, non en ce qu'il représente (les abstrait et les
égalise) mais en ce que la littérature n'est jamais qu'un seul
texte : le texte unique n'est pas un accès (inductif) à un
Modèle mais entrée d'un réseau à mille
entrée... 30(*)»
S'essayant à de nouvelles formes de critiques Barthes
apparaît dans S/Z pour une interprétation des textes basée
sur la lecture et le commentaire qui se libére ainsi des contraintes du
structuralisme. Alors que Barthes se place du côté de
l'interprétation des textes et du droit du critique à mettre en
relation différents textes regroupés suivants des
thématiques, Gérard Genette, dans son ouvrage Palimpseste, ou
la littérature au second degré, se place lui, du coté
de l'écriture. La confluence entre la technologie et Gérard
Genette s'effectue non seulement sur le plan terminologique :
Gérard Genette utilise lui aussi le terme d'hypertexte, mais aussi sur
le plan conceptuelle : la transtextualité, telle que la
définit Genette, est proche du concept de lien.
2. Hypertexte : informatique et/ou
littérature ?
Il est vrai que le rapprochement est rare, mais il existe. En
effet l'hypertexte est un terme vulgarisé dans le domaine de
l'informatique, mais il existe également dans le domaine de la
littérature. Cette double appartenance est marquée dans les
dictionnaires par la « marque ». En effet l'hypertexte est
un terme polysémique, équivoque pour des spécialistes de
la littérature. Ainsi le seul dictionnaire de langue à
établir de parallèle est le Dictionnaire Flammarion de
la Langue Française (1998):
« Hypertexte, n. m. : 1. Texte
littéraire dérivé par rapport à un autre qui lui
est antérieur et lui sert de modèle ou de source, d'ou des
phénomène de réécriture possibles comme le pastiche
ou la parodie. 2. Inform. Procédé qui permet une circulation
entre les différents textes par l'intermédiaire de mots
charnières. »
Un autre auteur à mettre en relation l'informatique et
la littérature est André Gervais, dans son Petit glossaire
des termes en " texte "31(*). Il donne pour l'article « hypertexte,
hypertextualité » les références
suivantes : « - I Theodor Holm Nelson, 1967. II Gérard
Genette, 1982. » Il met en garde contre les abus et explique qu'il ne
faut pas confondre les deux termes. Mais il les rapproche et établit
leur proximité de sens.
« Cette innovation [le logiciel Hypercard] recoupe
étonnamment les résultats d'une réflexion
théorique, menée au même moment dans un tout autre domaine,
et de manière tout à fait indépendante : le notion
d'hypertexte32(*) élaborée par Gérard Genette
et qui désigne une série d'oeuvres littéraires,
reliées entre elles par des liens de parenté ou de filiation et
reliées à un modèle commun, dont elles dérivent
toutes. Le principe du logiciel Hypercard repose à son tour sur la
notion d'hypertexte, qui n'est rien d'autre que la mise en réseau
multiple, souple et malléable d'un certain nombre de
textes. »
Cette rencontre de termes mis en évidence par Alain
Giffard et Georges Landow, est signifiante mais les termes ne doivent pas
être confondus. Gérard Genette33(*) dans son ouvrage définit cinq
catégories de liens implicites ou explicites qui unissent des textes
entre eux, réuni autour de la notion de transtextualité :
l'intertextualité, la paratextualité, la
métatextualité, l'hypertextualité, et enfin
l'architextualité . L'intertextualité est selon Gérard
Genette réservée à la présence effective d'un ou de
plusieurs textes dans un autre texte, qui se manifeste sous la forme de la
citation qui est la forme la plus littérale et la plus explicite, du
plagiat, littéral mais non avoué, l'allusion moins
littérale et moins explicite. Le deuxième type de relation
transtextuelle est la paratextualité : elle se définit dans
la relation du texte avec le hors texte du livre lui-même. Le
troisième type de relation est la métatextualité qui
désigne la relation de commentaire qui unit un texte à un autre
texte, dont il parle. Il s'agit de la relation critique. Avant de donner la
définition de l'hypertextualité, qui est la quatrième
relation, la cinquième relation est l'architextualité elle
apparaît à ses yeux comme la plus implicite et la plus abstraite
car elle renvoie au genre, qui est le plus difficile à définir et
des plus variable. Néanmoins malgré la proximité des
termes il ne faut peut-être pas confondre une théorie
littéraire sur « l'hypertextualité »
définie ainsi :
« J'ai délibérément
différé la mention du quatrième type de
transtextualité parce que c'est lui et lui seul qui nous occupera
directement ici. C'est donc lui que je rebaptise désormais
hypertextualité. J'entends par là toute relation unissant un
texte B (que j'appellerai hypertexte) à un texte antérieur A (que
j'appellerai, bien sûr, hypotexte) sur lequel il se greffe d'une
manière qui n'est pas celle du commentaire (...) Comme on le voit par
ces exemples, l'hypertexte est plus couramment considéré comme
une oeuvre « proprement littéraire »
L'hypertexte est donc un texte supérieur et
postérieur à un autre texte qu'il travestit, transforme,
réécrit. Le néologisme créé par
Gérard Genette n'a rien à voir avec l'hypertexte (du web). Il
reste une théorie propre à la littérature qui si nous
faisons abstraction de son contexte peut facilement dériver. En effet
l'hypertexte d'un point de vue technologique permet la mise en relation des
textes entre eux grâce à un lien mais Gérard Genette
entendait un principe de mise en relation interne, un principe de
réécriture, par exemple le mythe d'OEdipe et d'Antigone tels
qu'ils ont été contés par Eschyle qui sont des hypotextes
du mythe d'OEdipe repris par Anouilh dans Antigone qui lui est son
hypertexte. La littérature se sert des textes de la culture
antérieure pour donner sa propre interprétation.
Cette confusion vient d'une confusion des termes : en
effet Nelson combine l'hypertexte comme une écriture non
séquentielle, l'intertextualité comme garantie de la
méthode, la littérature au service de l'association. Quand
à Bolter, il qualifie d'hypertexte le régime global des relations
transtextuelles. Ce rapprochement doit être pris en compte d'un point de
vue de la transtextualité et des catégories que Gérard
Genette a mis en évidence, dans la mesure ou les théoriciens de
la littérature hypertextuelle estiment que la transtextualité est
une condition pour pouvoir écrire une oeuvre en hypertexte (W3). Cette
jonction de terme est certes à mettre en évidence mais comporte
des limites, Alain Giffard insiste tout de même sur le fait que la
théorie de la convergence est présentée avec plus ou moins
de retenue et qu'elle propose une série de rapprochement : elle
présente l'hypertexte et l'hypermédia comme un nouveau stade
technique instituant un autre régime de visibilité de
l'écrit. Elle fait correspondre les traits spécifiques du nouveau
médium et les thèses d'une partie de la critique
littéraire (post-structuralisme, déconstruction) ainsi que la non
séquentialité, l'écriture fragmentaire entre le mouvement
de la littérature contemporaine et la technologie de l'hypertexte. Plus
généralement, elle rapproche l'ouverture hypertextuelle et
l'idée même de littérature, et de « l'ordre des
livres »
Cette définition soulève une question dans la
mesure où le post-structuralisme et la déconstruction
représentent des courants philosophiques et de la critique
littéraire. Il existe certes un rapprochement entre la critique
littéraire et l'hypertexte mais il est débattu et cette
théorie comporte certaines limites. Il nous a néanmoins paru
intéressant de le mettre en évidence afin de d'établir le
parallèle mais aussi de considérer l'hypertexte comme traduisant
un système de pensée différent, qui remet en cause nos
modes de pensées traditionnels, car il brise la linéarité
de l'écriture, et de la lecture comme herméneutique. Aussi un
rapprochement est établi par Pierre Levy qui définit les
propriétés de l'hypertexte en fonction de Rhizomes, de
Deleuze et Guattari. Deleuze et Guattari s'inscrivent dans cette
déconstruction de la pensée et du livre.
« On ne demandera jamais ce que veut dire un
livre, signifié ou signifiant, on ne cherchera rien à comprendre
dans un livre, on se demandera avec quoi il fonctionne, en connexion de quoi il
fait ou non passer des intensités, dans quelles multiplicités il
introduit et métamorphose la sienne, avec quel corps sans organe il fait
lui-même converger le sien. Il n'existe que par le dehors et au
dehors.34(*)» Deleuze,
Rhizome
3. Une interprétation de l'hypertexte comme rhizome
Pour comprendre ici les mécanismes de l'hypertexte, et
comment en tant que réseau il s'organise, fonctionne, dans la mesure
où il remet en cause un certain nombre de concepts et notamment entre en
opposition avec le livre classique, tel que nous avons pu l'énoncer, il
nous a paru intéressant de reprendre la métaphore du rhizome,
telle qu'elle est définie par Gilles Deleuze, et Felix Guattari, dans le
dernier volume de Capitalisme et Schizophrénie, Mille
Plateaux35(*).
Rhizome36(*) en est
l'introduction, elle a pour but d'expliquer au lecteur la démarche
intellectuelle dans laquelle ils se situent. Elle s'organise selon trois axes,
avec tout d'abord la remise en cause du livre dit
« classique », ensuite avec la proposition d'un nouveau
système qu'il nomme rhizome, en en énonçant les principes,
et enfin en appliquant ces principes à leur ouvrage Mille
Plateaux. Il est certain que cette approche est une approche philosophique
qui s'inscrit dans une conception du monde et de la société, mais
ce n'est pas notre propos ici et, pour éviter toute confusion de sens,
la métaphore du rhizome ne sera prise que dans l'énonciation du
concept sans prendre en compte les applications que les auteurs en font. Cette
métaphore du rhizome est une constante, un des topos récurrent,
qui dès que l'on aborde le réseau se trouve invoquée. Il
nous a donc semblé malgré la digression que ce
développement nécessite de l'expliquer. 37(*) Le philosophe, Gilles Deleuze
est selon Mireille Buydens : « un ingénieur de
l'immatériel, dont la tâche est de produire les outils de la
réflexion, d'usiner les mots, de dessiner et d'assembler les
topographies conceptuelles qui constitueront les briques
élémentaires de la pensée.38(*) »
a) Le rhizome comme représentation
du livre
· La remise en cause du livre dit
« classique »
Selon Deleuze, le rationalisme en général et la
modernité relèvent de l'un et de la pensée unifiante, dont
la métaphore directrice est l'arbre. Sous sa forme la plus simple le
rationalisme est dichotomique ou arborescente : l'un se divise en deux,
puis chaque moitié se divise en deux...39(*) plus complexe il peut feindre l'accueil de la
multiplicité (les branches, les racines) mais en la ramenant fermement
à l'unité d'un tronc commun. C'est ce qu'il nomme le premier type
de livre : « le livre arbre » ou le
« livre-racine », se plaçant du côté du
sujet il explique :
« Un premier type de livre, c'est le livre racine.
L'arbre est déjà l'image du monde. C'est le livre classique,
comme belle antériorité organique, signifiante et subjective. Le
livre imite le monde, comme l'art, la nature (...) L'arbre ou la racine en tant
qu'image, ne cesse de développer la loi de l'un qui devient deux, puis
de deux qui deviennent quatre.40(*) »
· Pour un livre rhizome
Mais il a voulu écrire un livre basé sur la
multiplicité, comme le titre en témoigne : Capitalisme
et schizophrénie. Mais pour pouvoir lui emprunter les
modalités de son discours, il faut émettre des principes
autres. Le principe ontologique de la schizophrénie est
évidemment la multiplicité. Une fois la multiplicité
admise du côté du sujet il se place du côté de
l'objet pour affirmer de nouveau qu'elle n'est qu'un leurre :
« Du côté de l'objet suivant la
méthode naturelle, on peut sans doute passer directement de l'un
à trois, quatre ou cinq, mais toujours à condition de disposer
d'une forte unité principale, celle du pivot qui supporte des racines
secondaires. La racine pivotante ne comprend pas plus la
multiplicité.41(*) »
Ne trouvant donc pas de livre et de manière d'organiser
son ouvrage qui traduisent la multiplicité, il propose l'idée
d'un livre construit sur la métaphore du rhizome dont il énonce
les principes. Tout d'abord, le rhizome est une tige qui se
caractérisent pas le fait que poussant horizontalement, elle
prolifère sans se structurer binairement et sans qu'on puisse lui
assigner un début et une fin (par opposition aux racines arborescentes
ou dichotomique). Le rhizome apparaît donc comme un modèle
d'organisation sans hiérarchie ni dichotomie.
« Le système radicelle est la seconde figure
du livre, dont notre modernité se réclame volontiers (...)
Cette fois, la racine principale a avorté, ou se détruit
vers son extrémité ; vient se greffer sur elle une
multiplicité immédiate et quelconque de racines secondaires qui
prennent un grand développement »42(*)
Et plus loin il explique : « Un tel
système pourrait être nommé rhizome 43(*)» Gilles Deleuze et
Félix Guattari énonce ensuite six principes qui fondent ce
système44(*) :
Le principe de connexion : « n'importe quel
point d'un rhizome peut être connecté à n'importe quel
autre et doit l'être45(*) ». Le principe
d'hétérogénéité :
« et chacun de ses traits [du rhizome] ne renvoient
pas nécessairement à des traits de même nature, il met en
jeu des régimes des signes très différents et même
des états de non-signes46(*) ». Le principe de
multiplicité : « Le rhizome ne se laisse ramener
ni à l'Un ni au Multiple. Il n'est pas l'Un qui devient deux, ni
même qui deviendrait directement trois, quatre ou cinq, etc. Il n'est pas
un multiple qui dérive de l'Un, ni auquel l'Un s'ajouterait (n + 1).
[...] Il constitue des multiplicités linéaires à
n dimensions, sans sujet ni objet, étalables sur un plan de
consistance, et dont l'Un est toujours soustrait (n - 1). 47(*)» Le principe de
rupture asignifiante : « Un rhizome peut-être
rompu, brisé en un endroit quelconque, il reprend suivant telle ou telle
de ses lignes et suivant d'autres lignes.48(*) » Le principe de cartographie et
décalcomanie49(*) : « A l'opposé de
l'arbre, le rhizome n'est pas objet de reproduction : ni reproduction
externe comme l'arbre-image, ni reproduction interne comme la structure-arbre.
A l'opposé du graphisme, du dessin ou de la photo, à
l'opposé des calques, le rhizome se rapporte à une carte qui doit
être produite, construite, toujours démontable, connectable,
renversable, modifiable, à entrées et sorties multiples, avec ses
lignes de fuite. Ce sont les calques qu'il faut reporter sur les cartes et non
l'inverse. »
D'autres principes qui ne sont pas émis par les auteurs
mais qui découlent de ces six principes peuvent être
énoncés. Nous les empruntons à Pierre Lévy, pour
essayer de comprendre ensuite les mécanismes de l'hypertexte.
Premièrement le principe de métamorphose50(*) sous-entendu dans le
principe de multiplicité, qui est décrit ainsi par Gilles
Deleuze : « Une telle multiplicité ne varie pas ses
dimensions sans changer de nature en elle-même et se
métamorphoser ». Deuxièmement le principe
d'extériorité qui lui est à mettre en relation
avec le principe de connexion selon lequel un rhizome ne se définit
« que par le dehors et au dehors51(*) ». Troisièmement le principe
de mobilité des centres qui dérive du principe de
rupture asignifiante, et qui peut s'expliquer ainsi : « le
rhizome est un système acentré, non hiérarchique et non
signifiant, sans Général, sans mémoire organisatrice ou
automate général, uniquement défini par une circulation
d'états. 52(*)» Finalement le principe
d'emboîtement des échelles, qui provient du principe de
multiplicité et selon lequel la macrostructure influence la
microstructure ; un macro-rhizome, qui est le
« livre », réfléchit un
« micro-rhizome », le plateau. Car leur livre
s'organise non pas en chapitre mais en plateaux, qui peuvent se lire dans
n'importe quel ordre. Le plateau est défini comme ce qui constitue le
rhizome : « Nous appelons « plateau », toute
multiplicité connectable avec d'autres par des tiges souterraines
superficielles, de manière à former et étendre un
rhizome.53(*) »
En accord avec ses principes Mireille Buydens54(*) met en évidence que
cette interprétation du monde peut s'appliquer à Internet, qui
est avant tout un réseau, et selon le principe d'emboîtement des
échelles, il est manifeste de le macro-réseau qu'est Internet va
influencer le World Wide Web, dont l'hypertexte est le principe de navigation,
ce que Pierre Lévy a mis en évidence.
b) Le rhizome comme
représentation d'Internet
Mireille Buydens justifie son choix ainsi :
« Il y a une dimension de la modernité qui a besoin de la
philosophie deleuzienne comme herméneutique. » Internet est
avant tout un réseau (ou un réseau de réseaux), il est
constitué de noeuds qui traitent et véhiculent l'information (les
ordinateurs personnels eux mêmes reliés à des serveurs...)
et de liens ou encore des passerelles (câbles, modem, lignes
téléphoniques...). Ces noeuds et ces liens, qui constituent la
matérialité d'Internet, forment un espace multidirectionnel, qui
peut se rapporter à la structure du rhizome selon le principe de
connexion. D'un point de vue humain, Internet met en jeu des serveurs
qui offrent des services à des clients et qui émettent de
l'information. Mais cette distinction est en réalité floue car un
client peut à son tour devenir source d'information, comme le serveur
peut devenir client. On s'aperçoit donc que cela correspond aux
principes d'hétérogénéité et de
métamorphose énoncés par Gilles Deleuze, qui
prend effet dans un processus de permutation. De plus la croissance du
réseau s'établit non pas de l'intérieur mais de
l'extérieur, de telle sorte que le réseau évolue de
manière anarchique et linéaire. Cela révèle
le principe d'extériorité. Pour ce qui est du
principe de rupture asignifiante, chaque utilisateur peut
à tout moment se retrancher du réseau ou au contraire s'y
adjoindre. Il est évident que l'utilisateur est aussi dépendant
des structures techniques, et que parfois le réseau ne le satisfait pas.
Le principe de cartographie et de décalcomanie :
le réseau ne se cartographie pas ou mal et il croit de manière
anarchique, au rythme des nouveaux branchements. Cette conception d'Internet
peut se rapporter aux métaphores et comparaisons qui le
caractérisent comme virtuel. En effet Internet, est aussi appelé
le cyberespace, ce terme est apparue pour la première fois dans
l'ouvrage de William Gibson, Neuromancer, par lequel il désigne
un espace abstrait, sans directions, sans repères. La métaphore a
été filée sur le thème de la non-localisation
géographique. Les termes employés pour désigné
Internet comme « les autoroutes de l'information », le
« village virtuel » ou encore « le village
global » inventé par Marshall McLuhan, dans les années
1960, dans la Galaxie Gutenberg. Cependant le lecteur ou l'utilisateur
devant son écran ne voit que la structure apparente, c'est-à-dire
le world wide web, dont le principe de fonctionnement est l'hypertexte.
c) Le rhizome comme
représentation du réseau hypertextuel
Pierre Lévy55(*) dans son ouvrage Les technologies de
l'intelligence, l'avenir de la pensée à l'ère
informatique, reprend les principes du rhizome pour expliquer le
réseau hypertextuel. Ainsi il explique que les six caractères
qu'il énonce sont abstraits afin de préserver les chances
multiples d'interprétation du modèle de l'hypertexte et comme
nous l'avons déjà expliqué l'hypertexte est en
étroite relation avec les domaines avec lesquels il est en
corrélation : le principe de
métamorphose : qui souligne la mobilité
intrinsèque du réseau des noeuds et des liens. Le
principe
d'hétérogénéité : qui
définit le caractère multiple de la communication
véhiculée par l'hypertexte. Le principe de
multiplicité et d'emboîtement des échelles :
qui relève le caractère composite de l'hypertexte et qu'il est
structuré sur un mode « fractal » et que chaque
macro réseau peut-être à l'origine d'un autre
réseau. Le principe
d'extériorité rappelle que l'hypertexte est
toujours recomposé et recomposable en fonction des interactions des
utilisateurs, et enfin le principe de topologie veut
représenter la notion de parcours dans l'espace hypertextuel et
celui de mobilité des centres qui insiste sur
la multiplicité des possibilités d'organisation des informations
hypertextuelles.
d) Tableau récapitulatif
Principes
|
livre rhizome
|
Internet
|
Hypertexte
|
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|
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|
emboîtement des échelles
|
Influence macrostructure, microstructure.
|
Influence macrostructure, microstructure.
|
Influence macrostructure, microstructure.
|
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|
connexion
|
"n'importe quel point d'un rhizome peut être
connecté à n'importe quel autre et doit l'être"
|
Internet est un réseau. Le principe de connexion en est un
principe ontologique.
|
L'hypertexte est un réseau de texte. Le principe de
connexion en est un principe ontologique.
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|
extériorité
|
Le rhizome ne se définit que par le dehors et avec le
dehors.
|
La croissance du réseau se fait non pas de
l'intérieur, mais de l'extérieur.
|
La croissance du réseau se fait non pas de
l'intérieur, mais de l'extérieur.
|
|
|
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|
|
hétérogénéité
|
Chacun de ses traits ne renvoie pas nécessairement
à des traits de même nature.
|
Les noeuds de ce réseau peuvent être de
différentes natures : ordinateurs personnels, serveurs, réseaux
locaux, réseaux étendus...D'un point de vue humain nous avons des
clients et des serveurs.
|
Les noeuds de l'hypertexte (la page-écran) peuvent
être constitués de textes, de sons, d'images. D'un point de vue
humain le réseau est constitués d'auteurs, de lecteurs...
|
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|
|
multiplicité
|
Le rhizome est constitué de multiplicités
linéaires à n dimensions.
|
L'Internet est un espace multidirectionnel, il ne peut pas se
ramener à l'un.
|
L'hypertexte n'est pas un texte unique , il est difficile de le
ramener à une structure unique. Il se caractérise par son
infinité. De plus les "n dimensions" rappelle son étymologie
"hyper" chez les mathématiciens définit tous ce qui
dépasse trois dimensions.
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|
Principes
|
livre rhizome
|
Internet
|
Hypertexte
|
|
|
|
|
|
métamorphose
|
"une telle multiplicité ne varie pas ses dimensions sans
changer de nature en elle-même
|
Un client peut à son tour devenir source d'information, et
les rôles sont permutables. De plus Internet est un réseau en
constante modification.
|
Le réseau hypertextuel est en constante construction,
quels que soient les acteurs : humains : le lecteur peut devenir auteur, le
texte peut changer, disparaître, devenir image...
|
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|
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|
rupture a-signifiante
|
Un rhizome peut être rompu brisé en un endroit
quelconque.
|
Chaque utilisateur (client ou serveur) peut se retrancher du
réseau, en se déconnectant, à tout moment.
|
Chaque texte peut être retranché ou au contraire
adjoint. Le lecteur peut à tout moment arrêter sa lecture comme
l'auteur arrêter son texte
|
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|
mobilité des centres
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Le rhizome est un système a-centré, non
hiérarchique.
|
Internet n'a pas de centre ou il a plusieurs centres (les
noeuds), que l'on nomme réseaux locaux par opposition au réseau
étendus
|
le réseau n'a pas de centre, ou plutôt il a
plusieurs centres (que l'on nomme des noeuds).
|
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cartographie ou topologie
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" à l'opposé du dessin, de la photo, le rhizome
n'est pas reproduction, il se rapporte à une carte : qui doit être
produite, démontable, connectable, reversable, à entrées
et sorties multiples.
|
le réseau ne se cartographie pas ou mal dans le mesure ou
il est en perpétuelle évolution. On peut avoir des cartes mais
elle ne sont que des exemples, des modèles qui sont à remettre
à jour régulièrement
|
le réseau hypertextuel n'est pas dans l'espace, il est
l'espace. Le cours des phénomènes y est affaire de chemins.
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D. Les spécificités de l'hypertexte
Les principes du rhizome énoncés ci-dessus vont
ainsi permettre de mettre en évidence les caractères fondamentaux
de l'hypertexte. On accorde aux hypertextes les caractéristiques de
l'information sur support informatique soit :
l'immatérialité, la mobilité, l'interactivité, la
délocalisation, l'instantanéité, la
non-linéarité. Dans un premier temps sera abordé
l'imatérialité du support, dans un second temps la
non-linéarité, puis le caractère multidimensionnel de
l'hypertexte et enfin l'interactivité.
1. L'immatérialité
2. la multidimensionnalité
L'hypertexte permet une lecture non-linéaire, proche de
la consultation d'une encyclopédie. Vannevar Bush a
théorisé l'hypertexte comme une structure fondée sur
l'analogie. Le dictionnaire comme ouvrage de consultation permet une lecture
non linéaire, ou plus précisément tabulaire. La
tabularité56(*) se
définit comme la possibilité pour le lecteur d'accéder
à des données visuelles dans l'ordre qu'il choisit, en cernant
d'emblée les sections qui l'intéressent, tout comme à la
lecture d'un tableau l'oeil se pose sur n'importe quelle partie, dans un ordre
décidé par le sujet. Il est rare que le dictionnaire appelle une
lecture linéaire dans la mesure où il ne se lit pas de la
première à la dernière ligne, mais qu'il a une fonction
essentiellement de réponse à des recherches. Le lecteur est en
position de demandeur. La comparaison de l'hypertexte au dictionnaire est
fréquente, que ce soit du point de vue de l'écriture ou de la
lecture. La recherche est avant tout analytique, analogique.
Les métalexicographes et notamment Bernard Quemada
distinguent le classement onomasiologique (ou classement sémantique) du
classement sémasiologique (le classement formel). L'onomasiologie
permet une consultation du dictionnaire du signifié vers le signifiant,
ce sont généralement les dictionnaires analogiques alors que la
sémasiologie, qui part du signifiant vers le signifié et qui est
généralement le plus utilisé, permet un classement formel
selon l'ordre alphabétique, la forme du mot, qui n'a pas de sens en soit
mais qui est le plus utilisé. Cette distinction peut expliquer d'une
part le classement des liens hypertextuels selon le lien organisationnel ou le
lien sémantique. La lecture d'une encyclopédie ou d'un
dictionnaire sur support papier s'inscrit dans une démarche associative.
Par exemple Hélène Godinet Hustache se sert du schéma de
Reichedau pour expliquer la lecture d'une encyclopédie (voir annexe).
Par exemple l'Encyclopédie de Diderot et D'Alembert peut servir
d'exemple, l'encyclopédie signifie étymologiquement
« instruction embrassant tout le cycle du savoir »57(*). Elle permet une lecture non
linéaire et associative grâce au système de renvoi. Le
renvoi favorise la circulation du savoir d'un thème à un autre,
d'un mot à un autre, suivant des mécanismes sémantiques
tels que la métonymie ou la métaphore. Selon l'histoire des
dictionnaires, la tabularité est déjà présente au
Moyen-Age avec notamment les gloses de Reichenau ( VIIIe siècle). La
glose est une note en marge du texte afin d'expliquer les mots difficiles ou
intraduisibles, les gloses de Reichenau se présentent comme un
rassemblement de traduction pour aboutir à un glossaire. Pierre
Lévy a souligné dans Les technologie de l'intelligence
cette analogie entre la consultation d'un dictionnaire et la consultation d'un
hypertexte :
« l'hypertexte détourne aussi à son
profit un certain nombre de dispositif propres à l'imprimerie, index,
thesaurus, références croisées, tables des matières
(...) La note de bas de page ou l'aiguillage vers le glossaire par un
astérisque brisent aussi la séquentialité du
texte. »58(*)
Dans le domaine de la littérature, des livres comme le
Dictionnaire Khazar, sous-titré roman lexique de Milorad
Pavic59(*) reprennent le
dictionnaire comme un modèle de consultation. Cette oeuvre est
considérée comme un proto-hypertexte ou comme un hypertexte de
papier60(*), car elle
remet en cause la lecture du roman, comme structure fermée. Dans son
mode d'emploi du dictionnaire Milorad Pavic explique comment on peut utiliser
le dictionnaire :
« ainsi le lecteur pourra utiliser cet ouvrage de la
façon qu'il lui plaira. Les uns chercheront un mot ou un nom, comme dans
un quelconque dictionnaire, d'autres liront ce livre comme n'importe quel
livre, du début à la fin, d'un seul trait afin d'avoir une vision
globale de la question khazare et des personnages, objets et
événemment s'y rapportent. On peut feuilleter ce livre de droite
à gauche comme c'était le cas pour l'édition
prussienne.(...) D'ailleurs on n'est pas obligé de lire
entièrement ce livre, on peut en parcourir la moitié ou une
partie seulement, et en rester là, comme c'est
généralement le cas avec les dictionnaires. 61(*)»
Les notions de lien, de renvoi et de transtextualité
comme mode de lecture peuvent être rattachées à la
théorie du texte comme réseau, et à la distinction
établie par T. H. Nelson entre l'hypertexte par bloc et l'hypertexte par
fragment. mais le lecteur selon Barthes n'est pas à confondre avec le
critique :
« Or écrire, c'est d'une certaine
manière fracturer le monde (le livre) et le refaire. Que l'on veuille
bien penser ici à la manière profonde et subtile, comme à
l'accoutumée, dont le Moyen-Âge avait réglé les
rapports au livre et de ceux qui avaient la charge de reconduire cette
matière absolue (absolument) respectée à travers une
nouvelle parole. Nous ne connaissons aujourd'hui que l'historien et le critique
(encore veut-on nous faire croire qu'il faut les confondre) ; le
Moyen-Âge, lui, avait établi autour du livre quatre fonctions
distinctes : le scriptor (qui recopiait sans rien ajouter), le compilator
(qui n'ajoutait jamais du sien), le commentator (qui n'intervenait de
lui-même dans le texte recopié que pour le rendre intelligible et
enfin l'auctor (qui donnait ses propres idées, en s'appuyant toujours
sur d'autres autorité. »62(*)
3. le lecteur interactif
L'hypertexte comme réseau électronique et
notamment comme logiciel comme support de l'Internet permet justement une
consultation plus pratique, plus rapide, qui se situe dans la
simultanéité ou plus précisément dans
l'interactivité. L'interactivité est un terme relatif à
l'informatique, dans la théorie des systèmes elle se
définit tout d'abord comme un type de relation entre deux
systèmes qui fait qu'une modification dans le comportement de l'un
modifie le comportement de l'autre et ensuite comme la propriété
d'un programme qui modifie son déroulement en fonction du comportement
de son utilisateur. Appliquée au domaine du livre le texte se trouve
modifié, cette notion remet en cause un certain nombre de concepts.
Roger Chartier63(*)
explique les modifications qu'implique le texte électronique sur la
relation auteur-lecteur :
« Avec le texte électronique, il n'en va plus
de même. Non seulement le lecteur peut soumettre le texte à de
multiples opérations (il peut l'indexer, l'annoter, le copier, le
démembrer, le recomposer, le déplacer, etc.) La distinction
fortement visible dans le livre imprimé, entre l'écriture et la
lecture, entre l'auteur du texte et le lecteur du livre s'efface au profit
d'une réalité autre : celle ou le lecteur devient un des
acteurs d'une écriture à plusieurs voix, ou à tout le
moins se trouve en position de constituer un texte nouveau à partir de
fragments librement découpés et assemblés.64(*) »
La relation auteur-lecteur est au coeur de la théorie
de l'hypertexte, déjà Balzac écrivait au
dix-neuvième siècle « lire c'est écrire
peut-être à deux » et Umberto Eco a
théorisé la relation auteur lecteur dans son ouvrage Lector
in Fabula. Dans Apostille au nom de la rose, un essai dans
lequel il revient sur la relation auteur-lecteur :
« au cours de l'élaboration de l'oeuvre il y
a un double dialogue : celui entre ce texte et tous les autres textes
écrits auparavant (on ne fait des livres que sur d'autres livres et
autour d'autres livres et celui entre l'auteur et son lecteur
modèle (...)Dans les deux cas que l'on croie s'adresser à
un public qui est là devant la porte, prêt à payer, ou que
l'on se propose d'écrire pour un lecteur à venir, écrire
c'est construire, à travers le texte, son propre modèle de
lecteur »65(*)
L'interactivité se définit donc comme une
interaction auteur-lecteur, interaction du texte vers d'autres textes,
interaction du texte et du lecteur, interaction du texte vers l'auteur. Le
lecteur est-il un compilator, un scriptor, un
commentator ou au contraire un auctor. Dans quels limites se
trouvent le lecteur d'Internet, qui est aussi un utilisateur du réseau.
Mais quelles sont les limites de l'interactivité. Les niveaux de
l'interactivité sont variables, Jean Pruvost définit ce nouveau
lecteur comme un interlecteur, « lecteur interactif »,
« lecteur internaute », « lecteur
utilisateur ». Quelles sont les limites de cette liberté
accordé au lecteur, n'est-il pas au contraire sous contraintes.
4. le codex vs hypertexte
L'hypertexte comme support remet en cause la
représentation du livre ou plus précisément celle du
codex. Cette révolution du livre est difficile à concevoir.
L'hypertexte nous l'avons constaté dans son approche terminologique est
représenté par sa non-linéarité d'écriture
et de lecture. Pour simplifier les oppositions : au codex se substitue
l'écran, à la séquentialité et à la
linéarité s'oppose l'hypertextualité (différente de
celle de Genette) et la norme non séquentielle, à la structure
habillée typographiquement la structure visible à nu, à
la fixité de la forme et du texte la malléabilité de la
forme, au texte limité le texte illimité, à
l'unité l'indétermination du réseau, au principe du bon
parcours de lecture l'ouverture à des parcours multiple, à
l'auteur et à sa prééminence la possible intervention du
lecteur et sa prééminence. Internet comme on l'a vu trouble
les limites des genres. C'est ce que Roger Chartier a décrit dans un
article, Du codex à l'écran :
« Si elle ouvre des possibilités neuves et
immenses, la représentation électronique des textes modifie
totalement leur condition : à la matérialité du livre
elle substitue l'immatérialité de textes sans lieux
propres ; aux relation de contiguïté établies dans
l'objet imprimé elle oppose la libre composition de fragments
indéfiniment manipulable ; à la saisie immédiate de
la totalité de l'oeuvre rendue visible par l'objet qui la contient. Elle
fait succéder la navigation au très long cours dans des archipels
textuels sans rives ni bornes. »66(*)
Cette représentation du livre et du texte était
déjà en germes dans les esprits de Deleuze et Derrida, comme chez
Barthes et Genette, ou encore chez les théoriciens de l'hypertexte. Ces
distinctions établis, il est intéressant de pouvoir maintenant
comprendre l'influence de ce nouveau média qu'est l'hypertexte mais
aussi l'hypermédia sur l'hyperfiction.
III. Naissance de
l'hyperfiction française délimitation du genre :
définition et typologie
L'aperçu historique des évènements
consacrés à la littérature et à l'informatique, de
1996 à nos jours se fonde sur l'analyse du corpus, et des paratextes de
ceux-ci. Pour l'historique ce ne sont que les oeuvres les plus significatives
qui ont été choisies. Les oeuvres s'inscrivent dans la
communauté francophone, certaines ont pour origine le Québec,
elles entrent dans cette histoire quand leur développement, entre dans
cette période. Mais il est à signaler que certaines ont pu
être commencées avant la date de 1994. Ainsi quelques oeuvres
avaient été publiées sur disquette comme par exemple
Frontières Vomies, de Jean-Marie Pelloquin, qui date de 1994,
et Fragments d'une histoire. Le réseau francophone virtuel
s'est très tôt constitué. Il s'est construit
immédiatement et réellement autour des auteurs, des
éditeurs mais surtout des universitaires. La dynamique de ce
réseau est grandissante au regard des événements
culturels, institutionnels.
A. Historique de 1996 à l'aube du
XXIe. Siècle
1. De 1994 à 1998 : les
prémisses
Internet est né en France en 1994, mais l'apparition de
ce médium dans la communauté francophone n'a pas d'emblée
incité les auteurs à publier leurs oeuvres sur ce support. Comme
tout canal de diffusion, il a connu des débuts chaotiques, incertains.
L'apparition des deux premières « hyperfictions » en
langue française date de 1996, date de publication. Les projets sont
néanmoins en germe dans les esprits depuis 1995. Sale
temps67(*), est
ainsi publié sur cédérom, il est un collectif
d'auteurs : François Coulon, Jacky Chiffot, Gilles Armanetti, il
reçoit le prix des Lauréats des jeunes créateurs, Milia
1996. La même année est publiée chez Kaona, 20%
d'amour en plus68(*)
de François Coulon, il est salué par la presse comme le
précurseur de l' « hyper-roman ».
L'année 1996 est considérée comme la naissance de
l'hyperfiction française éditée sur support
cédérom. 1996 est aussi la date de création du site
« anacoluthe.com » sur lequel sera hébergé
Apparitions inquiétantes69(*). En août 1997 paraît le premier
épisode de NON-roman70(*) de Lucie de Boutiny dans la revue d'art
contemporain : synesthésie. Au mois de mai de cette même
année Renaud Camus publie aux éditions POL, P.A., qui
est la version originelle de Vaisseaux Brûlés71(*), publiée sur le
web, de 1997 à 2000. Le mois de septembre de cette même
année se voit marqué par le début de la publication
d'Apparitions inquiétantes sur le site
« anacoluthe.com », sous le nom d'avatar #1. Le
1er avril 1998 est la date de création du site
consacré à l'hyperfiction : le Noeud72(*), dont la dernière mise
à jour date du 3 mars 2000. En mai 1998 Lucie de Boutiny publie le
deuxième épisode de NON. Le 20 octobre 1998 est mis en
ligne la première version des cotres furtifs73(*). 1998, est aussi dans
l'histoire de l'Internet français, l'année où la
première fête, consacré à ce dernier voit le jour.
Du côté de l'édition en ligne, 00h00.com (prononcé
zéro heure) est créée le 18 mai 199874(*) à l'initiative de Jean
Pierre Arbon. Elle est considérée comme la première maison
d'édition spécialisée dans la vente de livres
numériques téléchargeables. Elle met également
à disposition de ses lecteurs une version papier, imprimée
à la demande. Du 2 au 16 novembre 1998, 00h00 en partenariat avec
Wanadoo, fournisseur d'accès à Internet, a organisé le
prix des Lecteurs, s'inscrivant dans la conviction de 00h00.com qu'Internet est
un « lieu majeur de la création littéraire.» Parmi
les neufs auteurs retenus, se trouvaient déjà : Alain Salvatore
pour Écran total75(*), le site d'Anacoluthe, celui de Lucie de
Boutiny, pour NON-roman. Ce prix littéraire a fait
connaître, certaines oeuvres, leurs auteurs, à la fois du
côté du grand public, que du côté des institutions.
