CONCLUSION GENERALE
Parti de la question de savoir quel était le
degré d'efficacité des instruments juridiques protégeant
le personnel humanitaire en situation de conflit armé non international,
nous avons tout au long de notre travail analysé les textes juridiques
prévus à cet effet. Après une analyse documentaire et des
entretiens avec des personnes ressources, il ressort que la protection
juridique du personnel humanitaire est assurée par divers textes
internationaux.
La sanction des violations de ces textes est garantie tant sur
le plan international que national. Sur le plan international, la mise en
oeuvre de cette répression se fait par la Cour Pénale
Internationale. Ses modalités de saisine sont élaborées
par le texte sur le règlement de procédure et de preuve de juin
2000. Conformément aux dispositions de ce texte ainsi que ceux du Statut
de la Cour Pénale Internationale, la Cour peut être saisi par le
Conseil de Sécurité, par un Etat partie ou enfin par le procureur
proprio motus. Sur le plan national, trois types de compétence
permettent de mettre en oeuvre la responsabilité pénale de tout
auteur d'une infraction à l'égard du personnel humanitaire. Il
s'agit de la compétence universelle, de la compétence
territoriale et enfin de la compétence personnelle. Le
déclenchement de cette responsabilité pénale peut, en plus
des peines privatives de libertés dont l'auteur peut être
frappé, l'obliger aussi à réparer le dommage
causé. Divers textes sont prévus à cet effet. Il peut
s'agir d'une réparation fondée sur les articles 1382 et suivant
du code civil, en ce sens qu'on peut être face à un individu
isolé ou alors qui a un certain lien avec le pouvoir central d'un pays.
Il s'agira donc dans ces cas d'une responsabilité du fait personnel et
de la responsabilité du commettant du fait de son préposé.
En plus des dispositions du code civil sur lesquelles peut se fonder un juge
interne, d'autres textes et principes fondent l'indemnisation dont peut jouir
un personnel humanitaire victime. C'est le cas des dispositions du Statut de
la Cour Pénale Internationale ainsi que du texte sur le Règlement
de procédure et de preuve. Ces deux textes admettent la
réparation pour les victimes de crimes de guerre et leur donnent le
droit de participer aux procédures devant la Cour. La déclaration
des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la
criminalité et d'abus de pouvoir de 1989 reconnaît un droit
à la réparation à toutes les victimes de crimes de droit
international. Il en est de même pour les principes fondamentaux et des
directives sur le droit au recours et à la réparation des
victimes du droit international humanitaire adoptés en avril 2000. Ces
textes offre aux victimes de crimes internationaux, le droit d'être
indemnisé soit par l'auteur de l'infraction ou alors par l'Etat.
En dehors de ces cas de réparation prévus par
les textes, le personnel humanitaire victime d'une infraction peut aussi jouir
d'une indemnisation qui peut émaner d'une convention passée avec
un tiers. Elle peut découler d'un contrat d'assurance ou alors du
contrat de travail de la victime. Il faut ajouter à tout ceci la
réhabilitation psychologique ou traitement post traumatique de la
victime qui consiste à traiter les blessures psychologiques du personnel
humanitaire. Il ressort donc de cette première partie de notre travail
que le personnel humanitaire jouit d'une protection qui va de
l'élaboration des règles visant le respect de son statut
à la sanction des cas de violation de ces règles et l'octroi des
dommages- intérêts.
Mais il s'avère que dans la pratique, certains facteurs
contribuent à mettre à mal cette protection juridique
conférée au personnel humanitaire. Il s'agit des facteurs
liés au conflit ainsi que des éléments relatifs à
l'appareil judiciaire. Concernant les conflits, il se pose que, les conflits
inter étatiques ont cédé la place aux guerres civiles. Ce
type de conflits fait apparaître de nouveaux acteurs aux pratiques
déroutantes vivant dans des conditions de vie très
précaires. Ces derniers constituent un danger réel pour le
personnel humanitaire en ce sens qu'ils (ces acteurs) en font de
véritables proies.
Par ailleurs, l'évolution des démarches
humanitaires constitue aussi une entrave quant à l'efficacité de
cette protection car le matériel avec lequel ils travaillent fait d'eux
des cibles privilégiées pour ces acteurs affamés et
manipulés. Sur le plan judiciaire, des maux tels que les classements
sans suite, les engorgements des tribunaux et dans une certaine mesure la
corruption sont de nature à fragiliser d'avantage les instruments
juridiques de protection. Il en va de même pour des attitudes telles que
le manque de volonté de certains Etats à toute
coopération judiciaire, le refus de ratifier le statut de Rome et les
réserves émises par certains Etats lors de la ratification dudit
statut ne sont pas de nature à assurer une bonne mise en oeuvre de la
répression des infractions sur le personnel humanitaire.
Au terme de notre étude, nous avons
constaté que notre hypothèse principale est
vérifiée car les instruments assurant la protection juridique du
personnel humanitaire sont inadaptés. Notre première
hypothèse secondaire est aussi vérifiée. Mais la
deuxième quant à, elle est vérifiée
partiellement.
En somme, l'on dira que le phénomène milicien
est à la base de l'inefficacité des instruments juridiques
assurant la protection du personnel humanitaire. Mais il convient de souligner
que la principale cause est liée au contexte dans lequel ces textes sont
appliqués. La sécurité sociale en Afrique relève de
l'utopie, les peuples africains vivent dans des conditions de vie
déplorables. Dans un tel environnement, les questions de sensibilisation
au droit international humanitaire ou de droits de l'homme ne peuvent
qu'être de vains mots aux oreilles des populations
désespérées. Le dicton selon lequel « ventre
affamé n'a point d'oreilles » sied pertinemment à cet
état de choses. Il serait en effet illusoire d'espérer que des
gens qui combattent au quotidien avec la misère puissent se soucier des
principes théoriques que sont les règles de droit humanitaire.
Alors, ce ne serait pas faire preuve de défaitisme si
l'on déclare que le continent africain est un continent à risque
pour le personnel humanitaire. En effet, comme nous l'avons
développé dans les pages précédentes le pouvoir en
Afrique est entre les mains d'une poignée de personnes au
détriment des populations qui restent vouées à la
misère.
Au terme de ce travail, nous ne saurions omettre les obstacles
que nous avons rencontrés. Nous avons éprouvé
d'énormes difficultés quant à l'application pratique de la
méthode des sciences sociales. En effet, venant d'une faculté de
droit, nous n'avons pas été initié aux instruments
d'analyses sociologiques.
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