IV.2. Le parcours du Cameroun dans l'Initiative PPTE
L'Initiative PPTE est un processus a deux grandes
étapes : le point de décision et le point d'achèvement.
Quelle est la situation du Cameroun dans cette Initiative ?
IV.2.1. Le point de
décision
Cette première étape de l'Initiative PPTE a
été franchie par le Cameroun en octobre 2000, après avoir
respecté un certain nombre de mesures conditionnelles. Ces mesures sont
les suivantes :
- l'exécution satisfaisante de son premier programme
économique triennal ;
- l'adoption des stratégies sectorielles de la
santé et de l'éducation ;
- la réalisation des progrès dans la mise en
oeuvre des actions de court terme concernant les secteurs de santé (par
exemple l'adoption le 30 juin 2000 de la stratégie sectorielle y compris
l'estimation des besoins financiers sur trois ans), de l'éducation (par
exemple la suppression du monopole dans la distribution des manuels scolaires),
et dans le domaine de la gouvernance (par exemple l'adoption d'un programme
anti-corruption, la publication le 30 juin 2000 d'un nouveau Code des
marchés publics) ;
- l'élaboration d'un programme de lutte contre le SIDA
;
- la prise de contact avec les créanciers
(exceptés le Club de Paris, la Banque mondiale et le FMI) pour leur
notifier la décision des Conseils d'Administration sur
l'éligibilité du Cameroun à l'Initiative PPTE
renforcée ;
- la préparation d'une note sur l'état
d'avancement des préparatifs au titre de l'opération du Club de
Londres ;
- la prise de contact de manière informelle avec le
Club de Paris sur les modalités du service de la dette pendant la
période entre la fin du Vème Accord et le nouvel
Accord aux termes de Cologne ;
- la poursuite de l'exécution satisfaisante et dans les
délais requis du Crédit à l'ajustement structurel III
(CAS III) ;
- l'adoption d'un DSRP intérimaire tenant compte des
premières consultations participatives ;
- l'adoption d'un programme national de gouvernance
accompagné d'une matrice d'actions détaillées ;
- l'établissement des arrangements institutionnels,
comptables et budgétaires pour une meilleure utilisation des ressources
supplémentaires au titre de l'Initiative PPTE.
Il s'agit pour ce dernier point de la mise en place d'un
système d'exécution budgétaire, comptable et de
trésorerie respectant la réglementation et les procédures
nationales dans la perspective de la simplification et de la transparence en
vue de faciliter le suivi de l'exécution des dépenses, notamment
par la production des documents périodiques spécifiques.
Il s'agit également d'ouvrir un sous-compte
spécial du trésor à la Banque des états de
l'Afrique centrale (BEAC) sous l'intitulé PPTE/HIPC
réservé au financement de dépenses éligibles dans
le cadre de l'Initiative PPTE. Il s'agit enfin de la création d'un
comité de suivi et de gestion des ressources PPTE/HIPC, composé
de responsables administratifs impliqués dans le processus de
l'exécution des dépenses relatives aux projets PPTE.
Toutes ces mesures ont permis au Cameroun d'atteindre le point
de décision de l'Initiative PPTE en octobre 2000. Mais d'autres mesures
ont été prises pour bénéficier de
l'intégralité des mesures d'allègement de la dette au
titre de cette Initiative. Il s'agit des mesures qui ont concouru à
l'atteinte du point d'achèvement.
IV.2.2. Le point
d'achèvement
L'atteinte de cette seconde étape de l'Initiative PPTE
passe par la mise en oeuvre d'un ensemble de mesures encore appelées
« déclencheurs » du point d'achèvement. Ces mesures
sont relatives au DSRP, aux réformes structurelles et
macroéconomiques, à la gouvernance et la lutte contre la
corruption, aux secteurs sociaux.
Au niveau du DSRP, il est attendu que le DSRP final soit
adopté, mis en oeuvre de manière satisfaisante et que la revue du
premier rapport annuel soit acceptable.
Au niveau des réformes structurelles et
macroéconomiques, les politiques macroéconomiques et
structurelles prévues au point de décision doivent être
mises en oeuvre de manière satisfaisante pendant la période
intérimaire. Les économies réalisées au titre de
l'Initiative PPTE doivent être également utilisées
conformément aux critères retenus au point de décision.
Ces réformes doivent viser la poursuite de l'assainissement des finances
publiques, la stabilité macroéconomique, l'exécution
satisfaisante du programme FRPC, la gestion conforme des ressources PPTE et la
conclusion du crédit à l'ajustement structurel III (CAS III).
Au niveau de la gouvernance et de la lutte contre la
corruption, les plans d'action du programme de gouvernance et du programme de
lutte contre la corruption doivent être mis en oeuvre de manière
satisfaisante. Le nouveau système de passation de marchés publics
doit également fonctionner de façon satisfaisante. Il est aussi
attendu que les Agences de régulation dans les industries (eau,
électricité, téléphone...) soient fonctionnelles et
exercent en toute indépendance. Il en est de même pour les plans
d'action de gestion des finances publiques qui doivent être
appliqués avec satisfaction. A ceci s'ajoutent la création de la
Chambre des comptes, la création du Conseil constitutionnel, l'Audit des
marchés publics, le suivi de la mise en oeuvre des mesures de
réformes pour la santé et l'éducation, la publication des
résultats de l'exercice de suivi de l'exécution du budget et la
publication des résultats de l'enquête auprès des
usagers.
