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La biosecurite dans le protocole de cartagena


par Alassani KOUNTE
Universités de Lome, Maastricht, Liege, Abomey Calavi - DEA 2001
  

Disponible en mode multipage

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REPUBLIQUE TOGOLAISE ROYAUME DES PAYS BAS

UNIVERSITE DE LOME UNIVERSITE DE MAASTRICHT

FACULTE DE DROIT FACULTE DE DROIT

(FDD)

REPUBLLIQUE DU BENIN ROYAUME DE BELGIQUE

UNIVERSITE D'ABOMEY CALAVI UNIVERSITE DE LIEGE

FACULTE DE DROIT ET DES FACULTE DE DROIT

SCIENCES POLITIQUES

(FDSP)

Année Universitaire 2002-2003

THEME :

LA BIOSECURITE DANS

LE PROTOCOLE DE CARTAGENA

MEMOIRE

DE TROISIEME CYCLE POUR L'OBTENTION

DU DIPLOME D'ETUDES APPROFONDIES (DEA) EN DROIT

Option : Droit et politique de l'environnement

Présenté et soutenu Sous la direction de

Publiquement par : M. VIGNON YAO

KOUNTE ALASSANI Maître de Conférence

Agrégé à la

Faculté de droit de

l'université de Lomé

DEDICACE

A Dieu, Le Tout Puissant.

Pour sa protection qui ne m'a

Jamais fait défaut.

A ma Grande Mère

Pour les sacrifices consentis depuis tant d'années

A mes Frères et Soeurs

Pour leur soutien.

REMERCIEMENTS

La rédaction d'un mémoire requiert généralement la coopération et le soutien de nombreuses personnes. Nous remercions grandement Monsieur VIGNON Yao d'avoir accepté de diriger notre mémoire et de nous guider avec patience et abnégation. ; grâce à cette contribution, ce mémoire peut mieux répondre aux besoins de la population à laquelle il s'adresse.

Nous ne passerons pas sous silence le grand travail abattu par les Universités de Liège (BELGIQUE) et de Maastricht (HOLLANDE) pour la documentation qui nous a permis de cerner le contenu de ce travail. Nous n'oublierons pas le grand travail abattu par Monsieur FAURE M. dans la réalisation du projet DEA-Droit et Politique de l'environnement à la faculté de Droit de l'Université de Lomé

Nous avons aussi apprécié les conseils et le soutien de Monsieur AHADZI-NONOU Koffi.

Nous n'oublions pas non plus les encouragements et l'aide offerts par Monsieur SAPARAPA Souleymane, Directeur Générale de la SOTOSUR.

Nous tenons aussi à remercier nos collègues et la direction de la faculté de droit pour leur encouragement et leur soutien. Sans les efforts et le dévouement de Mlle AKAKPO Affi, qui a tapé le manuscrit nous n'aurions pas pu respecter les échéances.

Notre reconnaissance va aussi à toutes les personnes et amis qui nous ont, d'une manière ou d'une autre, aidé pour la réalisation de ce document. Nous pensons particulièrement à Madame JOHANNE Huppé du secrétariat pour la biosécurité, Monsieur KODZO Koudadjé, coordonnateur national de la biosécurité, Monsieur NADIO Namory, Inspecteur des douanes, Monsieur MIKOTAKATOLA Gninkouba, chargé des relations publiques à la SOTOSUR.

Finalement nous sommes tout particulièrement reconnaissants à nos familles qui ont dû composer avec nos horaires surchargées et notre moins disponibilité ; leur soutien et leur amour ont fait toute la différence.

Les Universités précitées (cf. page de garde ) n'entendent donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans ce mémoire. Ces opinions doivent être considérées propres à son auteur.

PLAN GENERAL DU MEMOIRE

INTRODUCTION GENERALE

PREMIERE PARTIE

La protection de l'environnement par un renforcement de la sécurité des mouvements transfrontaliers

Chapitre I. Le dispositif de sécurité prévu par le protocole

Section 1 : Les principales dispositions de sécurité en matière de mouvements transfrontaliers

Paragraphe 1 : Un mécanisme de sécurité basé sur le mouvement transfrontalier des OVM

A : L'objectif du protocole

B : Le champ d'application du protocole

Paragraphe 2 : Les instances chargées des missions de sécurité

A : La réglementation s'appliquant aux mouvements transfrontaliers des OVM

B : Les procédures pour un accord préalable donné en connaissance de cause

Section 2 : Les instances chargées des missions de sécurité

Paragraphe 1 : L'institution d'instances spécifiques

A: Les instances

B : Les mesures de sécurité à prendre

Paragraphe 2 : La répartition des responsabilités

A : L'évaluation des risques

B : La responsabilisation des acteurs

Chapitre II : La recherche d'une protection plus efficace de la diversité biologique

Section 1 : Une protection fondée sur le principe de précaution

Paragraphe 1 : La biotechnologie : un domaine en proie aux incertitudes scientifiques

A : L'absence de certitude scientifique absolue

B : Une incertitude scientifique dans la préservation de la biodiversité

Paragraphe 2 : La nécessité de réduire toutes les menaces potentielles à la diversité biologique

A : Une obligation de prudence et de vigilance

B : Une anticipation des drames écologiques

Section 2 : La nécessité d'une protection durable de la diversité biologique

Paragraphe 1 : La prise en compte des risques liés aux organismes vivants modifiés

A : D'éventuels périls pour l'environnement

B : La pollution génétique

Paragraphe 2 : L'exigence de règles prévisibles et sûres

A : La mise en oeuvre du principe de précaution

B : Les mesures susceptibles d'être prises par les Parties à l'échelon national

DEUXIEME PARTIE

La protection de la santé humaine par un contrôle des mouvements des OVM susceptibles d'avoir un effet nocif sur la santé humaine

Chapitre 1 : La reconnaissance par le protocole des avantages de la biotechnologie moderne

Section 1 : Les enjeux de la biotechnologie moderne

Paragraphe 1 : Les enjeux sociaux

A : Les OGM : une solution à la faim

B : L'utilisation pharmaceutique des OGM

Paragraphe 2: Les enjeux agricoles et environnementaux

A : Les enjeux agricoles

B : Les enjeux environnementaux

Section 2 : Les impacts des OGM sur la santé humaine

Paragraphe 1 : Un probable risque de dommages graves et irréversibles sur la santé humaine

A : Des risques considérables

B : D'éventuels périls pour la santé humaine

Paragraphe 2 : Les débats autour de la question

A : La divergence des points de vue

B : L'ESB et le principe de précaution

Chapitre 2 : L'application du principe de précaution dans le domaine de la biotechnologie moderne

Section 1 : Les OVM et le principe de précaution

Paragraphe 1 : La sécurité alimentaire

A : La nécessité d'une sécurité alimentaire

B : La multiplication des mesures de protection face aux risques sanitaires

Paragraphe 2 : La prévention des risques biotechnologiques

A : La nécessité d'une biosécurité

B : La nécessité d'une sécurité alimentaire durable

Section 2 : La réglementation des produits GM par le protocole

Paragraphe 1 : Les techniques de contrôle

A : La traçabilité

B : La mise en place d'un centre d'échange pour la prévention des risques biotechnologiques

Paragraphe 2 : La prise en compte des risques liés aux produits GM

A : Le renforcement des capacités et finances

B: Sensibilisation et formation du public

CONCLUSION GENERALE

SIGLES ET ABBREVIATIONS

ADN : Acide désoxyribonucléique

APC : Accord Préalable en Connaissance de cause

CDB : Convention sur la Diversité Biologique

CDI : Commission de Droit International

CIJ : Cour International de Justice

CJCE : Cour de Justice des Communautés Européennes

CNUED  : Conférence des Nations Unies sur l'Environnement et le Développement

DEA : Diplôme d'Etudes Approfondies

ESB : Encéphalopathie Spongiforme Bovine

FAO : Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture

GM : Génétiquement Modifié

OGM : Organisme Génétiquement Modifié

OIE : Organisation Internationale des Epizooties

OMC : Organisation Mondiale du Commerce

ONG : Organisation Non Gouvernementale

ONU : Organisation des Nations Unies

OVM : Organisme Vivant Modifié

PNUE : Programme des Nations Unies pour l'Environnement

UE : Union Européenne

INTRODUCTION

Il est aussi bien connu que « chat échaudé craint l'eau froide » ; ce proverbe à lui seul explique toute la mobilisation provoquée par le génie génétique1.Rarement technique nouvelle fut accueillie avec autant de suspicion. Plusieurs pays ont même empêché l'importation de produits provenant d'animaux ou de végétaux modifiés génétiquement.

L'Autriche et le Luxembourg sont opposés à l'utilisation de semence, de maïs transgénique2 et il a fallu l'intervention de la Commission Européenne pour obtenir la levée de cet interdit. L'ampleur de la polémique a obligé la Suisse à organiser un référendum en 1998 aux fins d'interdire toute manipulation génétique sur le territoire de la confédération helvétique.

Pourtant il y a 3 ou 4 décennies, l'application de nouvelles techniques comme le spatial, le nucléaire, ou l'informatique était accueillie dans le monde entier comme des progrès scientifiques indéniables, avec les conséquences positives sur la qualité de la vie et l'emploi. Cet enthousiasme d'antan contraste sévèrement avec le rejet actuel du génie génétique. Ceci s'explique par les désillusions techniques spectaculaires vécues par les générations actuelles. On peut citer entre autres, les événements relatifs à l'Amoco-Cadiz, Bhopal3, Seveso4et la profonde psychose de Tchernobyl5, alors que les scientifiques se voulaient rassurants. En Europe, la suspicion du génie génétique a été accentuée par les affaires du sang contaminé et de la vache folle.

Pourtant la manipulation génétique ne date pas d'hier. Depuis des millénaires, les paysans se servent de la reproduction sélective et de la fertilisation croisée pour modifier des espèces végétales et animales, et favoriser des traits et caractéristiques propres à améliorer la production alimentaire d'autres besoins humains. Des artisans ont exploité les techniques de fermentation traditionnelles pour transformer des céréales en pain et en bière, et du lait en fromage. Ces modifications intentionnelles du monde naturel ont apporté une contribution de taille au bien-être de l'homme.

Toutefois, depuis une trentaine d'années la biotechnologie6 moderne révolutionne notre capacité à transformer le vivant. Des scientifiques ont appris à extraire et à transférer d'une espèce à l'autre des chaînes d'ADN7 et des gènes8 complets contenant les instructions biochimiques qui déterminent le mode de développement d'un organisme vivant. Grâce à des techniques très complexes, ils manipulent avec précision la structure génétique complexe de cellules vivantes individuelles. Ils sont, par exemple, capables d'intégrer des gènes de poisson d'eau froide dans une tomate pour créer une plante résistante au gel, ou d'utiliser des gènes bactériens pour produire du maïs tolérant les herbicides. Le résultat de ces manipulations est appelé organisme vivant modifié (OVM) ou, plus communément, organisme génétiquement modifié (OGM)

1. le génie génétique c'est l'ensemble des techniques permettant d'introduire dans une cellule un gène qu'elle ne possède pas ou de modifier l'expression d'un gène déjà présent dans les cellules d'un organisme.

2. Qui comporte dans son patrimoine génétique, un transgène

3. Explosion à Bhopal (Inde) en Déc. 1984 d'une unité de production d'insecticide de l'entreprise Union Carbide, filiale d'une multinationale américaine faisant 2500 morts et 250.000 blessés.

4. Il s'agit des accidents causés dans le domaine de la chimie par l'explosion des fûts de dioxine le 10 Juillet 1976 à Seveso en Italie.

5. C'est la catastrophe la plus meurtrière qui avait eu lieu dans le domaine nucléaire le 26 Avril 1986 à Tchernobyl en Ukraine, Journal Officiel des Communautés Européennes (JOCE) n°175 DU 5 Juillet 1986 p.40

6. La biotechnologie c'est l'ensemble des techniques qui utilisent des micro-organismes, des cellules animales, végétales ou leurs constituants pour produire des substances utiles à l'Homme.

7. (Acide désoxyribonucléique) : molécule en double hélice, l'ADN est le support physique de l'information héréditaire, qui est transmis d'une génération à la suivante.

8. Fragment de l'ADN comportant les informations nécessaires à la fabrication d'une protéine. Chaque gène correspond à un caractère héréditaire particulier et constitue donc une unité d'information génétique.

En effet, un OGM est un organisme dont le génome9 a été modifié par génie génétique. Les cellules reproductrices de l'organisme possédant la modification, celle-ci est transmissible à la descendance. Bien que n'étant pas mentionné dans le protocole de Cartagena, le terme OGM peut différer en sens selon l'utilisateur. Les OGM regroupent les OVM au sens du Protocole mais on appelle aussi couramment «OGM» des produits génétiquement modifiés prêts à la consommation qui ne sont plus vivants et ne disposent plus de leur capacité à se reproduire, par exemple la farine ou les aliments cuisinés issus d'OVM. Ces derniers ne sont pas des OVM suivant la définition du Protocole, et ne sont donc pas couverts par le Protocole. Par ailleurs, en Europe, un OGM est défini comme «un organisme dont le matériel génétique a été modifié d'une manière qui ne s'effectue pas naturellement par multiplication et/ou par recombinaison naturelle» (Directive 90/220). Le Codex Alimentarius, un organisme des Nations Unies, fait aussi référence aux OGM dans un sens semblable. Ainsi, selon l'endroit où ils sont utilisés, OGM et OVM peuvent être ou non des synonymes.

Bref, un organisme vivant modifié(OVM) est un organisme vivant possédant une nouvelle combinaison de matériaux génétiques obtenus des biotechnologies modernes. C'est un organisme issu des techniques du génie génétique, c'est-à-dire dans lequel l'Homme a introduit des gènes porteurs d'un caractère d'intérêt, gènes provenant d'un autre organisme. Les cellules10 de cet organisme sont dès lors dotées de ce gène nouveau (dit transgène), et peuvent produire une protéine11 spécifique.

Pour les partisans des modifications génétiques, la biotechnologie contribuera à accroître la sécurité alimentaire et le rendement durable des cultures, et sera bénéfique à l'environnement car elle permettra de réduire les superficies cultivées, les quantités de pesticides et l'irrigation, et permettra de produire des traitements médicaux, des vaccins, des biens industriels, des fibres et des combustibles plus efficaces.

Toutefois, ces avancées rapides de la science suscitent aussi nombre de préoccupations liées à l'éthique, l'environnement, la santé et la société. Nombre de personnes estiment que la biotechnologie moderne est trop récente pour savoir vraiment comment ces produits vont se comporter et évoluer, et quelles interactions ils auront avec les autres espèces. Par exemple la capacité de tolérer les herbicides ne risque-t-elle pas de passer des cultures transgéniques aux espèces sauvages apparentées ? Les plantes qui ont été génétiquement modifiées pour repousser les insectes ne risquent-elles pas de nuire à des insectes bénéfiques ? La compétitivité accrue d'un OGM ne risque-t-elle pas de porter atteinte à des écosystèmes riches en biodiversité ?

Toutes ces préoccupations expliquent que les OGM continuent à faire les grands titres de l'actualité.

Ce débat a, fort heureusement, débouché sur un vaste consensus, à savoir que la biotechnologie moderne offre un potentiel considérable pourvu qu'elle soit développée et utilisée dans des conditions de sécurité satisfaisantes, notamment pour l'environnement. Les pays dotés d'industries biotechnologiques puissantes possèdent une législation nationale et des systèmes de gestion des risques. Cependant, nombre de pays en développement intéressés par la biotechnologie moderne et ses produits en sont encore à rédiger leur réglementation. Des règles internationales sont également nécessaires, étant donné que la biotechnologie est une industrie mondiale et que les OGM font l'objet d'un commerce international.

9. Le patrimoine génétique d'un être vivant, c'est-à-dire l'ensemble des informations génétiques de cet organisme.

10. Animales ou végétales, elles forment les tissus des organismes pluricellulaires. Chaque type de cellule a un rôle spécifique.

11. Ces molécules forment la matière première dont les êtres vivants sont constitués. Elles sont codées par les gènes (un gène code une protéine)

En 1995, les Parties à la convention sur la diversité biologique ont réagi à ce défi en entamant des négociations sur un accord ayant force de loi et portant sur les risques potentiels que présentent les OGM. Ces discussions ont abouti, en janvier 2000, à l'adoption du protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques. L'adoption d'un texte officiel est l'étape qui a été franchie à Montréal le 29 janvier 2000 où plus de 130 pays ont convenu d'un texte légal précisant la portée du Protocole de Cartagena. La signature du Protocole indique l'intention d'un pays (ou Partie à la Convention sur la diversité biologique) de considérer la ratification éventuelle sans que le pays ne soit précisément lié sur le plan des obligations du Protocole. La troisième étape de la ratification lie le pays par une loi internationale, et exige que des mesures légales nationales soient en place pour mettre en oeuvre le Protocole. Ce sont ces mesures légales qui s'appliqueraient au pays, et non le Protocole lui-même, et qui toucheraient directement les divers intervenants.

Ce protocole, qui doit son nom à la ville colombienne où a été lancée la dernière série de pourparlers, établit pour la première fois un système réglementaire complet visant à assurer le transfert, la manipulation et l'utilisation sans danger des OGM faisant l'objet de mouvements transfrontières.

Le protocole de Cartagena s'inscrit donc dans le cadre de la convention sur la diversité biologique adoptée le 22 Mai 1992 au cours de la conférence des Nations Unies pour l'environnement et le développement (CNUED) ou « sommet de la terre » de Rio de Janeiro(Brésil). Elle est entrée en vigueur le 29 Septembre 1994 .Cette convention répondait au projet et au souci très ambitieux de protéger la diversité biologique dans toutes ses composantes, en établissant un cadre commun destiné à servir de référence aux politiques nationales. Cette convention apparaît comme un instrument nouveau à double titre : sa globalité et le droit à l'exploitation des ressources naturelles. D'une part, elle est le signe d'une volonté de protection générale qui ne se limite pas à certaines espèces ou à certains secteurs biologiques. D'autre part, elle rompt avec la thèse développée dans les années 1970 et 1980, des ressources biologiques considérées comme le patrimoine commun de l'humanité. Elle reconnaît à chaque Etat le droit souverain d'exploiter les ressources biologiques mais dans une perspective de développement durable c'est-à-dire dans le sens du rapport Brundtland12 .

Or la convention sur la diversité biologique offre la possibilité de conclure des protocoles pour en préciser certains aspects. C'est cette opportunité prévue à l'article 19 paragraphe 3 qui a été saisie pour assurer la prévention des risques biotechnologiques. Suite à la recommandation formulée par l'article 19 paragraphe 3 de la convention, les jalons du protocole furent posés dès sa première conférence des Parties tenue du 28 Novembre au 09 Décembre 1994 à Nassau aux Bahamas. Cette occasion permit de constituer un groupe d'experts sur la biosécurité (« biosafety »). Ce groupe se réunit pour la première fois à Madrid entre le 24 et le 28 Juillet 1995. Selon le rapport de cette réunion, plusieurs délégations présents manifestèrent le désir de voir élaborer un instrument juridique portant sur la biosécurité. Sur cette base, des négociations ont été ouvertes en 1996 et ont permis, dans le texte du protocole, de donner un contenu juridique à 2 principes qui avaient été émergés des débats du sommet de Rio : « le principe du consentement informé » et le principe de précaution.

Le protocole de Cartagena est par ailleurs , le premier instrument international contraignant permettant de renforcer la sécurité des mouvements transfrontières des organismes vivants modifiés (OVM) de façon à protéger l'environnement et la santé humaine.

