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La diversité et sa gestion dans un comité local d'ATTAC.

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par Jean Engel
Université Paris 1 - Sorbonne - Dea Sociologie Politique 2004
  

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Le rapport au capitalisme

S'il est un point difficile à éclaircir avec un mouvement comme ATTAC, c'est bien l'étendue de son hostilité au système ou de sa radicalité s'il l'on préfère. Alliant des prises de position parfois utopiques et s'aventurant parfois (timidement il faut le reconnaître) sur les thèmes de la décroissance ou de l'autogestion, elle adopte tout de même un profil très réaliste et respectable. Il nous a donc paru utile de nous intéresser aux rapports que ces « réformistes révolutionnaires » comme les définit un militant interrogé, entretiennent avec le capitalisme. On pourra objecter que la détermination de catégories de militants sur la base de leurs rapports au capitalisme est passéiste et galvaudée. Cependant, la divergence de ces rapports semblent animer des sentiments allant de la gêne à la méfiance entre les militants. Bien qu'ATTAC s'affiche clairement comme un mouvement réformiste, cela n'empêche pas que certains militants s'inscrivent dans une perspective de dépassement du système capitaliste.

Nous voyons donc là apparaître une ligne de séparation. En effet, à l'intérieur de ceux qui se positionnent par rapport aux « fondamentaux » dont nous parlions plus haut, il existe une fracture entre ceux qui remettent clairement en cause le capitalisme dans sa nature même, car il repose sur les inégalités, et ceux qui sont prêts à s'en accommoder sous certaines conditions. Même si le vocable adopté par l'association, notamment la notion de libéralisme ou de néo-libéralisme permet de gommer à priori les différences, chacun s'accordant à penser que le système s'emballe, les divergences traditionnelles persistent. En effet, ATTAC compte en son sein aussi bien des anciens révolutionnaires que des réformistes traditionnels. La position adoptée vis-à-vis du capitalisme n'est pas la même qu'on soit issu du parti socialiste ou d'une famille communiste, cela va de soi :

« Il y a des gens, même au sein d'ATTAC, pour qui la question du capitalisme, elle est pas claire du tout, elle est pas réglée du tout. Il y des gens qui ont pas vraiment... on sent que ce rapport au, à toute une réflexion sur l'exploitation capitaliste, sur la nature du capitalisme... [...] Moi, je suis anti-capitaliste. Pour moi, je veux dire, en fait je suis à ATTAC parce que pour moi ATTAC est anti-capitaliste. Parce qu'au fond, si on réfléchit, s'attaquer au capital, c'est s'attaquer au capitalisme. Mais c'est vrai que pour le prolonger, il faudrait aussi parler d'autogestion, etc... Et à ATTAC, on sent qu'i y a une fraction d'ATTAC, plutôt socialo un peu, qui justement est pas claire avec ça, peut-être. Ils sont keynésiens, je dirais, keynésiens. »56(*)

Il y a en effet au sein d'ATTAC-Strasbourg des militants ayant tout à fait accepté le capitalisme comme système économique et ne s'étant d'ailleurs jamais opposé à celui-ci (nous dirons les deux tiers) . Ce n'est pas une réflexion sur la nature destructrice et inégalitaire du système capitaliste qui les amène à s'engager mais, plus souvent, un sentiment de colère vis à vis de la dégradation des conditions de travail et de vie :

« Bon, c'est vrai, à ce niveau-là, c'est difficile pour des gens de mon âge, quand on a connu le bon pendant des années et maintenant le mauvais... C'est vrai j'arrive pas à m'y habituer, je le dis tout haut, je n'arrive pas à m'y habituer. Quand on a connu le bon, quand on pouvait dire à un patron « si vous ne me donnez pas 10 pour 100 de plus je m'en vais. Demain je vais ailleurs. ». Si vous dites ça à un jeune, il se dit « il est fou, celui-là, qu'est-ce qu'il raconte ? ». C'est vrai, ça a existé donc on ne peut pas s'habituer au mauvais maintenant, on a du mal... »57(*)

On peut donc distinguer deux catégories de militants. Ceux dont l'objectif est l'aménagement social du capitalisme et ceux qui inscrivent leur action dans le cadre d'un dépassement du système. Pour les premiers, il est possible de réformer le système qui n'est pas foncièrement mauvais et qui serait surtout le seul qui soit efficace. On accepte de « jouer le jeu » et on adopte une posture très réaliste :

« Ecoutez, quand on a une espérance de vie moyenne de 80 ans, on tient à mourir dans un monde un peu meilleur que celui qu'on a connu en arrivant, c'est tout. Un peu...Et même maintenant, j'ai l'impression qu'il régresse. Bon, alors c'est pas commander le paradis sur terre pour tout de suite, quoi. C'est pas possible. »58(*)

La critique est surtout centrée sur les dérives d'un système capitaliste qui privilégie de plus en plus l'aspect financier, au détriment du travail. C'est la toute puissance des marchés qui est remise en cause et non la nature du système lui-même. Ici, le libéralisme et la globalisation financière apparaissent comme des phases du capitalisme, des « options » qu'il serait possible de modifier. Comme pour Lionel Jospin et une partie des militants du PS qui disent « oui à l'économie de marché, non à la société de marché »59(*), cette vision suppose que le capitalisme puisse être contrôlé. C'est bien le caractère incontrôlable de la mondialisation et de la logique néo-libérale qui est remise en cause par ces militants.