2. De 1999 au XXIème
siècle : le livre concurrencé
a) 1999 : une année
préparatoire.
L'année 1999 ne connaît pas
énormément de changement, les oeuvres suivent leurs cours :
Lucie de Boutiny diffuse son troisième épisode en juillet, elles
évoluent lentement, elle apparaît comme une année de
transition, voire de préparation. Néanmoins les acteurs
politiques, éditoriaux, institutionnels, commencent à
s'intéresser à Internet comme concurrent potentiel du livre. Le
débat s'ouvre comme déjà du côté de la
critique littéraire, à l'époque où Barthes
revendiquait une nouvelle critique ou comme Deleuze et Derrida proposait la
mort du livre dit classique. Le livre numérique, comme l'hypertexte est
considéré, comme une révolution, notamment par Roger
Chartier76(*). A toutes
les époques de l'histoire du livre, l'apparition d'un nouveau
média : la presse au XIXe s., le cinéma en 1895, la
télévision après 1945, aujourd'hui l'informatique dont
Internet n'est qu'une des nombreuses facettes a été l'objet de
débats, à savoir si oui ou non le livre est menacé. Pour
tenter de répondre à ces interrogations des rapports sont
publiés comme celui, de la commission de réflexion sur le livre
numérique, publié à l'initiative du Ministère de la
Culture et de la communication, sous la direction d'Alain Cordier, daté
de mai 1999. En janvier, Le Monde avait publié un article
consacré à « Internet, nouvelle adresse pour la
littérature ? »77(*) le point d'interrogation s'inscrit dans cette
démarche de livre concurrencé. Du côté de la
recherche, il est manifeste qu'il ne faut pas attendre cette année-ci
pour voir émerger des articles sur Internet et la littérature,
dans la mesure où les universités ont eu le privilège
d'être connectées au réseau bien avant le grand public, et
que tournée déjà vers les États-Unis elle
était au fait de ces pratiques. Mais pour ne citer que quelques
références sur l'année 1999 dans la recherche en
littérature et informatique, en livre et informatique : à
Limoges s'est tenu le colloque organisé par Alain Vuillemin sur le
thème : Littérature, Informatique, Lecture : de la
lecture assistée par ordinateur à la lecture
interactive.78(*)
Jean-Pierre Balpe coordonne avec Imad Saleh, Alain Lelu et Stéphane
Natkin la cinquième édition du colloque « Hypertexte,
Hypermédia et Internet », ce dernier mot permet de revenir sur
l'importance du réseau Internet en accord avec le réseau
hypertextuel. D'autres initiatives, comme une enquête sur les pratiques
de lecture, organisé par la Société des Gens de Lettres,
entre le 1er et le 12 mars et sur le thème
« Internet et le livre : comment lirez vous
demain ?79(*) », mettait en évidence que sur une
base de 1444 répondants à la question « grâce
à Internet qu'avez vous découvert ? » 83% avait
découvert un ouvrage contre 55% un auteur. L'enquête
dévoilent aussi que ce sont surtout les personnes qui avaient
téléchargé un livre qui ont pu découvrir un ouvrage
ou un auteur. L'année 1999 se clôture par la publication d'un
dossier consacrées aux « lectures
électroniques » dans le Bulletin des Bibliothèques de
France. La liste de ces manifestations n'est pas exhaustive mais elle a permis
de mettre en évidence que l'année 1999 apparaît comme une
année préparatrice, transitoire à une possible explosion.
Un groupe de réflexion est aussi créé la même
année sur le « livre électronique » à
l'initiative du Groupe d'Intérêt Scientifique, en science de la
cognition. Elle a permis de regrouper des acteurs du livre, des chercheurs
autour des thèmes suivants : le choix du terme, l'avenir du
livre...
b) l'an 2000 : le
« big-bang »
A la lecture des évènements littéraires,
institutionnels, éditoriaux, l'année 2000, apparaît comme
une explosion, un tournant décisif, une effervescence rassemblant toutes
les dynamiques. Elle a imprimé aux acteurs une
accélération du rythme, que ce soient les auteurs dans la
livraison de leurs oeuvres, les acteurs du monde du Livre, ou les chercheurs.
· Les oeuvres
Tout d'abord le site de l'hyperfiction le Noeud n'est
plus mis à jour depuis le 3 mars 2000, la dernière modification
de l'auteur d'un point de vue du contenu est daté du 3/01/2000 . Un
autre événement, qui celui-ci a marqué toute
l'édition en ligne, est la publication chez 00h00.com, d'Apparitions
inquiétantes le 2 février 2000. En février 2000 la
maison d'édition créé une nouvelle collection : la
collection 2003 où Apparitions inquiétantes est le
premier de la série. Elle est présentée sur le site
ainsi : « la collection 2003 regroupe des oeuvres interactives
et multimédia nées des nouvelles écritures offertes par le
micro-ordinateur et les réseaux. Chaque oeuvre éditée est
le fruit d'un travail d'auteur, ou d'auteurs, conçue dès son
origine pour une expression au format numérique. » La
collection 2003 compte à l'heure actuelle six oeuvres : Qui
veut tuer Fred Forest80(*), de Pierre de La Coste, Acide
Triptique81(*) de
Lylian Monty, Poids de Naissance82(*), d'Hélène Honnorat,
Géographie du ventre83(*) de Mylène Pétremand, et enfin
Apparitions Inquiétantes et La malédiction du
Parasol84(*), d'Anne
Cécile Brandenbourger. Cette collection a permis aux auteurs d'entrer
dans le circuit éditorial et de se faire
« authentifier », comme auteurs véritables.
Lucie de Boutiny, quant à elle, publie en 2000 trois
épisodes : le quatrième a pour date Janvier 2000, le
cinquième Mai 2000, le sixième Octobre 2000. Deux nouvelles
oeuvres sont lancées sur le net the websoap85(*) , dont la mise en
ligne est datée du 22 septembre et dont la fin de l'expérience
des auteurs se situe fin décembre, et Trajectoires du groupe de
recherche Agraph de l'université de Saint Denis, celle-ci en est le
projet 2000, présentée également lors de Isea
200086(*). Pour ce qui est
d'Écran Total, l'auteur n'a pas voulu inclure les dates aussi
suivant les auteurs la livraison du ou des fragment est incluse dans ce que
Genette nomme le paratexte, c'est-à-dire dans la relation du texte avec
le hors texte. D'autres initiatives, ou création de site, de roman en
ligne apparaissent en parallèle.
· Le Livre numérique et livre
électronique : une distinction signifiante.
Cette année charnière, phare dans
l'édition en ligne, est celle où le Salon du livre
créé le village ebook, consacrée au livre
électronique et aux nouvelles technologies. Le salon du livre 2000 a
été l'occasion pour 00h00.com de publier un « mode
d'emploi »87(*)
sur le livre électronique et son avenir. Le mois de mars est en effet un
mois phare de l'édition « on ligne » et
« off ligne ». Un mois de publication, de rencontres. De
plus ce village « ebook » a permis de distinguer le livre
« électronique » comme support de lecture :
« Un livre électronique se présente
comme une tablette, composée d'un écran tactile à cristaux
liquides, sans clavier ni disque dur, avec une mémoire d'environ 30
méga-octets et d'une autonomie de 5 à 12 heures. La taille de
l'écran varie suivant les modèles, du format A4 au format A5. Le
poids est compris entre 400 g est 2kg. Le livre électronique vise
à stocker les cahiers numériques de plusieurs dizaines d'oeuvres.
Il est équipé d'un modem permettant la liaison avec un site
Internet proposant la commercialisation de fichiers numériques
d'ouvrages. »
avec le livre numérique, terme générique,
qui concerne à la fois le livre électronique et les livres
numérisés, mais aussi d'autres forme de commercialisation de
fichiers numérisés, comme le téléchargement avec
impression, le cédérom, le support HTML...La littérature
dite numérique regroupe par analogie la littérature on ligne,
off ligne, sous tous les formats possibles.
Du coté de la recherche c'est aussi l'année de
la publication aux Presses Universitaires de Montréal d'un numéro
d'Études Françaises consacrées à Internet et la
littérature, nouveaux espaces d'écritures. De même les
éditeurs ou les auteurs investissent la toile, comme par exemple le
développement de collection numérique, dans le groupe
Havas-Lagardère, ou chez Gallimard. Il est aussi à signaler que
la Journée des dictionnaires du 21 mars 2000 avait pour thème
« Dictionnaires et Nouvelles Technologies. ». Le mois de
mars 2000, avec le salon du Livre, la publication d'un ouvrage collectif sous
la direction de Jean-Yves Mollier, avec pour titre Ou va le
livre ?88(*)
peut être considéré comme un tournant. Que ce soit la
littérature en ligne ou la « littérature
grise », c'est-à-dire la littérature consacrée
à la recherche, Internet et le livre, sous toutes ses formes, se voient
médiatisés, analysés, radiographiés. Du
côté de la presse, le journal Libération89(*), depuis le salon du livre 2000
met à jour régulièrement en ligne un dossier
consacrée au Livre virtuel. Le magazine Lire, dans la
foulée, publie en Avril 2000, un dossier sur « comment la
technologie modifie l'écriture ? »90(*). Dans la lignée du
« livre électronique » Havas Education, lance une
activité de « cartable
électronique »91(*). Ce cartable électronique
expérimenté dans quelques classes, réunit les ouvrages
essentiels à l'apprentissage de l'enfant, il se fonde lui aussi sur le
lien hypertexte. L'enfant dispose de tous les manuels, et d'un dictionnaire. Il
a été lancé à la rentrée de septembre 2000
pour l'année en cours. À la lecture des évènements
de l'an 2000, il peut ainsi être considéré comme un
tournant, un revirement qui imprime aux oeuvres, aux institutions une
accélération du rythme. Le début du XXIe s. se situe dans
cette continuité.
c) 2001, une continuité
logique
Ce début de siècle, s'inscrit dans la
continuité. Le miroir, que sont les institutions, continuent
l'avancée de l'année 2000. La Bibliothèque Publique
d'Information a organisé une série de trois conférences
sur le livre numérique, dont les dates sont : le 5 janvier, le 5
février et le 5 mars, dans le cadre des rencontres de l'édition
2001. Le Salon du livre 2001 et la fête de l'Internet s'inscrivent dans
le projet de recherche de Mylène Tremblay92(*), « l'hyperfiction
est-elle une avant-garde de l'institution littéraire ? »,
où l'année 2000 a été un moment d'authentification,
et l'année 2001 un continuum. Les auteurs, comme Lucie de Boutiny et
Anne Cécile Brandenbourger sont présentes dans ces manifestations
pour parler de leurs oeuvres. Le Salon du livre et la fête de l'Internet
les invitent en effet pour converser sur le thème
« l'écriture sur Internet »93(*), comme à la BPI, le 3
mars 2001. Ted Nelson a aussi été invité pour
décrire son projet et expliquer qu'il faudrait peut-être revenir
à l'hypertexte originel, c'est à dire au mot, et non plus
à l'hypertexte comme réseau. Pour compléter ces
interventions la Bibliothèque Nationale de France, sur le thème
du « livre impossible »94(*), le 23 mars, où une partie de la
journée d'étude s'est tenue sur le thème du livre infini.
Le salon du livre est aussi l'occasion en 2001 du premier salon européen
de l'édition numérique, réservé aux professionnels
du Livre. Une autre actualité manifeste l'importance, que prend le
livre électronique. Cytale, fabriquant français de livre
électronique, sort enfin son Cybook, le seul et l'unique sur le
marché français. Cytale, est un mot valise formé par
apocope du préfixe « cyber » et du terme
« tale » emprunt à l'anglais qui signifie histoires.
Le cybook est le livre électronique de cette entreprise,
l'avènement de celui-ci a été retardé depuis
l'année 2000. Le cybook est un néologisme formé par
analogie sur Cytale. Il est formé par apocope du préfixe
« cyber » et par aphérèse du mot
« e-book », emprunté à l'anglais des
États-Unis, qui signifie « livre
électronique ». Sa sortie, tant attendue, et retardée,
s'empreinte peut-être, d'un marché non présent. Mais il
reste manifestement le reflet d'un tournant. D'ailleurs certains auteurs comme
Anne-Cécile Brandenbourger se lance dans la publication d'oeuvre
adapté à ce support. A l'heure actuelle nous assistons à
une stagnation, mais c'est le propre de l'entre-deux. L'apparition du mot
« hyperfiction » va permettre d'éclairer certaines
notions.
B. L'hyperfiction : essai de
définition
« Je ne vous fais pas un reproche des
néologismes, néologismes de mots et néologismes de tours.
Ce n'est pas que je les aime; mais, je le sais comme vous, il y a quatre ou
cinq livres du dernier siècle où sont imprimés en italique
les néologismes qui crispaient les classiques du temps; eh bien, c'est
en se servant de ces néologismes passés dans la langue que les
classiques vous attaquent aujourd'hui... » Goncourt,
Ch. Demailly, 1860
1. Néologie par emprunt ou
néologie formelle, choix du terme
Le terme d' « hyperfiction » peut
s'analyser soit comme un néologisme par emprunt soit comme un
néologisme sémantique. Chaque unité lexicale, dès
lors qu'elle ne figure pas dans un dictionnaire d'usage, est
considérée " néologique ", au regard soit de sa forme
(simple, composée ou dérivée), soit de son sens, soit de
son genre grammatical, soit de son emploi. Ainsi l'apparition d'un
néologisme est motivée par le fait qu'aucun mot dans la langue ne
décrit la réalité à laquelle il fait
référence. Le néologisme
« hyperfiction » appartient à la formation de
nouvelles unités lexicales d'un point de vue formel. En effet à
un nouveau signifiant correspond un nouveau signifié.
Mais doit-il être analyser comme un mot construit
composé savant à base nominale formé en français du
préfixe grec « hyper » (huper en grec) et
du morphème lexical « fiction ». Le
préfixe « hyper- » signifie :
« au-dessus, au-delà », et exprime
l'exagération, l'excès, le plus haut degré, on l'utilise
soit dans des composés empruntés au grec ou au latin, soit dans
des formations françaises, savantes ou familières. Le
préfixe « hyper », comme nous l'avons
déjà expliqué signifie également chez les
mathématiciens et informaticiens tout ce qui dépasse trois
dimensions. Cela supposerait que l'hyperfiction pourrait se définir
comme une fiction à n dimensions, ou une fiction
supérieure, exagérée, excessive. Cette acception du mot
pourrait s'avérer pertinente dans la mesure où l'hyperfiction
apparaît comme un texte sans début ni fin, comme une fiction que
l'on ne peut parcourir dans son ensemble. Elle s'inscrit dans le rêve du
texte illimité. Le terme « fiction » se
définit comme une construction de l'imagination, par opposition à
la réalité, et appliqué au domaine de la
littérature elle est une création de l'imagination. On place sous
le terme de fiction les genres comme : le conte, la nouvelle, le roman, la
science-fiction. Dans le mot science-fiction, le terme de
« fiction » a une valeur adjectivale et correspond à
fictionnel. C'est pourquoi nous rencontrons parfois le syntagme figé
« hypertexte de fiction ». Il resterait à
déterminer si le terme fiction a une valeur nominale ou une valeur
adjectivale, mais ceci n'a que peu d'influence sur le sens. Cependant, cette
analyse lexicologique du mot ne lui alloue pas sa filiation avec l'hypertexte.
Il paraît plus pertinent d'analyser le mot comme un mot-valise,
formé par apocope du mot HYPERtexte et du mot FICTION, ou de
HYPERmédia et du mot FICTION, comme le note Robert Coover dans son
article consacré à l'hyperfiction :
« Hyperfiction is a new narrative forme art,
readable only on the computer, and made possible by the developing of
hypertexte and hypermedia. ».
De plus le préfixe « hyper- »,
comme l'explique Gabriel Otman, dans : Les mots de la cyberculture95(*), est :
« employé dans de nombreux composé de
la langue cyber, il fait généralement référence
à la présence de liens de type hypertexte ou hypermédia ou
à un objet de type virtuel qui transcende l'objet réel qu'il
reproduit ou imite. »
Pourquoi avoir choisi ce terme ? Beat Suter et Michael
Böhler96(*) dans
Hyperfiction, Hyperliterarisches Lesebuch : Internet und Literatur mit
CD-ROM se justifient sur le choix du terme
« hyperfiction » et notamment sur la non germanisation du
terme, car nous devrions avoir : « Hyperfiktion ». La
non-germanisation de cette unité lexicale peut également
s'expliquer par son origine américaine. Cela reflèterait, en ce
qui concerne l'analyse lexicologique, un emprunt à l'anglais des
Etats-Unis, dans la mesure où la première référence
du mot en français est tirée d'un article de Robert Coover du
Courrier International n° 151, daté du 23 Septembre
199397(*) qui fait
écho au supplément littéraire du New York Times de
Août 1993. En règle générale, l'emprunt est
motivé par le fait qu'aucun mot de la langue française ne peut
désigner le référent dont il veut parler. Dans ce cas
précis l'emprunt désigne une réalité
importée : le mot est emprunté avec le concept.
Une seconde occurrence est apparue dans un article de Florence
Noiville, Internet, nouvelle adresse pour la
littérature ?( Le Monde, 22 Janvier 1999) ou elle applique le
terme pour l'oeuvre de Renaud Camus98(*). Ce terme est repris comme tel par les
spécialistes comme le terme le plus adapté et les deux auteurs
penchent, semble-t-il, du côté de la seconde analyse lexicale, en
effet ils écrivent dans leur introduction :
« Der Begriff Hyperfiction« wurde für
dieses Buch als Titel gewählt, weil er als einziger in dieser Knappheit
das anvisierte Phänomen zum Ausdruck bringt : die Eröffnung
eines neuen, virtuellen, Narrationsraums, worin Geschichten von Menschen und
Lebensumständen erzählt werden wie in traditioneller Literatur zwar
auch, wozu aber ganz neue Wege gesucht und neue formen erprobt werden.99(*) »
Ainsi le contenu, selon les auteurs ne connaît pas de
modifications profondes, mais la structure, le support est la principale source
de renouvellement, en effet Mac Luhan estimait que le média est le
message. Dans leur livre, Beat Suter, Michael Böhler définissent
l'hyperfiction ainsi :
« Eine Hyperfiction ist ein elektronischer
Hypertext, der Text als Gewebe oder Textur versteht, an der ständig
weitergeflochten wird. Einzelne Texteinheiten werden innerhalb und
außerhalb eines Dokumentes auf assoziative, nicht-sequentielle Weise,
d.h. in der Struktur eines Rhizoms oder Baums miteinander verbunden.100(*) »
Cette définition complète, et exhaustive met en
évidence, l'influence du rhizome d'Internet et de l'hypertexte comme
réseau de texte tel que Mireille Buydens et Pierre Levy ont pu
l'analyser. Elle s'inscrit aussi dans la notion de connexion des textes, ainsi
que dans celle de non-linéarité de la lecture et de
l'écriture, fondée sur l'association, et l'analogie. Ces deux
auteurs de l'université de Zürich ont mis également en
évidence qu'aucun dictionnaire ou encyclopédie101(*), sur papier ou
électronique n'a fait entrer le terme sauf l'Encyclopædia
Universalis, qui présente un article sur l'hyperfiction de Jean
Clément. Il la définit ainsi :
« l'hyperfiction, parfois appelée fiction
hypertextuelle, ou le plus souvent fiction interactive, est un genre
littéraire apparu d'abord aux Etats-Unis vers 1985. (...) Il
devient désormais possible d'imaginer des textes à lectures
multiples qui se donnent à lire par fragments suivant de parcours de
lectures non linéaires.(...) Par son écriture, l'hyperfiction est
aux croisement de deux phénomènes plus anciens : le jeu
d'aventure, les antiromans.(...) l'hypertexte de fiction, en effet, est
constitué d'une collection semi-organisée de fragments narratifs
autorisant des parcours multiples conditionnés par les choix du
lecteur. »102(*)
2. L'hyperfiction chez ses auteurs et
l'usage.
Sa non-présence dans les dictionnaires de langue le
garantit comme néologisme. Le fait également que le terme est
tout de même répandu sur Internet, une interrogation du moteur de
recherche Altavista offre les résultats suivants : pour une
recherche « toutes langues » on obtient 4942 pages, 1052 en
langue allemande, et 59 en français103(*). Le terme d'hyperfiction ne paraît pas
énormément répandu sur le web français. Il ne
représente que 1% des pages. Cela s'explique notamment par le fait que
les auteurs d'hyperfiction en langue française utilisent pour
caractériser leurs oeuvres les mots :
« hyper-roman » selon Anne Cécile Brandenbourger et
François Coulon, « cyberfiction », fiction
interactive, fiction hypertextuelle selon Alain Salvatore qui qualifie son
oeuvre Écran Total, la fiction hypertexte de l'auteur de
Es-tu là104(*) ou encore roman hypermédia, pour Lucie
de Boutiny. Le titre de son oeuvre est NON-roman, pour justement
exprimer la rupture permise par le support. Il est manifeste que le terme de
fiction de par son caractère indéterminé définit le
mieux cette notion. En effet la fiction reste un terme générique,
qui ne se réfère à aucun genre précis. De plus si
le terme de « roman » y est le plus souvent associé
c'est qu'il est lui aussi un genre mal défini et aléatoire. La
question reste en suspens, l'hyper-roman serait-il un sous-genre de
l'hyperfiction, cela impliquerait que nous pourrions avoir des hyper-contes et
des hyper-nouvelles. Les limites d'un genre sont en effet souvent mal
définis. Pierre Barboza, dans un article consacré à
Sale Temps, définit l'hyperfiction ainsi :
« l'hyperfiction se compose d'un réseau
d'unités d'information que nous appellerons narratives dont le
récit progresse grâce à l'intervention du
lecteur. »105(*)
L'intervention du lecteur s'inscrit ainsi dans cette
volonté d'un lectorat actif, dont les choix dirige sa lecture, et qui
autorise des parcours multiples.
Une recherche sur Bornéo 2, qui est la base
d'observation et recherche de néologismes et qui contient 50132
unités recensées de 1988 à 1997, a donné les
résultats suivants : Le terme « hyperfiction »,
« hyper-roman » ou « hyperoman »
n'apparaissent pas mais nous trouvons le terme de « roman
interactif » défini par Y. Eudes en 1996 :
« le véritable roman interactif, encore
rarissime sur le réseau, devra être à la fois collectif et
hypertextuel. Chaque branche du récit sera développée par
un auteur différent. En théorie, on atteint alors le stade
optimal de la création, à la fois conviviale, innovante, et
pleinement adaptée au réseau. Mais sur Internet comme ailleurs il
y a loin de la théorie à la pratique. »
Ainsi la théorie comme l'explique l'auteur ne suffit
pas quand on analyse le réseau hypertextuelle qu'est Internet. De plus
l'hypertexte fictionnel est un genre aléatoire, poreux qu'il est
difficile de définir précisément, il varie en fonction des
autres oeuvres, il évolue dans le réseau, dans
l'interactivité, aussi est-il peut-être nécessaire
d'essayer de mettre en évidence une typologie. Pourquoi une typologie de
la littérature « internaise », pour éclairer
cette démarche Jean Clément106(*), dans « Hypertexte et
complexité » revient sur le réseau hypertextuel :
« Espen Arseth propose d'appeler cybertexte tout
texte dont la constitution nécessite une opération physique de la
part de l'utilisateur. Du Yi King au Cent Mille Milliard de
poèmes de Raymond Queneau, du jeu d'aventure aux hyperfictions, la
cyberlittérature constitue ainsi une vaste famille dans laquelle
l'hypertexte occupe une place privilégiée. »
Une question se pose à la lecture de cette citation, la
littérature cybertextuelle engloberait l'hyperfiction. L'hyperfiction
comme genre s'est vue définie chez les spécialistes, en rapport
avec les oeuvres originelles, des auteurs des Etats-Unis, mais dans le
réseau francophone, comment est-elle appréhendée. De plus
une pratique se répand chez les théoriciens, qui passent
volontiers de l' hyper au « cyber », en effet
la littérature hypertextuelle, se radiographie comme une
cyberlittérature composée de cybertextes,
écrits par des cyberécrivains, évoluant dans le
cyberespace. Cette pratique reflète un courant de pensée
qui veut que l'hypertexte, trop répandu aujourd'hui n'apparaît
plus comme un mot à charge culturelle partagée. L'hypertexte est
relégué au second plan, car il se trouve trop
imprégné de ses valeurs originelles : en effet tout est
hypertextuel, analogique, numérique. Pour pallier à cette
prolifération du mot l'alternative est de reprendre le préfixe
« cyber », pour justement exprimer la filiation avec
Internet. L'hyperfiction apparaît donc comme un noeud dans le
réseau de la littérature hypertextuelle et la définition
du genre doit passer premièrement par une typologie des oeuvres avec
laquelle elle est en concurrence, mais peut-être aussi en
complémentarité. L'analyse du réseau hypertextuel,
cybertextuel, de la littérature n'est pas aussi évident, dans la
mesure où nous avons dégagé que l'hypertexte est une
notion englobant différents sèmes.
« Les livres sont également
différents. Ceux qui font appel à la fiction embrassent un seul
argument, avec toutes les permutations inimaginables. Ceux qui sont de nature
philosophique contiennent invariablement la thèse et l'antithèse,
le pour et le contre rigoureux d'une doctrine. Un livre qui ne contient pas son
contre-livre est considéré comme incomplet. » Borges,
Fictions
C. L'hyperfiction dans la
littérature internétaise française d'aujourd'hui :
esquisse de typologie
L'hyperfiction malgré les définitions
théoriques est un genre qui emprunte aux autres genres
littéraires sur Internet les modalités de son discours et/ou les
modalités de structures. Nous l'avons déjà vu l'hypertexte
est à la fois un concept qui fait appel au science cognitive, un outil
informatique pour la lecture-écriture, et un support technologique. Ces
trois sens de l'hypertexte sont en étroite corrélation, ainsi
pour comprendre comment elle fonctionne il est manifeste qu'une typologie
s'impose, afin d'essayer de définir l'hyperfiction comme un rhizome. Les
oeuvres du corpus emprunte essentiellement à quatre types
d'hypertextes et de la littérature informatique : à
première vue l'hyperfiction se définit en opposition ou en
complémentarité avec l'hypertexte littéraire, à
seconde vue elle s'apparente aussi à la littérature informatique
et au générateur de texte, avec du recul elle peut aussi
être mise en relation avec le récit dit
« interactif », et une de ses variantes qui est
l'écriture dite participative, et en définitive elle emprunte
également à la littérature éditée en
épisode. Cette typologie tentera en conclusion d'établir des
constantes et variables de l'hyperfiction.
Il est à noter qu'il existe d'autres hypertextes,
notamment l'hypertexte dit « documentaire », et
l'hypertexte « pédagogique » mis en évidence
notamment par Hélène Godinet Hustache107(*), mais il ne seront pas pris
en compte : l'hypertexte dit « documentaire » est
généralement présenté en opposition à la
fiction, et l'hypertexte éducatif se définit dans une approche
didactique, qui est celle de l'écriture d'oeuvres. De plus, les oeuvres
du corpus se définissent et nous le verrons dans cette partie
essentiellement dans la lecture plaisir, sans application pédagogique,
dans la mesure où elles s'adressent à des adultes. L'hyperfiction
se situe, malgré ses origines révolutionnaires et utopistes,
à la fois en complémentarité et en opposition avec le
livre. Dans cette partie seront prises en compte, les stratégies
éditoriales et humaines, comme l'auto-médiation, le choix du
collectif et/ou de l'individuel. La relation auteur-lecteur participe à
la représentation communément admise qu'Internet est un
médium ouvert, hétérogène,
« interactif ». Il existe suivant les genres, les auteurs
des degrés d'interactivité, et d'interaction.
1. l'hypertexte littéraire,
l'hyperlivre et les bases de données
a) hypertexte narratif vs hypertexte
littéraire
Hélène Godinet Hustache dans,
Lire-écrire des hypertextes108(*) distingue l'hypertexte narratif et l'hypertexte
littéraire. L'hypertexte narratif correspondrait à
l'hyperfiction, alors que l'hypertexte littéraire est
considéré comme l'informatisation d'un livre, les liens
hypertextes correspondent à l'organisation de celui-ci en chapitre,
sous-parties...L'hypertexte littéraire est connu aussi sous le nom
d'hyperlivre, dont la définition nous est donnée par Gabriel
Otman :
« l'objet de l'hyperlivre est d'offrir à son
lecteur un mode de circulation non linéaire de lui permettre de
retrouver des citations, de suivre les pérégrinations d'un mot
dans ses différentes occurrences ou d'étudier un thème en
réalisant des regoupements. On comprendra qui les hyperlivres concernent
prioritairement les oeuvres classiques de notre patrimoine littéraire.
L'hyperlivre n'est donc qu'un livre électronique construit autour de
nombreux liens hypertextuels. » 109(*)
Au regard de cette définition l'hyperlivre pourrait
s'apparenter à FRANTEXT, la base de données de l'INaLF, dans la
mesure où elle est présentée ainsi, et qu'elle peut se
définir comme un vaste corpus, à dominante littéraire,
constitué de textes français qui s'échelonnent du XVIe au
XXe siècle. Sur l'intégralité du corpus, il est possible
d'effectuer des recherches simples ou complexes. Sur un sous-ensemble
comportant des oeuvres en prose des XIXe et XXe siècles, les recherches
peuvent en outre répondre à des critères syntaxiques (base
catégorisée). De plus sur le « web » ont
été publiées des oeuvres dont les liens renvoient à
un lexique, comme par exemple une Araignée dans la toile110(*), les
« hypermots » correspondent généralement au
vocabulaire de l'informatique et de la cyberculture, dont la
définition est donnée dans le glossaire. Dans les formats
numériques proposés par les différentes maisons
d'éditions, il est possible de rencontrer des liens, qui renvoient
directement vers un glossaire.
L'hypertexte littéraire se définit comme la
simulation de gloses, c'est-à-dire la possibilité offerte aux
lecteurs grâce notamment au traitement de texte, d'insérer des
notes, des commentaires...L'hyperlivre s'apparente au premier niveau
d'interactivité que nous avons mis en évidence dans le
chapitre Du lecteur consulteur au lecteur interactif. De plus
sont classés sous cette catégorie les projets tels que Xanadu,
NLS Augment, et Intermedia, ou encore Fress, dans la mesure où ils sont
caractérisés essentiellement par leur facilité
d'annotation et par la prédominance de liens organisationnels qui
mettent en évidence la structure interne des noeuds.
Intermedia111(*) est un logiciel développé par
l'Université de Brown, vers 1986, où l'auteur rédige
différents textes ou figures précédés de mots
charnières (les liens). Les textes sont ensuite réunit par les
liens auxquels les mots clefs sont rattachés. Fress112(*) s'inscrit également
dans le projet de l'Université de Brown : il est une base de
donnée littéraire où le lecteur peut passer en revue des
passages selon un système de filtre : intérêt,
pérégrination d'un mot...L'usager peut modifier la structure du
document, il peut ajouter des notes, effacer ses recherches et éditer sa
recherche selon un mot-clef. Plus récemment des bases de données
littéraires, comme Gallica113(*), offrent des textes en mode image ou en mode texte
accessibles directement en ligne. Le mode image permet justement une
consultation du livre organisée en fonction des numéros de pages.
b) Le livre et l'hypertexte :
complémentarité et paradoxe.
Cette différenciation est certes intéressante
mais elle ne rend pas compte des usages. En effet l'opposition au livre
reflète une constante mais elle est aussi un paradoxe.
· Une constante : l'opposition au codex
Les auteurs s'inscrivent dans une continuité avec le
livre malgré le contraste constant. Pour marquer cette rupture avec le
livre classique ou plus précisément le codex les
stratagèmes sont nombreux. A la lecture des titres, les auteurs
s'accordent sur l'opposition au livre, permis par le support Internet, par
exemple Xavier Malbreil, sous-titre sa nouvelle, « Je ne me souviens
plus très bien, d'un certain livre », ou encore les premiers
fragments de l'oeuvre de Renaud Camus, débute par « Ne lisez
pas ce livre ». Cette opposition, reflète une volonté
de briser la représentation classique du livre et du support papier.
Pourtant Renaud Camus a débuté par le support papier, pour
ensuite être mis en ligne, et enfin revenir en octobre 2000, au papier,
lorsqu'il publie la première partie de Vaisseaux
Brûlés, sous le titre : Ne lisez pas ce livre.
Son oeuvre a pris le schéma suivant : du papier il est passé
à la mise en ligne et donc l'informatisation, pour revenir ensuite au
support « off ligne ». Concernant Renaud Camus l'oeuvre
originelle a été P.A (petites annonces), publiée
au éditions P.O.L en Mai 1997. Il la présente ainsi :
« [Vaisseaux Brulés] énumère
les 999 paragraphes de P.A.qui sont la structure originelle des Vaisseaux et
tous les paragraphes qui s'y agrègent, à mesure de leur
élaboration. Dans le répertoire comme dans le texte
lui-même, les paragraphes d'origine ont des numéros
simples (ex. 88, 134, 913, etc.) et ils se présentent en
caractères ordinaires. Les paragraphes spécifiques à
Vaisseaux brûlés ont des numéros plus complexes où
figurent des tirets (ex. 68-7-1, 413-32-8-2-2, etc.). Le premier de
ces numéros désigne le paragraphe de P.A. sur lequel ils se
greffent. Les numéros et les noms des paragraphes
répertoriés permettent un accès direct à ces
paragraphes eux-mêmes »114(*)
L'oeuvre de Renaud, d'un point de vue de l'écriture
répond au principe d'écriture réécriture, de ce que
Gérard Genette intitule l'hypertextualité. En effet si on reprend
cette notion Vaisseaux brûlés constituerait l'hypertexte
de P.A., qui serait son hypotexte. Pour inclure l'enchâssement
des deux oeuvres, il a gardé les deux numérotations. Le lecteur
ne peut ainsi lire l'une sans référence à l'autre.
Un autre mouvement, peut-être paradoxal, est celui
d'Anne-Cécile Brandenbourger, son oeuvre d'abord en ligne a
été édité chez 00h00.com puis chez Florent Massot,
qui détient les droits de la version papier. Dans un entretien elle
répond à la question : « passez au papier n'est-il
pas un paradoxe ? » ainsi :
« Ce n'est pas une impossibilité, même
si ce n'est pas une sinécure. En fait, la démarche est complexe,
mais elle a un sens. Pour moi, elle consiste à expliquer, à
montrer aux gens qui ne connaissent pas grand chose au monde du web, à
quoi ressemble la littérature numérique. Pour la
découvrir, certains ont encore besoin du papier. Il faut les apprivoiser
en douceur, les guider, leur donner envie d'aller voir en ligne à quoi
ressemble ce nouveau monde littéraire. »
Le passage d'Internet au papier s'inscrit dans une
démarche d'une littérature encore hésitante, qu'il faut
faire découvrir aux lecteurs. Le support Internet permet en revanche une
plus grande liberté de création. De plus la collection 2003
laisse libre choix au lecteur qui peut acquérir soit la version papier
soit la version numérique. Dans son « mode
d'emploi » de La malédiction du parasol, voici le
stratagème qu'elle utilise et qui reflète l'envie de ne pas
renier l'origine « web » de son oeuvre :
« Quand vous rangerez ce livre avec vos autres
bouquins dans votre bibliothèque, réservez lui une place à
part, sur un coin d'étagère ensoleillé et, surtout,
isolé. Car l'arrivée de La malédiction du parasol
risque de semer le trouble dans vos rayonnages.
Certains de vos livres, préférés
toiseront le mien d'un oeil mauvais en l'accusant de ne pas être un vrai
livre. Ils prétendront que sa place est ailleurs que dans votre
bibliothèque et le prieront de dégager, de se jeter par terre une
bonne fois pour toute. » 115(*),
Les premières lignes de ce mode d'emploi, teinté
d'ironie, voire de mesquinerie, à l'égard du papier, apparaissent
comme un garde-fou. L'opposition de son livre au « vrai
livre », l'inscrit, elle et son oeuvre, dans la nouveauté,
dans l'avènement d'une nouvelle littérature, dont le support
papier, au lieu d'être un paradoxe se veut une continuité. Les
versions papiers et en ligne pour Anne Cécile Brandenbourger et Renaud
Camus sont étroitement liées. Elles entrent justement dans cette
envie d'évolution et de renouvellement de l'oeuvre, de compromis entre
le papier et le web.
D'autres auteurs cependant, comme Pierre de la Coste, emploie
le mode hypertexte pour justement expliquer que le livre numérique n'est
pas une opposition au livre mais qu'il en est justement un
« véritable ». Dans Qui veut tuer Fred
Forest116(*), qu'il
présente lui-même comme un livre sans page,
l'hypertextualité est au service du livre dit
« classique ». Pierre de la Coste est à l'origine
des idées d'un groupe de réflexion, Mélusine117(*), sur l'hypertexte. Sa
démarche semble contradictoire avec les buts de l'association, voici
comment il décrit son oeuvre :
« En cliquant sur des liens hypertextes, le lecteur
peut quitter le fil principal du récit pour suivre un personnage au
regard particulier (il s'agit d'un chien qui livre ses commentaires sur la vie
des humains, leurs conflits, leurs amours). A la fin du roman, on
s'aperçoit que ces propos forment un véritable livre dans le
livre que l'on peut lire (dans les versions électroniques) de bout en
bout. 118(*)»
Son livre est ainsi le reflet des débats à
savoir si oui ou non l'hypertexte remet en cause le livre. Il serait
plutôt, une continuité logique, de la littérature du XXe
siècle, dans la lignée du nouveau roman, des surréalistes
et de l'Oulipo. Internet ou le format PDF, comme l'expliquait Beat Suter n'est
qu'un principe de renouvellement, d'évolution, comme support, mais le
texte, le contenu reste inchangé. Cette littérature n'est pas
considéré comme révolutionnaire en soit. Cette dynamique
de complémentarité des supports transparaît
également dans l'organisation, et dans la navigation du lecteur.
· Le renvoi et l'organisation : une
complémentarité
L'organisation des oeuvres et les liens hypertextes peuvent
aussi éclairer ce paradoxe. Xavier Malbreil119(*) reprend, malgré ses
revendications de ne pas « se souvenir d'un certain
livre », l'organisation traditionnelle du livre : sa nouvelle se
compose de trois paragraphes. Le premier paragraphe se constitue des pages 1
à 17, le second des pages 18 à 30, le troisième des pages
31 à 38. L'écriture s'effectue donc comme celle d'un livre, pages
après pages. Les liens entre les pages privilégient le lien
organisationnel, et non pas le lien sémantique, le mot ou la phrase.