Au niveau des secteurs sociaux, les conditionnalités
concernent le secteur de l'éducation et de la santé.
Dans le secteur de l'éducation, la stratégie
sectorielle doit être mise en oeuvre de manière convenable et dans
les délais impartis. Une attention particulière doit être
accordée à la promulgation d'une nouvelle loi sur l'enseignement
privé, l'adoption d'un nouveau statut des enseignants et les
décrets d'application y afférents, et la décentralisation
effective de la gestion des enseignants.
Dans le secteur de la santé, l'accent doit être
mis sur l'exécution de la stratégie qui prévoit entre
autres l'accroissement du budget de la santé qui doit passer de 4
à 7% du budget total de l'Etat et l'augmentation de la dotation
budgétaire allouée aux soins de santé primaire. Il doit
également être adopté un plan de financement de la
santé préventive, y compris des arrangements de nature à
favoriser l'accès de ceux qui ne peuvent pas payer. Le taux de
vaccination des enfants devra également être porté à
70%.
L'examen de l'application de ces mesures par le gouvernement
camerounais a été jugé non satisfaisante par les
Institutions de Bretton Woods en 2004. Après l'obtention d'un moratoire
auprès de ces Institutions,c'est à la fin du premier trimestre
2006 que le Cameroun a atteint le point d'achèvement . L'atteinte de ce
point permettra au Cameroun de bénéficier de la totalité
des allègements de la dette prévue au titre de cette Initiative
qui mobilise beaucoup d'attention. Quels en sont véritablement les
atouts ?
IV.2.3. Les atouts supposés de l'Initiative
PPTE
L'avènement de l'Initiative PPTE augure de nouveaux
espoirs le combat pour le bien-être des populations des pays
bénéficiaires. Conçue pour pallier les insuffisances des
initiatives précédentes, l'Initiative PPTE, dans les pays
bénéficiaires en général et au Cameroun en
particulier, est créditée de nombreux atouts par rapport aux
initiatives de développement antérieures. Ces atouts s'articulent
autour de ses objectifs et de son approche du développement.
L'Initiative PPTE vise à la fois la réduction
substantielle de la dette extérieure publique et la réduction de
la pauvreté dans les pays concernés. S'agissant de la
réduction de la dette extérieure publique, le montant du
bénéfice attendu au titre de L'Initiative PPTE, selon les
Institutions de Bretton Woods, se chiffre à 2 milliards de dollars, soit
l'équivalent de 1400 milliards de FCFA dus au 30 juin 1999, après
le recours aux mécanismes traditionnels de réduction de la dette.
Ce bénéfice tiré de l'allègement de la dette
extérieure publique est supposé conduire à la
réduction de la pauvreté en vertu du lien que l'Initiative PPTE
établit entre l'allègement de la dette et la réduction de
la pauvreté.
En vertu de ce lien, l'Initiative PPTE s'inscrit dans le droit
fil des objectifs de développement du millénaire. Le principe de
l'Initiative PPTE recommande l'investissement des allègements de la
dette ainsi collectés dans les projets sociaux à grand impact sur
la réduction de la pauvreté. Ainsi, les secteurs de la
santé, de l'éducation, des infrastructures, du
développement et de la lutte contre la corruption sont des secteurs
à incidence directe sur la pauvreté visés par
l'Initiative. A terme, l'Initiative est supposée réduire la
pauvreté à travers l'investissement des fonds collectés
dans les projets relevant de ces différents secteurs. En plus de ces
atouts relatifs à ses objectifs, l'Initiative PPTE est aussi
créditée par son approche.
L'approche préconisée par l'Initiative PPTE
prévoit la mise en oeuvre d'un processus participatif pour la
définition des politiques de lutte contre la pauvreté. Cette
approche est en rupture avec les pratiques antérieures qui consistaient
pour l'essentiel à définir de l'extérieur des politiques
que les pays étaient chargés d'appliquer. Le processus de
participation dans le cadre de l'Initiative PPTE débouche sur
l'élaboration du DSRP dont la mise en oeuvre satisfaisante est l'une des
conditions pour l'admission à l'allègement total des dettes
prévues dans le cadre de cette Initiative.
Le concept de processus participatif vise trois objectifs : l'
« appropriation » des politiques par les pays concernés,
à travers l'implication active de l'ensemble des acteurs de la
société dans l'élaboration, le suivi et la mise en oeuvre
de la stratégie de lutte contre la pauvreté ; l' « insertion
» des pauvres, invités à s'exprimer et à participer
à la définition des politiques ; enfin, la «
responsabilité démocratique » du gouvernement, appelé
à rendre compte à sa population sur les résultats de ses
politiques et sur sa gestion budgétaire.
En somme, l'Initiative PPTE, de par ses objectifs et son
approche, rompt avec les initiatives de développement
précédentes et est créditée de qualités
favorables à la lutte contre la pauvreté dans les pays
bénéficiaires. Malgré ces mérites qui lui sont
reconnus, elle n'est pas exempte de critiques. Loin s'en faut, sa portée
pratique semble limitée tant en ce qui concerne le volume des ressources
y relatives que les critères d'admissibilité.
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