12 . Le rapport porte le nom de l'ancien premier ministre de Norvège, Mme G-H Brundtland, qui a présidé cette commission créée par la résolution 38/161 de l'Assemblée Générale de l'ONU du 19 décembre 1983. La version anglaise du rapport a paru en 1987 sous le titre « Our Common Future ». Quant à la version française, elle a été publiée avec le soutien financier du ministère de l'environnement du Québec sous le titre « Notre avenir à tous », les éditions du fleuve, les publications du Québec, Montréal, 1988, 454 p

Le rapport Brundtland définit ainsi le développement durable : « Un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. »

L'essentiel de ce nouveau traité ouvert à la signature à partir du 15 Mai 2000 et qui est entré en vigueur le 11 Septembre 2003, concerne le contrôle de la circulation transfrontière des OGM sur la base du principe de précaution proclamé au principe 15 de la Déclaration de Rio13.

Le Protocole de Cartagena sur la prévention des risques des biotechnologies relativement à la convention sur la biodiversité reconnaît que la biotechnologie moderne offre un potentiel considérable pour le bien-être et la santé humaine pourvu, qu'elle soit développée et utilisée dans des conditions de sécurité satisfaisante pour l'environnement et la santé humaine. Il adhère à un principe de précaution. Il est mentionné que les accords sur le commerce et l'environnement devraient se soutenir mutuellement en vue de l'avènement d'un développement durable. Il conclut que l'évaluation des risques devraient être effectuée selon des méthodes scientifiques éprouvées et dans la transparence. L'évaluation des risques peut tenir compte des avis techniques et directives des organisations internationales compétentes et elle devrait être effectuée au cas par cas. Il convient d'ajouter que le protocole de Cartagena spécifie que les Etats ont le droit d'émettre des réserves et de refuser l'importation d'OGM sur leur territoire, s'ils considèrent que les évaluations scientifiques sont insuffisantes ou douteuses.14

La convention s'inspire du modèle de la convention de Bâle15 sur le contrôle des mouvements transfrontaliers de déchets dangereux et leur élimination en introduisant une procédure de notification de l'exportation et d'accord écrit à l'importation.

Les OGM laissent rarement indifférent ! On raconte beaucoup de choses au sujet de ces nouveaux aliments : que c'est dangereux, ou bien que c'est bien pour l'environnement, qu'ils vont nourrir la Terre pour faire face à l'explosion démographique.

Au sujet des organismes génétiquement modifiés ( OGM ), il y a beaucoup d'affirmations mais aussi beaucoup d'interrogations, et d'indécisions juridiques. Mais pourquoi ? Que sont ces petites bêtes ? En mange-t-on ? Le profane, c'est- à- dire les deux tiers d'entre nous ignore de quoi il s'agit. Alors doit-on en avoir peur ? 

Il est temps de savoir où nous en sommes et expliquer pourquoi nous en sommes là. C'est pourquoi nous allons essayer d'aborder dans une première partie, la protection de l'environnement par un renforcement de la sécurité des mouvements transfrontaliers et dans une deuxième partie la protection de la santé humaine par un contrôle des mouvements des OVM susceptibles d'avoir des effets nocifs sur la santé humaine.

13. Principe 15 de Rio : « pour protéger l'environnement, des mesures de précaution doivent être largement appliquées par les Etats selon leur capacité. En cas de risque de dommages graves et irréversibles, l'absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de mesures effectives visant la dégradation de l'environnement ».

14. www.biodiv.org/biosafe/Protocol/Protocol.htm

15. Convention de Bâle de 1989 sur le contrôle des mouvements transfrontaliers de déchets dangereux

PREMIERE PARTIE :

LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT PAR UN RENFORCEMENT DE LA SECURITE DES MOUVEMENTS TRANSFRONTALIERS

Le protocole de Cartagena est le premier instrument international contraignant permettant de renforcer la sécurité des mouvements transfrontaliers des organismes vivants modifiés (OVM), de façon à protéger l'environnement et la santé humaine.

Nous allons, dans cette première partie, analyser le dispositif de sécurité prévu par le protocole (chapitre 1), et la recherche d'une protection plus efficace de la diversité biologique (chapitre 2).

CHAPITRE 1: LE DISPOSITIF DE SECURITE PREVU PAR LE PROTOCOLE

Ceci se retrouve clairement dans les principales dispositions contenues dans le texte du protocole (Section 1) et à travers les instances chargées des missions de sécurité prévues par le protocole (Section 2).

SECTION 1 : LES PRINCIPALES DISPOSITIONS DE SECURITE EN

MATIERE DE MOUVEMENTS TRANSFRONTALIERS

Le Protocole de Cartagena définit précisément son champ d'application, instaure une nouvelle procédure permettant aux Etats importateurs d'organismes vivants modifiés d'être pleinement informés des risques et d'éventuellement interdire l'importation.

Cette première section traitera successivement d'un mécanisme de sécurité basé sur le mouvement transfrontalier des OVM (paragraphe 1) et les règles s'appliquant aux mouvements transfrontaliers des OVM (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Un mécanisme de sécurité basé sur le mouvement transfrontalier des OVM

Nous préciserons d'abord l'objectif du protocole (A) ensuite son champ d'application (B)

A- L'objectif du protocole

De son vrai nom, le « Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques relatif à la Convention sur la diversité biologique », il a pour objectif de contribuer à contrôler le transport, le mouvement entre les pays et l'utilisation d'un OVM, en assurant un degré adéquat de protection de la diversité biologique et de prévention des risques pour la santé humaine. Il est basé sur l'approche de précaution

L'article premier définit l'objectif du protocole en conformité avec l'approche de précaution : assurer un niveau de protection adéquat pour le transfert, la manipulation et l'utilisation sans danger d'organismes vivants modifiés qui peuvent avoir des effets défavorables sur la diversité biologique et la santé humaine.

En effet, l'article 1 dispose : « Conformément à l'approche de précaution consacrée par le principe 15 de la Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement, l'objectif du présent protocole est de contribuer à assurer un degré adéquat de protection pour le transfert, la manipulation et l'utilisation sans danger des organismes vivants modifiés résultant de la biotechnologie moderne qui peuvent avoir des effets défavorables sur la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique, compte tenu également des risques pour la santé humaine, en mettant plus précisément l'accent sur les mouvements transfrontières ».

Il reconnaît que les OVM sont porteurs de risques et méritent un traitement spécifique.

De ce fait, les parties s'engagent à prendre toutes les mesures juridiques et administratives nécessaires à l'application du protocole. Rien dans le protocole ne restreint le droit des Etats de prendre des mesures plus rigoureuses, dans la mesure où elles sont compatibles avec l'objectif et les dispositions du protocole (article 2).

L'article 3 définit le terme d'organisme vivant modifié comme « toute entité biologique capable de transférer ou de répliquer du matériel génétique, y compris des organismes stériles, des virus et des viroïdes,[...]possédant une combinaison de matériel génétique inédite obtenue par recours à la biotechnologie moderne ».

Au titre du protocole, la « biotechnologie moderne » s'entend d'une part, « de l'application de techniques in vitro aux acides nucléiques, y compris la recombinaison de l'acide désoxyribonucléique (ADN) et l'introduction directe d'acides nucléiques dans les cellules ou organites », et d'autre part, « de la fusion cellulaire d'organismes n'appartenant pas à une même famille taxonomique qui surmontent les barrières naturelles de la physiologie de la reproduction ou de la recombinaison ».

Il ressort de cette définition que les organismes génétiquement modifiés (OGM) sont l'une des deux grandes catégories d'OVM, c'est-à-dire ceux dont le matériel génétique ou ADN a été transformé d'une manière qui ne s'effectue pas par multiplication ou recombinaison naturelle.

Le protocole institue un cadre réglementaire à l'échelle internationale pour concilier les impératifs commerciaux et la protection de l'environnement et de la santé humaine par rapport à l'industrie de la biotechnologie qui connaît un essor rapide.

B. Le champ d'application du protocole

Le protocole porte essentiellement sur des OGM destinés à être introduits directement dans l'environnement (tels que semences et poissons) et sur les produits agricoles génétiquement modifiés (comme le maïs et les céréales destinés à être utilisés directement pour l'alimentation humaine et animale, ou à être transformés). Il ne s'applique pas aux OGM qui sont des produits pharmaceutiques destinés à l'homme relevant d'autres accords internationaux, ni aux produits qui sont des dérivés des OGM, tels que l'huile de friture issue de maïs génétiquement modifié ou le papier issu d'arbre génétiquement modifié.

Le protocole de Cartagena s'appliquera, selon l'article 4 aux mouvements transfrontières, au transit, à la manipulation et à l'utilisation de tout organisme vivant modifié qui pourrait avoir des effets défavorables sur la diversité biologique et la santé humaine.

En effet, le protocole de distingue trois catégories d'Organismes Vivants Modifiés :

- Les Organismes Vivants Modifiés destinés à être utilisés en milieu confiné

- Les Organismes Vivants Modifiés destinés à être introduits dans l'environnement(semences transgéniques).

- Les Organismes Vivants Modifiés destinés à être utilisés à l'alimentation ou à être transformés (exemple lécithine de soja).

Le protocole de Cartagena n'aborde pas les questions liées à la sécurité sanitaire des aliments. Celles-ci sont traitées par des spécialistes associés à d'autres mécanismes internationaux, tel le Codex alimentarius16. Le protocole ne traite pas non plus des produits non vivants dérivés de végétaux ou d'animaux génétiquement modifiés, tels le maïs usiné ou d'autres produits alimentaires transformés. Il n'exige pas la séparation des denrées susceptibles de contenir des organismes vivants modifiés . Les denrées ne sont pas visées par sa procédure d'accord préalable en connaissance de cause, laquelle aurait pour effet de perturber gravement le commerce et de compromettre l'accès aux produits alimentaires sans avantages proportionnels pour l'environnement.

16. La Commission du Codex Alimentarius a été créée en 1963 par la FAO et l'OMS afin d'élaborer des normes alimentaires, des lignes directrices et d'autres textes, tels que des codes d'usages, dans le cadre du programme mixte FAO/OMS sur les normes alimentaires. Les buts principaux de ce programme sont la protection de la santé des consommateurs, la promotion de pratiques loyales dans le commerce des aliments et la coordination de tous les travaux de normalisation ayant trait aux aliments entrepris par des organisations aussi bien gouvernementales que non gouvernementales.

Le protocole n'exige pas l'étiquetage des produits de consommation. Son objectif est de faire face aux risques que les organismes vivants modifiés pourraient présenter pour la diversité biologique. Les questions liées aux préférences des consommateurs ne figuraient pas à l'ordre du jour des négociations. L'obligation prévue dans le protocole de documenter l'identification des produits expédiés qui portent les mentions « peuvent contenir des organismes vivants modifiés » et « ne sont pas destinés à être introduits intentionnellement dans l'environnement » peut être satisfaite par la présentation des documents d'expédition.

Aux termes du protocole, l' « utilisation en milieu confiné » s'entend de toute opération, entreprise dans un dispositif, une installation, ou toute autre structure physique, faisant intervenir des organismes vivants modifiés qui sont réglementés par des mesures spécifiques qui en limitent effectivement le contact avec le milieu extérieur, et l'impact sur ce milieu.

Le protocole ne s'applique pas, en revanche, aux mouvements transfrontières d'OVM qui sont des produits pharmaceutiques destinés à l'homme relevant d'autres accords ou organismes internationaux (article 5). Aussi, les règles du protocole ne s'appliqueront pas à des OVM en transit sur le territoire d'un Etat, le transit relevant de la réglementation de chaque Etat ( article 6 paragraphe 2)

Selon le Protocole, « mouvement transfrontière » s'entend de tout mouvement d'un organisme vivant modifié en provenance d'une Partie et à destination d'une autre Partie, à ceci près qu'aux fins des articles 17 et 24, ``mouvement transfrontière'' s'étend aux mouvements entre Parties et non Parties.

Paragraphe 2 : Les règles s'appliquant aux mouvements transfrontières des OVM

Le protocole de Cartagena encourage la prévention des risques biotechnologiques en établissant les règles pratiques et des procédures applicables au transfert, à la manipulation et à l'utilisation sans danger des OGM en insistant tout particulièrement sur la réglementation des mouvements transfrontières. Ceci nous conduit à traiter successivement dans ce paragraphe la réglementation s'appliquant aux mouvements transfrontaliers des OVM (A) ensuite les procédures pour un accord préalable donné en connaissance de cause (B).

A- La réglementation s'appliquant aux mouvements transfrontaliers des OVM

Ce système comporte deux ensembles distincts de procédures, l'un pour les OGM qui sont introduits intentionnellement dans l'environnement, et l'autre pour les OGM qui sont destinés à être utilisés directement pour l'alimentation humaine et animale, ou à être transformés. Ces deux ensembles de procédures visent à garantir aux pays destinataires les informations nécessaires à une prise de décision en connaissance de cause concernant les importations d'OGM.

Le protocole de Cartagena fixe les règles devant s'appliquer aux mouvements transfrontaliers d'OVM en fonction de leur utilisation : en milieu confiné, dissémination dans l'environnement, utilisation directe dans l'alimentation humaine ou animale, utilisation directe (transformation).

Dans le cas d'une utilisation en milieu confiné, la partie importatrice fixe ses propres normes, mais la procédure dite « d'accord préalable en connaissance de cause» ne s'applique pas comme dans les autres cas (article 6 paragraphe2).

L'article 11 du présent protocole fixe la procédure pour les organismes vivants modifiés destinés à être utilisés directement pour l'alimentation humaine ou animale, ou à être transformés. En effet l'article 11(1) stipule que : « Toute Partie qui prend une décision définitive concernant l'utilisation sur le territoire national, y compris la mise sur le marché, d'un organisme vivant modifié qui peut faire l'objet d'un mouvement transfrontière et qui est destiné à être utilisé directement pour l'alimentation humaine ou animale ou à être transformé, doit, dans les quinze jours qui suivent, en informer les autres Parties, par l'intermédiaire du Centre d'échange pour la prévention des risques biotechnologiques. Cette information doit contenir au minimum les renseignements demandés à l'annexe II. La partie fournit par écrit une copie de cette information aux correspondants nationaux des Parties qui ont informé d'avance le Secrétariat du fait qu'elles n'ont pas accès au Centre d'échange pour la prévention des risques biotechnologiques. La présente disposition ne s'applique pas aux décisions concernant les essais sur le terrain ».

Lorsqu'un pays décide d'importer un OGM, le pays exportateur doit veiller à ce que tous les envois soient accompagnés des documents pertinents. Les gouvernements doivent également adopter des mesures pour gérer tous les risques identifiés par les évaluations, et continuer de surveiller et contrôler les risques pouvant advenir dans le futur. Cela s'applique aussi aux OGM faisant l'objet d'un commerce qu'aux OGM d'origine nationale.

En outre le protocole déclare que les « mouvements transfrontières d'organismes vivants modifiés entre parties et non-parties doivent être compatibles avec l'objectif du protocole ». Dès lors, bien que le protocole exige simplement que les échanges soient compatibles avec « l'objectif », et l'objectif seulement, de celui-ci, nous considérons que, d'un point de vue pratique, les entreprises des pays non-parties désireuses d'exporter dans un pays partie devront se conformer à la réglementation mise en place dans le pays partie importateur conformément au protocole de Cartagena.

Aussi, l'absence de certitudes scientifique .....n'empêche pas cette Partie de prendre comme il convient une décision concernant l'importation de cet organisme vivant modifié s'il est destiné à être utilisé directement pour l'alimentation humaine ou animale ou à être transformé, pour éviter ou réduire au minimum ces effets défavorables potentiels. (article 11 paragraphe 8).

B- Les procédures pour un accord préalable donné en connaissance de cause (APC)

Les règles et procédures les plus strictes concernant la prévention des risques biotechnologiques s'appliquent exclusivement aux OGM destinés à être introduits intentionnellement dans l'environnement. Elles concernent notamment les semences, les poissons vivants et autres organismes destinés à se développer et possédant les qualités nécessaires pour transmettre leurs gènes modifiés aux générations futures.

Cette procédure oblige l'exportateur à obtenir le consentement du pays importateur avant le premier mouvement transfrontière d'organismes vivants modifiés destinés à être introduits intentionnellement dans l'environnement de la partie importatrice, tels les semences, les poissons destinés à être lâchés et les micro-organismes libérés dans le cadre de mesures de biorestauration.

En effet, selon l'article 7, la procédure « d'accord préalable en connaissance de cause » s'applique en cas d'introduction dans l'environnement et d'utilisation dans l'alimentation ou de transformation, sauf si la Conférence des Parties en décide autrement en raison de la faiblesse du risque.

Cette procédure se déroule selon les étapes suivantes : la Partie exportatrice ou l'exportateur doit adresser une notification à la Partie importatrice avant toute exportation et engage sa responsabilité sur l'exactitude des informations communiquées et qui sont réglementées par une annexe spécifique (article 8).

La Partie importatrice doit alors accuser réception de cette notification dans les 90 jours et autorise ensuite explicitement l'envoi dans un délai de 270 jours ou motive son refus. Si elle ne le fait pas, son silence n'équivaut pas à son consentement ( article 9). La Partie importatrice peut alors, dans ce délai accepter l'importation, la refuser ou demander des informations complémentaires et donc le proroger. Ces décisions doivent être motivées. L'absence de certitude scientifique, conformément au principe de précaution, peut suffire pour réglementer ou interdire une importation, s'il existe des craintes sur les effets de l'OVM dont l'importation est demandée (article 10). La procédure d'accord préalable en connaissance de cause garantit ainsi au destinataire la possibilité d'évaluer les effets défavorables potentiels d'un OGM avant d'accepter son importations.

La procédure d'APC ne s'applique qu'au premier mouvement transfrontière intentionnel d'un OGM destiné à être introduit dans l'environnement. Elle ne s'applique pas aux OGM en transit dans un pays, aux OGM destinés à être utilisés en milieu confiné (dans un laboratoire scientifique par exemple) ou aux OGM destinés être utilisés directement pour l'alimentation humaine et animale, ou à être transformés (tels que maïs ou tomates).

Une procédure moins stricte s'applique pour l'importation d'OVM destinés à l'alimentation ou à la transformation (article 11). Cette procédure est fondée sur une notification préalable à l'organisme chargé de centraliser les informations sur les échanges d'OVM. Cette notification contient des informations précises, codifiés à l'annexe II, et est effectuée lors de l'autorisation interne de mise sur le marché.

La catégorie la plus vaste d'OGM faisant l'objet d'un commerce international est l'expédition en vrac de maïs, soja et autres produits agricoles génétiquement modifiés, destinés à être utilisés pour l'alimentation humaine et animale, ou à être transformés.

Au lieu d'exiger l'application de la procédure d'accord préalable en connaissance de cause pour de tels produits, le protocole établi une procédure beaucoup plus simple. Conformément à cette procédure, les gouvernements qui approuvent ces produits pour une utilisation interne sont tenus de communiquer cette décision à la communauté internationale via le centre d'échange pour la prévention des risques biotechnologiques. Ils doivent également fournir des informations détaillées sur leur décision. En outre, les pays peuvent décider d'importer ces produits conformément à leur droit interne et communiquer leur décision d'importer ou non ces produits par le truchement du centre d'échange pour la prévention des risques biotechnologiques.

Le protocole prévoit en outre que les Etats pourront mettre en place une procédure simplifiée sur une base volontaire et destinée à faciliter les échanges des OVM dont l'innocuité aurait été démontré (article 13). Les Etats peuvent également conclure des accords bilatéraux ou multilatéraux, mais ne conduisant pas à une protection moindre (article 1)

SECTION 2 : LES INSTANCES CHARGEES DES MISSIONS DE SECURITE

Le protocole de Cartagena , pour bien atteindre ses objectifs, a institué certaines instances (paragraphe 1) et prévu une répartition des responsabilités (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : L'institutions d'instances spécifiques

Dans ce paragraphe nous étudierons successivement les instances (A) , ensuite les missions assignées (B)

A - Les instances

Comme traditionnellement dans ces types de protocoles internationaux, une réunion des Parties est instituée comme organe décisionnaire. Il s'agit ici de la Conférence des Parties de la convention sur la diversité biologique. Seuls les Etats qui ont ratifié le protocole participent aux décisions, mais les autres Etats peuvent participer aux débats. En effet, d'après les dispositions de l'article 29 alinéa 1 du présent protocole, « La conférence des Parties siège en tant que réunion des Parties au protocole » et l'alinéa 2 d'ajouter : «Les Parties à la convention qui ne sont pas Parties au protocole peuvent participer en qualité d'observateur aux travaux de toute réunion de la Conférence des Parties siégeant en tant que Réunion des Parties au Protocole, les décisions qui sont prises en vertu du protocole le sont seulement par les Parties au protocole ».