Pour les seconds, le capitalisme repose forcément sur des inégalités et c'est donc lui qu'il faut combattre :

« Disons que là, j'ai quelques reste de la LCR, en fait... J'ai quelques restes de la LCR et je suis persuadée qu'avec ce système-là, de toutes façons, ça pourra pas marcher. »60(*)

Cet état d'esprit peut s'expliquer, on le voit, par le réinvestissement des cadres d'analyse du mouvement ouvrier. La sensation que le système capitaliste est un système total, qui n'accepte de faire des compromis que temporairement pour sa survie61(*), amène à penser que le changement de système économique est un préalable au changement social. Il peut également s'expliquer aujourd'hui par un « humanisme égalitaire »62(*). L'ordre établi est perçu comme illégitime car fondamentalement inégalitaire.

Il faut également considérer une autre ligne de fracture. Certains militants sont issus des milieux anarchistes ou en sont proches ( deux militantes ). Ils sont donc intéressés par des thèmes comme l'autogestion et nourrissent à l'égard d'un Etat de plus en plus sécuritaire une méfiance croissante.

« Par exemple je connais mes limites par rapport à ATTAC. Bon, c'est un mouvement, c'est bien parce qu'il évolue dans ses revendications mais... je partage la critique avec eux, sur les solutions, parfois je suis un peu en distance parce qu'au départ en dernier ressort, ATTAC disait "L'Etat s'est fait déposséder de son pouvoir par les multinationales, il faut qu'il y ai plus d'Etat". Moi je ne crois pas que la solution pour les citoyens ce soit l'Etat, je crois à quelque chose... au moins une démocratie participative, au minimum. »[...]

« L'image négative que peut donner ATTAC à des gens plus radicaux, c'est qu'on pense que c'est des réformistes. Alors, moi je ne pense pas être une réformiste, et ceux que je fréquente non-plus mais il est probable que le vice des revendications d'ATTAC, soit que ce ne sont que des réformes. »63(*)

Ces réflexions semblent bien éloignées de celles de militants intéressés principalement par l'aspect concret de la taxe Tobin et voulant défendre l'Etat et le réhabiliter pleinement :

« Oui, oui. Je me suis fait inviter à ce moment-là aussi par le président du conseil général, qui voulait savoir... Bon, j'ai tenu à montrer un visage d'ATTAC à visage humain. Sans mettre un mouchoir sur mes conviction, c'est évident. En essayant aussi de faire voir qu'il y avait chez nous des Verts, des liguards, des non-encartés, des etc, mais que je n'acceptais pas moi des choses qui auraient dû, avec des médias un peu vicelards quelquefois, faire croire qu'on est des anarchistes. Par exemple, je me permet de dénoncer quelque fois certaines tendances chez certains à ATTAC, les anarchistes... je leur dit « mais non, on peut les trouver sympathiques mais on ne peut pas les soutenir, nous on veut défendre les services publics et eux ils sont contre l'Etat, il y a des choses élémentaires qu'il ne faut jamais oublier.« »64(*)

La nature de l'association, nous verrons plus tard comment, permet à ces questions de ne pas se poser trop directement. Cependant, force est de constater que les objectifs des militants sont très différents en fonction de leur parcours ou de leu culture politique.

B. La sensibilité politique

Les références politiques sont donc diverses chez les militants. Il en va de même de leur sensibilité politique. Nous entendons par-là ce qui fonde leur rapport au monde politique traditionnel. Ainsi, sur les rapports qu'ils entretiennent avec les partis politiques et sur leur situation sur l'échiquier politique français les militants dressent un tableau très éclectique. Il en va de même pour les thèmes qui les interpellent le plus.

* 56 Entretien 14.

* 57 Entretien 18.

* 58 Entretien 17.

* 59 Voir à ce sujet Serge Bernstein, op cit.

* 60 Entretien 19.

* 61 La remise en cause des systèmes de redistribution et de protection sociale qui suit de peu l'effondrement du bloc soviétique plaide dans ce sens. Jusque là, la crainte d'un mouvement révolutionnaire qui se nourrirait du contexte de concurrence idéologique avec le bloc de l'est expliquait que le système puisse être aménagé.

* 62 In Serge Bernstein, op cit.

* 63 Entretien 11.

* 64 Entretien 17.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille