UNIVERSITE DE PERPIGNAN
VIA DOMITIA
FACULTE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARE DES ETATS
FRANCOPHONES
Mémoire pour l'obtention du DU - DES en droit
comparé
Thème :
KAFALA
(LE RECUEIL LEGAL)
Présenté et soutenu par :
sous la direction de :
Mr. ASSAOUI HAFID Mr :
FRANÇOIS Paul BLANC
Année universitaire : 2005/2006
Dédicaces ;
Je dédie ce travail à :
Mes parents en reconnaissance aux efforts et sacrifices qu'ils
ont consentis en m faveur.
Mon frère et mes soeurs pour leur soutien moral tout aux
long de mon cursus universitaire.
La mémoire de ma grande mère,
A tous mes amis et tous ceux qui me sont chers.
Remerciement ;
Je remercie Monsieur François - Paul BLANC doyen de al
faculté de droit de l'université de perpignan, pour son
intérêt pour mon travail
Je remercie également al Bibliothèque
universitaire de perpignan pour la disponibilité de nombreux ouvrages
dans leurs rayons
Enfin j'exprime ma sincère reconnaissance et mon profond
attachement à l'égard de mes parents et de mes amis pour leur
soutien durant ces toute dernières années, ce qui ma permis de
mener à bien ce travail
INTRODUCTION
La famille, qui est la cellule de base des
sociétés, l'islam lui donne une conception spécifique,
cette conception est celle affirmer dans le Coran et a la
révélation du prophète, a savoir que la famille est une
institution divine « c'est dieu qui a créé d'eau les
hommes, qui a établit entre eux les liens de parenté et
d'affinité ».
La conséquence directe de cela, c'est que l'Islam
considère que l'institution de la famille est une oeuvre de Dieu et que
la conception des rapports familiaux est partie intégrante de la
religion et du droit.
En ce qui concerne la constitution et la composition
même de la famille, le droit musulman la définit comme une
entité fondée sur des liens du sang unissant des personnes
parentes par Mâles. Nous retrouvons ici la conception patriarcale de la
filiation.
Ces liens familiaux, fondés en droit musulman sur le
sang, ont un caractère immuable auquel la volonté humaine ne
serait déroger, Or l'adoption permet d'aller à l'encontre de la
volonté divine , qui crée des liens fictifs ayant
conséquences juridiques susceptibles de bouleverser l'ordonnancement des
valeurs issues de l'Islam telles que la patronymique, le système
successoral ou encore les empêchements au mariage.
En droit musulman, comme dans les droits germaniques,
l'existence de l'adoption est au fond, le pendant nécessaire de
l'absence de liberté testamentaire.
L'adoption faisant entrer l'adopté dans la descendance
directe de l'adoptant, elle encourt à changer l'ordre de la
dévolution successorale dont le fondement principal est la protection de
al famille par le sang.
Mais avant l'adoption d'un bébé, il y a
l'abandon de celui-ci. C'est un mot tabou qui désigne un acte qu'il
faudrait escamoter au maximum. Ce concept est à l'origine des maux dont
souffrent les adoptés tout au long de leur vie. Les non-dits, les
secrets, les informations séquestrées au sujet de leur
passé créent des sortes de trous pour eux qui vont compromettre
leur équilibre. L'amour qu'ils reçoivent de leur famille adoptive
ne permettra jamais de les combler totalement. Un lien doit être
préservé, car il est difficile de bien vivre lorsqu'on vous a
volé votre passé. "
Dans notre travail nous allons pas aborder le sujet de
l'adoption en lui-même, sujet choisit et je pense qu'il existe certain
travaux bien détaillé sur ce thème, mais certes si nous
parlons de kafala on ne peut passer a cote de l'adoption qui nécessite
un regards un peut plus approfondie.
El droit musulman dans le domaine de la protection de al
famille, n'a pas voulu laisser l'enfant adopté, dans une situation
inférieure à celle d'un enfant légitime et a crée
diverses solutions, dont la Kafala qui est notre sujet dans ce travail. Ce qui
nous amène a la problématique de ce travail qui peut se concevoir
ainsi :
Es que le droit coranique est réellement contre
l'adoption d'un enfant au stricto sensu du terme dans le droit
français ?et est que ce droit est immuable? Et que
l'évolution de la société musulmane n'est pas prise en
considération ? Pourquoi Les pays islamiques, qui
représentent plus d'un cinquième de la population mondiale, se
sont opposés à la ratification du rapport de la Convention
Internationale aux droits de l'enfant en y apposant des
réserves ?
Ce travail s'interroge sur la kafala est son application dans
les pays musulmans, j'ai paris le cas d'Algérie pour des raison
personnelle, avec un rappel historique et l'évolution de cette
institution a travers le temps (chapitre I).
Et dans un deuxième temps la kafala, et son
interprétation dans les décisions de la justice
française.
PLAN DU MEMOIRE
INTRODUCTION
CHAPITRE I : LA KAFALA OU RECUEIL LEGAL EN
DROIT
MUSULMAN
SECTION 1 : LA KAFALA CONTEXTE HISTORIQUE ET DEFINITION
DU TERME
SECTION 2 : LA KAFALA DANS LES JURIDICTION DES PAYS
MUSULMANS
SECTION 3 : DEVELOPPEMENT DE LA KAFALA EN ALGERIE EN
DEPIT DES INSUFFISANCES JURIDIQUES.
CHAPITRE II : LA KAFALA, ET SON
INTERPRETATION
DANS LES DECISIONS DE LA JUSTICE
RANÇAISE
SECTION 1 : CAUSES ET MODES D'ABANDON DANS LA SOCIETE
OCCIDENTALE
SECTION 2 : LES GRANDS PRINCIPES DE L'ADOPTION EN
FRANCE
SECTION 3 : LA POSITION DES TRIBUNAUX FRANÇAIS
FACE A
L'INSTITUTION DE LA KAFALA
CONCLUSION
CHAPITRE I
LA
KAFALA OU RECUEIL LEGAL EN DROIT MUSULMAN
SECTION 1 :
LA
KAFALA CONTEXTE HISTORIQUE ET DEFINITION DU TERME
Qui dit adoption dit enfant abandonné. L'abandon a de
tous temps existé, nos mythes fondateurs participent de personnages
solitaires, ceci n'a pas empêché l'humanité - en l'absence
de maîtrise de la procréation - de s'accommoder du sort
réservé aux enfants malvenus, handicapés, fruits
d'inceste, de viol ou d'adultère.
La valeur affective de l'enfant n'a pas toujours
été ce qu'elle est aujourd'hui, un rapide survol historique des
conditions faites à l'enfant illustre de façon éloquente
ce fait.
Paragraphe 1 : la kafala a travers l'histoire des
sociétés pré- islamique
L'enfant malvenu était enterré vivant en Perse,
immolé en offrande à Carthagène, en Grèce le
père pouvait d'un simple signe devant témoins signifier l'abandon
de son nouveau-né, à Rome ce droit était dévolu au
paterfamilias jusqu'à ce que l'Etat romain en quête de soldats
pour ses conquêtes substitua l'esclavage avec possibilité de
libération à l'élimination physique (cf. le cas
d'Octave adopté par César (101 - 44 av. n.e.) et futur empereur
Auguste).
Il a fallu attendre le 6ème siècle (et le code
Justinien (528 - 534) et la loi de 553 pour que l'infanticide et les
transactions sur les enfants esclaves soient sévèrement
punis et l'avènement de l'Islam au 8ème siècle pour
que ces pratiques soient interdites à tout musulman ( le cas de
Zaïed offert comme esclave au prophète qui l'adopta après
l'avoir libéré).
Les premiers hospices pour enfants abandonnés virent le
jour en Europe à partir du 14 ème siècle et c'est
grâce à l'action sans relâche de Saint Vincent de Paul (1581
- 1660) qu'un peu d'humanisme se fit jour dans la société
européenne.
C'est après la seconde guerre mondiale et la
maîtrise progressive de la procréation que la valeur affective de
l'enfant prend un sens. Un projet sur les Droits de l'enfant proposé en
1953, fût mis de côté, la CIDE ne vit le jour qu'en 1989
après des années de débats et de multiples réserves
pour tenir compte de la philosophie des états (qui ne l'ont d'ailleurs
pas tous ratifiée).
L'engagement quasi général de la
communauté mondiale à défendre les Droits de l'enfant et
la promulgation d'une législation pour garantir sa protection où
qu'il se trouve, témoigne de la prise de conscience par les Etats
signataires, des besoins fondamentaux incontestables de l'Enfant.
Après des siècles de stagnation (on a pu parler
de période de glaciation) en matière de sauvegarde de l'enfant
abandonné, la société occidentale s'est progressivement
dégagée de l'inhibition religieuse rétrograde qui frappait
d'opprobre toute naissance hors mariage et a pu ainsi envisager des solutions
au profit de la mère et de l'enfant.
L'action pour promouvoir un véritable humanisme au
profit des plus démunis, a grandement contribué -pour ce qui
concerne l'adoption- à la définition d'une réglementation
qui tient compte des progrès sociaux, des exigences de la
modernité et du respect de la liberté des femmes.
