Plan
Introduction générale
Première Partie : Une grande
diversité de militants
Introduction
I. La diversité des militants
A. Les nouveaux militants
- Leur cheminement jusqu'à ATTAC
- Leur perception du monde politique
- Un mouvement non partisan et citoyen
B. Le réengagement dans ATTAC
- Les types de parcours
- Perception du monde politique
- Un mouvement souple et ouvert au débat
C. Le sur-engagement dans ATTAC
- Une insuffisance de l'engagement traditionnel
- Une forte transitivité des militants
- Formation militante et nouvelles stratégies
II. La diversité des
sensibilités politiques
A. Un grand panel de cultures politiques
- Références et lexiques politiques
- Le rapport au capitalisme
B. La sensibilité politique
- Rapports au champ politique
- Les thèmes de prédilection
- L'attrait de la diversité
III. La
diversité des raisons d'agir et des pratiques recherchées
A. Les déterminants de l'engagement
- Utilité et légitimité
- Un engagement altruiste
- Un engagement pour soi
B. Le type d'engagement recherché
- Un engagement formateur
- Une volonté d'action
- Régularité de l'engagement
C. Les types d'action privilégiés
- Les actions souhaitées
- La recherche d'autonomie par rapport au mouvement
Synthèse
Deuxième Partie : La gestion de la
diversité
Introduction
I. Les facteurs d'unité
A. Un mouvement de classes moyennes
- Caractéristique sociales des membres
- Un mouvement intellectuel
B. Les thèmes de l'association
- La variété des thèmes
- L'approche particulière de l'association
C. Stratégies unificatrices locales et nationales
- L'alignement des cadres de références
- Un accord sur la critique
- Une attention quotidienne
II. Le rôle de la démocratie
interne
A. Les évolutions statutaires : vers plus de
démocratie
- L'évolution des statuts
- Vers plus de démocratie
- La démocratie en question
B. La régulation des crises
- Juguler les appétits de pouvoir individuels
- Une grande capacité d'adaptation
D. Le fonctionnement de l'association
- Souplesse du fonctionnement
- Le rôle de l'AG
III. Un engagement
à géométrie variable
A. Initiative et autonomie des militants
- Initiative des militants
- Autonomie des groupes
- Le cloisonnement des activités
B. Variété et évolution des
activités
- Des activités dans des cadres variés
- Variété des niveaux d'action :
local-national-international
- Action vers l'intérieur ou vers
l'extérieur
C. Un militantisme individualisé
- Un militantisme sur mesure
- Un engagement distancié
- Pour une satisfaction partagée
Synthèse
Conclusion générale
...
ANNEXES
Bibliographie
Statuts
Règlement intérieur
Charte régissant les rapports entre ATTAC et les
comités locaux
Introduction générale
Depuis quelques années, le champ politique a
été le théâtre de modifications rapides et
d'initiatives qui semblent devoir peser sur les rapports des forces sociaux. De
nouveaux mouvements semblent remettre en question les tenants de la domination
politique, et remettre en question son caractère arbitraire. Le
renforcement des inégalités économiques et sociales et
l'adoption par les gouvernements de choix de société
contestés, ont engendré un renouveau certain de la
conflictualité sociale. Dans un contexte où le conflit social
s'amenuisait, fragilisé sans doute, par l'effondrement des cadres
matériels et symboliques de l'action collective contestataire, ce
renouveau ne peut laisser indifférent. La multiplication depuis
certaines années, encore marquée par le cloisonnement et la
parcellisation des sciences humaines et sociales, des études et analyses
sur les « nouveaux mouvements
contestataires »1(*) et, entre autres, sur les mouvements
altermondialistes2(*),
illustre l'importance croissante de ces phénomènes.
De fait, depuis quelques années se développe,
avec une dynamique forte, un vaste mouvement social. Qu'on l'appelle,
« troisième gauche, anti- ou alter-mondialiste », il
se nourrit de la création et de l'action de nombreux mouvements
politiques récents mais également de l'action de mouvements plus
anciens comme les syndicats. Contrairement aux mouvements nés dans les
années 1960-1970 et dénotant déjà d'une
métamorphose de l'espace public français, ces mouvements, encore
très jeunes, n'ont pas encore été profondément
étudiés. Ils continuent d'ailleurs de se dessiner au quotidien et
prennent une place croissante dans l'espace public français. D'où
l'intérêt de se pencher, dans le cadre de ce mémoire,
à la lumière des acquis de la sociologie politique et plus
particulièrement de la sociologie des mouvements sociaux, sur ce qui
fonde la nouveauté de ces mouvements et ce qu'ils apportent au paysage
politique et militant français. Ceci nous permettra de mieux comprendre
les derniers-nés des mouvements sociaux, que nous comprendrons ici dans
une acceptation large, comme « des actions collectives visant
à contester l'emprise d'un groupe dominant sur la vie sociale, voire
l'emprise d'une logique sociétale sur le vécu
individuel ».
Ces mouvements se situent à la confluence de deux
évolutions majeures. La première est la crise des cadres de
mobilisation traditionnels. En effet, le déclin progressif du mouvement
ouvrier, qui s'explique à la fois par de profondes mutations
sociales3(*) et par
l'effondrement du modèle soviétique, laisse vide la place qu'il
occupait comme mouvement de contestation sociétale central et comme
porteur d'alternatives crédibles. Le déclin de l'engagement dans
les structures syndicales et politiques traditionnelles, le vide
idéologique, le découragement des militants, font penser pendant
un temps à la fin de l'action politique protestataire. Cependant, les
évolutions politico-économiques, au premier rang desquelles on
peut citer la globalisation financière et l'intégration à
une Europe libérale, la remise en question de l'Etat Providence et des
mécanismes de protection sociale, la précarisation des
travailleurs et l'augmentation du chômage dans les pays
développés, c'est-à-dire les conséquences de ce
qu'on appèle aujourd'hui les politiques
« néo-libérales », vont ré-alimenter
le conflit social. Dans le début des années 90
déjà, les discours et les modalités d'action tendent
à se modifier et le développement des mouvements des
« sans » augure une reprise de l'activité
contestataire. Cependant, il faudra attendre le mouvement social de l'hiver 95
pour que se re-déclenche une dynamique forte de conflictualité
sociale. De plus en plus de travaux soulignent en effet l'importance du conflit
de Novembre-Décembre 95 dans le renouveau d'une dynamique de
protestation politique : « D'une part, la mobilisation a
révélé l'état des lieux de la France. Ce qui a
été réalisé équivaut à un diagnostic
des effets polarisants de la modernisation à l'échelle du pays.
