I.1.2. La pauvreté : approche typologique
Plusieurs critères permettent de circonscrire le
concept de pauvreté : le critère d'évaluation, le
critère de profondeur, le critère d'ampleur, le critère
chronologique ou temporel, le critère de nature.
I.1.2.1. Typologie selon le critère
d'évaluation de la pauvreté
Deux approches ont cours en matière
d'évaluation de la pauvreté : l'approche monétaire et
l'approche humaine. De ces approches découlent la pauvreté
monétaire et la pauvreté humaine.
I.1.2.1.1. La pauvreté
monétaire
Dans l'approche monétaire, la pauvreté est
appréhendée à partir d'un seuil de pauvreté qui
varie d'une région à l'autre, d'un pays à l'autre. Ainsi,
pour les pays en développement, le seuil de pauvreté est
fixé à un dollar par jour et par personne, alors que pour les
pays de l'Europe de l'Est et de la Communauté des Etats
Indépendants (CEI), le seuil établi est de 4 dollars par jour et
par personne.
Dans cette perspective, est pauvre tout individu incapable
d'atteindre le seuil établi par jour, ce seuil s'exprimant en terme
monétaire. Cette approche qui a longtemps prévalu dans
l'évaluation de la pauvreté et du développement, a fait
l'objet de critiques pour autant qu'elle occulte l'aspect qualitatif du
développement. D'où la promotion de l'approche humaine.
I.1.2.1.2. La pauvreté
humaine
Contrairement à l'approche monétaire, «
l'approche par les manques » caractérise la pauvreté
humaine, laquelle pauvreté se préoccupe des conditions des
pauvres dans leur milieu. La pauvreté humaine se réfère
aux potentialités qu'un individu est en mesure ou non de
réaliser, en fonction des possibilités qui lui sont offertes. La
pauvreté n'est pas seulement indigence mais aussi manque
d'opportunités réelles. C'est cette approche qui semble de nos
jours rendre compte de la pauvreté dans son effectivité. Cette
notion de pauvreté humaine a été mise sur pied et
vulgarisée par le PNUD qui en a fait son sujet de
prédilection.
I.1.2.2. Typologie selon la profondeur de la
pauvreté
Selon le critère de profondeur ou de degré, qui
renvoie à une approche verticale, la pauvreté a été
catégorisée en deux : « la pauvreté absolue [...] la
pauvreté relative ». Mais le PNUD identifie bien plus. Il y ajoute
la pauvreté extrême.
I.1.2.2.1. La pauvreté
relative
C'est la forme de pauvreté dans laquelle les pauvres
« peuvent avoir juste fait face à leurs besoins fondamentaux
minimaux, mais avoir des ressources limitées qu'ils n'ont pas les moyens
de participer suffisamment à la vie de la société ».
Pour établir la pauvreté relative, on procède par une
classification croissante des ménages selon leur niveau de
dépenses. Puis, on considère les populations dans la proportion
de 30% ou 40% comme relativement pauvres.
I.1.2.2.2. La pauvreté
absolue
Cette forme de pauvreté que le PNUD désigne
encore « pauvreté générale »se
réfère à un état où il y a
impossibilité de faire face aux besoins fondamentaux minimaux pour une
vie acceptable. C'est « l'impossibilité d'un ménage ou d'un
individu de satisfaire à la fois tous les besoins au minimum qui
permettent une vie décente ». Cette forme de pauvreté se
constate en établissant un chiffre de revenus en deçà
duquel les besoins ne sont pas satisfaits.
I.1.2.2.3. La pauvreté
extrême
Cette forme de pauvreté traduit un état de
dénuement, de gêne, d'indigence, de besoin et de privation. Dans
ce cas, les victimes risquent leur vie à court terme si elles ne sont
pas traitées comme des personnes en danger. C'est ce que Riddel et
Robinson appellent « chronical poverty ». Pour eux, « the
chronically poor are those whose income levels remain below a given
poverty-line by minimum consumption standards: they suffer from acute
deprivation ».
I.1.2.3. Typologie selon l'ampleur de la
pauvreté
Le critère d'ampleur renvoie à l'approche
horizontale de la pauvreté. La pauvreté peut être
individuelle ou de masse.
I.1.2.3.1. La pauvreté
individuelle
La pauvreté individuelle renvoie à la question
de besoins essentiels. Elle est perçue d'abord comme une situation de
marginalité. Le pauvre est alors celui qui n'a pas de moyen de faire ce
que réalisent les autres membres du groupe ayant un statut voisin du
sien. La pauvreté isole et, dans une certaine mesure, «
désocialise » l'individu en le privant des comportements types du
groupe en ce qui concerne les consommations et le genre de vie. La
pauvreté individuelle, selon Marc Penouil, est une situation difficile
à cerner.