Un Secrétariat permanent sera créé ( article 31). Il sera assuré par le secrétariat de la convention sur la diversité biologique.

Afin de faciliter les échanges d'informations et l'application des dispositions du protocole, un « Centre d'échange pour la prévention des risques biotechnologiques » sera créé (article 20). 

B. Les règles de sécurité à observer

Conformément à l'accord, toute partie qui prend une décision définitive concernant l'utilisation d'un organisme vivant modifié sur son territoire doit, dans les 15 jours qui suivent, en informer le Centre d'échange pour la prévention des risques biotechnologiques.

Les documents d'expédition

Le protocole précise les documents d'expédition qui doivent être soumis en fonction du type d'organismes vivants modifiés qui font l'objet d'un mouvement transfrontière intentionnel. Cette obligation prendra effet quand le protocole entrera en vigueur.

Les documents accompagnant les organismes vivants modifiés destinés à être introduits intentionnellement dans l'environnement de la partie importatrice, semences par exemple, doivent indiquer qu'il s'agit d'organismes vivants modifiés, spécifier leur identité et leurs traits et caractéristiques pertinents ainsi que les règles de sécurité à observer pour la manipulation, l'entreposage, le transport et l'utilisation de ces organismes, et indiquer les coordonnées de la personne à contacter pour tout complément d'information, ainsi que, le cas échéant, le nom et l'adresse de l'importateur et de l'exportateur.

Les documents accompagnant les organismes vivants modifiés destinés à être utilisés directement pour l'alimentation humaine et animale, ou destinés à être transformés, doivent indiquer clairement qu'ils « peuvent contenir » des organismes vivants modifiés et qu'ils ne sont pas destinés à être introduits intentionnellement dans l'environnement et elle doit donner les coordonnées des personnes ou des organismes à contacter pour tout complément d'information. Le protocole exige des parties qu'elles prennent une décision exposant en détail les modalités de cette obligation, en particulier la façon dont il faudra spécifier l'identité de ces organismes ainsi que toute identification particulière, et ce au plus tard dans les deux ans qui suivent l'entrée en vigueur du protocole.

Les documents accompagnant les organismes vivants modifiés destinés à être utilisés en milieu confiné, par exemple à des fins de recherche scientifique ou commerciale dans des locaux en milieu clos, doivent indiquer clairement qu'il s'agit d'organismes vivants modifiés, en spécifiant les règles de sécurité à observer pour la manipulation, l'entreposage, le transport et l'utilisation de ces organismes, et préciser les coordonnées des personnes ou organismes à contacter pour tout complément d'information, y compris le nom et l'adresse de la personne et de l'institution auxquelles les organismes vivants modifiés sont expédiés.

Paragraphe 2 : La répartition des responsabilités

Le protocole met en place un système d'évaluation des risques (A) et prévoit une responsabilisation des acteurs (B)

A - L'EVALUATION DES RISQUES

L'évaluation du risque est un processus fondé sur des données scientifiques comportant les étapes suivantes: 

· L'identification du danger potentiel

· La caractérisation de ce danger

· L'évaluation de l'exposition ; et

· La caractérisation du risque.

Les dangers potentiels, et leur probabilité de concrétisation, sont donc étudiés ainsi, et des modèles sont élaborés pour prévoir le risque17.

Aux fins du présent protocole, l'évaluation des risques a pour objet de déterminer et d'évaluer les effets défavorables potentiels des organismes vivants modifiés sur la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique dans le milieu récepteur potentiel probable, en tenant compte également des risques pour la santé humaine.

Loin de garantir le "risque zéro", l'objectif visé par le principe de précaution est de supprimer le risque évitable pour tendre le plus possible vers le risque le plus bas possible. L'évaluation des risques est effectuée selon des méthodes éprouvées, conformément à l'annexe III. Elle peut aller au-delà des informations fournies dans la notification, reposer sur l'exportateur et être financée par la Partie importatrice (article 15). Dans le cadre de l'examen de la demande d'importation, l'Etat concerné pourra prendre en compte des considérations socio économiques (article 26). Une Partie importatrice, sur sa propre initiative ou à la demande de la Partie exportatrice, pourra réexaminer sa décision au vu d'éléments scientifiques nouveaux ou d'un changement de circonstances (article 12).

L'évaluation des risques est le domaine de l'article 15. En effet, cet article dispose : « Les évaluations des risques entreprises en vertu du présent protocole le sont selon des méthodes scientifiques éprouvées, conformément à l'annexe III et en tenant compte des méthodes d'évaluation des risques reconnues. Ces évaluations des risques s'appuient au minimum sur les informations fournies conformément à l'article 8 et sur d'autres preuves scientifiques disponibles permettant de déterminer et d'évaluer les effets défavorables potentiels des OVM sur la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique, compte tenu également des risques pour la santé humaine ».

Le protocole autorise les gouvernements à soumettre un OGM, quel qu'il soit, à une évaluation des risques avant de prendre une décision concernant son importation, ce aux fins de déterminer et d'évaluer les effets défavorables potentiels des OGM sur la conservation et l'utilisable durable de la diversité biologique dans le milieu récepteur. Cette évaluation doit être effectuée scientifiquement, selon des techniques d'évaluation des risques éprouvées.

Bien que l'importateur potentiel d'un OGM soit responsable de veiller à ce qu'une évaluation des risques soit effectuée, il a le droit d'exiger que l'exportateur s'en charge ou en assume les frais, ce qui n'est pas sans importance pour les pays en développement.

17. voir le site www.fao.org/DOCREP/003/x9602f06.htm

En effet, aucune technologie n'est totalement exempte de risque. Si on accepte les nouvelles technologies, c'est parce qu'on estime que les avantages potentiels l'emportent sur les risques potentiels. Le protocole demande aux Parties de gérer et maîtriser les risques définis à l'occasion de l'évaluation des risques.

La gestion du risque, qui est distincte de l'évaluation du risque, consiste à examiner les différentes mesures pouvant être prises en consultation avec toutes les parties intéressées, tout en tenant compte de l'évaluation du risque et autres facteurs pertinents pour la protection de la santé des consommateurs. Parmi les éléments clés d'une gestion efficace des risques figurent les systèmes de suivi, les programmes de recherche, la formation technique et une coordination nationale améliorée entre les organismes et les services gouvernementaux.

Le protocole demande en outre à chaque Partie de consulter et de notifier aux Etats effectivement touchés ou pouvant l'être, tout incident qui relève de sa compétence et pouvant entraîner un mouvement transfrontière non intentionnel d'un OGM en raison d'un commerce ou d'une libération illicites ayant eu lieu sous sa juridiction, dès qu'elle en prend connaissance. Cela permettra aux Parties de déterminer les interventions nécessaires, y compris des mesures d'urgence. Les gouvernements doivent en outre établir des points de contact officiels pour les urgences afin d'améliorer la coordination internationale.

B- La responsabilisation des acteurs

Si la responsabilité de la Partie exportatrice est engagée en cas de mouvement illicite, les règles générales de la responsabilité seront définies après l'entrée en vigueur du protocole (article 27).

En effet, il est prévu l'élaboration d'un régime de responsabilité et de réparation pour les dommages résultant de mouvements transfrontaliers d'OVM dans les 4 ans suivant l'entrée en vigueur du protocole.

Aussi, l'article 34 traite du respect des obligations. Ainsi est-il prévu l'adoption dès l'entrée en vigueur du protocole de mécanismes institutionnels de coopération visant à encourager le respect des obligations et à traiter les cas de non-respect.

Plusieurs points sont en débats parmi lesquels les procédures visant à responsabiliser les principaux acteurs en contact avec les OVM d'où la réticence des pays exportateurs à l'idée d'un régime propre au protocole. En conséquence, il n'y a pas d'avancée substantielle sur la définition d'un régime (nature et portée du régime, imputation de la responsabilité, accès à la justice, réparation des dommages, seuil de nocivité etc.....

Aussi, le consentement préalable informé prévu à l'article 7 déplace la responsabilité de l'information de l'importateur vers l'exportateur. L'exportateur s'entend de toute personne morale ou physique, relevant de la juridiction de la Partie importatrice, qui prend des dispositions pour qu'un organisme vivant modifié soit importé.

Il faut noter que les questions sur les règles de responsabilité fixées par le Protocole sont à l'ordre du jour de la première réunion des Parties du Protocole qui se tiendra à Kuala Lampur (Malaisie) du 23 au 27 février prochain. On s'attend à ce que cette réunion fixe un calendrier pour l'élaboration de telles règles en conformité avec les dispositions de l'article 27 du Protocole.

CHAPITRE 2 :

LA RECHERCHE D'UNE PROTECTION PLUS EFFICACE DE LA DIVERSITE BIOLOGIQUE

Dans le préambule du protocole, les Parties réaffirment le principe de précaution comme fondement de leur démarche (section 1).Il souligne que les accords sur le commerce et l'environnement devraient se soutenir mutuellement en vue de l'avènement d'un développement durable. Il s'impose donc une nécessité d'une protection durable de la diversité biologique (section 2)

SECTION 1 : UNE PROTECTION FONDEE SUR LE PRINCIPE DE PRECAUTION

Pour promouvoir la prévention des risques biotechnologiques, le protocole s'appuie sur un concept fondamental : l'approche de précaution consacrée par le principe 15 de la Déclaration de Rio de 1992 sur l'environnement et le développement, qui stipule que : « en cas de risque de dommages graves ou irréversibles, l'absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l'environnement »

Le domaine du principe de précaution est celui de l'incertitude. Nous verrons ici que la biotechnologie est un domaine en proie aux incertitudes scientifiques (paragraphe 1) et qu'il s'avère donc nécessaire de réduire toutes les menaces potentielles à la diversité biologique (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La biotechnologie : un domaine en proie aux incertitudes scientifiques

Ceci s'explique par l'absence de certitude scientifique absolue (A) et une incertitude scientifique dans la préservation de la diversité biologique (B)

A- L'absence de certitude scientifique absolue

Dans le domaine de la biotechnologie moderne, il existe une absence de certitude absolue. L'affaire Pusztai citée par Corinne Lepage18 ``in La politique de précaution'', illustre notre propos.

En 1998, le docteur Arpad Pusztai s'exprime à la télévision anglaise dans ces termes : « Il est injuste de faire tenir à nos compatriotes le rôle de cobaye. » Ce chercheur du Rewett Research Institute d'Aberdeen a mis en lumière les effets pervers que provoque chez les souris l'alimentation par des pommes de terre transgéniques.

18. Corinne LEPAGE, François GUERY, la politique de précaution, PUF, p.53 et s

Nourries durant cent dix jours, avec ces pommes de terre transgéniques, les souris subissent des modifications de leurs défenses immunitaires (pertes de la moitié des lymphocytes) et des perturbations au niveau de leur cerveau. Après son interview, le docteur Pusztai est limogé par l'Institut Rewett pour manque de sérieux, voire malhonnêteté. Six mois plus tard, une centaine de chercheurs lance une pétition internationale pour soutenir Pusztai en indiquant qu'ils ont procédé aux mêmes recherches que lui et ont observé les mêmes modifications.

A ce jour on ignore si Pusztai a tort ou a raison. Ce qui est certain c'est qu'il était assez facile à un certain nombre d'organismes de chercheurs publics de procéder aux mêmes expériences et de démontrer qu'il avait tort. Or cela n'a pas été fait. Peut-être précisément parce que Pusztai n'avait pas tort. A ce jour en tout cas, on ne le sait pas.

La question reste donc ouverte des effets des OGM sur les espèces animales. Est-ce que les OGM entraînent des mutations génétiques ou des effets négatifs sur les espèces animales ?

En effets, au sujet des OGM, si l'absence d'innocuité ne peut pas, en tant que telle être prouvée, toutes les recherches doivent être engagées pour tenter de démontrer si le produit est nocif. Or, précisément, les conditions actuelles de mise sur le marché des OGM vont directement en sens contraire puisque les études qui pourraient prouver la nocivité ne sont pas entreprises. D'autre part dans les faits, l'existence de pollutions génétiques apparaît progressivement.

A cela s'ajoutent l'absence de capacités propres de recherche, et le risque de destruction d'un des éléments essentiels de la sécurité alimentaire, à savoir la biodiversité19.

B- L'incertitude scientifique dans la préservation de la biodiversité

La convention sur la diversité biologique indique la nécessité de prévenir les causes de réduction de la biodiversité. Dès l'alinéa premier de son préambule, elle affirme « la valeur intrinsèque de la diversité biologique » définie comme « la variabilité des organismes vivants de toute origine y compris, entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie ; cela comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces ainsi que celles des écosystèmes »20, ces derniers étant des complexes dynamiques formés de communautés de plantes, d'animaux et de leur environnement non-vivant qui, par leur interaction forment une unité fonctionnelle » (article 2).

Conformément à l'orientation donnée dès 1982 par la Charte mondiale de la nature (résolution 37/7 de l'Assemblée Générale), il ne s'agit plus seulement de protéger des espèces menacées de disparition, mais d'assurer que « la viabilité génétique de la terre ne sera pas compromise » (principe 2).

19. Ouvrage précité page 44

20. NGUYEN Quock Dinh, Droit International Public, 6e édition page 1277-1278

Le terme de biodiversité (diversité biologique) est un néologisme apparut au début des années 1980 au sein de l'Alliance Mondiale pour la Nature (UICN). Il a fallu toutefois attendre la conférence de Rio sur l'environnement et le développement, organisée par les Nations Unies en 1992, pour que ce terme soit largement vulgarisé. Il désigne tout simplement « la variété des espèces vivantes qui peuplent la biosphère ». La biosphère peut se définir de la façon la plus simple comme « la région de la planète dans laquelle la vie est possible en permanence et qui renferme l'ensemble des êtres vivants »21

Définie par le Professeur Michel PRIEUR22 comme « la diversité des écosystèmes et des ensembles vivants », la diversité biologique est essentielle pour la survie de l'humanité. Elle permet le renouvellement harmonieux des ressources animales et végétales indispensables à la vie.

Raison pour laquelle l'absence de certitude scientifique doit être envisagée non seulement par rapport à la menace d'extinction pesant sur les espèces sauvages de la faune et de la flore, mais aussi sur les données biologiques des espèces elles mêmes23.

Au niveau de la population, la biodiversité s'évaluera par la mesure de la diversité génétique.

L'incertitude est alors appréciée par rapport à leur capacité de survie ou de reproduction face à la transformation de leur milieu naturel. C'est le cas dans l'affaire Leatch24 où le juge Australien a estimé que l'annulation de l'autorisation de construction d'une route, en raison de ses conséquences néfastes sur 2 espèces sauvages australiens rares, était tout à fait légal. Le juge Stein, pour fonder sa décision, invoque l'incertitude scientifique portant sur « la viabilité à long terme de la faune locale menacée » et « l'ignorance concernant la nature ou l'étendue de ses effets néfastes ».

Certaines études chez les animaux révèlent qu'un transgène introduit dans une population de poissons par le biais de quelques individus pourrait se diffuser à toute la population et éradiquer en quelques générations la population non transgénique. Les OGM pourraient donc entraîner de ce fait un appauvrissement de la biodiversité

Paragraphe 2 : La nécessité de réduire toutes les menaces potentielles à la diversité biologique

Les gouvernements et la société civile, par l'intermédiaire de la convention sur la diversité biologique, oeuvrent de concert pour mettre fin aux dommages à grande échelle causés par l'humanité à la nature. Les enjeux sont de taille : bien que 40% de l'économie mondiale dépende directement de la diversité biologique, l'humanité continue à détruire les écosystèmes, les espèces et les réservoirs génétiques à un rythme jamais égalé depuis l'extinction des dinosaures, il y a 65 millions d'années25.La nécessité de réduire toutes les menaces potentielles à la diversité biologique implique une obligation de prudence et de vigilance (A) et une anticipation des drames écologiques (B).

21. Définition donnée par le Dictionnaire encyclopédique de l'écologie et des sciences de l'environnement, F. CHAMADE p.78 et 95

22. PRIEUR (Michel), droit de l'environnement, 3e partie : le droit de la nature p.277

23. BISSIENGOU Cyrille Séverin, principe de précaution en droit de l'environnement, mémoire de DEA, Université du Bénin, 2000 page 29

24. Affaire Leatch v. National Park and Wildlife Service and shoal City council, Nov. 1993, voir article GIRAUD (Catherine), le droit et le principe de précaution : leçon d'Australie RJE I. 1997

25. source :www.biodiv.org/doc/press/presskits/bs/cpbs-unep-cbd-fr.pdf

A- Une obligation de prudence et de vigilance

Face à l'irréversibilité de certaines atteintes à l'environnement et à l'incertitude scientifique qui affecte des dossiers complets (diminution de la couche d'ozone, centrales nucléaires et déchets radioactifs, utilisation d'OGM), une nouvelle forme de prévention a été imaginée pour protéger la société contre les risques encore inconnus et incertains26.

Concrètement, le devoir de prévention se traduit par un certain nombre d'obligations à la charge des Etats, qui, vagues et générales à l'origine, font l'objet de normes de plus en plus contraignantes, regroupées sous l'appellation ambiguë de « principe de précaution ». Parmi ces obligations, on peut citer l'obligation de prudence et de vigilance.

Fondamentalement, il s'agit d'une règle de nature prudentielle, en vertu de laquelle, « pour protéger l'environnement, des mesures de précaution doivent être largement appliquées par les Etats selon leurs capacités » (cf. article 15 de Rio précité). La prudence implique de réfléchir à la portée et aux conséquences de ses actes et de prendre ses dispositions pour éviter de causer des dommages à autrui. Inscrit dans le cadre de la prudence, le principe de précaution exprime la demande sociale d'une diminution des risques. Celle-ci requiert à la fois un renforcement de la prévention et l'utilisation d'instruments appropriés pour gérer des risques potentiellement graves et irréversibles dont les probabilités de réalisation sont faibles et mal connues.27

Chaque année, 100 millions d'hectares d'habitants et d'écosystèmes naturels disparaissent. En outre, plus de 31 000 espèces végétales et animales sont menacées d'extinction ; selon l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, au moins une race de bétail disparaît chaque semaine. Les solutions d'urgence ne suffisent pas : seule une action en profondeur et à grande échelle garantira aux générations futures un monde biologique riche28.

Adoptée en 1992 sous les auspices du Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE), la Convention sur la diversité biologique est le premier instrument mondial à fournir un cadre complet couvrant tous les aspects de la biodiversité (écosystèmes, espèces, et diversité génétique). Elle introduit en outre une nouvelle stratégie pour faire face à la crise de la biodiversité, l'approche écosystémique , qui vise à concilier les impératifs de la protection de l'environnement et ceux du développement économique. En encourageant le développement durable, la Convention vise à empêcher que les ressources renouvelables de la planète fassent l'objet d'une exploitation intensive empêchant leur reconstitution.

La Convention, qui compte actuellement près de 190 gouvernement membres ( les « Parties »), poursuit trois objectifs : la conservation de la biodiversité, et le partage juste et équitable des avantages découlant de l'utilisation des ressources génétiques.

En rédigeant la Convention, les gouvernement ont reconnu que la biotechnologies modernes offrait un potentiel considérable pour la réalisation de ces trois objectifs- pourvu qu'elle soit développée et utilisée dans des conditions de sécurité suffisantes pour l'environnement et la santé humaine. Quelques années plus tard, ces gouvernements mettaient cette conviction à exécution en établissant le protocole de Cartagena dans le cadre de la Convention.