Mylène Pétremand120(*), pour Géographie du ventre
privilégie aussi ce mode d'organisation. Son oeuvre est organisée
en fragments numérotées, comme pour l'oeuvre de Renaud Camus, et
les liens sont organisés ainsi :
Parties
|
Numéro de fragments
|
I
|
1 à 12
|
II
|
13 à 22
|
III
|
23 à 34
|
IV
|
35 à 46
|
V
|
47 à 55
|
VI
|
56 à 60
|
VII
|
61 à 74
|
VIII
|
75 à 86
|
IX
|
87 à 99
|
X
|
100 à 110
|
XI
|
111 à 119
|
XII
|
120 à 132
|
XIII
|
133 à 144
|
XIV
|
145 à 150
|
XV
|
151 à 162
|
XVI
|
163 à 168
|
A première vue, les fragments sont organisés par
dizaines, malgré parfois quelques éloignements. Les sous parties
X et XI respectent cette organisation, les autres sont plus aléatoires.
En ce qui concerne les renvois, 88 fragments sur 168 n'en contiennent pas. Ceci
implique une lecture linéaire, le lecteur est obligé de lire les
fragments non liés les uns à la suite des autres. Les liens
n'apparaissent pas systématiques. Ils reflètent une partie du
titre « géographie », le cheminement du lecteur,
comme sur un parcours peut s'effectuer d'un point A à un point B sans
arrêt. La topologie apparaît comme un trait constant. Quand
l' auteur, inclut des liens, ils se répondent respectivement :
le fragment 1 est lié au fragment 167, et vice-versa ou encore, le 30 et
le 110, le 17 et le 103...A la lueur du titre, la lecture s'appréhende
comme un trajet aller-retour. Parfois les hyperliens entre les fragments
peuvent atteindre le nombre de deux voire trois. Ils sont ainsi le miroir d'une
possible bifurcation du trajet, comme ils en est ainsi dans le parcours de
système digestifs, si nous prenons le titre
« géographie du ventre ». Le lien organisationnel se
trouve ainsi corrélé à la sémantique.
L'arborescence, c'est-à-dire le cheminement qui
s'effectue par les liens organisationnels, apparaît comme une constante.
Dans Trajectoires121(*), par exemple, les hypermots correspondent aux
personnages et nous renvoient vers un arbre généalogique. La
navigation du lecteur reflète aussi le possible feuilletage du livre.
c) Les aides de
lecture et le libre choix de navigation
Le choix de la lecture hypertextuelle ne peut pas s'imposer
aux lecteurs. Certains auteurs dans leurs avertissements accepte de laisser le
lecteur libre de sa navigation. Ceci n'apparaît pas comme une constante,
mais mérite d'être relevé. En effet le lecteur
habitué au support papier, et au feuilletage, voit ses habitudes de
lecteur modifiées d'une part par le support écran, et d'autre
part par la navigation hypertextuelle. En effet celle-ci est perte de
repères ( plus de pagination ), dérive et vertige de lecture. La
lecture s'effectue au fil des liens que le lecteur choisit, il ne sait pas la
partie ou les parties de l'oeuvre qu'il a déjà lu, il n'en a
qu'un aperçu partiel. L'ordre par lequel il a effectué le
parcours diverge à chaque lecteur. Entre la frustration et le choix des
liens le lecteur perd ses habitudes, il se perd dans le dédale, et
l'enchevêtrement des fragments. Aussi, les auteurs conscient de ce
bouleversement, comme Anne Cécile Brandenbourger, accepte de laissez
libre choix à son lecteur :
« Si vous avez trop peur de vous perdre vous pouvez,
bien sûr opter pour une lecture linéaire, et tourner les pages
d'une façon tout à fait classique, l'une après l'autre.
Vous pouvez aussi alterner les deux modes de lectures,
Vous pouvez aussi en choisir, un, puis le laisser tomber au
profit de l'autre (...)
Bref, vous êtes libre. »122(*)
Le lecteur procède parfois de façon
systématique, en suivant un chemin après l'autre et en descendant
dans l'arborescence niveau par niveau, ce qui l'oblige à revenir en
arrière soit d'une page, soit de deux pour rejoindre un noeud d'un
niveau supérieur dans l'arborescence. Il se trouve ainsi parfois dans
une « impasse narrative ». Pour les formats PDF et papier
le lecteur peut tourner la page, mais pour la version on-ligne, il se trouve
obligé de revenir en arrière. Le format PDF et le format papier
acceptent mieux une lecture linéaire que la version
« web ». Pour les auteurs, Alain Salvatore, qui
privilégient la non linéarité, certains mettent à
disposition des cartes, comme point de repère pour le lecteur en voici
un exemple, tiré d'Écran total :
De la même manière, François Coulon a,
malgré le choix du support cédérom, a expliqué dans
sa présentation de Pause123(*) lors des présentations personnelles de
Isea 2000, qu'il avait remanié son oeuvre en fonction critiques et
commentaires des lecteurs de 20% d'amour en plus. Le changement s'est
surtout effectué dans l'ajout d'une carte des chemins, organisée
en étoile, car les lecteurs de 20% d'amour en plus, avaient porté
leur critique sur le fait qu'il n'avaient réussi à lire certains
passages. Alain Salvatore et François Coulon s'inscrivent donc dans
cette envie d'être lue, ils se construisent un lecteur, et comme
Anne-Cécile Brandenbourger. Alain Salvatore indique de plus aux lecteurs
comment se repérer :
« Votre lecture s'y construit dans la dérive
des liens : vous serez forcément le seul à avoir lu
Écran Total comme vous l'aurez lu, dans le désordre
où vous l'aurez lu, avec les omissions et les enchaînements qui
vous auront été propres.
Il vous est cependant loisible de réduire cette
hypertextualité dérivante.
D'abord, en revenant en arrière, si pénible que
cela soit à certains : il vous suffit de suivre les indications de la
barre d'outil.
Ensuite, en vous fiant aux
livres au bas des pages, ou bien en vous
raccrochant à quelques
icônes dispersées au hasard
des marges, qui vous reconduisent au
sommaire (mais ce n'est pas toujours le
cas !).
Vous pouvez aussi suivre la méthode du Petit Poucet et
consulter "l'Historique" de votre butineur... »124(*)
Ce mode d'emploi conditionne le lecteur, lui indique les
divers moyens qu'il a de se retrouver dans l'oeuvre, et de se construire un
chemin de lecture. L'opposition au livre peut apparaître à
première vue comme un paradoxe. Cependant les modes d'emploi, la
liberté du lecteur sont coorientés vers l'idée de
réception, c'est-à-dire, que quel que soit le support l'oeuvre
est écrite pour être lue. Ainsi les aides s'inscrivent dans une
stratégie de communication. Les auteurs conscients, que le support
écran reste une contrainte, laisse ainsi libre choix à leurs
lecteurs. Le premier type nous l'avons vu est l'hyperlivre, ou encore
l'hypertexte littéraire, auquel l'hyperfiction emprunte certaines ce ces
composantes. Le second type avec lequel elle se complète est la
« génération automatique » de texte, qui a
pris ces origines dans la littérature informatique et notamment sous
l'égide de l'Oulipo.
2. La génération
automatique de texte
a) Littérature et
informatique : de l'Oulipo à l'Alamo
· L'Oulipo et ses enjeux
OULIPO (OUvroir de LIttérature POtentielle),
créée en 1960 à l'initiative de François le
Lionnais, se proposait dès le début de développer une
écriture sous contrainte. Le terme potentiel est explicité par
cet auteur dans deux Manifestes125(*), il en propose deux interprétations. La
première s'inscrit dans ce qu'il nomme « la tendance
analytique ». Elle travaille sur les oeuvres du passé pour y
rechercher des possibilités qui dépassent souvent ce que les
auteurs avaient soupçonné. La seconde intitulée
« tendance synthétique » a pour dessein avoué
d'« ouvrir de nouvelles voies inconnues de nos
prédécesseurs ». Dans le second
Manisfeste126(*) , il précise les enjeux de la
création « oulipienne » :
« l'effort de création porte principalement
sur tous les aspects formels de la littérature : contraintes,
programmes ou structures alphabétiques, consonantiques, vocaliques,
syllabiques, phonétiques, graphiques, prosodiques, rimiques, rythmiques
et numériques. »
Le programme de l'Oulipo radiographié ici,
reflète un courant littéraire ambitieux et
hétérogène. Parmi les membres de l'Oulipo, le plus
cité est Raymond Queneau. Dans ses Exercices de Style il a
justement intégré les aspects formels énoncés ci
dessus. Ils sont en effet une variante de la même histoire,
déclinée selon les figures linguistiques et littéraires
telles que l'apocope, la litote, la métaphore,
l'épenthèse, les temps verbaux, pour ne citer que ceux-ci...
· De l'Oulipo à l'Alamo
L'introduction de l'usage de l'ordinateur dans ce courant se
situe entre 1975 et 1977. Paul Braffort, logicien, informaticien,
écrivain, et avant tout, membre de l'Oulipo, s'est vu confié le
projet « A.R.T.A.» 127(*). Dans un premier temps sa fonction a
été de sensibiliser le grand public et les écrivains
à cette nouvelle démarche. Mais en 1981, il fonde avec Jacques
Roubaud, l' Alamo sigle qui signifie : « Atelier de
littérature assistée par la mathématiques et
l'ordinateur ». Cet atelier est considéré comme une
émanation de l'Oulipo, dans la mesure où les deux auteurs en
faisaient partie, et que sa création a correspondu à une
clarification des enjeux de la littérature informatique. Il existe deux
niveaux de relation de l'écrivain à l'informatique dans la
littérature assisté par ordinateur. Le premier niveau est la
lecture assistée, le second la création assistée. Dans un
premier temps le travail a porté sur un matériau
littéraire préexistant, et le cas notamment où
l'ordinateur a permis de faciliter la compréhension des oeuvres
combinatoires ou algorithmiques. Elle a donc été dans un premier
temps une informatisation des oeuvres préexistantes. En ce qui concerne
les oeuvres combinatoires la plus connue demeure les Cent mille Milliards
de Poèmes128(*)
de Raymond Queneau. Il s'agit de dix sonnets composés de telle
sorte que chacun d'eux peut se combiner avec n'importe quels autres vers des
dix textes. L'ordinateur opère une sélection dans le corpus et
l'ordinateur assure le rôle d'assistant à la mise au point
définitive du texte. La seconde se fonde sur la
« littérature algorithmique », alors que l'Oulipo
s'en est servi pour expliquer la lecture assistée, l'Alamo l'a
utilisé dans la création assistée. L'algorithme fait
référence aux fonctions mathématiques, l'Alamo l'utilise
dans la technique dit du « moule ». Elle se fonde sur le
modèle sous-jacent et sur des variables qui sont ensuite prises au
hasard dans les lexiques, comme, par exemple, les Aphorismes de
Marcel Benabou, dont le corpus d'origine est le Dormeur du Val, de
Rimbaud et dont les variables sont un lexique baudelairien tiré des
Fleurs du Mal. Elle reflète une des constantes de la
création assistée par ordinateur.
b) La génération
automatique des textes : Trajectoires
Il reste à présent à énoncer la
plus complexe de celle-ci, elle s'appuient sur la génération
automatique de textes. Elle va permettre d'expliquer l'oeuvre
Trajectoires129(*), présentée par Jean Pierre Balpe,
qui est le programmeur du générateur, comme un « roman
policier génératif et interactif130(*) ». Le thème
de Trajectoires s'inspire des romans policiers. L'intrigue
principale se construit autour d'un événement
historique : la Terreur de 1793 et aboutit dans un hors temps :
l'année 2009. Un corbeau a envoyé aux 24 personnages principaux
un e-mail, leur annonçant : 24 meurtres possibles sur 24 jours. Le
travail du lecteur se situe dans la mise en relation entre les dates de 1793 et
2009. Le lecteur au lieu d'assister, comme dans la plupart des romans policiers
à la résolution de l'énigme par un enquêteur, est
convié à résoudre l'énigme lui même. Pour
éviter tout manque d'attention, l'oeuvre intervient en temps
réel. Chaque page de l'oeuvre ainsi créée est unique
grâce à la générativité du texte : elle se
crée mot par mot et toujours différemment selon le lecteur. Le
fondement du générateur s'établit à partir d'une
macrostructure de type grammaires de texte et de dictionnaires munis de
descripteurs permettant la gestion de micro-univers. L'ordinateur devient ainsi
l'auteur du texte. Les générateurs de texte reconsidèrent
le rapport texte/auteur qui s'effectue dans le processus de création.
Jean-Pierre Balpe, à l'origine de la programmation de nombreux
générateurs de texte, revient lors d'une
conférence sur ce rapport au texte :
« Ainsi ce qui m'intéresse est une
littérature qui refuse la stabilité, qui n'enferme pas le temps
de ses récits dans une ligne unique : une littérature
dissipative et chaotique » 131(*)
Jean Pierre Balpe se veut tout de même l'auteur
principal dans la mesure où il est à l'origine de l'entrée
des textes, dans un entretien daté du 20 mars 1998 il définit le
rôle de l'ordinateur dans la génération automatique de
texte ainsi « l'intérêt de l'ordinateur n'est pas de
produire UN roman mais une infinité, ou une multiplicité, de
romans ou de poèmes » Ainsi dans son oeuvre intitulé
Le roman inachevé, le générateur
écrit des pages de roman sans fin. La génération
automatique de texte se situe justement dans l'infinité, et dans cette
utopie de livre illimité. Elle conteste également la
littérature et son support clos qu'est le codex puisqu'elle s'installe
d'emblée dans l'éphémère de la création. Le
lecteur de Trajectoires n'a ainsi que la première page en
commun avec les autres lecteurs dans la mesure où les autres pages sont
générées par l'ordinateur.
c) L'hyperfiction et la
génération automatique de texte
A première vue, ses corrélations avec
l'hypertexte et l'hyperfiction n'apparaissent pas, dans la mesure où
l'écriture générative n'implique pas obligatoirement une
écriture « hypertextuelle », mais son influence se
dévoile dans les principes de navigation du lecteur, comme dans le
rêve d'un illimité. En effet la navigation du lecteur dans
l'oeuvre Trajectoires s'effectue par l'hypertexte : plusieurs
choix de circulation s'offrent au lecteur : il peut naviguer par les
plages horaires : quatre plages horaires de six heures, soit par les
lettres du titre « TRAJECTOIRES », cette navigation libre
repose sur la combinatoire. Une troisième navigation repose sur le
« semi-aléatoire » qui est l'arbre
généalogique fondé sur la chronologie.
· La navigation du lecteur
La navigation hypertextuelle peut ainsi être
combinatoire ou aléatoire. La combinatoire est une notion
mathématique, qui fait appel aux permutations, et aux combinaisons. Elle
fait référence à une navigation libre, c'est-à-dire
que le lecteur peut choisir une navigation fondée sur le hasard. Par
exemple Anne Cécile Brandenbourger, pour Apparitions
Inquiétantes132(*) a inséré un icône
« destination aléatoire », qui emmène le
lecteur au hasard dans une étape qui n'aura aucun lien avec la page sur
laquelle le lecteur se trouve. En ce qui concerne l'hyperfiction le
Noeud133(*),
l'auteur a inclus une « génératrice de
hasard », grâce à laquelle le lecteur peut se perdre
dans le récit. Les termes qu'il emploie pour désigner ce
processus reflète l'influence de la génération automatique
de texte avec l'hyperfiction. De la même manière, Alain Salvatore
explique que ce qui l'intéresse le plus dans l'hypertexte, c'est plus le
fait que le lecteur puisse se perdre, comme dans un labyrinthe, que de s'y
retrouver. Mais l'éphémère de l'oeuvre, qui implique un
rêve d'illimité peut aussi se ressentir dans l'oeuvre.
· La métamorphose de l'oeuvre : rêve
de l'illimité
La métamorphose de l'oeuvre peut se situer dans
l'écriture, pour éclairer cette démarche,
Pause134(*),
apparaît le mieux définir l'évolution de l'oeuvre, d'un
point de vue du texte. Cette oeuvre est le second
« hyper-roman » de François Coulon, le premier
était 20% d'amour en plus. Le scénario de Pause repose
sur le processus suivant, présenté par l'auteur lors de Isea
2000 :
« Je me suis souvent interrogé sur cette
propension que nous avions à présenter comme volontaires, comme
issues de choix délibérés, toutes ces situations que, la
plupart du temps, nous subissions sans pouvoir y faire grand chose. Quand
à la liberté qu'il nous reste, si nous en maîtrisons les
conséquences, si chaque rupture ne nous coûtait pas quelque chose,
la littérature, interactive ou non, ne servirait à rien. De
Dominique et Marjorie -les personnages de Pause- ce n'est donc pas tant le
caractère ou le comportement qui se modulerait sous l'influence du
lecteur, que le passé, l'environnement, le quotidien dans lequel il les
voient évoluer et qu'à chaque fois, il remet en
question... ».
L'intervention du lecteur se situe moins dans le choix que
dans la modification des circonstances. Le texte dans Pause, change
à vue d'oeil, les séquences sont courtes, de l'ordre du fragment,
à partir duquel le lecteur peut tourner. Le texte a une version
originelle, qui à chaque passage de souris du lecteur, change. Ce
processus s'effectue au moyen d'incises, qui changent les circonstances :
le temps, la cause, le lieu...Ce mouvement s'effectue par l'ajout de
propositions soit indépendantes, soit subordonnées. La version
originelle du texte apparaît en couleur de police blanche, alors que
texte, symbole du mouvement, apparaît en rose. Malgré le nombre de
fins déterminées ( au nombre de trente ), cette
expérimentation s'inscrit dans une volonté de briser le texte
comme fini, qu'elle prenne naissance dans la génération
automatique de texte ou dans l'hyperfiction.
L'interactivité peut néanmoins refléter
un trope commun, le texte dans la génération automatique
n'apparaît au lecteur qu'une seule fois, il n'a pas la possibilité
de revenir en arrière, dans Pause, le lecteur modifie les
circonstances. Par analogie avec la définition de
l'interactivité, un récit interactif serait donc un récit
où le lecteur peut interagir, intervenir sur le cours de l'histoire,
faire des choix qui dirigent sa lecture.
3. Le lecteur potentiel : des
distinctions éclairantes
a) Narrataire/narrateur -
Lecteur/auteur
Les théories de communications linguistiques distingue
le fait linguistique selon deux aspects, l'énoncé, produit fini
et clos, et l'énonciation, qui est l'acte de communication qui l'a
généré. De la même manière cette distinction
entraîne comme conséquence de ne pas confondre le texte et le
hors-texte, linguistique et extra-linguistique, personnes réelles
(écrivain, public) et personnes fictives qui semblent communiquer dans
le texte (narrateur, narrataire). Il est peut être nécessaire ici
d'établir une différence entre le narrataire et le lecteur. Le
narrataire, comme en témoigne le suffixe -aire, morphème lexical
lié désigne dans le schéma de communication le
destinataire135(*) du
message, la personne à qui s'adresse le message linguistique, le
récepteur. Le mot narrataire désigne, ainsi, par analogie, le
destinataire de la narration. Alors que le lecteur comme le laisse comprendre
le suffixe -eur, morphème lexical lié, sert à
désigner les noms d'agent, et dans ce cas précis celui qui lit
pour son compte. Le lecteur est présent, dans les modes d'emploi, le
paratexte mais, dès que le récit commence il devient un
narrataire. Le roman ou l'oeuvre est pensé comme un lieu de
communication, non pas entre le lecteur et l'auteur mais entre le narrateur et
le narrataire. Ainsi l'oeuvre de papier ne permet pas une communication directe
entre l'auteur et le lecteur, il n'y a pas de
« feed-back »136(*) possible. Le « lecteur de
papier » représente un lecteur potentiel constitué par
l'ensemble des signes qui construisent la figure de celui à qui le
narrateur raconte, désigné sous le nom de narrataire.
b) Le narrataire dans l'hypertexte de
fiction
Les interlocuteurs sont enclos dans le texte, les exemples de
conversation entre le narrataire et le narrateur sont nombreux dans la
littérature « pré-électronique »,
comme, Italo Calvino, dans Si par une nuit d'hiver un voyageur ,
où il réintroduit la figure du lecteur, en juin 1985, dans le
magazine littéraire il explique :
« L'écrivain ne peut se proposer comme pour
seul but la satisfaction du lecteur (...) Il doit présupposer un
lecteur qui n'existe pas encore, ou un changement dans le lecteurs tel qu'il
est aujourd'hui. 137(*)»
L'écrivain se construit un modèle de lecteur,
potentiel, imaginaire. Voici comment débute le roman :
« Tu vas commencer le nouveau roman d'Italo Calvino,
Si par une nuit d'hiver un voyageur.
Détends-toi. Concentre-toi. Ecarte de Toi toute autre
pensée. Laisse le monde qui t'entoure s'estomper dans le vague. La
porte, il vaut mieux la fermer ; de l'autre côté la
télévision est toujours allumée. Dis le tout de suite aux
autres : « Non je ne veux pas regarder la
télévision ! » Parle plus fort.
(...) 138(*)»
Une des caractéristiques de ce dialogue
narrateur-narrataire est l'apparition de la de la seconde personne du singulier
ou du pluriel, marque de l'oral dans le texte. Certains narrateurs, dès
les premières lignes du roman avertisse le lecteur, c'est le cas
notamment de Lucie de Boutiny, qui au début, de son premier
épisode écrit :
« Vous n'êtes pas prêts culturellement
d'abandonner le livre papier et lire sur un ordinateur qui est, le plus
souvent, un poste de travail, ne vous incite pas à
apprécier la littérature hypermedia.
Cette sélection d'extraits du 1er épisode de
NON-roman a été conçue spécialement pour vous.
Vous n'aimez absolument pas la sensation de digression permanente qui vous
fait zapper de liens en liens. Vous trouvez cette lecture fragmentaire
frustrante, et la juxtaposition textes/images vous paraît plus
déroutante que profonde. »139(*)
Comme déjà Italo Calvino, Lucie de Boutiny,
construit son lecteur, dans cette interpellation du narrataire. Elle lui donne
le choix de rester, ou de partir, le conditionne, l'épisode Un est
appréhendé comme une introduction à son oeuvre, où
elle se situait déjà en 1997, sur le fait que le lecteur n'a
qu'un aperçu partiel de son oeuvre, permis par l'hypertexte. De
même le narrateur d'Écran Tota140(*)l, commence
ainsi :
«
Lecteur, si tu es rétif au
bavardage, passe directement à (la)
Table. Peut-être, abandonne
Écran total qui n'est pas fait pour toi. »
Ainsi les avertissements mettent en évidence d'une part
le dialogue entre le narrateur et le narrataire : soit par l'apparition du
« tu » ou du « vous ». Ils se
construisent tous deux des lecteurs modèles, qui doivent accepter les
conditions de la lecture hypertextuelle et hypermédia. Lucie de Boutiny
et Alain Salvatore, comparent de plus la lecture hypertextuelle, à celle
du zapping. Le lecteur « zappe » comme devant son poste de
télévision. Écran Total, par le titre est un
essai dont le personnage principal, lecteur, mais aussi utilisateur des
nouveaux média : télévision, Internet...se trouve
pris dans le flot continuel d'informations. Ces deux auteurs se rejoignent,
premièrement sur le support, mais aussi sur les figures du lecteur. Ils
ont choisi le roman satirique, l'analyse sociologique. NON, selon
l'auteur, est un roman comique qui fait la satire de deux jeunes cadres
supposés dynamiques. Les deux personnages Madame et Monsieur, utilise
les moyens de communication dits « high tech ». La lecture
s'apparente à celle d'un jeu, comme par exemple dans une collection de
livres pour la jeunesse, « Le livre dont vous êtes le
héros. ».
4. Le récit interactif dans
la littérature pour la jeunesse
a) La lecture comme jeu
En ce qui concerne la littérature pour la jeunesse, la
collection141(*) dont la
plus représentée est le « le livre dont vous êtes
le héros », publiée chez Gallimard Jeunesse. Le premier
titre est apparue en 1983142(*), elle continue de nos jours à être
publiée sur papier, mais l'apparition d'Internet a permis
l'informatisation de cette collection. La plupart des oeuvres hypertextuelles
éditées dans le domaine de la littérature pour la jeunesse
sur le World Wide Web correspondent à cette collection. De plus Jean
Clément a mis en évidence que l'hyperfiction 143(*) avait longtemps
été confondue avec cette collection. Cette confusion
découle d'une confusion de terme en effet, l'hyperfiction est aussi
connue sous le nom de « fiction interactive », par exemple,
sur le site de Hachette Jeunesse144(*) les oeuvres sont justement présentées
sous cette dernière appellation « une histoire
interactive ». Le département jeunesse de cette maison
d'édition met à la disposition de ses lecteurs deux fictions,
Les cloches de la mort, une enquête policière, et les
squelettes de feu, une aventure de science fiction.
A l'origine de cette collection émane une
volonté d'amalgamer la lecture au jeu. Sur la version papier le lecteur
joue au moyen de dés ou d'une table des hasards, il se promène
dans le livre, de paragraphe en paragraphe, comme de case en case. Les
paragraphes sont numérotés et se terminent soit par une
indication de parcours soit par une alternative, le choix est laissé au
narrataire entre deux possibles. La métaphore de la promenade, n'est
pas, sans rappeler comment l'internaute effectue une recherche. Sa navigation
est souvent comparé au « surf », au
« butinage », au « furetage », dans
laquelle se dévoile une navigation non justifiée, voire
aléatoire, comme dans la lecture d'un livre, or dans ce type d'ouvrage
la lecture est motivée par le réussite de son héros, comme
dans le jeu vidéo. De plus l'hypertexte ne remet pas en cause le jeu
mais permet aux lecteurs une navigation plus rapide dans l'ouvrage. En quoi
consiste, dans le jeu « vidéo » ou dans les
« livres dont vous êtes le héros »
l'interactivité du lecteur.
b) Le labyrinthe de
l'interactivité
Le choix du lecteur dans ces récits comme dans le jeu
vidéo est motivée par la réussite ou au contraire
l'échec du héros. Le pronom personnel
« vous » représente d'une part le narrataire et
d'autre part un personnage du roman, ou du jeu. L'interactivité se situe
premièrement sur la confusion virtuel-réel, le lecteur se
substitue au personnage.
Mais chaque lecteur effectue son propre parcours de lecture
dans un ordre différent à chacune de ses lectures. Les termes de
plurilinéarité145(*) ou de multilinéarité de la lecture
reflètent l'ouverture à des parcours multiples, rendue possible
par l'hypertexte préférable au terme de
non-linéarité. Mais dans ces récits les parcours de
lecture ne pas proprement dit interactif dans la mesure où il se compose
ainsi :
« l'auteur pose une question au lecteur, cette
question porte sur les parcours possibles que l'auteur offre au lecteur, la
lecture choisit un des parcours possibles. Dans un troisième temps, le
lecteur appelle sur son écran d'ordinateur le parcours choisi ou se rend
à la page du livre où se trouve le parcours choisi. Le lecteur
n'a pas la possibilité de modifier le parcours prédéfini
par l'auteur.146(*) »
Pour illustrer le schéma de fonctionnement de ce type de
livre, voici comment est présenté sur le site de Hachette
Jeunesse le début de l'enquête policière : Deux choix
s'offrent au lecteur des Cloches de la Mort, une fois le
problème posé : soit renoncer, soit enquêter.
c) La lecture de l'énigme147(*)
Ainsi dès le départ, l'auteur propose à
son lecteur d'une part de s'identifier au personnage, et d'autre part
d'accepter les conditions de l'enquête. Le schéma est le
même dans le jeu vidéo, où la réalité
virtuelle se fonde sur la simulation. La lecture d'un jeu vidéo et de ce
type d'ouvrage s'apparente à celle de l'énigme, Barthes, par
exemple l'a mise en évidence :
« L'inventaire du code herméneutique
consistera à distinguer les différents termes (formels), au
gré desquels une enigme se centre, se pose, se formule, puis se retarde
et enfin se dévoile. » 148(*)
Il explique ainsi que tout récit joue donc sur ce
ressort du caché. L'habileté de l'auteur à créer la
tension narrative et à la maintenir, tout en promettant implicitement un
dévoilement et une résolution, lance la quête du lecteur et
réussit à l'alimenter. La lecture de l'énigme149(*), comme l'explique Christian
Vandendorpe est emblématique de la lecture en général dans
la mesure où celle-ci porte sur une trace laissée par un humain
et qu'il appartient au lecteur de déchiffrer. Ce schéma, selon
Barthes, Christian Vandendorpe ou Romain Gaudreault et Monique
Noël-Gaudreault, qu'il intervienne dans les livres dont le lecteur est le
héros, dans le jeu vidéo ou dans la fiction reflète les
mécanismes mentaux du processus de lecture. Mais pour résoudre
l'énigme le lecteur doit parfois surmonter des obstacles, pour parvenir
à sa résolution il doit franchir une série
d'étapes. Les auteurs d'hyperfictions, comme par exemple Anne
Cécile Brandenbouger, ont choisi le roman policier, dont l'intrigue est
tournée vers l'assassinat du Dr Marbella.
d) Un exemple de schéma : La
pyramide truquée
L'interactivité de ces récits se situe alors
dans la possibilité offerte au narrataire de choisir ses parcours de
lecture. Le lecteur est assimilé au héros, il appartient au
récit, mais le lecteur n'a aucune influence sur les parcours. Les
parcours restent prédéfinis par l'auteur.
Généralement il a le choix entre deux alternatives, voire
plusieurs, ainsi la Pyramide Truquée150(*), propose quatre
parcours 151(*) :
« Ça y est ! Vous vous êtes
introduit dans la pyramide, en ce moment vous explorez à tâtons un
souterrain humide, l'épée à la main, écrasant
quelque scarabée venimeux sous vos bottes et retenant votre respiration
pour ne pas être asphyxiés pas la puanteur méphitique qui
se dégage des momies subalternes moisies. »
Vous continuez à avancez
Vous demandez qui est
« vous » ?
Vous voudriez savoir ce que signifie roman d'arcades
Vous pensez que toute cette histoire n'est qu'une nouvelle
calembredaine de Jean de Porla.
Le choix du « vous » détermine la
suite de l'histoire. Suivant ce qui a été choisi une autre page
apparaît, voici les réponses en fonctions des choix.
« Vous continuez à avancer » :
« Vous continuez à avancer dans le souterrain...
mais vous ne pouvez vous empêcher de vous demander ce que signifie
ARCADES; cela vous distrait. Un SCORPION GÉANT tapi dans
l'obscurité en profite pour vous attaquer. »
Vous demandez qui est « vous »
Vous, c'est vous, vous le lecteur et le héros d'un roman
d'arcades. Une dizaine d'histoires de ce genre ont déjà
été publiées en France, notamment dans Folio chez
Gallimard. Les adolescents adorent ça. Ce sont
généralement des aventures inspirées de TOLKIEN et de jeux
de rôles tels que DONJONS et DRAGONS.
Vous voudriez savoir ce que signifie roman d'arcades
Chaque chose en son temps; vous l'apprendrez en retournant dans
le souterrain; vous avez perdu du temps: votre capital d'endurance est
diminué. Enlevez deux points bleus.
Vous pensez que toute cette histoire n'est qu'une nouvelle
calembredaine de Jean de Porla.
Vous vous êtes trompé : ceci est un divertissement
arborescent de F. DEBYSER. Enlevez deux points d'intuition.
Dans le premier choix le lecteur continue son parcours, dans
les choix deux, trois, et quatre le lecteur s'est éloigné de son
objectif, ou n'a pas lu correctement, il obtient donc des
« pénalités ». Ceci explique donc que le jeu
est prédéfini par l'auteur. Le texte brouille les pistes et
multiplie les dysfonctionnements ludiques. A plusieurs reprises le lecteur se
trouve dans une fausse alternative ou encore les phrases qui apparaissaient
comme une alternative n'en sont pas. Raymond Queneau dans le cadre de l'Oulipo
s'est essayé à la rédaction d'un récit
« interactif », Un conte à votre
façon se fonde justement sur la lecture cyclique et le ludisme.
Dans les cas de l'échec le « vous » est
obligé de revenir sur ses pas, s'il fait le mauvais choix il
échoue. La lecture de la pyramide truquée emprunte au labyrinthe
sa métaphore, pour exprimer la cyclicité. Quand un utilisateur
d'un jeu d'aventure meurt, il est obligé de reprendre la partie soit du
début, soit d'une partie qu'il avait sauvegardé. La figure du
cycle, du labyrinthe, comme métaphore de la lecture-écriture
hypertextuelle est reprise par les auteurs d'hyperfiction, mais il reprenne
parfois le schéma de narration.
e) La reprise du schéma dans
NON152(*)
Les épisodes un et deux de Lucie de Boutiny, qu'elle a
mis en ligne en 1997 et 1998, reprennent ce schéma. La première
page contient quatre alternatives :
« Un homme et une femme en réseaux, cela
ressemble à...
une
rencontre virtuelle...
...un
test
...des
questions privées
...toujours
des questions test »
Le premier épisode se construit autour de deux
personnages : un homme et une femme, internaute qui se rencontrent pour la
premièrement fois sur le chat. Le chat, selon la
Délégation Générale à la Langue
Française, dans le Journal Officiel du 16 Mars 1999, lui donne comme
équivalent français « causette », et le
définit : « communication informelle entre plusieurs
personnes sur Internet par échange de messages affichés sur leurs
écrans ». Mais peu de serveurs utilisent le mot
« causette ». Le premier épisode est ainsi
tournée vers cette rencontre virtuelle : chaque alternative nous
renvoie sur une page spécifique en rapport avec les titres que l'auteur
propose. A la fin de chaque page elle propose une autre alternative au lecteur
:
Si le
lecteur répond « oui », l'histoire se continue, si
« non », la fenêtre se ferme, et renvoie le lecteur
à la page d'accueil du site. Les choix du lecteur influent donc sur le
déroulement de l'histoire. Ce premier épisode, daté de
1997, à l'heure ou la fiction cybertextuelle naissaient,
reflètent que l'hyperfiction a bien été en rapport avec la
littérature dont le lecteur est le héros. Le second
épisode, daté de 1998, après la rencontre virtuelle, nous
présente le couple ainsi formé, « madame » et
« monsieur », installés. La version originelle
d'écriture, date de 1997, « remake » en 1999, la
date qu'elle nous propose est mai 1998. Le lecteur à la
possibilité de choisir le personnage qu'il a envie de suivre :
Monsieur
Madame
A la lueur du
schéma de narration, où le lecteur choisit un personnage en
rapport avec ce qu'il a envie de vivre, la reprise de ce schéma
éclaire l'influence du jeu vidéo, et du roman pour la jeunesse,
où le lecteur doit s'identifier au personnage. Les deux histoires
évoluent en parallèles, le lecteur choisit l'histoire en fonction
d'un point de vue. Paradoxalement l'interactivité du lecteur ne se situe
pas dans le processus d'écriture, lorsqu'il intervient et que l'auteur
modifie son oeuvre en fonction des commentaires de ce dernier alors l'oeuvre
devient collective.
5. L'écriture
participative : du lecteur au scripteur
a) Le possible dialogue avec
l'auteur
Le lecteur a
en effet la possibilité, dans la majorité des oeuvres,
d'écrire à l'auteur, par l'intermédiaire du émail.
Les remarques, peuvent avoir plusieurs objet : protestations, diatribes ou
au contraire éloges, apologies voire panégyriques. Au regard des
remarques dûment constatées, ou mises en ligne par les auteurs,
les critères s'organisent selon les thèmes suivants :
l'écriture hypertextuelle se conçoit difficilement, certaines ne
répondent à la norme du lisible...Lorsque les changements sont
pris en compte par l'auteur, l'écriture peut-être devenir
collective, par exemple Jean-François Verreault, pour son oeuvre le
Noeud, avoue avoir effectué des modifications en vertu de la
norme de lisibilité : changement des couleurs de fond
d'écran, de polices, sous l'appellation « refonte
graphique ». Selon les auteurs rencontrés ou interrogés
sur le nouveau statut du lecteur dans l'oeuvre hypertextuelle, il
apparaît nettement que le lecteur a une influence réduite, et que
souvent les modifications ne s'effectue que sur d'éventuelle coquille ou
sur la mise en page. Le lecteur acquiert ainsi un statut de correcteur
typographique. Mais les interventions peuvent aussi être l'occasion pour
l'auteur de justifier ses choix, sans prendre en compte les critiques. De ce
fait le lecteur reste cantonné à son statut de spectateur, de
lecteur tel qu'il a été depuis des siècles. La possible
participation d'écriture du lecteur reste néanmoins un leurre, un
fétichisme affiché au nom d'une oeuvre participative. L'auteur
revendique son statut de paternité, il s'inscrit dans la tradition
auctoriale. Anne Cécile Brandenbourger a mis l'accent sur le fait
qu'elle n'avait jamais pris en compte les remarques des lecteurs. Sa position
d'auteur campée elle a été suivie pas Lucie de Boutiny,
lors de leur présence sur le Salon du Livre. L'écriture
collective d'hyperfiction peut malgré tout apparaître comme un
choix d'écriture.
b) De l'auteur au scripteur
En France,
pour faire référence à celui qui a écrit un livre,
nous employons indifféremment les termes d'écrivain et
d'auteur. Ces deux termes sont considérés en effet comme
synonyme et définis par la périphrase : la personne qui
compose des ouvrages littéraires. Or les origines étymologiques
de ces deux mots divergent et reflètent une extension de sens. L'auteur
vient du latin « auctor », qui fait référence
à l'origine, celui qui est à l'origine du livre et en assure
l'authenticité, l'authentification. L'auctor fonde,
accroît le texte. Le terme d'écrivain vient du verbe
latin «scribere », qui signifie écrire. Ce verbe a
engendré les termes de « scripteur » et de
« scribe ». Le sens premier d'écrivain signifie
ainsi « celui qui écrit », comme dans les exemples
d'écrivain public par exemple. Par extension de sens et notamment par
métonymie c'est à dire de l'acte pour le métier il
désigne celui qui compose des ouvrages littéraires. Le scripteur
révèle au contraire le sème de l'écriture. Il est
réapparu au début du XXe s. pour désigner une
personne qui écrit soit un manuscrit, soit un tapuscrit. Les auteurs sur
la toile, qui ne sont pas authentifier par les institutions
littéraires : éditeurs, académie, prix
littéraires, peuvent-ils être considérer comme des
« auctors » ou au contraire restent-ils des
« scripteurs », « scriptateurs », dans
la mesure où ils sont dans un processus de
« scripturation » et d'écriture. Le lecteur peut en
effet ne rester que scripteur dans sa relation avec l'auteur où
l'écriture est un moyen d'échange, peut-être se situant
dans une écriture dite fonctionnelle comme la lettre, e-mail...ou au
contraire devenir auctor notamment dans les oeuvres dites collectives,
interactives. Le lecteur acquiert ainsi le statut de co-auteur. Tout
d'abord, l'écriture dite participative sera abordée,
ensuite la problématique des auteurs collectifs, se situant dans une
logique de complémentarité.
c) Le roman participatif,
collectif
Le roman
collectif, appelé aussi participatif, voire interactif repose sur le
principe suivant : chaque lecteur peut devenir scripteur et
développer une nouvelle branche du récit déjà
commencé. En règle générale le thème du
roman est déjà donné soit par un auteur, soit par un
comité de lecture. Le site s'apparente souvent à une micro-maison
d'édition. Les fragments ainsi ajoutés par un lecteur sont ainsi
soumis au comité de lecture qui valide ainsi l'apport d'un autre
lecteur. Il authentifie la contribution dans ces cas précisément
le lecteur devient auctor. Sur le site, du Magazine
Kafkaïens153(*) les
ajouts sont soumis au comité de rédaction. Cette pratique n'est
pas constante mais les créateurs des sites indiquent
généralement des règles, des modes d'emploi afin
d'éviter des dérives. La liberté de l'internaute tant
exhibée, considérée comme un emblème de ce nouveau
média, construit elle-même ses dérives. Les contributions
des lecteurs sont parfois réarrangés par les auteurs du site. Le
lecteur n'a qu'un rôle secondaire, partiel. Les ajouts sont soumis
à une éthique et à un mode d'emploi. La
spontanéité de la participation est relayée par la prise
de position du site éditeur.
