La garantie des droits fondamentaux au Cameroun( Télécharger le fichier original )par Zbigniew Paul DIME LI NLEP Université Abomey-Calavi, Bénin - DEA en Droit international des Droits de l'Homme 2004 |
2.- Les obstacles d'ordre sociologiqueIls s'entendent notamment de l'obstacle constitué par l'analphabétisme, de la peur que ressentent les administrés pour la défense de leurs droits et des difficultés d'accès à la justice administrative. Le constat d'une certaine ignorance des règles régissant le contentieux administratif en particulier et l'armature procédurale dans les Etats africains est patent et depuis longtemps décrié. C'est donc à juste titre qu'elle est considérée comme une entrave propre à annihiler l'action du juge administratif et même du juge judiciaire dans le domaine de la protection des droits des citoyens. Il faut toutefois saluer les initiatives de promotions faites et mises en oeuvre dans les Etats afin d'apporter une culture du droit affinée aux citoyens, même si la portée de ces initiatives est sujette à des critiques. Face parfois à ces actions de bonne volonté de l'Etat, on se heurte au syndrome de la peur de l'administration qui hante un nombre considérable de citoyens. Ainsi que l'affirme M. Achille MBEMBE à ce propos, « nolens volens, la culture du droit à l'occidental, et des droits de l'homme en particulier, est essentiellement déficitaire dans une société camerounaise nourrie depuis des lustres de la sève de l'autocratie, de la répression et de l'asservissement de l'Homme »269(*). Les administrés semblent avoir intériorisé dans leur subconscient la puissance écrasante d'une administration sans merci, dominatrice et toujours gagnante. Il est alors normal, pour eux, de ne pas entrer en conflit avec elle, même lorsqu'il y va de la survie de leurs droits fondamentaux. Les difficultés d'accès à la justice administrative sont aussi inhérents au système juridictionnel camerounais. Elles résident dans la centralisation de la localisation du juge administratif dans la capitale politique de l'Etat270(*). Ceci est aussi le cas de bon nombre d'Etats africains. On est alors bien loin du concept de « justice de proximité » qui suppose de « mettre le juge à la portée du justiciable »271(*). Le justiciable ne dispose d'aucun relais régional pour faire valoir ses droits et la modicité de ses revenus exclut parfois toute tentative de voyage vers la capitale, donc vers la juridiction administrative. Il conviendrait face à un tel obstacle, de procéder à une déconcentration de la justice administrative camerounaise, comme ce fut le cas dans un pays comme le Maroc en 1993, en espérant que l'argument d'un manque de ressources au niveau de l'Etat ne renvoie un tel projet aux calendes grecques. A ce projet de déconcentration, il convient en outre d'adjoindre une exigence qui semble aller de pair avec l'intervention du juge administratif dans le domaine des droits fondamentaux. Comme le souligne le Pr NLEP à ce sujet, « la parfaite formation juridique des hommes appelés à animer ces différentes structures est une condition sine qua non de cette efficacité »272(*). La formation réside en matière administrative surtout, à une spécialisation du juge par l'acquisition de tous les instruments propres à dire parfaitement le droit. Elle permettra, au demeurant, au juge administratif de connaître autant la totalité de la théorie appliquée à l'administration que la pratique de celle-ci. Ainsi armé, il ne pourra que participer à une effective protection des droits fondamentaux, assisté par le juge chargé d'assurer le respect de la loi fondamentale, le juge constitutionnel. * 269 A. MBEMBE, ``Tradition de l'autoritarisme et problèmes de gouvernement en Afrique subsaharienne'', Revue Afrique et développement, vol. XVI, n° 1, 1992, cité par R. G. NLEP, ibid., p. 149. * 270 La capitale politique du Cameroun est Yaoundé située dans la province du Centre dont elle le chef lieu. * 271 Rapport de la Commission HAENEL-ARTHUIS (Commission sénatoriale) de 1992 sur les juridictions administratives, Sénat français, Seconde session, ord. 1991-1992, doc. 400, not., p. 174 et sq., cité par Y. B. VIGNON, ibid., p. 119. * 272 R. G. NLEP, ibid., p. 149. |
|