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La garantie des droits fondamentaux au Cameroun

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par Zbigniew Paul DIME LI NLEP
Université Abomey-Calavi, Bénin - DEA en Droit international des Droits de l'Homme 2004
  

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B.- Les incertitudes de la jurisprudence

Diverses décisions de la jurisprudence camerounaise concernant le chapitre de la valeur du préambule du texte constitutionnel illustrent une indécision relative à cet aspect57(*). Le juge camerounais, qu'il soit judiciaire ou administratif, n'a pas pu mettre fin à ce débat. Bien au contraire, il n'a contribué qu'à l'envenimer à l'analyse de certaines de ses décisions.

Relativement au juge judiciaire, certaines espèces peuvent être retenues et dénotent d'une attitude tantôt cohérente, tantôt confuse du juge quant à l'affirmation de la valeur juridique du préambule.

Dans deux arrêts de la Cour suprême du Cameroun oriental, un en date du 11juillet 1963 et un autre du 8 octobre 1968, les juges de la Haute institution auraient reconnu la pleine valeur juridique58(*) du préambule du texte constitutionnel du 4 mars 1960 révisé par la loi constitutionnelle du 1er septembre 1961.

Dans l'arrêt du 11 juillet 1963, les juges écartent l'application d'une coutume établissant une discrimination fondée sur le sexe, au motif que le préambule de la constitution du 4 mars 1960 avait une fois pour toutes posé le principe de l'égalité des sexes59(*). Un arrêt du 8 octobre 1968 suivra la même logique, lorsqu'en matière pénale, fut cassé un arrêt de la Cour d'Appel de Douala qui avait violé le principe de l'égalité de tous les citoyens énoncé au préambule de la Constitution du 4 mars 1960.

Une question est tout de même posée par M. OLINGA quant à la portée de ces deux décisions. En effet, celui-ci se demande comment est-ce que les différents arrêts ont pu traiter de la valeur du préambule de la Constitution du 4 mars 1960, alors que la Constitution en vigueur à l'époque des arrêts, en l'occurrence celle du 1er septembre 1961, n'en avait pas du tout ?60(*)

Une esquisse de réponse est apportée par le Pr MINKOA qui estime que pareille interrogation n'est légitimée que par une mauvaise compréhension de la réforme constitutionnelle du 1er septembre 1961, lui donnant une portée qu'elle n'a pas61(*). Pour lui, l'intitulé de la loi constitutionnelle du 1er septembre 1961, « portant révision constitutionnelle et tendant à adapter la constitution actuelle aux nécessités du Cameroun réunifié », indiquait suffisamment qu'elle n'était qu'une loi spéciale au regard de la Constitution du 4 mars 1960 qui demeurait la loi générale62(*). En conséquence, l'abrogation induite par la loi constitutionnelle du 1er septembre 1961 n'était qu'une abrogation partielle du texte de 1960. Elle laissait subsister, à en croire le Pr MINKOA, le préambule de la constitution de 1960, et ne s'attaquait qu'au ``corps'' de celle-ci63(*).

En définitive, écrit-il, « il n'y a jamais eu de ``constitution du 1er septembre 1961'' mais, toujours la constitution du 4 mars 1960, profondément modifiée et comportant tout de même deux parties : un préambule qui résulte du texte original, et une partie articulée, résultant de la loi du 1er septembre 1961. C'est donc à bon droit que la Cour Suprême a pu continuer à se référer au préambule de la Constitution de 1960 (...) puisque celle-ci est restée en vigueur jusqu'en 1972 ! »64(*)