26. Michel PRIEUR, droit de l'environnement, 5e édition, Dalloz 2004, page 154

27. Philipe KOURILSKY, Du bon usage du principe de précaution, édition Odile Jacob, déc. 2001 page 49

28. Source : www.biodiv.org/doc/press/presskits/bs/cpbs-unep-cbd-fr.pdf

B- Une anticipation des drames écologiques

Il faut faire en sorte que la vie puisse perdurer, ce qui oblige, dans une certaine mesure, à réduire l'incertitude. L'ignorance quant aux conséquences exactes à court ou à long terme de certaines actions ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de mesures visant à prévenir la dégradation de l'environnement. Autrement dit, face à l'incertitude ou à la controverse scientifique actuelle, il vaut mieux prendre des mesures de protection sévères à titre de précaution que de ne rien faire. C'est en réalité mettre concrètement en oeuvre le droit à l'environnement des générations futures29.

Le caractère souvent irréparable des dommages causés à l'environnement impose d'en prévenir la survenance30. Telle a été la préoccupation fondamentale des auteurs des premières conventions sectorielles consacrées à la préservation de certaines espèces animales menacées ou de certains espaces31. La place faite à la prévention dans le droit international de l'environnement, fait de celui-ci un droit d'anticipation.

Consacré par le principe 21 de Stockholm32, repris par le principe 2 de Rio, le devoir de prévention, donc d'anticipation des drames écologiques qui incombe à tous les Etats a fait l'objet d'un projet d'articles adopté en première lecture en 1998 par la CDI, dans le cadre du sujet plus général relatif à la responsabilité pour les conséquences préjudiciables des activités qui ne sont pas interdites par le droit international33 dont l'article 3 dispose : « Les Etats prennent toutes les mesures appropriées pour prévenir les dommages transfrontières significatifs et pour en réduire le risque au minimum ».

Les mesures pour l'environnement doivent anticiper, prévenir et combattre les causes de dégradation de l'environnement. Ceci implique que le principe de précaution impose aux Etats des obligations continues, dont la consistance évolue avec les progrès des connaissances scientifiques. Ainsi dans l'affaire précitée du Projet Gabcikovo-Nagymaros, la C.I.J. a invité les Parties à « examiner à nouveau les effets sur l'environnement de l'exploitation de la centrale » hydroélectrique construite sur le Danube en application d'un traité de 1977, à la lumière des nouvelles exigences de la protection de l'environnement.

29. Michel PRIEUR, opcit page 154

30. Voir C.I.J , arrêt du 25 septembre 1997, projet Gabcikovo-Nagimaros, paragraphe 140

31. NGUYEN Quoc Dinh, droit international public, page 1254

32. Conférence tenue à Stockholm le 16 juin 1972

33. Voir le rapport de la CDI sur sa 53e session, A/53/10, p.18 s

SECTION 2 : LA NECESSITE D'UNE PROTECTION DURABLE DE LA DIVERSITE BIOLOGIQUE

Les organismes produits à l'aide de la biotechnologie présentent des risques pour l'Homme et pour l'environnement. Sur le plan environnemental notamment, le développement des OGM peut conduire à l'érosion de la base génétique du potentiel biologique existant. Dans le cadre de la résistance aux herbicides, le transfert des caractères de résistance aux plantes non ciblées pourrait entraîner une prolifération inopportune de ces plantes.

Il conviendrait donc de mettre en place un mécanisme de régulation approprié pour s'assurer que les produits issus de la biotechnologie moderne soient sécurisants pour l'Homme et l'environnement.

Pour une protection durable de la diversité biologique, il conviendrait donc de prendre en compte les risques liés aux OVM ( paragraphe 1) afin d'appliquer des règles prévisibles et sûres (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La prise en compte des risques liés aux organismes vivants modifiés

Toute technologie nouvelle est susceptible d'entraîner des risques directs ou induits. Depuis plusieurs années déjà, des plantes transgéniques sont déjà commercialisées et cultivées en Amérique du Nord. L'Europe, elle, a choisi d'évaluer les risques potentiels de cette nouvelle méthode de création qu'est la transgenèse, avant toute exploitation à grande échelle.

Nous étudierons dans ce paragraphe la pollution génétique (A) ensuite les éventuels périls pour l'environnement (B).

A- La pollution génétique

Implanter une semence hors de son écosystème peut entraîner des problèmes graves. Les OGM fabriqués pour mieux résister aux attaques des prédateurs, disposeront d'un avantage sélectif sur les autres plantes, qui en souffriront. Des croisements spontanés sont aussi envisageables, les plantes cultivées croisant leurs gènes avec des espèces sauvages apparentées. Un colza transgénique transmettrait son gène de résistance aux herbicides à une mauvaise herbe, qui deviendrait ainsi une « super mauvaise herbe » insensible aux pesticides. Cette pollution génétique est irréversible34.

Les plantes transgéniques contiennent des gènes qui y ont été transférés à partir d'espèces avec lesquelles elles n'ont aucun lien de parenté. Les gènes peuvent provenir de bactéries, de virus, d'autres plantes ou même d'animaux. Si ces gènes « étrangers » se transfèrent à leur tour dans d'autres organismes, cela produit une pollution ou une contamination du patrimoine génétique naturel.

En effet, la transgène est radicalement différente des procédés traditionnels de sélection ou d'amélioration. En ce qu'elle consiste à introduire des gènes d'un organisme vivant dans le patrimoine génétique d'un autre organisme vivant, elle élimine les barrières entre les espèces. Elle se traduit ainsi par la création de nouveaux organismes, inconnus de la biosphère, sans passé évolutif ni prédateurs naturels.

34. BASTIN (Juliette), principe de précaution, Jeune Afrique l'Intelligent no 2196 du 09 au 15 février 2003 page 77

Une telle introduction dans l'écosystème des gènes capables de survivre, migrer, muter et se déplacer vers des organismes auxquels ils ne sont pas destinés représente un redoutable saut dans l'inconnu, qui fait assurément courir de graves risques de ``pollution génétique''35.

La contamination génétique peut se produire dans 4 situations :

· si une plante sauvage apparentée poussant à proximité se croise avec une plante transgénique ;

· si une plante non-transgénique conventionnelle ou biologique présente dans un champ voisin se croise avec une plante transgénique ;

· si une plante transgénique survit dans l'environnement naturel ou agricole et que se développe une population de plantes transgéniques semi-sauvages (mauvaises herbes ou plantes « retournées à l'état sauvage ») .

· si des micro-organismes présents dans le sol ou dans les intestins d'animaux ayant mangé des plantes transgéniques acquièrent des gènes étrangers.

Contrairement à d'autres formes de pollution, la contamination génétique est susceptible de se multiplier au fur et à mesure que les plantes et les micro-organismes poussent et se reproduisent. Par conséquent les dégâts écologiques causés par les OGM ne peuvent être circonscrits à l'habitat dans lequel ils sont originellement introduits.

En définitive, la pollution génétique est , selon l'avocate internationale et ancien ministre de l'environnement Français Corinne Lepage « la seule qui soit exponentielle, c'est-à-dire qui s'auto-entretient et qui s'augmente »36, toute pollution va elle-même engendrer une succession de pollutions. On ne peut aller que vers une explosion de la pollution génétique et jamais vers une régression.

A- D'éventuels périls pour l'environnement

Sous l'angle agro environnemental, les biotechnologies posent des problèmes de sécurité qui sont principalement de 2 ordres. Il y a ainsi d'une part, des questions qui relèvent de la sécurité biologique, qui concernent les risques liés à la dissémination des OGM.

Les plantes conventionnelles cultivées aujourd'hui ont été élaborées par des générations d'agriculteurs et de producteurs à partir d'espèces sauvages.

Dans les régions où elles ont évolué, on trouve des espèces apparentées capables de se croiser entre elles et de produire des hybrides.

Dans le cas des plantes transgéniques, ce croisement peut impliquer le transfert de gènes étrangers (« flux génétique ») vers les plantes apparentées. La probabilité d'une hybridation dépend de la compatibilité des deux espèces en présence et de la performance de l'hybride (sa capacité à pousser et à se reproduire). Du fait de la diffusion des OGM, par pollinisation et par les bactéries du sol, progressivement, les cultures non OGM deviennent OGM. En second lieu, la culture intensive des OGM , qui donne un avantage biologique aux espèces OGM sur les autres, permet une diffusion, voire une destruction des autres espèces. La Chine a proposé, le 22 Mai 2000, que les OGM soient inclus sur la liste des espèces envahissantes lors de la convention de la biodiversité.

35. Les industries agro-alimentaire sous la direction deMichel PRIEUR et Soukéinatou BOURAOUI page 22

36. Corinne LEPAGE in La politique de précaution, PUF, 2001 page 38-39

La menace que le flux génétique depuis des plantes transgéniques fait peser sur la biodiversité est mondiale. Ainsi :

En Amérique du Sud, région d'origine du maïs, les variétés sauvages de maïs sont en danger

En Asie, des espèces apparentées du riz poussent à proximité des rizières

En Amérique du Nord, les espèces sauvages apparentées de la courge sont courantes

En Europe, le colza et la betterave sucrière peuvent se croiser avec des plantes sauvages apparentées.

Si une contamination se produisait, non seulement le patrimoine génétique serait irrémédiablement modifié (avec des conséquences encore inconnues), mais l'acquisition des caractéristiques de la plante transgénique pourrait, comme nous l'avons dit plus haut, transformer les plantes sauvages en « super mauvaises herbes » que les agriculteurs auraient beaucoup de mal à éradiquer. Les plantes résistantes aux substances chimiques qui détruisent les mauvaises herbes (herbicides), résistantes aux insectes et résistantes aux malades.

En plus de pouvoir contaminer les plantes sauvages et les cultures non-transgéniques par croisement, les semences des plantes transgéniques elles-mêmes peuvent poser des problèmes.

Certaines semences peuvent se répandre au moment des moissons, rester dans le sol et germer les années suivantes. Quand les plantes émergent dans les cultures d'autres espèces, elles deviennent des mauvaises herbes non voulues qui doivent être enlevées par l'agriculture.

Du colza transgénique spontané ayant acquis une résistance à deux ou trois herbicides différents (phénomène connu sous le nom d' «accumulation de gènes») a été repéré au sein d'essais expérimentaux, au Royaume-Uni, ou des cultures commerciales, au Canada37.

C'est aujourd'hui un grand problème au Canada, des distances de séparation de 175 mètres entre les cultures transgéniques et non transgéniques se montrant inefficaces. Le colza pouvant rester dormant dans le sol pendant 5 à 10 ans avant de germer, tout problème avéré de durer très longtemps et constituer un important problème de gestion pour les agriculteurs. Les problèmes de contamination de cultures conventionnelles par des cultures OGM sont la réalité. Il ne s'agit pas que d'une contamination du produit mais aussi de l'apparition de mauvaises herbes spontanées posant de nombreux problèmes.

Les semences peuvent aussi être disséminées lors du transport des plantes du champ vers d'autres parties de l'exploitation agricole, ou se planter dans le bas-côté des routes quand elles sont transportées pour être stockées ou transformées. Les populations sauvages de colza sont courantes et peuvent survivre de nombreuses générations. Si ces plantes transgéniques persistent dans l'environnement, elles ne causeront pas seulement un problème de mauvaise herbe mais deviendront une source perpétuelle de contamination génétique des cultures et des plantes sauvages.

Par ailleurs, les organismes OGM vont entraîner bien évidemment des réactions non désirées sur d'autres espèces : transfert de gènes aux bactéries par des abeilles, toxicité du pollen sur le papillon monarque, apparition d'une pyrale résistante aux maïs censés la tuer, émergence de mauvaises herbes résistantes aux herbicides totaux, voire même repoussée de plantes non désirées38. (cf. CL p 37-38 ou « les OGM entrent en résistance » in Le Figaro,30 octobre 2000

37.Voir le site www.monde-solidaire.org/article.php3 ?id_article=575

38. Voir « Les OGM entrent en résistance » in Le Figaro, 30 Octobre 2000

En plus de ces cas de risques pour l'environnement, plusieurs cas de figures peuvent être répertoriés . On peut trouver des risques suivants : l'apparition d'insectes résistants aux plantes transgéniques, l'éventuel impact sur les insectes utiles comme l'abeille, l'impact sur la rhizosphère etc... 39

Paragraphe 2 : L'exigence de règles prévisibles et sûres

Le modèle préventif est basé sur la prise de conscience que certaines pollutions sont irréparables et qu'il faut les empêcher. Notre analyse sera axée principalement sur la mise en oeuvre du principe de précaution (A) et les mesures susceptibles d'être prises à l'échelon national par les Etats(B).

A - La mise en oeuvre du principe de précaution

Le principe de précaution est apparu à propos de problèmes liés à l'environnement de façon explicite vers 1980 et a connu depuis lors un développement fulgurant. Après avoir reçu une consécration publique à la conférence de Rio en 1992, il fut, la même année inscrit dans le traité de Maastricht et fut, en 1995, son entrée dans le droit français. Le principe de précaution est désormais une référence incontournable dans tous les domaines relatifs aux risques. Il a largement débordé le champ du droit de l'environnement. Il est devenu le guide d'action en matière d'OGM, de santé des consommateurs et de sécurité alimentaire40.

Le principe de précaution est réaffirmé dans le préambule du protocole, dans l'énoncé de l'objectif (avec une référence au principe 15 de la Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement) et dans les dispositions relatives à la prise de décisions par une partie importatrice concernant l'importation d'un organisme vivant modifié :

« L'absence de certitude scientifique due à l'insuffisance des informations et connaissances scientifiques pertinentes concernant l'étendue des effets défavorables potentiels d'un organisme vivant modifié sur la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique dans la partie importatrice, compte tenu également des risques pour la santé humaine, n'empêche pas cette partie de prendre comme il convient une décision concernant l'importation de l'organisme vivant modifié en question pour éviter ou réduire au minimum ces effets défavorables potentiels. »

Le principe de précaution est exprimé de manière positive dans le traité de l'Union Européenne depuis la réforme par le traité de Maastricht41 et dans les lois nationales comme la loi française du 02 Février sur le renforcement de la protection de l'environnement, dite loi Barnier qui stipule que « l'absence de certitude, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l'environnement à un coût économiquement acceptable »

Depuis, il a débordé les questions qui touchent à l'environnement à propos desquelles il avait été conçu pour englober les problèmes relatifs à l'alimentation et à la santé.

39. Voir le site ww2.creaweb.fr/bv/ogm/risques.html

40. Cf Michel PRIEUR opcit, page 154

41. Article 130 R du traité de Rome tel que modifié par le traité de Maastricht

L'une des principales applications touchant à l'activité agricole est relative aux plantes et OGM. Ainsi, la conférence sur la biosécurité qui s'est tenue en Août 1998 exprime les positions suivantes : `'Notant que conformément au principe de précaution, l'absence de preuves scientifiques irréfutables ne devrait pas être invoquée pour reporter la prise de mesures nécessaires pour éviter ou réduire au maximum les risques, lorsqu'ils existent, posés par les organismes vivants modifiés résultant de la biotechnologie. Considérant aussi que malgré les connaissances considérables accumulées, il reste une part importante d'inconnu, en particulier s'agissant de l'interaction entre l'environnement et les organismes vivants modifiés issus de la biotechnologie moderne''.

Greenpeace s'oppose, au nom du principe de précaution, à la dissémination d'organismes génétiquement modifiés dans l'environnement, « car les conséquences à moyen et à long terme sont totalement inconnues »42

Le principe de précaution permet donc permet de :

 

Traduire en fait un principe inscrit en droit

 

Définir un seuil d'acceptabilité du risque

 

Distribuer la responsabilité

 

Compenser en procédures le manque de certitudes

 

Inscrire la décision dans une démarche d'assurance qualité en réorganisant l'expertise sur les risques (transparence, traçabilité, ...)    

 

B- Les mesures susceptibles d'être prises par les Parties à l'échelon national

Dans le cadre d'accords pour l'environnement, la convention sur la diversité biologique, les pays sont convenus de prendre des mesures visant à protéger la biodiversité et le protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques fournit un cadre réglementaire international au mouvement transfrontière des OGM. Les pays ont accepté de coopérer, dans le cadre du Codex Alimentarus, de la convention international pour la protection des végétaux et de l'office internationale des épizooties, pour la protection de la santé des êtres humains, des végétaux et des animaux respectivement.

En effet, la convention sur la diversité biologique vise à préserver la diversité biologique, favoriser une exploitation rationnelle des éléments qui la composent et encourager un partage équitable des bénéfices tirés de l'utilisation des ressources génétiques. Son protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques dispose que les produits agricoles susceptibles de contenir des OGM et destinés à l'exportation doivent impérativement être clairement identifiés comme tels et autorise les Etats à déclarer s'ils sont disposés ou non à accepter leur importation43.

Ce protocole prévoit que chaque pays ait élaboré une réglementation au sujet des OGM avant de se lancer dans une expérimentation. L'Autriche et la Nouvelle Zélande ont été parmis les premiers à créer leur propre programme de biosécurité. Le ministère de l'agriculture et des forêts de la Nouvelle Zélande a mis en place la « biosecurity authority » en juillet 1999 afin de protéger la biodiversité unique de la Nouvelle Zélande et faciliter des exportations en gérant les risques pour la santé des végétaux et des animaux.

42. www.greenpeace.org

43. ABC des Nations Unies, New York, 2001 page 305

En Autriche, le département de l'agriculture, des pêches et des forêts a créé une unité « biosecurity » en octobre 2000 afin d'évaluer les risques de quarantaine associés aux importations des produits et de mener des négociations techniques sur les questions d'accès aux marchés d'exportation avec les organismes de contrepartie à l'étranger44. La Côte d'Ivoire s'y était attelée, mais son effort a été stoppé par le coup d'état de décembre 1999. Le Mali et le Burkina y travaillent à travers leur comité de biosécurité45.

Le protocole offre aux pays la possibilité d'obtenir des informations avant de consentir à l'importation d'organismes issus de la biotechnologie. Il reconnaît à chaque Etat le droit de réglementer ces organismes, en accord avec ses obligations internationales. En outre, il crée un cadre propice à l'amélioration des capacités des pays en développement en ce qui concerne la protection de la biodiversité.

Un pays peut, conformément à son cadre réglementaire national et dans la mesure où cela est compatible avec l'objectif du protocole, décider de soumettre certains types d'OGM à une évaluation des risques ou à d'autres exigences

Le Togo a signé ce protocole le 24 Mai 2000 et se doit donc de prendre des mesures adéquates pour la prévention des risques biotechnologiques. Le projet biosécurité est l'une de ces mesures. Il devra aboutir à la mise en place du cadre national de biosécurité. Il s'agira d'un ensemble de systèmes législatif, administratif et décisionnel incluant l'évaluation et la gestion des risques, de même qu'un mécanisme de participation et d'information publique46.

La mise en place du cadre national de biosécurité permettra au pays de :

· Etre en mesure de faire un choix, dont il aura informé les parties concernées, sur la possibilité d'importer, d'utiliser ou non les OGM ;

· Mettre en place le moyen qui l'aidera à estimer, évaluer et gérer un éventuel effet pervers lié aux mouvements transfrontières, au transit, à la manipulation et à l'utilisation des OGM ;

· Donner l'occasion à tous les centres de décision de s'exprimer ;

· Renforcer ses capacités humaines et institutionnelles pour les aspects techniques et l'évaluation des risques ;

· Prendre des décisions durables relatives à l'utilisation des OGM ;

· Etre en conformité avec les dispositions du protocole de Cartagena

44. voir le site www.fao.org/ag/fr/magazine/01031.htm)

45 .FAUJAS (Alain) jeune afrique l'intelligent précité page 68

46. source Togo presse no 6674 du 12 déc 2003 page 4

DEUXIEME PARTIE :

LA PROTECTION DE LA SANTE HUMAINE PAR UN CONTROLE DES MOUVEMENTS DES OVM SUSCEPTIBLES D'AVOIR UN EFFET NOCIF SUR LA SANTE DE L'HOMME.