Ces romans
sont considérés comme interactif dans le sens où ils
permettent une action réciproque auteur-lecteur. L'interactivité
induit un flottement, un flou des limites auteurs-lecteurs, qui fait passer
l'oeuvre de l'individuel au collectif. Il existe plusieurs possibilités
laissées au libre choix du lecteur : il peut ne développer
que quelques lignes, ou au contraire un chapitre entier suivant les oeuvres. En
règle générale le roman est linéaire, comme par
exemple sur le site Alcofibras154(*), il ne permet pas l'insertion de liens mais donne la
possibilité au lecteur de d'écrire la suite, sans bifurcation du
récit. Les fragments de l'oeuvre sont livrés les uns à la
suite des autres. En quoi ce type d'oeuvres peut-il avoir un lien avec
l'hypertexte ?
Il existe
plusieurs types de roman interactif. La structure de l'oeuvre peut être
donnée dès le départ, comme par l'expérience de
l'émission Vol de Nuit155(*), qui a développé autour du roman,
Le tueur à la hache156(*), un roman interactif. Les auteurs y
participants ont eu la possibilité d'insérer des liens
hypertextuels pour développer une branche du récit, et apporter
leur pierre à cet édifice. Ils peuvent ainsi développer un
« micro- récit » s'apparentant à une
bifurcation, une incise dans le récit. Elle introduit ainsi
l'idée de roman digressif, de passerelles dites horizontales
comme :
Le
présumé " tueur à la hache ". Allez, appelons-le Monsieur
Limogé (un nom qui lui colle à la peau et vous comprendrez
aisément pourquoi plus tard.). Cet homme, donc, est l'être le plus
discret qui soit, terriblement insignifiant même. Son âge ? Mais
peut-on donner une date de naissance à un individu qui n'est jamais venu
au monde ? . Limogé semble toujours avoir été vieux, ses
allures, engoncées dans l'odeur de naphtaline des solitudes qui
n'oublient jamais de s'essuyer les pieds avant d'entrer, le prouvent : le pas
lent, la politesse peaufinée jusqu'à l'ourlet trop court de ses
pantalons, la poignée de main qui s'acharne sur des napperons de
dentelle, des poupées bariolées à la chiure de mouche (il
y voit des grains de beauté délicats.) posées sur la
télé. Tout cela est si banal que Monsieur Limogé passe
complètement inaperçu dans son manteau gris qui se coince
allégrement dans les portes d'ascenseur et les sourires de la concierge.
Il dépense sa vie à attendre sans dire un mot puisque les mots
sont pour les autres. C'est un petit rondouillard, toujours le nez
planté dans la nuque du suivant. Parfois il regarde ses petites
chaussures encombrantes et s'imagine un paradis pour ses orteils. C'est le gars
qui hésite, qui n'ose pa
Ceci est la
fenêtre qui apparaît lorsque le lecteur a cliqué sur le
lien, « ce type ». Ainsi le récit intitulé
Monsieur Limogé se trouve enchâssé dans le récit
principal (première fenêtre). La digression s'effectue dans cet
exemple sur un personnage, en l'occurrence le tueur. Cette fenêtre est le
portrait du personnage il fait passer le texte du narratif au descriptif.
Ce type de
roman correspond à la volonté d'Internet d'être un lieu
d'échange, de permutabilité des statuts. Elle répond aussi
au principe d'hétérogénéité d'un point de
vue des acteurs, mais aussi de l'écriture. En effet l'intervention de
plusieurs auteurs induit l'idée d'une oeuvre multiple, au style
multiple, et répond également au principe de la pluralité
des représentations. Des tentatives récentes comme the
Websoap ou Trajectoires permettent au lecteur d'entrer dans le
récit, par l'intermédiaire du e-mail, le lecteur peut
s'enregistrer et entrer dans la base de données, il ne change pas
véritablement le cours du récit mais devient un personnage
secondaire. L'interactivité se situe donc ici dans la possibilité
offerte au lecteur de devenir un personnage. Thewebsoap, permet au
lecteur de dialoguer avec les personnages, il joue comme dans le jeu
vidéo sur l`effet de réel, voici le émail que nous
recevons, pour chaque personnage, ceci est l'exemple reçu pour le
personnage d'Antonin :
« Bonjour,
Quelqu'un,
probablement vous ou une connaissance qui vous veut du bien, suppose que vous
serez intéressé(e) de lire les messages de Antonin
Si tel est
bien le cas, veuillez confirmer votre intérêt, simplement en
répondant à ce message. Vous pouvez tout apprendre sur le
Bluemailer en visitant le site
http://www.thewebsoap.net
PS: si des commandes ont été envoyées
à plusieurs mailing-lists à partir d'un formulaire web, un
message est envoyé par mailing-list. Vous devez donc répondre
à chaque message pour activer toutes les commandes. »
157(*)
Le lecteur dûment enregistré reçoit les
informations concernant chaque personnage, cette intervention du lecteur est
proche du voyeurisme, tel qu'il en est ainsi sur Internet, lorsque certains
mettent à nu leur passion, leur hobbies, parfois même
jusqu'à publier des journaux intimes. Cette oeuvre s'est voulu le reflet
d'une pratique paradoxale chez les lecteurs, comme chez les auteurs de site
personnel, où Internet devient un lieu fondée sur la
curiosité, où l'automédiation atteint parfois des
paradoxes, proches du ridicule ou de l'insensé.
d) Le collectif : une
complémentarité
Cette littérature collective remet en cause
l'authentification de l'auteur, en effet l'auteur peut-être identifier,
il donne son patronyme comme par exemple Anne Cécile
Brandenbourger, Lucie de Boutiny, Alain Salvatore, Renaud Camus...car ils se
situent dans une stratégie éditoriale de reconnaissance de leurs
oeuvres. Anne Cécile Brandenbourger ne renie pas néanmoins le
fait que son oeuvre a été publié avec l'aide d'Olivier
Lefèvre. Apparitions inquiétantes est le fruit d'un
travail collectif fondée sur la complémentarité. La
perspective collective de l'oeuvre dévoile une constante, conçue
soit comme une complémentarité par exemple Trajectoires
est une initiative du groupe de recherche, Agraph, de l'université de
Saint Denis, ils sont présentés ainsi : Jean Pierre
Balpe : auteur, Eléonore Gerbier : graphiste, Marine Nessi
: communication vidéo, Djeff Regottaz : ergonome
développeur ; Tony Houziaux, musicien, Soufiane Bouyahi :
développeur. L'adéquation des auteurs reflète le
mouvement de la littérature et de l'informatique, où la
rédaction, le graphisme, le son, la coordination se suppléent.
Ces deux disciplines convergent, se complètent, s'enrichissent. Les
médias comme le cinéma, la musique, la peinture convergent
à l'heure actuelle, pour créer une nouvelle syntaxe, celle de
l'informatique.
La problématique de l'auteur collectif dans des
expériences comme « websoap » pose la question de
l'hyperfiction collective, en contraste avec l'hyperfiction d'un seul
auteur.158(*) Selon
Etienne Armand Amato, l'écriture collective désoriente autant le
lecteur que l'auteur, car, contrairement à l'écriture individuel
où l'auteur maîtrise son oeuvre. Il insiste sur le fait que la
création collective induit une égalité de fait entre les
pôles de production et réception. Existe-t-il une lecture
collective sur Internet ? La question mérite d'être
soulevée. La réception d'une oeuvre peut-elle être
collective ? Il existe parfois publié en paratexte les commentaires
des lecteurs, sous l'appellation « livre d'or », comme sur
le site d'Alcofibras. Le lecteur pourrait donc dialoguer avec les
autres lecteurs, soit par l'intermédiaire du émail, soit parfois
par l'intermédiaire du « chat ». Le chat
apparaît comme moins courant, cependant, les auteurs du site
Trajectoires, permettent aux lecteurs de dialoguer pour
échanger leur point de vue concernant la résolution de
l'énigme. Le « chat » se fonde essentiellement sur
l'anonymat, l'internaute choisit un pseudonyme. Cette représentation
virtuelle du lecteur et de l'auteur, un auteur peut en effet rester anonyme, se
radiographie dans la notion d'avatar. L'avatar selon le Petit Robert,
réédité en 2000 signifie
« réprésentation virtuelle créée par un
internaute pour évoluer dans le cyberespace (choisir un avatar et un
pseudonyme) ». L'extension de sens, de ce terme, paraît
significative de la métamorphose. Ce terme est en accord avec ce que les
théoriciens nomme « le work in progress ».
6. Le roman feuilleton
a) Des tentatives de roman feuilleton
sur Internet
Dans les années 1830 , en France, naît avec
l'apparition des presses « bon marché » les
premières publications de roman feuilleton159(*). L'émergence de ce
nouveau genre publié dans la presse et livré au fur et à
mesure de son écriture avait dès lors été à
l'origine d'une querelle entre les
« libraires-éditeurs » et la presse. La publication
par livraison est une pratique courante, Pierre Larousse a publié Le
Grand Dictionnaire Universel du XIXème siècle par livraison.
Ce mode de publication continue encore d'exister dans la presse grand public,
reprise également par des médias, comme la
télévision. Le réseau hypertextuel et notamment le web
s'inscrit dans cette continuité, il a peut-être permis le
renouvellement du genre. Mais les mécanismes semblent les mêmes.
Dès 1998, lors du prix des lecteurs organisé par 00h00 et
Wanadoo, ce dernier avait publié pendant la période
s'échelonnant du 2 au 16 novembre, un roman livré par chapitre.
La mise en ligne du roman Meurtre au Bois dormant, s'était
établie au jour le jour. Dix-neuf chapitres, édités
ensuite chez 00h00.com. L'expérience de ces romans feuilletons se
perpétue, envahie cette littérature jusqu'à se
systématiser. Un des auteurs qui a investi la toile et qui a choisi ce
support comme canal de diffusion est Stephen King160(*). En juillet 2000 commence la
publication en « pièce détachée » d'un
roman épistolaire intitulé The Plant161(*). Le premier chapitre date de
juillet le sixième de septembre, il en cesse la livraison en novembre.
Il écrivait son oeuvre au fil de son écriture et indiquait
à son lecteur les dates de publication. Les raisons de l'arrêt de
la livraison, selon les journalistes, seraient nombreuses : Internet
considéré comme un média non lucratif, l'auteur avoue que
l'écriture de son oeuvre peut être retardée...Du
coté francophone, les éditions P.O.L.162(*) ont investi ce médium
avec la publication par épisode, du roman de Jacques Jouet, Oulipien,
La République de Mek-Ouyes. Dans le même esprit les
éditions Baleine ont proposé sur le site « www.
urbuz.com » un feuilleton de
Didier Daeninckx et Noël Simsolo, Tête à queue. Et
ce depuis le 4 septembre 2000. La multiplication de ses tentatives imprime le
renouvellement du genre permis par Internet. Jacques Jouet a commencé la
livraison de son roman le 5 septembre 2000 et a ouvert une série de 215
épisodes163(*).
La publication est journalière, et le lecteur peut s'il le souhaite
s'abonner aux épisodes par l'intermédiaire de sa messagerie
électronique. Cette expérimentation exprime la
régularité, et la simultanéité du réseau.
L'auteur contraint le lecteur à son rythme d'écriture comme dans
tout roman fondé sur ce mécanisme. Cette oeuvre n'est pas
hypertextuelle mais l'hyperfiction emprunte à ce genre sa livraison,
comme parfois son écriture. Par analogie avec le spectateur le lecteur
est considéré comme assistant à l`évolution de
l'oeuvre en accord avec le rythme de l'auteur. Cette comparaison
transparaît dans l'expression « work in
progress ».
b) Le «work in
progress» : le spectacle de l'épisode
L'évolution de la forme permise par le cyberespace et
le réseau se dévoile dans la métaphore du « work
in progress », encore appelée par George Landow «
work in expanded » , elle signifie l'oeuvre en mouvement, l'oeuvre en
avancement, elle est reprise chez les auteurs dans la notion d'avatar164(*), d'épisode. La seule
exception est peut-être Sale temps dans la mesure où sur
support cédérom elle n'a pas de suite à proprement parler.
Ainsi cette opposition au livre comme support fermé est reprise car
l'Internet permet aux auteurs, de remanier leur(s) oeuvre (s) : ajout de
lien, d'images, de textes. L'historique des oeuvres a permis de mettre en
évidence le renouvellement de l'oeuvre. Comment hyper-roman,
l'hyper-nouvelle, ou encore l'hyperfiction, est une littérature
livrée en épisode ? Pour mettre en évidence cette
théorie du « work in progress » les auteurs livrent
parfois les indications de leur démarches, par exemple Lucie de Boutiny
indique les dates de ses épisodes, et a inclus un mode d'emploi. De
même Anne Cécile Brandenbourger désigne sous le nom
d'avatar165(*) les
épisodes successifs d'Apparitions inquiétantes, le premier est
considéré comme l'avatar #1 et le dernier qui est la
version papier avatar #12. Dans un entretien réalisée par e-mail,
pour « Inside Internet » en février 2000166(*) elle répond à
la question « comment a débuté Apparitions
Inquiétantes ? » ainsi :
« Le responsable d'un site luxembourgeois m'a
proposé de réaliser un feuilleton dont l'action se serait
déroulée à Luxembourg et dont l'objectif aurait
été d'attirer les touristes. J'ai décliné l'offre
parce que Luxembourg ne m'inspirait que des idées assez destroy qui
n'auraient pas convenu aux buts du site demandeur. Mais l'envie de
réaliser un feuilleton m'est restée en tête. J'ai
longuement réfléchi et surfé pour voir ce qui se faisait
dans le genre (pas grand-chose à l'époque, c'est-à-dire en
97) et je suis arrivée à la conclusion qu'un texte
« littéraire » sur le web ne pouvait se concevoir de
la même façon qu'un feuilleton traditionnel conçu pour les
journaux ou la télé. »167(*)
Dans cette même optique Xavier Malbreil explique que sa
nouvelle est « livrée par épisode » et il
nous donne les indications suivantes : « "Je ne me souviens pas
très bien" est mis en ligne au fil de son écriture. »
Pour ce qui est de websoap lors du contact avec les auteurs l'homme
à l'origine du projet a leur a donné pour consigne :
« La clé de voûte de notre récit sera la forme
épistolaire, dans son plus récent avatar, l'e-mail. »
Ainsi hyperfiction se trouve donc dans un noeud, pour reprendre le titre d'une
hyperfiction, elle se trouve dans une confluence d'influence qui emprunte ici
au genre épistolaire, au genre fragmentaire, feuilletonniste les
modalités de son discours. Tout est donc inter-relié,
interconnecté, dans cette tentative de dé-closion, de
dé-limitation, de réseau à la fois humain, technologique
et littéraire. Ainsi l'auteur de l'hyperfiction le Noeud
explique :
« Le Noeud est un essai littéraire profitant
à fond des capacités d'organisation et de recoupement de
l'hypertexte (d'où le vocable "hyperfiction"). Plusieurs courts textes
sont donc regroupés et forment un noeud, c'est-à-dire une
entité compacte où tout est inter-relié. La forme ouverte
de ce noeud me permet d'ajouter, de réarranger ou de modifier à
ma guise ses différentes composantes.»168(*).
Au miroir de cette dernière phrase, le renouvellement
de l'oeuvre tant au niveaux contenu, qu'au niveau graphique reflète une
constante de ce genre. La « forme ouverte » apparaît
aussi comme un des invariants de l'hyperfiction, l'épisode est
peut-être la forme qui supporte le mieux cette
« ouverture ». Mais suivant les auteurs, la livraison de
l'épisode, de l'avatar peut varier.
c) Un exemple de livraison par
épisode169(*) :
Apparitions inquiétantes.
Anne Cécile Brandenbourger a construit son oeuvre comme un
feuilleton, sur la version papier, elle a inclut un synopsis des
différents épisodes. Le tableau ci-dessous dûment
complété grâce à la version papier, et à la
version en ligne retrace les différents épisodes
d'Apparitions.
Avatars
|
#1
|
#2
|
#3
|
#4
|
#5
|
#6
|
#7
|
#8
|
#9
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#10
|
#11
|
#12
|
Numéro
des pages
|
7
|
49
|
89
|
111
|
143
|
177
|
213
|
233
|
247
|
Apparitions inquiétantes derniers
épisodes
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Version publié chez 00h00.com
|
La malédiction du parasol
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Dates
(en ligne)
|
09/97
|
10/97
|
12/97
|
02/98
|
04/98
|
11/98
|
03/99
|
06/99
|
10/99
|
02/2000
|
02/2000
|
09/2000
|
Ainsi, l'oeuvre de l'auteur a connu dix versions avant la
version finale, en ligne, les deux autres versions ont été
publiés au format PDF et papier, l'avatar #12 correspond à La
malédiction du parasol, publié chez Florent Massot. Le titre
s'est métamorphosé, mais l'adaptation sur papier et sur format
numérique a, elle aussi, été source de changement. La
couverture de la malédiction est un symbole de cette
métamorphose. Elle est polymorphe, le parasol, s'ouvre et se ferme, un
sourire et deux yeux apparaissent également en arrière plan.
Cette couverture apparaît comme le symbole du mouvement de l'oeuvre et de
son renouvellement, comme ainsi dans les différentes versions de
l'oeuvre.
Titre
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N°
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page
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N°
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page
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N°
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page
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N°
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N°
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page
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N°
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page
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Le jardin des fantasmes
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1
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7
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2
|
89
|
3
|
247
|
|
|
|
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|
Le temps des vautours
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1
|
7
|
2
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111
|
3
|
213
|
4
|
247
|
|
|
|
|
Les blessures de l'amour
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1
|
7
|
2
|
49
|
3
|
177
|
4
|
213
|
|
|
|
|
La cliniques des coeurs
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1
|
7
|
2
|
89
|
3
|
177
|
4
|
213
|
|
|
|
|
Les feux de la vengeance
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1
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89
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2
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177
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Passions dans l'espace
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1
|
49
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2
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89
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3
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111
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4
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177
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5
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247
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Pas de vacances pour Chris Winter
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1
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49
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2
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89
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3
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111
|
4
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143
|
5
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177
|
6
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247
|
Seuls dans la ville
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1
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89
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2
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111
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3
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213
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4
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247
|
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Angoisses à la morgue
|
1
|
111
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2
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177
|
3
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233
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Allô police
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1
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143
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2
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177
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3
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233
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Carnage en série
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1
|
143
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Pour un scoop de plus
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1
|
233
|
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|
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Légende : les deux tableaux sont liés par
les couleurs, à chaque avatar correspond une couleur. Les numéros
indiqués sont ceux que l'auteur indique.
La version en ligne s'organise, elle, selon les
différents personnages mis en scène. Il existe vingt-trois
personnages, qui correspondent aux différents épisodes, de la
version papier. Jean Pierre Arbon170(*), a justifié le choix de la publication
d'Apparitions inquiétantes, par l'idée justement
qu'elle s'organise en feuilleton, la lecture de cette oeuvre s'apparente au
zapping, comme devant un poste de télévision le lecteur choisit
son programme, il peut suivre un épisode de Columbo, de
star-trek (sic.)171(*) Les titres s'inscrivent dans cette dialectique,
Chris Winter est l'enquêteur principal, il est le personnage le plus
récurrent, qui gravitent autour des autres personnages. Le schéma
d'un feuilleton s'organise généralement ainsi : il met en
scène des personnages principaux, amené à vivre
différentes expériences à chaque épisode. Le roman
policier est selon l'auteur un « prétexte », il ne
symbolise pas une fin en soi. Les titres joue sur le mécanisme du
détournement, qui fait appel à la culture
télévisuelle du lecteur : « les feux de la
vengeance » pourrait être un détournement
« des feux de l'amour », « la clinique des
coeurs », de « la clinique de la forêt
noire »... La plupart des archétypes feuilletonesques sont
représentés : policier, science fiction, « serial
killer », amour avec ses variantes...Anne Cécile
Brandenbourger met l'accent sur le fait que le feuilleton est « une
porte ouverte sur un autre monde » (sic). La métaphore de la
porte ouverte est récurrente, Umberto Eco172(*), utilise l'expression
« hypertextes ouverts, histoires finies ». La dialectique
« ouverture/fermeture »,
« infini/fini », est une constante des débats autour
de l'hypertexte. Ainsi le feuilleton apparaît comme le modèle de
construction le plus repris. Le tableau ci dessus reflète cette
organisation, l'analyse de la récurrence des épisodes met en
évidence que certains épisodes sont plus développés
que d'autres, l'enquêteur Chris Winter revient le plus souvent, et
régulièrement, alors que d'autres n'apparaissent que
ponctuellement comme « un carnage en série », ou
pour « un scoop de plus ». Certains disparaissent pour
ensuite réapparaître, comme par exemple « le temps des
vautours », le « jardin des
fantasmes »...L'alternance et la mise en scène des
épisodes témoigne ainsi d'un récit enchâssé
ou les histoires se croisent, bifurquent, se disjoignent pour ensuite se
rejoindre. De plus il est peut-être à rappeler que cette oeuvre
est hébergé sur le site « anacoluthe »,
l'anacoluthe est une figure de style qui signifie « rupture de
construction syntaxique », par analogie avec l'hypertexte et le roman
feuilleton, Apparitions pourrait être une de ses actualisations.
D. Conclusion
La lecture des différents genres radiographiés,
mettent en évidence l'influence du média sur le récit, et
le fait que l'hyperfiction est un genre mal défini, qui cherche sa voie,
et qui se trouve en concurrence, en complémentarité permanente
avec les autres genres qui se trouvent sur Internet. Cela constitue sa
richesse, en effet elle est un genre que nous pourrions qualifier de poreux
d'une part d'un point de vue littéraire et d'autre part d'un point de
vue technologique voire « médiatique ». De la
cyberlittérature, du cybertexte, comment caractériser au regard
des différents genres des constantes...Ainsi la métaphore du
rhizome prend toute sa dimension pour analyser l'hyperfiction comme un
réseau. Elle est en connexion permanente avec les autres genres, elle se
définit de l'intérieur et de l'extérieur du réseau,
elle est en constante métamorphose, le réseau qu'est Internet et
l'hypertexte peuvent être des sources d'écriture, elle est
hétérogène : constituée de différents
médias, elle est pour finir interactive aussi bien dans la relation
auteur-lecteur que dans la relation des réseaux. Ainsi l'hyperfiction
peut être considérée comme un noeud qui se trouve à
l'intérieur du réseau qu'est Internet, elle se trouve aussi
implémenté dans le réseau hypertextuel et
hypermédia, et enfin le dernier noeud est la page écran. D'un
point de vue littéraire elle se trouve d'une part au confluence de la
littérature, du genre fictionnel, de la littérature informatique.
Les acteurs : lecteurs, auteurs, éditeurs sont eux aussi pris dans
le réseau. Ce maillage a mis en évidence les processus
éditoriaux, humains, technologiques mais a aussi permis de comprendre
comment l'hyperfiction remet en question le livre et la littérature. La
connexion, la métamorphose,
l'hétérogénéité, la rupture a-signifiante,
la topologie, l'extériorité, la multiplicité, et ceux qui
en découle : mobilités des centres, emboîtement des
échelles pet permettre d'analyser l'oeuvre de fiction interactive. Dans
un premier temps, pour ne pas avancer un avenir incertain, voici ce que nous
pouvons retenir comme caractéristiques à la relecture des
définitions de l'hyperfiction, du rhizome, du réseau, de
l'hypertexte.
Tout d'abord l'historique de 1996 à nos jours, a permis
de mettre en évidence que l'intérêt pour ces oeuvres est
croissant, à l'heure actuelle l'avenir de la fiction dans le cyberespace
reste selon les auteurs incertains. La dialectique codex/hypertexte,
finitude/infini semble ne plus avoir de véritable enjeux. Il y a-t-il
véritablement de livre achevé, d'oeuvre fini, où se situe
la fin du livre. Faut-il considérer qu'à partir du moment
où le livre est imprimé il est achevé ? Internet
apparaît certes comme le support adéquat, mais il a
été soulevé lors de la journée d'étude sur
le livre impossible à la Bibliothèque nationale de France, que
« l'hypertexte est un objet virtuel », le livre comme
support clos accepte l'hypertexte mental, il a existé des oeuvres
préélectronique, des proto-hypertextes qui mettaient
« en linéarité » un hypertexte mental. De
plus cette littérature du cyberespace est jeune, elle connaît
peut-être ces années adolescentes, les auteurs passent
généralement du papier au web. C'est pourquoi le livre dans son
organisation, dans sa représentation reste complémentaire de
cette littérature. Mais l'outil adhère à ce type
d'histoires, car la forme peut-être remaniée, renouvelée. A
l'opposé de ce que nous avons appeler non linéarité les
termes de plurilinéarité, d'ouverture des chemins, de lecture
labyrinthique...semblent le mieux définir le parcours du lecteur.
Dans la relation auteur lecteur nous avons également
mis en évidence que la participation du lecteur n'est qu'un leurre,
l'interaction permise par la simultanéité des acteurs n'est pas
aussi représentative, mais une constante tout de même est la
liberté de lecture de l'oeuvre. C'est le seul choix laissé au
lecteur, qui heureusement ne perd pas son libre arbitre. Pour éclairer
le débat concernant l'interactivité Beat Suter s'est
proposé de différencié l'hyperfiction de la fiction
interactive. La fiction interactive correspond au jeu vidéo elle est
classée sous le genre du jeu et de la simulation, l'unité de
structure est diégétique et itérative, organisation est
l'environnement virtuel composé d'opposant, la navigation de
l'utilisateur est l'interface virtuelle, l'action de l'utilisateur est
synchrone, le caractère de l'interaction se situe dans le mouvement de
jeu. Alors que l'hyperfiction se caractérise ainsi, le genre est la
narration et le récit, l'unité de structure est
fragmentaire et itérative, elle s'organise en segments et liaison, la
navigation est l'hyperlien, l'activité du lecteur est asynchone,
l'interaction se situe dans le choix du parcours de lecture.
Le lecteur assiste à la progression de ce
« work in progress » dans une position de spectateur. Mais
il existe cependant des oeuvres dites interactives dans la mesure où
l'internaute participe à l'oeuvre, il peut ainsi devenir un de ces
avatars. La dialectique individuel/collectif doit être pensée
comme une complémentarité de pensée, de compétence.
De l'auteur au scripteur, du lecteur au scripteur, de l'écrivain au
développeur, du graphiste au musicien, les différents statuts et
disciplines convergent. Il en résulte un médium qui adhère
totalement à l'idée
d'hétérogénéité.
La problématique du lien, qui dans un premier temps se
concevait dans l'opposition « sémantique »,
« organisation » n'est pas définitive. En effet
l'organisation peut-être source de sens. La sémantique des liens
divergent selon les oeuvres. L'hyperfiction apparaît en effet comme un
réseau de textes qui peut faire appel à différent
mécanismes linguistiques, sémantiques...Ce sera le propos du
dernier chapitre de ce mémoire.
IV. Le lien et l'organisation
de la fiction : essai de typologie
La fiction hypertextuelle n'est en effet concevable que par le
lien. Il est la condition d'existence, la quintessence de ces oeuvres sans
lequel elles n'auraient qu'un statut de fiction. Le lien se conçoit de
plusieurs façons. En premier il pourrait être mis en relation avec
la rhétorique. Rhétorique signifie « technique de la
mise en oeuvre des moyens d'expression ( par la composition, les figures
) ». Le lien hypertexte est en effet mise en oeuvre effective, il
assemble les fragments. Mais il est aussi moyen d'expression, composition et
figure. Mais cette rhétorique, est-elle reprise des différentes
figures, ou absence de composition ? Cette partie sera consacrée au
mécanisme analogique et technologique permis par l'hypertexte.
L'hyperlien apparaît hétérogéne, divers, tant du
point de vue des mécanismes sémantiques, que des liens
hypertextuels. Certains mécanismes analogiques, certaines figures de
style reviennent régulièrement : la métonymie, la
métaphore. L'hypertexte permet aussi grâce à la notion
d'intertextualité depuis Julia Kristeva, le groupe Tel quel (Philippe
Sollers), de multiplier les voix narratives, de multiplier les points de vue,
dans la mesure où il est réécriture et recréation.
Quels sont donc les différents types de liens utilisés dans
l'hyperfiction ? Dans un premier temps seront analysés les liens
dits de navigation : ceux qui composent le site soit les liens externes et
les liens internes. Pour compléter cette typologie dans un
deuxième temps seront etudiés les liens internes de
l'hyperfiction afin de faire apparaître leur multiplicité.
Celle-ci se manifeste du point de vue de la signification et de l'organisation
de la fiction ou de l'histoire. Puis le troisième chapitre sera
consacré aux liens reposant sur la définition et le dictionnaire
quel que soit leur statut dans la fiction. Enfin le quatrième chapitre
sera consacré aux liens multimédias.
Lorsque un écrivain écrit et construit son
oeuvre sous la forme hypertextuelle, certaines questions peuvent l'interpeller
concernant le parcours du lecteur : quelle direction le lecteur va-t-il
prendre ? vers quel lieu va t-il se diriger : interne ou externe ?
vers quel média, ou action va-t-il se diriger : une illustration par
exemple, ou bien une adresse mail ? vers quel contenu va t-il se diriger
et pourquoi : vers un argument ou un exemple ? Pour répondre
à ces questions Dirk Schröder173(*) se propose de classer les liens hypertexte selon les
catégories suivantes : renvoi de navigation, renvoi de type page et
renvoi hypermédia. Les renvois multimédia ne seront
étudiés qu'en fin de cette partie174(*). L'observation portera
essentiellement sur les renvois de navigation.
Dirk Schröder classe sous la catégorie des liens
de type page : les liens vers une page contenant un formulaire
interactif ; les liens émail, les liens de note ( vers une page
explicative ) ou vers d'autres lien et enfin les liens d'aide (formulaire
d'aide ou d'information). Les liens de type pages restent
généralement fonctionnel, comme nous l'avons déjà
explicité. Cependant le lien émail peut s'inscrire dans une
esthétique autour du mail-art, comme pour Websoap. Dirk
Schröder rappelle également que Randall Trigg en 1983 a
recensé dans une « taxonomie »175(*) les liens hypertextuels, le
classement repose sur deux tableaux176(*) dans lesquels il différencie les liens de
type « normal » et ceux de
« commentaire ». La typologie émise par Dirk
Schröder, repose non pas sur une rhétorique admise mais sur les
liens en cours sur le World Wide Web. Ainsi les liens de navigation
apparaissent avec les liens hypermédia comme les plus fréquents
dans l'hyperfiction.
A. Les renvois de navigation :
Le renvoi de navigation contient les liens externes (vers un
autre site) et les liens internes (vers un autre endroit du site). Parmi les
liens internes se distinguent dans l'hyperfiction : les liens appartenant
au paratexte : titre, sous-titre, chapitre, sous catégorie,
généralement appelés liens métonymiques et les
liens qui appartiennent à l'hyperfiction même.177(*)
1. les liens externes
Les renvois de navigation externe nous intéressent dans
la mesure où, bien que les liens sont principalement interne au site,
il peut survenir que les auteurs incluent des liens externes et invitent le
lecteur à se rendre sur un autre site. Ils peuvent alors être
apparentés au système de renvoi/sortie. Au regard des
différentes oeuvres, il est manifeste que ces derniers ne concernent que
les formats dit « on-line », les supports fermés tel
que le cédérom ou le format Acrobat Reader (pdf) ne contiennent a
fortiori pas de liens externes178(*). Les sites externes sont généralement
appelés des sites miroir ou réflecteur, car les deux sites se
revoient mutuellement l'un à l'autre et sont liés par les
mêmes intentions. Deux types se distinguent : ce peut-être un
site indiquant la source ou un site qui s'intègre à l'oeuvre.
L'exemple d'un site source se trouve dans Apparitions
Inquiétantes, où elle utilise une image179(*) qui n'est pas de son cru
intitulée « rien qu'un baiser avant de mourir »,
l'image nous renvoie sur le site180(*) de l'artiste Alex Grey et de ses oeuvres
« transfigurations ». En ce qui concerne le second type il
faut se référer à Websoap181(*). Premièrement
l'oeuvre est construite autour de deux sites miroirs, l'un consacré au
Websoap, le second au Bluemailer, qui donne accès au
boites au lettres personnelles. Le site Websoap se compose de
plusieurs sections : l'accès au bluemailer (liens externes) alors
que « la galaxie », « l'inventaire des
sites », « l'annuaire des personnages »,
« la chronologie », « abonnez-vous » et
« le mode d'emploi » sont des sites internes au websoap. Ce
site apparaît comme un portail, c'est à dire une ouverture sur
d'autres sites. De plus chaque personnage a respectivement un site
personnel :
· Mona Bliss [http://www.mona-b.net],
· Sadie Nassau [http://www.superfever.com],
· Luc Dietricht [http://www.cannibales-sonores.com/luc],
· Madeleine Feuille [http://www.face-cachee.net],
· Massimo della Fontana [http://www.45tours.net],
· Antonin Matéo [http://www.mailerscope.net]
· Pierre-Anne Moravec [http://www.mona-b.net/pam].
Il existe également deux autres sites en relation avec
l'oeuvre : celui de l'entreprise de Mona Bliss, Skymax
[http://www.skymax-corporation.com], et celui du Blue Room :
[http://www.theblueroom.com]. Les sites externes ont pour fonction de
présenter les personnages, leurs centres d'intérêt, leurs
passions, le site concernant Antonin Matéo est une analyse
théorique du bluemailer : il offre une réflexion sur
Internet et sur les effets du bluemailer, sur la création et les aspects
socio-culturels du médium, et l'impact des nouveaux modes de
communication interpersonnelle. Le site de Mona Bliss apparaît sous
plusieurs angles : d'une part sa passion pour les insectes, la publication
de son livre. Le site est un entre-deux entre site commercial et site
d'information. Plus personnel le site de Madeleine Feuille est
présenté comme « Lieu de confessions et
d'échanges, "la face cachée de la lune de miel", site
consacré au mariage et au bonheur, explore le domaine de l'intime. Un
univers feutré, féminin, dont les facettes multiples sont
dévoilées dans un effort de totale transparence. »
Ainsi les sites offrent un autre un autre point de vue sur les personnages
à l'opposé des mails, qui s'inscrivent dans un point de vue
personnel et quotidien. Ils complètent les portraits, offre des
réflexions relative à leur personnalité. La page
consacrée à l'annuaire renvoie pour chaque personnage à sa
boite aux lettres sur le bluemailer. Cette oeuvre est emblématique des
liens externes, en effet la plupart des hyperfictions fonctionne sur un
« mode » interne. L'oeuvre est en effet restreinte au site,
voici donc un contre exemple, qui apparaît comme le reflet de
l'internaute et de ses pratiques. Ainsi la dialectique interne/externe
s'estompe au profit d'une réalité autre celle des internautes.
2. les liens internes : la
métonymie
A la lecture des oeuvres, le lien qui organise les chapitres,
par l'intermédiaire d'un titre, offre une vue globale de la structure
hypertextuelle. Ces hyperliens n'appartiennent cependant pas au texte mais au
paratexte. Ainsi, cette organisation répond aux figures de style :
la synecdoque et la métonymie. La synecdoque est un cas particulier de
la métonymie : elle opère dans un ensemble extensif, en
nommant l'un des termes d'un rapport d'inclusion pour exprimer l'autre. Le
rapport dans la synecdoque est un rapport interne. Elle est
généralement présentée comme « prendre la
partie pour le tout ou inversement». Dans le contexte Internet ou
Web, elle est présente premièrement sous la forme de la liste des
liens hypertextuels offerte pour identifier ou suggérer les relations
d'une inclusion catégorique. La plupart des textes de caractère
scientifique ou les sites offrent en effet des liens métonymiques, par
l'intermédiaire des titres, sous-titres. Les textes sont
découpés en fragment (la page) et représentés par
un lien qui n'est parfois qu'un mot qui nous transfère vers une autre
page interne à chaque fois. C'est le rôle essentiellement du menu,
du sommaire, placé généralement à gauche. Ainsi le
site de Xavier Malbreil182(*), offre un premier menu en toile
« d'araignée » :
Beat Suter183(*) ne distingue pas la synecdoque et la
métonymie, cependant le mécanisme est sensiblement le même,
et selon son interprétation les liens ci-dessus sont
métonymiques, voici comment il explique la métonymie dans
l'hyperfiction :
« Doch auch zahlreiche links in Hyperfiktion sind
als metonymisch Verweise gestaltet. Gerade des erste Link des Hyperfiktion
Waltraude hält die Welt in Atem«, sowie der Start Link von Zeit
für die Bombe«, sind jeweils metonymisch gehalten, denn in beiden
Fällen ist der Titel erreichbare Lexie und gleichzeitig des erste link,
der auf den Beginn der jeweiligen Geschichte verweist.184(*) »
Les oeuvres de Xavier Malbreil n'apparaissent pas comme de
véritables hyperfictions mais le sommaire se fonde sur la navigation
hypertextuelle, le principe de la métonymie fonctionne sur deux plans.