I.1.2.3.2. La pauvreté de
masse
Cette forme de pauvreté selon le PNUD est
fondamentalement liée à l'âpreté des conditions
géographiques et économiques d'un groupe social ou d'une
communauté donnée. C'est une forme de pauvreté
structurelle et persistante qui va au-delà de l'insuffisance des
ressources financières. L'hostilité de l'environnement
économique global explique souvent cette pauvreté que l'on
rencontre dans certaines localités des provinces de l'Extrême Nord
et de l'Est du Cameroun.
I.1.2.4. Typologie selon le critère
chronologique
Dans cette typologie, on distingue la pauvreté ancienne
et la pauvreté nouvelle.
I.1.2.4.1. La pauvreté
ancienne
Comme son nom l'indique, c'est une pauvreté ancienne et
persistante. Elle est le plus souvent génératrice des autres
formes de pauvreté. Elle peut être due aux conditions
géographiques et économiques d'une société ou d'un
pays.
I.1.2.4.2. La pauvreté
nouvelle
Cette forme de pauvreté renferme ceux que la Banque
mondiale désigne « the new poor ». C'est une forme de
pauvreté due le plus souvent à une rupture du niveau des revenus.
Les caractéristiques de l'organisation sociale et les mutations
politico-économiques sont porteuses de cette forme de pauvreté.
Elle naît des événements qui prennent des proportions et
produisent des conséquences qui auraient été moindres dans
un autre contexte. Comme expliquent Riddel et Robinson,
«The new poor are those who were previously above the
poverty-line but have since joined the ranks of the poor as result of economic
recession or structural adjustment programs».
Les milliers de déflatés de la fonction publique
et du secteur privé camerounais comptent parmi les nouveaux pauvres.
I.1.2.5. Typologie selon le critère
spatial
La pauvreté s'exprime aussi en fonction du milieu ou de
la zone où elle sévit. Ainsi parle-t-on de la pauvreté
rurale et de la pauvreté urbaine.
I.1.2.5.1. La pauvreté
rurale
C'est une pauvreté caractéristique des zones
rurales. Outre la faible productivité de l'agriculture, la principale
cause de pauvreté rurale est la difficulté d'accéder aux
facteurs de production (sol et capital) et à la ressource vitale que
constitue l'eau.
Combattre efficacement cette forme de pauvreté suppose
des réformes agraires améliorant l'accès aux ressources et
aux facteurs de production, ainsi que des activités de formation, de
recherche agronomique. La pauvreté au Cameroun touche en grande partie
la population rurale. La pauvreté rurale entraîne l'exode rural et
les migrations interrégionales qui déplacent le problème
dans les zones urbaines.
I.1.2.5.2. La pauvreté
urbaine
C'est une forme de pauvreté caractéristique des
zones urbaines. L'exode rural, la montée du chômage qui
entraîne des phénomènes tels que la prolifération de
l'habitat spontané, l'insalubrité et l'insécurité
sont à l'origine de cette forme de pauvreté. La pauvreté
urbaine s'évalue non seulement sur des critères de revenus mais
également sur ceux qui concernent les conditions de vie qui
déterminent implicitement la capacité à produire un niveau
monétaire suffisant d'une part, et la capacité à
générer une croissance libératrice de la misère
d'une part. Plus de la moitié des populations urbaines au Cameroun vit
actuellement dans des quartiers sous-équipés et dans des
conditions très précaires.
I.1.2.6. Typologie selon la nature des
ressources
La pauvreté s'exprime aussi en terme de nature de
ressources. Ainsi pourra-t-on parler de pauvreté matérielle et de
pauvreté non matérielle.
I.1.2.6.1. La pauvreté
matérielle
Cette forme de pauvreté s'exprime en terme de manque de
ressources matérielles. Les ressources alimentaires, les infrastructures
sanitaires, scolaires, l'habitat, constituent autant de ressources dont le
manque traduit la pauvreté matérielle.
I.1.2.6.2. La pauvreté
non-matérielle
Il s'agit, dans ce type de pauvreté, de manque de
ressources non matérielles, non palpables. La pauvreté
intellectuelle, la pauvreté morale, la pauvreté spirituelle,
relèvent de la pauvreté non-matérielle. Ainsi peut-on
être matériellement riche et intellectuellement, moralement et
spirituellement pauvre et vis-versa.
La typologie de la pauvreté ainsi
élaborée permet d'avoir un aperçu des contours de la
pauvreté. Que peut-on dire de la pauvreté au Cameroun ? Plus
précisément, quel en est le profil ?
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