Le protocole de Cartagena est focalisé sur le mouvement transfrontière des organismes vivants modifiés susceptibles d'avoir un effet nocif sur l'environnement et la santé humaine.

Ceci revient à dire que les que les OVM qui ne sont pas susceptibles d'avoir un effet nocif ne concernent pas le protocole et implique les avantages de la biotechnologie moderne qui fera l'objet d'un chapitre premier.

Le chapitre 2 sera consacré à l'application du principe de précaution dans le domaine de la biotechnologie moderne.

CHAPITRE 1 :

LA RECONNAISSANCE PAR LE PROTOCOLE DES AVANTAGES DE LA BIOTECHNOLOGIE MODERNE.

Dans le préambule le protocole reconnaît que la biotechnologie moderne offre un potentiel considérable pour le bien être de l'être humain.

En effet, les produits de la biotechnologie notamment les OGM jouent un rôle de plus en plus important dans les domaines de la santé, de la médecine, de l'agriculture et de l'environnement. En même temps, les applications des techniques d'ingénierie génétique comportent de nombreux risques potentiels sur la santé humaine jusqu'à maintenant imprévus.

Nous allons présenter dans ce chapitre, les enjeux de la biotechnologie moderne (Section 1) avant d'aborder dans une deuxième section les  impacts des OGM sur la santé humaine (Section 2).

Section 1 : Les enjeux de la biotechnologie moderne.

« La biotechnologie pourrait contribuer à la réalisation des objectifs de la convention sur la diversité biologique et des objectifs du Millénaire pour le développement, à condition toutefois d'être développée judicieusement et accompagnée de mesures de sécurité », Kofi Annan, Secrétaire général des Nations Unies.

La percée des biotechnologies, en particulier dans le secteur agro-alimentaire, est l'un des faits marquants de cette fin du millénaire. Comme tout grand phénomène de société, leur avènement fait l'objet de débats animés, voire passionnés, qui agitent les scientifiques et les experts autant que les politiciens et la société civile47. Pour les partisans des modifications génétiques, la biotechnologie contribuera à accroître la sécurité alimentaire et le rendement durable des cultures, et sera bénéfique à l'environnement car elle permettra de réduire les superficies cultivées, les quantités de pesticides et l'irrigation, et permettra de produire des traitements médicaux, des vaccins, des biens industriels, des fibres et des combustibles plus efficaces48.

Nous consacrerons cette première section aux enjeux agricoles et environnementaux (paragraphe 1) , ensuite les enjeux sociaux (paragraphe 2)

Paragraphe 1- Les enjeux agro environnementaux

Certains pensent que les OGM peuvent être écologiquement bénéfique, en particulier parcequ'ils permettent, au-delà d'une meilleure compréhension des interrelations entre les plantes, les animaux et les écosystèmes, une lutte plus efficace contre les pathogènes, ainsi qu'une plus grande adaptation aux conditions extrêmes de l'environnement.

47. les industries agro-alimentaires sous la direction de Michel PRIEUR et Soukéina BOURAOUI page 44

48. . Voir le site internet www.biodiv.org/doc/press/presskits/bs/cpbs-unep-cbd-fr.pdf

Nous traiterons successivement dans ce paragraphe des enjeux agricoles (A) ensuite les enjeux environnementaux (B)

A- Les enjeux agricoles

La transformation génétique des plantes vise à améliorer les cultures en développant des mécanismes de tolérances ou de résistances ayant pour effet d'augmenter les rendements.

.

· Tolérances des plantes aux herbicides

L'insertion d'un gène de tolérance à un herbicide dans une plante d'intérêt permet, via la résistance induite, une sélectivité du traitement vis à vis des plantes indésirables.

Ce gène assure donc une protection de la plante contre le principe actif de l'herbicide par une modification de la cible, une voie de biosynthèse alternative ou un changement de perméabilité membranaire. De nombreuses espèces végétales, comme le colza, la betterave, le soja, le blé et le tournesol ont déjà bénéficié de cette technique49.

· Résistance aux conditions climatiques extrêmes

Une grande partie de la surface de la planète est impropre à l'agriculture du fait de condition défavorable (froid, sécheresse, salinité...). Les biotechnologies pourront apporter une réponse aux pays en voie de développement en créant de nouvelles espèces adaptées à ces conditions.

· Résistance aux insectes

Les pertes occasionnées par les insectes représentent une part non négligeable des récoltes. Les insecticides employés jusqu'à maintenant présentent des inconvénients : atteintes à l'environnement et apparition de formes résistances d'insectes ayant pour conséquences l'emploi de doses croissantes de ces produits.

Par ailleurs, la lutte biologique nécessite un suivi poussé des cultures et une recherche approfondie ne permettant pas d'apporter une solution économiquement viable face aux dégâts causés par les ravageurs. La synthèse de protéines toxiques pour ces cultures par modification génétique de la plante constitue donc une voie majeure du procès.

· Résistance aux maladies

Sur le même principe, les biotechnologies s'orientent vers la lutte contre les virus, bactéries phytopatogènes, mycoplasmes et champions. Des résultats ont déjà été obtenus sur les plantes comme la pomme de terre, la tomate ou la betterave.

Amélioration des conditions d'élevage

· La lutte contre des maladies animales

La modification par génie génétique des aliments destinés à l'élevage peut être un moyen de lutte contre les maladies animales. Cette alimentation pourrait produire directement des anticorps ou des vaccins« recombinants».

49. Voir le site ww2.creaweb.fr/bv/ogm/enjeux3.html

La lutte contre ces maladies pourrait même se faire au niveau de l'animal, par la modification transgénique des lignées afin d'accroître leur résistance.

· L'amélioration de la nutrition animale

L'utilisation du génie génétique pourrait permettre d'améliorer la qualité nutritionnelle des plantes utilisées en alimentation animale, en augmentant la teneur en certains acides aminés (méthionine, lysine ,théonine, tryptophane). Ces éléments, synthétisés en trop faible quantité par ces plantes, sont actuellement amenés sous forme de compléments nutritifs.

L'accumulation de certaines enzymes (phytase en particulier) pourrait permettre d'améliorer la digestibilité des aliments.

Application aux industries agro-alimentaires

1. L'amélioration de la qualité des aliments

L'introduction de nouveaux gènes peut conduire à améliorer la qualité d'un élément : meilleure texture, meilleure conservation, amélioration des qualités organoleptiques...Cet enjeu se répercute principalement chez le consommateur.

Diverses applications peuvent être abordées :

· meilleure conservation des produits : les recherches concernant la conservation des aliments en sont actuellement au stade le plus avancé dans le domaine des OGM. Des légumes transgéniques, à maturation retardée, ont déjà été commercialisés dans les pays anglo-saxons. Citons par exemple la célèbre tomate Flavr-Savr de la société Calgene, qui conserve une texture ferme pendant une durée plus longue que celle des tomates conventionnelles. Ce contrôle de maturation des produits permet ainsi d'améliorer les conditions de transport et de stockage, mais également d'accroître la valeur du produit.

· Amélioration des qualités organoleptiques : dans le cas des fruits par exemple, la maturation se fait grâce à un ensemble de modifications physiologiques, biochimiques et structurelles. Certains gènes impliquent donc un changement de couleur, une augmentation de teneur en sucre, une diminution de l'acidité, la synthèse d'arômes...

Tous ces gènes constituent donc des voies potentielles d'amélioration. Quelques exemples :

q Le blé : amélioration des caractéristiques requises pour la panification,

q La pomme de terre : augmentation de teneur en amidon pour des utilisations industrielles, (purée, fécule et frites absorbant moins d'huile), réduction du brunissement,

q Les épinards : diminution de la teneur en nitrate en augmentant l'expression de la nitrate-reductase.

C- Les Enjeux environnementaux

En multipliant la quantité d'engrais utilisés par 3,6 entre 1970 et 1990 et la quantité de produits phytosanitaires par 4,2 pendant la même période, les progrès de l'agriculture moderne ne se sont faits sans dommage pour l'environnement.

L'utilisation de telles pratiques, notamment celles qui concernent la protection des cultures contre les maladies et les parasite, est impossible à poursuivre sans arriver rapidement à un épuisement des sols50.

51. Pr. Jeff Schell, pionnier européen de la transgenèse végétale,« Biofutur»

Les biotechnologies modernes peuvent être une réponse à ces problèmes, en particulier par l'utilisation de la transgenèse pour développer des résistances aux insectes ou des tolérances aux herbicides, tout en augmentant la productivité.

Les avantages environnementaux que l'on peut attendre des plantes résistantes aux insectes et tolérances aux herbicides, ainsi que des futures cultures qui résisteront à la sécheresse et aux autres stress climatiques sont en effet les suivants :

· diminution significative des traitements insecticides et herbicides.

Les variétés résistantes à une maladie peuvent permettre de réduire les mesures phytosanitaires. Le génie génétique permet également d'améliorer la capacité d'appropriation de la substance nutritive des plantes (efficacité nutritive ) ce qui permet d'économiser les engrais et de réduire le lessivage des substances nutritives dans les eaux souterraines. La culture de variétés tolérant des herbicides permet l'utilisation ciblée et parcimonieuse d'herbicides à large bande respectueux de l'environnement, avec donc des conséquences positives sur la qualité du sol, des eaux, de la faune, mais aussi des aliments consommés,

· économie d'utilisation de l'eau pour l'irrigation avec les transformations génétiques visant à accroître la résistance à la sécheresse. En effet, selon les estimations internationales51. (sommet mondial de l'Alimentation, Rome 1996), l'eau aura tendance à se raréfier dans les décennies à venir du fait de l'explosion démographique. De surcroît, la tendance actuelle va vers une augmentation de la consommation d'eau, qui à été multipliée par trois entre 1950 et 1990,

· changement des pratiques culturales vers une simplification du travail du sol. La résistance au glyfosate induite par génie génétique sur des cultures de soja a permis d'économiser l'étape du labour de 30%. Outre économie en matériel coûteux favorable aux pays en voie de développement, ce changement de pratique culturale permet de réduire l'érosion du sol, et donc d'améliorer la qualité de l'eau, de préserver la faune du sol, et de diminuer le ruissellement de l'eau.

Par exemple, grâce au coton Bt, amélioré génétiquement par Monsanto pour résister à helicoverpa zea, les petits agriculteurs de la province du Kwazulu Natal en Afrique du Sud ont réduit l'usage des pesticides de 8 à 10 pulvérisations à 1 ou 2, tandis que leur rendement augmentait de 30%, soit un gain de 30%52

Paragraphe 2 : Les enjeux sociaux

Les Organismes Génétiquement Modifiés peuvent être considérés comme une solution à la faim (A) ensuite l'utilisation du génie génétique est bénéfique pour la santé de l'homme (B).

A- Les OGM : une solution à la faim

Que peuvent les biotechnologies pour le monde quand on sait qu'un cinquième de l'humanité ne mange pas à sa faim ? Beaucoup, a priori , puisqu'elles permettent d'améliorer les techniques de production et, logiquement donc, d'augmenter le volume desdites productions. Certes, les causes premières du retard de certains pays en matière de développement ne sont pas toutes techniques.

51. Sommet mondial de l'Alimentation, Rome 1996

52. Jeune Afrique l'Intelligent précité, page 64

Mais force est de constater que les méthodes actuelles ne permettront pas d'assurer à elles seules un niveau de production suffisant pour nourrir la population du continent. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : comment faire pour que les 1,7 milliards d'habitants que comptera l'Afrique en 2050 mangent à leur faim, alors que l'on ne peut pas, aujourd'hui, subvenir aux besoins de 750 millions de personnes ?

Comment y parvenir alors que, sur le continent, la croissance démographique est deux fois plus forte que celle de la production ? Posée en ces termes, l'équation paraissait insoluble. L'enjeu évidemment, est d'importance. D'autant que beaucoup d'économies dépendent quasi exclusivement de l'agriculture : le secteur compte pour 30% du produit intérieur brut (PIB) du continent, 40% de ses exportations et emploie surtout 70% de sa population active.

Or la productivité de l'agriculture africaine reste faible. Comptez en moyenne, 1,22 tonne à l'hectare pour les céréales, contre 37,3 tonnes dans les pays industrialisés.

Fait significatif : l'Afrique est la seule région du globe où la production alimentaire par tête a baissé au cours de ces quarante dernières années.

Résultat, la consommation y dépassait toujours la production de 30% à la fin des années 90. Difficile dans ces conditions, de subvenir aux besoins de tous.

Et c'est là que les plantes transgéniques font leur apparition.

« Tous les moyens contribuant à de fortes hausses de la productivité et de la durabilité des systèmes de production doivent pouvoir être mobilisés et combinés au mieux, martèle le centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) , et les biotechnologies feront partie des outils disponibles ».Leurs caractéristiques agronomiques améliorées permettent en effet une plus grande résistance à un herbicide aux insectes ou aux bactéries. Il est du coup, possible de diminuer le nombre de traitements et les quantités de produits chimiques utilisés pour cultiver manioc, café ou cacao. Les coût de production s'en trouvent abaissés, et les rendements des récoltes augmentés.

Fin septembre 2002, Monze en Zambie, les villageois affamés de cette région d'Afrique particulièrement touchée par la sécheresse viennent de piller des hangars où étaient entreposés 500 sacs de maïs en provenance de l'étranger au titre de l'aide alimentaire.

En effet, lors du sommet mondial pour le développement durable à Johannesburg fin août 2002, Jacques Diouf, le directeur général de la FAO, a exhorté tous les pays africains à accepter l'aide alimentaire sous forme d'OGM.

Le Secrétaire Général de la commission économique des Nations Unies pour l'Afrique (CEA), Kingsley Amoako, est allé dans le même sens en arguant que le continent ne se développerait que grâce aux biotechnologies et qu'il fallait arrêter d'avoir peur des OGM. « L'UE, elle, avance le principe de précaution, explique Kingsley Amoako, mais il y a des gens qui meurent de faim aujourd'hui en Afrique. Ces questions de principe sont des enjeux pour les Etats Unis et l'Europe, mais pas pour nous »53.Chez Monsanto54, pas d'ambiguïté : les Américains mangent des produits Génétiquement Modifiés depuis 15 ans, et personne n'est tombé malade. Alors pourquoi ne pas en faire bénéficier l'Afrique ?

53. Jeune Afrique l'intelligent no 2196 du 09 au 15 février 2003 page 72

54. Firme américaine spécialisée dans l'industrie agro alimentaire.

B - L'utilisation pharmaceutique des OGM

Des organismes génétiquement modifiés (OGM) sont utilisés depuis plusieurs dizaines d'années pour la production des thérapeutiques sous forme recombinante. Les techniques de recombinaisons génétiques ont permis d'élaborer des vaccins plus efficaces et d'envisager la production de vaccins tout à fait nouveau.

Les micro-organismes génétiquement modifiés sont utilisés depuis près de 20 ans pour la production de médicaments comme l'insuline pour les diabétiques, l'hormone de croissance, ou l'érythropoïétine qui permet de traiter l'anémie chez un patient atteint d'un cancer ou d'une insuffisance rénale. Les OGM servent aussi à fabriquer des vaccins humains (contre l'hépatite B) et vétérinaires (ils ont permis d'éradiquer la rage en Europe). Les perspectives dans ce domaine sont immenses car les OGM peuvent être utilisés comme de véritables fabriques de médicaments ou d'autres substances bénéfiques pour la santé .Les plantes transgéniques ont un avantage important : leur production à large échelle est plus simple et beaucoup moins coûteuse que celle des produits d'origine animale. De plus, les plantes sont naturellement exemptes de virus ou de prions55 pathogènes pour l'homme. Des recherches prometteuses sont en cours sur plusieurs plantes transgéniques comme : des pommes de terre capables de délivrer un vaccin contre l'hépatite B ou contre un virus responsable de diarrhée, un tabac produisant une substance vaccinale contre le cytomégalovirus, qui est un virus responsable d'infections congénitales, une autre variété de tabac produisant du collagène, un maïs qui produit de la lipase gastrique permettant de lutter contre la mucoviscidose. Les OGM pourraient également contribuer à la mise au point de substances permettant de remplacer les transfusions sanguines. Tous ces travaux contribuent aussi à mieux connaître les gènes et par là même à mieux comprendre le fonctionnement des êtres vivants. La transgénèse est un outil récent au service de l'agriculture et de la médecine56.

Les techniques du génie génétique permettent de faire produire par des bactéries ou dans des cellules de levure au génome modifié de grandes quantités de protéines vaccinantes comme cela a été pour les protéines de l'enveloppe des virus de la fièvre aphteuse, de la rage, de l'hépatite B, de l'herpès et de la grippe57. Au cours des dernières années, plusieurs protéines d'intérêt pharmaceutique ont été produites avec des plantes transgéniques.

Les chercheurs ambitionnent, dans la foulée, d'améliorer la qualité nutritionnelle des aliments en modifiant la composition et de permettre ainsi, par exemple, qu'ils soient mieux digérés.

Et puis il y a les «alicaments», ces aliments qui soignent, purs produits des biotechnologies. Parmi eux, le riz doré dont on a modifié la teneur en vitamine A pour lutter contre la cécité des enfants liés à la malnutrition : dans le cas du riz, il est possible d'inhiber l'expression de la protéine responsable des allergies alimentaires. Autres applications rêvées (et encore utopiques) dans le domaine de la santé : les pommes de terre ou les bananes contenant des vaccins. Directement consommables, elles permettraient la vaccination à faible coût des populations des pays en développement58.

55. Le prion est une glycoprotéine, qui existe normalement dans le cerveau de l'homme. Cette protéine existe sous une forme normale et une forme pathologique.

56. http://www.ogm-debats.com/presse/documents/bibliotheque/DEBAGUIDEPATIENT.pdf

57. Albert SASSON, Quelles biotechnologies pour les pays en développement ? Biofutur/UNESCO édition, imprimerie Marcel Bon-70.000 Vessoul, juin 1986, page 86

58. Jeune Afrique précité page 67

Le premier vaccin utilisable chez l'Homme et fabriqué à l'aide des techniques de recombinaison génétique sera le vaccin antihépatite B : une première forme de ce vaccin sera constituée par le même antigène, produit par des cellules animales au génome modifié. Le génie génétique permet par exemple de modifier la composition des huiles en acide gras en vue de diminuer le risque d'accident cardio-vasculaire.

La mise au point d'un vaccin contre le SIDA, maladie mortelle transmissible par voie sanguine ou sexuelle, qui a pris depuis le début des années 1980 l'allure d'une épidémie mondiale, reposera vraisemblablement des techniques issues du génie génétique. Aussi, les plantes aromatiques qui sont parfois aussi des plantes médicinales, peuvent devenir, à la suite de l'application des biotechnologies, des sources importantes des produits de grande valeur pour la fabrication des parfums, des cosmétiques, des arômes et des additifs alimentaires59.

En 2000 la Commission de l'Office International des épizooties (OIE) sur les normes a publié le Manuel des normes relatives aux tests de diagnostique et aux vaccins. Certains tests et vaccins décrits sont issus du génie génétique.

D'ailleurs le Protocole de Cartagena ne s'applique pas aux mouvements transfrontières d'organismes vivants modifiés qui sont des produits pharmaceutiques destinés à l'homme relevant d'autres accords ou organismes internationaux pertinents (article 5).

Comme nous pouvons le constater, les OVM représentent une avancée scientifique notable ; cependant, les manipulations génétiques ne sont pas anodines. Elles constitueraient des risques sérieux pour la santé humaine et animale.

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Section 2 : Les impacts des OGM sur la santé humaine

Les opposants aux OGM s'inquiètent particulièrement des risques environnementaux et pour la biodiversité, des possibilités d'augmentation des allergies à cause de la présence de nouvelles protéines, du développement de résistance aux antibiotiques chez les micro-organismes, des monopoles industriels et la dépendance des agriculteurs face à ces dernières et de la brevetabilité du vivant.

