La garantie des droits fondamentaux au Cameroun( Télécharger le fichier original )par Zbigniew Paul DIME LI NLEP Université Abomey-Calavi, Bénin - DEA en Droit international des Droits de l'Homme 2004 |
PARAGRAPHE 2.- LES NOUVEAUX ELEMENTS DU BLOC DE CONSTITUTIONNALITEIls s'entendent de la Charte Africaine des droits de l'Homme et des Peuples (CADHP) (A) et des instruments juridiques internationaux relatifs aux droits de l'homme (B) ratifiés par l'Etat camerounais. A.- La Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples« Elle est l'expression d'une approche des droits de l'homme qui se veut spécifiquement africaine » dit d'elle le Pr Maurice KAMTO116(*). La CADHP est un instrument juridique régional adopté le 28 juin 1981 par la conférence des Chefs d'Etat et de gouvernement membres de l'Organisation de l'Unité Africaine (O.U.A), mais qui n'entrera en vigueur que le 21 octobre 1986. Selon le Pr DEGNI-SEGUI, la CADHP est un document qui surprend par sa nature juridique117(*). Pour lui, cette charte qui doit être considérée comme une convention, s'est vue conférée une nature juridique étonnante, surtout placée dans le contexte politique de l'époque, en l'occurrence le climat des années quatre-vingt118(*). Elle a été adoptée par la voie conventionnelle et était appelée à avoir une force contraignante. Elle n'était pas destinée à être une proclamation de voeux pieux. Il s'ensuit qu'avec son entrée en vigueur en 1986, elle a fait naître à la charge des Etats parties, l'obligation d'assurer la jouissance et l'exercice des droits proclamés119(*). Les Etats africains ne se sont pourtant pas empressés de remplir l'engagement à eux prescrit à l'article 1er du document « d'adopter » des mesures législatives pour appliquer les droits qui y étaient inscrits. Le Pr KAMTO, quant à lui, se demandait même « comment expliquer ce peu d'empressement des Etats africains à accorder l'énonciation constitutionnelle des droits avec leur engagement conventionnel en la matière ? »120(*). Le constituant camerounais, dix ans après l'entrée en vigueur de la CADHP, constitutionnalise cet instrument et partant de là, l'ensemble de ses dispositions qui se trouvent de ce fait intégrés au bloc de constitutionnalité. Dès lors, il est souhaitable que le juge camerounais fasse un usage constant dans sa jurisprudence de cet instrument régional, afin de parvenir à une garantie fiable des droits fondamentaux des citoyens. De plus, la CADHP étant intégrée à la Constitution camerounaise, il semble possible pour le justiciable camerounais d'attraire l'Etat, dans l'hypothèse de violation d'un droit fondamental contenu dans la Charte, devant la nouvelle Cour africaine des droits de l'homme et des peuples121(*) dont le protocole a atteint le quorum de ratifications requis au cours de l'année 2004. Toutefois, il faudra au préalable que le justiciable ait épuisé les voies de droit interne et plus important, que l'Etat ait fait une déclaration acceptant la compétence de la Cour pour la réception des requêtes individuelles122(*). Il est souhaitable, pour une garantie efficace des droits fondamentaux de citoyens, que les dirigeants africains en général et camerounais en particulier se soumettent à cette exigence prescrite dans le protocole portant création de la Cour. Au sein de son bloc de constitutionnalité, le constituant camerounais intègre aussi comme élément nouveau de celui-ci, l'ensemble des conventions internationales relatives aux droits humains dûment signées et ratifiées par l'Etat camerounais. * 116 Ibid., p. 19. * 117 R. DEGNI-SEGUI, op. cit., p. 57. * 118 Ibid., p. 57. * 119 Ibid., pp. 57-58. * 120 M. KAMTO, ibid., p. 19. * 121 L'art. 5 du Protocole relatif à la CADHP portant création d'une Cour africaine des droits de l'homme et des peuples traite de la saisine de la Cour. L'al. 3 de cet article dispose en effet que : « La Cour peut permettre aux individus ainsi qu'aux organisations non-gouvernementales (ONG) dotées du statut d'observateur auprès de la Commission d'introduire des requêtes directement devant elle conformément à l'article 34 (6) de ce Protocole », in O. DE SCHUTTER, F. TULKENS, S. VAN DROOGHENBROECK, Code de droit international des droits de l'homme, 1e éd., Bruxelles, Bruylant, 2000, p. 474. * 122 L'art. 34 al. 6 du même Protocole énonce qu' : « à tout moment à partir de la ratification du présent Protocole, l'Etat doit faire une déclaration acceptant la compétence de la Cour pour recevoir les requêtes énoncées à l'article 5(3) du présent Protocole. La Cour ne reçoit aucune requête en application de l'article 5(3) intéressant un Etat partie qui n'a pas fait une telle déclaration », in O. DE SCHUTTER, F. TULKENS, S. VAN DROOGHENBROECK, op. cit., p. 480. |
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