La diversité et sa gestion dans un comité local d'ATTAC.( Télécharger le fichier original )par Jean Engel Université Paris 1 - Sorbonne - Dea Sociologie Politique 2004 |
Une certaine perception du monde politiqueUn des points communs à ces militants qui s'engagent pour la première fois dans ATTAC est d'avoir une vision similaire des formes d'engagements traditionnels. Qu'ils soient jeunes ou moins jeunes, les partis politiques, syndicats ou autres organisations traditionnelles ne suscitent pas chez eux d'engouement particulier. Au contraire, malgré la volonté de s'investir et la nécessité de remettre le système en question, leurs discours dénotent presque tous d'une « gauche introuvable ». Entre un PS trop modéré depuis qu'il a pris goût au pouvoir, un PC dépassé et trop fermé aux jeunes, des Verts « pas clairs » sur leurs objectifs et trop divisés et une extrême gauche « trop sectaire », ces militants ne se sentent pas représentés par les partis politiques de gauche. Dans la plupart des cas, ces militants s'intéressent à la politique depuis la moitié des années 90 (pour les plus jeunes) et sont marqués par les thèmes de contestation qui ont émergé pendant le mouvement social de 95. Pour les plus âgés, qui s'intéressent à la politique depuis plus longtemps, le mouvement social de 95 a pu agir comme un déclencheur. Ce sont principalement les mouvements qui en sont les héritiers qui les attirent. Ainsi, les discours sur la mondialisation et ses dérives financières, les dégâts du libéralisme ou l'Europe, sont des thèmes récurrents dans leurs préoccupations. La perte de larges pans de souveraineté par les Etat à travers l'intégration transnationale23(*), le poids grandissant des firmes multinationales et des investisseurs, l'augmentation du chômage, la remise en cause des acquis sociaux et des services publics : autant de thèmes de contestation qui ont pris forme durant le mouvement social et qui tiennent particulièrement à coeur à ces militants. Mais le mouvement social de 95 dénote également d'une certaine méfiance vis-à-vis des partis politiques, incapables de s'opposer à une évolution présentée comme inéluctable. S'il y a des logiques réellement nouvelles de l'engagement politique qui doivent peu aux pesanteurs du passé, c'est en priorité dans les discours de ces militants qu'il faut les chercher. Le sentiment d'impuissance face à des logiques présentées comme implacables ( la crise, le libéralisme, la mondialisation, l'intégration européenne), semble avoir alimenté une certaine frustration chez ces individus. Paradoxalement, alors que l'objectif du discours des gouvernements de droite sur le caractère inéluctable des évolutions politiques et sociales françaises24(*) était sans doute de faire taire toute contestation, il a précisément alimenté un regain d'intérêt pour l'engagement politique protestataire. L'engagement d'individus ne s'étant jamais engagés auparavant nous paraît donc être une réaction à un sentiment d'impuissance. Reste à comprendre pourquoi celui-ci a lieu dans ATTAC. * 23 Les critères de Maastricht réduisent en effet lourdement les marges de manoeuvres budgétaires et rendent à peu près impossibles toute politique budgétaire volontariste par les gouvernements. * 24 Ce discours est sensiblement le même lors du gouvernement Juppé de 95 à 97 que lors du gouvernement Raffarin depuis 2002. |
|