Subjectivité et intersubjectivité dans la conversion indiviuelle masculine à l'islam en France au XXI siècle( Télécharger le fichier original )par Marie Bastin Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris - 2002 |
· DéstigmatisationCe qui distingue nettement C6 des autres témoins du corpus tient au fait, qu'il est né musulman, en Algérie dans une famille sociologiquement musulmane. Mais d'après lui, son éducation fut peut emprunte de matière religieuse. Au chercheur, il ne s'en est pas moins présenté comme « converti » à l'islam. Sa découverte du principe divin unique remonte pourtant à la période chrétienne de son existence. Et s'est accomplie dans un contexte oecuménique protestant. Emergée en termes chrétiens, sa foi le fait se sentir pleinement chrétien. Prénommé en arabe, il subit, au fur et à mesure de son existence missionnaire, des micros stigmatisations systématiques lui rappelant ou l'appelant à ne pas oublier ses origines. Cela lui a fait incidemment prendre conscience d'une certaine « contradiction », dont seuls les autres de sa communauté semblaient mesurer l'importance : arabe du Maghreb d'origine, il était chrétien ! Le ver était dans le fruit. Tout en poursuivant, avec acharnement, son travail de missionnaire, il est troublé par ces sirènes, rencontre fortuitement des musulmans, s'intéresse à eux et à l'islam. Il constate que ce monothéïsme là n'est pas intégré à l'oecuménisme auquel il participait. Se sentant stigmatisé, d'une part, et motivé par sa quête spirituelle non exclusive et, à ses yeux, vraiment oeucuménique voire universalisante, il endosse son histoire d'algérien et petit à petit chausse des lunettes de musulman. Après avoir pourtant adopté un prénom français au moment de sa naturalisation. Sa quête d'universalisme et d'oeucuménisme spirituel lui permet d'avoir élaboré un formidable système de pensée qui englobe toute sa problématique identitaire : français et algérien, « Pierre et Mohammed »137(*), chrétien et musulman, il tente comme beaucoup d'accéder à la fameuse « citoyenneté du monde », dont la mondialisation, aujourd'hui, nous démontre selon certains aspects le cynisme et l'utopie. c. L'après-« conversion » et le « sujet »Dans la « conversion » comme une sorte de lente acculturation ou de long apprentissage, « l'individu apparaît comme une entité qui synthétise et organise tant bien que mal de multiples informations, croyances et opinions. »138(*) Des similitudes et des disparités se distinguent. La similitude, en effet, porte sur une seule thématique, celle du choix d'un prénom arabe ou nom initiatique. Les disparités, elles, sont de deux ordres. Il s'agit du rapport à la circoncision et au « certificat de « conversion » ». * 137 prénoms fictifs * 138 Jacques Jomier, Dieu et l'homme dans le Coran, Cerf, Paris, 1996, p. 102 |
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