Le dernier demi siècle, a enregistré les plus
belles pages de l'émancipation de la femme et de l'adoption dans la
société occidentale.
Pour ce qui est de la vie familiale pouvant exister entre un
enfant et un adulte, il s'agit de se demander quelle doit être la nature
de ce lien et notamment si des relations personnelles qui ne sont pas
fondées sur un lien juridique sont susceptibles de constituer une vie
familiale. La place accordée aux relations affectives et sociales,
indépendamment de leur considération par le droit, que la Cour
européenne des droits de l'homme a qualifié de vie familiale dans
certaines hypothèses, est à l'évidence plus ou moins
grande selon les cultures et les sociétés.
La parenté par le sang ne se voit en outre pas accorder
la même importance selon les degrés dans les différents
pays. On peut ainsi penser notamment que les collatéraux (oncles) jouent
dans certains pays un rôle plus grand auprès de l'enfant que dans
d'autres.
Il faudra également rechercher dans quelle mesure la
reconnaissance d'une vie familiale est possible en l'absence de lien de sang.
Cette question se pose particulièrement à propos de l'adoption ou
des autres institutions et notamment la Kafala islamique, qui permettent
d'établir un lien entre un ou des adultes et un enfant qui n'a pas de
lien de sang avec eux. La comparaison des différentes conceptions de ce
type de lien selon les pays paraît particulièrement opportune au
regard du développement de l'adoption internationale et de la mise en
oeuvre des nouvelles dispositions française en la matière.
Il en va tout autrement pour la société
musulmane où le Code de Statut Personnel puise ses règles dans
les interprétations des écritures sacrées des 1ers
siècles de l'Islam.
Paragraphe 2 : le contexte historique dans la
société islamique
Un bref rappel historique permet de saisir les raisons des
prescriptions qui ont fondé le Droit musulman pour ce qui concerne la
famille et l'adoption.
Dans la société pré-islamique
jusqu'à l'époque du prophète, coexistaient deux
systèmes d'union différenciés par le statut de la femme
dans chacun d'eux et impliquant des différences fondamentales en
matière d'éthique et de droit, ce sont : le système
matrilinéaire et le système patrilinéaire.
Dans le système matrilinéaire la filiation est
incontestablement établie par la mère qui demeure dans sa tribu
avec son enfant après le mariage.
Il n'en va pas de même dans le système
patrilinéaire où seule la chasteté de la mère,
légitime la filiation paternelle de l'enfant et son appartenance
à la tribu de l'époux.
A l'instar de la religion chrétienne, l'islam a
privilégié le système patrilinéaire; il a pour ce
faire, opté pour l'institution du mariage.
Il a considéré la famille comme la structure de
base fondamentale de la société, il édicta des principes
et des règles pour la protéger contre toute transgression,
illustration flagrante d'une possible survenance.
Selon l'origine de la privation de parents, l'islam classe les
enfants en 3 catégories: légale (enfants nés dans le
mariage), illégale (nés hors mariage), d'origine inconnue
(enfants trouvés).
Il pose le principe que l'origine d'un acte qualifie ses
conséquences, un acte illégal ne peut engendrer que des
conséquences illégales, l'enfant né hors mariage est par
conséquent illégitime et ne peut prétendre à une
filiation.
Cependant toute latitude est laissée aux docteurs de la
Loi pour imaginer les solutions les plus appropriées, propres à
garantir la paix sociale.
Ainsi fût fait durant des siècles, dans un esprit
de générosité envers la mère et l'enfant,
quelquefois au mépris du bon sens pour tempérer les
conséquences de la fameuse maxime latine dura lex. Sed
lex. (la loi est dure mais c'est la loi).
Afin d'éviter les éventuelles controverses
relatives à la filiation d'un enfant, le législateur musulman a
décidé que tout enfant né d'une mère mariée
appartient réellement ou putativement au lit du mari, et doit donc
être systématiquement inscrit dans sa filiation.
Afin d'écarter autant que faire se peut le doute sur la
paternité de l'enfant à naître, il est exigé de la
femme veuve ou divorcée de respecter un délai de viduité
couvrant plusieurs cycles menstruels avant de pouvoir se remarier; Afin
d'éviter les naissances hors mariage (illégitimes), la polygamie
est reconduite et il est recommandé aux parents de marier leurs filles
dés la puberté, dès qu'elles sont en âge de
procréer.
Les maternités hors mariage sont prohibées, les
précautions juridiques sont prévues pour qu'il n'y en ait point
et s'il advenait qu'une femme mariée soit enceinte alors que le mari est
absent depuis plus de neuf mois, la tradition confortée par certains
imams (hommes de loi) permettait le recours à un subterfuge qui
consistait à admettre que la grossesse pouvait durer très
au-delà de la gestation normale, jusqu'à 3 ou même 5 ans
selon l'imam Malek.
Chaque société engendre des mécanismes
régulateurs de tension sociale en fonction de ses valeurs.
On peut considérer l'adoption comme l'un de ces
mécanismes qui consiste à pallier les conséquences d'une
privation parentale et secondairement l'absence d'enfant.
C'est l'enveloppe d'une sauvegarde éthique, dont la
forme juridique dépend de la culture et du degré de
prégnance des traditions dans le pays considéré à
une période donnée.
Elle participe de l'éthique d'une
société, elle change avec elle et présente de ce fait une
dimension historique qui relativise sa conception dans le temps.
SECTION 2 :
LA
KAFALA DANS LES JURIDICTION DES PAYS MUSULMANS
Paragraphe 1 : Que dit l'Islam sur l'adoption ?
La protection de la filiation compte parmi les
priorités orientant la législation en Islam. Ainsi, toute
pratique portant préjudice d'une façon ou d'une autre à la
filiation d'un individu a été interdite.
Le Prophète Mohamed a par exemple condamné, avec
des mots très durs, la femme qui tenterait d'attribuer à un homme
la paternité d'un enfant qui ne serait pas de lui, mais aussi le
père qui renierait la paternité de son fils légitime. Il
dit en ce sens:
"Toute femme qui fera entrer dans une famille celui qui n'est
pas des leurs (c'est à dire qu'elle attribue à son mari un enfant
né de l'adultère) , alors elle n'a aucun lien avec Allah, et
Allah ne lui fera jamais entrer dans Son paradis; et tout homme qui reniera son
enfant alors qu'il l'observe (c'est à dire qu'il a conscience et il sait
pertinemment que cet enfant est le sien), Allah Se voilera de lui et le
déshonorera le Jour Final en présence des premiers et des
derniers (c'est à dire l'humanité entière)." (Abou
Dâoûd, Nasaï et Ibné Mâdjah)
De même, le fait pour quelqu'un de faire remonter sa
généalogie à un autre que son père compte parmi les
péchés majeurs ("Al Kabâïr") en Islam. Le
Prophète Mohamed dit au sujet de ce genre de personne:
"Quiconque prétend avoir un autre père que le
sien, en connaissance de cause, s'interdit l'accès au paradis."
(Boukhâri et Mouslim)
C'est en gardant ces principes à l'esprit que l'on peut
comprendre à présent la position juridique de l'Islam par rapport
à l'adoption:
- Si l'adoption porte atteinte à la filiation de
l'enfant, en ce sens que ce dernier est considéré comme
étant un membre à part entière de la famille (c'est
à dire qu'on attribue à son père adoptif sa
paternité; on agit à son égard comme s'il était
lié aux membres de la famille par des liens de sang; on lui
reconnaît, à l'instar d'un enfant naturel, une part de
l'héritage...), alors cela est strictement interdit en Islam. C'est pour
condamner cette forme d'adoption, qui était très répandue
dans le monde, et plus particulièrement en Arabie avant
l'avènement de l'Islam, que ces versets du Qour'aane ont
été révélés:
"Il n'a point fait de vos enfants adoptifs vos propres
enfants. Cesont des propos [qui sortent] de votre bouche. Mais Allah dit la
vérité et c'est Lui qui met [l'homme] dans la bonne direction.
Appelez-les du nom de leurs pères : c' est plus
équitable devant Allah. Mais si vous ne connaissez pas leurs
pères, alors considérez-les comme vos frères en religion
ou vos alliés. Nul blâme sur vous pour ce que vous faites par
erreur, mais (vous serez blâmés pour) ce que vos coeurs font
délibérément. Allah, cependant, est Pardonneur et
Miséricordieux." (Sourate 33 / Versets 4 et 5)
- Par contre, s'il s'agit pour un homme et une femme de
prendre en charge un enfant qui est orphelin ou qui n'a aucun soutient et de
s'occuper de lui comme de leur propre enfant, en lui accordant toute la
tendresse et la douceur dont il a besoin, en lui assurant sa prise en charge
matérielle et en lui donnant une bonne éducation (morale,
spirituelle, intellectuelle...), sans porter atteinte en aucune façon
qui soit à sa véritable filiation, alors, cela est
considéré comme un acte très méritoire aux yeux
d'Allah. C'est à ce sujet que le Prophète Mohamed disait
(traduction explicative du Hadith):
"Au paradis, le tuteur de l'orphelin et moi-même seront
comme ces deux doigts"; il fit alors un "V" avec l'index et le majeur et les
écarta. (Boukhâri)
Il est à noter cependant que, même dans ce cas,
l'enfant adopté ne deviendra pas un "Mahram" pour sa mère
adoptive. Il n'aura pas non plus une part d'office dans l'héritage de
ses parents adoptifs. Mais rien n'empêchent ces derniers de lui faire don
d'une partie (ou même de l'intégralité) de leurs bien
durant leur vivant, ou de lui léguer jusqu'à un tiers de ce
qu'ils possèdent après leur mort.