Chaque titre est tenu pour métonymique car il est une unité de
lecture, et renvoie soit vers la page de l'oeuvre vers un autre menu qui
devient à son tour synecdoque. Les liens faisant appel à la
synecdoque sont fréquents et notamment par le fait qu'ils organisent les
sites. Cependant l'exemple du bluemailer185(*), porte d'accès aux boites aux lettres
respectives de chaque personnage, est un exemple de synecdoque appartenant au
texte et non plus au paratexte. En effet les messages sont annoncés par
un titre, qui est une unité de lecture. La synecdoque fonctionne ainsi
sur le principe du général au particulier. De la même
manière les messages peuvent être classés par dossiers,
suivant les catégories. Par exemple la boite aux lettres de Mona Bliss,
contient les dossiers suivants : amour chaotiques, problèmes
de boulot, amis attentifs, tous les potins, chevalier blanc, mon dragon. Les
dossiers sont systématisés pour chaque personnage. Ce dernier
exemple traduit la navigation du lecteur : il peut soit lire tous les
messages, le texte général, se référer aux dossiers
ou aux titres. Les dossiers fonctionnent donc sur le mécanisme du
domaine « extensif », il y a effectivement un
mécanisme d'inclusion des messages dans une catégorie
définie. La synecdoque fonctionne aussi du particulier au
général. Il est rare que cette figure ait une autre fonction que
l'organisation, dans l'hyperfiction, elle est alors remplacé par la
métonymie, plus fréquente. Jean Clément considère
le mécanisme de la lecture hypertextuelle comme une synecdoque :
« dans le cas de l'hypertexte, on a affaire à
une synecdoque dite croissante, dans laquelle la partie, le fragment, le
parcours) est prise pour le tout (hypertexte dans sa globalité). Dans
l'hypertexte, la synecdoque est une figure dynamique : à partir du
fragment, le lecteur cherche à imaginer le tout. » 186(*)
En effet la synecdoque est grandissante, dynamique de lecture,
dans la mesure où nous n'avons souvent qu'un aperçu partiel de
l'oeuvre. Au fur et à mesure de la lecture, nous sommes amenés
à avoir une vue d'ensemble de l'oeuvre. Le lecteur revient parfois sur
des passages qu'il a déjà lu, il se perd, mais la structure ne
lui étant pas visible à l'oeil nu comme dans un livre, il est
continuellement pris dans un processus de recherche de l'entier ou du total.
Malgré leur appartenance au renvoi de navigation, il a semblé
plus judicieux de consacrer un chapitre entier aux liens internes de
l'hyperfiction.
B. Liens internes de l'hyperfiction
1. Les mécanismes de liaison
La technique du lien hypertexte, selon les théoriciens
de l'hyperfiction : Beat Suter, Jean Clément, ou des
théoriciens comme Nicholas Burbules, dans « Rhetoric on the
Web »187(*),
offre la possibilité de lier indéfiniment les différentes
unités de texte (page-écran, fragment) et ce, de manière
multiple. Un tel réseau de texte peut-être mis à
exécution par l'insertion d'un lien, un « saut ».
Les liens organisent le classement des séquences narratives (textes et
espace d'écriture). Ils apportent grâce à ce renvoi un
élément supplémentaire au récit principal, ou
récit premier, qui se différencie du feuilletage du livre. Dans
beaucoup d'hyperfiction le lien est source de signification, il est le vecteur
de la narration. Nicholas Burbules se pose la question de l'hyperlecture, d'un
changement possible de code de lecture qui résulte de l'hypertexte. Les
liens sont des connections entre différents noeuds. Selon
lui l'usage et le placement des liens est un révélateur des
présupositions et des valeurs de l'auteur-créateur. Le lien
modifie la manière dont le texte est lu et compris par notamment la
virtualité (au sens de non actualisation) de juxtaposition de deux
textes, le lien est une connexion implicite. Krajewski188(*) explique le processus de
lecture qui résulte de l'hyperfiction ainsi :
Während im gewöhnlich text der Blick des Lesers
entlang der Zeile (erste dimension, x-Achse) wandert, um Signifikante mit
Bedeutung zu assozieren (zweite dimension, y-Achse), spannt die
zusätzliche Verbindung zu einem weiterem text via hyperlink die z-Achse
auf..."189(*)
Le lien apparaît donc comme l'actualisation d'un texte
au départ virtuel. Beat Suter190(*) reprend la distinction effectuée par Saussure
entre l'axe syntagmatique et l'axe paradigmatique. L'axe syntagmatique est
l'axe sur lequel les mots et les unités, les sons se succèdent
dans la chaîne parlée : les phonèmes en
morphèmes, les morphèmes en syntagme, les syntagmes en phrases.
Il l'axe des combinaisons et se représente sur un axe horizontal, de
gauche à droite. Les syntagmes sont des séquences d'unités
variables. Elles constituent les divers niveaux intermédiaires de la
hiérarchie dont le sommet est la phrase et le niveau inférieur
les morphèmes. Les relations syntagmatique s'observent entre les termes
qui constitue les syntagmes, c'est pourquoi il est aussi appelé l'axe
des relations in praesentia. Il est aussi l'axe des cooccurrences ou
contiguïté, et répond au critère
d'insécabilité. A l'opposé l'axe paradigmatique
reflète les relations existant entre les signes capables d'assumer une
même fonction. Il est l'axe des commutations, ou substitutions. L'axe est
virtuel, dans le sens où les relations paradigmatiques
s'établissent entre une unité et celles qui pourraient la
remplacer dans un environnement donné. Il fonctionne sur des
éléments qui ne sont pas en présence : les relations
in absentia. Il est l'axe des corrélations, les signes entretiennent
entre eux des rapports de parenté sémantique, en dehors de la
chaîne syntagmatique : il peuvent être en corrélation
de sens ou en opposition.
Pourquoi reprendre le schéma de Saussure pour
expliquer le lien hypertexte. Premièrement les textes liés les
uns aux autres répondent au paradigme, en effet il est un axe de
sélection et d'assemblage des fragments. De même le lecteur
effectue un choix entre les différents liens qui s'offrent à lui
soit un axe de la sélection. L'axe syntagmatique fonctionne sur le texte
source : nous passons d'un texte A, unité de lecture (phrase...)
à un texte B, lui aussi unité de lecture. Les liens appartiennent
donc premièrement à l'axe syntagmatique, car il est contenu dans
un texte qui fait sens, et se situe sur un continuum. Il serait logique
cependant de considérer les unités ne soient que sur l'axe
paradigmatique, dans la mesure où la relation qui unit le texte A au
texte B est le lien.
Différents mécanismes peuvent lier un texte A
à un texte B. La relation dépend d'une part du lien source
(contenu dans le texte A) et d'autre part de la nature du texte (B) vers lequel
le lecteur est transporté. Il est donc nécessaire ici de
distinguer les relations qui peuvent unir un texte A et un texte B. Les liens
internes de l'hyperfiction sont en effet les plus
hétérogènes, et le reflet de la multiplicité des
oeuvres. Leur complexité est relative et suivant les oeuvres ou les
versions nous ne sommes pas confrontés aux mêmes
mécanismes. Plusieurs mécanismes peuvent unir un texte A à
un texte B. Le tableau suivant essaie de mettre en évidence les liaisons
possibles.
Texte A
|
Lien
|
Texte ou page B
|
|
Lien retour
|
Source
|
Texte
|
Texte B devient source
|
Lien vers un autre texte C
|
Aucun
|
Source
|
Texte
|
Hypermédia (impasse)
|
Retour à A non voulu
|
Navigateur (précédent)
|
Source
|
Média
|
B est une impasse
|
Retour à A voulu
|
« sortie de secours »191(*)
|
Source
|
Texte
|
B est une impasse
|
Retour à A voulu
|
texte
|
Source
|
Texte
|
B est une impasse
|
Retour non voulu
|
Navigateur (précédent)
|
Le texte A est considéré comme le texte source (
celui qui contient le lien ) et le texte B ( le texte vers lequel la lecture se
dirige. ) La relation qui unit un texte A à un texte B varie suivant la
nature du texte B et du lien. Le texte B peut soit ne pas devenir un texte
source d'un autre lien, soit être lui même un texte source, qui
renvoie vers un autre texte C. Il correspond à la première ligne
du tableau qui est considérée comme le lien qui fait
accéder l'oeuvre au statut d'hyperfiction : Apparitions,
NON, Écran total, le Noeud, Websoap...
Lorsque le texte B ne devient pas source deux cas de figures
se présentent : soit il est une impasse narrative, l'utilisateur
est obligé de revenir en arrière (le retour en arrière
n'est pas voulu par l'auteur). Soit le texte B renvoie automatiquement vers le
lien source, il acquiert alors un statut différent : trois oeuvres
fonctionnent sur ce mécanisme : Apparitions
inquiétantes192(*), Poids de naissance193(*) et Qui veut tuer
Fred Forest194(*).
Il existe ainsi un système de feed-back, de correspondance entre le
texte A et le texte B. Dans ce cas précis le retour devient un principe
d'écriture, car voulu par les auteurs. Dans un premier temps seront
analysés les liens internes de l'hyperfiction où deux
procédés se présentent : soit les liens sont non
seulement relatifs à une organisation comme par exemple les liens
numérotés mais aussi porteurs de signification, soit les liens
sont uniquement sémantiques : les plus usités. En dernier
lieu seront abordées les oeuvres qui fonctionnent sur les liens retours.
2. Lien organisationnel comme reflet du
sens
Cette analyse du lien organisationnel se fonde sur les oeuvres
dont les paragraphes sont numérotés telles que Vaisseaux
brûlés195(*) de Renaud Camus et Géographie du
ventre196(*). Il
est manifeste que la numérotation n'est qu'un prétexte, une
manière d'organiser le récit, ils sont généralement
sources et porteurs de sens. Cependant les deux oeuvres se distinguent :
Géographie du ventre dont les fragments ne sont liées
que par des renvois à d'autres numéros de fragments et,
Vaisseaux brûlés qui alterne les deux modes :
numéros et liens sémantiques. Cette sous-partie a pour objectif
de mettre en évidence que l'hyperfiction ne repose pas uniquement sur
des liens textuels, ils ne sont en effet pas l'unique procédé de
liaison. Le processus de lecture diverge également, car le lecteur n'a
la possibilité ni d'anticiper sa lecture ni la signification du lien,
sur son sens. Par exemple dans Géographie du ventre les liens
sont présentés avant le texte, sur la même ligne que le
numéro de fragment.
a) Des liens uniquement
numérotés
Ainsi les deux oeuvres s'organisent en paragraphes
numérotés, sans titre apparent, mais la forme induisant le sens
il paraît nécessaire de prendre en compte ce type de lien. Pae
exemple le fragment 1 de Géographie du ventre est lié au
fragment 167, l'avant dernier de l'oeuvre :
1 : « Sur le chemin qui mène les
aliments de mon frigo à la poubelle, placée comme souvent juste
sous l'évier, je me nourris au passage de leur halte imaginaire sur ma
table. Frigo, table, poubelle. Le rituel prend ses aises et, plus qu'une
habitude, devient un véritable parcours biologique... »
167 : « Je suis toujours à ma table.
Entre le frigo et la poubelle. »
Le terme de « rituel » exprime
l'idée de répétition, de tâche que le personnage
effectue régulièrement et inlassablement : le
« trajet frigo poubelle en passant par la table ». Le
paragraphe 1 ouvre le récit sur l'idée de « parcours
biologique », comme si ce chemin était devenu machinal,
inconscient, ce que le dernier paragraphe nous indique « je suis
toujours à ma table », l'adverbe
« toujours » nous dévoile qu'aucun changement
relatif à ce parcours n'a été effectué entre le
début et la fin du livre : éternel recommencement, boucle
que l'hypertexte permet de mettre en évidence. Même si les
paragraphes 1 et 2 ne sont pas liés
« hypertextuellement », le paragraphe 2 est la reprise du
paragraphe 1, mais cette fois-ci à la troisième personne du
singulier, le narrateur reprend mot pour mot les paroles du personnage. La
réécriture et le passage du « je » au
« elle ». relient ces deux fragments. Le paragraphe 2 se
clôt sur « Dans sa cuisine, cela crée une belle
diagonale. Elle aime les diagonales. ». Le lien nous invite au
paragraphe 46 :
« Quand elle se rendort, elle se voit sur une route
qui n'en finit pas de s'entortiller en des lacets compliqués, puis qui
s'arrache à la terre pour tracer dans le ciel une belle ligne
diagonale. ».
La « diagonale » est le lien
sémantique entre les deux fragments. L'imaginaire du personnage - dans
la mesure ou la diagonale est une ligne abstraite et créée - est
repris par l'idée du rêve exprimée par les verbes :
« se rendort » et « elle se voit ».
L'onirisme se fonde sur une ligne imaginaire. « transporté au
ciel » reprend le paragraphe 1 où il était écrit
« Dans le ciel les disparitions n'ont rien de déchirant. Elles
distillent au contraire quelque chose d'infiniment rassurant ».
« Le ciel » est opposé à « la
terre », dans la dichotomie complexe/simple, relevée dans le
texte par « s'entortiller dans des lacets
compliqués ». Le ciel, au contraire, est lieu des
disparitions, rassurant car il n'a pas de géographie propre, aucun
chemin prédéfini, et aboli de toutes contraintes, il transporte
le personnage dans un lieu imaginaire. Mais le réel ressurgit dans son
rituel : travail, repas, amours déçues etc.
La réécriture du passage passe
premièrement par la multiplication des voix narratives pour ensuite
créer une poétique : métaphore de la diagonale,
répétition, rituel mécanique, pour voir la
métaphore du titre « géographie du ventre »
se filer. Une géographie à la fois imaginaire et réel mais
sans pour autant oublier que la géographie est la
« terre », science de l'organisation de l'espace
terrestre...Cette macrostructure est reprise dans la plupart des oeuvres par la
carte, l'atlas des chemins, l'idée d'un parcours de lecture et
d'écriture, le rhizome, réseau, l'arbre, lieu de départ,
lieu d'arrivée, destination, trajet, l'idée de flux, d'autoroute,
cheminement, autant de métaphore pour exprimer le champ
sémantique de l'oeuvre hypertextuelle non représentable,
l'omniprésence du lieu sur le temps. L'embranchement du lien permet des
bifurcations de l'oeuvre qui reflète l'idée que l'hypertexte est
un espace multidirectionnel, mouvant.
Les fragments bien que numérotés sont ainsi
liés tout au long de l'oeuvre hypertextuelle, le lien créé
une accointance entre les fragments. Ils sont aussi corrélés par
les changements de perspective, en effet plusieurs personnes apparaissent sous
les pronoms : « je », « tu »,
« elle », « vous ». Les premiers
passages nous invitait à considérer le personnage
« Valérie » s'exprimant soit à la
première personne soit sous les yeux d'un narrateur. Or dès le
fragment 8 le statut du je devient flou, par exemple il arrive que
« je » et « elle » soient sur le
même plan :
« Je fais place nette sur la table. Je me dirige
vers la porte. Sur le seuil je me retourne. C'est alors que je la vois, de dos,
au milieu de la ligne diagonale. Dans la pièce au murs clairs, les
ustensiles ont disparu. Des objets qui l'ont remplie ne restent que le frigo et
la poubelle. Entre les deux la table contre laquelle elle s'appuie, une
silhouette, une ombre, bientôt un cadavre. C'est pour elle que je reste,
comme une autre façon de me mettre à table et de m'en
sauver. » (fragment 8 p 13)
Il existe ainsi un « je » le narrateur et
plusieurs personnages avec lesquels il dialogue, sans qu'il y ait de marque de
discours direct. Le personnage de Valérie apparaît donc sous
plusieurs angles : le début de l'oeuvre alterne entre la
troisième personne et la première, cependant à partir du
fragment 105 la narration passe au « tu » pronom qui
se rapporte au pronom « elle ». Par exemple les fragments
76 et 114, introduisent un changement de personnes, le récit passe du
« elle » au « tu » :
76 : « Dans la généalogie de son
mal, elle sait maintenant que les douleurs reprennent d'abord par leurs petits
coups de frappe, là à l'extrême droite de l'abdomen et se
mettent à irradier de tous côtés quand les nausées
retrouvent leur place juste à la base du coup, non un peu plus bas.
Lorsqu'elle essaie de les localiser précisément, les voilà
qui se dérobent, filent sous la salive, descendent jusqu'au milieu du
pharynx, puis plus bas encore, remontent d'un élan jusqu'aux attaches de
sa langues puis redescendent tout au fond de sa gorge par la glissade de
l'oesophage. De fausses nomades qui ne quittent pas leur terrain »
114 : « Tu l'as fait toute une semaine. Samedi
et dimanche, sans projet, t'ont paru interminables. Lundi tes premières
pensées au réveil t'ont menée vers le seuil de la maison
aux seringats. Pour rien au monde tu ne serais restée une minute de plus
à la bibliothèque. Tu es sous le porche, la petite
cuillère encore entre les mains quand tu crois voir bouger un rideau
à une fenêtre du premier étage. Tu te relèves
rapidement. Tu décampes avec la vision d'un buste penché de la
fenêtre en direction de la porte d'entré. Une irrépressible
nausée te fait ralentir ta course, puis t'arrêter. Tu t'appuies
contre un réverbère. Le ciel et la terre se mettent à
remuer sur des rythmes décales. Et dire que tous ces jours, les malaises
s'étaient estompés ! Je ne sais pas si c'est de rage ou de
tristesse que tu te remets à marcher. Dans ton ventre, les frappes sont
à nouveau déchaînées »
Le passage du « elle » au
« tu » imprime premièrement au texte un dialogue
entre le personnage et le narrateur. Mais le narrateur est ici en focalisation
externe : « Je ne sais pas si c'est de rage... ». Les
deux passages sont ancrés sémantiquement par les douleurs du
personnage. Le lecteur découvre ainsi que le « tu »
et le « elle » sont les mêmes personnes par la phrase
« dans ton ventre, les frappes sont à nouveau
déchaînées » qui reprend le début du
passage précédent. Le premier fragment reposait sur la
description, le second sur la narration et une des manifestations des douleurs.
La relation du personnage au « je » reste implicite. Le
lecteur ne sait jamais qui est le narrateur, un ami, une conscience, le
personnage. Rien ne permet de lever le doute entre un narrateur interne
à la fiction et un narrateur externe. L'oeuvre est construite sur les
changements de personnes, les changements de perspective en rapport avec les
liens et les fragments qui se suivent. Pour revenir à la
sémantique du lien organisationnel il n'est donc qu'un prétexte,
le lien se trouve donc à l'intersection de la forme et du sens.
b) L'alternance numérotation et
sémantique
L'oeuvre de Renaud Camus, malgré les débats qui
anime la critique, est emblématique du lien numéral. En effet
deux oeuvres évoluent en parallèle : P.A., dont les
paragraphes s'échelonnent de 1 à 999 et Vaisseaux
brûlés197(*) qui se superpose à la première,
l'enrichit et la complète. Les dernier ajouts se différencient
par la numérotation décimale. Ils s'organisent du type :
1-1, 1-1-1, 1-1-1, etc. De plus certains liens sont aussi sémantiques,
il semble donc nécessaire d'étudier les liens sémantiques
qui associent les paragraphes, voici par exemple le paragraphe 3 :
« 3. N'allez pas vous mettre inutilement en
colère! On vous en conjure gentiment, pour votre bien et pour le
nôtre :
passez votre chemin! (
1,
7,
8,
26,
34) »
Il est lié de deux façons le premier lien,
l'injonction « passez votre chemin » renvoie au 3.1
extension du paragraphe trois.
« 3-1. Aux hommes qui l'importunaient, El disait :
« Passez votre chemin, lourdaud!» (cf. El, récit,
P.O.L 1996.) (
336-338,
354-359,
379-387,
398-400,
406-417,
539) »
Les numéros entre parenthèse lient le paragraphe
trois aux paragraphes 1, 7, 8, 26 et 34 ci dessous :
1. Ne lisez pas ce livre!
Ne lisez pas ce livre!
7.
Restons bons amis : ne faisons pas
connaissance.
8. Je pense aux personnes - elles sont assez nombreuses,
bizarrement ; elles sont même la grande majorité du public,
semble-t-il - qui n'aiment pas que l'on évoque, dans les livres, les
intimités des âmes, des êtres, et surtout celles de la
chair, Dieu sait pourquoi ; et qui aiment cela moins encore s'il s'agit
d'êtres de chair, justement, plutôt que de personnages de fiction ;
et moins que moins s'il s'agit de l'auteur de l'ouvrage, ou de son
entourage.
26. Nombrilisme, encore, je veux bien. Il y a un peu
de vérité là-dedans. L'écrivain
nombriliste est celui, je suppose, qui prend son nombril pour le
nombril du monde. La formulation est désagréable,
évidemment ; l'accusation exagérée, dans la plupart des
cas - d'autant qu'elle est lancée avec une très suspecte
profusion, en France, de nos jours. Il n'y aurait plus chez nous que des
auteurs
nombrilistes : ce serait
même la cause de la décadence de nos Lettres, de leur peu de
succès de par le monde. Les écrivains français ne feraient
que parler d'eux-mêmes, au lieu d'aborder de grands sujets comme ils le
devraient, de raconter de grandes histoires, et d'inventer de vrais
personnages. C'est peut-être vrai. Mais je ne vois pas ce qu'on leur
reproche, à ces auteurs-là. Est-ce que le soi n'est pas
un grand sujet, par hasard? Est-ce que la fiction a seule droit de cité?
(
820-822) Est-ce que les personnages
de roman, qui ne sont soumis qu'à des exigences de cohérence
formelle, et encore, sont forcément plus intéressants que les
personnes réelles, confrontées tous les jours à
des hasards autrement plus nombreux, et qui n'en ont que plus de mérite,
à mon avis, à tâcher de s'imposer une forme?
34. Provoquer n'est pas dans ma nature, contrairement
à ce qu'ils semblent penser ; et je ne trouve pas que ce soit une bien
haute fonction, non plus, de la littérature. Provoquer ceci ou
cela, sans doute ; mais provoquer pour provoquer, provoquer tout
court, quel ennui...
Le fragment 1 et 3 sont unis par les injonction
« passez votre chemin » et « ne lisez pas ce
livre ». Ils apparaissent équivalents, dans la mesure
où l'auteur après la querelle, qu'il n'hésite d'ailleurs
pas à mettre en ligne, concède à son lecteur la
possibilité de partir avec le numéro 7 « restons bons
amis, ne faisons pas connaissance ». Les fragments sont liés
premièrement par les phrases exclamatives, deuxièmement par les
impératifs : « allez »,
« lisez », « passez »,
« restons », « faisons », et
troisièmement par la tournure négative « n'allez
pas », « ne lisez pas », « ne faisons
pas ». Les paragraphes 8, 26 et 34 sont en corrélation avec le
paragraphe 3 dans la dialectique argument/justification. Le destinataire des
impératifs, non explicite est mis à découvert au
paragraphe 8 « Je pense aux personnes qui... ». Les deux
relatives expansives sont ici déterminatives dans la mesure où
elles sont nécessaires à l'identification
référentiel de l'antécédent
« personnes ». Elles ne peuvent donc être
supprimées. Le référent non explicite jusqu'alors ne se
dévoile qu'au paragraphe 8.
Le paragraphe 8 est associé au 26, « moins
que moins s'il s'agit de l'auteur de l'ouvrage, ou de son
entourage. », dernière phrase du paragraphe 8, est reprise
par nombriliste...en suit une réflexion sur l'opposition
fiction/réel. Vaisseaux brûlés s'inscrit
d'emblée dans une littérature « du moi et rien que du
moi », et dans l'autobiographe excellée. L'auteur
fait ainsi osciller son oeuvre entre le journal, la critique, la biographie,
l'annonce. Le dernier fragment (34) reprend les précédents, dans
la relation « résumé/conclusion », le verbe
« provoquer » se rapporte aux injonctions, le vous s'est
transformer en « ils », l'adverbe « contrairement
à » exprime l'opposition, entre « ma
nature » et « ce qu'ils pensent », une opposition
entre l'opinion générale et sa propre conception. Alors
qu'à la lecture des numéros nous aurions pu penser que les
fragments pouvaient se lire dans n'importe quel ordre, l'ordre dans lequel ils
nous sont présentés correspond à celui d'écriture
et de lecture : ils s'enchaînent donc. Les paragraphes 1, 3 et 7 se
liant par la reprise syntaxique, dans le sens de répétition non
du lexème mais de son environnement grammatical198(*), alors que les paragraphes
8, 26, et 34, sont corrélés par le système
« généralisation/spécification » en
rapport avec les numéros. Pour revenir sur le lien
« paragraphe 3 et 3-1 », il se fonde sur l'argument et son
exemple, ou plus précisément sur la source de la citation, El
est un récit du même auteur, duquel il reprend l'expression.
Nous avons donc vu ici que la sémantique pour les deux oeuvres se
corrèle à l'organisation numérale. Cependant ces derniers
ne sont pas spécifiques à l'hyperfiction, car les hyperliens
agencent généralement les composantes de la fiction.
3. Liens et composantes de la
fiction
Seront étudiés à présent les liens
porteurs des éléments de la fiction. Les liens ordonnancent non
seulement la fiction mais aussi sa perception. La fiction est constituée
des actions effectuées par les personnages dans un univers
spatio-temporel déterminé. Pour analyser
précisément chacune des composantes énoncées
ci-dessus à savoir : les personnages, leurs actions, le temps et
l'espace il faudrait connaître l'intégralité du texte, or
la lecture d'une hyperfiction dans sa totalité apparaît comme
contradictoire avec le média. Michel Bernard dans un article
intitulé « Lire l'hypertexte », explique justement
que l'hypertexte et sa lecture ne peuvent être totale :
« La difficulté majeure, à mon sens,
provient de ce que l'on ne peut pas lire la totalité du texte. Imaginez
vous l'auteur d'une étude sur A la recherche du temps perdu avouant
qu'il n'a pas tout lu, non seulement tous les romans qui la composent mais
encore l'ensemble de l'oeuvre de Proust ? Et lecture exigée ici est
une lecture détaillée, minutieuse, une relecture plutôt,
attentive à chaque détour de l'oeuvre. Cette consommation
scrupuleuse, de l'incipit à l'excipit est le fondement de la
légitimité de la lecture critique. Le bon lecteur est celui qui a
« tout lu » de et sur un auteur, qui s'en est
imprégné jusqu'à l'assimilation. Rien de tout cela n'est
possible avec l'hypertexte. Personne sauf l'auteur ne peut lire l'ensemble des
Fragments d'une histoire. Le fichier qui contient le texte est compilé
codé de manière à le rendre illisible dans sa
totalité. »199(*)
Ainsi une des difficultés que rencontre le lecteur,
qu'il soit critique ou non, est l'impossibilité de parcourir l'ensemble
de l'oeuvre. En découle un sentiment de frustration de lecture qui remet
en cause l'analyse littéraire de ces oeuvres. Aussi ne seront
analysés non pas l'oeuvre elle-même mais les liens relatifs aux
composantes de la fiction. En premier lieu les personnages représentent
les liens les plus confirmés, dans un second temps l'espace et le temps
restructurent la fiction.
a) Les personnages
Tout d'abord seront analysés les liens-personnages et
pour illustrer ce propos, seront repris les synopsis de La
malédiction du parasol200(*). Ces derniers sont en effet des passerelles
vers les différents fragments de textes : chaque
résumé d'épisode contient des hyperliens vers les pages
correspondantes. A la relecture de ces pages, les personnages apparaissent
comme les plus évoqués, en effet sur un nombre total de 100 liens
contenus dans les synopsis, 61 sont relatifs aux personnages. Ils jouent donc
un rôle essentiel dans l'organisation des pages dans la mesure où
ils appartiennent à des épisodes et organisent les
séquences narratives. En effet les personnages déterminent les
actions, les subissent, les relient et leur donnent sens. Les liens-personnages
reflètent leur diversité, mais aussi les relations internes du
schéma des personnages, ils différencient les personnages
principaux des personnages secondaires. Les personnages peuvent être
classés suivant le lien qui les supporte et les annonce.
Par exemple la plupart des personnages récurrents et
respectifs de chaque épisode n'apparaissent souvent que par leur
prénom : comme les personnages des « blessures de
l'amour » : Alan, Paméla, Hélène et Jeremy.
Le fait que le lien ne soit qu'un prénom induit l'idée
d'archétype, de personnage emblématique, mais aussi l'idée
d'oralité, et de relation intime entre les personnages. En effet ils ne
vivent que par l'intermédiaire de leurs relations réciproques.
Certains personnages ne sont d'ailleurs annoncés que par un lien
explicitant les relations de parenté, le personnage de Léna n'est
perçu qu'à travers Jérôme :
« Léna la bâtarde », « Léna
sa demi-soeur, la fille illégitime », ces appellations mettent
en évidence un point de vue.
Il existe également des liens, où les
personnages sont pris dans le schéma des relations inter-personnages
comme par exemple « son frère Roberto »,
« la mère de la victime », « Wesley, son
coéquipier », « un confrère, le Dr
Jannings », « Michael, son ex-petit ami »,
« son beau frère Ben Fielding »...A chaque fois ils
sont introduits par un adjectif possessif, qui indique une relation parentale,
familiale, voire sentimentale. Ces indications peuvent aussi introduire des
relations de travail.
Le lien peut aussi être une périphrase concernant
un personnage déjà présenté, par exemple le Docteur
Marbella est signalé par : « le chirurgien
vedette » ou encore Chris Winter par « un détective
flegmatique » ou « détective
désenchanté », dans les deux cas les liens font
référence à leur fonction, complétée par une
seconde indication. Quelques personnages secondaires également comme
« le patron » et « la serveuse », que
le détective est amené à rencontrer.
Les personnages servent surtout à relier les
épisodes et les différentes histoires. Par exemple Michael est
présent dans l'épisode « la clinique des
coeurs » sous le lien « un fugueur prénommé
Michael » ainsi que dans les épisodes intitulés
« seuls dans la ville .» Toutefois chaque personnage est
généralement représentatif d'un épisode mais les
histoires se croisent, s'enchâssent par leur intermédiaire. Seuls
deux personnages sont liés à tous les personnages : le
docteur Marbella autour duquel les personnages gravitent, car il est le
prétexte à l'intrigue et le détective Chris Winter,
amené à les côtoyer et les rencontrer. Les synopsis
présentent aussi des liens relatifs à l'espace et au temps, mais
ceux-ci seront pris dans l'hyperfiction elle-même.
b) Le temps et l'espace
Les liens relatifs au temps et à l'espace prennent
souvent la forme de connecteurs logiques. Les connecteurs logiques sont au sens
large tous les termes qui assurent l'organisation d'un texte : les
conjonctions, les adverbes, les groupes prépositionnels, les locutions,
et parfois même certains procédés anaphoriques, comme les
adjectifs numéraux ou des expressions spatiales. Le connecteur comme
lien unique reste rare dans l'hyperfiction, dans la mesure où la plupart
du temps ils appartiennent à des unités sémantiques (
phrase, syntagme, lexème. ) De plus le lien ne peut être source de
sens qu'en rapport d'une part avec son contexte d'apparition et d'autre part
son contexte d'arrivée. Un exemple tout de même,
Jean-François Verreault, au début de la zone deux du
Noeud201(*)
nous en propose deux :
« Rien d'intéressant ici
pour le moment,
Je le jure...
Vite,
allons ailleurs! »
Le premier connecteur « pour le moment »
peut être paraphraser par « pour l'instant », il
invite donc le lecteur à une autre page. Le deuxième est contenu
dans la phrase « allons ailleurs », l'adverbe
« ailleurs » est à replacer en fonction du premier
adverbe de lieu « ici ». Il est donc mis en relation avec
l'énonciation et les circonstances « ici, je et
maintenant », pour le moment exprime le
« maintenant » et « ailleurs » en
opposition à « ici ».
· L'espace
L'espace est rarement introduit par des connecteurs non
défini, car les auteurs nous précise en effet le lieu. Cependant
il existe dans La malédiction du parasol202(*) des compléments
de lieu indéterminé comme ailleurs et loin
qui font référence à des lieux non
précisés. La fonction du lien est alors d'apporter une
précision : « Le pays des vacances était encore
loin »203(*) est lié à une image, une carte
postale nous montrant une plage de sable, de même ailleurs :
« Elle avait parfois l'impression d'être devenu invisible,
tant elle sentait les regards des hommes la traverser, la contourner pour se
fixer ailleurs »204(*), nous emmène vers un personnage masculin.
Par deux fois elle utilise « là » pour exprimer un
autre lieu, elle y ajoute : « sur le trottoir », ou
« dehors ». En effet l'adverbe
« là » s'oppose à
« ici », dans la mesure où il désigne
« dans tel lieu, autre que celui où l'on est ». Le
« là, dehors » indique donc que le personnage est
« dedans ».
Les liens relatifs aux espaces indiquent
généralement des lieux définis, comme par exemple
« Ce n'était pas la première fois que le docteur
Marbella se rendait directement du Cactus Rouge à
l'hôpital » 205(*), alors que le lecteur en lisant cette phrase n'a pas
d'indication relative à la nature du lieu, le lien
précise : « C'était Hélène qui
avait eu l'idée d'entrer dans ce bar mexicain, dont l'enseigne
représentait un cactus rouge s'allumant et s'éteignant dans la
nuit ». Le lien détermine donc la nature du lieu. Il explique
l'enseigne mais en changeant de personnage et d'indication temporel. Le lien a
une fonction d'une part explicative « ce bar mexicain » et
descriptive « dont l'enseigne représentait un cactus rouge
s'allumant et s'éteignant dans la nuit ». Alors qu'ici le lien
a une fonction explicative, et reposait sur une métonymie le nom pour le
lieu, il peut aussi avoir pour fonction de mettre en parallèle deux
situations : « En rentrant de l'école, il vit de loin,
allongée sur le trottoir devant sa maison.. »206(*) le lien « sur le
trottoir » est repris dans le second passage :
« Léna avait décidé d'attendre
Jérôme sur le trottoir devant chez elle. ». La figure de
rhétorique joue sur la reprise du lieu « sur le
trottoir », mais avec un changement de perspective. Le lien joue sur
la reprise des même termes mais dans un contexte différent. Il est
aussi à souligner que le complément circonstanciel de lieu est
suivit de « devant sa maison » pour la première
apparition et de « devant chez elle » pour la seconde
occurrence, il y a donc deux compléments circonstanciels. Le second a
pour objectif de préciser le premier.
Le lien relatif au lieu peut aussi avoir pour une fonction de
déplacement c'est le cas notamment dans les synopsis, par exemple page
73, est écrit « il accompagne Déborah à
l'hôpital », le lien transporte le lecteur au lieu et
à la situation, la page contient le même lien contenu dans la
phrase suivante : « pourquoi avait-il proposé à
Déborah de l'accompagner à
l'hôpital ? »207(*), le lien annoncé dans le résumé
est repris dans le texte, avec une tournure interrogative, alors que le premier
lien avait une fonction de déplacement, le second lien nous renvoie vers
un autre endroit de l'hôpital : « Marina sortit
précipitamment du bloc opératoire... »208(*). Le lien, complément
circonstanciel introduit par la préposition
« à » joue sur la polysémie de la
préposition en effet dans ses deux contextes d'apparition il est
lié au verbe accompagner, mais le changement de temps du présent
au plus-que parfait, fait passer d'une action en cours à une action
accomplie. De plus la préposition dans le premier cas indiquait le lieu
où l'on va, dans la seconde le lieu où l'on est. D'autres liens
reprennent ce processus de déplacement, d'emmener le lecteur vers le
lieu annoncé comme par exemple « Paméla se planque dans
une cabane au fond de la forêt »209(*), le lien convie le lecteur
à la situation de Paméla, dans cette cabane il y a donc un
système de transport d'un lieu à un fragment de page. L'espace
est isolé et clos. Le lien « Roberto (...) se recueille
sur la tombe de son ami Alex »210(*) contenu lui aussi dans un
résumé nous indique le passage suivant : « le jour
de l'enterrement d'Alex... » au lieu d'un déplacement dans
l'espace, l'auteur nous invite à un déplacement dans le temps,
puisque les premières lignes débute par « le jour
de », le recueillement et la méditation ne sont
évoqués qu'à la fin du passage par : « ils
grommelèrent quelques vagues formules de circonstance avant de s'en
aller et de les laisser seuls ». Le lien est donc prétexte
à une scène, et à une narration. Le lieu n'est que
symbolique.
Ainsi pour conclure sur les indications de l'espace certains
comme l'hôpital, le cactus rouge sont des lieux de rencontre, de passage
communs à divers personnages, c'est pourquoi les deux textes se
complètent ou s'expliquent. Le lien spatial a donc plusieurs
fonctions : une fonction de déplacement d'un lieu cité et
son transport dans ce lieu, une fonction déterminative dans le cas de
lieu non explicite, une fonction de lier les épisodes entre eux et enfin
une fonction de mise en parallèle de deux situations. Les indications
temporelles vont avoir approximativement les mêmes fonctions.
· Le temps
Les connecteurs temporels servent à mettre en relation
deux textes, ils servent essentiellement à donner une vitesse narrative
au récit, par exemple le lien « quatre heures du
matin », permet de préciser l'indication horaires :
« Peu avant le drame aux environs de quatre heures du
matin »211(*) est repris par « Il était quatre
heures et demi du matin »212(*). Les deux textes sont donc liés par la
même indication, mais selon deux personnages différents. Il donne
donc la vitesse du récit, la page suivante se situe à environ une
demi heure d'intervalle.
Le passage vers un futur proche est régulier, par
exemple « Mais le rapport serait terminé et livré le
soir même 213(*)» le lien est non pas une transposition vers le
soir, mais vers le rapport214(*), qui marque donc la limite temporelle. Le lien
temporel joue donc parfois sur l'accélération de la narration et
notamment sur l'ellipse, ou sur des « blancs
chronologiques » comme c'est le cas ici. Dans le passage
suivant qui au départ est un rapprochement de situation exprimant
la répétition : « Il ne lui en voulait pas de le
faire attendre une fois de plus »215(*), qui était
déjà exprimer au début du passage « Depuis
toujours (ou presque) Alan attendait Paméla. ». Le lien met
fin à l'attente car le fragment nous offre l'arrivé
d'Hélène : « Au moment ou Alan s'apprêtaient
à appeler la réception pour qu'on lui monte une bouteille de vin
blanc et des amuses-gueules... »216(*)
Les indications temporelles ont aussi pour rôle de
rapprocher deux situations. Ainsi la phrase « A midi, alors que
pour certain, la journée commençait à
peine »217(*) nous transporte vers un autre début de
journée, celle de Léna et Jérôme, où il est
précisé : « Elle avait un quart d'heure d'avance,
et Jérôme serait probablement retardé par les
embouteillages matinaux ».218(*) L'auteur joue aussi sur les ambiguïtés
par exemple le lien suivant « Au départ, Roberto ne
pensait qu'à la Cause »219(*), alors que le lecteur aurait pu croire que le lien
allait lui offrir les réflexions du personnage, du type lien de
commentaire, il l'envoie sur l'enfance de Roberto220(*), avec un retour en
arrière et sur son enfance dite « malheureuse ».