D'une autre part, elle a contesté dans leur rationalité
intrinsèque les mesures de liquidation des acquis sociaux et des droits
du travail. [...] Ce processus est uniquement ébauché et
s'apparente davantage à un travail de déblayage. Il
n'empêche que sa portée instituante ouvre des perspectives de
renouveau politique que l'on ne saurait sous-estimer. »4(*)
En démontrant la possibilité et
l'efficacité de l'action collective et en cristallisant un certain
nombre de thèmes, le mouvement social de 95 a donc réouvert des
perspectives de contestation. Le mouvement est également
précurseur des mouvements altermondialistes dans le sens où il a
suscité des interrogations sur « la
nécessité d'autres choix de société, d'une nouvelle
consistance de la politique, active, authentiquement participative, populaire,
d'une autre conception de l'action individuelle dans les structures
collectives. »5(*) Or, c'est précisément sur ces questions
que les nouveaux mouvements contestataires affichent leur originalité et
parviennent à attirer des militants.
Ces nouveaux mouvements politiques affirment
représenter un renouveau en termes d'action collective, de
revendications politiques ou encore de participation militante. Qu'en est-il
réellement ? En quoi ces mouvements politiques sont-ils
novateurs ? Quelle est la nature de ces innovations ? Comment se
traduisent-elles en termes d'organisation, de méthodes, d'objectifs ou
d'action individuelle dans les structures collectives ? Qu'est-ce qui peut
les expliquer ? Voilà quelques-unes des questions qui peuvent
animer les chercheurs en sciences sociales.
Le mouvement qui nous a intéressés ici et qui
nous semble représentatif des nouveaux mouvements contestataires est
ATTAC, Association pour la Taxation des Transactions financières pour
l'Aide aux Citoyens. Elle est née à la suite d'un
éditorial d'Ignacio Ramonet dans le Monde Diplomatique en
décembre 97 appelant à « créer à
l'échelle planétaire l'organisation non-gouvernementale
Action pour une taxe Tobin d'aide aux citoyens. ATTAC. ».
Cette association est vue comme un groupe de pression civique en lien avec des
associations culturelles, sociales ou écologiques. Elle se proposerait
de « rompre avec l'ultra-libéralisme en proposant des
alternatives crédibles, limiter l'insécurité
financière et les inégalités sociales grâce à
la mise en place de la taxe Tobin » sur les transactions
financières en reposant sur un « sursaut civique et
militant, transcendant les clivages habituels ». Le 8 juin 98,
ATTAC voit le jour, avec un objet plus large que la taxe Tobin, elle sera donc
l'Association pour la Taxation des Transactions financière pour l'Aide
aux Citoyens. Elle propose d'être une plate-forme permettant aux citoyens
de se réapproprier l'avenir du monde en luttant contre
« la dictature des marchés »6(*). Un caractère de
contestation économique et de prise en main citoyenne marque donc
fortement cette association.
C'est un mouvement qui grossit rapidement (il rassemble
près de 30000 adhérents en 2002), en s'inscrivant dans un secteur
très large et regroupant des personnes et groupements très
divers. ATTAC compte sur cette diversité pour échapper à
la mainmise d'un groupe particulier sur l'association, notamment d'un parti
politique. ATTAC n'est pas un parti politique ne présente pas et ne
soutient aucun candidat lors des élections. Il peut être un
instrument de pression sur ceux-ci, ATTAC se propose dès le début
de « faire de la politique, mais autrement » en
veillant surtout à ce que le politique (au sens noble du terme) reprenne
le pas sur l'économique.
De ce point de vue, la nature du mouvement et également
sa structure présentent un intérêt certain. Cette
organisation centre ses actions sur des thèmes réservés
d'habitude aux partis politiques (choix de politique économique ou
sociale) ou encore absents de leur discours et laissés aux
stratégies gouvernementales ( commerce extérieur,
négociations internationales...). Cependant sa structure est celle d'une
association et son fonctionnement diffère largement de celui des partis.
Jouant sur plusieurs niveaux, elle se place hors du cadre traditionnel de la
revendication politique ainsi que de la compétition électorale.
Marquée par une hiérarchisation réduite et plus par la
coopération des différents niveaux de l'association que par la
domination de l'un sur les autres, ATTAC donne l'image d'une structure mouvante
et se cherchant encore, dont le meilleur atout résiderait dans sa
flexibilité. Ces caractéristiques comme la forte autonomie des
comités locaux et la possibilité d'inventer un militantisme
nouveau met le militant au coeur de l'organisation.
C'est d'ailleurs aux comités locaux que nous allons
nous intéresser dans ce travail. En effet, c'est là que se
développe réellement le
« militantisme »7(*) citoyen des membres d'ATTAC. Ces comités sont
d'ailleurs la grande surprise de la création d'ATTAC. Les premiers se
sont constitués de manière autonome sans que cela ait
été prévu auparavant, une « charte des rapports
entre ATTAC et les comités locaux » est rédigée
par la suite. En plus d'une direction nationale où siègent des
personnes physiques et surtout morales8(*), existent donc « des structures locales
- totalement autonomes dans le respect de la plate-forme constitutive de
l'association - surtout composées d'adhérents individuels.