Paragraphe 2 : la kafala, la notion, ces sujets, et la
procédure
A.
Kafala n'est pas adoption
La Kafala et l'adoption sont deux concepts différents.
La première se limite à une prise en charge affective et
matérielle de l'enfant. Le verbe «takafala» signifie se
charger d'un orphelin en répondant à tous ses besoins
alimentaires, vestimentaires, éducatifs... Tandis que l'adoption veut
dire faire de l'enfant son propre fils ou sa propre fille. Celui-ci portera le
nom des parents, sera inscrit dans leur état civil et aura droit
à l'héritage.
B. Qu'est ce que la Kafala d'un
enfant abandonné ?
La Kafala de l'enfant abandonné consiste en la prise en
charge de sa protection, son éducation et son entretien. Elle ne donne
pas lieu à la filiation entre la personne à laquelle est
confiée la Kafala et l'enfant, sachant que le tribunal ne déclare
un enfant comme étant abandonné que s'il rentre dans l'une des
catégories prévues par la loi.
C. Qui
peut prendre en charge un enfant abandonné ?
La kafala des enfants abandonnés n'est accordée
qu'aux personnes et organismes ci-après :
1°: Les époux musulmans ayant atteint la
majorité légale, moralement et socialement aptes à assurer
la Kafala de l'enfant, disposant de moyens matériels suffisants pour
subvenir à ses besoins, n'étant pas atteints de maladies
contagieuses ou les rendant incapables d'assumer leur responsabilité.
Ils doivent n'avoir pas fait l'objet, conjointement ou
séparément, de condamnation pour infraction portant atteinte
à la morale, ou commise à l'encontre des enfants. Ils ne doivent
pas être opposés à l'enfant dont ils demandent la Kafala,
ou à ses parents par un contentieux soumis à la justice, ou par
un différend impliquant des craintes pour l'intérêt de
l'enfant.
2°: La femme musulmane remplissant les conditions sus-
évoquées. 3°: Les institutions publiques chargées
de la protection de l'enfance reconnues d'utilité publique, aptes
à assurer la protection des enfants et à les élever
conformément à l'islam.
D. A
qui s'adresser pour prendre en charge un enfant abandonné ?
La partie désirant assurer la Kafala d'un enfant
abandonné doit en formuler la demande au juge chargé des affaires
des mineurs duquel relève le lieu de résidence de l'enfant. La
demande doit être accompagnée de documents établissant
qu'elle remplit les conditions ci-dessus, et d'une copie de l'acte de naissance
de l'enfant à prendre en charge.
- Le juge chargé des affaires des mineurs - après
une enquête visant à s'assurer de la réalisation des
conditions requises- rend une ordonnance confiant la Kafala de l'enfant, et
désignant la personne qui en est chargée tuteur datif. Cette
ordonnance produit une série d'effets.
E.
Quels sont les effets de la prise en charge d'un enfant abandonné?
L'ordonnance relative à l'octroi de la Kafala donne
lieu aux effets suivants :
- La personne assurant la Kafala est chargée de
l'entretien de l'enfant pris en charge, de sa garde, sa protection,
jusqu'à sa majorité légale (18 ans). Si l'enfant pris en
charge est de sexe féminin, son entretien se poursuit jusqu'à son
mariage ou jusqu'à ce qu'elle puisse subvenir elle-même à
ses besoins. Si l'enfant pris en charge est handicapé ou incapable de
subvenir à ses besoins, l'obligation d'entretien se poursuit.
- La personne qui assure la Kafala bénéficie des
indemnités et allocations sociales allouées aux parents pour
leurs enfants.
- La personne assurant la Kafala est civilement responsable
des actes de l'enfant pris en charge.
F. Un
enfant pris en charge peut il être emmené pour résider de
manière permanente à l'étranger ?
Si la personne à qui est confiée la Kafala
désire s'établir à l'étranger en compagnie de
l'enfant pris en charge, elle doit obtenir l'autorisation du juge chargé
des affaires des mineurs.
Avant de délivrer l'autorisation de quitter le
territoire national, à destination du pays dans lequel le
bénéficiaire de la Kafala désire emmener l'enfant pris en
charge, le juge s'assure de l'existence d'une convention judiciaire permettant
le régime de la Kafala, avec le pays en question, il peut
également se faire produire, par le titulaire de la Kafala, un
certificat délivré par les autorités du pays de
destination, attestant que l'enfant pris en charge aura une situation juridique
stable dans le pays d'accueil.
En cas d'obtention de l'autorisation du juge, une copie en est
adressée aux services consulaires marocains du lieu de résidence
de la personne chargée de la Kafala afin de suivre la situation de
l'enfant et de contrôler l'exécution par cette personne de ses
obligations, en informant le juge compétent de tout manquement.
G.
Quand cesse la kafala ?
La Kafala cesse pour l'un des motifs suivants:
- lorsque l'enfant pris en charge atteint l'âge de la
majorité légale (à l'exception de l'handicapé,
l'incapable de subvenir à ses besoins et la fille non mariée.)
- le décès de l'enfant soumis à la Kafala. - le
décès des deux époux assurant la Kafala, ou la perte de
leur capacité. - le décès de la femme assurant la
Kafala, ou la perte de sa capacité. - la dissolution de
l'institution, l'établissement, l'organisme, ou l'association assurant
la Kafala. - l'annulation de la Kafala par ordonnance judiciaire.
Paragraphe 3 : La prise en charge de l'enfant abandonner
dans les pays musulmans
Hormis en Tunisie, l'adoption en tant que sauvegarde avec
filiation, est prohibée dans tous les pays où l'islam est
religion d'État.
Dans ces pays, la sauvegarde de l'enfant privé de
famille est conçue différemment selon le degré
d'engagement des militants de l'enfance et de l'esprit d'ouverture des
décideurs.
Les articles 20 et 21 de la CIDE traitent des obligations de
l'État en matière de protection de l'enfant privé de
famille,
L'article 20 évoque l'adoption comme une des
sauvegardes possibles à côté de la kafala de droit
islamique sans aucun jugement de valeur sur l'une ou l'autre;
L'article 21 rappelle les principes et la
réglementation en vigueur en matière d'adoption.
Aucune ouvre de placement n'existe dans les Etats musulmans,
lesquels sont juridiquement tuteurs des enfants privés de famille
jusqu'à ce qu'ils soient confiés en kafala ou tutelle
légale.
La kafala peut être prononcée simplement par
devant notaire ou judiciaire objet d'un jugement.
En Algérie la seule autorité compétente
pour ce faire est le Directeur de l'Action Sociale par délégation
du wali (préfet).
L'enfant est confié en kafala après
enquête sociale de la famille postulante qui doit le considérer
comme son propre enfant et peut, s'il est d'ascendance inconnue, lui donner son
nom patronymique par décision du ministre de la justice; pour autant,
l'enfant mekfoul (adopté) n'en a ni la filiation ni ses attributs
(héritage notamment).
En Algérie la kafala judiciaire est recevable pour la
concordance de nom à condition que l'enfant soit d'ascendance inconnue
ou que la mère biologique ait préalablement donné son
consentement par écrit à ce changement de nom ce qui n'est pas le
cas dans les autres pays musulmans où la concordance de nom entre
" kafil " et " mekfoul " est absolument prohibée.
Ce progrès dans le droit algérien date de
février 1992, il est le résultat de deux années d'efforts
de l'AEFAB pour convaincre le Conseil Supérieur Islamique de la
nécessité d'une fetwa dans ce sens, fetwa signée en
août 1991 et préalable comme pour tout amendement apporté
par le gouvernement au Droit des personnes.
Tout en respectant certains principes fondateurs le droit se
doit d'être constamment aménagé pour refléter la
réalité sociale et culturelle du pays où il s'applique.
Dans la mesure où le développement de certaines
activités met en relation deux ou plusieurs pays, des conventions
internationales sont négociées, elles définissent les
responsabilités des parties et préviennent autant que faire se
peut, les empiétements de souveraineté qui pourraient survenir et
les voies de leur traitement en cas de survenance.
Ces conventions sont évidemment nécessaires,
elles représentent avant tout une obligation morale, obligation plus ou
moins contraignante selon la volonté des signataires.
Pour l'enfant abandonné, l'adoption nationale ou
internationale à défaut, est ce qui peut lui être offerte
de plus précieux puisqu'elle lui permet de grandir et de
s'épanouir dans une famille de substitution désireuse de le
considérer comme sien et de l'investir en tant que projet singulier.
