La garantie des droits fondamentaux au Cameroun( Télécharger le fichier original )par Zbigniew Paul DIME LI NLEP Université Abomey-Calavi, Bénin - DEA en Droit international des Droits de l'Homme 2004 |
B.- De par la portée des décisions du juge constitutionnelLe Conseil constitutionnel est une institution qui a vocation à dire le droit. Elle rend des décisions qui produisent des effets notables dans l'ordre juridique. Elles s'analysent généralement en deux conséquences non négligeables. D'une part, la décision du juge constitutionnel s'impose à tous, d'autre part, elle conduit, s'agissant du contrôle de constitutionnalité des textes, à l'annulation de la loi non conforme à la constitution. Le fait que la décision du juge constitutionnel s'impose à tous dans l'ordre juridique signifie qu'elle revêt une autorité absolue de la chose jugée. Elle s'impose, selon les termes de l'article 15 alinéa 3 de la loi n° 2004-4, « aux pouvoirs publics et toutes les autorités administratives, militaires et juridictionnelles, ainsi qu'à toute personne physique ou morale » au sein de l'Etat. De plus, elle se doit d'être exécutée sans délai, conformément à la lettre de l'article 15 alinéa 4 de la même loi. Mais, la décision du juge, pour ne pas violer les droits des citoyens, doit respecter certaines prescriptions. C'est ainsi qu'elle doit intervenir dans un délai légal, afin de ne pas entretenir le spectre du non-droit dans l'Etat et des règles liées à la due process in law, telles que celle d'un jugement rendu dans un délai raisonnable287(*). Elle est, de plus, soumise aux formalités de publicité288(*) et de notification289(*). Dès lors, cette décision produit une conséquence considérable s'agissant du contrôle de constitutionnalité des lois. C'est une garantie indéniable pour les droits fondamentaux que ne soit pas introduite dans l'ordonnancement juridique, une loi non conforme à la constitution et, qui plus est, liberticide. Le législateur camerounais prévoit ainsi les effets que produit une décision du juge constatant la violation par la loi d'une disposition constitutionnelle. Ainsi, comme il est prévu à l'article 24 de la loi n° 2004-4, « lorsque le Conseil constitutionnel déclare une loi contraire à la constitution, cette loi ne peut être ni promulguée ni mise en application ». La loi est tout simplement exclue de toute entrée dans la hiérarchie des normes juridiques de l'Etat. Il en va également ainsi d'une loi qui contient une disposition contraire à la constitution et indissociable de l'ensemble de la loi290(*). Il existe cependant une exception à cette interdiction d'entrée dans l'ordonnancement juridique camerounais d'une loi contenant une disposition inconstitutionnelle. C'est l'hypothèse de l'article 26 de la loi n° 2004-4 qui prévoit que lorsque le Conseil constitutionnel ne constate pas que la disposition inconstitutionnelle est inséparable de la loi, le président de la République peut « soit promulguer la loi à l'exception de cette disposition, soit demander au Parlement une nouvelle lecture » de cette loi. Le juge constitutionnel camerounais a ainsi le pouvoir d'annuler une loi lorsqu'il constate la violation de la suprématie constitutionnelle par le législateur. Il peut censurer un acte pris par les représentants du peuple, ce qui, au demeurant, constitue un pouvoir exorbitant du droit commun judiciaire291(*). Le Conseil constitutionnel français est lui fidèle à cette démarche qui contrôle l'action du législateur par rapport à la constitution, car suivant les termes d'une de ses célèbres décisions, « la loi n'est l'expression de la volonté générale que dans le respect de la constitution »292(*). Le juge constitutionnel camerounais semble donc armé pour protéger la constitution et les normes qui y sont consacrées. Il contrôle la conformité des différents textes de l'ordonnancement juridique par rapport à celle-ci et par ce canal, participe à la protection des droits des citoyens. Cependant, le contrôle de constitutionnalité par le juge constitutionnel revêt encore un caractère ``virtuel'', demeure une fiction dans cet ordonnancement juridique293(*). En effet, la juridiction constitutionnelle nouvellement organisée n'a pas encore émis une seule décision et n'a pas encore été saisie dans le sens d'un contrôle d'une loi quelconque et l'institution intérimaire, la Cour Suprême, s'est plutôt signalée comme un juge du contentieux électoral. Il ne reste donc qu'à espérer que le juge constitutionnel, une fois installé, fasse preuve de la plus hâtive des hardiesses, pour ériger une jurisprudence rendant compte de l'implantation des principes de l'Etat de droit et de la démocratie au Cameroun. Mais déjà on peut mesurer la difficulté qu'il aura à affronter, au vu des limites pouvant affecter le contrôle de la conformité des textes à la constitution. * 287 Les décisions du juge constitutionnel camerounais en ce qui concerne le contrôle de la constitutionnalité des lois doivent intervenir « dans un délai de quinze (15) jours. Toutefois, à la demande du président de la République, ce délai peut être ramené à huit (08) jours » selon l'art. 19 al. 4 de la loi n° 2004-4, op. cit., p. 368. * 288 Art. 4 al. 3 et art. 15 al. 1 de la loi n° 2004-4, op. cit., pp. 364 et 367. * 289 Art. 15 al. 2 de la loi n° 2004-4, op. cit., p. 367. * 290 Art. 25 de la loi n° 2004-4, op. cit., p. 370. * 291 R. DEGNI-SEGUI, op. cit., p. 130. * 292 DCC, 23 août 1985, Nouvelle Calédonie, Rec. 170. * 293 R. G. NLEP, ibid., p. 147. |
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