C. L'apport des TCC.
3.a. L'étude du
Multimodal treatment Study of ADHD
L'étude du Multimodal treatment Study of ADHD
a été menée conjointement par 6 équipes de
chercheurs (Jensen, Hinshaw, Swanson, et Al, 2001). Cette recherche portait sur
l'évaluation systématique et comparative de quatre
modalités d'intervention couramment utilisée auprès
d'enfants ayant un diagnostic de TDAH. L'étude impliquait 579 enfants de
8 à 12 ans et comparait (a) une médication psychostimulante
accompagnée d'un suivi intensif, (b) une thérapie comportementale
intensive, (c) une combinaison des deux traitements précédents et
(d) traitement habituel disponible dans la communauté de l'enfant. Les
résultats obtenus ont révélé un taux de
réussite de 68 % pour le traitement combiné, 56 % pour la
médication avec le suivi intensif, 34 % pour la thérapie
comportementale intensive et 25 % pour l'intervention habituelle dans la
communauté.
Ainsi, les thérapies cognitives et comportementales
peuvent agir sur les différentes composantes du TDAH. Elles regroupent
un ensemble de stratégies faisant appel aux techniques
d'extinction-renforcement, de résolution de problème,
d'affirmation de soi et aux techniques neurocognitives
Elles sont destinées, d'une part à l'enfant,
sous forme de programmes d'entraînement aux habiletés sociales et
de résolution de problèmes en groupe. Ces programmes ont
notamment montré leur intérêt dans le TDAH avec trouble des
conduites ou trouble oppositionnel avec provocation. Elles sont
également destinées aux parents, en séances de groupe ou
individuelles.
3.b. Utiliser son langage
interne
Le contrôle de son langage interne est un facteur
important de la mobilisation et de la focalisation de l'attention et du
maintien de la concentration sur la tâche effectuée. Le langage
interne est une sorte de discours intérieur avec nous-mêmes qui
accompagne tout naturellement notre fonctionnement cérébral. Le
langage est utilisé comme régulateur du comportement. Chez les
enfants TDAH, la dépendance vis-à-vis du soliloque
s'accroît pour compenser leur difficulté à apprendre. Cela
implique la nécessité de mettre en place cette technique le plus
tôt possible et de rester vigilant au fait de ne pas passer à la
phase d'intériorisation trop rapidement. Plusieurs
éléments suggèrent que le retard dans le
développement du soliloque chez l'enfant TDAH est une conséquence
du défaut d'attention qui limite l'efficacité de l'impact du
langage sur les comportements ainsi que le passage vers
l'intériorisation.
Les procédés utilisés habituellement
reposent sur les programmes d'auto-instruction de D. Meichenbaum et J.
Goodman. Dans un premier temps, les instructions de l'adulte aident l'enfant
à régler son comportement moteur. Dans un second temps, l'enfant
utilise, puis intériorise les instructions pour contrôler
lui-même, sans intervention extérieure, sa propre activité
motrice. L'apprentissage par auto-instruction est un apprentissage cognitif,
directif qui propose une explicitation verbale des stratégies à
utiliser pour mener à bien la tâche.
L'utilisation du soliloque selon D. Meichenbaum et J.
Goodman :
Il se déroule en cinq phases :
1 - L'adulte exécute une tâche en se
parlant à lui-même à voix haute. L'enfant observe et
écoute. Par exemple : « Je prends la balle rouge dans la caisse, je
marche jusqu'au cerceau, je pose la balle à l'intérieur du
cerceau. »
2 - Le sujet exécute la tâche sous la
direction de l'adulte dont les commentaires accompagnent l'action.
3 - Le sujet exécute seul la tâche et
se parle à voix haute.
4 - Le sujet refait la même chose, mais cette
fois à voix chuchotée.
5 - En dernier lieu, l'enfant utilise le langage mental et ne
montre aucun signe externe de verbalisation.
3.c. Trois axes de
travail chronologiques de l'inhibition comportementale.
Les enfants atteints d'un TDAH ont des difficultés
à relier entre eux les événements qu'ils vivent
actuellement avec leurs conséquences lorsque celles-ci sont largement
différées. La projection dans le temps nécessite de
visualiser les objectifs et les bénéfices probables et de les
maintenir durant un moment en dehors de tout contrôle extérieur.