Certaines dispositions de la Convention internationale des
droits de l'enfant (CIDE), signée et paraphée à la quasi
unanimité des membres de l'ONU traite justement de ce sujet.
La recherche par ses rédacteurs du consensus le plus
large sur l'ensemble du texte, a aboutit à certains compromis en
matière d'intérêt supérieur de l'enfant autorisant
les pays signataires à appliquer à l'enfant accueilli chez eux la
loi de son pays d'origine en matière d'adoption.
Ceci est illustré par le fait qu'un français ne
peut pas adopter un enfant abandonné algérien, du fait qu'en
Algérie l'adoption n'existe pas stricto sensu, qu'elle a pour
équivalent la kafala.
Non seulement il ne peut pas l'adopter mais il ne peut
même pas obtenir pour lui un visa de séjour en France, alors que
les règles de conduite en matière de protection de l'enfant sont
clairement définies par les dispositions de l'article 21 de la CIDE, en
effet ;
l'alinéa 2, assujettit la protection de remplacement,
à la conformité à la législation
nationale ;
l'alinéa 3, admet la kafala de droit islamique au
même titre que l'adoption; en conséquence la kafala devrait
être reconnue au même titre que l'adoption dans les pays où
cette dernière est admise lorsque sont respectées les
dispositions visées par l'article21 qui traite de l'adoption et qui
imposent deux conditions préalables à toute adoption.
1/ l'intérêt supérieur de l'enfant,
2/ les autorisations des autorités compétentes
pour l'accueil de l'enfant.
La kafala de droit algérien répond
précisément à ces deux conditions,
L'intérêt supérieur de l'enfant
privé de famille est assuré par la famille kafila à qui il
est confié et qui le prend pour sien de façon continue et
permanente;
L'autorisation des autorités compétentes est
donnée par acte doublement authentifié:
- une première fois par le tribunal qui délivre
la kafala judiciaire à la famille kafila (adoptive),
- une seconde fois par le ministre de la justice qui autorise
le kafil (adoptant) à donner son nom patronymique à l'enfant
mekfoul (adopté).
Si adoption et kafala participent toutes deux du même
désir de permettre la vie.
Si kafala et adoption répondent au même titre
à l'intérêt supérieur de l'enfant.
Si les sentiments kafil/mekfoul sont de même
intensité que ceux adoptant/adopté.
Si les peines et les joies dans l'un et l'autre cas sont
éprouvées avec la même force.
Si l'intérêt supérieur de l'enfant et
l'autorisation des autorités compétentes sont assurés par
la kafala pour quelle raison l'adoption simple, ne s'appliquerait-elle pas
à l'enfant mekfoul ?
Heureusement qu'en matière de droit rien n'est jamais
définitif, il se trouvera des législateurs français pour
trouver- le plus tôt serait le mieux - une solution à ce
problème dans l'esprit du génie français.
Section 3 : Développement de La Kafala en
Algérie en dépit des insuffisances juridiques.
L'adoption au sens français du terme est interdite par
les lois de l'Algérie, à l'instar de tous les pays musulmans.
Comme solution de rechange, c'est la « kafala », recueil
légal, qui y est introduite. Le recueil légal, dit « kafala
», ne peut être assimilé tout au plus qu'à une tutelle
ou à une délégation d'autorité parentale qui cesse
à la majorité de l'enfant.
Cette institution proscrit la création de tout lien de
filiation. En Algérie, quelque 3000 enfants naissent abandonnés
chaque année. Une grande partie est recueillie légalement dans le
cadre de la « kafala ». Quel est le statut de ces enfants au sein de
leur famille d'accueil en termes juridiques et administratifs ? Quel est le
sort de l'enfant « makfoul » dans les cas de révocation de la
« kafala », de décès du père ou de divorce ?
Qu'en pensent les responsables des associations pour l'accueil des enfants
abandonnés comme l'Association algérienne enfance et famille
d'accueil bénévole (AAEFAB) qui compte 20 ans d'activité ?
La structuration de l'institution de la « kafala » connaîtra,
en Algérie, une évolution par deux fois : en 1984, le code de la
famille organise ce précédé, et en 1992, un décret
exécutif, signé par l'ancien chef du gouvernement, Sid-Ahmed
Ghozali, autorise la concordance de nom entre parents adoptifs « kafil
» et l'enfant adopté « makfoul ».
Le code de la famille de 1984, dont le chapitre sur la «
kafala » n'a pas subi d'amendement en 2005, consacre à la «
kafala » les articles 116 à 125 en déterminant les
conditions générales de cette institution. Ainsi, la «
kafala » est définie comme étant un engagement de prendre
bénévolement en charge l'entretien, l'éducation et la
protection d'un enfant mineur au même titre que le ferait un père
pour son fils. La « kafala » est établie par un acte
légal. Selon le texte, le titulaire du droit de recueil légal
« kafil » doit être musulman, sensé, intègre,
à même d'entretenir l'enfant recueilli « makfoul » et
capable de le protéger. L'enfant recueilli doit garder sa filiation
d'origine s'il est de parents connus. Dans le cas contraire, l'agent de
l'état civil lui choisit deux prénoms dont le dernier lui sert de
nom patronymique (article 64 du code de l'état civil). Un article
controversé dispose qu'« en cas de décès, le droit de
recueil légal est transmis aux héritiers ! S'ils s'engagent
à l'assurer. Au cas contraire, le juge attribue la garde de l'enfant
à l'institution compétente en matière d'assistance ».
En vertu de cet article, les spécialistes considèrent que la
mère se trouve exclue dans l'exercice de la tutelle sur l'enfant «
makfoul » dans le cas du décès du père. Ainsi,
l'AAEFAB propose, dans un document qui sera transmis au chef du gouvernement,
qu'« en cas de décès du ``kafil'', la ``kafala'' judiciaire
de l'enfant revient d'office à l'épouse du ``kafil'' ». Pour
sa part, l'avocate à la cour et chargée de cours à la
faculté de droit de Ben Aknoun, à Alger, Mme Aït Zaï, a
suggéré, lors de la 40e présession du Comité des
droits de l'enfant, qui s'est déroulée le 8 juin 2005 aux Nations
unies, qu'« il faudrait que les règles concernant la tutelle d'un
enfant légitime soient appliquées à l'enfant recueilli
». Un autre cas de discrimination est reflété par le cas de
divorce entre le père et la mère du « makfoul ». En
effet, l'exercice de la garde de l'enfant est confié au père
« kafil » ! Car l'acte du recueil légal est établi
à son nom, alors que la mère aurait souhaité se voir
attribuer la garde, comme une mère pour son enfant légitime.
C'est pourquoi, le juge saisi de la demande de divorce doit au nom de
l'intérêt suprême de l'enfant confier la garde à la
mère comme s'il s'agissait d'un enfant légitime. Le juge doit,
également, accorder au père « kafil » un droit de
visite et le condamner, d'autre part, à payer une pension alimentaire.
En guise de solution, l'AAEFAB propose que le juge ou le notaire
prononçant la « kafala » veillent à porter sur l'acte
de « kafala » les noms et prénoms des époux au profit
desquels est prononcée la « kafala » pour mettre le
père et la mère du « makfoul » sur un pied
d'égalité.
L'espoir s'estompe sur la base d'une « fetwa »
émise en 1991 par le Conseil supérieur islamique, autorisant la
concordance de nom entre le « kafil » et le « makfoul » un
décret exécutif a été signé le 13 janvier
1992 par l'ancien chef du gouvernement, Sid-Ahmed Ghozali, permettant à
l'enfant « makfoul » d'obtenir le nom de la famille « kafilat
» sur les registres, actes et extraits d'acte civil avec la mention
marginale « enfant makfoul », ce qui met juridiquement un terme
à l'injustice qui frappait l'enfant privé de famille. Cependant,
deux ans après, soit le 28 août 1994, le ministère de
l'Intérieur et des Collectivités locales transmet une circulaire
à l'attention des présidents d'APC en leur signifiant
l'interdiction de porter l'enfant « makfoul » sur le livret de
famille ! En guise de réaction, l'AAEFAB a envoyé une missive, le
20 juillet 2005, pour attirer l'attention de la tutelle sur « le cas de
ces milliers d'enfants ``makfoul'' privés de livret de famille ».
L'AAEFAB souhaiterait que l'enfant recueilli par la « kafala » soit
porté sur le livret de famille avec la mention marginale de la date de
jugement ou de l'acte notarié ayant prononcé la « kafala
». Cette disposition, qui représente la préoccupation
principale des familles adoptives, est nécessaire afin d'assurer une
intégration harmonieuse de l'enfant dans le milieu familial qui l'a
recueilli et dans les institutions avec lesquelles il est en rapport, comme
l'école et la mairie. La même association relève que la
circulaire du ministère de l'Intérieur et des
Collectivités locales s'inscrit en faux avec le décret
exécutif du 13 janvier 1992. Ainsi, entre le décret
exécutif de 1992 et la circulaire de 1994, l'incohérence persiste
et les familles adoptives restent ballottées entre les deux textes.