Les risques environnementaux étant abordés dans le chapitre 2 de notre première partie, nous allons consacrer cette section au risque probable de dommages graves et irréversibles sur la santé humaine (paragraphe 1) et les débats autour de la question des OGM dans un (paragraphe 2)

Paragraphe 1 : Un probable risque de dommages graves et irréversibles sur la

santé humaine

Les dommages graves et irréversibles ne se limitent pas essentiellement au biotope ou aux facteurs physico-chimiques, ils touchent aussi souvent la santé humaine. Nombre de personnes estiment que la biotechnologie moderne est trop récente pour savoir vraiment comment ces produits vont se comporter et évoluer, et quelles interactions ils auront avec les autres espèces.

La biotechnologie présente des risques considérables (A) et peut constituer d'éventuels périls pour la santé humaine (B)

59. . Ouvrage d'Albert SASSON précité, page 86 et 131

A- Des risques considérables.

On a pratiquement épuisé la chimie. Il va falloir passer à la manipulation génétique, or c'est un problème majeur, car quand on va commencer à toucher génétiquement à l'homme, on va tomber dans l'inconnu. C'est un risque environnemental majeur.

En effet, le risque peut être défini comme étant :

Risque =Mesure du danger * Fréquence d'exposition au danger

Le risque doit être distingué du danger. Le danger est ce qui « menace ou compromet la sûreté, l'existence d'une personne ou d'une chose ». Le risque est un « danger éventuel plus ou moins prévisible » selon le dictionnaire Robert. Un risque n'est pas un aléa, un aléa est un événement imprévisible qui n'est pas connoté par un jugement de valeur. L'éventualité qu'un gène soit transféré d'une plante transgénique à une voisine non transgénique est un aléa et non un risque tant que n'ont pas été énoncés les dangers, réels ou hypothétiques auxquels il est fait référence

En réalité, on peut distinguer deux dimensions à cette notion de risque :

 

La dimension technique : C'est le risque objectif, rationnel  (tel que l'on peut le concevoir scientifiquement), c'est à dire la mesure du  «  véritable danger encouru ». On tente de l' évaluer à l'aide d'expertises scientifiques.

 

La dimension politique : C'est le risque tel que l'individu se l'imagine c'est à dire en tant que représentation mentale du danger. Elle est construite à partir d'un mélange confus de  connaissances objectives, préjugés, craintes, doutes, ... qui conduit parfois à la psychose.

A l'heure de la mondialisation, l'émergence de nouvelles technologies, l'apparition de nouveaux modes de vie et de consommation ont grandement contribué à l'augmentation du nombre de risques encourus, mais surtout considérablement accru l'échelle de leurs répercussions. Grâce à l'acquisition de connaissances scientifiques de plus en plus vastes, ces risques ont pu être identités ou au moins soulevés.

Face à cette course folle au progrès, à la productivité (qui sous-tend d'importants enjeux économiques), les exigences du public en matière de sécurité se font de plus en plus pressantes. C'est pourquoi l'attitude du "We succeed now we pay later" est devenu totalement irresponsable et inconcevable.

L'évaluation des risques de consommation d'OGM chez l'Homme reste théorique dans la mesure où il n'existe aucun recul du fait du caractère récent de cette consommation.

Cependant, de nombreuses recherches tentent de recenser les risques potentiels dans la limite d'un laboratoire. Cette recherche limitée et sans aucun recul ne peut suffire à rassurer le consommateur touché récemment par la maladie de Kreutzfeld Jacob60qui serait en relation avec l'encéphalopathie bovine spongiforme (maladie de la vache folle).

La consommation d'OGM revêt un caractère dangereux pour 63% des personnes questionnées à ce sujet61.

60. La maladie de Creutzfeld-Jacob ou encéphalopathie spongiforme subaiguë, est une encéphalopathie à prion. Elle débute par des troubles psychiques évoluant rapidement vers la démence. La consommation de viande de bovins atteints pourrait provoquer la maladie chez l'homme.

61. Sondage AC Nielson, Courrier International no 381 du 19-20 février 1998

Dans ce contexte de peur où les scientifiques sont affublés du nom d'apprenti sorcier, il est primordial que les recherches s'accélèrent afin d'évaluer les risques. La communauté scientifique tente de minimiser les effets que pourraient avoir les OGM sur la santé humaine dans la mesure où chacun est conscient que le risque zéro n'existe pas. La liste de ces risques n'est donc pas exhaustive car la consommation d'aliments issus directement ou indirectement du génie génétique est susceptible d'entraîner, comme toutes modifications alimentaires, des risques nouveaux inconnus pour la santé humaine62.

B -D'éventuels périls pour la santé humaine

L'ingestion de produits contenant des OVM ou dérivés comporte de nombreux risques dont les risques toxicologiques te allergiques.

· Risques toxicologiques

Il est à remarquer que la plupart des OVM commercialisés sont des plantes pesticides :elles produisent un insecticide ou sont tolérantes à un herbicide. Ainsi deux tiers des OVM ont vu leur métabolisme modifié afin de ne plus mourir en absorbant le glyphosate dans le Roundup et le glufosinate dans le Blasta et le Liberty. Selon le département de santé publique de l'Université de Californie, le glyphosate serait la troisième cause de maladie liée aux pesticides parmi les agriculteurs américains.

Dans certains cas, les pesticides miment des hormones ou des neurotransmetteurs, l'accumulation dans l'organisme humain ou animal des résidus de ces pesticides pourrait provoquer à terme des maladies très graves chez les consommateurs.

Un des herbicides de Bt , peut in vitro, détériorer les globules rouges humains. Les mécanismes d'action de l'herbicide du maïs Bt est encore incertain chez les insectes : il troue les parois cellulaires, et son récepteur n'est pas encore complètement caractérisé et continue à faire l'objet d'études.

De plus, les métabolites, qui sont formés dans l'organisme à partir des herbicides associés aux OVM, tel le Roundup, peuvent en se liant à l'ADN des mammifères après ingestion, se concentrer dans la chaîne alimentaire, et avoir des effets secondaires sur la régulation des gènes introduits.

· Risques d'allergie

Beaucoup de transgènes insérés viennent de plantes, de micro-organisme, ou d'animaux, que l'homme n'a pas d'habitude d'ingérer : gène de scorpion dans du maïs, ou de pétunia, etc. .,ce qui est susceptible de provoquer des allergies aux consommateurs. En effet des études réalisées sur le soja transgénique enrichi en acides aminés contenant en gène de la noix du Brésil ont permis de démontrer l'existences des effets allergisants.

Par ailleurs, 44 patients se sont plaints aux USA au cours de l'année 2000, de réaction allergiques à un maïs génétiquement modifié ayant contaminé illégalement la nourriture63.

Des spécialistes préconisent la création d'un réseau d'allergo-vigilance compte tenu de la multiplicité des cas d'allergies alimentaires graves, et parfois mortelles constatée aujourd'hui.

62. Source :www.creaweb.fr/bv/ogm/risques2.htm

63. Source : Rapport provisoire sur le projet « Cadre National de Biosécurité » (No GF/2716-02-4387)

· Risque de résistance aux antibiotiques

Lorsque l'homme consomme des animaux ayant mangé des OVM résistants aux antibiotiques, cette résistance pourrait s'introduire dans ses intestins sous forme de bactéries, avec des conséquences pour la santé. En effet, dans certains cas où des gènes de résistance aux antibiotiques qui ont permis la sélection des transgènes ne sont ni éliminés ni inactivés, on peut craindre de voir apparaître dans l'organisme humain, des bactéries devenues résistantes aux antibiotiques. Dès 1997, le Comité de la prévention et de la précaution en France, avait préconisé de ne pas utiliser ce type de gène dans les OVM.

Les facteurs favorisant la présence des risques pour la santé ne sont donc pas tous connus, cela suffit à justifier les craintes des consommateurs.

· Risque de modification de l'expression des gènes

L'insertion du transgène peut provoquer une modification de l'expression habituelle des gènes. De telles mutations favoriseraient la production de certaines substances nocives pour l'organisme. Déjà on signale que des pommes de terre expérimentales transgéniques provoquent des effets inattendus : les rats ayant consommé ces pommes de terre ont vu leur croissance, leur immunité et même leur cerveau gravement perturbé. Les risques sont donc grands et doivent inciter à la prudence.

Ainsi, le moins que l'on puisse dire est qu'aujourd'hui lorsqu'il est affirmé que les OGM sont sans aucun danger pour la santé, cette affirmation n'est le fait que du refus des firmes agrochimiques et de l'incapacité des Etats d'imposer des recherches sérieuses sur le point de savoir si, effectivement, il est des effets négatifs ou non pour la santé. Si on ne cherche pas, on est évidemment certain de ne jamais trouver.

Paragraphe 2 : Les débats autour de la question des OGM.

Au sujet des OGM, il y a une divergence des points de vue entre pays pauvres et pays riches(A) ensuite nous allons aborder la jurisprudence de la CJCE en matière d'ESB (B)

A- La divergence des points de vue

Jamais avant la Conférence sur la biosécurité de Cartagena (Colombie, février 1999), on avait réalisé l'envergure des enjeux environnementaux et socio-économiques de la biotechnologie.

Juste avant les négociations de Cartagena, l'unité du tiers-monde a éclaté. Le Chili, l'Argentine et l'Uruguay ont formé le "groupe de Miami" avec les Etats-Unis, le Canada et l'Australie. Rappelons que l'Argentine et les deux géants nord-américains sont les principaux exportateurs de produits agricoles. Ils cultivent actuellement des plantes transgéniques, en particulier le soja, le maïs, le maïs et le colza sur de larges superficies64.

64. . Surface totale (OGM/non OGM) de ces 4 cultures = 271 millions ha. Sur ces 271 millions ha, 21% de surfaces sont OGM soit l'équivalent de 5% de la superficie des Etats-Unis ; soja OGM = 51% des surfaces de soja, coton OGM = 20% des surfaces de coton, colza OGM = 12% des surfaces de colza, maïs OGM = 9% des surfaces de maïs

Les récoltes de ces OGM ne sont pas stockées séparément, mais au contraire mélangées à celles des cultures traditionnelles. Ces exportateurs craignent que le protocole ne soit utilisé pour entraver le commerce des produits agricoles transgéniques vers certains pays. Ces craintes ne sont pas seulement théoriques, car entre temps, l'absence de décision européenne approuvant des variétés de maïs transgénique et de colza, d'origines américaine et canadienne, a entraîné d'importantes pertes de marché. A Cartagena, le groupe de Miami a affirmé que les produits transgéniques tels que les graines sont destinés à être consommés et transformés, et non à être libérés dans l'environnement, de sorte qu'ils n'affecteront pas la biodiversité. Selon eux, ils devraient être exclus de la procédure d'accord préalable. Mais ils ne disent rien de leurs conséquences sur la santé des consommateurs.

L'Union Européenne était mal à l'aise, entre la position du groupe de Miami et la prudence du Tiers-Monde. Elle tente de négocier un compromis, malgré des discordances entre ses membres. Selon King (1999), à propos des OGM servant de matières premières (les graines génétiquement modifiées commercialisées pour l'alimentation humaine et animale), l'UE est forcée d'insister sur leur inclusion dans le protocole puisque la directive 90/220 du 23 avril 199065 encadre l'importation de tous les OGM vivants. Selon la même source, les groupes environnementalistes se sont plaints de ce que l'UE n'était pas suffisamment ferme sur ce point durant les négociations, et de ce que le "texte du président" du Groupe de Travail, le Danois Veit Koester, qui a été finalement adopté par le groupe puis transmis à la Conférence des Parties, exclut cette catégorie d'OGM du protocole et donc de la procédure de l'accord préalable. Cependant, à la fin de la conférence, l'UE a indiqué que les matières premières devaient être incluses dans le traité. Mais d'aucuns précisent que la position européenne est flexible.

D'autres différends ont été débattus à Cartagena. Par exemple, les pays industrialisés ont affirmé que les produits transformés à partir des OGM ("produits dérivés"), qui ne sont pas eux-mêmes vivants, doivent être exclus du protocole. S'agissant du principe de précaution, il a été largement cité dans la réglementation internationale sur l'environnement, en particulier dans la déclaration de Rio.

Il énonce que les gouvernements devraient agir pour protéger l'environnement, même lorsqu'ils ne possèdent pas de preuves scientifiques de la nocivité de la menace. Le texte du président du Groupe de Travail spécial à composition non limité sur la prévention des risques biotechnologiques permettrait d'appliquer le principe de précaution aux procédures d'évaluation du risque utilisé pour l'accord préalable.

Par ailleurs, beaucoup de pays du Tiers-Monde, et surtout les pays africains, affirment que l'importation d'OGM devrait prendre en compte les conséquences socio-économiques de ces produits, et leurs effets directs sur la biodiversité.

Selon eux, puisque la diversité biologique est principalement conservée par les cultivateurs traditionnels et les peuples autochtones, tout impact négatif sur ces derniers serait par contrecoup néfaste pour la biodiversité.

Le groupe de Miami et l'Union européenne s'opposent à cette vision ; ils considèrent qu'elle introduit des arguments "subjectifs" qui pourraient être utilisés pour bloquer la commercialisation d'OGM inoffensifs. En revanche, l'UE se distingue du groupe de Miami sur la question de savoir si le protocole doit être subordonné aux règles de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC).

65. Directive 90/220/CEE relative à la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés dans l'environnement

L'UE affirme que le protocole est avant tout une législation environnementale découlant de la Convention sur la Diversité Biologique et qu'il doit donc avoir le même statut que les autres lois internationales. De même, les positions divergent quant à la question de la responsabilité et des réparations des préjudices découlant du transport international d'OGM, que les pays du Tiers-Monde considèrent comme cruciale. Finalement, les Etats-Unis et leurs alliés ont été largement accusés d'avoir torpillé les négociations de Cartagena.

B- L'ESB et le principe de précaution dans la jurisprudence de la CJCE

C'est dans une affaire d'agriculture et de police sanitaire (l'affaire de la vache folle) que la Cour de Justice des Communautés en a précisé la portée et fait application64.Dans deux arrêts du 5 Juillet 1998, la Cour devait apprécier la validité d'une décision de la Commission Européenne « relative à certaines mesures d'urgence en matière de protection contre l'encéphalopathie spongiforme bovine » (ESB) qui interdisait au Royaume-Uni d'expédier des bovins, des viandes bovines et divers produits vers les autres Etats membres ou des pays tiers. La question posée était de savoir si cette mesure était suffisamment justifiée car elle avait été prise dans un contexte de risque incertain de transmission de la maladie de la vache folle à l'homme.

En réponse à un moyen pris de la violation du principe de proportionnalité, la Cour décide : « A l'époque de l'adoption de la décision attaquée, il existait une grande incertitude quant aux risques présentés par les animaux vivants, la viande bovine ou les produits dérivés. Or, il doit être admis que lorsque les incertitudes subsistent quant à l'existence ou à la portée de risques pour la santé des personnes, les institutions peuvent prendre des mesures de protection sans avoir à attendre que la réalité et la gravité de ces risques soient pleinement démontrées.

Cette approche est corroborée par l'article 130 R, paragraphe 1, du traité CE, selon lequel la protection de la santé des personnes relève des objectifs de la politique de la Communauté dans le domaine de l'environnement. Le paragraphe 2 du même article prévoit que cette politique, visant un niveau de protection élevé, se fonde notamment sur les principes de précaution et d'action préventive et que les exigences en matière de protection l'environnement doivent être intégrées dans la définition et la mise en oeuvre des autres politiques de la Communauté »65.

La démarche de précaution est donc légitime dans le droit communautaire, à tout le moins lorsqu'il y va de la santé et de l'environnement68.

66. Droit et Environnement, Bulletin du Réseau « Droit de l'Environnement », Agence Universitaire de la Francophonie AUPELF-UREF , juin 2001 no 8 page 1

67. Arrêts publiés sur le site http://europa.eu.int/cj/fr/index.htm

68. Michel PAQUES , chronique : la CJCE et le principe de précaution, l'ESB et l'OGM, droit et environnement, bulletin du Réseau « Droit de l'Environnement » Agence Universitaire de la Francophonie AUPELF-UREF page 2.

Telle est également la lecture du droit communautaire que propose la Commission des Communautés : « La Commission considère [...] que le principe de précaution est un principe d'application générale qui doit être notamment pris en compte dans les domaines de la protection de l'environnement, son champ d'application est beaucoup plus large. Il couvre les circonstances particulières où les données scientifiques, peu concluantes ou incertaines, mais où, selon des indications découlant d'une évaluation scientifique objective et préliminaire, il y a des motifs raisonnables de s'inquiéter que les effets potentiellement dangereux sur l'environnement et la santé humaine, animale ou végétale soient incompatibles avec le niveau choisi de protection 67»

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69. Voir le site http://europa.eu.int/eurlex/fr/com/pdf/2000/com20000001fr01.pdf.sp.p.9

Chapitre 2 : L'application du principe de précaution dans le domaine de la biotechnologie moderne

Le principe de précaution propose, en situation d'incertitude de considérer le risque encore hypothétique comme avéré et de prendre des mesures de protection à son égard. Il efface ainsi le retard entraîné, dans la démarche classique par le délai d'établissement de la preuve. Indissociable des 3 autres principes de gestion (principe d'action préventive, de « pollueur-payeur70 » et de participation), le principe de précaution défini par la loi Barnier (1995) dit en substance que l'absence de certitudes nous impose la précaution mais tout en considérant son coût.

Ce deuxième chapitre sera donc consacré aux OVM et le principe de précaution (section 1) et à la réglementation des produits génétiquement modifiés par le protocole (section 2).

SECTION 1 : LES OVM ET LE PRINCIPE DE PRECAUTION

Nous verrons successivement dans cette première section la sécurité alimentaire (paragraphe 1) ensuite la prévention des risques biotechnologiques (paragraphe 2)

Paragraphe 1 : La sécurité alimentaire

Face à la multiplication des drames sanitaires, la sécurité alimentaire s'avère nécessaire (A) aussi, il importe de multiplier les mesures de protection (B)

A : La nécessité d'une sécurité alimentaire

« Que pouvons nous encore manger ? » Une préoccupation souvent entendue lors des crises de la vache folle en 1996 en 2000 et encore aujourd'hui avec l'apparition de cette maladie aux USA.

Avec la crise de la vache folle, sécurité alimentaire, principe de précaution et communication de risques sont devenus des maîtres mots. Deux crises majeures ont jalonné l'histoire de la vache folle : en 1996, lorsqu'on apprenait que la maladie pouvait se transmettre à l'homme et en 2000, lorsque l'Union européenne prenait conscience qu'elle était aussi amplement touchée par la vache folle. Le consommateur se découvrait des angoisses alimentaires et s'interrogeait sur l'intégrité des aliments. Avec la crise de la vache folle, l'image bucolique de la vache paissant stoïquement l'herbe fraîche en regardant passer les trains a pris du plomb dans l'aile.

Plus personne ne conteste aujourd'hui la nécessité d'une sécurité alimentaire intégrale, « de l'étable à la table », sur toute la filière alimentaire. La sécurité alimentaire commence par l'alimentation animale et se poursuit à la ferme. L'exemple de la vache folle, mais aussi les autres scandales alimentaires comme le poulet à la dioxine, nous le montre: si l'on veut obtenir des denrées alimentaires de qualité, la production primaire dans ses multiples aspects (alimentation des animaux, conditions de vie, hygiène de l'étable, utilisation de médicaments, etc.) doit être optimale.

70. Dans son orientation générale, il s'agit d'un principe simple selon lequel l'opérateur d'une activité dangereuse qui cause un dommage à l'environnement doit réparer les conséquences de celui-ci.

Garantir la sécurité alimentaire n'est pas toujours chose aisée. La vache folle en est l'exemple par excellence. On ne connaissait presque rien des maladies à prions lorsque le premier cas de vache folle est apparu en Grande-Bretagne en 1986. Depuis, des progrès énormes ont été faits dans la compréhension de la maladie. Toutefois, malgré ces progrès, la vache folle reste toujours entourée d'énigmes dont une de taille : quel est le risque exact encouru par l'homme ? Certains l'estiment minime, d'autres sont plus alarmistes.