Cela demande un effort d'imagerie interne.
Ces opérations sont difficiles car ces enfants ont un
déficit de la mémoire de travail non verbale qui prend
classiquement en charge ce type de traitement. Ils ont une difficulté
à maintenir en mémoire de travail plusieurs données en
même temps. Résoudre un problème consiste à
envisager à la fois le but final, les objectifs qui correspondent aux
étapes permettant la résolution et la comparaison entre les
états obtenus et ceux qui sont attendus. Il est nécessaire de
conserver en mémoire ces informations pendant que l'on s'occupe de
traiter les sous-routines de la tâche. De plus, Les enfants TDAH se
laissent facilement happés par les stimuli extérieurs ; le
fait de voir un objet ou une personne qui leur fait penser à une action
entraîne sa réalisation immédiate.
Le délai de réponse
Partant du constat qu'il est difficile à l'enfant de
différer sa réponse spontanément, les moyens d'action pour
cette phase sont d'imposer à l'enfant un temps de latence entre le
stimulus et sa réponse.
Exemple : avec un jeu de carte de
UNO, prendre 50 cartes dont 8 cartes noires, faire défiler une à
une les cartes face au patient et lui demander d'indiquer par un signal sonore
(« TOP ») qu'il a aperçu la carte noire, mais il ne devra
donner sa réponse qu'à la carte suivante.
L'inhibition de réponse
Ici, l'enfant ne doit pas différer, mais uniquement ne
pas faire ou dire.
Exemple : jeu des mouches ;
but : être le premier à avoir 5 mouches. Description :
prendre un petit objet et l'insérer entre ses mains en coupe, les
joueurs se font face, les mains dans la même position. Lancer l'objet ou
faire semblant, le patient ne devra ouvrir ses mains que si l'objet est
lancé, pour l'attraper. À chaque objet
récupéré, le joueur est crédité d'un point
symbolisé par une mouche. Si le joueur ouvre ses mains alors que
l'adversaire l'a feinté, il perd toutes les mouches qu'il avait pu
accumuler.
La réponse inverse
Ce travail impose un délai de réponse car le
comportement demandé est à l'opposé de ce que l'enfant a
tendance à faire spontanément, le sujet doit produire le
comportement inverse à la consigne, c'est l'opposé de
l'imitation
Exemple : jeu du colonel ; le
thérapeute utilise des affirmations ou des négations pour obtenir
le comportement inverse : lorsque le psychomotricien dit «
Lève-toi », l'enfant doit rester assis ; « Ferme la
fenêtre », il doit l'ouvrir...
Ce travail se retrouve également dans le jeu Jakadi,
mais cette activité est plus complexe car l'enfant doit, en fonction de
la présence du mot Jakadi, faire ou ne pas faire l'action contenue dans
la consigne.
3.d. La perception du
temps.
R A. Barkley estime que l'incapacité à
gérer le temps est le trouble ultime du TDAH. Ce trouble est
certainement un des plus invalidants et le plus persistant puisque c'est le
symptôme principal de la maladie à l'âge adulte. On peut
dire que le TDAH présente une véritable cécité
temporelle comparable à celle d'individus souffrant d'une lésion
frontale : ils sont en quelque sorte coincés dans un ici et
maintenant, avec une incapacité à se projeter et à
établir des conjectures sur les situations futures.
Il est aussi un des moins visibles. Pour l'évaluer, il
faut discuter avec les personnes les plus proches des enfants qui seront
à même de rapporter les difficultés de perception des
données temporelles
Les enfants TDAH éprouvent de la difficulté
à augmenter leur vitesse d'exécution motrice parce qu'ils sont
déjà à la vitesse maximale. De même, d'un point de
vue cognitif si on tente de leur apprendre une procédure de
résolution pas à pas qui nécessite une attention peu
importante, mais continue, ils échoueront dans la tâche. Pour
être efficace, un enfant agité et distrait doit aller vite, mais
il doit aussi pouvoir s'arrêter, observer la situation et repartir.
Ce phénomène entraîne trois
conséquences rééducatives :
Mise en adéquation des vitesses de
communication.