L'enjeu principal consiste à trouver un cadre réglementaire
harmonieux pour protéger l'enfant et lui permettre une insertion
positive au sein de sa famille et de la société. Lors du Conseil
de gouvernement du 21 décembre 2005, le ministre de la Justice, garde
des Sceaux, a présenté un avant-projet de loi relatif à la
protection de l'enfant. Le texte promet la création d'un organe national
chargé de la protection de l'enfance et de la promotion de ses droits. Y
aura-t-il du nouveau pour les enfants adoptés ? Pour conclure, il est
opportun de se référer à la 40e présession du
Comité des droits de l'enfant du 8 juin 2005 quand Mme Aït Zaï
a fait ressortir, devant la commission des Nations unies, que la
législation algérienne ignore, actuellement, les enfants
naturels. De ce fait, une discrimination est établie entre les enfants
légitimes et illégitimes. En guise de recommandations, l'avocate
à la cour a appelé à réorganiser la « kafala
» en tenant compte de l'intérêt de l'enfant, et plaidé
pour l'élimination de la discrimination entre enfants légitimes
et enfants naturels. Elle suggère, également, la création
d'un observatoire des droits de l'enfant pour mettre en évidence les
réels problèmes que vivent les enfants. Une recommandation qui
vient, peut-être, d'être réalisée avec l'avant-projet
de loi de Tayeb Belaïz. Pour les autres propositions, ce n'est,
peut-être, pas pour demain.
Mustapha Rachidiou
El Watan, 8 janvier 2006
Chapitre II
LA KAFALA, ET SON INTERPRETATION DANS LES DECISIONS DE LA
JUSTICE FRANÇAISE
SECTION 1 : CAUSES ET MODES
D'ABANDON DANS LA SOCIETE OCCIDENTALE
Les femmes qui ne veulent pas élever l'enfant qu'elles
ont mis au monde ont toujours créé un problème pour la
société. La question de l'abandon des enfants dès la
naissance s'est posée tout au long de l'histoire. Pour éviter les
infanticides et les abandons sur la voie publique, la société a
tenté d'en organiser les modalités. De tout temps, il y eut des
enfants abandonnés, sitôt nés, par leur géniteur.
On connaît l'abandon ordonné par la
Cité de Sparte, des enfants considérés comme fragiles,
malformés, susceptibles d'être à charge de la
société. Il s'agissait là, en fait d'une forme
d'infanticide.
L'infanticide, l'Eglise, dès le début du moyen
âge, essaie de l'éviter, en encourageant précisément
l'abandon. De manière générale, les enfants
illégitimes sont abandonnés dès la naissance, les enfants
nés de famille pauvre peuvent l'être plus tard, quand les parents
se rendent compte de l'impossibilité qu'ils ont à les
élever. Que l'on songe au fameux conte du Petit Poucet.
Mais au 17 ème siècle, l'abandon des enfants
constitue un véritable fléau dans la société
française. L'acte consiste principalement à exposer son enfant
dans un lieu public comme, par exemple, une église.
La cause principale reste l'illégitimité.
Quand l'enfant naissait hors mariage, il était considéré
comme un "bâtard". En France, une ordonnance de Louis XIII, datant de
1639, ordonne que tous les enfants nés hors mariage soient
frappés d'indignité, d'incapacité totale de succession, ce
qui revient à les exclure de la famille. C'est principalement la
noblesse et la bourgeoisie qui recourront à cette décision.
Les jeunes filles célibataires peuvent abandonner
leur enfant à cause de leur faible revenu mais aussi en raison de leur
difficulté à affronter la honte de l'éducation d'un
bébé né "hors normes". Que ce soit le père ou
l'employeur, quand il découvre la grossesse, la réaction est bien
souvent la colère et l'expulsion.
Il y a également des enfants légitimes dont les
parents sont incapables d'assurer l'existence. Accoucher à
l'hôpital et y laisser l'enfant est le seul moyen de fuit la famine et la
mort.
L'Eglise a joué un très grand rôle dans
les abandons d'enfants car elle condamnait tout acte contraceptif et tout
avortement. Ainsi, en 1687, Bossuet souligne que " vouloir éviter
d'avoir des enfants est un crime abominable". Ces techniques étaient
considérées comme des actes totalement condamnables puisque les
femmes qui avortaient étaient condamnées à la peine de
mort, de même que les personnes qui les avaient aidées.
Au 18 ème siècle, la progression des abandons
est due à la misère des classes ouvrières populaires mais
aussi au développement des naissances illégitimes liée
à la liberté des moeurs qui caractérise ce siècle.
En simplifiant, on pourrait dire que les abandons sont la conséquence de
la débauche des classes hautes et de la précarité des
classes basses. En effet, les classes populaires bénéficient d'un
maigre revenu qui ne leur permet pas d'assurer la subsistance de
l'entièreté de la famille. La contraception existe mais les
familles les plus précarisées n'ont pas les moyens de
bénéficier de ce luxe étant donné leur revenu. Ce
revenu ne leur suffit parfois même pas pour pouvoir se nourrir
eux-mêmes alors l'apparition d'un enfant dans la famille est souvent
très mal acceptée. Selon les statistiques de l'époque, les
mères qui abandonnent leur enfant sont le plus souvent des servantes,
des ouvrières, des domestiques, des veuves ou encore de marchandes.
Ainsi confrontés à ces problèmes financiers, les
mères sont contraintes d'abandonner leur enfant devant une maison de
riches bourgeois ou encore dans un lieu public comme devant le porche d'une
église.
On voit aussi apparaître un autre mode, celui de
l'abandon à l'hôpital après la naissance, dans les mains de
la sage-femme ou encore chez une nourrice. La majorité des abandons se
fait avant l'âge d'un mois.. Une des raisons de ces abandons est
peut-être l'insuffisance de l'alimentation lactée dispensée
aux nourrissons ( le lait de vache n'a pu être utilisé
qu'après la découverte de la stérilisation). En tout cas,
si l'illégitimité reste une cause importante, on constate une
relation évidente entre l'abandon et la misère car il y a
augmentation des abandons en période de crise alimentaire. Pour preuve,
on peut citer les petits mots trouvés dans les langes des enfants
abandonnés om l'on peut lire des choses telles que celle-ci : " Janvier,
1789, Rouen. Je suis né aujourd'hui 7 janvier de légitime
mariage. Mon père et ma mère souffrant de l'extrême
misère ont été hors d'état de me faire recevoir le
baptême et de me rendre les services que ma tendre jeunesse les oblige
à me donner. Ce n'est qu'avec la plus humiliante affliction et douleur
la plus sensible qu'ils m'abandonnent et exposent en attendant que le ciel les
favorise d'être en état de me rappeler au sein de ma famille" (
Jean Dandrin, enfants trouvés, enfants ouvriers, 17e-19e siècle,
Aubier Montaigne, 1982.) A cette époque, on compte plus de 7000 abandons
par an, que l'on attribuera majoritairement à
l'illégitimité; mais, comme le soulignent certains auteurs
contemporains, en rejetant la faute sur l'inconduite des parents, l'Etat
évitait d'admettre sa responsabilité dans le système
économique et social qui créait cette pauvreté.
Au 19 ème siècle, la cause de l'abandon est
identique. La misère règne toujours dans les classes populaires.
Cette pauvreté est un réel barrage aux familles
défavorisées désireuses d'avoir des enfants mais
étant donné la précarité, ils ne peuvent se
permettre de garder l'enfant. Ils préfèrent donc déposer
l'enfant dans un lieu qui favorisera son épanouissement plutôt que
de le laisser mourir de faim (dans certains cas, c'est l'enfant qui meurt et
dans d'autres, c'est la mère car elle s'est sacrifiée pour son
enfant). En général, les familles à cette époque
déposaient dans les langes des enfants des signes de reconnaissance
gardant l'espoir de leur identification voire d'une future restitution.
La forme d'abandon, elle, a changé : la
société a mis en place des " tours d'abandon ". Ces tours
étaient destinés aux personnes qui voulaient laisser leur enfant
dans l'anonymat et la sécurité. C'était une sorte de
guichet installé dans la façade des hospices; on y pratiquait un
trou où était logé une boîte pivotante. L'ouverture
du tour se faisait par la rue; il suffisait de déposer l'enfant dans la
boîte, de sonner et la boîte se tournait vers l'intérieur de
l'hospice où une soeur recueillait l'enfant.
A la fin du 19e siècle, les tours sont
supprimés pour faire place au bureau d'admission auquel les mères
peuvent confier leur enfant. La police intervient parfois lorsque les parents
ont commis un délit pour survivre. De plus, les domestiques ont parfois
eu des relations avec leur employeur qui avaient entraîné une
grossesse, ce qui poussait les employeurs à renvoyer la domestique car
ils ne voulaient pas avoir de problèmes avec leurs femmes.
Au 20 ème siècle, la misère
s'atténue petit à petit mais elle ne disparaît pas, elle
reste présente. La cause d'abandon reste donc ce fléau. Mais il
faut noter l'apparition grandissante des abandons dans la classe bourgeoise.