Parfois le lien n'est pas explicite, voire répondant
à l'absence de lien, par exemple le lien « avant
minuit, si possible »221(*), est en relation avec l'arrivée d'un
personnage et de la signature de documents. Le lien nous invite au personnage
de Léna. En réalité le lien ne nous indique pas si elle
est en retard ou non, il nous offre une scène du personnage222(*). Cette mise en
parallèle de situation se systématise. Elle fonctionne parfois
sur des métaphores, le lien « De fil en
aiguille elle se mit à arpenter des parkings
déserts »223(*) exprime un continuum de temps, une indication sur
des actions qui se suivent. La page corrélée débute
ainsi : « La librairie était pleine comme un oeuf, et
dehors une file commençait à se former sur le
trottoir » 224(*). La relation s'établit sur l'action du
procès, entre « se mettre à » et
« commençait ».
Le lien temporel joue continuellement sur les anachronies
narratives c'est à dire sur la perturbations de l'ordre d'apparitions
des évènements, tout récit n'est jamais
véritablement linéaire d'un point de vue des
évènements, mais le lien permet de faire apparaître des
changements de vitesse, dans la mesure où il joue sur l'ellipse
narrative et sur l'accélération du récit. La prolepse est
donc le plus utilisé, mais le « flash-back » existe
aussi. Ce qui caractérise l'oeuvre d'hyperfiction est le fait que chaque
texte est lui même source d'un nouveau lien. Or certaines oeuvres ne sont
pas construite ainsi, malgré leur caractère hypertextuel. Les
liens nous renvoient vers des textes qui sont des impasses narratives ou des
micro-récits : bifurcation ou incise du récit principal.
4. Deux textes en
parallèle : A vers B (lien retour)
a) Qui veut tuer Fred Forest
Pierre de La Coste a construit Qui veut tuer Fred
Forest ?225(*)
sur le mécanisme qui offrent deux textes parallèles : le
texte principal226(*) et
le texte lié, qui se trouve en fin de texte227(*). Tous les liens sont le nom
du chien « Platon », lorsque l'on clique sur Platon, nous
sommes amenés sur une page où les pensées du chien sont
retranscrites, un lien de retour existe avec le titre « retour
aux hommes ». Le lecteur effectue donc un va-et-vient entre le texte
A et le texte B, toujours relié au texte A : A (Platon) B (retour
aux « hommes ») A. Le procédé est
systématisé, en voici un exemple :
« Profitant du silence qui suivit cette remarque,
Platon poussa un jappement bref et lamentable, sans raison, simplement pour
attirer l'attention sur lui »228(*) (Texte A)
« Moi aussi, je suis amoureux de cette jeune fille
parfumée. Je devine en elle une source inépuisable, d'affection
et de douceur, notamment sous la forme énergétique, et
cristallisée du morceau de sucre.
Mais moi, depuis le début j'avais prévu le
dénouement rapide et physique de la rencontre.
Contrairement à eux.
Elle a donc été séduite par la parade
nuptiale de mon maître, qui consiste à jeter des substances
liquides à l'odeur forte sur tous les objets de la pièce,
à l'aide d'une sorte de queue poilue.229(*)
J'ai toujours pensé que c'était une curieuse
manière de marquer son territoire.
Mais cela marche.
Je suis content de toi Fred »230(*) (Texte B)
Retour aux « hommes » (renvoi vers le texte
A)
Pierre de la Coste créé un aller-retour, du
monde humain aux pensées du chien, jouant sur le mécanisme
focalisation externe (texte A), focalisation interne (texte B). Tous les liens
correspondent au nom du chien « Platon », jouant sur
l'analogie avec le philosophe, et sur la dichotomie
« homme/animal », « doué de parole/non
doué de parole ». Le texte ci-dessus nous invite à
reconsidérer l'hypertexte. En effet le récit principal est
ponctué d'incises nous offrant les pensées du chien, sur son
maître, ses envies...Les incises ont pour fonction de changer de point de
vue, elles fonctionnent non seulement sur deux mondes parallèles mais
aussi deux mondes opposés. Par exemple le chien ne comprend pas
l'activité de son maître : soit la peinture. Les
récits superposés créent ainsi un décalage entre
l'humain et l'animal.
b) Poids de naissance
Le texte Poids de naissance231(*) se fonde sur le
processus de deux textes parallèles. Mais alors que les liens
étaient de même nature pour l'oeuvre de La Coste, les liens sont
établis suivants différents processus. Poids de
naissance développe le thème suivant : à
Singapour, une femme vient d'accoucher. À ses angoisses de jeune
mère se mêlent les réflexions, les préoccupations
d'une amoureuse - passionnée et fantaisiste - de l'écriture
d'autrui. Cet ouvrage effectue des allers-retours entre les pensées de
la jeune mère inquiète et les textes littéraires dont ces
réflexions se nourrissent et qu'elle évoque. Comme pour Qui
veut tuer Fred Forest, le texte est organisé en deux parties, la
première est le texte principal232(*) ( la seconde, le texte B233(*). Chaque texte B contient un
lien retour vers le texte principal. Les liens oscillent entre commentaire de
la narratrice et citations d'oeuvres choisies. Ces dernières se fondent
sur les lectures de la narratrice. Car le personnage,
« prépare une sélection d'ouvrage qu'elle doit
transmettre au comité de traduction et leur présentation, (du
moins le volet français de cette dernière). » Les
textes choisis en citation répondent au projet de la femme, son
financier, l'explique :
« Je te signale du reste que ton actuelle
sélection ne comporte que cinq auteurs : Cendrars (du monde
entier ou au coeur du monde tu n'as pas daigné de décider,
Chawaf, Le Clézio, Rio et Frances H. Burnett. »
A la lueur de ce projet, les textes vers lesquels nous
renvoient les liens sont explicites. Du point de vue typographique les
commentaires de la narratrice apparaissent en italique alors que les textes
cités sont entre guillemets et la source nous est indiquée. Sur
un total de 33 liens, 18 liens nous renvoient vers des extraits
d'oeuvres : Michel Rio, le Perchoir du Perroquet (12 fois)
; J. H. Burnett, la Petite Princesse (4 fois), d'autres
n'apparaissent que ponctuellement, George Orwell, 1984 (une fois),
Ghail Sheedy, l'enfant khmère, Tzvetan Todorov, Face
à l'extrême, et enfin G. Perec pour les choses et
Espèce d'espaces. Pour chaque texte ci-dessus sont
données les références. Mais parfois les textes ne sont
pas explicites dans le sens où la narratrice ne parvient pas à
effectuer un choix. Ils apparaissent comme des commentaires de la jeune femme
relatifs à des lectures, comme Blaise Cendrars, Perec, J. M. G. Le
Clézio...Ainsi Perec est présent une fois en citation (les
choses), et une seconde fois pour Espèces d'espaces et en
relation avec un choix difficile à faire : « la
nuit dernière, va-et-vient entre Les Choses et
Espèces d'espaces », comme pour Blaise Cendrars ou
elle hésitait entre deux textes dont les références pour
Du monde entier234(*) et pour Au coeur du monde.235(*) Certains textes ne sont
pas cités, mais la narratrice ponctue le texte de leurs
références, ainsi Chantal Chawaf n'est jamais citée mais
il y est fait allusion à plusieurs reprises, le sponsor s'y opposant,
les commentaires de la narratrice apparaissent comme des justifications, des
nuances, des dilemmes.
Texte A 236(*)
« Lis Chawaf, Lis Cercoeur, ça te
changera de tes bilans en dollars »
Texte B237(*)
« En crevant quelle bulle, en chevauchant quelles
vapeurs, en remontant quelle coulée de pâte pénétrer
là-dedans ? Chawaf ou le jaillissement du deuil. Résonne le
glas célébrant toute perte : au commencement est la
séparation. Nul ne se souvient du moment fusionnel où les
êtres, les sexes étaient un - avant la naissance, pendant l'amour
et peut-être au lisière de l'Eden. Sinon pour témoigner de
sa ruine. »
ou encore
« Cela ne vaut-il pas pour l'amour maternel,
rémanence, de la symbiose qui hante Chawaf. » 238(*)
Le choix de Chawaf peut s'expliquer d'une part par les
angoisses de la jeune mère, juste après l'accouchement. Tous ces
ouvrages alternent le récit, soit sous le
l'apparence du commentaire, soit du souvenir de lecture.
Lorsque ce sont des citations l'auteur joue sur l'effet suivant : la
lecture apparaît comme contemporaine à la narration, le temps du
récit coïncide au parcours de lecture. Par exemple le passage de
Michel Rio à J. H. Burnett est annoncé ainsi :
« J'en profite pour lire tout autre chose », le lien
tout autre chose est une passerelle vers la petite princesse239(*) dont elle nous
livre l'incipit. Elle utilise également ce procédé dans le
système d'argumentation : de l'argument à l'exemple, qui
permet de justifier le premier, par exemple pour la citation de Todorov
était introduite ainsi :
« Todorov à également conduit des
études sur la vie quotidienne dans les camps de
concentration »240(*)
le lien241(*) « vie quotidienne » relie
l'argument au texte dont elle fait référence :
« Il faut cependant introduire ici une distinction,
où plutôt la notion de seuil de souffrance, au-delà duquel
les actes d'un individu ne nous apprennent plus rien sur lui (...) ce n'est pas
sous la torture que l'être humain révèle sa
véritable identité.
Tzvetan Todorov, Face à l'extrême, Le
Seuil, 1991
Le lien permet un va-et-vient entre la jeune femme et la
lectrice, entre son vécu et ses lectures qui viennent éclairer le
texte. Le parcours de la jeune femme, ses angoisses, les choix qu'elle doit
effectuer entre les différents livres. Le texte de Michel Rio, le plus
présent, est un roman sur la religion chrétienne et ses
fondements, sur la place de l'homme, Dieu, à travers un prêtre.
Les textes A et B sont donc liés par les lectures. Alors que Pierre de
la Coste utilisait à chaque fois le même lien Hélène
Honnorat n'utilise parfois pas le même lien, et de plus le lien retour se
trouve modifié. Par exemple il peut y avoir un passage du singulier au
pluriel ou du pluriel au singulier comme pour les liens relatif à
bourreau/x, cri/s, mort/s. Le passage peux exprimer un passage du
général au particulier, mais dans le cas de l'adjectif mort le
mécanisme repose sur la qualification, elle est attribuée aux
deux passages, le premier est relatif aux journalistes, le second à un
personnage fictif, le père de Sara dans la Petite Princesse,
l'analogie se situe « quatre vingt deux journalistes sont
morts cette année dans l'exercice de leur fonction »,
et « il est mort », les deux adjectifs occupent dans
la phrase la même fonction grammaticale : ils sont attributs du
sujet, le changement s'effectue sur le sujet, qui passe du pluriel au
singulier. Il y a aussi passage du réel au fictif, une situation
alarmante la première est comparée à cette même
situation transposée dans la fiction. Nous avons aussi des
mécanismes tels que le passage du substantif à l'adjectif :
« lumière/lumineux », des relations sur le temps du
verbe « on pourrait/supporteraient », les deux au
conditionnel présent. Des relations synonymiques :
«enfants/marmots». Marmots appartenant au registre familier, la
synonymie joue sur le changement de registre. Cependant d'autres jouent sur
d'autres mécanismes et figures de style.
c) Quelques exemples de
mécanismes dans Poids de naissance
· La métonymie
La relation entre du couple
« liste/espaces » est une relation biface, le lien source
est contenu dans le passage suivant « mais avant tu m'envoie au moins
la liste des titres »242(*). Il est le lien de clôture, à ce stade,
nous savons qu'il manque une oeuvre à la liste que la narratrice doit
transmettre. La relation est à ce titre métonymique du
type : contenant (la liste) / contenu (les oeuvres). En cliquant sur le
lien le lecteur découvre le texte suivant :
« la nuit dernière va-et-vient entre Les
Choses et Espèces d'espaces, de Perec. Hong-Kong,
Singapour, îles-villes si dissemblables...Auquel des Espaces
convoqués notre vie là-bas ressemblera-t-elle ? Sera-t-elle
espace libre, clos, forclos, oblique, vierge, euclidien, ou
céleste ? »243(*)
Le commentaire de la narratrice, débute par une
alternative entre les deux oeuvres retenues pour Perec. A la lecture de la
suite, elle apparaît comme une fausse alternative. La majuscule à
espaces, et le fait qu'il est mis en comparaison avec notre vie, reflète
la transposition de la fiction au réel. Elle vit dans les livres par
procuration, l'imaginaire, le titre l'invite toujours à une
réflexion sur elle-même. La relation est donc métaphorique,
dans la relations vie/espace. La vie est généralement
considéré dans le temps, la chronologie et non pas dans l'espace.
Le lien « espace » indique donc le titre de l'oeuvre
qu'elle a choisi, la relation métonymique s'inverse donc nous passons du
contenu au contenant. Par le système des liens, le lecteur acquiert une
sorte d'avance, un décalage se créé entre le temps de la
narration, et le temps de lecture. Nous passons en focalisation interne et nous
avons de surcroît une vision anticipée de la liste
révélée à la page 55. De même la relation
entre les liens « trois heures de vol/avion » est
également une relation métonymique, nous passons de la
durée du trajet au moyen de transport :
« Tu seras à trois heures de vol de
l'archipel »244(*)
« Sa voix s'estompent déjà. Trois
heures de vol.. Certains ont besoin de voir la mer (...)Moi j'ai besoin
d'aéroports. C'est un des rares endroits ou j'aime les gens. (...)
Avion : les gens dont on partage les quelques centimètres
cubes de souffle et d'existence pendant deux ou vingt heures. Nourrissons en
babygros, tantôt assoupis, tantôt hurlants. Blondes fragiles,
abîmées par le voyage. Et la très belle, très
pâle fille fantôme, qui attend debout, sans jamais ciller, dans la
tache de lumière du hublot, près de la porte des
toilettes. »245(*)
Le vol, indique le déplacement, et implicitement son
moyen : l'avion.
· La personnification
Le lien entre les textes suivant repose sur la
personnification et sa figure contraire l'identification. « Petite
fille » représente l'insouciance, les rêves
opposés aux ruines :
« Passe l'ombre de la petite fille sur la
pointe des pieds, entre les ruines et les rêves » 246(*)
La petite fille est prise entre deux réalités,
la guerre civile et l'avenir. Le passage s'effectue du présent au
passé, sur le principe de l'analepse. La relation qui unit la narratrice
à la petite fille est une relation de protectrice, de la mère
à l'enfant, même si elles ont pas de relation de parenté,
l'image dominante reste celle de la tendresse :
« quand on traversait l'Autre pays en voiture, il
fallait vite, vite inventer quelque chose, pour détourner l'attention de
la petite fille (...) image de tendresse »247(*)
La tendresse est un sentiment, la petite fille
représente donc la tendresse, et joue sur la figure de l'identification
qui hausse la personne à la valeur de l'idée. Alors que dans le
cas du retour la tendresse est personnifiée la faisant passer de
l'abstraction à un personnage réel.
· L'argumentation : de l'argument à
l'exemple
Dans les exemples suivants nous passons d'un argument à
un exemple. Ainsi le lien « détresse/supplie », nous
passons d'une situation « la détresse », à
l'une de ses manifestations, tirée de 1984. Du nom commun, le
second texte fait apparaître le verbe conjugué
« supplie » :
« Ainsi donc, comme ces tortionnaires pointilleux,
il mesurait à chacun sa détresse »248(*)
« Jusqu'au moment où O'Brien s'approche avec
la cage contenant les rats affamés qui, dans quelques secondes vont lui
sauter au visage...et où fou de terreur, il hurle et
supplie : faites le à Julia ! Faites-le à
Julia ! Pas à moi ! »249(*)
La fonction de la citation est donc ici de donner un exemple
nous passons du général au particulier.
· Explication : lien de cause à effet
Les liens suivants fonctionnent sur le mécanisme
argumentatif de l'effet à la cause :
« L'angoisse coule du livre sur ma
main »250(*)
« Mythe éternel de la béance
féminine, besoin furieux de sa propre mère, besoin furieux de
l'enfant, par-dessus tout...besoin furieux de l'homme »251(*)
L'angoisse est la conséquence de la lecture, un
sentiment provenant du livre. Elle est le résultat du « besoin
furieux ». L'anaphore contenu dans le second passage renforce
l'idée de l'angoisse. Cette réflexion sur la cyclicité et
sur les relations d'une femme avec sa mère, son enfant et l'homme, la
transpose à sa propre situation. Le lien est de type particulier
à général : de sa situation au mythe. Nous
étions donc confrontés à une énumération sur
l'origine de l'angoisse. Plusieurs liens fonctionnent sur ce
procédé, ainsi le lien de « souffrances »
à « invention de dieu » :
« Qu'est-ce qu'un homme peut donner à dieu,
si ce n'est des souffrances »252(*)
« Il s'est trouvé des hommes pour inventer
cette monstruosité, la damnation éternelle, la douleur infinie,
le désespoir sans limite, et, sans doute épouvantés par ce
cauchemar sortie de leur imagination, ils en ont fait une invention de
Dieu. Mes frères moines, ce Dieu-là n'est plus le
mien. »253(*)
Premièrement le lien originel est
« souffrances », au pluriel, le texte second les
énumère donc : « cette monstruosité, la
damnation éternelle, la douleur infinie, le désespoir sans
limite ». Il repose premièrement sur une notion
générale et ses manifestations. Le lien retour
« invention de dieu » implique une relation de l'effet
à la source. Mais il apparaît comme un paradoxe, le moine est en
opposition avec les textes sacrés, la croyance admise. Il ne peut penser
que Dieu est aussi la source du mal. Il condamne les hommes
« ils ». La relation de cause à effet est largement
représentée dans cette oeuvre, un dernier exemple
est contenu dans la sémantique « suspects/ nous avons
été torturés et arrêtés » :
« Suspicion de méningite, nous sommes
seulement suspects »254(*)
« J'étais parmi ces prêtres et nous
avons été arrêtés et torturés par ceux
qui prétendaient défendre les valeurs de la
chrétienté. »255(*)
La narratrice joue avec la sémantique de l'adjectif
« suspects ». Dans le texte source il fait
référence à une situation clinique. Alors que dans le
texte auquel il nous renvoie le lien retour est la phrase « nous
avons été arrêtés et torturés ». La
logique qui découle de l'adjectif « suspect » est le
doute, or ici nous passons de la cause, la suspicion à son effet
l'arrestation. La narratrice invite le lecteur à une double lecture,
celle de sa situation et celle du moine. Les deux récits évoluent
en parallèle. Il existe un aller-retour continuel entre les
différents récits. Cependant ce ne sont pas de véritables
hyperfictions dans la mesure où le lecteur est à chaque fois
remis sur le chemin initiale de parcours de lecture.
C. Des exemples de liens relatifs aux
dictionnaires et aux définitions
Nous avons déjà vu que les auteurs mettent en
ligne les définitions de l'hyperfiction, ou de l'idée qu'ils se
font de leurs oeuvres. Dans les logiciels d'apprentissage de la lecture, ou
maintenant sur le e-book, le dictionnaire est inclut, ou sur le cartable
électronique. L'activité mentale permise par l'hypertexte est
donc volontaire. Les liens apparaissent souvent comme des gloses
définitionnelles. Certaines oeuvres se réfèrent à
la définition, mais ce de manière allusive. En effet nous pouvons
par exemple repérer des pseudo-définitions, des gloses256(*) comme par exemple les choix
proposés par Lucie de Boutiny257(*) au début de l'épisode un. Les
premières oeuvres hypertextuelles était fondées sur le
mécanisme du choix entre plusieurs alternatives nous avons
déjà abordé la reprise de ce système dans le
premier épisode de Lucie de Boutiny. Elle invite le lecteur à
choisir entre quatre « définitions »
d' « une femme et d'un homme en réseaux cela ressemble
à ». Les propositions sont : "une rencontre virtuelle", "un
test", "des questions privées", "toujours des questions tests". Elles
sont des définitions nominales. La première des alternatives
repose sur une périphrase : le terme de
« rencontre » est défini par inclusion "homme et
femme" et peut s'apparenter au genre prochain, alors que l'indication
spécifique serait "en réseau" est synonyme de
« virtuelle ». La phrase « cela ressemble
à » implique une définition par comparaison. Les trois
propositions suivantes « test », « des
questions privées » et « toujours des questions
test » fonctionnent sur le référent,
c'est-à-dire sur l'idée que le lecteur se fait du mot. La
dernière apparaît non nécessaire dans la mesure où
elle reprend les deux premières, ajout de "toujours", "des questions",
"test". Elle se fonde dont sur le renchérissement, la reprise. De plus
elles sont mises dans l'ordre de leur apparition : ordre logique et
chronologique. Un autre exemple tiré de son dernier épisode,
où un mot par exemple « onde » nous renvoie au le
texte, qui est l'interprétation du mot. Mais il survient parfois que la
définition devienne un principe d'écriture, ou de
réécriture : de la création à la
recréation.
1. La lexicographie comme
intertexte : dictionnaire et littérature
a) De littérature à
littérature
· Reprise du Dictionnaire des Idées reçues
258(*)de Flaubert.
Anne Cécile Brandenbourger réécrit
Flaubert transposé au XXe siècle. Ce texte
accède donc au rang d'intertexte. Il oscille entre le plagiat et la
citation, en haut de la page de navigation est inscrit le nom de la page
« Dictionnaire des Idées Reçues (G.
Flaubert) », la source est donc visible. Genette le classe sous le
terme « d'intertextualité » : l'allusion, la
citation, le plagiat. Au regard du titre l'auteur nous invite à une
citation dans la mesure où la source est explicite, or si nous prenons
le Dictionnaire des Idées reçues nous nous apercevons
que le texte originel a été modifié. Le topos que l'auteur
d'Apparitions Inquiétantes emprunte est celui, de la couleur des cheveux
féminins. Pourquoi avoir repris Flaubert ? Le dictionnaire des
idées reçues apparaît comme une dichotomie reposant
sur la prescription et la norme. Il est manifeste que l'auteur l'a repris dans
le but non pas de débattre du sujet, mais elle a dû ressentir
qu'un siècle et demi après Flaubert le sujet était
toujours d'actualité.
Ce dictionnaire auquel Flaubert à travaillé
toute sa vie débute par une exergue, de Chamfort : « Il
est à parier que toute idée publique, toute convention
reçue, est une sottise, car elle a convenu au plus grand
nombre. » Entre la satire des moeurs et la moquerie, Flaubert s'est
essayé à un dictionnaire, fondé sur les différentes
opinions communément admises, dans une lettre à Louise Colet,
datée du 16 décembre 1852, il écrivait :
« On y trouverait donc, par ordre alphabétique,
sur tous les sujets possibles, tout ce qu'il faut dire en
société pour être un homme convenable et
aimable. »
L'idée reçue, selon Marshall Mc Luhan, est
« un noyau de références qui reproduit
fidèlement les préjugés culturels d'une
société donnée.» Les clichés de Flaubert
classés par ordre alphabétique leur donne selon Mc Luhan
« le pouvoir de s'ouvrir en archétype. A force de
répétition le cliché durcit et devient cassant, c'est
alors que l'archétype est mûr 259(*)». Dans un premier temps
seront étudiés les renvois permis par le lien, dans un second
temps les éléments de reprise de ce dictionnaire.
· Système des liens
Le texte source est une image de femme à la chevelure
rousse et bouclée. La prééminence des cheveux sur le
visage est symbolique du lien qu'il entraîne. Dans un premier temps voici
représenté le parcours logique :
Texte en dessous :
« La propriétaire de la montre cassée
était
une
superbe rousse, que le destin avait assise à sa
droite. »260(*)
La vignette et non pas le lien « superbe
rousse » nous renvoie sur le texte suivant
« Rousses : meilleures que les brunes et
les blondes.261(*) »
Si nous cliquons sur brunes
« Brunes : meilleures que les rousses et
les blondes. »262(*)
ou sur blondes :
« Blondes : meilleures que les brunes et
les rousses. »263(*)
Brunes
Blondes
Brunes
Blondes
Rousses
Voici donc le schéma
Vignette Rousses
· Définition
Dans un deuxième temps les définitions
originelles de Flaubert et celles d'A. C. Brandenbourger sont comparées
dans le tableau ci-dessous :
Auteur
|
Rousses
|
Brunes
|
Blondes
|
Flaubert
|
(voy. Brunes et blondes).
|
sont plus chaudes que les blondes (voy. Blondes)
|
plus chaudes que les brunes (voy. Brunes)
|
Brandenbourger
|
meilleures que les brunes et les blondes.
|
meilleures que les rousses et les blondes
|
meilleures que les brunes et les rousses.
|
Le texte est donc lié de différentes
manières le réseau est ici complexe. Le renvoi originel chez
Flaubert « voy. » a premièrement disparu et a
été remplacé par l'hyperlien. Le système des
renvois chez Flaubert est souligné et systématisé dans la
dernière version du manuscrit. L'hypertexte permet la mise en oeuvre
effective de ce renvoi, et apparaît comme adéquat. Ainsi pour une
version hypertextuelle le renvoi entre parenthèse est supprimé.
Il se fonde sur l'analogie, chez Flaubert, le premier terme est
« blondes », dans la mesure où la macrostructure
repose sur le classement alphabétique. L'analogie est un
procédé par lequel des formes sont créées à
l'imitation d'autres formes. Le renvoi permettait à Flaubert, en ce qui
concerne le terme de rousses de ne pas se répéter. Il joue donc
sur l'implicite et l'ellipse et demande au lecteur de comprendre les
« rousses : plus chaudes que les brunes » ou
« rousses : plus chaudes que les blondes ». Ce passage
joue de la figure de la reprise syntaxique, c'est l'axe paradigmatique qui est
ici convoqué, puisque les trois adjectifs substantivés sont
substituables chez les deux auteurs. A. C. Brandenbourger se distingue sur le
choix de la comparaison. Flaubert avait utilisé un comparatif de
supériorité « plus », placé devant
l'adjectif « chaudes ». Le complément du comparatif,
introduit par « que », constitue le point de
référence de la comparaison, « les brunes »,
« les blondes ». La nature grammaticale est un groupe
nominal. Dans Apparitions inquiétantes « plus
chaudes » a été remplacé par
« meilleures », moins connoté, et sans
véritable engagement. Du point de vue grammatical
« meilleures » est aussi un comparatif
supériorité, en revanche le complément du comparatif
change, nous sommes passé d'un groupe nominal à deux,
coordonnés par « et ». Les deux groupes nominaux du
complément du comparatif sont ainsi mis sur le même plan
syntaxique. Il en résulte d'un point de vue du sens, ou du non sens un
non respect des lois d'informativité et de non contradiction. Le fait
que les trois deviennent à leur tour supérieurs et se renvoient
mutuellement, la comparaison perd de sa crédibilité, dans la
mesure où les trois se substituent.
2. De la littérature à la
lexicographie
a) Le dictionnaire comme lecture
Nous avons déjà abordé le dictionnaire
comme modèle de consultation en relation avec l'hypertexte, mais un des
auteurs le met en abyme. Géographie du ventre de
Mylène Pétremand, met en scène un personnage,
utilisatrice de dictionnaire, annoncé dans le fragment 138, par :
« le seul lien que tu conserves avec l'écrit (...) prend la
forme de longues immersions dans le dictionnaire. »264(*) La lecture du dictionnaire
devient son unique rapport à l'écrit. De plus l'expression
« longues immersions » est contraire avec l'utilisation du
dictionnaire : en effet les premier comportements des lexicophiles vont
les consulteurs réguliers et avoués au lecteurs assidus voire
des dévoreurs de lexique. Le dictionnaire devient pour elle un guide,
détenteur de l'usage légitime, à la fois image de la
mémoire de la langue, quelle que soit l'époque ou le domaine. Sa
consultation reste ponctuelle, afin de vérifier le sens d'un mot.
Cependant il devient progressivement son unique moyen de comprendre le monde
qui l'entoure. Il lui apparaît ainsi indispensable, la fin de l'oeuvre
montrera qu'elle vit par procuration dans et par un mot, se créant un
univers imaginaire. Le dictionnaire apparaît comme intertexte au fragment
141 elle est à la recherche d'une définition :
« virago », le passage suivant reflète le
mécanisme de lecture du dictionnaire :
« Tu t'extirpes de ton lit, cours à ton
dictionnaire. Tu l'ouvres sous la lettre V, cherches virago. L'exemple
t'arraches un sourire « Cette virago sèche comme une merluche
qui dès le matin soufflette sa servante dont elle est
jalouse ». Tu te demandes ce que signifie exactement
« merluche ». Tu cherches, lis la définition. C'est
alors que ton oeil est attiré par un autre mot, un mot de la colonne
d'en face, placé juste dans une belle diagonale. C'est un mot comme tu
les aimes, en a, décidé et féminin, un mot venu d'ailleurs
qui te rappelle que contrairement à ce que l'on prétend parfois,
la Terre est grande. »
Premièrement la consultation répond à un
besoin de recherche sur le premier mot, la définition est elliptique,
mais l'auteur nous donne entre guillemet l'exemple tiré du dictionnaire.
L'exemple est une citation de A. Bertrand, tirée du Petit
Robert. Il est donc un exemple cité et appartient au patrimoine
littéraire. Le second mot qu'elle cherche est
« merluche », contenu dans la citation. Le processus de
recherche s'effectue donc par analogie, d'un mot à un autre mot, par
l'intermédiaire de la citation. Plus révélateur est le
fragment suivant, annoncé par « ton oeil est attiré par
un autre mot ». Le fragment 142 nous dévoile le mot: MERZLOTA.
Ce fragment ne contient que le mot et un lien vers le fragment 144, qui
dévoile la définition. La relation qui unit ces deux fragments
est de l'ordre entrée/définition :
«Merzlota n.f. - 1940 ; mot russe Géogr. Couche
du sol et du sous-sol qui ne dégèle jamais. »
Cette définition est reprise telle quelle du Petit
Robert, et liée à trois autres fragments : 161, 163,
164. Le premier lien révèle une glose, une appropriation de la
définition par le personnage : « tu les croyais
disparues, quand elles ne faisaient que sommeiller tranquilles, dans le
sous-sol gelé.». La sémantique du lien suivant
transparaît dans : « tu te coucheras sur le carrelage
froid, alors le sommeil posera son regard sur toi. ». Le premier
passage reprend le sous-sol, le second le sol. En revanche le premier reprend
la spécificité du gel, le second « froid » ne
se réfère pas au même degré, il existe une
différence d'intensité. La situation du personnage illustre la
définition, en effet « le carrelage », est une
métonymie du type, la matière pour le lieu et fait donc
référence au sol. Le fragment 164 tourne en dérision cette
définition, l'auteur pare le mot d'une situation pathétique, car
le personnage à l'hôpital, ne réussit qu'à prononcer
le mot « merzlota ». Alors que pour elle le mot faisait
référence à un imaginaire, à une terre lointaine,
que le narrateur avait ensuite comparé à sa situation,
l'impression finale du mot est « en désespoir de cause tu dis
ton mot.» L'adjectif possessif, implique une appropriation. Le
dictionnaire apparaît comme un remède au monde qu'elle ne comprend
pas. Il devient « réponse à tout ». Un autre
exemple du texte dévoile cette inaptitude à comprendre :
« Tu revois précisément les derniers
mots : « douleurs erratiques ». Cette fois tu veux
comprendre plus. Tu vas chercher ton unique vrai remède. Tu ouvres ton
dictionnaire. Tu lis : Qui n'est pas fixe. Qui change souvent
de place. Puis plus bas : Géol. Qui a été
transporté par les anciens glaciers à une grande distance de leur
point d'origine. » (160).
Le fragment 161 répond au 160 par
l'interprétation du personnage :
« Dans ta tête en feu, les choses se font
claires. Ces douleurs là ne sont pas à toi. Elles viennent de
plus loin, d'un autre pays, d'un autre âge et se sont fixées chez
toi. »
L'auteur révèle ainsi une incompréhension
de cette définition, alors que les médecins l'employaient dans le
premier sens « qui n'est pas fixe, qui change souvent de place.
Le personnage interprète le mot avec le second sens, dont la marque
« géol. », invite à un emploi
spécifique, dans un domaine établi. Le personnage applique la
seconde définition à ses douleurs. Le décalage
créé un non sens, une situation dévoilant un univers
imaginaire en opposition avec la réalité. En effet la
définition « qui a été transporté pas les
anciens glaciers à une grande distance de leur point
d'origine » est appliqué au douleurs « elles
viennent de plus loin fait référence à « une
grande distance », alors que « d'un autre âge »
reprend « ancien ». L'effet produit reflète le sens,
c'est à dire que la géographie du ventre, au départ
circuit clos et interne, devient source d'une autre géographie celle de
la terre, de ses mouvements, de ses régions comme
« merzlota », qui sont transposées d'un réel
lointain à un réel proche. Le dictionnaire, plus qu'une
réponse devient une invitation au voyage. Il acquiert un nouveau statut
par le processus de reprise et de recréation d'un monde. Un autre auteur
reprend le dictionnaire, mais au lieu d'être un lieu de transport il
devient écriture. De plus alors que les définitions
étaient reprises mot pour mot du Petit Robert, Anne-Cécile
Brandenbourger les reprend également mais les réécrit en
fonction des passages.
Au regard de l'oeuvre Apparitions
Inquiétantes, le dictionnaire oscille entre outil et principe
d'écriture. Anne-Cécile Brandenbourger le prend comme
modèle d'écriture elle se plait à inclure des
définitions forgés. Du dictionnaire de langue, au dictionnaire
encyclopédique en passant par l'étymologie, elle crée
même des articles d'encyclopédie : le dictionnaire est donc
représenté dans sa pluralité. Cela répond d'une
part à l'idée qu'il n'y a pas un dictionnaire mais des
dictionnaires, qu'il n'y a pas une définition mais des
définitions. Pour retrouver les définitions originelles elle a
bien voulu répondre à la question suivante :
« Quels dictionnaires (de langue, de citation, de
proverbe...) avez-vous utilisés ?
J'ai utilisé un vieux Larousse de 1989 pour les
quelques définitions de mots, un dictionnaire étymologique du
français (paru chez Larousse également, sous le titre
"dictionnaire étymologique et historique du français, par
J.Dubois, H.Mitterrand et A.Dauzat) ainsi qu'un dictionnaire de proverbes et
dictons (les usuels du Robert, poche, par Florence Montreynaud, Agnès
Pierron, François Suzzoni). »
Grâce à ses réponses, nous avons pu
retrouver, d'une part les définitions originelles, et d'autres part les
modifications qu'elle a pu y apporter. A la lueur de ses réponses, le
Petit Larousse, a été l'ouvrage de
référence. Certaines définitions n'apparaissent que sur la
version en ligne, d'autres sur les deux versions : en ligne et
numérique. Lorsque c'est le cas les liens entre les textes et la
définition seront donc doubles.
Le processus de consultation va d'un mot
actualisé, en discours, à un énoncé du
dictionnaire, représentation de la langue. Le processus prend le chemin
de l'actuel au virtuel. Le parcours du lecteur d'Apparitions est
sensiblement le même dans la mesure où les mots apparaissent
premièrement dans le texte A pour ensuite aller au texte B :
définition du dictionnaire, mais là ou normalement le
dictionnaire répond à une interrogation, il est à se
demander si l'écriture du dictionnaire est une réponse à
une question initiale ? L'auteur s'improvise donc lexicographe,
interprète de la langue.
b) L'étymologie
Sur la version en ligne et sur la version papier, l'auteur nous
donne une définition, fondée uniquement sur
l'étymologie :
maquereau : du moyen néerlandais
makelear , courtier.
Cette définition se fonde sur la source, l'origine du
mot. Cependant le dictionnaire étymologique et historique paru chez
Larousse ne fait apparaître ni la date, ni le siècle
d'apparition du mot. Cette définition est corrélée
à deux textes, le premier en ligne265(*), le second sur la version numérique266(*). Elle est dans le premier
passage relative au personnage de Ramon, dans la seconde :
Selon déborah, le métier de serveuse
était plus agréable autrefois, quand sa mère
l'exerçait. À cette époque, les pourboires était
royaux et les clients plus polis qu'aujourd'hui.
- Figurez vous qu'un jour ma mère a reçu des
fleurs d'un client, pour son anniversaire.
D'un point de vue typographique elle reprend la microstructure
du texte originel : l'entrée est en gras, suivit du signe
« : », vient ensuite l'étymologie composée de
la langue d'emprunt « du moyen néerlandais », de
l'étymon « makelaer » en italique, et de sons sens
premier, dans la langue source : « courtier ».
L'emprunt se définit ainsi : on parle d'emprunt linguistique quand
un parler A utilise et intègre une unité linguistique, un mot ou
le sens d'un mot d'un parler B dit langue source. Dans ce cas précis la
langue source est le moyen néerlandais, et la langue cible le
français. Pour éviter toute confusion entre le maquereau, le
poisson, et le maquereau, les dictionnaires courants (petit Larousse) et (petit
Robert), effectuent ce que l'on appelle le dégroupement homonymique. En
effet les deux morphèmes lexicaux sont homophones et homographes, ils
font l'objet de deux entrées distinctes, pour expliquer que ce n'est pas
un mot qui a deux sens mais que ce sont deux entités lexicales.