Disons-le franchement, cette architecture n'avait pas été
entièrement théorisée à l'avance : c'est le
développement d'ATTAC qui l'a produite »9(*). La création de
l'association ATTAC a donc entraîné une vague d'adhésion et
un engouement certain qui s'est cristallisé en province et dans les
grandes villes par la création des comités locaux qui sont
aujourd'hui au nombre de 250. Chacun des comités est libre de choisir
les orientations de son action et sa forme. Dans leur cadre, un engagement
politique qu'on pensait moribond se redessine et attire des publics très
divers dans un laps de temps très court.
Il nous a donc paru intéressant de nous interroger sur
ce qui fait l'intérêt pour les militants d'un mouvement comme
ATTAC et sur ce qui explique le succès de l'organisation en termes
d'adhésions et d'engagement. Tout en menant une réflexion sur les
évolutions politiques qui ont conduit à la création d'un
mouvement comme ATTAC, et qui ont donc influencé sa forme, son
fonctionnement et ses revendications, et en étant
particulièrement attentifs au sens que les militants mettent dans leur
engagement, nous nous proposons d'essayer d'expliquer l'attrait de
l'association pour les militants. Comme l'expliquait Bernard Cassen, alors
président d'ATTAC, « au fond, c'est toujours à
chacun des membres d'ATTAC de formuler le sens de son
engagement »10(*). En effet, il nous semble que les membres de
l'association s'inscrivent dans des logiques variées et ont chacun
motivations différentes pour adhérer ou militer à ATTAC.
C'est précisément cette capacité à attirer et
à réunir des publics très divers qui nous semble avoir
permis le succès rapide d'ATTAC.
Comme pour l'association nationale, créé et
composée par des organisations diverses, les comités locaux de
l'association attirent une diversité très grande de militants.
Sur quoi repose cette diversité et qu'est-ce qui l'explique ?
Comment des publics aux caractéristiques variées ont-ils
été attirés par une même association ? Quels
sont les cheminements et les logiques qui amènent à s'engager
dans ATTAC ? C'est le questionnement qui nous a animés dans un
premier temps.
Or, on peut être amené à penser que la
grande diversité des militants peut poser un certain nombre de
problèmes, risquer de générer des conflits ou de
fragiliser l'association, à moins qu'il n'existe des facteurs qui
facilitent la coopération ou cimentent l'association. Quels sont les
facteurs, mécanismes ou modes de fonctionnement qui expliquent la
possibilité pour des militants divers de coopérer au sein d'une
même structure ? Qu'est-ce qui permet à l'association de
satisfaire des militants aux attentes diverses ? En quoi est-ce lié
aux transformations des mouvements politiques et des modalités de
participation individuelles dans les structures collectives ?
Pour tâcher de répondre à ces questions,
nous nous appuierons sur l'étude que nous avons mené pendant
trois ans sur les militants du comité local d'ATTAC-Strasbourg. Celui-ci
s'est créé en mars 99. Il compte aujourd'hui entre 200 et 250
membres. Les militants réellement impliqués dans l'association,
selon l'intensité de la participation tournent entre 10 (le noyau dur
des plus actifs et investis régulièrement) et 50 (au plus large,
en comptant les militants ayant une activité plus occasionnelle dans
l'association mais ne se contentant pas d'adhérer). Entre 2001 et 2004,
nous avons réalisé dix-neuf entretiens11(*) auprès de militants de
ce comité, parfois plusieurs fois avec les mêmes. Il s'agit donc
de 17 militants dont 4 femmes. Nous avons fait en sorte de n'interroger que des
personnes s'engageant réellement dans l'association et non de simples
adhérents passifs. D'un point de vue méthodologique, nous nous
sommes tout simplement rendus sur les lieux d'actions (Forums), de rencontres
(Permanences de l'association) ou aux Assemblées Générales
réunissant les membres investis dans l'association. Il s'agit pour
partie de responsables de l'association ( 8 des 17 militants interrogés
ont eu une responsabilité administrative quelconque dans l'association
à un moment donné (membre du Bureau ou du Conseil
d'administration). Mais il s'agit également de simples militants sans
responsabilités électives. Nous les avons interrogés sur
des thèmes divers portant sur leur parcours ou leur participation
politique, leurs rapports aux partis politiques, leurs manières d'agir
dans le mouvement, la vie de l'association... Les entretiens et l'observation
pendant quelques AG nous ont permis de dégager des informations
concernant les caractéristiques des militants, le sens qu'ils donnent
à leur action et les modalités de leur participation. Mais nous
avons également pu réunir des informations sur le fonctionnement
de l'association et sur les raisons qui ont amené les membres à
s'y engager.
Notre problématique nous invite à mener notre
réflexion en deux temps. Les données recueillies vont nous
permettre, dans un premier temps, de dresser un tableau des militants
d'ATTAC-Strasbourg et de souligner leur diversité ( I ). Nous nous
pencherons sur la diversité des parcours politiques et sur les
caractéristiques de l'association qui attirent chaque catégorie
de militants. Nous verrons comment l'association attire aussi bien des nouveaux
militants, que des militants réengagés ou sur-engagés.
Nous aurons l'occasion de souligner l'importance de la notion de
carrière militante et de voir suivant quelles logiques et quel
cheminement s'engagent les militants. Nous verrons comment l'association
présente des caractéristiques pouvant correspondre à tous
ces types de militants. Nous verrons également que les militants
d'ATTAC-Strasbourg ont des sensibilités politiques diverses. En fonction
de leur histoire personnelle et de leurs caractéristiques propres,
héritiers de cultures politiques variées, ils adoptent
différents rapports au politique et aux idéologies. Enfin, ce qui
les amène à s'engager et les modalités d'action qu'ils
souhaitent adopter sont très variables d'un individu à un autre.