Bien que le protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques soit le seul instrument international consacré exclusivement aux OGM, il n'existe pas dans le « vide ». La convention sur la diversité biologique, à laquelle est rattachée le protocole, demande elle-même aux gouvernements de mettre en place des moyens pour réglementer, gérer ou maîtriser les risques associés à l'utilisation et à la libération d'OGM. Il existe en outre plusieurs instruments internationaux et processus d'établissement des normes traitant de divers aspects de la prévention des risques biotechnologiques.

Il s'agit notamment des instruments suivants :

La commission du Codex Alimentarius, qui traite des problèmes de sécurité alimentaire et de santé du consommateur. Cette commission a établi une équipe de travail intergouvernementale spéciale sur les aliments dérivés des biotechnologies, chargée d'élaborer des normes et des lignes directrices pour les produits alimentaires issus du génie génétique. La commission s'intéresse aussi à l'étiquetage de ces aliments pour permettre au consommateur de faire un choix éclairé.

La convention internationale pour la protection des végétaux, qui a pour mandat de protéger la santé des plantes en évaluant et en gérant les risques phytosanitaires. Cette convention est en train d'établir des normes relatives aux risques phytosanitaires associés aux OGM et aux espèces envahissantes. Tout OGM susceptible d'être considéré comme ravageur est couvert par cet instrument.

L'office international des épizooties (OIE), qui élabore des normes et des lignes directrices pour prévenir l'introduction d'agents infectieux et de maladies dans le pays importateur lors de mouvements commerciaux transfrontières d'animaux, de matériel génétique animal et de produits animaux..

En réaction contre la sécurité alimentaire, Philipe KOURILSKY dans son ouvrage « Du bon usage du principe de précaution » précité p142-144, écrit : « la question de la sécurité alimentaire relève plus de fantasmagorie que de la réalité. Des centaines de millions de personnes ont aux USA, en Chine et ailleurs consommé pendant des années et consomment toujours, des OGM sans qu'aucune incidence sanitaire ait été relevée. En outre, il n'existe aucune base logique ou scientifique qui légitime l'interrogation »71.

La nécessité d'une sécurité alimentaire aboutit à une multiplication des mesures de précaution qui fera l'objet ne notre (B).

71. Philipe KOURILSKY, du bon usage du principe de précaution  précité p142-144

B- La multiplication des mesures de protection face aux risques sanitaires

En effet, comment gérer un risque que l'on ne connaît pas et est-ce nécessaire de prendre des mesures sans évidence scientifique ?

« Dans le doute, abstiens-toi ! » Toutes les mesures prises pour lutter contre la vache folle vont à l'encontre de cet adage. Ici, on agit, on adopte des mesures de prévention même si les connaissances scientifiques ne sont pas complètes. On applique ce qu'on appelle le principe de précaution devant des risques que l'on ne peut pas quantifier avec exactitude, mais que l'on ne veut pas courir.

Le principe de précaution n'est pas toujours simple à appliquer. Prendre des mesures malgré l'absence de preuve ou malgré le manque de connaissances, c'est accepter de ne pas avoir la solution ; c'est accepter d'agir, malgré une situation truffée de points d'interrogation. Reste une question : appliquons-nous trop le principe de précaution ou pas assez ?

Les autorités suisses ont pris la vache folle très au sérieux. Dès le premier cas en 1990, les premières mesures pour la protection des consommateurs ont été prises et cela bien avant que l'on sache que la vache folle pouvait se transmettre à l'homme. L'objectif de ces mesures est de ne laisser aucune chance aux prions pathogènes d'entrer dans les denrées alimentaires et les biens de consommation.

De même le maïs transgénique offert par les Nations Unies pour prévenir les risques de famine en Zambie a été refusé par le Président Zambien Levy Mwanawasa. Bien que près de 30 % des 10,2 millions d'habitants de la Zambie soient menacés par la famine, le Gouvernement du Président Levy Mwanawasa a cédé à la peur des modifications génétiques et a refusé d'autoriser l'importation de céréales GM. Le Président lui-même a réitéré son refus d'administrer à ses compatriotes un "poison" pouvant avoir des effets à long terme, tant qu'il ne disposerait pas de données suffisantes et crédibles pour le convaincre du contraire.

 « En raison de notre faible capacité scientifique et technologique, a expliqué le président Levy Mwanawasa, nous ne sommes pas en mesure d'évaluer le risque présenté par les OGM. » Donc la prudence s'impose et le pays ne veut pas entendre parler d'OGM pour sa population, tout affamée qu'elle soit. Les autorités zambiennes ont exprimé leur intention de s'en tenir au "principe de prudence", qui stipule qu'en cas d'incertitude scientifique, un pays doit s'abstenir d'adopter des mesures qui risquent de compromettre la santé humaine ou animale ou de nuire à l'environnement. "Je ne permettrai jamais que les Zambiens servent de cobayes, quelle que soit l'ampleur de la crise alimentaire", déclara le Président Zambien. Le Ministre de l'agriculture et des coopératives, Mundia Sikatana, a opiné : "Nous aurons de bons produits alimentaires pour nos concitoyens, qu'il nous sera possible de garantir. On ne devrait pas être forcés d'accepter quoi que ce soit72 ''

Après des mois de bagarre, le Programme alimentaire mondial (FAO) a accepté de retirer les 15.000 tonnes de maïs génétiquement modifié destinés à Lusaka, et de les remplacer par des céréales plus classiques. Dans le même temps, l'Union Européenne débloquait 28 millions d'euros pour aider le pays à acheter le maïs traditionnel.

Même si en Afrique, le concept de sécurité alimentaire concerne plus souvent la régularité des approvisionnements que leur innocuité, le cas Zambien prouve que les Africains peuvent aussi se soucier de la qualité du contenu de leur assiette73.

72. source Afrique Relance, disponible sur le site : http://www.un.org/french/ecosocdev/geninfo/afrec

73 . .Source :Jeune Afrique l'intelligent page 65-67

Suite aux dangers que constituent les OGM en l'absence d'un code d'hygiène alimentaire, la réglementation togolaise dans cette matière obéit à la loi française du 1er Août 1905 sur les falsifications en matière de produits. Elle est relative à la falsification, au préconditionnement des aliments et à la distribution74.

Paragraphe 2 : La prévention des risques biotechnologiques

Le concept de la prévention des risques biotechnologiques recouvre un vaste évantail de mesures, de politiques et de procédure destinées à réduire au minimum ou à éliminer les risques potentiels que la biotechnologie pourrait comporter pour l'environnement et la santé humaine. Il est essentiel que des mesures de protection crédibles et efficaces soient prises concernant les OGM, afin de tirer le maximum du potentiel de la biotechnologie tout en réduisant les risques possibles.

Dans ce volet, nous étudierons la nécessité d'une biosécurité (A) ensuite la nécessité d'une sécurité alimentaire durable (B)

A. La nécessité d'une biosécurité

Les biotechnologies cherchent, par des méthodes faisant appel au génie génétique et à diverses techniques biologiques, à augmenter les rendements (production et productivité) et à améliorer l'efficacité des produits utilisés dans le domaine de l'agriculture, l'agro-alimentaire, l'élevage, la santé animale, la médecine humaine, la dépollution, etc. La biotechnologie crée et modifie génétiquement les organismes vivant pour des raisons essentiellement économiques. Toute modification génétique d'une espèce fait d'elle une espèce étrangère même dans son écosystème d'origine.

En effet, la biosécurité apparaît comme l'une des questions les plus urgentes qui se pose à la communauté internationale et concerne la prévention des risques biotechnologiques. Elle vise également le contrôle des nouvelles introductions d'espèces ou de gènes dans des milieux qui leurs sont étrangers. Il s'agit essentiellement de la ``gestion des risques de type biologique et environnemental associés à l'alimentation et à l'agriculture, y compris les forêts et les pêches'', un secteur qui couvre la sécurité sanitaire des aliments ainsi que la vie et la santé des végétaux et des animaux qui ont introduit comme l'érosion de la biodiversité, la propagation des maladies transfrontières, du bétail, les armes de guerre à action toxique et la maladie de la vache folle.

Le nombre considérable d'accords internationaux, de lois non directives et d'organes intergouvernementaux qui ont été établis pour traiter de la biosécurité témoignent de l'ampleur de la complexité du sujet.

Le besoin de biosécurité alimentaire et agricole s'est accru avec la mondialisation de l'économie, le développement rapide des communications, des transports et du commerce, les progrès technologiques et la sensibilisation accrue aux questions touchant à la biodiversité et à l'environnement. Au plan international c'est l'Accord sur l'application des mesures sanitaires et phytosanitaires (ou accord SPS) de l'OMC qui fournit la couverture la plus complète à cet égard.

74. La protection de l'hygiène alimentaire au Togo, mémoire de DEA, AKOMA-POATHY Noël, UB, 2000, page 14

La nécessité d'une biosécurité implique, selon Michel PRIEUR, une «application rationnelle d'une combinaison de mesures biologiques, biotechniques, chimiques, physiques, culturales ou intéressant la sélection des végétaux dans laquelle l'emploi de produits chimiques phyto pharmaceutiques est limité au strict nécessaire pour maintenir la présence des organismes nuisibles en dessous du seuil à partir duquel apparaissent les dommages ou une perte économique inacceptable »75.

Au Togo, en effet, le cadre juridique national se caractérise par une absence de législation nationale spécifique à la prévention des risques biotechnologiques. Seule une large interprétation de l'article 80 de la loi no 88-14 du 03 novembre 1988 portant code de l'environnement permettrait au Togo de soumettre l'introduction d'OVM à une autorisation « sans préjudice de la législation phytosanitaire, l'introduction au Togo de toute espèce animale ou végétale nouvelle est soumise à l'autorisation du ministre chargé de l'environnement. Cette autorisation sera refusée, dès lors qu'il y a lieu de craindre que la prolifération de l'espèce considérée nuise aux populations des espèces indigènes et aux équilibres naturels ».

Néanmoins l'adhésion aux ententes internationales relatives à la gestion des risques biotechnologiques et l'existence de législations connexes ou voisines méritent d'être évoquées. Le Togo a adhéré à plusieurs ententes relatives à la sécurité en biotechnologie. En juin 1992, à Rio de Janeiro, a été adopté l'Agenda 21.

Le cinquième programme de son chapitre 16 traite de l'établissement de mécanismes pour le développement des biotechnologies et leur application dans le respect de l'environnement76, (la reconnaissance par la communauté internationale des risques potentiels de l'utilisation de la biotechnologie moderne, a entraîné l'adoption d'une approche prudentielle. Ainsi les membres de la communauté internationale se sont convenus de la nécessité d'assurer la sécurité dans la mise au point, l'application, les échanges et le transfert des biotechnologies au moyen d'un accord international sur les principes à appliquer en matière d'évaluation et de gestion des risques)

Pour une biosécurité nous envisageons que les mesures et les actions suivantes soient menées par le ministère de l'environnement notamment :

Mesures préconisées

La mise en place d'un système de quarantaine au niveau du Ministère de l'environnement
Un contrôle des produits alimentaires produit localement ou entrant dans le territoire national sera pratiqué par la Délégation du Ministère de l'Environnement (Cuisses de poulets, croupions d'Inde,etc....),
Un contrôle de qualité des aliments et de l'eau de consommation doit être effectué par le Centre national d'hygiène.

 

75. L'agriculture biologique une agriculture durable ? Sous la direction de Michel PRIEUR, droit comparé de l'environnement, 1996, page120

76. L'agenda 21 consacre son chapitre 16 à la « gestion écologiquement rationnelle des biotechnologies ».

Actions envisagées

Adoption d'un Cadre national sur la biosécurité comprenant la création d'une Commission nationale sur la biosécurité ayant pour tâches de:

- Coordonner les activités des promoteurs privés et des centres de recherche par la tenue d'ateliers et de réunions de sensibilisation et de formation qui regrouperont les différents partenaires.
- Mener des études pour mettre en relief les lacunes et les priorités en matière de biotechnologies et de biosécurité
- Renforcer les capacités nationales en cette matière.

- Coordonner les activités dans le domaine de la sécurité dans les biotechnologies et le contrôle des produits biotechnologiques locaux et importés

- Développer et encourager la coopération sous régionale dans le domaine

- Promouvoir un mécanisme de participation efficace du public au processus de décision relatif à la gestion des risques biotechnologiques.

B- La nécessité d'une sécurité alimentaire durable

Régulièrement mis en accusation, le semencier américain Monsanto a publié une charte dans laquelle il promet de « faire bénéficier les agriculteurs sans ressources du Tiers Monde de la connaissance et des avantages de toutes les formes d'agriculture, afin de contribuer à la sécurité alimentaire et à la protection de l'environnement ».

Comme il n'est pas évident pour le consommateur Ewé ou Kabyè de connaître la composition de ce qu'il mange et de savoir si cela est conforme aux prescriptions alimentaires de sa religion, Monsanto déclare « respecter les préoccupations d'ordre religieux, culturel et éthique dans le monde en n'utilisant pas de gènes issus de l'homme ou de l'animal dans ses produits agricoles destinés à l'alimentation humaine et animale »77.

Les documents accompagnant les organismes vivants modifiés destinés à être introduits intentionnellement dans l'environnement de la partie importatrice, semences par exemple, doivent indiquer qu'il s'agit d'organismes vivants modifiés, spécifier leur identité et leurs traits et caractéristiques pertinents ainsi que les règles de sécurité à observer pour la manipulation, l'entreposage, le transport et l'utilisation de ces organismes, et indiquer les coordonnées de la personne à contacter pour tout complément d'information, ainsi que, le cas échéant, le nom et l'adresse de l'importateur et de l'exportateur.

Les documents accompagnant les organismes vivants modifiés destinés à être utilisés directement pour l'alimentation humaine et animale, ou destinés à être transformés, doivent indiquer clairement qu'ils « peuvent contenir » des organismes vivants modifiés et qu'ils ne sont pas destinés à être introduits intentionnellement dans l'environnement et elle doit donner les coordonnées des personnes ou des organismes à contacter pour tout complément d'information. Le protocole exige des parties qu'elles prennent une décision exposant en détail les modalités de cette obligation, en particulier la façon dont il faudra spécifier l'identité de ces organismes ainsi que toute identification particulière, et ce au plus tard dans les deux ans qui suivent l'entrée en vigueur du protocole.

77. . Jeune Afrique l'Intelligent précité, page 68

Les documents accompagnant les organismes vivants modifiés destinés à être utilisés en milieu confiné, par exemple à des fins de recherche scientifique ou commerciale dans des locaux en milieu clos, doivent indiquer clairement qu'il s'agit d'organismes vivants modifiés, en spécifiant les règles de sécurité à observer pour la manipulation, l'entreposage, le transport et l'utilisation de ces organismes, et préciser les coordonnées des personnes ou organismes à contacter pour tout complément d'information, y compris le nom et l'adresse de la personne et de l'institution auxquelles les organismes vivants modifiés sont expédiés.

Face à la demande croissante des consommateurs en matière d'amélioration de la sécurité sanitaire des aliments dans le monde, l'Organisation Internationale des Epizooties (OIE) a reconnu la nécessité d'étendre ses activités normatives et scientifiques à la « sécurité sanitaire des aliments d'origine animale en phase de production ». Dans le cadre de ce nouveau domaine d'action, l'OIE collaborera avec d'autres organisations compétentes à la réduction des risques de santé publique liés aux aliments du fait de dangers provenant des animaux, étant entendu comme danger tout agent biologique, chimique ou physique y compris les OGM , présent dans un aliment pouvant avoir un effet nocif sur la santé.

Le programme de travail de l'OIE pour la période 2001-2005 recommande que « l'OIE joue un rôle plus actif dans le domaine de la santé publique et de la protection du consommateur » et précise que cette participation doit concerner « les zoonoses et les maladies transmissibles à l'homme par l'intermédiaire des aliments, que les animaux soient ou non touchés par ces maladies ». Le rôle de l'OIE s'était traditionnellement limité à la prévention de la transmission des maladies animales aux autres animaux et à l'homme. Le Directeur général de l'OIE a constitué un Groupe ad hoc sur la sécurité sanitaire des aliments dont les recommandations ont été soumises pour approbation au Comité international de l'OIE et adoptées par celui-ci en 2002. Un groupe de travail permanent sur la sécurité des aliments a été constitué en vue d'assurer la coordination des activités de l'OIE liées à la salubrité des aliments. Ce groupe de travail, dont font partie plusieurs experts de la Commission du Codex Alimentarius et des Comités du Codex, bénéficie d'une large représentation géographique. Il accordera une attention particulière aux besoins des pays en développement.

Lors de ces différents travaux, l'OIE rendra à la fois service au pays importateur en prévenant la diffusion de maladies et au pays exportateur en prévenant la diffusion de maladies et au pays exportateur en contribuant à la sécurité sanitaire de l'ensemble de la chaîne, « du producteur au consommateur ». L'élaboration des normes de santé publique et de santé animale préalablement à l'abattage des animaux contribuera par exemple à restaurer la confiance des consommateurs dans les denrées alimentaires.

Enfin, l'implication de l'OIE renforcera la protection du consommateur en termes de sécurité sanitaire et se traduira par une amélioration globale de la santé animale et de la santé publique78.

En définitive, pour une sécurité alimentaire durable, nous devons oeuvrer pour une « application rationnelle d'une combinaison de mesures biologique, biotechnique, chimique, physique, culturale ou intéressant la sélection des végétaux dans laquelle l'emploi de produits chimiques phyto pharmaceutique est limité au strict nécessaire pour maintenir la présence des organismes nuisibles en dessous du seuil à partir duquel apparaissent les dommages ou une perte économique inacceptable.»79

78. source : www.oie.int/fr/secu_sanitaire/fr_introduction.htm

79. l'agriculture biologique une agriculture durable ? Sous la direction de Michel PRIEUR, droit comparé de l'environnement 1996, page 362

SECTION 2 : LA REGLEMENTATION DES PRODUITS GM PAR LE PROTOCOLE

Nous allons traiter dans cette section des techniques de contrôle (Paragraphe 1) ensuite la prise en compte des produits GM par le protocole (Paragraphe 2)

Paragraphe 1 : Les techniques de contrôle

Nous mettrons l'accent particulièrement sur la traçabilité (A) et le centre de prévention des risques biotechnologiques (B)

A- La traçabilité

L'article 18 du protocole traite des procédures visant à garantir la transparence et la traçabilité des OVM.

En effet la traçabilité est une organisation qui permet de relier tous les stades de la filière agro-alimentaire, de l'agriculteur au produit fini présenté aux consommateurs.

Elle doit retracer, dans la transparence l'origine du produit, son historique, ses composants.

La traçabilité doit en plus permettre de donner une réponse immédiate à toute question provenant du consommateur concernant un risque alimentaire réel ou fictif relatif au produit commercialisé.

En effet, la traçabilité obéit à certaines modalités :

La première étape, où l'on doit tracer les gènes introduits, correspondra à la sortie du laboratoire du semencier jusqu'à la commercialisation des semences génétiques modifiées. En effet, il serait nécessaire d'identifier le ou les gènes introduits par attribution d'un numéro d'immatriculation. Cette codification doit suivre les grains tout au long de la chaîne : aussi bien au niveau des laboratoires de sélection, de la production au sein des usines et sur les sacs de semences.

Il sera aussi nécessaire d'évaluer la faisabilité de ce système pour les producteurs qui assurent leur mise en culture sans s'approvisionner sur le marché des matières premières.

La seconde étape concernera les producteurs de matières premières qui seront à la codification (vue dans la première étape) de garantir la nature de leur culture.