Les femmes riches avaient des serviteurs et il leur arrivait quelque fois que
celles-ci aient des relations extraconjugales. De peur que le mari le
découvre, elles étaient contraintes d'abandonner l'enfant ou
même d'avorter. Si elle était célibataire, la crainte du
scandale et le risque que la famille, à l'annonce de la grossesse,
n'expulse la jeune fille, ne laissaient à celle-ci pas d'autre choix que
de se débarrasser du bébé.
Au 20e siècle, la législation française a
créé l'accouchement sous X, assurant l'anonymat d'abord total sur
la personnalité de la mère. C'est devenu la principale forme
d'abandon.
Fin 20 ème et début 21 ème
siècle, la misère reste la cause principale d'abandon. Les femmes
qui ont recours à l'abandon sont souvent très jeunes et sans
ressources car elles ne travaillent pas. Elles ont aussi peur d'annoncer
à leur compagnon leur grossesse car ceux-ci risquent de fuir face
à l'annonce de leur paternité. Enfin, lorsqu'il s'agit
d'adolescentes issues de minorités ethniques (maghrébines ou
antillaises par exemple), elles risquent aussi de se faire bannir de la
famille, voire d'être physiquement punies.
SECTION 2: LES GRANDS PRINCIPES DE L'ADOPTION EN FRANCE
Le droit français reconnaît deux formes
d'adoption, l'adoption plénière et L'adoption simple, qui
présentent certains caractères communs mais diffèrent par
leurs conditions et leurs effets :
Paragraphe 1 : l'adoption plénière et
l'adoption simple
A)
l'adoption plénière
L'adoption plénière, régie par les
dispositions des articles 343 à 359 du code civil, ne s'adresse
qu'à des enfants de moins de 15 ans accueillis au foyer des adoptants
depuis au moins 6 mois. Sauf dans les cas où elle concerne l'enfant du
conjoint, elle implique une rupture totale du lien de filiation
préexistant, la nouvelle filiation se substituant à la filiation
d'origine et est irrévocable. L'adopté jouit dans sa famille des
mêmes droits et obligations qu'un enfant légitime. Il prend le nom
de l'adoptant. La nationalité française lui est attribuée
de droit dans les mêmes conditions qu'à un enfant légitime
ou naturel.
B) l'adoption simple
L'adoption simple, dont les dispositions sont prévues
aux articles 360 à 370- 2 du code civil, ne pose pas de conditions
d'âge de l'adopté. Les liens de filiation préexistants ne
sont pas rompus, l'adopté conservant ses droits, notamment
héréditaires, dans sa famille d'origine. Elle n'implique pas
l'acquisition automatique de la nationalité française.
En revanche, dans les deux cas, l'adoption est
réservée à des époux mariés depuis deux ans
ou âgés l'un et l'autre de plus de 28 ans ou à des
personnes seules âgées de plus de 28 ans ayant, sauf exception
admise par le juge, reçu un agrément pour adopter, y compris pour
l'adoption internationale. Sauf exception, la différence d'âge
doit être de 15 ans entre l'adopté et les adoptants.
Paragraphe : entre adoption et la
kafala
Plusieurs pays ne connaissent qu'une forme d'adoption se
rapprochant de l'adoption simple en ce qu'elle n'opère pas une rupture
totale et irrévocable des liens de filiation préexistants.
Dans les Etats musulmans, à l'exception de la Turquie,
de l'Indonésie et de la Tunisie, l'adoption, telle qu'elle est entendue
en droit français, qu'il s'agisse de
L'adoption simple ou de l'adoption plénière,
est interdite 1(*)(par
exemple, article 83 du code du statut personnel et des successions marocain).
Concrètement, le problème se pose principalement pour la France
à l'égard des enfants algériens et marocains.
En revanche, le droit musulman reconnaît le concept de
kafala (ou kefala), qui est l'engagement de prendre bénévolement
en charge l'entretien, l'éducation et la protection d'un enfant mineur,
au même titre que le ferait un père pour son fils (article 116 du
code la famille algérien, par exemple). Ses effets sont ceux de la
tutelle légale. Elle ne crée aucun lien de filiation.
La kafala est un concept juridique reconnu par le droit
international. En effet, la convention des Nations Unies du 20 novembre 1989
relative aux droits de l'enfant énonce que tout enfant privé de
son milieu familial a droit à la protection de l'Etat, tout en
précisant que chaque Etat peut adopter une protection conforme à
sa législation nationale et que l'origine ethnique, religieuse,
culturelle et linguistique de l'enfant doit être prise en compte. Ainsi,
à côté de l'adoption, l'article 20 de la convention
reconnaît, comme moyen de protection, le placement dans une famille, la
kafala de droit islamique ou, en cas de nécessité, le placement
dans une institution.
Quant à la convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la
protection des enfants et la coopération en matière d'adoption
internationale2(*),
obligatoire et contraignante en vertu de son article 2, elle concerne toutes
les formes d'adoption dans la mesure où elles créent un lien de
filiation. La kafala est donc exclue de son champ d'application.
SECTION 3. LA POSITION DES
TRIBUNAUX FRANÇAIS FACE A L'INSTITUTION DE LA KAFALA
A titre liminaire, il convient d'indiquer que le
ministère de la justice (direction des affaires civiles et du sceau) est
lui- même en train d'effectuer des recherches en vue de clarifier sa
position en matière d'adoption internationale, par exemple par la
publication d'une circulaire3(*) . Il s'agit donc d'une matière susceptible de
connaître de nouvelles évolutions, d'autant plus que la
jurisprudence consécutive à la loi du 6 février 2001
relative à l'adoption internationale est encore réduite, et
même inexistante au niveau de la Cour de cassation.
Depuis l'arrêt Torlet de la Cour de cassation, du 7
novembre 1984, les conditions comme les effets de l'adoption sont régis
par la loi nationale des adoptants, sauf en ce qui concerne le consentement et
la représentation de l'adopté, qui obéissent à la
loi nationale de celui-ci.
A cet égard, la justice française
considère que l'adoption, y compris plénière (arrêt
Fanthou de la Cour de cassation, du 10 mai 1995), d'un enfant dont la loi
personnelle ne connaît pas ou prohibe cette institution est possible,
à la condition que, indépendamment des dispositions de cette loi,
le représentant du mineur ait donné son consentement en pleine
connaissance des effets attachés par la loi française à
l'adoption et, en particulier, s'agissant d'une adoption
plénière, du caractère complet et irrévocable de la
rupture des liens entre le mineur et sa famille par le sang ou les
autorités de tutelle de son pays d'origine.
En revanche, les personnes dont le statut personnel prohibe
l'adoption ne peuvent pas adopter. La Cour de cassation applique en effet la
loi nationale des adoptants aux conditions de l'adoption.
Le juge doit ainsi vérifier que le consentement
donné par l'adopté ou son représentant l'a
été en pleine connaissance des effets attachés par la loi
française à cette institution.
Dans une décision du 19 juin 1997, la cour d'appel de
Paris a considéré que tel était le cas lorsque les
adoptants de nationalité française, après avoir obtenu
successivement une kafala puis une autorisation judiciaire de sortie du
territoire marocain et un acte notarié d'institution d'héritier,
peuvent produire un acte du juge marocain, représentant légal du
mineur, autorisant une régularisation de la situation de ce dernier
auprès des autorités judiciaires françaises. La
réponse dénuée d'ambiguïté des
autorités marocaines à la demande française qui leur avait
été adressée permet de considérer que le juge
marocain a donné un consentement éclairé à la
demande d'adoption plénière.
En revanche, la même cour d'appel, le 24 juin 1997, a
estimé que ne peuvent être considérées comme ayant
donné un tel consentement, les autorités algériennes qui
ont remis une enfant abandonnée de nationalité algérienne
à un couple de Français, au titre de la kafala, celle- ci, comme
il a été exposé plus haut, maintenant la filiation
d'origine de l'enfant et n'étant pas assimilable à une adoption,
du reste prohibée par la législation algérienne.
Ainsi, la seule obtention d'une kafala dans un pays de droit
coranique est
insuffisante pour faire reconnaître l'adoption par les
tribunaux français, même si, sur ce point, la jurisprudence a
longtemps souffert d'un défaut d'unité, notamment au niveau des
cours d'appel.
La cour d'appel de Toulouse a autorisé, le 22 novembre
1995, la transformation d'une kafala en adoption simple, estimant que ces deux
institutions étaient assimilables. La cour d'appel de Paris a rendu une
décision identique, le 22 mai 2001 (cf. infra).
Quant à la cour d'appel d'Aix-en-Provence, dans une
décision du 25 mars 1999, elle a accepté de déduire la
possibilité d'une adoption plénière d'une kafala,
cependant assortie de nombreux éléments, en particulier le
changement de nom de l'enfant, l'assentiment écrit à l'adoption
des trois enfants légitimes des adoptants, précisant notamment
qu'ils étaient conscients des conséquences successorales et le
consentement à l'adoption plénière donné par le
conseil de famille algérien. Les juges ont ainsi estimé que
« les autorités publiques algériennes avaient consenti
à l'adoption plénière en connaissance des effets
attachés à cette institution en France ». Ils ont
également invoqué l'intérêt supérieur de
l'enfant, en particulier la nécessité, affirmée par la
convention de La Haye, de lui offrir une famille stable et permanente,
rappelant que l'enfant en question avait,depuis sa naissance, et
précisément en vertu de la kafala, été
élevé au sein de la famille qui souhaitait l'adopter.