L'entrée en vigueur de la Constitution du 2 juin 1972 permettra d'observer la constance du juge judiciaire quant à l'affirmation de la valeur constitutionnelle du préambule. Dans un arrêt du 22 février 1973, la Cour Suprême a jugé contraire au principe de l'égalité une coutume ôtant toute velléité successorale à des filles en ces termes : « Attendu que les droits de la personne résultant du mariage, de la parenté, de la filiation dont la constitution proclame, dans son préambule65(*), le caractère inaliénable et sacré, ne peuvent faire l'objet de transaction ni constituer la contre-partie d'une dette ou d'une créance ; que ces principes sont d'ordre public ; attendu que la coutume invoquée, dans la mesure où elle établit une discrimination fondée sur le sexe, va à l'encontre du principe constitutionnel de l'égalité des sexes ; que de ce fait ladite coutume ne saurait recevoir la sanction des cours et tribunaux, la vocation héréditaire de la femme apparaissant désormais comme indiscutable »66(*). Le juge judiciaire camerounais, par cette décision, s'inscrit en conséquence dans la logique d'une valeur juridique contraignante du préambule constitutionnel.

Cette constance jurisprudentielle du juge judiciaire camerounais sera toutefois perturbée par une ``malencontreuse attitude''67(*) de la Cour d'Appel de Garoua. Celle-ci émettra une décision selon laquelle « il est largement admis que les préambules n'énoncent que les principes généraux de droit, et ce à titre indicatif, alors que la loi énonce des dispositions constitutionnelles proprement dites et, de ce fait, l'emporte sur le préambule de la constitution »68(*).

Le juge de Garoua dénie vraisemblablement, dans cette décision, toute valeur juridique au préambule constitutionnel. Mais en réalité, selon le Pr MINKOA, il pose le problème des rapports loi-préambule en termes de primauté, la première l'emportant sur le second69(*). Le préambule aurait ainsi une valeur infra-législative et à plus forte raison infra-constitutionnelle70(*), ce qui ne semble pas du tout raisonnable, mais plutôt hérétique.

Au demeurant, cette ``zizanie'' semée par le juge de Garoua ne remet pas en cause la constance jurisprudentielle du juge judiciaire camerounais quant à la valeur juridique du préambule, compte tenu de la position tranchée du juge suprême71(*).

Par contre, le juge de l'ordre administratif n'observe pas la même attitude face à ce débat. Il ne semble exister aucune espèce dont les énoncés soient clairs et nets, soit dans le sens de l'acceptation de la valeur constitutionnelle du préambule, soit dans le sens inverse72(*). Cette incertitude est somme toute propice aux divagations et aux errements doctrinaux. Certaines espèces en témoignent du reste.

Tout d'abord, les deux arrêts précités de la CFJ, Eitel MOUELLE KOULA et NANA TCHANA dans lesquels le Pr BOEHLER a cru lire une reconnaissance de la valeur constitutionnelle du préambule par le juge administratif. Or, ces deux décisions se réfèrent explicitement à l'article 1er, alinéa 2, de la Constitution du 4 mars 1960, telle que modifiée par la loi constitutionnelle du 1er septembre 1961 et non au préambule de celle-ci73(*). Elles ont cependant permis d'alimenter un vain débat74(*) qui a permis de rendre compte de l'ambiguïté de la position du juge administratif camerounais à ce propos.

Un autre arrêt illustre cette attitude confuse du juge administratif, l'arrêt n° 4 de la C.F.J en date du 28 octobre 1970, Affaire Société des Grands Travaux de l'Est (S.G.T.E)75(*). Les faits sont les suivants : la société requérante, (la S.G.T.E), contestait une imposition erronée, consécutive à une disposition législative à caractère rétroactif, insérée dans le Code général des impôts. S'appuyant sur une disposition du préambule de la Constitution selon laquelle « la loi ne peut avoir d'effet rétroactif », la requérante sollicitait l'annulation partielle du rôle litigieux. L'imposition contestée devait, selon elle, être déclarée illégale parce que fondée sur une loi contraire à la Constitution. Dans une formulation sibylline, la Cour déclare « qu'à supposer même que le principe de non-rétroactivité des lois soit une règle constitutionnelle, en l'absence d'un contrôle de constitutionnalité des lois par voie d'exception, il n'appartient pas à la Chambre administrative de la C.F.J (d'annuler le rôle), ni même d'en écarter l'application »76(*).