Nous décrirons donc cette diversité des demandes.
Le constat de grande
hétérogénéité des membres nous
amènera ensuite à chercher, dans les caractéristiques de
l'association, ce qui facilite ou est mis en place pour gérer au mieux
la diversité des militants ( II ). Nous passerons en revue les facteurs
d'unité qui peuvent lier les membres, de leur origine sociale à
leur capital culturel, mais également les stratégies
déployées et les mécanismes unificateurs qui permettent de
créer un consensus minimum entre les membres. Nous nous pencherons sur
le rôle du fonctionnement démocratique de l'association et verrons
comment ses modalités d'organisation et sa facilité d'adaptation
garantissent la satisfaction individuelle des militants et permettent
d'atténuer ou de surmonter les crises. Enfin, nous analyserons comment
l'approche large du mouvement et le type d'engagement qui prend corps dans
l'association, qui correspond bien aux analyses des dernières
modifications du militantisme, permet à chacun de définir et donc
de trouver sa place dans le mouvement et de participer pleinement au
groupement. Nous verrons en quoi les caractéristiques décrites
rendent possibles et sont nécessaires au fonctionnement d'une telle
association qui accueille des publics divers.
Première partie : Une grande
diversité de militants
Un des premiers réflexes d'un chercheur en sciences
sociales est de chercher des facteurs d'homogénéité, des
ensembles cohérents, des règles générales. Les
études portant sur le monde ouvrier ont longtemps souligné
l'homogénéité des individus composant les mouvements
politiques, les similitudes de parcours, des schèmes de pensée,
de socialisation ou d'origine socioprofessionnelle des militants. Jusque dans
les années 80, les appartenances politiques étaient en effet
très liées au milieu social, à un certain niveau de
qualification ou encore à une culture politique particulière
impliquée par des cercles de sociabilité spécifiques. Les
cercles militants étaient donc d'autant plus pratiques à
étudier et à catégoriser qu'ils correspondaient en effet
à ces variables. Pour un parti ou un syndicat particulier, pouvaient
être dégagées des caractéristiques communes aux
militants correspondant à un milieu social (par exemple ouvrier pour le
PC, enseignant pour le PS), à des parcours politiques classiques (du
travail au syndicat, puis du syndicat au parti par exemple), l'appartenance
à certains cercles socioculturels, un certain rapport à la
religion, une certaine vision de l'histoire... Qu'en est-il aujourd'hui dans
les derniers-nés des mouvements politiques qui répondent à
une crise pour certains, à une recomposition pour d'autres, du paysage
politique français ?
Les travaux scientifiques récents sur les
derniers-nés des mouvements sociaux ou sur « les nouveaux
mouvements contestataires »12(*) décrivent en effet de profondes mutations dans
la composition des mouvements politiques et les modalités de
participation des militants. Les nouveaux mouvements contestataires, dont ceux
qui s'inscrivent dans la dynamique altermondialiste condensent les
originalités, renouvellent en partie l'analyse de l'engagement.
Parallèlement à l'inadaptation croissante des organisations
politiques classiques, au déclin du mouvement ouvrier et des formes
d'identification traditionnelles des membres aux mouvements, celui-ci prendrait
forme aujourd'hui dans le cadre des associations13(*). Plus souples elles
« séduiraient par leur insertion locale et leur projet
pragmatique, concret, permettant la participation effective des
militants »14(*). Les membres de ces associations adopteraient un
engagement distancié et délié des appartenances primaires,
comptant dans le mouvement par leur diversité, leur
altérité, leur « individualité
détentrice de ressources spécifiques »15(*). Le renouveau de la
conflictualité sociale à partir des années 90 s'effectue
donc dans des cadres différents et selon des logiques individuelles
diverses. Les nouveaux mouvements contestataires réunissent en leur sein
des militants issus de milieux socioprofessionnels et de
générations différentes, ayant des parcours politiques et
des objectifs divers. L'engagement s'y redessine en fonction des
évolutions de la « structure des opportunités
politiques »16(*) et des parcours politiques individuels induits par la
crise des organisations politiques traditionnelles.
Les mouvements altermondialistes, par exemple, soulignent la
diversité des organisations et des membres qui les composent en en font
leur principal atout. C'est une des originalités que représente
un mouvement comme ATTAC qui se propose de dépasser les clivages
habituels et de rendre possible la coopération de personnes très
diverses. Dans le prolongement des mouvements « des sans »
ou du mouvement social de Novembre-décembre 95, ATTAC réunit
effectivement des publics très divers.
Il est troublant au premier abord, d'étudier les
militants composant un mouvement comme ATTAC si l'on s'attend à y
trouver une catégorie uniforme de militants. En effet, chaque militant
interrogé présente un profil différent de plus, qu'il
s'agisse du parcours personnel ou militant, de l'orientation politique, des
attentes vis-à-vis de l'engagement ou des pratiques politiques ou
militantes. Une telle diversité de profils peut choquer ou tout au moins
étonner dans un mouvement politique quand on connaît les
habituelles tensions et divisions qui animent les mouvements de la gauche
française. Au-delà des questions portant sur l'efficacité
politique et la manière dont l'association atténue les tensions
entre ces divers publics, cette diversité amène à
considérer les nouvelles formes d'engagement politique moins comme
déterminées par les mouvements eux-mêmes que par les
individus qui les composent. Ainsi, l'engagement dans un mouvement comme ATTAC
semble répondre à différentes perceptions des enjeux
politiques ou de l'histoire.
C'est précisément sur cette diversité que
nous avons choisi de nous interroger dans cette première partie. A
travers l'étude des profils militants, de leurs parcours,
positionnements politiques ou manières d'agir, nous essayerons de rendre
compte des évolutions qui touchent le monde militant et notamment des
conditions de sa recomposition dans les mouvements citoyens ou
« altermondialistes ».
Il existe de nombreux facteurs de diversité, cependant,
nous avons choisi de souligner trois aspects qui nous paraissent capitaux pour
comprendre les enjeux de cette diversité. Tout d'abord, nous nous
interrogerons sur la diversité des parcours des militants,
c'est-à-dire leurs origines politiques. Il apparaît effectivement
flagrant qu'ATTAC brasse des publics très divers. Ce qui est vrai au
niveau de l'organisation nationale, créée et composée par
de multiples mouvements, groupements et syndicats17(*), l'est aussi au niveau local.
Encouragés par la participation de multiples groupes politique ou
syndicaux ainsi que par la lecture de certaines publications comme le Monde
Diplomatique, Politis, Charlie Hebdo ou Alternatives
économiques, des publics très divers se sont
présentés aux premières réunions de l'association
ou s'y sont engagés par la suite. Que traduit cette diversité au
sein d'une même structure ? Quels sont ces différents
parcours et à quelles logiques répondent-ils ? Quelles sont
les routes qui ont mené ces militants dans une structure comme
ATTAC ? Qu'est-ce qui dans leur parcours explique leur
intérêt à une organisation comme ATTAC ?
Puis c'est la diversité des positionnements et des
sensibilités politiques qui nous intéressera. En effet, les
différences d'origines politique et de générations
engendrent une grand panel de cultures politiques. Nous pourrons voir de
quelles cultures il s'agit et nous interroger sur les divergences qu'elles
recèlent en termes de rapports aux idéologies ou au champ
politique. Nous verrons également que ces militants sont attirés
par des sujets divers en fonction de leur sensibilité.
Enfin, c'est sur les déterminants de l'engagement et
sur la diversité des attentes qu'ont les membres vis-à-vis de
l'engagement et de l'action militante que nous allons nous pencher. Nous
verrons comment les engagements précédents influent sur les
modalités de participation souhaitées. Nous dégagerons les
différents types d'engagement qui apparaissent en fonction de
l'âge et des attentes matérielles et symboliques vis-à-vis
de l'engagement.
I. La diversité des parcours militants
Les militants qui composent le comité local
d'ATTAC-Strasbourg affichent une grande diversité de parcours et
d'histoires militantes. Celle-ci nous intéresse particulièrement
car l'étude des différents parcours peut nous permettre de voir
comment l'expérience militante individuelle influe sur la perception du
mouvement par les membres18(*). Ainsi, des logiques d'engagement variées
apparaissent vite à l'observateur. Si, pour toutes les catégories
de militants, ATTAC vient combler un manque, celui-ci n'est pas le même
qu'il s'agisse de « routiers » du militantisme ou de
nouveaux venus dans le monde de l'engagement. Il s'agit alors de dégager
précisément ce qui motive chaque catégorie de militants
à s'engager dans ATTAC-Strasbourg et d'essayer d'expliquer ce qui les a
amenés à ATTAC. En nous intéressant à la
manière dont ils sont arrivés dans l'association, à leur
perception du monde politique et aux raisons qui les ont amenés à
s'engager dans ATTAC, nous entendons souligner les spécificités
d'ATTAC en tant que mouvement politique et essayer d'expliquer son
succès auprès de catégories multiples d'individus.
Pour aller au plus court, on peut distinguer d'emblée
trois catégories de militants. Tout d'abord, et c'est ceux que l'on
s'attend à trouver dans un mouvement qui s'affirme comme un
renouvellement du paysage politique « avec des gens qu'on avait
jamais vu nulle-part [...] dans le milieu militant »19(*), il y a effectivement ceux que
l'on pourrait nommer les « néo-militants ». Ceux-ci
connaissent leur premier engagement effectif dans une structure politique avec
ATTAC. On peut donc penser que les thèmes développés par
ATTAC ou son fonctionnement sont des facteurs centraux de leur passage au
militantisme. L'étude de ces militants et du sens particulier qu'ils
donnent à leur engagement nous permettra d'appréhender ATTAC
comme le lieu où se forge une nouvelle génération de
militants qui n'ont pas forcément de connaissances des formes de
mobilisations traditionnelles. On peut également se demander si ces
militants se seraient engagés dans une autre structure et par-là,
souligner ce qui constitue réellement l'originalité d'un
mouvement comme ATTAC.
Ensuite, nous étudierons le cas d'individus qui ont
été engagés par le passé mais qui avaient rompu
avec la sphère militante. S'il est en effet une catégorie
d'individus auprès de qui ATTAC a fait recette, c'est bien celle des
« déçus » du militantisme traditionnel. Nous
pourrons étudier en quoi ils ont été déçus
par leurs engagements précédents et ce qui les motive à se
réengager dans ATTAC. En nous intéressant à la
manière dont ils se sont réengagés et aux raisons
invoquées, nous pourrons étudier ATTAC comme le lieu d'un retour
au politique. Ici encore, nous pourrons souligner l'intérêt que
représentent les mouvements citoyens ou altermondialistes pour les
militants dans un contexte de reflux du politique.
Enfin, nous étudierons les militants qui se
sur-engagent dans ATTAC. Ceux-ci, bien que déjà membres
d'organisations politiques ou syndicales trouvent également dans
l'association strasbourgeoise un intérêt particulier. Nous verrons
quels facteurs facilitent la transitivité des militants et comment la
forme d'ATTAC peut faciliter les phénomènes de sur-engagement.
Mais ces militants peuvent également nous renseigner sur la façon
dont est perçue, de l'intérieur, la crise de l'action politique
ou le déclin de l'efficacité de l'action syndicale. Nous verrons
donc comment ATTAC peut représenter une nouvelle perspective dans
l'engagement politique.
A. Les nouveaux militants
Commençons donc par nous intéresser au profil et
au parcours des nouveaux militants et voyons comment ces individus arrivent
à ATTAC et suivant quelles logiques. Nous essayerons de dégager
chez eux une certaine vision du monde politique et de comprendre ce qui les
attire dans un mouvement comme ATTAC.
Cheminement jusqu'à ATTAC
Sur les 17 personnes que nous avons interviewées, 11
entrent dans cette catégorie de militants. Nous ne prétendons pas
que cet échantillon soit représentatif des militants actifs de
l'association ou, encore moins, de ses adhérents. Cependant, il nous
semble que ceux-ci forment effectivement un peu plus de la moitié des
effectifs. Il faut commencer par dire que ces nouveaux militants ne forment pas
un groupe uniforme. En effet, même s'ils vivent leur premier engagement
politique dans ATTAC, ils arrivent dans l'organisation à des moments
divers de leur histoire personnelle ( ils ont entre 23 et 58 ans) ou de celle
de l'association (ils intègrent l'association entre 99 et 2002). Leurs
démarches correspondent à des motivations différentes en
fonction de leur génération, de leur socialisation politique ou
de leur catégorie sociale.
Les deux tiers des nouveaux militants d'ATTAC-Strasbourg sont
plutôt jeunes (7 sur 11 ont moins de 35 ans). Cette
caractéristique fait d'ailleurs la fierté de l'association. Par
rapport aux autres comités locaux de l'association qui affichent une
moyenne d'âge de 50-60 ans, le comité strasbourgeois tournerait
autour de 35 ans. Il faut noter également que les jeunes prennent
souvent une grande partie des postes à responsabilité de
l'association ( 4 de ces nouveaux militants ayant entre 23 et 35 ans occupent
ou ont occupé un poste à responsabilité dans l'association
). Cependant, il existe également des personnes ayant entre 35 et 60 ans
qui connaissant leur première expérience militante, voire
associative, dans ATTAC.
Cet engouement de personnes ne s'étant jamais
engagées politiquement n'est pas forcément spontané.
Même si ATTAC représente leur premier engagement, un bon nombre de
nouveaux militants cherchaient depuis longtemps un espace où s'engager.
Il s'agit notamment des membres issus de familles militantes20(*). Si l'engagement des parents
paraît souvent folklorique ou périmé, le goût du
collectif et de la camaraderie, les souvenirs de réunions de cellules du
PC dans la cuisine enfumée ou des manifestations d'Amnesty International
avec les parents, engendrent une certaine normalité de l'engagement. Un
certain nombre de militants ont donc fait quelques tentatives d'engagement.
Qu'il s'agisse de petits tours de six mois pour observer des partis politique
(PC, LCR, Verts), de passages dans des mouvements anti-racistes (MRAP) ou de
chômeurs, ou encore d'adhésion à des associations contre
les massacres en Algérie ou la répression en Palestine, les
nouveaux militants n'en sont pas tous à leur coup d'essai. Les militants
âgés de moins de 35 ans ont tous déjà eu des
activités politiques épisodiques dans des collectifs ou de
manière autonome avec des amis. Néanmoins, ils ne se sont jamais
engagés réellement ou durablement dans des organisations car ils
n'y ont pas trouvé ce qu'ils recherchaient. La motivation à
s'engager était présente mais certains aspects organisationnels
ou idéologiques ne leur convenaient pas. Souvent, ils sont
présents dès les premières réunions fondant
l'association et adhèrent d'emblée. Bien qu'ils n'agissent pas
d'emblée dans le mouvement, sept des onze militants sont effectivement
présents dans l'association depuis 99. Cependant, le passage à
une action effective dans le mouvement n'est pas automatique.
D'une manière générale, le coût de
l'engagement apparaît assez élevé chez les nouveaux
militants qui ont ce genre de parcours. Nous entendons par là que l'acte
d'engagement est loin d'aller de soi. C'est un acte mûrement
réfléchi car ces militants sont marqués par une forte
méfiance vis-à-vis des organisations politiques. Surtout, ces
membres ont une vision assez négative de l'engagement militant. Pour
eux, en jugeant souvent les engagements politiques ou associatifs des parents,
le militantisme est soit un sacrifice total à la cause (pour un fils de
militants PCF), soit un investissement énorme de soi pour peu de
satisfaction en retour (pour un fils de militants associatifs). La
démarche de ces militants paraît donc plus difficile que pour des
multi-participatifs (dont nous parlerons plus tard) élevés dans
une culture de l'engagement. En témoignent d'assez longues
périodes d'observation sans réelle participation allant de six
mois à cinq ans avant de participer à des actions ou de prendre
des responsabilités dans l'association. Ceci peut s'expliquer
également par l'inexpérience de l'action collective, la crainte
de s'engager ou le manque de temps :
« D'abord, il y a beaucoup de gens dont c'est
le premier engagement associatif donc il y a une espèce de peur. Moi, je
te disais que j'avais eu un temps d'observation assez long, je pense que c'est
le cas de beaucoup de personnes. C'est pas évident des se dire
«bon, ben je vais être membre du Conseil, responsable pénal
d'une association« qu'on a pas le temps de connaître vraiment, quoi.
Et puis après, il y a le problème de temps. »21(*)
D'autres par contre, malgré l'inexpérience,
s'engagent dès la création de l'association en faisant partie du
comité de pilotage qui rédigea les premiers statuts22(*) ou en se présentant au
conseil d'administration lors des premières élections. De ce
point de vue, la création du comité au niveau local et sur leur
propre initiative a facilité l'engagement de certains. Le peu de
volontaires pour occuper ces postes (dans l'incertitude de ce qu'allait
réellement être l'association) a certainement forcé
certaines vocations.
Une certaine perception du monde politique
Un des points communs à ces militants qui s'engagent
pour la première fois dans ATTAC est d'avoir une vision similaire des
formes d'engagements traditionnels. Qu'ils soient jeunes ou moins jeunes, les
partis politiques, syndicats ou autres organisations traditionnelles ne
suscitent pas chez eux d'engouement particulier. Au contraire, malgré la
volonté de s'investir et la nécessité de remettre le
système en question, leurs discours dénotent presque tous d'une
« gauche introuvable ». Entre un PS trop
modéré depuis qu'il a pris goût au pouvoir, un PC
dépassé et trop fermé aux jeunes, des Verts
« pas clairs » sur leurs objectifs et trop divisés
et une extrême gauche « trop sectaire », ces
militants ne se sentent pas représentés par les partis politiques
de gauche.
Dans la plupart des cas, ces militants s'intéressent
à la politique depuis la moitié des années 90 (pour les
plus jeunes) et sont marqués par les thèmes de contestation qui
ont émergé pendant le mouvement social de 95. Pour les plus
âgés, qui s'intéressent à la politique depuis plus
longtemps, le mouvement social de 95 a pu agir comme un déclencheur. Ce
sont principalement les mouvements qui en sont les héritiers qui les
attirent.
Ainsi, les discours sur la mondialisation et ses
dérives financières, les dégâts du
libéralisme ou l'Europe, sont des thèmes récurrents dans
leurs préoccupations. La perte de larges pans de souveraineté par
les Etat à travers l'intégration transnationale23(*), le poids grandissant des
firmes multinationales et des investisseurs, l'augmentation du chômage,
la remise en cause des acquis sociaux et des services publics : autant de
thèmes de contestation qui ont pris forme durant le mouvement social et
qui tiennent particulièrement à coeur à ces militants.
Mais le mouvement social de 95 dénote également d'une certaine
méfiance vis-à-vis des partis politiques, incapables de s'opposer
à une évolution présentée comme inéluctable.
S'il y a des logiques réellement nouvelles de
l'engagement politique qui doivent peu aux pesanteurs du passé, c'est en
priorité dans les discours de ces militants qu'il faut les chercher.
Le sentiment d'impuissance face à des logiques
présentées comme implacables ( la crise, le libéralisme,
la mondialisation, l'intégration européenne), semble avoir
alimenté une certaine frustration chez ces individus. Paradoxalement,
alors que l'objectif du discours des gouvernements de droite sur le
caractère inéluctable des évolutions politiques et
sociales françaises24(*) était sans doute de faire taire toute
contestation, il a précisément alimenté un regain
d'intérêt pour l'engagement politique protestataire. L'engagement
d'individus ne s'étant jamais engagés auparavant nous
paraît donc être une réaction à un sentiment
d'impuissance. Reste à comprendre pourquoi celui-ci a lieu dans
ATTAC.
Un mouvement non partisan et citoyen
Il paraît donc intéressant de s'interroger sur
les raisons particulières qui ont amené ces militants à
ATTAC. Il apparaît en premier lieu que le fait qu'ATTAC ne soit pas une
structure partisane est l'argument central du choix des militants. Ceci
renforce l'impression de discrédit des partis politiques. L'action dans
un parti semble hypothéquée par les échéances
électorales et les stratégies mises en oeuvre. Surtout, c'est la
question du pouvoir qui apparaît gênante. Les partis ayant pour
objectif premier de mener des personnes au pouvoir, les luttes de pouvoir entre
individus semblent l'emporter sur les objectifs de départ. Le fait
qu'ATTAC se situe hors de la compétition électorale est un
élément rassurant pour les nouveaux militants et semble beaucoup
y faciliter l'engagement. Le fait qu'il s'agisse d'une association est donc un
élément important pour expliquer le succès d'ATTAC
auprès de cette catégorie de militants.
Au-delà de la question du pouvoir, la forme associative
permet à ATTAC un positionnement politique et un choix de thèmes
qui semblent pallier les défauts des partis politiques. Au niveau du
positionnement politique d'abord. L'élément central étant
le fragile équilibre réalisé par ATTAC entre des
propositions concrètes et un certain idéalisme. Le fait que
l'association ne doive pas être confrontée à la
réalité de l'exercice du pouvoir lui donne une certaine marge de
manoeuvre qui est appréciée. Ainsi, un juste milieu est
trouvé entre le réalisme d'un parti socialiste gestionnaire qui
ne fait plus rêver et la phraséologie dépassée des
partis d'extrême gauche. En liant l'aspect sérieux et
technique25(*) à
une certaine légèreté (puisque c'est à d'autres de
mettre en place leurs propositions), ATTAC suscite un espoir mesuré mais
réel.
Le fait qu'ATTAC échappe à la temporalité
des partis politiques, soumis au couperet régulier des élections,
et qu'elle ne soit pas non plus circonscrite aux thèmes du débat
national est également important. Ainsi, alors que la mondialisation ou
l'Europe n'apparaissent dans les partis politiques que comme des
fatalités auxquelles la société française doit se
plier en se réformant, elles forment dans ATTAC le centre du discours.
ATTAC vient donc parler des sujets absents du débat politique ordinaire.
En se dotant d'une dimension internationale, principalement, ATTAC
représente quelque chose de nouveau dans le paysage politique
français, se démarquant bien de partis politiques raisonnant
uniquement au niveau national.
ATTAC, si elle s'éloigne du monde partisan, s'inscrit
dans une logique « citoyenne » qui, bien que le mouvement
soit tout sauf apolitique, donne à l'association une image de
neutralité. En proposant dès le début de
« redonner des marges de manoeuvre aux citoyens »,
ATTAC s'affiche clairement comme une réponse au sentiment d'impuissance
face à des enjeux comme la mondialisation. Elle répond donc
parfaitement aux préoccupations des militants concernés. L'action
citoyenne, à l'opposé de l'action partisane, doit permettre
d'agir dans l'intérêt général, souci qui semble
avoir disparu des préoccupations des politiques. Enfin, la
nouveauté de l'association les encourage à y adhérer.