Mais même en misant sur la discipline des producteurs, qui ont déjà l'habitude de séparer leurs récoltes dans différents silos, la séparation des filières « avec» et sans« OGM» supposerait la mise en place de deux équipements entiers de collecte ; un pour les plantes conventionnelles un pour les plantes modifiées, sans quoi les risques de contamination croisée seraient possibles.

Une deuxième difficulté serait de savoir comment le producteur de culture «sans OGM» pourra-t-il assurer la non contamination de ses cultures si un champ voisin contient des OGM ?

Une solution serait une organisation efficace des cultures en éloignant le plus possible les champs contenant les même espèces végétales, évitant ainsi par la distance les pollinisations interespèces(distance de sécurité entre parcelles).

Un autre problème concernerait les végétaux pour lesquels nous sommes en grande partie liés à d'autres pays par importation. C'est l'exemple concret du importé des USA. La question qui se pose est : « Comment dans ce cas là peut-on avoir un pouvoir de pression assez grand pour obliger dans d'autres pays la séparation des filières ? » . Il est vrai que vis à vis des coûts induits, les pratiques de stockage et de transport outre atlantique par bateau empêchent toute séparation.

La dernière étape est la production industrielle qui implique la matière première dans un processus visant à aboutir à un produit fini commercialisable. C'est la fin de la chaîne agro-alimentaire et tout ce qui concerne donc la séparation des filières et industrie est forcement lié à la traçabilité des matières premières. On pourrait retrouver ici un système de suivi par code barre.

Autrement dit, la création d'une filière d'agriculture labellisée «sans OGM», sur le modèle de la filière« agriculture biologique» se développera certainement. Mais elle ne sera pas facile à mettre en place d'autant plus que cette traçabilité rencontrera une complexité croissante au fur et à mesure que l'on avance dans la chaîne agro-alimentaire. Il ne suffit alors pas d'intéresser les agriculteurs mais aussi les courtiers, les transporteurs et les transformateurs qui devront tous assurer l'origine, l'historique, la nature du produit et ainsi garantir sa non contamination.

C'est finalement l'installation d'une gigantesque filière «parallèle» qui serait nécessaire et impliquerait donc un contrôle et un suivi des matières premières de leur semence à leur transformation finale. Pour cela il faudrait :

· Des semences certifiées «sans OGM» ,

· Des champs séparés pour assurer la non pollinisation,

· Des moyens de récoltes, de transport et de stockage spécifiques

· Des industries ayant des lignes protégées et dédiées,

Tout cela avec une communication rigoureuse et un esprit de confiant.

Une solution serait peut être une production assez localisée c'est à dire que les récoltes de matières premières et transformations devraient rester en territoire proche pour être bien suivi.

Cette séparation des filières apporteraient bien sûr une forte augmentation des produits «sans OGM» en comparaison un peu avec «les produits bio »

B- La mise en place d'un centre d'échanges pour la prévention des risques biotechnologiques

Il s'agit de l'une des pierres angulaires du régime international de prévention des risques biotechnologiques. Ce centre est destiné à faciliter l'échange d'informations et la transparence indispensables à un système mondial dynamique et efficace de prévention des risques biotechnologiques. Le centre d'échange pour la prévention des risques biotechnologiques, qui permet aux gouvernements de s'informer mutuellement de leur décision finale concernant l'importation ou la libération d'OGM, détient des informations sur les lois, les réglementations et les lignes directrices nationales visant l'application du protocole.

Le centre d'échange pour la prévention des risques biotechnologiques détient en outre des informations soumises en vertu de la procédure d'APC, des résumés des évaluations des risques, ainsi que les études et des traités bilatéraux et multilatéraux sur l'environnement, des rapports sur les mesures d'application du protocole, et d'autres données scientifiques, juridiques, environnementales et techniques. Un format commun est utilisé pour assurer la comparabilité des informations provenant des différents pays.

En effet, la communication du risque est l'échange interactif d'informations et d'idées entre les évaluateurs, les gestionnaires du risque, les consommateurs, l'industrie, la communauté universitaire et d'autres parties intéressées par l'entremise du processus d'analyse du risque. L'échange d'informations concerne les facteurs liés au risque, ainsi que les façons dont celui-ci est perçu, et inclut la présentation des conclusions de l'évaluation du risque et l'explication des raisons sur lesquelles sont fondées les décisions en matière de gestion du risque. La communication établie avec le public au sujet du risque doit absolument venir de sources crédibles et inspirant confiance.

Le centre d'échange pour la prévention des risques biotechnologiques est largement accessible sur l'Internet, à http://bch.biodiv.org

Le protocole prévoit la création sur l'Internet d'un centre d'échange pour la prévention des risques biotechnologiques en vue d'aider les pays à se communiquer des informations scientifiques, techniques, environnementales et juridiques au sujet des organismes vivants modifiés.

Chaque pays communique au Centre d'échange les lois nationales en vigueur, un résumé des évaluations des risques, ses décisions finales concernant l'importation ou la libération d'OVM (article 20). Conformément à l'accord, toute partie qui prend une décision définitive concernant l'utilisation d'un organisme vivant modifié sur son territoire doit, dans les 15 jours qui suivent, en informer le Centre d'échange pour la prévention des risques biotechnologiques. Il est envisagé la création des centres régionaux.

Des informations sont déjà accessibles en la matière sur les lois en vigueur sur le site http://bch.biodiv.org/Pilot/Home.asp ?lg=french

Il exige que les organismes vivants modifiés, maïs ou soja, par exemple, qui sont destinés à être utilisés directement pour l'alimentation humaine et animale, ou destinés à être transformés, doivent être accompagnés de documents d'expédition indiquant clairement que ces produits « peuvent contenir » des organismes génétiquement modifiés et qu'ils « ne sont pas destinés à être introduits intentionnellement dans l'environnement ». À cet égard, le protocole précise le cadre dans lequel il convient d'examiner comment il y aura lieu de spécifier l'identification des organismes vivants modifiés, documents à l'appui.

En outre, il indique les informations à inclure dans les documents d'expédition accompagnant les organismes vivants modifiés destinés à être utilisés en milieu confiné, notamment pour ce qui touche aux règles à observer en matière de manipulation et aux coordonnées des personnes ou organismes à contacter pour tout renseignement complémentaire, coordonnées du destinataire y compris.

Allant dans le même sens que le protocole de Cartagena, il a été proposé dans un rapport de la FAO pour son comité de l'agriculture de créer un ``système d'échange d'informations sur la biosécurité'' qui s'appuierait sur les informations officielles provenant des pays, des programmes de la FAO sur la biosécurité, ainsi que d'autres organisations et accords internationaux pertinents80.

Paragraphe 2 : La prise en compte des risques liés aux produits GM

Afin d'assurer sa propre efficacité à long terme, le protocole comporte également un certain nombre de dispositions « habilitantes », y compris le renforcement des capacités et un mécanisme financier (A), la sensibilisation et la participation du public(B)

80. source www.fao.org/fr/magazine/0103sp1.htm

A- Renforcement des capacités et finance.

Les importateurs d'OGM doivent avoir la capacité de mettre en oeuvre le protocole. Il leur faut des compétences, du matériel, des cadres réglementaires et des procédures pour pouvoir évaluer les risques, prendre des décisions éclairées, et gérer ou éviter tout effet défavorable potentiel des OGM sur les organismes naturels apparentés. Les gouvernements qui ne possèdent pas encore de cadre réglementaire nationale de prévention des risques technologiques doivent en instaurer un le plus rapidement possible.

Le protocole encourage vivement la coopération internationale à la création, dans les pays en développement et les pays en économie en transition, des capacités humaines et institutionnelles nécessaires à la prévention des risques biotechnologiques. Cette coopération recouvre notamment la formation scientifique et technique, le transfert de technologie et de savoir-faire, et la mise à disposition de ressources financières.

Les analyses de détection des OVM font appel à des méthodes de haute technologie, ceci nécessite la formation de techniciens compétents capables d'assurer le contrôle de tous les produits alimentaires.

Selon les dispositions du protocole de Cartagena, les activités de prévention des risques biotechnologiques sont susceptibles d'être subventionnées par le Fonds pour l'environnement mondial (un Fonds international établi pour aider les pays en développement à protéger l'environnement mondial). Les gouvernement sont également supposés encourager la participation du secteur privé à la création du capacités.

Afin d'aider les pays en développement et les pays en transition économique, le rapport de la FAO précité propose la réunion d'une consultation sur la biosécurité alimentaire et agricole en vue de susciter une prise de conscience mondiale des nouvelles notions et perspectives dans le domaine de la biosécurité, ainsi que l'élaboration de guides et directives pour l'application des principes de l'analyse des risques à la sécurité sanitaire des aliments, l'organisations des réunions régionales et de sensibilisation et la fourniture de conseils en matière de politique législative et réglementaire. Le rapport recommande une approche globale vis à vis de la biosécurité, et demande que soit apportée une assistance technique aux pays en développement afin de leur permettre de créer, de rationaliser et d'optimiser les capacités de leur pays dans ce domaine.

B- Sensibilisation et participation du public

L'une des conditions de mise en oeuvre du principe de précaution est la lisibilité. Pour remplir cette condition, tous les acteurs devront être informés. L'information du public est la substance même de cette approche. L'autorité compétente devra être tenue de porter à la connaissance du public les informations sur l'introduction, la manipulation et l'utilisation des OGM sur le territoire national. L'utilisation des OGM aura probablement des incidences sur l'économie nationale, sur la santé et l'environnement. Le bon sens voudrait donc que tout le monde contribue à la prise de décision en connaissance de cause. Celle-ci doit porter à la fois sur les cultures, l'utilisation dans l'alimentation, les effets et les risques pour la santé, l'agriculture, l'environnement etc.....81

81. Cf. Rapport provisoire, projet cadre national de biosécurité (No GF/2716-02-4387) page 43

La participation du public dans la gestion des OGM implique pour l'autorité nationale compétente, l'obligation d'informer le public sur toutes les données qui lui sont communiquées dans le cadre de la notification.

Il est évident que la décision finale concernant l'utilisation des OGM doit incomber aux citoyens de chaque pays. Le protocole appelle donc les Parties à coopérer pour encourager la sensibilisation du public au transfert, à la manipulation et à l'utilisation sans danger des OGM. Il souligne l'importance de l'éducation qui devra de plus en plus s'intéresser aux OGM à mesure que la biotechnologie pénétrera dans notre quotidien.

De plus, le protocole invite les Parties à consulter activement le public sur les OGM et la prévention des risques biotechnologiques. Les citoyens, les communautés et les organisations non gouvernementales devraient continuer à s'intéresser de très près à cette question complexe. Cela permettra à chacun de réagir aux décisions finales prises par les gouvernements, favorisant ainsi la transparence et la prise de décision en toute connaissance de cause.

C'est le domaine de l'article 23 du protocole qui vise à encourager l'éducation et la participation du public, la consultation du public concernant des décisions relatives aux OVM.

En effet, selon les dispositions de cet article, les Parties « encouragent et facilitent la sensibilisation, l'éducation et la participation du public concernant le transfert, la manipulation et l'utilisation sans danger d'OVM en vue de la conservation et de l'utilisation durable de la diversité biologique... »

Nombre de citoyens manifestent le souhait d'être davantage et mieux associés aux décisions publiques. Ce voeu s'exprime de façon particulièrement vigoureuse à propos des situations qui sont perçues comme présentant des risques. Tout cela est compréhensible : on consent difficilement à encourir des risques dont on n'a pas été au préalable averti, que l'on n'a pas acceptés ou qui n'ont pas été débattus de façon démocratique. La demande d'information tend ainsi à se transformer en droit à l'information.

C'est dans cette perspective que le ministère de l'environnement et des ressources forestières a organisé le mercredi 10 décembre 2003 à l'université de Lomé, une table ronde à l'intention de la communauté universitaire en vue de la sensibiliser sur le projet dénommé « mise en place du cadre national de biosécurité ».

Aussi, la caravanne des peuples conduit, en novembre 2000, des dizaines de paysans en Inde, au Bangladesh, aux Philippines pour sensibiliser les populations rurales aux risques des OGM82.

82. Cf. Philipe KOURILSKY, opcit page 17 et 43

Nous encourageons la participation de la collectivité au débat entourant le génie génétique et son incidence sur l'environnement, la santé et la société. En effet, le débat dépasse largement les OGM, ce sont toutes les nouvelles biotechnologies qui sont remises en question. Néanmoins, nous demandons l'étiquetage obligatoire des aliments génétiquement modifiés. Nous réclamons également un accroissement des fonds publiques destinés aux études d'impact sur les OGM et la création d'une taxe ou d'un impôt pour les entreprises oeuvrant dans le génie génétique afin de financer ces études. Nous demandons le financement publique de débats sur l'orientation sociale, éthique et économique de la science et de son contenu.

CONCLUSION GENERALE

Le protocole de Cartagena ne peut véritablement garantir l'utilisation sans danger de la biotechnologie à travers le monde que si chaque pays encourage activement la prévention des risques biotechnologiques au niveau national.

Les décideurs et les législateurs nationaux ont un rôle essentiel à jouer à cet égard, en renforçant ou en établissant des lois et des normes pour réduire les risques potentiels que présentent les OGM. En vertu du protocole, c'est aux gouvernements qu'il incombe, en dernier ressort, de prévenir les mouvements transfrontières illicites et la libération accidentelle d'OGM, de gérer les risques et les urgences, et de réglementer les industries biotechnologiques nationales.

Mais les gouvernements ne peuvent, à eux seuls, assurer la prévention des risques biotechnologiques : ils doivent pouvoir compter sur la participation et la coopération active des autres acteurs, notamment de l'industrie biotechnologique. Les entreprises biotechnologiques possèdent les connaissances, les ressources et les incitations nécessaires pour garantir l'innocuité de leur industrie et de ses produits. Quant à la société civile, aux citoyens et aux organisations non gouvernementales, ils doivent comprendre les problèmes et pouvoir exprimer clairement leur point de vue aux décideurs et à l'industrie. Les médias ont eux aussi, un rôle clé à jouer, celui de « chien de garde ».

La biotechnologie est une science révolutionnaire, et est devenue une industrie si puissante qu'elle peut transformer le monde qui nous entoure. Elle est déjà en train de changer l'agriculture et une grande partie de nos aliments. Toute erreur risque d'entraîner des changements catastrophiques, voire permanents dans le milieu naturel. Pour toutes ces raisons, les générations futures, en pensant à notre époque, vont soit nous remercier, soit nous maudire pour ce que nous auront fait - ou pas fait- afin de prévenir les risques biotechnologiques.

Agir correctement n'est pas simple. Nos efforts actuels sont compliqués par le nombre considérable d'acteurs, y compris les Etats. Les valeurs et les attentes des personnes engagées dans la prévention des risques biotechnologiques sont souvent très différentes. Seul un débat permanent et transparent, respectueux et intense peut garantir un résultat final reflétant tous les points de vue.

Etant donné la complexité des problèmes et l'ampleur des enjeux, il est rassurant que la communauté mondiale ait déjà accepté une sécurité réglementaire dans le développement de la biotechnologie moderne. La science continue à progresser à grands pas et pour que le régime de prévention des risques biotechnologiques ne se laisse pas distancer, il a été décidé que les gouvernements procéderaient, tous les cinq ans, à une évaluation formelle de l'efficacité du protocole et de ses procédures, en vue d'une révision ou d'une amélioration éventuelles.

Il ne fait aucun doute que la prévention des risques biotechnologiques restera longtemps encore une question prioritaire du programme d'action international pour l'environnement.

En effet, le protocole de Cartagena constitue le premier instrument multilatéral contraignant traitant des organismes vivants modifiés et de sécurité environnementale. Il est pour l'instant le seul socle juridique sur lequel l'on doit bâtir des normes internationales fondées sur le principe de précaution dans ce domaine. Il fournit la première définition juridique internationale des OVM et permet aux Etats de se protéger en raison même de l'incertitude scientifique entourant ces nouveaux organismes. Il met également en place des mesures de traçabilité, de sécurité et de gestion commune des risques.

Le protocole de Cartagena est destiné à créer un contexte favorable à l'utilisation sensée des biotechnologies et respectueusement de l'environnement. Il vise à assurer un degré adéquat de protection pour le transfert, la manipulation et l'utilisation sans danger des OGM.

Face à la diffusion rapide des OGM et à la multiplication de cas de contamination génétique (aide alimentaire...), l'urgence de la ratification et de la mise en oeuvre de l'accord s'impose.

En outre, ce protocole constitue un accord fondamental pour les pays ne disposant pas de législations nationales sur la biosécurité car il permet d'avoir accès à l'information, à des normes techniques et à l'expertise nécessaires pour effectuer une évaluation satisfaisante des risques préalables à l'utilisation et l'importation d'OVM.

La ratification permettra à nos pays d'obtenir des gardes fous pour une prise de décision concernant le mouvement des Organismes Vivants Modifiés (OVM).

Sur 103 pays signataires dont 28 pays africains, le Togo est le 78e à le ratifier et ceci lui permettra d'assister à la première réunion des Parties qui se tiendra en Février 2004 à Kuala Lampur en Malaisie83.

Même si la compatibilité du protocole de Cartagena avec les règles internationales de l'OMC n'est pas sans se poser de problèmes, il semble évident que la ratification de ce protocole par une très large majorité des Etats fera évoluer significativement le caractère juridiquement contraignant de l'approche de précaution.

C'est pourquoi, sous le bénéfice de ces observations, nous proposons la ratification de ce protocole par tous les pays signataires.

83. Source : Togo Presse Magazine no 6679 du 19 Décembre 2003 page 3

ANNEXE

BIBLIOGRAPHIE

I- Ouvrages

1. Albert SASSON, Quelles biotechnologies pour les pays en développement ? Biofutur/UNESCO édition, imprimerie Marcel Bon-70.000 Vessoul, juin 1986, 200 pages

2. Corinne LEPAGE, François GUERY, La politique de précaution, PUF, 2001, 378 pages

3. Denis DUCLOS, Les industries et les risques pour l'environnement, collection « Environnement », l'Harmattan, 1991, 239 pages

4. François EWALD, Christian GOLLIER , Nicolas DE SADELER, Le principe de précaution Que sais-je ? PUF, nov. 2001, 127 pages

5. Philipe KOURILSKY, Du bon usage du principe de précaution, éditions Odile Jacob, déc. 2001, 174 pages

6. Les industries agro alimentaires et la protection de l'environnement sous la direction de Soukéina BOURAOUI et Michel PRIEUR, Actualités Scientifiques, éd. AUPELF-UREF, 2001, 410 pages

7. L'agriculture biologique, une agriculture durable ? Sous la direction de Michel PRIEUR, droit comparé de l'environnement, 1996, 362 pages.

II- Revues et autres publications

1. Droit et environnement, bulletin du réseau « droit de l'environnement » Agence Universitaire de la Francophonie, AUPELF-UREF no 8

2. ABC des Nations Unies, New York, 2001, 391 pages

III- Mémoires

1. Cyrille Séverin BISSIENGOU, Le principe de précaution en droit de l'environnement, mémoire de DEA, Université du Bénin (UB), 2000, 75 pages.

2. Noël AKOMA-POATHY, La protection de l'hygiène alimentaire au Togo, mémoire de DEA, 2000, UB, 77 pages

IV- Les textes juridiques

1. La Convention de Stockholm

2. La convention sur la diversité biologique

V- Quotidiens

1. Jeune Afrique l'Intelligent

2. Togo Presse

VI- Documentation électronique

1. www.creaweb.fr/bv/ogm/risques2.htm

2. www.biodiv.org

3. www.biosafety.org

4. www.biodiv.org/doc/press/presskits/bs/cpbs-unep-cbd-fr.pdf

5. www.fao.org/ag/fr/magazine/0103sp1.htm

6. www.codexalimentarus.net/index-fr.stm

7. www.monde-solidaire.org/article.php3 ?id_article=575

8. www.greenpeace.org

9. www.oie.int/fr/secu_sanitaire/fr_introduction.htm

10. ww2.creaweb.fr/bv/ogm/enjeux3.html






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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984