· Le rôle de la définition
Sur la version en ligne, la définition est
associée au personnage de Ramon, dans la relation sémantique nom
propre / attribut, qualification. Il y a donc une entité nommée
à laquelle on attribue une fonction. La version numérique
n'échappe pas non plus à ce mécanisme, mais alors que nous
avions un personnage doué d'un prénom, il s'est transformé
en « client », nom commun précédé d'un
article indéfini, non explicite. Il passe du statut de client,
généralement anonyme, au statut de maquereau. En rapport avec
l'étymologie que l'auteur nous invite à lire, faut-il comprendre
que le client est courtier ou qu'il est maquereau ? La synonymie entre
maquereau et courtier est ainsi partielle, elle joue sur la différence
d'intensité. L'auteur joue sur l'implicite, en effet le terme de
maquereau signifie « homme qui vit de la prostitution des
femmes ». Elle fonctionne sur le décalage de niveau de langue,
courtier étant moins connoté que maquereau. Le jeu de mot
fonctionne sur l'idée que le lecteur se fait du mot le
référé, et son sens premier. La seconde partie de la
définition est elliptique. Au regard du signe linguistique, association
signifiant - signifié, le signifiant « maquereau »,
associé au signifié « courtier », qui est la
réalité conceptuelle que les dictionnaires et locuteurs
décrivent en produisant une définition sous la forme d'une
combinaison de signes qui reconstruit ce signifié. Le signifié
est distinct des éléments de la réalité, le
référent. Ramon et le client sont donc les deux
référents de maquereau et de la réalité qu'il
désigne, car ils appartiennent au discours, au texte.
c) Le dictionnaire de langue
L'opposition dictionnaire de langue, dictionnaire
encyclopédique se conçoit ainsi : pour le dictionnaire dit
de langue, selon la typologie émise par Bernard Quemada, « sa
finalité est de donner des informations de type linguistique, nature
grammaticale, genre, forme graphique et sonore du mot, signification, valeurs
d'emploi et spécialisation dans les divers niveaux de langue, relation
structurales ou fonctionnelles avec les autres éléments du
lexique, origine, histoire. » Le dictionnaire encyclopédique
est un dictionnaire de chose, qui informe sur les choses
désignées par les mots et non sur les mots en tant que signes.
Le Petit Larousse est généralement
considéré comme un dictionnaire encyclopédique. Le
Petit Larousse est à la frontière de ces deux types, les
rédacteurs dans l'introduction, estiment en effet :
« dans la première partie du dictionnaire, les
rédacteurs, pour tous les mots qui s'y prêtent, décrivent
à la fois les faits de langue et les choses que la langue
désigne, objets réels ou représentation de
l'esprit... »267(*). Anne-cécile Brandenbourger a inclus quatre
définitions tirée du Petit Larousse : seul,
attente, jardin et ailleurs.
· Seul
Ci-dessous l'entrée offerte par l'auteur :
« seul, e : adj.
Après le substantif, se dit d'une personne sans compagnie :
Un homme seul regarde tantôt la mer, tantôt le parc.
(Duras) » 268(*)
alors que celle du Petit Larousse est
présentée ainsi :
« SEUL, E adj. 1. qui est sans
compagnie. »
D'une part le code typographique est repris en partie :
entrée en gras [seul,e] à la différence
qu'elle n'est pas en majuscule mais en minuscule, la nature grammaticale
apparaît en italique [adj.] alors que ce n'est pas l'usage, suit
la définition en caractère dit « normal »
[Après le substantif, se dit d'une personne sans compagnie], et enfin la
citation en italique [Un homme seul regarde tantôt la mer,
tantôt le parc. (Duras)]. Elle reprend à chaque fois cette
typographie, pour chaque définition. Cette entrée appartient
à la page intitulé : « la solitude de Cindy
Texas »269(*),
dans laquelle l'adjectif « seul », objet de la
définition apparaît deux fois dans le texte source :
« Depuis quelques temps, Cindy Texas se sentait
moins seule. (...) A cet instant, Cindy eut une sorte d'illumination: elle
n'était pas seule, elle le sentait, elle sentait un regard posé
sur elle, des yeux qui la fixaient avec attention. »
La fonction de l'adjectif qualificatif renvoie à des
propriétés exclusivement descriptive, dépourvue
d'autonomie référentielle. Par opposition au substantif,
l'adjectif doit être nécessairement repérée par
rapport à l'entité qui caractérise. Que ce soit pour
l'adjectif ou pour le nom, l'entité référentielle n'est
autre que Cindy Texas. En effet pour le titre « cindy
texas » a pour fonction grammaticale complément du nom
« solitude », alors que dans le texte l'adjectif est
attribut du sujet : dans la première occurrence le nom, dans la
seconde le pronom personnel anaphorique « elle ». Le titre
de la page explique pourquoi le cyberécrivain a ressentit le besoin de
spécifier : « après le substantif ».
L'ajout de « se dit de », rend la définition
métalinguistique, du langage sur le langage. Le pronom relatif
« qui » a été remplacé par
« une personne ». Le caractère
indéterminé du pronom relatif sous-entendait un être
animé, cela aurait pu être un animal. La substitution
précise le genre prochain, le type, elle restreint donc le champ des
possibles. Il ne reste de la version initiale que « sans
compagnie », une définition antonymique, par exclusion. Le
verbe être est élidé, car non essentiel. S'ajoute à
ceci un exemple que la terminologie dit « cité » et
« signé ». L'exemple est pris dans le discours
littéraire.
· Jardin
En relation avec la même page, se trouve la
définition de jardin. En fait Cindy Texas est
régulièrement observée par Bob, son voisin. Il a vue sur
son jardin. La définition de jardin n'est pas directement liée
à la page où elle apparaît mais en relation avec la page
précédente270(*) qui contenait le lien suivant :
« Avant, il préférait sa propre
chambre, d'où il avait une vue plongeante sur le jardin de
Cindy
Texas. »
En cliquant sur « Cindy Texas », nous sommes
donc transporté sur la page « la solitude de Cindy
Texas ». Comme pour les autres définitions, une image est le
lien qui introduit la définition de jardin :
« Jardin : n. m.
Terrain, généralement clos, où l'on cultive des
légumes ( jardin potager) ou des fleurs (jardin
d'agrément). » 271(*)
Alors que la définition du Petit Larousse 1989 se
présentait ainsi :
JARDIN n. m. : terrain où l'on
cultive des végétaux utiles (potager, verger) ou
d'agrément (parterres de fleurs, bosquets).
Premièrement a été ajouté un
adjectif épithète détachée
« généralement clos », deux explications sont
plausibles : soit elle l'a ajouté d'elle même, trouvant que
la définition n'était pas assez complète, soit elle a
utilisé une autre édition du Petit Larousse. La seconde
hypothèse me semble la mieux correspondre, d'une part l'édition
du Grand Larousse du XXe siècle précisait
« ordinairement clos », l'édition 2000,
« souvent clos », l'édition 1988 de ce dernier ne le
précisait pas non plus. La seconde partie de la définition
« où l'on cultive des légumes ( jardin potager) ou des
fleurs (jardin d'agrément). » a subi les modifications
suivantes : la définition du dictionnaire proposait
« végétaux utiles » formé de
l'hyperonyme « végétaux » et de deux genres
spécifiques « utiles » et
« d'agrément ». Ils ont été
remplacé par des hyponymes de ces deux catégories, soit
respectivement « légumes » et
« fleurs ». Elle a donc restreint la définition dans
la mesure où il le verger et le bosquet sous-entendaient des fruits et
des plantes, arbres...La première parenthèse :
« potager, verger » s'est elle aussi vue
élidée de verger, elle a ajouté jardin. La seconde en
revanche s'éloigne de l'entrée offerte par le dictionnaire. Le
complément « d'agrément » se reportait aux
végétaux et non pas au jardin. La figure qui correspond au
passage « végétaux d'agrément »
à « jardin d'agrément » est une extension de
sens, reposant sur la métonymie du contenu pour le contenant. Un
décalage s'effectue entre l'histoire et la définition. A aucun
moment le texte ne fait allusion au jardinage. Cette définition peut
donc avoir deux fonctions : soit nous indiquer que Cindy Texas dans sa
solitude, s'adonne à cette activité, soit par décalage,
par référence aux autres jardins de l'oeuvre : comme par
exemple celui du Dr Marbella. Elle serait donc une remarque ironique entre la
norme, contenue dans la définition et le rôle effectif du jardin.
· Attente
La définition d'attente a pour source une page
consacrée au personnage de Bob272(*), il écrit à David Bowie, sans qu'il
n'ait jamais reçu de réponse. Le lien est une animation,
représentant le chanteur. Cette entrée est une hybridation de
deux définitions attente et attendre :
attente n.f : action de
rester jusqu'à l'arrivée de quelqu'un ou de quelque chose, temps
pendant lequel on demeure ainsi.
Petit Larousse
ATTENTE : Action d'attendre (qqn ou
qqch.) ; temps pendant lequel on attend.
ATTTENDRE : rester dans un lieu
jusqu'à ce qu'arrive qqn, qqch.
L'explication tient d'une part au fait que le Petit Larousse
propose une définition par rattachement morphologique dans la mesure ou
attente est un dérivé du verbe. Elle a remplacé
« attendre » par sa définition. Voici la
définition qu'elle serait susceptible de produire :
*« Action de rester dans un lieu jusqu'à ce
qu'arrive quelqu'un, qqch ; temps pendant lequel on attend. »
Premièrement elle a supprimé [dans un lieu]. La
proposition subordonnée relative « ce qu'arrive » a
été substituée par « l'arrivée
de ». Une explication possible est que l'auteur ne nous indique pas
de lieu véritable. La situation de Bob n'est pas prise dans le lieu de
l'attente mais dans son temps. Les abréviation
« qqn » et « qqch. » sont
remplacées par leur graphie complète. La deuxième partie
de la définition « temps pendant lequel on demeure
ainsi », le verbe attendre a été remplacé par
« demeurer », un des synonymes possible du premier,
complété par l'adverbe ainsi, qui fait référence au
premier fragment de la définition. Elle donne donc deux
interprétation possible de l'attente, l'attente comme action et
l'attente par référence au temps.
· Ailleurs
Ailleurs : adv. En un autre
lieu que celui où l'on est273(*)
AILLEURS adv. en un autre lieu (Petit
Larousse)
La définition s'organise ainsi :
- adv. : catégorie grammaticale
- en un autre lieu : est commun aux deux
définitions :
· en : préposition qui marque la position
spatiale
· un : article indéfini
· autre : est le spécifique
· lieu : correspond au genre prochain
- que celui où l'on est : relative explicative
déterminative qui a pour antécédent lieu. Elle fait
référence au temps de l'énonciation, ici et maintenant
(présent) et a été insérée dans ce but.
Elle est corrélée à trois textes deux sur
la version publiée chez 00h00.com, la troisième sur la version en
ligne. Sur la version commerciale, elle est liée au passage
suivant qui ouvre le roman :
« Certains soirs, Roberto avait envie de
disparaître, lui aussi dans un recoin sombre où personne ne
viendrait le déranger. »274(*)
mais aussi :
« c'était pas mal le coup de la
planète terre. Elle avait entendu cela quelque
part »275(*)
Disparaître signifie ne plus être vu ou
visible. Il est composé du préfixe dis-, morphème lexical
lié et du verbe paraître. Dis- est un préfixe savant qui
signifie la séparation. : cesser de paraître, d'être
visible. Le trait sémantique commun à ailleurs et
disparaître est : le non lieu. Ils sont tous deux définis par
opposition. On passe d'un verbe qui exprime un
« procès », une « action »
à un adverbe. La fonction de l'adverbe « ailleurs »
est généralement de compléter, cependant dans cette
situation, il définit le verbe disparaître. En effet nous
pourrions par exemple en réinsérant le verbe être ou le
verbe aller effectuer le test de substitution. La réinsertion d'un verbe
est nécessaire, car les unités ne sont pas substituables, elles
n'appartiennent pas à la même catégorie grammaticale :
Roberto avait envie de disparaître...
Roberto avait envie d'aller ailleurs...
Roberto avait envie d'être ailleurs...
La substitution est donc possible, malgré le changement
de sens. En ce qui concerne le lien « quelque part » il est
aussi un complément circonstanciel de lieu, une locution adverbiale,
formée d'un adjectif indéfini « quelque » et
d'un nom commun « part » qui indique la partie d'un lieu.
Cette locution signifie dans un lieu indéterminé, qu'on ne peut
pas préciser. D'un point de vue sémantique « quelque
part » et « ailleurs » sont substituables dans la
phrase : « Elle avait entendu cela ailleurs ». A la
différence du premier passage la définition fonctionne d'une part
sur la même catégorie grammaticale, d'autre part sur la même
fonction. Sur la version web, elle correspond également à la
première page, mais au lieu d'être liée par un mot, c'est
une image qui introduit la définition :
Vignette : au bord de la piscine (titre)
« Complètement nue, elle rejoignit le Docteur
Marbella au bord de la piscine »276(*)
le lien sémantique qui unit
« ailleurs » à « au bord de la
piscine » titre de la vignette est le déplacement,
l'opposition du lieu où le personnage se trouve et le lieu où
elle va « le bord de la piscine ». L'adverbe
« ailleurs » et « au bord de la piscine ont la
même fonction grammaticale : complément circonstanciel de
lieu.
d) L'encyclopédie comme
modèle d'écriture
Le feuilleton appartient à la science-fiction,
très productive de néologisme, sur la version PDF, il
était annoncé par « passion dans l'espace ».
Zach est un spationaute qui effectue des pérégrinations dans
l'espace. La première page concernant l'épisode nous
présente deux planètes, les images nous transportent vers deux
fiches encyclopédiques, avec pour tire « encyclopédie
des spaciobleds fiche n° 456-290» et la « fiche
n°456-289 ». Le néologisme spaciobled est un mot
construit composé formé en français du préfixe
spacio- et du nom commun bled. Le préfixe spacio- est formé par
analogie sur le modèle de spationaute. Le fait que le graphème
« t » ait été remplacé par
« c » lui alloue une filiation morphologique avec
« espace », au sens de l'univers intersidéral. D'un
point de vue phonétique le remplacement de la lettre n'influe pas sur la
prononciation du mot puisqu'ils correspondent au son [s]. Le morphème
lexical « bled » est un emprunt à l'arabe
maghrébin, signifiant dans la langue source, « terrain,
pays ». Il a connu une extension de sens et notamment une
péjoration dans la mesure où il désigne un lieu
isolé, offrant peu de ressource. Il appartient d'une part au langage
familier, à l'argot. Le sens originel de l'emprunt n'est plus visible,
il a ainsi perdu sa référence à la langue source. Il
désigne métaphoriquement ici un lieu perdu dans l'espace, une
planète. Les vignettes introduisant l'encyclopédie sont
intitulées « spaciojunk ». Un
« junk » est un emprunt à l'anglais qui signifie
« bric-à-brac, vieilleries... » Deux fiches nous
sont proposées : « megavega », mot construit
composé semi-savant du préfixe grec mega, morphème lexical
qui signifie grand ou un million de, et du nom propre vega, qui est une
étoile de la constellation de la lyre. Le second article s'intitule
« serulix », véritable néologisme car il
n'est lié à aucune source identifiable. Il est peut-être
à mettre en relation par sa terminaison, en « ix »
avec des personnages comme « Astérix », ou plus
réel « Vercingétorix » :
MEGAVEGA (WXT-459 / MZ 016)
§ population: 1.253.000
§ ressources: chasse et commerce d'une espèce
animale locale dont les ventouses sont comestibles et dont le poil,
après traitement, sert à fabriquer un textile soyeux et
résistant.
§ climat: orages permanents.
§ lieux à visiter: le tombeau de
Verminagérix II, le musée de la mode spatiale, le Cratère
du Silence et son panorama inoubliable.
§ particularités: vie nocturne très
animée
SERULIX (WXT-459 / MZ 016)
§ population: 67
§ ressources: allocations octroyées par le Fonds
d'Aides Humanitaires Intercosmique dans le cadre du programme de Recherches
Phase 3. - top secret -
§ climat: pluies de stalactites souffrées en
hiver, cyclones en été..
§ lieux à visiter: la Big Red Beach,
célèbre pour la taille de ses crabes (2 m. de haut, 100 kg).
§ particularités: production par les habitants
d'un alcool délicieux, à base de décoctions de pattes de
crabes.
Les entrées ci-dessus reprennent la
microstructure de l'encyclopédie, cinq sous catégories
descriptives nous présentent ces deux pays : population, ressources,
climat, lieux à visiter, particularités. Elles oscillent entre
encyclopédie, guide touristique et enfin indication de vol. Les
situations appartiennent à des non-situation, des non lieux en rapport
avec la science fiction. Les deux fiches s'opposent
« megavega » planète riche et importante comme le
préfixe « mega » l'indique peuplé de plus
d'un million d'habitants, alors que « serulix » n'en a que
67. Les situations jouent sur la dialectique fiction invraisemblable et
réel comme par exemple, le « fond d'aide humanitaire
intercosmique », « la chasse et le commerce »,
« la vie nocturne très animée » peuvent
appartenir à des situations réelles. Elle joue donc sur
l'ambiguïté, la dichotomie entre possible et impossible. Ces deux
définitions comme la plupart des autres définitions
étaient introduites par des images ce qui nous amène aussi
à considérer les liens de types multimédia ou plus
précisément les liens hypermédias.
D. Le renvoi hypermédia
Le renvoi multimédia selon Dirk Schroder se subdivise
ainsi : lien vers une image ( vers une illustration ) ; lien vers un
film ( offre un film et le joue ) ; lien vers un son et enfin le lien vers
une animation. Au terme de multimédia, le terme d'hypermédia
semble plus adapté. L'hypermédia, dûment défini dans
la première partie, est « un système documentaire
permettant d'établir, à partir d'un document de départ des
liaisons interactives entre les textes, les sons et les images » Au
regard de cette définition l'hypermédia se conçoit comme
une interaction du texte, avec le son et les images. L'hyperfiction, même
si elle privilégie le texte lui fait aussi des
« infidélités ». L'écrivain se voit
attribuer, selon les mots de Lucie de Boutiny, une nouvelle
« mission », il doit passer au graphisme, une nouvelle
syntaxe de l'oeuvre en résulte : celle de l'informatique. Elle met
aussi l'accent sur le fait qu'Internet permet une confluence des divers
arts : la musique, le cinéma, la peinture...Pour reprendre Anne
Cécile Brandenbourger il est certain qu'Internet est « un
farwest virtuel qui est le lieu privilégié de
l'expérimentation », le farwest symbolise un espace vierge,
inorganisé, un milieu sans loi, ni réglementation, où
l'oeuvre n'est soumise à aucune règle précise. Nous avons
déjà mis en évidence que l'hyperfiction était un
lieu de complémentarité du graphisme, de disciplines qui
convergent, se complètent, se nourrissent. L'hyperroman apparaît
ainsi comme un creuset artistique, esthétique peut-être. Pour
éclairer cette littérature du multimédia, Xavier
Malbreil277(*)
définit le rapport du texte au son, à l'image ainsi :
« Le passage de l'écriture/littérature
traditionnelle à la l'écriture/littérature
multimédia est le passage de l'unique au multiple. Un écrivain
papier écrit en général seul, et à destination d'un
lecteur seul. Une oeuvre multimédia se crée souvent à
plusieurs, et sa lecture en est souvent collective : une équipe se
répartissant les tâches; plusieurs personnes réunies devant
un écran commentant telle ou telle animation, suggérant de
cliquer à tel ou tel endroit. D'autre part, même si le
créateur d'oeuvre multimedia est seul, il devra se servir de logiciels
de création graphique, d'animation, qui ont été
créés par des équipes nombreuses, et qui portent la marque
de cette diversité/pluralité. »
Nous avons déjà souligné l'influence de
la télévision comme principe d'écriture-lecture. Mais
l'hyperroman peut parfois mettre en jeu du son, des animations, des images.
Jean-Louis Weissberg278(*), s'est interrogé sur le problème de la
séquentialité en rapport avec l'hypermédiation.
L'hypermédia fait aussi appel au concept de tabularité, dans la
mesure où le visuel est grandissant, mais selon les types de
média, le son par exemple ou la vidéo, qui implique une structure
linéaire, Jean Louis Weissberg défend l'idée que la
non-linéarité de l'hypertexte serait remise en cause dans le
processus de l'hypermédia.
1. L'image comme lien vers un texte
L'hypertexte ne peut apparemment se concevoir sans
l'hypermédia. C'est pourquoi le préfixe hyper dans le terme
« hyperfiction » peut s'apparenter à
« l'hypermédia », dans la mesure où il est
une interaction du texte et de l'image, cette dernière a plusieurs
fonctions. La dialectique s'établit essentiellement autour de deux
relations principales. L'image comme illustration ou l'image comme transition.
Lorsque l'image acquiert le statut d'illustration elle peut s'apparenter
à la relation macro-récit, micro-récit dans la mesure
où l'image, la vidéo devient source de narration. L'image se
conçoit aussi comme une transition entre deux textes. Elle prend le
schéma suivant : texte image texte. Ainsi dans Apparitions
inquiétantes, le processus est systématisé. Elle a
construit l'oeuvre en ligne ainsi : les pages principales du texte sont
classées sous le nom « apparitions
inquiétantes », d'autres pages sous l'appellation
« inconscientes », sorte de commentaires ajoutés au
texte principal. Ils ne sont que des micro-récit et ne permettent pas
d'aller vers un autre texte, ils nous renvoient automatiquement une fois le
texte lu au texte A :
(url :
www.anacoluthe.com/bulles/apparitions/inquietantes/librairie.html#1)
Texte A
L'annonce disait :
Texte B
(url :www.anacoluthe.com\bulles\apparitions\inconscient\librairie1.html)
« ... Cocktail réservé
à la presse... salauds de journalistes!... tiens, au fait, j'ai jamais
buté de journaliste... Faudra que j'y pense... »
le texte B est considéré comme un
commentaire inconscient, attribué au personnage
« Ricky », l'agenda culturel est le lien entre les deux
textes. Le commentaire « inconscient », non pas oral mais
ici pensé, se porte sur « A 16 h cocktail
réservé à la presse », les points de suspension
laissent entendre un possible arrêt de la pensée, une pause pour
ensuite reprendre ses réflexions. Le narrateur est ici en focalisation
interne, livrant au lecteur les inconsciences (aux sens de dont on ne se rend
pas compte). Le lien entre les deux textes est toujours une image, une
vignette, afin de distinguer les liens vers d'autres textes sources, des liens
comme celui-ci. Chaque page écran est ainsi construite, elle contient de
deux à trois vignettes, qui peuvent renvoyer vers un texte, vers une
animation, vers un poème voire un article de dictionnaire, des
proverbes. Mais le lien n'est jamais un mot, sauf sur la version PDF, où
le retour vers A, a disparu, moins complète car réécrite,
en effet la version PDF apparaît comme une peau de chagrin, une fois les
deux versions comparées. Ce qui faisait la spécificité
d'Internet et du lieu multiple, de la convergence des différents
médias a disparu : les images sont en noir et blanc, elles n'ont
plus qu'un statut d'illustration, le son et les animations ont eux aussi
disparu.
L'image ne renie pas son statut d'illustration mais
elle devient prétexte à un autre texte.
Généralement elles se situent en marge du texte, appelées
aussi vignettes, elles acquièrent le statut de passerelle. Par exemple
François Coulon que ce soit dans 20% d'amour en plus ou dans
Pause, utilise les objets comme motivation : un
téléphone, un visage, un livre...apparaissent comme autant de
liens vers une possible conclusion. Alors qu'il s'en sert pour créer
à chaque fois un nouveau texte principal, Anne Cécile
Brandenbourger créer des situations d'arrière-plan, des
personnages secondaires, des voix off. L'image est aussi un micro-récit,
elle fait partie intégrante du texte, et comme l'explique Dirk
Scröder279(*) :
« Wichtig ist, dass die Seitengestaltung,
die Auswahl und Platzierung des grafiken, die Ausgabe von Musik, Geräusch
und Sprache, das Einbinden von videos und Animationen (bis hin zur
Texanimation) keine Zugaben zum Text sind sondern gleichberechtige
Komponenten »280(*)
2.
L'animation
Parmi les médias, il existe aussi des
animations présentées sous la forme de jeux, comme par exemple
dans Une enquête inhabituelle, où l'auteur les
déclinent : le jeux de mots, jeux de cartes, enquête...La
plus intéressante est peut-être le jeux de mots, qui permet
à partir d'une structure de base, de créer différentes
phrases. Le jeux de mots joue sur le principe de substitution, l'auteur
d'Apparitions les nomme « visual poem281(*) », ils sont au
nombre de deux sur la version en ligne. Ils sont introduits par une image dans
le texte principal. Voici comment ils peuvent s'interpréter. La phrase
de base est « l'amour est enfant de Bohème »,
refrain de Carmen, le second serait « l'amour est
passe-temps de Bohème », ou
« enfant » remplacé par
« passe-temps ». La seconde alternative joue sur le dernier
mot « Bohème », auquel se substitue
« Carême » ou
« problème ». La substition s'effectue sur les
même rimes. Elle décline l'amour, premièrement dans son
insouciance, dans le second dans l'abstinence du carême, ou dans une
troisième possibilité, la souffrance. Le jeux de mots permis par
l'animation, reflète l'idée que les oeuvres expérimentent
de nouvelles voies, non autorisées par le support papier. Le second
poème joue sur les mots suivants, une partie fixe « pendant
l'horreur d'une », suivent ensuite un adjectif qualificatif, sur la
rime « -onde » : profonde, immonde, blonde,
féconde », et sur les noms communs « nuit, vie,
pluie ». Le poème visuel participe au renouvellement du genre.
Dans les cas précédents l'animation était introduite par
une image, mais il arrive parfois que ce soit le mot même qui invite le
média.
3. Le son et la
vidéo
Le son généralement est un
arrière plan, il peut-être une voix qui lit le texte, une musique.
Il n'est généralement pas introduit par un lien mais est
présent tout au long de l'oeuvre. Cependant le son peut être
appelé au moyen d'un lien sémantique, par exemple dans
Apparitions inquiétantes deux émissions de son sont
introduites par des liens sémantiques :
« Or, il ne voulait plus remettre les pieds
sur cette foutue planète. Jamais. Depuis que les
années-lumières s'accumulaient entre elle et lui, il se sentait
bien. »282(*)
« Dans la navette spatiale censée
les conduire, lui et son coéquipier, sur Alpha du Centaure, Zack essaie
en vain de trouver le sommeil. Quelque chose ne tourne pas
rond. »283(*)
les liens « jamais » et
« quelque chose » nous renvoient vers une musique, un
média. Ce sont toutes les deux des musiques électroniques en
rapport avec l'atmosphère de l'épisode. L'épisode est
consacré à la science fiction. L'une est la reprise de la
même séquence et dont le rythme augmente, l'autre est le
même rythme, avec une musique un peu angoissante comme dans les
séries de science fiction. Quant à la vidéo elle
apparaît comme un récit dans le récit, elle est mise en
abyme. L'animation et l'image reste tout de même les plus
représentées.
E.
Conclusion
L'hyperfiction se fonde sur des chemins
préétablis par les auteurs, le lecteur est donc tributaire de ce
parcours. Un texte n'existe en effet que par le lien créé. Le
fait qu'il appartient à plusieurs parcours potentiel, implique qu'il ne
peut être lié aux autres fragments. Pour prendre un exemple
concret, l'oeuvre d'Anne Cécile Brandenbourger reflète le fait
que les fragments de texte peuvent être lié de différente
manière. Elle a complètement remanié d'une part l'ordre
des fragments, d'autres part le système des liens. Alors que certains
textes n'était lié qu'à une seule page écran, il se
trouvent lié à d'autres fragments sur La malédiction
du parasol. Par exemple l'incipit du roman n'est pas le même :
le roman débutait par la mort du docteur Marbella, elle se situe
à la fin de l'avatar un sur la version PDF. Le texte est donc
prétexte à de nouveaux textes, le lien réorganise la
fiction, nous offre une autre lecture de l'oeuvre. En effet derrière
chaque texte se cache un autre texte, que l'on découvre de fil en
aiguille. Les processus de liaison des fragments de textes restent nombreux,
tant d'un point de vue sémantique, fictionnel et technologique. Chaque
oeuvre met donc à exécution un maillage de texte propre dont les
connections sont les liens, et suivant la problématique, l'angle
d'abord, les liens ne fonctionnent pas de la même manière. Aussi
loin d'avoir voulu essayer de caractériser tous les liens, tous les
mécanismes sémantiques, il a semblé plus judicieux de
considérer les liens les plus représentatifs et essentiellement
dans les mécanismes de liaisons qui peuvent unir un texte A et un texte
B. Pour conclure les liens permettent essentiellement l'introduction d'un autre
discours d'un autre point de vue sur le récit. En effet tout texte est
obligatoirement en relation avec un autre texte, ce dernier prend souvent
l'avatar du commentaire, de la citation...Elle répond aussi au passage
du narratif au poétique. La narration, ses vitesses, ses composantes
sont souvent reléguées au second plan, dans la mesure où
le lien multiplie le discours, le rend dialogique.
V.
Conclusion
L'hypertexte dûment défini a
établi qu'il était une notion englobant d'une part plusieurs
sèmes : non linéarité, analogie, liaison de
documents, et d'autre part qu'il représentait un système
documentaire, le réseau du world wide web, ainsi que les liens. Le
premier chapitre a aussi mis en évidence que de Vannevar Bush à
l'Internet l'hypertexte s'est construit, s'est agrandi, a envahi les divers
disciplines pour devenir un réseau à l'échelle mondiale.
Il a aussi été érigé en méthode par les
théoriciens de la littérature hypertextuelle. Il est devenu ainsi
un opposant du codex que ce soit dans la théorie de
l'intertextualité ou de celle du rhizome.
Le second chapitre a permis de radiographier la
généalogie de l'hyperfiction et notamment par le truchement des
genres avec laquelle elle se trouve en concurrence et
complémentarité. L'hyperfiction apparaît comme un genre
défini par la porosité, l'hybridation et
l' « avatarisme ». En effet le réseau ne peut
se concevoir sans connexions ni liaisons. Aussi loin d'être une oeuvre
close et isolée, l'hypertexte de fiction est au contraire une oeuvre
dont les « portes sont ouvertes », oeuvre de passage et
dont le paysage est jalonné de ponts. Est-il possible de parler de genre
sur Internet ? La réponse serait paradoxale : l'hyperfiction
se rapproche en effet du roman, car genre le plus aléatoire de la
littérature. Mais la lecture des oeuvres nous convie à ne pas les
inclure dans une des catégorie prédéfinies par la critique
littéraire. En effet Internet représente un lieu
d'expérimentation et de renouvellement. L'hyperfiction dans le
réseau des cyberfictions se situe ainsi entre le livre, la
génération automatique de textes, le roman contributif, le livre
dont vous êtes le héros et le roman feuilleton. Les
caractéristiques que nous pouvons retenir de l'hyperfiction sont les
suivantes : elle n'a ni début, ni fin. Elle permet au lecteur de
choisir son parcours par le choix des liens. Elle est construite sur le lien
hypertextuel qui relie des fragments. Cette forme ouverte permet aux auteurs de
réarranger, d'ajouter, de remanier leurs oeuvres, c'est pour cette
raison qu'elle répond à l'appellation de « work in
progress ».
Enfin le dernier chapitre sur les liens de
l'hyperfiction a permis de mettre en évidence comment ils
réorganisent la fiction, et que chaque fragment n'existe souvent que par
le lien créé. Du renvoi de navigation interne ou externe, le lien
modifie la lecture et l'écriture. Il introduit l'idée d'une
oeuvre dialogique. Le texte n'est plus clos sur lui-même mais toujours en
rapport avec un autre texte. Ce dernier peut être : citation ,
proverbe, définition, introduction d'un autre point de vue ou un autre
texte lui même. De plus l'introduction de ce médium constitue le
principe de renouvellement de l'oeuvre.
Face à l'ampleur du réseau
hypertextuel, il apparaît nettement que certaines oeuvres appartiennent
à des centres institutionnels. En effet Internet ne semble pas
échapper à la règle des centres et des
périphéries. Certains auteurs se rassemblent autour de liste de
diffusion, de groupe de discussion. Par exemple la liste de diffusion
« e-critures » est emblématique des
différents courants de la littérature numérique. Les
auteurs qui ont été étudiés appartiennent à
la troisième génération d'écrivains informatiques.
Loin d'être des programmeurs, ils ont envahi le réseau avec des
outils simple à manier, des logiciels de retouche d'images, du langage
HTML, qui selon eux ne leur pose pas d'énorme problème. Ils sont
la troisième génération à ce titre, non pas du
point de vue des genres mais du point de vue des outils. Pour répondre
à ce manque de fédération des écrivains
hypertextuels, certains s'organisent ainsi autour de liste. Cependant comme
dans toute période littéraire, certains écrivains se
distinguent ou ne sont pas inclus dans la masse. Parfois même certains
auteurs restent anonymes, ou perdus dans le réseau. Une des
difficultés relative à ce support est aussi le cimetière
d'Internet, certains sites ont parfois disparu du réseau, comme par
exemple the websoap. Il est devenu un fantôme littéraire, un
spectre internétais. Ceci nous amène à une seconde
question : quel est le support adéquat de l'hyperfiction ? En
effet de la disquette au cédérom, du format PDF, le world wide
web ? Lorsque l'oeuvre est mise sur support pdf elle perd de sa valeur,
elle est reléguée au statut du livre, avec des images fixes, sans
son ni vidéo. Certains auteurs se refusent d'ailleurs d'être
publié sur ce support, afin d'éviter cette perte de contenu.
En revanche le format édité chez 00h00
est protégé et interdit les reproductions textuelles. L'oeuvre
cédérom apparaît la moins réductrice et la plus
adaptée tant du point de vue financier que du point de vue du contenu,
mais le support cédérom connaît lui aussi ses limites,
notamment celles du format, et de sa mémoire. Le propre du réseau
Internet est de justement pouvoir être un support en mouvement qui permet
une interaction des contenus, des sites : un lieu unique, ubique, mouvant.
Les contraintes géographiques sont ainsi abolies, reste le
problème du temps réel et du temps différé. Aussi
une des questions soulevées notamment sur le groupe de discussion
« e-criture » est la conservation des oeuvres
numériques. Comment échapper à la contrainte du temps, au
changement de logiciels, de format, des machines...L'oeuvre hypertextuelle bien
plus que le livre a une durée de vie très brève,
lorsqu'elle a été publiée sur disquette par exemple.
La polémique sur les droits d'auteurs est
aussi un débat et sur les possibles pillages des oeuvres en ligne. Le
paysage de l'édition est en pleine mutation de la maison
d'édition en ligne à auto-médiation des auteurs Internet
remet en question les limites des genres et des pratiques éditoriales.
Cependant la maison d'édition joue un rôle
fédérateur et de diffusion des oeuvres. Alors qu'aux Etats-Unis
les auteurs sont regroupés au sein d'une maison d'édition, et
autour d'une organisation de la littérature électronique, qui a
pour fonction de faire connaître cette littérature, de la
légitimer, le web français ne connaît pas encore de site
fédérateur qui regrouperait les auteurs, organiserait des prix
littéraires, etc.
Un autre paradoxe apparaît à la lecture
des oeuvres : le codex, la publication sur papier apparaît encore
comme une fin en soi. C'est-à-dire que l'oeuvre hypertextuelle
publiée sur Internet devient parfois oeuvre de papier, ce qui est
contraire à ses origines et son support. Le web n'est-il qu'un
détour ? Deviendrait-il un moyen se faire publier ? La
question reste ouverte. De la même manière l'interactivité
tant revendiquée du réseau apparaît tout de même
réduite et reléguée au second plan. En effet la
littérature hypertextuelle ne se conçoit pas comme un jeu
vidéo, qui lui privilégie la simultanéité. Ainsi
l'hyperfiction se distingue de la fiction interactive par la non synchronie des
acteurs.
La fiction hypertextuelle doit donc être
abordée par le renouvellement du support qu'est l'hypertexte, qu'il
appartienne à Internet ou à un autre support. De même
à l'hypertexte technologique répondent un hypertexte mental et un
hypertexte de lecture-écriture. Les trois convergent donc dans le
triangle de la communication : le lecteur, l'oeuvre et l'auteur.
Aussi la dernière citation devrait semble-t-il
être attribuée à l'un des trois enseignants de
l'hyperfiction : Robert Coover, Jean Clément ou Beat Suter.
VI. Bibliographie
A. Corpus
1.
Monographies
BRANDENBOURGER Anne-Cécile, La
malédiction du parasol, Paris, 00h00.com, « collection
2003 », Florent Massot, (version papier), Juillet 2000
CAMUS, Renaud, P.A. (Petites Annonces),
Paris, Éditions P.O.L., 1997
CAMUS, Renaud, Ne lisez pas ce livre, Paris,
Éditions P.O.L., novembre 2000
LIVINGSTONE, Ian, La cité des
voleurs, Paris, Folio junior, « Un livre dont vous êtes de
héros », 1983
2.
Logigraphie
COULON François, 20% d'amour en plus,
Éditions Kaona, cédérom, 1996
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cédérom, présenté à Isea 2000, informations
sur le site :
http://www.francoiscoulon.com
DENIZE, Antoine, Machines à écrire,
Gallimard, cédérom. 1999
DUFOUR, Franck, ARMANETTI, Gilles, CHIFFOT, Alain, Sale
Temps, cédérom, 1996
3. Format numérique
« collection 2003 ».
BRANDENBOURGER Anne-Cécile, Apparitions
inquiétantes [format PDF], Paris, 00h00.com,
« collection 2003 », 8 février 2000
HONNORAT, Hélène, Poids de naissance,
[format PDF] Paris, 00h00.com, « collection 2003 ».
LA COSTE (de) Pierre, Qui veut tuer Fred Forest, [format
PDF] Paris, 00h00.com, « collection 2003 ».
MONTY Lylian, Acide Triptique, [format PDF] Paris,
00h00.com, « collection 2003 », 3 septembre 2000
PÉTREMAND Mylène, Géographie du
ventre, [format PDF] Paris, 00h00.com, « collection
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4. OEuvres en ligne
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http://www.globetrotter.net/gt/usagers/scriptura/
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http://www.synesthesie.com/boutiny/#
, 1997-2000
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inquiétantes [en ligne] 1997-2000 :
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Equariss'ange, [en ligne]
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ou elle, [en ligne] Avril 1999
http://cartable.citeweb.net/rmi/titre.htm
5. Oeuvres collectives et/ou
contributives en ligne
(Collectif) Alcofibras, Trois romans simultanés
en ligne,
http://www.multimania.com/alcofibras/
(Collectif) Les vendanges en bourgognes,
1999-2000 :
http://www.vendanges-en-bourgogne.com/roman_interactif.htm
(Collectif) Le tueur à la hache, émission
Vol de nuit (TF1), 2000-2001:
http://www-compat.tf1.fr/tv//emissions_old/vol_de_nuit/home/page_home.htm
(Collectif) Arte Thema, le roman interactif :
http://www.arte-tv.com/them@/ftext/ia_roman/index.html
(Collectif) The Web soap, disponible à
l'adresse :
http://www.thewebsoap.net ou
à l'adresse :
http://www.bluemailer.com (site
d'écriture)
(Collectif), le Roman Online, divers oeuvres
participatives,
http://www.meubleshop.com/roman/body-roman.htm
Le magazine kafkaïens, Nouvelles à
suivre :
http://www.kafkaiens.org/nouthe.htm
Aventures virtuelles :
http://www.kafkaiens.org/virtuel.htm
B. Monographies
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« Tel Quel », 1973
BARTHES, Roland, Fragments d'un discours amoureux,
Paris, Seuil, « Tel Quel », 1977
BARTHES, Roland, S/Z, Paris, « Points
essais », 1970
BARTHES, Roland, Critique et vérité,
Seuil, « Points essais », 1966
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1991.