Il est nécessaire de se mettre au diapason du rythme de
l'enfant. L'information doit être donnée en continu, avec des
événements frappants qui ravivent l'intérêt de
l'activité (gags, mimique, surprise). Ce type de communication demande
de la part du rééducateur beaucoup d'énergie et une
certaine pratique. Elle fait fonction de régulation externe pour
l'enfant. Elle est à appliquer en début de prise en charge, avant
que les régulations internes que l'on mettra en place, par le biais du
soliloque notamment, ne prennent le relais.
Amélioration de la souplesse des rythmes de
travail.
Apprendre à l'enfant à ralentir ses actions
motrices durant des laps de temps assez courts comme effectuer des «
courses d'escargot » : l'enfant et le rééducateur
doivent réaliser un trait en travers d'une feuille sans s'arrêter,
le premier qui a fini a perdu. Une variante consiste à effectuer un
tracé entre deux lignes très proches sans dépasser.
L'exercice peut également se faire avec des déplacements dans la
salle.
Apprendre à l'enfant à
s'arrêter, regarder, reprendre.
Entre deux périodes d'action à vitesse
spontanée, il est nécessaire d'amener l'enfant à utiliser
une procédure qui lui permettra de prendre suffisamment d'informations
dans le milieu pour que son action soit toujours en adéquation avec la
tâche. Cela nécessite des adaptations. Par exemple, si l'enfant
doit effectuer plusieurs petits labyrinthes, la phrase suivante peut être
marquée sur chaque feuille : « Je pose le crayon, je regarde,
et quand j'ai trouvé, alors je trace la solution. »
Il est également intéressant de décider
avec l'enfant d'un laps de temps après lequel un signal sonore retentit
pour qu'il puisse s'arrêter dans son action pour évaluer le
travail effectué et celui qui reste à faire.
3.e. Les capacités
d'organisation.
Savoir planifier.
Les enfants TDAH ont plus de mal à remonter un
problème en commençant par l'état final. De plus, la
tendance à la persévération, classique dans ce syndrome,
ne leur permet pas de changer de procédure quand ils se sont
enferrés dans un raisonnement erroné.
Une des choses simples à mettre en oeuvre est le
travail sur la planification. Tous les jeux qui demandent la gestion de
plusieurs étapes anticipées sont intéressantes :
- une position du jeu de dames où le fait de se
faire prendre un pion volontairement permet d'en prendre ensuite 4 ou 5
à l'adversaire ;
- les labyrinthes à partir du moment où on
applique une stratégie de résolution
systématique ;
- la recherche d'une adresse dans un annuaire ou à
l'aide du Minitel ou d'Internet ;
- la recherche d'un lieu sur un plan ;
- la programmation d'un déplacement en ville où
il y a plus de trois choses à faire dans un même
après-midi.
Les résultats apparaissent rapidement, sans oublier,
pour une généralisation plus aisée, de mettre en place
avec l'enfant des situations bien réelles où ces capacités
de planification sont requises. Pour cela, les situations scolaires ne manquent
pas. Elles permettront, de plus, une amélioration des résultats
qui restaurera la confiance de l'enfant. La mise en place de situations
où l'enfant doit maintenir des objectifs précis est assez simple
à instaurer dans la salle de rééducation, mais il faut
bien garder à l'esprit que la généralisation se fait mal,
l'enfant rechigne à mettre en application les procédures apprises
alors qu'il les maîtrise assez rapidement en salle.
Estimer le temps nécessaire à chaque
action.
Le temps passe plus lentement pour les enfants TDAH que pour
les autres. L'estimation de la durée est difficile. Quand ils arrivent
à mettre en place une action à moyen terme, l'évaluation
fausse du temps nécessaire à sa réalisation entraîne
chez eux une impatience qui abaisse encore leur seuil de sensibilité aux
stimuli parasites venant du milieu.
Une visualisation graphique de la journée
présente un intérêt pour ces enfants pour qui le temps ne
représente rien. Dessiner les activités de la journée sur
un tableau de progression heure par heure et pouvoir les biffer lorsqu'elles
sont effectuées présente deux avantages : autoréguler
le comportement et apprendre à l'enfant à différer ses
attentes puisqu'il peut déterminer combien d'activités il reste
à faire avant un temps de jeux.
L'utilisation d'un chronomètre durant les
activités permet aux enfants de réduire leur niveau d'erreur dans
l'évaluation du temps et d'apprendre des stratégies internes de
mesure des durées telles que le comptage interne.