Néanmoins, la cour d'appel de Paris, dans un
arrêt du 1er février 2001, a adopté une position
différente. Rappelant que le code de la famille algérien
prohibait l'institution de l'adoption et ne connaissait que la kafala, elle a
précisé que
« l'autorisation donnée par les autorités
algériennes à l'enfant du port du nom des personnes qui l'ont
recueilli ayant seulement pour objet de permettre son insertion sociale, ne
consacre aucun lien de filiation et n'autorise pas l'assimilation du recueil
légal [kafala] à l'adoption plénière ».
Elle a donc refusé de prononcer l'adoption, au motif
que « le consentement des autorités administratives et judiciaires
algériennes à la kafala ne peut être
considéré comme un consentement à une adoption simple ou
plénière, en pleine connaissance des effets attachés
à cette institution », la loi algérienne prohibant
l'adoption.
En raison du manque d'unité de la jurisprudence,
l'intervention du législateur s'est révélée
nécessaire. La loi n° 2001-111 du 6 février 2001 relative
à l'adoption internationale, issue d'une proposition de loi de M. Jean-
François Mattei, mais dont la rédaction résulte largement
des conclusions de la commission des lois du Sénat, vise
précisément à éviter des décisions de
justice éventuellement divergentes et à résoudre des
conflits de lois.
Elle a notamment inséré, au titre VIII du livre
Ier du code civil, un chapitre III, intitulé Du conflit des lois
relatives à la filiation adoptive et de l'effet en France des adoptions
prononcées à l'étranger (articles 370-3 à 370 -
5).
Plusieurs de ces dispositions donnent un fondement
législatif à la jurisprudence de la Cour de cassation, qu'elles
reprennent, en particulier les règles relatives à la
reconnaissance des décisions étrangères, à la
conversion d'une adoption simple en adoption plénière et au
consentement qui doit être donné à l'adoption.
En résumé, la kafala n'est pas une
procédure d'adoption. Il semble - tel est actuellement le sens de la
jurisprudence de la cour d'appel de Paris mais la Cour de cassation n'a pas
encore été appelée à se prononcer sur ce point, et
la doctrine est défavorable - qu'elle puisse toutefois être
assimilée à l'adoption simple du droit français si la loi
nationale des adoptants ou si, en cas d'adoption par deux époux, la loi
qui régit les effets de leur union reconnaît l'institution de
l'adoption. Si la loi d'un seul des époux prohibe l'adoption, celle-ci
est possible, d'autant plus que le conjoint étranger peut facilement
acquérir la nationalité française. Selon la doctrine, il
convient d'entendre par « loi qui régit les effets de leur union
» la loi des effets du mariage, c'est- à- dire celle du domicile
commun des époux en cas de différence de nationalité entre
eux.
En revanche, la kafala ne peut pas être convertie en
adoption plénière, la loi du 6 février 2001
précitée ayant tranché ce point. Une décision comme
celle, rappelée plus haut, de la cour d'appel d'Aix-en- Provence du 25
mars 1999, du reste rendue avant la loi du 6 février 2001 mais de toute
façon demeurée isolée, ne serait plus possible.
D'une manière générale, envisager de
bénéficier d'une kafala dans un pays de droit coranique, pour
ensuite la faire reconnaître en France comme une adoption devrait
être déconseillé à un couple candidat à
l'adoption. Il est préférable de suivre la procédure mise
en oeuvre par la mission de l'adoption internationale du ministère des
affaires étrangères. Quant aux cours d'appel, leurs
décisions récentes semblent toutefois convergentes pour refuser
l'assimilation de la kafala à l'adoption simple du droit
français. Telle serait également la position du ministère
de la justice. Dans un arrêt du 19 novembre 2003, la cour d'appel
d'Amiens, rappelant que l'adoption d'un mineur étranger ne peut
être prononcée si sa loi personnelle prohibe cette institution, ce
qui est le cas de la loi algérienne, a estimé que « la
kafala [...] ne peut être considérée comme une adoption,
même simple ». Dès lors, « le prononcé de
l'adoption de la mineure est légalement impossible, l'enfant ne
remplissant pas les conditions cumulatives de naissance et de résidence
en France », imposées par la loi.
La cour d'appel de Versailles, dans un arrêt du 27
novembre 2003, a donné raison au ministère public pour lequel la
kafala n'est pas assimilable, en droit français, à l'adoption
simple, mais à une délégation d'autorité parentale,
alors que les intimés estimaient le contraire. La cour d'appel,
rappelant que « l'adoption, qu'elle soit plénière ou simple,
crée un lien de filiation entre l'adoptant et l'adopté », a
jugé que la kafala « n'instaure aucun lien de filiation entre
l'adoptant et l'adopté, même si les enfants recueillis peuvent
prendre le nom des titulaires du recueil légal [autre nom de la kafala]
», qui « s'apparente à un transfert de l'autorité
parentale et n'équivaut pas à une adoption simple ».
Enfin, le 4 décembre 2003, la cour d'appel de Reims a
rendu un arrêt identique, précisant que le consentement à
l'adoption donné par le conseil de famille « en violation de la loi
nationale de l'enfant est sans valeur ». Elle a ajouté que «
l'exclusion de l'adoption par la loi algérienne ne heurte pas l'ordre
public français dès lors que cette loi met en place par kafala
une institution de substitution susceptible de fournir à l'enfant la
protection
(entretien et éducation) dont il a besoin ».
Quant au Conseil d'Etat, il a été amené
à se prononcer, le 24 mars 2004, sur des décisions
administratives refusant à un enfant de nationalité marocaine
bénéficiant d'une kafala l'autorisation d'entrée en France
dans le cadre de la procédure de regroupement familial.
L'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions
d'entrée et de séjour des étrangers en France
prévoit que l'enfant pouvant bénéficier du regroupement
familial est l'enfant légitime ou naturel ayant une filiation
légalement établie ainsi que l'enfant adopté. La haute
juridiction administrative a alors considéré qu' « il
appartient à l'autorité administrative de s'assurer, sous le
contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'une décision
refusant le bénéfice du regroupement familial demandé pour
un enfant n'appartenant pas à l'une des catégories ainsi
mentionnées ne porte pas une atteinte excessive aux droits des
intéressés au respect de leur vie privée et familiale et
ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3-1 de la
convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 selon lesquelles
« dans toutes les décisions qui concernent les enfants...
l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une
considération primordiale »
Dans ces deux affaires, le Conseil d'Etat, estimant que le
juge devait procéder à un contrôle au cas par cas, a
donné tort à l'administration et considéré que la
décision du préfet avait porté au droit au respect de la
vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts
en vue desquels l'autorisation sollicitée dans le cadre du regroupement
familial avait été refusée.
CONCLUSION
Le droit français reste largement tributaire dans Les
Etats musulmans surtout en ce qui concerne el droit de la famille qui a ses
sources dans le saint Coran, ce qui le rend comme un système
bloqué au yeux des européens.
L'évolution du mode de vie et l'occidentalisation qui
a traversé les pays de culture musulmane recommandent
l'égalité entre les deux sexes et la juridiction nationale essaie
de faire adapté el changement mais tout en restant compatible avec les
écrits saints, texte a caractère divine donc immuable.
Le Maroc est resté très proche de l'enseignement
classique, sa Moudawana ne comporte que quelques réformes minimes.
Le code Algérien de la famille de 1984 a introduit,
à l'instar des codes Syriens et iraquiens, des mécanismes de
caractère procédural qui permettent d'entraver la pratique de la
polygamie et de al répudiation que le code tunisien a pour sa part
entièrement supprimées. Mais tout ces pays ont du se limiter,
face a l'influence de al religion , le cas de l'enfant illégitime qui
reste hors lignage et n'as aucun statu juridique et sa heurte a l'ordre
juridique français.
Annexe 1
Chapitre VII Du recueil légal (Kafala)
Code de la famille de la nationalité et de l'état
civil algérien
Art. 116. Le recueil légal est
l'engagement de prendre bénévolement en charge l'entretien,
l'éducation et la protection d'un enfant mineur, au même titre que
le ferait un père pour son fils. Il est établi par acte
légal.
Art. 117. Le recueil légal est
accordé par devant le juge ou le notaire avec le
consentement de l'enfant quand celui-ci a un père et
une mère.
Art. 118. Le titulaire du droit de recueil
légal (kafil) doit être musulman,
sensé, intègre, à même d'entretenir
l'enfant recueilli (makfoul) et capable de
le protéger.
Art. 119. L'enfant recueilli peut être
de filiation connue ou inconnue.