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Georges-Louis, Le livre électronique, Paris, Hermès,
coll. « Sciences et techniques éducatives », vol.
n°5, décembre 1998.
CHARTIER, Roger, Le livre en révolutions,
Entretiens avec Jean Lebrun, Paris, Textuel, 1997
ECO Umberto, Apostille au nom de la rose, Paris,
Grasset, coll. le livre de poche, biblio essai, 1985
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E. Lexiques, dictionnaires, glossaires.
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Le Petit Robert. Dictionnaire analogique et
alphabétique de la langue française : Nouvelle éd.. du
Petit Robert de Paul Robert, texte remanié et amplifié sous
la direction de Josette Rey-Debove et Alain Rey, Le Robert- Liris interactive,
1996.- CD-ROM PC/MAC, version 1.2.
Le Petit Robert, Dictionnaire analogique et
alphabétique de la langue française nouvelle édition,
2000 (papier)
Le Petit Larousse illustré de l'an 2000
Le Petit Larousse édition 1989
Dictionnaire Flammarion de la langue française,
nouvelle édition établie sous la direction de Bruno Bourdon, 1998
Le dictionnaire de la francophonie, Hachette et l'Aupelf-Uref
www.francophonie.hachette-livre.fr/,
Trésor de la Langue française
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http://zeus.inalf.fr/tlf.htm
Albert Dauzat, Henri Mitterrand, Jean Dubois, Dictionnaire
étymologique et historique du français, Paris, Larousse,
1998.
2. Encyclopédie :
Encyclopédie Britannica (
http://www.britannica.com)
Encyclopédie Encarta (
http://www.encarta.msn.com/)
Encyclopaedia Universalis.
3. Terminologie d'Internet et informatique
AFNOR (Association Française de Normalisation),
Dictionnaire de l'informatique, « le vocabulaire
normalisé » 1997
AFNOR, Dictionnaire du multimédia, de Jacques
Notaise, Jean Barda, et Olivier Dussanter, 1996
DGLF (Délégation générale à la
langue française) : Journal officiel du 16 mars 1999,
Vocabulaire de l'informatique et de l'internet.
DONFU Pierre, Diconet : le monde multimédia, Internet :
les mots, les outils, les adresses Paris, Flammarion, 1997
Le Monde, Hypertexte, « Sabir
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GERVAIS André, avec la collaboration de
BÉRUBÉ, « Petit glossaire des termes « en
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lettres modernes Minard.
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OTMAN Gabriel, Les mots de la cyberculture, Paris,
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mars 1998
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BALNÉO, la néologie interactive, Réseau
International de Terminologie,
http://www.rint.org/
BORNEO 1 ET 2 Base d'Observation et de Recherche des
Néologismes, CNRS, INaLF,
http://www.inalf.fr/borneo/
F. Revues, journaux et sites
connexes
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éc/art S n° 2,
« textualités et nouvelles technologies », site de
recherche et d'expérimentation poétique et artistique, Paris,
2000-2001,
www.ecarts.org
Lire, « Comment la technologie modifie
l'écriture », Avril 2000.
Magazine Littéraire, « La relève
des avant-garde », n° 392, Novembre 2000. [en ligne] :
http://www.magazinelitteraire.com
2. Journaux en ligne
Le Monde.
http://www.lemonde.fr/
Libération, dossier « le livre
virtuel », en ligne :
www.liberation.com
3. Sites connexes
00h00.com : « Dossier consacré
à Apparitions inquiétantes »
www.00h00.com\html\news\010200apparitions\Index.htm
Agraph, groupe de recherche :
www.agraph.org
Coulon François :
http://www.francoiscoulon.com
Département hypermédia de
l'université de Saint-Denis :
http://hypermedia.univ-paris8.fr/
Maison d'édition Eastgate System :
http://www.eastgate.com/
E-critures :
http://www.e-critures.org
Fabula,
www.fabula.org
Site personnel de Beat Suter, consacré à
l'hyperfiction :
www.hyperfiction.ch
Mélusine,
www.melusine-transgraphe.asso.fr
Maison d'édition Le Manuscrit :
http://www.manuscrit.com/
Organisation de la littérature
électronique :
http://www.eliterature.org/
Société des gens de Lettres,
http://www.sgdl.org
Zazieweb :
http://www.zazieweb.com/
G. Groupe de discussion, liste de
diffusion
Litor, liste de diffusion consacrée à
« littérature et ordinateur » :
http://www.cavi.univ-paris3.fr/phalese/litor1.htm
Cybertexte, groupe de discussion relatif au groupe de recherche
écritures hypertextuelles : cybertexte@egroups.fr
e-critures groupe de discussion relatif à la
littérature électronique :
http://www.egroups.fr/group/e-critures
H. Interventions, journée
d'études
AGRAPH : Jean Pierre Balpe, Eléonore Gerbier, Marine
Nessi, Djeff Regottaz, Tony Houziaux, Soufiane Bouyahi, Trajectoires,
Paris , dans le cadre Isea 2000, vendredi 8 décembre 2000.
AMATO, Etienne Armand, la problématique de l'auteur
collectif, groupe écritures hypertextuelles, le 14 décembre
2000
COULON, François, Pause, Paris,
présentations personnelles sur le thème fiction et
écriture, dans le cadre de Isea 2000, vendredi 8 décembre 2000.
informations disponibles sur le site :
http://www.francoiscoulon.com
Table ronde sur le thème « écrire sur
Internet » : Éditions 00h00, DE BOUTINY, Lucie,
BRANDENBOURGER, Anne Cécile, WERBER Bernard, Paris, Salon du livre, 17
mars 2001,
Journée d'Étude à la Bibliothèque
Nationale de France sur le livre impossible, table ronde
« Un livre sans fin ? » : ARBON, Jean-Pierre,
BRANDENBOURGER, Anne Cécile, CLÉMENT, Jean, DENIZE, Antoine.
* 1 Jean Clément, article
«hyperfiction » in Encyclopaedia Universalis.
* 2 Jay David Bolter,
Writing Space : The Computer Hypertext and The History of
writing,
* 3 Vannevar Bush était
alors directeur du bureau de la recherche scientifique et du
développement qui avait coordonné les activités de plus de
6000 scientifiques américains pendant la seconde guerre mondiale.
* 4 La traduction
littérale du titre en français signifie : Selon notre
façon de penser
* 5 Vannevar Bush, As we
may think, «The Athlantic Monthly», Juillet 1945, trad. Ch.
Monatte.
* 6 Roger Laufer et Domenico
Scavetta, Texte, hypertexte, hypermédia, Paris, PUF, Que
sais-je ?, n° 2629, deuxième édition corrigée
février 1995, p 40
* 7 Seul Guy Teasdale, chercheur
à l'université de Montréal fait mention de Paul Otlet dans
son historique de l'hypertexte. UNIVERSITE DE LAVAL (Canada) (page
consultée le 24 Octobre 2000) L'hypertexte : historique et
applications en bibliothéconomie.
http://www.fas.umontreal.ca/EBSI/cursus/vol1no1/teasdale.html
* 8 Un cadre conceptuel pour
l'accroissement de l'intellect humain
* 9 C'était le nom de
l'un des palais de rêve de l'empereur mongol Kubla Khan, près de
Pékin, cité par Coleridge dans un de ses poèmes.
* 10 Hélène
Godinet-Hustache, Lire-écrire des hypertextes, Villeneuve
d'Ascq, Presses Universi-taires du Septentrion, coll. « Thèse
à la carte », 1998.
* 11 Roger Laufer et Domenico
Scavetta, Texte, hypertexte, hypermédia, Paris, PUF, Que sais-je
n°2629, deuxième édition corrigée février,
1995, p 67
* 12 ibid., p 67
* 13 Jean Pruvost,
Dictionnaires et nouvelles technologies, Paris, PUF, coll.
« écritures électroniques », 2000, p 15
* 14 « Edition
électonique », Encyclopaedia Universalis,
* 15 sabir cyber, est
une chronique de langue hebdomadaire publiée dans Le Monde
Multimédia
* 16 Office de la Langue
Française : Terminologie d'Internet,
http://www.olf.gouv.qc.ca
* 17 Gabriel Otman, Les
mots de la cyberculture, Paris, Belin, coll. « le
français retrouvé », 1998, p 160
* 18 Voir chapitre 1, A..1
Vannevar Bush
* 19 1996
* 20 Petit Larousse
2000
* 21
www.francophonie.hachette-livre.fr/,
Le dictionnaire Hachette francophone est le seul dictionnaire dont
tous les mots d'une définition sont activables.
* 22 Jay David Bolter,
Writing Space : The computer, hypertext, and the history of writing,
Lawrence Erlbaum Associates, 1991.
* 23 George P. Landow,
Hypertext : the convergence of contemporary critical theory and
technolo-gy, The Johns Hopkins University Press, 1992
* 24 Alain Giffard,
« Petites Introductions à l'hypertexte », in
Banques de Données et hypertextes pour l'études du
roman, Paris, Puf, 1997, Nathalie Ferrand (coord.)
* 25 Roland Barthes,
Critique et vérité, Seuil, « Points
essais », 1966
* 26 Roland Barthes,
S/Z, Paris, Seuil, collection «Points essais», 1970, p 18
* 27 Jean Clément,
« Du texte à l'hypertexte : vers une
épistémologie de la discursivité
hypertextuelle », Article paru dans Balpe J. P. Lelu A., Saleh I.
(coords), Hypertexte et hypermédias : réalisations,
outils, méthodes, Paris, Hermès, 1995
* 28 J. Derrida, De la
grammatologie, Paris, Editions de Minuit, 1967, p 129-130.
* 29 op. cit. p 16-17
* 30 ibid. p 17
* 31 André Gervais
avec la collaboration de Renald Bérubé, Archives des lettres
modernes, n° 269, « petit glossaire des termes en
"texte" », Paris-Caen, Lettres modernes Minard, 1998
* 32 la coïncidence a
été remarquée par Jean Louis Lebrave, in « de
l'avant-texte à l'hypertexte : la fin du texte ? »,
Ecriture, Informatique, pédagogies, Paris, CNDP, 1990, pp
66-70.
* 33 Gérard Genette,
Palimpsestes, la littérature au second degré, Paris, Seuil,
Points essais, 1982
* 34 ibid., p 10
* 35 Gilles Deleuze, Felix
Gattari, Capitalisme et schizophrénie, volume 2, Mille Plateaux, Paris,
édiion de Minuit, 1980.
* 36 Gilles Deleuze.. ibid, pp
9-37
* 37 D'un point de vue
strictement personnel, elle m'a permis de comprendre les principes sous-jacents
et fondamentaux que le réseau met en jeu quel qu'il soit et sous tous
ses avatars.
* 38 L'image Deleuze,
Foucault, Lyotard, collectif. Mireille Buydens, « la
forme dévorée pour une approche deleuzienne
d'Internet ». Thierry Lenain (coord), Louvain, éd. VRIN,
1997,. Université Catholique de Louvain. p 42
* 39 Deleuze...op.cit., p 11
* 40 ibid. p 11
* 41 ibid. p 11
* 42 ibid, p 12
* 43 ibid. p 13
* 44 l'ordre des principes est
l'ordre dans lequel les auteurs les définissent.
* 45 ibid. , pp
13-14
* 46 ibid, p 31
* 47 ibid, p 31
* 48 ibid, p 31
* 49 ibid, p 19
* 50 ibid., p 31
* 51 ibid., p 10
* 52 ibid., p 32
* 53 ibid., p 33
* 54 L'image Deleuze,
Foucault, Lyotard, collectif. Mireille Buydens, « la
forme dévorée pour une approche deleuzienne
d'Internet ». Thierry Lenain (coord.), Louvain, éd. VRIN,
1997,. Université Catholique de Louvain. pp 42-63
* 55 Pierre Lévy, les
technologies de l'intelligence, l'avenir de la pensée à
l'ère informatique, Seuil, Points, 1990, pp 30-31 cf Annexe IV
* 56Christian Vandendorpe,
Du papyrus à l'hypertexte, essai sur les mutations du texte et de la
lecture, Paris, science et société, Editions la
découverte, 1999 p 41
* 57 Petit Robert
cédérom, 1996
* 58 Cité par
Hélène Godinet Hustache,
* 59 Milorad Pavic, Le
dictionnaire Khazar, « roman lexique, exemplaire
féminin », Paris, Belfond, 1988
* 60 Jean Clément est
à l'origine de dette distinction entre le proto-hypertexte ou
l'hypertexte de papier et l'hypertexte sur écran. Il estime que le
proto-hypertexte peut être considéré comme un
modèle, « un prototype » de l'hypertexte sur support
informatique, mais qu'il ne faut pas non plus les confondre si on veut analyser
l'hypertexte comme un outil informatique.
* 61 Milorad Pavic, Le
dictionnaire Khazar, roman lexique, exemplaire féminin, Paris,
Belfond, 1988, pp20-21
* 62 Roland Barthes, Critique
et vérité, pp 83-86
* 63 Roger Chartier,
« Du Codex à l'écran les trajectoires de
l'écrit », Paris, revue écart numéro 2,
textualité et nouvelles technologies, pp 41-47
* 64 ibid, p 46
* 65 Umberto Eco, Apostille
au nom de la rose, Paris, Grasset, coll. le livre de poche, biblio essai,
1985, pp 54-61
* 66 Roger, Chartier
« Du Codex à l'écran les trajectoires de
l'écrit », Paris, revue écart numéro 2,
textualité et nouvelles technologies, pp 41-47
* 67 Franck Dufour, Gilles
Armanetti, Alain Chiffot, Sale Temps, cédérom, 1996
* 68 François Coulon,
20% d'amour en plus, Éditions Kaona, cédérom,
1996
* 69Anne-Cécile
Brandenbourger, Apparitions inquiétantes [en
ligne] 1997-2000 :
http://www.anacoluthe.com/bulles/apparitions/jump.html
* 70 Lucie de Boutiny,
NON [en ligne] :
http://www.synesthesie.com/boutiny/#
, 1997-2000
* 71Renaud Camus, Vaisseaux
Brûlés [en ligne] :
http://perso.wanadoo.fr/renaud.camus/presentation.html,
1997-2000
* 72
http://www.total.net/~amnesie/
* 73 L.C. (anonyme), Aux
cotres furtifs, [en ligne] 1998 :
http://www.cotres.net/
* 74 Jean Pierre Arbon,
« Lire autrement, une année d'offre
numérique », Paris, Bulletin des Bibliothèques de
France, Tome 44, numéro 5, 1999
* 75 Alain Salvatore,
Écran Total, [en ligne],
http://alain.salvatore.free.fr/
* 76 Roger Chartier, Le
livre en révolutions, Paris, Seuil,
« textuel », 1997
* 77 NOIVILLE Florence,
Internet, nouvelle adresse pour la littérature ? Le Monde,
22 Janvier 1999
* 78Alain, Vuillemin, Michel,
Lenoble (coord) Littérature, informatique, lecture : de la lecture
assistée par ordinateur à la lecture interactive. Limoges :
Presses de l'Université de Limoges et du Limousin, [1999]
* 79 (Société des
gens de lettres), « Comment lirez vous demain »,
www.sgdl.org/enquete.html,
page consulté le 23/07/2000. (annexe)
* 80 Pierre de la Coste,
Qui veut tuer Fred Forest, [format PDF] Paris, 00h00.com,
« collection 2003 ».
* 81 Lylian Monty, Acide
Triptique, [format PDF] Paris, 00h00.com, « collection
2003 », 3 septembre 2000
* 82 Hélène
Honnorat, Poids de naissance, [format PDF] Paris, 00h00.com,
« collection 2003 ».
* 83 Mylène
Pétremand, Géographie du ventre, [format PDF] Paris,
00h00.com, « collection 2003 », 15 Janvier 2001
* 84 Anne-Cécile
Brandenbourger, Apparitions inquiétantes [format PDF],
Paris, 00h00.com, « collection 2003 », 8 février
2000
* 85
http://www.thewebsoap.net
* 86 Groupe Agraph : Jean
Pierre Balpe, Eléonore Gerbier, Marine Nessi, Djeff Regottaz, Tony
Houziaux, Soufiane Bouyahi, Trajectoires, Paris présenté dans le
cadre Isea 2000, vendredi 8 décembre 2000.
* 87 00h00 et le Village Ebook,
Comment lira t-on demain, Salon du livre 2000
* 88 MOLLIER Jean-Yves et
collectif, Où va le livre ?, Paris, La dispute, 2000
* 89
www.liberation.com
* 90 Lire,
« Comment la technologie modifie l'écriture », Avril
2000.
* 91 Cf. annexe
* 92 Mylène Tremblay,
travaille actuellement sur l'hyperfiction, elle soutiendra son mémoire
de DEA, en janvier 2002.
* 93 Table ronde sur le
thème « écrire sur Internet » :
Éditions 00h00, DE BOUTINY, Lucie, BRANDENBOURGER, Anne Cécile,
WERBER Bernard, Paris, Salon du livre, 17 mars 2001,
* 94 Journée
d'Étude à la Bibliothèque Nationale de France sur le
livre impossible, table ronde « Un livre sans
fin ? » : ARBON, Jean-Pierre, BRANDENBOURGER, Anne
Cécile, CLÉMENT, Jean, DENIZE, Antoine.
* 95 Gabriel Otman, Les mots de
la cyberculture, Paris, Belin, coll. « le français
retrouvé », 1998, p 157
* 96 Beat Suter, Michael
Böhler, Hyperfiction, Hyperliterarisches Lesebuch : Internet und
Literatur mit CD-ROM, Basel ; Frankfurt am Main : Stroemfeld, 1999
* 97 COOVER Robert,
Hyperfiction, Courrier International n° 151, 23/09/1993, pp
34-35 cf. Annexe
* 98 « Avec
Vaisseaux brûlés, celui-ci a construit sur Internet une
véritable hyperfiction à partir d'un livre paru chez POL, en
1997. »
* 99 « Le concept
d' « hyperfiction » a été choisi comme titre de ce
livre, parce qu'il exprime le phénomène certifié comme
l'unique dans cette catégorie : l'ouverture d'un nouvel espace
virtuel de narration, dans lequel sont racontées les histoires des
hommes et les situations de la vie, comme il en est ainsi dans la
littérature traditionnelle, mais par lequel on essaie de nouvelles voies
et on expérimente de nouvelles formes. »
* 100 « une
hyperfiction est un hypertexte électronique qui envisage le texte comme
un tissu ou une texture à laquelle on ne cesse d'entrelacer d'autres
textes. On lie des fragments de texte isolés les uns des autres, ils
sont liés à la fois de l'intérieur et de
l'extérieur du document de manière associative et non
séquentielle comme dans la structure d'un rhizome ou d'un
arbre »
Beat Suter, Michael Böhler, Hyperfiction,
Hyperliterarisches Lesebuch : Internet und Literatur mit CD-ROM, Basel ;
Frankfurt am Main : Stroemfeld, 1999 p 15-16
* 101 Après avoir
consulté l'encyclopédie britannica en ligne
(http://www.britannica.com), Encarta en ligne (http://www.encarta.msn.com/), et
les différents dictionnaires de langue française de
l'année 2001, il s'avère qu'aucun ne mentionne le mot
hyperfiction.
* 102 CLÉMENT Jean,
Hyperfiction, Encyclopaedia Universalis, 1997 cf. annexe
* 103 Recherche
effectuée le 3/01/2001
* 104 L. G. Savard, Es-tu
là,
http://www.destination.ca/~lgsavard/
* 105 Pierre Barboza,
« Sale temps pour la fiction, proposition au sujet d'une
hyperfiction », in La mise en scène du discours
audiovisuel, Jean Paul Desgouttes (dir.), L'harmattan, Paris 1999
* 106 Jean Clément,
« Hypertexte et Complexité » in Internet et
littérature, nouveaux espaces d'écritures, Montréal,
Études Françaises, Mars 2000, p 53
* 107 Hélène
Godinet-Hustache, Lire-écrire des hypertextes, Villeneuve
d'Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, coll. « Thèse
à la carte », 1998.
* 108 Ibid. p
166-211
* 109 Gabriel Otman, Les mots
de la cyberculture, Paris, Belin, coll. « le français
retrouvé », 1998, p 157
* 110 Aline (page
personnelle) (date : le 30 octobre 2000) Une araignée dans la
toile, [en ligne].
http://perso.wanadoo.fr/aline.elorn/page1.htm
* 111 Jacques Savoy, le
livre électronique, EBOOK3, Berne-Paris, P. Lang éditeur,
« Publication universitaires européennes » 1987. pp
85-93
* 112 ibid. p 87
* 113
http://.gallica.bnf.fr
* 114 Renaud Camus,
Vaisseaux Brûlés [en ligne] :
http://perso.wanadoo.fr/renaud.camus/presentation.html,
1998-2000
* 115 Anne Cécile
Brandenbourger, La malédiction du Parasol, Paris, Florent
Massot, (version papier), 2000, p 4
* 116 Pierre de La Coste,
Qui veut tuer Fred Forest, [format PDF] Paris, 00h00.com,
« collection 2003 ».
* 117 Pierre de La Coste,
www.melusine-transgraphe.asso.fr\
* 118 Pierre de La Coste ,
ibid.
* 119 Xavier Malbreil, Je
ne me souviens pas très bien,
http://www.0m1.com, 2000
* 120 Mylène
Pétremand, Géographie du ventre, [format PDF] Paris,
00h00.com, « collection 2003 », 15 Janvier 2001
* 121 Agraph : Jean
Pierre Balpe, Eléonore Gerbier, Marine Nessi, Djeff Regottaz, Tony
Houziaux, Soufiane Bouyahi, (date) Trajectoires [en ligne] :
http://www.trajectoires.com
* 122 Anne Cécile
Brandenbourger, La malédiction du Parasol, Paris, Florent
Massot, (version papier), 2000, p 4
* 123 François Coulon,
Pause, Paris, présentations personnelles sur le thème
fiction et écriture, dans le cadre de Isea 2000, vendredi 8
décembre 2000. informations disponibles sur le site :
http://www.francoiscoulon.com
* 124
http://alain.salvatore.free.fr\palhtml\mod.htm
* 125 François le
Lionnais, « la lipo (Le premier Manifeste) », et
« Le second Manifeste », Oulipo la littérature
potentielle, Paris, Gallimard, « Folio essais », 1973,
pp 15-23
* 126 François le
Lionnais, « Le second Manifeste », Oulipo la
littérature potentielle, Paris, Gallimard, « Folio
essais », 1973, p 19-20
* 127 le projet Arta a
été lancé à l'initiative de L'atelier de Recherches
avancées du Centre national d' Art et de Culture Georges Pompidou, il
émane des manifestations Europalia, de 1975.
* 128 Les
« Cents mille Milliards de Poèmes » est
disponible sur le cédérom « Machines à
écrire » édité chez Gallimard, 1999. Cette
oeuvre est une des plus adaptées sur support multimédia.
* 129 Agraph : Jean
Pierre Balpe, Eléonore Gerbier, Marine Nessi, Djeff Regottaz, Tony
Houziaux, Soufiane Bouyahi, Trajectoires [en ligne] :
http://www.trajectoires.com
* 130 Groupe Agraph :
Jean Pierre Balpe, Eléonore Gerbier, Marine Nessi, Djeff Regottaz, Tony
Houziaux, Soufiane Bouyahi, Trajectoires, Paris présenté dans le
cadre Isea 2000, vendredi 8 décembre 2000.
* 131Jean Pierre Balpe,
« Une littérature inadmissible », conférence
au Centre Georges Pompidou, octobre 1996.
* 132 Anne-Cécile
Brandenbourger, Apparitions inquiétantes [en
ligne] 1997-2000 :
http://www.anacoluthe.com/bulles/apparitions/jump.html
* 133 Jean François
Verrault, Le Noeud, [en ligne], 1998-2000 :
http://www.total.net/~amnesie/
* 134 François Coulon,
Pause, Paris, présentations personnelles sur le thème
fiction et écriture, dans le cadre de Isea 2000, vendredi 8
décembre 2000. informations disponibles sur le site :
http://www.francoiscoulon.com
* 135 La notion de
destinataire est apparu au milieu du XXème siècle.
* 136 Le feed-back, dans la
théorie de la communication désigne la possibilité de
réponse du destinataire au destinateur. Les rôles sont
inversés, c'est le cas notamment dans la communication orale.
* 137 Cela rejoint la
représentation du lecteur chez Umberto Eco, présentée dans
le chapitre Du lecteur consulteur au lecteur interactif (Chapitre I, E.)
* 138 Italo Calvino, Si par
une nuit d'hiver un voyageur, Paris, Seuil, Points, 1981 (traduction), 1995
(édition).
* 139 Lucie de Boutiny,
NON [en ligne] :
http://www.synesthesie.com/boutiny/#
, 1997-2000
* 140 Alain Salvatore,
Écran Total, [en ligne],
http://alain.salvatore.free.fr/
ou
http://www.multimania.com/ecrantot/palhtml/avert.htm
* 141 Romain Gaudreault et
Monique Noël-Gaudreault ont mis en évidence que d'autres
éditeurs avait développé des collections similaires.
* 142 Romain Gaudreault et
Monique Noël-Gaudreault , « Graphes et textes
plurilinéaires, Livres dont le lecteur est le héros »,
Poétique n°92, Novembre 1992, p 404
* 143 Jean Clément,
« hyperfiction », Encyclopaedia Universalis, 1997
* 144
http://www.jeunesse..hachette-livre.fr
* 145 le terme de
plurilinéarité est emprunté à Romain Gaudreault et
Monique Noël-Gaudreault
* 146 Romain Gaudreault et
Monique Noël-Gaudreault , « Graphes et textes
plurilinéaires, Livres dont le lecteur est le héros »,
Poétique n°92, Novembre 1992, p 401
* 147 Christian Vandendorpe,
« la lecture de l'énigme », Alsic, vol I, n°2,
décembre 1998, pp115-132 [alsic.univ-fcomte.fr]
* 148 Roland Barthes,
S/Z, ...op cit, p 23.
* 149 Christian Vandendorpe,
« la lecture de l'énigme », Alsic, vol I, n°2,
décembre 1998, pp115-132 [alsic.univ-fcomte.fr]
* 150 Franck, Debyser, La
pyramide truquée, Bureau d'Études en Langue et Civilisation
[en ligne].
http://hypermedia.univ-paris8.fr/
* 151 les options offertes aux
lecteurs se situent à la page 4, les pages précédentes
avait pour objectif de mettre en place la situation.
* 152 Lucie de Boutiny,
NON [en ligne] :
http://www.synesthesie.com/boutiny/#
, 1997-2000
* 153
http://www.kafkaiens.org/nousui.htm
* 154 Alcofibras,
Trois romans simultanés en ligne,
http://www.multimania.com/alcofibras/
* 155 Vol de Nuit est une
émission présentée sur TF1 par Patrick Poivre D'Arvors
* 156
http://www-compat.tf1.fr/tv//emissions_old/vol_de_nuit/home/page_home.htm
* 157 l'expéditeur du
message est : Bluemailer Robot [lire-antonin@bluemailer.net]
* 158 Etienne Armand Amato,
« la problématique de l'auteur en collectif »
intervention dans le cadre du groupe de recherche Écritures
Hypertextuelles
* 159 Gabriel Thovernon,
Deux siècles de paralittérature, Liège, Editions
du Cefal, collection Bibliothèque des paralittératures, 1996.
* 160 Dossier le livre vituel,
Libération
* 161 Myriam Boutoulle
« Le Bras de fer de Stephen King », Lire, octobre 2000, p
40
* 162
www.pol-editeur.fr/feuilleton
* 163 la livraison ne
s'effectue que les jours ouvrables, pour une durée de 43 semaines.
* 164 La notion
d'avatar prend ses origines dans la religion hindoue, elle
représente les différentes incarnations du dieu Vichnou.
* 165 l'avatar signifie
métamorphose, transformation elle se place donc dans la
multiplicité le refus de donner une fin à son oeuvre.
* 166 Anne Cécile
Brandenbourger et Olivier Lefevre, paru dans « Inside
Internet » n°29,
* 167
http://www.OOhOO.com
* 168
http://www.total.net/~amnesie/
* 169 Pour mettre en
évidence les épisodes, je me suis servie de la version papier.
* 170 Jean Pierre Arbon est le
co-fondateur de 00H00.com.
* 171 Journée
d'Étude à la Bibliothèque Nationale de France sur le
livre impossible, table ronde « Un livre sans
fin ? » : ARBON, Jean-Pierre, BRANDENBOURGER, Anne
Cécile, CLÉMENT, Jean, DENIZE, Antoine.
* 172 Cf. Annexe
* 173 Dirk Scröder,
«Der Link als Herme und Seitensprung. Überlegungen zur Komposition
von Webfiction« in Beat Suter, Michael Böhler, Hyperfiction,
Hyperliterarisches Lesebuch : Internet und Literatur mit CD-ROM, Basel ;
Frankfurt am Main : Stroemfeld, 1999. pp 54-55
* 174 cf. III. E.
* 175 Randall H. Trigg,
«A taxonomy of Link Types» (Chapitre 4) :
http://www.parc.xerox.com/spl/members/trigg/thesis/thesis-chap4.html.
[en ligne]
* 176 cf. Annexe
* 177 Les liens organisant la
fiction seront abordés dans le B
* 178 Ne sont ici
analysé que les renvoi contenus dans l'oeuvre et non pas les support
fermés, qui certes peuvent contenir des liens Internet mais leur
fonction n'est sensiblement pas la même. Ces derniers sont en effet des
catalogues, ou des annuaires.
* 179
www.anacoluthe.com\bulles\apparitions\inquietantes\saphira.html
* 180
http://www.motley-focus.com/~timber/alexpaint.html
* 181
http://www.thewebsoap.net
* 182
www.0m1.com
* 183 SUTER Beat,
Hyperfiktion und interaktive Narration, im frühen Entwicklungsstadium
zu einem Genre, Zürich, update verlag, 2000.
* 184 Ibid. « De
nombreux liens dans l'hyperfiction sont également organisés comme
renvoi métonymique. Le premier lien de l'hyperfiction Waltraude
hält die Welt in Atem « ainsi que le lien de début de Zeit
für die Bombe«, sont tenu respectivement pour métonymique, car
dans les deux cas le titre est une unité de lecture possible, et en
même temps le premier lien, qui renvoie au commencement de l'
histoire. »
* 185
http://www.bluemailer.com
* 186 Jean Clément,
« Du texte à l'hypertexte : vers une
épistémologie de la discursivité
hypertex-tuelle », Article paru dans Balpe J. P. Lelu A., Saleh I.
(coords), Hypertexte et hypermédias : réalisations,
outils, méthodes, Paris, Hermès, 1995
* 187 Nicholas Burbules,
rhetoric on the web«, [en ligne] :
http://faculty.ed.uiuc.edu/burbules/ncb/papers/rhetorics.html,
1997
* 188 Cité par Beat
Suter, Hyperfiktion und interaktive Narration, im frühen
Entwicklungsstadium zu einem Genre, Zürich, update verlag, 2000. p
146
* 189 Alors que le regard du
lecteur passe sur le texte en présence, (axe x), pour associer le
révélateur à la signification, (seconde dimension axe y),
se déploie l'axe z : la liaison complémentaire à un texte
postérieur via l'hyperlien"
* 190 Beat Suter, Hyperfiktion
und interaktive Narration, im frühen Entwicklungsstadium zu einem Genre,
Zürich, update verlag, 2000.
* 191 « la sortie de
secours » est le lien retour dans Apparitions
inquiétantes.
* 192 Anne-Cécile
Brandenbourger, Apparitions inquiétantes [en
ligne] 1997-2000 :
http://www.anacoluthe.com/bulles/apparitions/jump.html
* 193 Hélène,
Honnorat, Poids de naissance, [format PDF] Paris, 00h00.com,
« collection 2003 ».
* 194 Pierre, de La Coste,
Qui veut tuer Fred Forest, [format PDF] Paris, 00h00.com,
« collection 2003 ».
* 195 Renaud, Camus,
Vaisseaux Brûlés [en ligne] :
http://perso.wanadoo.fr/renaud.camus/presentation.html,
1998-2000
* 196 Mylène,
Pétremand, Géographie du ventre, [format PDF] Paris,
00h00.com, « collection 2003 », 15 Janvier 2001
* 197 Renaud, Camus,
Vaisseaux Brûlés [en ligne] :
http://perso.wanadoo.fr/renaud.camus/presentation.html,
1998-2000
* 198 Bernard Dupriez, Gradus,
les procédés littéraires, collection 10/18.
* 199 Michel Bernard,
« Lire l'hypertexte », in Alain Vuillemin, Michel Lenoble
(coord), Littérature et informatique, la littérature
générée par ordinateur, Arras, Artois Presses
Université, collection « étude
littéraire », 1995, pp 313-325
* 200 cf.annexe
* 201 VERREAULT Jean
François, Le Noeud, [en ligne], 1998-2000 :
http://www.total.net/~amnesie/
* 202 Anne-Cécile
Brandenbouger, La malédiction du parasol [format PDF], Paris,
00h00.com, « collection 2003 », 8 février 2000
* 203 ibid. p 160 et 161
* 204 ibid. p 185 et 186
* 205 ibid. p 6 et 8
* 206 ibid p 59 et 109
* 207 ibid. p 80
* 208 ibid. p 81
* 209 ibid. p 183 et 187
* 210 ibid. p 152
* 211 ibid. p 227
* 212 ibid. p 228.
* 213 ibid. p 162
* 214 ibid. p 166
* 215 ibid. p 16
* 216 ibid. p 47
* 217 ibid. p 106
* 218 ibid. p 109
* 219 ibid. p 27
* 220 ibid. p
* 221 ibid. p 13
* 222 ibid. p 14.
* 223 ibid. p 75
* 224 ibid. p 130
* 225 Pierre, La Coste (de),
Qui veut tuer Fred Forest, [format PDF] Paris, 00h00.com,
« collection 2003 ».
* 226 ibid. p 12 à
181
* 227 ibid. p 183 à
213
* 228 ibid. p 29
* 229 Le personnage Fred est
peintre.
* 230 ibid. p 186
* 231 Hélène,
Honnorat, Poids de naissance, [format PDF], Paris, 00h00.com,
« collection 2003 ».
* 232 ibid. p 10 à
54
* 233 ibid. p 56 à
81
* 234 ibid. p 56
* 235 ibid. p 66
* 236 ibid. p 18
* 237 ibid. p 59
* 238 ibid. p 63
* 239 ibid. p 73
* 240 ibid. p 50
* 241 ibid. p 80
* 242 ibid. p 54
* 243 ibid., p 81
* 244 ibid., p 42
* 245 ibid., p 75
* 246 ibid., p 12
* 247 ibid., p 58
* 248 ibid., p 38
* 249 ibid., p 74
* 250 ibid., p 19
* 251 ibid., p 60
* 252 ibid., p 31
* 253 ibid., p 69
* 254 ibid., p 31
* 255 ibid., p 69
* 256 La glose annotation
entre les lignes ou en marge d'un texte pour expliquer un mot difficile,
éclaircir un passage obscur...
* 257 Lucie de Boutiny,
NON [en ligne] :
http://www.synesthesie.com/boutiny/#
, 1997-2000
* 258 Gustave Flaubert, le
Dictionnaire des idées Reçus, Gallimard, Bibliothèque
de la pléiade, pp 999-1023.
* 259 Marshall Mac Luhan,
Idées reçues à la recherche d'un dictionnaire :
http://perso.wanadoo.fr/jb.guinot/pages/McLuhan.html
* 260
www.anacoluthe.com/bulles/apparitions/inquietantes/librairie.html#2
* 261
www.anacoluthe.com\bulles\apparitions\inconscient\librairie2.html
* 262
www.anacoluthe.com\bulles\apparitions\inconscient\librairie2b.html
* 263
www.anacoluthe.com\bulles\apparitions\inconscient\librairie2c.html
* 264 Mylène
Pétremand, Géographie du ventre, [format PDF] Paris,
00h00.com, « collection 2003 », 15 Janvier 2001, p 79
* 265
www.anacoluthe.com/bulles/apparitions/inquietantes/fleurs.html#1
* 266 Anne-Cécile
Brandenbourger, Apparitions inquiétantes [format PDF],
Paris, 00h00.com, « collection 2003 », 8 février
2000, pp 82-83
* 267 Préface du
Petit Larousse 2001.
* 268
www.anacoluthe.com/bulles/apparitions/inquietantes/solitude.html#2
* 269
www.anacoluthe.com/bulles/apparitions/inquietantes/solitude.html#1
* 270
www.anacoluthe.com\bulles\apparitions\inquietantes\voyeur.html
* 271
www.anacoluthe.com/bulles/apparitions/inquietantes/solitude.html#2
* 272
www.anacoluthe.com/bulles/apparitions/inquietantes/bowie.html#1
* 273 Anne-Cécile
Brandenbourger, Apparitions inquiétantes [format PDF],
Paris, 00h00.com, « collection 2003 », 8 février
2000, p 35
www.anacoluthe.com\bulles\apparitions\inconscient\blafard1.html
* 274 ibid. p 5
* 275 ibid. p 34
* 276
www.anacoluthe.com/bulles/apparitions/inquietantes/blafard.html#1
* 277 Xavier Malbreil,
entretien réalisé pour manuscrit.com, avril 2001.
* 278
* 279 Dirk Schröder,
« der Link als Herme und Seitensprung », in
Hyperfiction
* 280 Il est important de
considérer que la mise en page, le choix et l'emplacement des
graphismes, l'émission de musique, de bruit, de voix,
l'intégration de vidéo et d'animation (y compris les animation de
textes) ne sont pas des ajouts au texte mais des composants égaux en
droit ».
* 281 je regrette que le
support papier ne puisse pas faire apparaître ce système.
* 282
www.anacoluthe.com\bulles\apparitions\inquietantes\syndrome.html
* 283
www.anacoluthe.com\bulles\apparitions\inquietantes\cosmos.html
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