On peut aussi se servir d'un jeu qui consiste à
décider d'une période de cinq, dix ou vingt secondes. Les yeux
fermés, l'enfant déclenche le chronomètre et
l'arrête au moment où il estime que la période fixée
est achevée.
Un jeu informatique comme « les Sim's » peut
être intéressant du fait de la visualisation des journées
des personnages. Il permet à l'enfant une observation de la succession
des événements d'une journée classique.
Protéger les objectifs de la survenue de
distracteurs ou d'événements
imprévisibles.
Le guidage du comportement est principalement un guidage
externe. Le maintien d'objectifs à long terme demande une
autorégulation qui entraîne une indépendance par rapport au
milieu.
Il existe différents moyens pour résister
à la pression des stimulations extérieures : une des plus
classiques et des plus efficaces est l'utilisation du soliloque dont nous avons
vu les singularités chez l'enfant TDAH. On sait par ailleurs que le
maintien en mémoire de travail de plusieurs données
simultanées est complexe, voire impossible pour les plus jeunes d'entre
eux.
Opérationnaliser les
procédures.
Pour maintenir en mémoire de travail les objectifs, il
faut libérer de l'attention, c'est-à-dire ne s'occuper que des
données métacognitives. Pour cela, il est nécessaire
d'automatiser les procédures qui peuvent l'être et principalement
l'activité motrice.
Les enfants TDAH éprouvent de la difficulté
à contrôler leurs mouvements, ils maintiennent plus que les autres
un contrôle volontaire sur l'action motrice, ce qui les handicape dans
les métacognitions qui régulent l'ensemble de l'action.
Décider des
priorités.
L'impulsivité cognitive amène les enfants TDAH
à ne retenir, pour résoudre un problème, que la
première solution qu'il leur vient à l'esprit. Ce n'est pas pour
autant la meilleure, en raison d'une analyse insuffisante de la tâche.
Vérifier.
L'appétence de réussite des enfants TDAH les
amène à négliger la dernière étape de la
résolution de problème, à savoir les vérifications.
Cela entraîne aussi une indifférence aux résultats.
L'enfant peut soutenir qu'un résultat est juste même si,
manifestement, il ne l'est pas. Cela entraîne chez l'adulte des
réactions souvent très vives, l'éducateur ou l'enseignant
prenant cette fuite en avant pour une évidente mauvaise foi, voire une
agression indirecte.
.Savoir être souple dans la programmation des
différentes étapes.
Une des caractéristiques de la personne atteinte de TDAH
est la difficulté à s'arrêter de faire. Cela semble se
fonder sur une insensibilité à l'erreur, une incapacité
à la correction.
Diverses adaptations du milieu peuvent aider l'enfant :
un aménagement et une organisation de l'environnement peuvent
réduire des manifestations ou des comportements qui, par leur
répétition, pèsent sur l'enfant et sur ses parents. Par
exemple, un panonceau apposé sur la porte de la chambre avec
l'inscription « Ton cartable est-il sur ton dos ? » permettra
d'éviter une question et une vérification de plus alors que
l'ensemble de la famille est déjà en retard. Ces
aide-mémoire externes sont régulièrement utilisés
dans la rééducation des troubles mnésiques des
traumatismes crâniens légers
Cela implique que les objets quotidiens de l'enfant soient
toujours à la même place. Il est utile de passer du temps avec
l'enfant pour déterminer où se trouvent habituellement les objets
dont il se sert. Si cette méthode « en imagination » peut
être relayée par un des parents au domicile, l'enfant va
vérifier l'emplacement des objets, en précisant bien que les
objets manquants - et il y en a toujours ! - ne doivent pas
être l'objet d'un conflit entre eux, mais l'occasion de remettre un peu
d'ordre dans les objets d'utilisation courante.
Une autre adaptation du milieu, consiste à ne pas
trop appauvrir le milieu dans lequel travaille l'enfant. On sait que, s'ils ne
peuvent absolument pas bouger ou s'ils sont dans une pièce trop
silencieuse, leurs productions se dégradent fortement. Parfois, une
simple présence à côté d'eux suffit à
améliorer la qualité de la concentration et donc la
performance.
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