Art. 120. L'enfant recueilli doit garder sa
filiation d'origine s'il est de
parents connus. Dans le cas contraire, il lui est fait
application de l'article
64 du code de l'état civil.
Art. 121. Le recueil légal
confère à son bénéficiaire la tutelle légale
et lui
ouvre droit aux mêmes prestations familiales et
scolaires que pour l'enfant
légitime.
Art. 122. L'attribution du droit de recueil
légal assure l'administration des
biens de l'enfant recueilli résultant d'une succession,
d'un --- ou d'une
donation, au mieux de l'intérêt de celui-ci.
Art. 123. L'attributaire du droit de recueil
légal peut léguer ou faire don dans la limite du tiers de ses
biens en faveur de l'enfant recueilli. Au delà de ce tiers, la
disposition testamentaire est nulle et de nul effet sauf consentement des
héritiers.
Art. 124. Si le père et la mère
ou l'un d'eux demande la réintégration sous leur tutelle de
l'enfant recueilli, il appartient à celui-ci, s'il est en âge
de
discernement, d'opter pour le retour ou non chez ses
parents.
Il ne peut être remis que sur autorisation du juge
compte tenu de l'intérêt de
l'enfant recueilli si celui-ci n'est pas en âge de
discernement.
Art. 125. L'action en abandon du recueil
légal doit être introduite devant la
Juridiction qui l'a attribué, après notification
au ministère public. En cas de
décès, le droit de recueil légal est
transmis aux héritiers s'ils s'engagent à
l'assurer. Au cas contraire, le juge attribue la garde de
l'enfant à l'institution compétente en matière
d'assistance.
Annexe 2
LOI no 2001-111 du 6 février 2001 relative à
l'adoption internationale (1)
NOR : JUSX0004033L
L'Assemblée nationale et le Sénat ont
adopté, Le Président de la République promulgue la loi
dont la teneur suit :
Article 1er
Le titre VIII du livre Ier du code civil est
complété par un chapitre III intitulé : « Du conflit
des lois relatives à la filiation adoptive et de l'effet en France des
adoptions prononcées à l'étranger ».
Article 2
Dans le chapitre III du titre VIII du livre Ier du code
civil, sont insérés les articles 370-3 à 370-5 ainsi
rédigés : « Art. 370-3. - Les conditions de l'adoption
sont soumises à la loi nationale de l'adoptant ou, en cas d'adoption par
deux époux, par la loi qui régit les effets de leur union.
L'adoption ne peut toutefois être prononcée si la loi nationale de
l'un et l'autre époux la prohibe. « L'adoption d'un mineur
étranger ne peut être prononcée si sa loi personnelle
prohibe cette institution, sauf si ce mineur est né et réside
habituellement en France. « Quelle que soit la loi applicable,
l'adoption requiert le consentement du représentant légal de
l'enfant. Le consentement doit être libre, obtenu sans aucune
contrepartie, après la naissance de l'enfant et éclairé
sur les conséquences de l'adoption, en particulier, s'il est
donné en vue d'une adoption plénière, sur le
caractère complet et irrévocable de la rupture du lien de
filiation préexistant. « Art. 370-4. - Les effets de l'adoption
prononcée en France sont ceux de la loi française. « Art.
370-5. - L'adoption régulièrement prononcée à
l'étranger produit en France les effets de l'adoption
plénière si elle rompt de manière complète et
irrévocable le lien de filiation préexistant. A défaut,
elle produit les effets de l'adoption simple. Elle peut être convertie en
adoption plénière si les consentements requis ont
été donnés expressément en connaissance de cause.
»
Article 3
Les dispositions du deuxième alinéa de l'
article
370-3 du code civil s'appliquent aux procédures engagées
à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi.
Article 4
Dans l'
article
361 du code civil, après la référence : «
353-1, », est insérée la référence : «
353-2, ».
Article 5
Il est créé, auprès du Premier ministre,
un Conseil supérieur de l'adoption. Il est composé de
parlementaires, de représentants de l'Etat, de représentants des
conseils généraux, de magistrats, de représentants des
organismes autorisés ou habilités pour l'adoption, de
représentants des associations de familles adoptives, de personnes
adoptées et de pupilles de l'Etat, d'un représentant du service
social d'aide aux émigrants, d'un représentant de la mission pour
l'adoption internationale, ainsi que de personnalités
qualifiées. Il se réunit à la demande de son
président, du garde des sceaux, ministre de la justice, du ministre
chargé de la famille, du ministre des affaires étrangères
ou de la majorité de ses membres, et au moins une fois par
semestre. Le Conseil supérieur de l'adoption émet des avis et
formule toutes propositions utiles relatives à l'adoption, y compris
l'adoption internationale. Il est consulté sur les mesures
législatives et réglementaires prises en ce domaine. Les
modalités d'application du présent article sont fixées par
décret.
Article 6
Le deuxième alinéa de l'article 56 de la
loi no 96-604 du 5 juillet 1996 relative à l'adoption est ainsi
rédigé : « L'autorité centrale pour l'adoption est
composée de représentants de l'Etat et des conseils
généraux ainsi que de représentants des organismes
agréés pour l'adoption et des associations de familles adoptives,
ces derniers ayant voix consultative. »
Annexe 3
Convention du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la
coopération en matière d'adoption internationale
Article 2
1 La Convention s'applique lorsqu'un enfant
résidant habituellement dans un Etat contractant («l'Etat
d'origine») a été, est ou doit être
déplacé vers un autre Etat contractant («l'Etat
d'accueil»), soit après son adoption dans l'Etat d'origine par des
époux ou une personne résidant habituellement dans l'Etat
d'accueil, soit en vue d'une telle adoption dans l'Etat d'accueil ou dans
l'Etat d'origine.
2 La Convention ne vise que les adoptions
établissant un lien de filiation.
Annexe 4
INTRODUCTION
5
CHAPITRE I
9
LA KAFALA OU RECUEIL LEGAL EN DROIT
MUSULMAN
9
SECTION 1 :
9
LA KAFALA CONTEXTE HISTORIQUE ET DIFINITION
DU TERME
9
Paragraphe 1 : la kafala a travers
l'histoire des sociétés pré-
islamique .................
9
Paragraphe 2 : le contexte historique
dans la société islamique
...........................
11
SECTION 2 :
14
LA KAFALA DANS LES JURIDICTION DES PAYS
MUSULMANS
14
Paragraphe 1 : Que dit l'Islam sur
l'adoption ?
..................................................
14
Paragraphe 2 : la
kafala, la notion, ces sujets, et la
procédure..............................
16
A. Kafala n'est pas adoption
......................................................................
16
B. Qu'est ce que la Kafala d'un enfant
abandonné ?
...........................................
16
C. Qui peut prendre en charge un enfant
abandonné ?
........................................
16
D. A qui s'adresser pour prendre en charge un
enfant abandonné ? .........................
17
E. Quels sont les effets de la prise en charge d'un
enfant abandonné? .....................
17
F. Un enfant pris en charge peut il être
emmené pour résider de manière permanente à
l'étranger ?
...........................................................................................
18
G. Quand cesse la kafala ?
........................................................................
18
Paragraphe 3 : La prise en charge de l'enfant
abandonner dans les pays musulmans...
19
Section 3 : Développement de La
Kafala en Algérie en dépit des insuffisances juridiques.
23
Chapitre II
28
LA KAFALA, ET SON INTERPRETATION DANS LES
DECISIONS DE LA JUSTICE FRANÇAISE
28
SECTION 1 : CAUSES ET MODES D'ABANDON
DANS LA SOCIETE OCCIDENTALE
28
SECTION 2: LES GRANDS PRINCIPES DE
L'ADOPTION EN FRANCE
32
Paragraphe 1 : l'adoption
plénière et l'adoption simple
..................................
32
A) l'adoption
plénière............................................................................
32
B) l'adoption
simple..............................................................................
33
Paragraphe2 : entre adoption et la
kafala..................................................
33
SECTION 3. LA POSITION DES TRIBUNAUX
FRANÇAIS FACE A L'INSTITUTION DE LA KAFALA
35
CONCLUSION
42
* 1 L'interdiction de l'adoption
dans les Etats de droit coranique résulterait d'une
interprétation d'un verset de la sourate XXXIII : «
Dieu ne loge pas deux coeurs au-dedans de l'Homme [...] non plus qu'il ne fait
vos fils de ceux que vous adoptez ».
* 2 Cette convention est
entrée en vigueur en France le 1e r octobre 1998.
* 3 La circulaire du garde des
sceaux, en date du 16 février 1999, avait été
adressée aux parquets, son objectif étant de susciter une
unification de la jurisprudence en matière de conflits de lois portant
sur l'adoption internationale. Elle était cependant controversée,
notamment parce qu'elle posait des règles plus restrictives que celles
généralement mises en oeuvre par les juridictions. Elle visait
notamment à remettre en cause la distinction opérée par
certains tribunaux entre adoption simple - la kafala lui étant, selon
eux, assimilable - et adoption plénière. Néanmoins, la loi
du 6 février 2001 relative à l'adoption internationale a rendu
cette circulaire caduque.
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