Une déduction a pu être faite de cette décision de la Cour, certains auteurs ayant estimé qu' « en centrant le motif de son rejet sur l'incompétence de la S.G.T.E à soulever une exception d'inconstitutionnalité, elle admet implicitement qu'elle aurait pu faire jouer en l'espèce le principe de la non-rétroactivité des lois inscrit dans le préambule, si seulement l'inconstitutionnalité avait été soulevée par la seule personne qui, selon elle, est habilitée à l'invoquer, à savoir le Président de la République »77(*).

Les auteurs de ces lignes estiment que seule une lecture a contrario de l'argument de la Cour dans sa décision permet d'envisager une implicite reconnaissance de la valeur constitutionnelle du préambule78(*). Mais, on ne saurait préjuger d'une position ferme du juge, qui en l'espèce ne l'a été que s'agissant du rejet de l'exception d'inconstitutionnalité, tout en gardant une attitude dubitative sur la valeur constitutionnelle du principe de la non-rétroactivité et, donc, du préambule l'énonçant79(*).

Le juge administratif n'aura donc pas, à l'instar de son collègue judiciaire, adopté une attitude ferme et constante quant à la valeur juridique du préambule. Bien heureusement, le débat sur le thème de la valeur juridique du préambule sera tranché par la promulgation de la loi n° 96-06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 2 juin 1972. Celle-ci constitutionnalisera de manière expresse le préambule, levant ainsi toute équivoque sur sa valeur juridique.

* 57 A. D. OLINGA, ibid., p. 117.

* 58 A. D. OLINGA, ibid., p. 118.

* 59 C.S.C.O., n° 67 du 11 juillet 1963, Bull., p. 554, cité par A. MINKOA SHE, Droits de l'homme et droit pénal au Cameroun, Paris, Economica, Coll. « La Vie du Droit en Afrique », 1999, p. 20.

* 60 A. D. OLINGA, ibid., p. 118.

* 61 A. MINKOA SHE, op. cit., p. 20.

* 62 Ibid., p. 20.

* 63 Ibid., p. 21.

* 64 Ibid., p. 21.

* 65 C'est nous qui soulignons.

* 66 in R.C.D., n° 9, jan.-avr. 1976, pp. 82-83, cité par A. MINKOA SHE, op. cit., pp. 21-22.

* 67 A. D. OLINGA, ibid., p. 118.

* 68 Cour d'Appel de Garoua, n° 9/c du 5 mai 1973, R.C.D., n° 6, 1974, p. 143, cité par A. MINKOA SHE, op. cit., p. 22.

* 69 Ibid., p. 22.

* 70 Ibid., p. 22.

* 71 A. D. OLINGA, ibid., p. 118.

* 72 Ibid., p. 118.

* 73 A. MINKOA SHE, op. cit., p. 23.

* 74 A. D. OLINGA, ibid., p. 118.

* 75 J. M. BERTIN, ``Recueil des principales décisions de l'Assemblée plénière de la C.F.J statuant au contentieux (1967-1972)'', Université de Yaoundé, Faculté de Droit et de Sciences économiques, 1972, pp. 141-142.

* 76 Cité par A. MINKOA SHE, op. cit., p. 22.

* 77 P. G. POUGOUE et M. KAMTO, ``Commentaire de la loi n° 89/018 du 28 juil. 1989 portant modification de la loi n° 75/16 du 08 déc. 1978 fixant la procédure et le fonctionnement de la Cour Suprême'', Juridis-Infos, jan-mars 1990, n° 1, p. 8, cité par A. MINKOA SHE, op. cit., p. 23.

* 78 A. D. OLINGA, ibid., p. 119.

* 79 A. MINKOA SHE, op. cit., p. 23.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius