La garantie des droits fondamentaux au Cameroun( Télécharger le fichier original )par Zbigniew Paul DIME LI NLEP Université Abomey-Calavi, Bénin - DEA en Droit international des Droits de l'Homme 2004 |
2.- La notion d' « autochtone »La notion d' « autochtone » est, à l'instar de la notion de « minorité », une notion non systématisée dans le droit public camerounais. Elle a même longtemps été évitée dans la langage politique, parce qu'on estimait qu'elle véhiculait les relents de tribalisme, de repli identitaire et de sanctification du groupe ethnique au sein de la société camerounaise. Toutes ces notions étaient susceptibles de créer au sein de l'Etat, selon le propos du Président Ahmadou AHIDJO, des « disparités », ou tout au moins « des troubles très graves »201(*). C'est dire donc que la notion d' « autochtone » a longtemps suscité une crainte dans l'univers politique et social camerounais, ce qui conduit à lui donner une multitude d'acceptions. Le terme « autochtone », originellement, est issu de la géologie. Dans cette matière, « les terrains autochtones sont ceux restés sur place, par opposition aux nappes de charriage, venues d'ailleurs ; les parautochtones ne sont stabilisés que depuis peu de temps ; les allochtones sont instables »202(*). Les peuples autochtones sont donc, par analogie à la définition géologique du terme ceux « installés sur un territoire depuis des temps immémoriaux ou considérés comme tels »203(*). Etre « autochtone » suppose l'installation sur un territoire depuis une période de temps plus ou moins longue. Mais, cette définition est loin de faire l'unanimité et elle est somme toute très générale. Une autre requiert une multitude d'éléments pour qu'une population soit considérée comme « autochtone » dans une région donnée. C'est celle esquissé par M. BURGER pour qui « un peuple autochtone peut réunir toutes les caractéristiques suivantes, ou seulement certaines d'entre elles. Les peuples autochtones sont : · les descendants des premiers habitants d'un territoire acquis par la conquête ; · des peuples nomades et semi-nomades, tels que des agriculteurs itinérants, des pasteurs, chasseurs et collecteurs qui pratiquent une agriculture à forte intensité de travail produisant peu de surplus et requérant peu de ressources énergétiques ; · ils n'ont pas d'institutions politiques centralisées, ont une forme communautaire d'organisation et prennent les décisions sur une base consensuelle ; · ils ont tous les caractères d'une minorité nationale : ils partagent les mêmes langue, religion, culture, et autres traits caractéristiques ainsi qu'un lien à un territoire spécifique, mais sont infériorisés par une culture et une société dominantes ; · ils ont une vision globale du monde différente, consistant dans une attitude non matérialiste et protectrice vis-à-vis de la terre et des ressources matérielles, et veulent continuer à se développer suivant des processus différents de ceux proposés par les sociétés dominantes ; · ils sont formés par des individus qui se considèrent subjectivement comme autochtones, et sont acceptés comme tels par le groupe »204(*). Dans la société camerounaise, il convient de rechercher les groupes d'individus intégrant certaines de ces caractéristiques afin que le contenu du terme « autochtone », au sens où il est employé par le constituant, soit déterminé. Ce soin est laissé au législateur, tout comme celui de l'étendue de la protection à accorder à ces catégories sociales au Cameroun, qui peut toutefois être abordée grâce aux instruments normatifs en vigueur dans le système juridique camerounais. * 201 A. AHIDJO, Texte reproduit in La Nouvelle Expression, Dossier et Document, n° 001 du 23 mai 1996, p. 9. * 202 R. MOTTA, L'addomesticamento degli etnodiritti, Milano, Unicopli, 1994, p. 197, cité par N. ROULAND, S. PIERRE-CAPS, J. POUMAREDE, Droit des minorités et des peuples autochtones, Paris, P.U.F., Jan. 1996, p. 428. * 203 N. ROULAND,et alii, op. cit., p. 428. * 204 J. BURGER, Report from the Frontier- The State of the World's Indigenous Peoples, Londres, Zed Books, 1987, p. 9, cité par N. ROULAND et alii, op. cit., p. 430. |
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