C'est un mouvement vierge et sans histoire qui se présente à eux.
Ils échappent donc au poids des traditions et aux orientations
« historiques » du mouvement qu'il aurait fallu
intégrer dans une organisation plus ancienne.
Un autre facteur semble avoir facilité leur engagement
politique. Celui-ci semble répondre pour certains à un souci
d'intégration sociale. C'est ici un refus du repli sur soi qui s'incarne
dans l'engagement dans ATTAC, et ceci à un double niveau : il
s'agit effectivement de « se réapproprier collectivement
l'avenir du monde » mais aussi de développer des liens sociaux
inter-individuels au niveau local. L'aspect local de l'association est donc
capital. Il s'agit de faire vivre collectivement la cité, de
s'intéresser et d'agir collectivement sur des problèmes communs
au niveau local. Ici aussi, la dimension citoyenne est soulignée.
L'engagement peut donc répondre à un besoin
d'action sociale. Se sentir utile apparaît comme une priorité,
comme en témoignent les discours des militants qui soulignent
l'importance du « sentiment d'avoir un minimum d'utilité
», « de faire avancer les choses ». Au
niveau de leur identité, l'engagement dans un mouvement politique permet
aux militants de trouver leur place, de se réaliser dans la
participation à une entreprise collective26(*). L'impression de reprendre la
parole et l'initiative, de ne plus seulement subir, est également
très présente :
« on remarque qu'en fin de compte... moi, je
croyais qu'on était tous endormis chacun devant son
téléviseur à regarder les informations et de les subir et
qu'il est possible des fois de les... d'agir et de provoquer... et provoquer
les informations. »27(*)
L'engagement dans ATTAC est ressenti comme une reprise en
main, « une pilule contre la résignation »
dans un contexte de désintérêt croissant pour la politique
et de perte de confiance dans l'efficacité de l'engagement. Essayer
malgré tout d'agir à son niveau suscite donc une certaine
fierté pour les militants. D'autant plus que malgré un engouement
réel et des coups médiatiques réussis, les
résultats concrets obtenus par l'association en 6 ans sont
quasi-inexistants28(*).
Les nouveaux militants forment donc une catégorie
hétérogène entre ceux qui recherchaient une structure ou
avaient déjà eu quelques engagements épisodique et ceux
qui ont juste profité de l'occasion. S'il est possible de dégager
des logiques communes à ces membres, c'est plus au niveau de la
perception du monde politique et des caractéristiques de l'association.
Ne se sentant pas représentés politiquement et montrant
d'ailleurs une grande méfiance à l'égard des partis
politiques, ils trouvent dans la forme associative de l'association un gage de
qualité. Etant sensibles aux enjeux de société
posés par le mouvement social de 95, ils trouvent dans les thèmes
d'ATTAC de quoi les satisfaire.
A. Le réengagement dans ATTAC
Dans un second temps, nous allons donc nous intéresser
aux individus qui ont déjà connu un ou plusieurs engagements mais
qui s'étaient retirés du monde militant. Déçus par
leurs engagements précédents, ceux-ci connaissent
réellement ce qu'on peut appeler des parcours militants. Ceux-ci sont
caractérisés par des phases de rétraction et d'extension
de leurs engagements. Il est utile de se demander ici quels sont ces parcours,
dans quelles organisations ils ont précédemment milité. Il
s'agira de comprendre comment ils ont vécu, parfois de
l'intérieur, le déclin des organisations politiques
traditionnelles. En nous intéressant aux raisons qui les ont
amenés à s'engager dans ATTAC, nous pourrons mieux distinguer ce
qui différencie l'association des organisations politiques
traditionnelles.
Les types de parcours
Les militants réengagés représentent le
quart des militants interrogés dans le cadre de ce mémoire (4 sur
17). Dans cette catégorie aussi, il est difficile de trouver une
unité. Force est de constater que les anciens militants ont des parcours
politiques très variés. C'est d'un large spectre d'organisations
que sont originaires ces réengagés. Tout d'abord, il faut dire
qu'ils ne sont pas tous entrés dans le monde politique au même
moment. Ils appartiennent à des générations militantes
différentes. Le moment particulier de leur entrée en politique
influe évidemment sur leur perception de l'engagement politique et sur
les organisations desquelles ils sont originaires.
Ainsi, on trouve pêle-mêle des individus
s'étant engagés en suivant le schéma classique de
l'engagement ouvrier au PC dans les années 70 (1 militant, entretien 2),
d'autres s'étant engagés dans le sillage du PS (1 militant,
entretien 17) d'autres encore commençant à militer à
l'université dans les années 80 ( 1 militante, entretien 1 et 19)
ou au lycée (entretien 4) dans des mouvements d'extrême
gauche29(*). Les
déterminants de l'engagement sont très variables selon la
période d'entrée dans le militantisme, l'origine sociale ou
l'histoire personnelle. Ainsi, si le militantisme est naturel pour R (entretien
2), qui a grandi dans une famille ouvrière militant au PC, et qu'il suit
un chemin classique de l'usine au syndicat et du syndicat au parti, il
apparaît déterminé par des évènements
particuliers comme les réformes Devaquet (entretien 19) ou la guerre
d'Algérie (entretien 17) pour d'autres.
Les trois quarts de ces militants recherchent depuis quelques
années des structures alternatives pour s'engager. Avec plus ou moins
d'application et malgré un ou plusieurs engagements décevants et
des phases de retrait de la vie associative, ces militants restent fortement
revendicatifs et en recherche d'autres mouvements30(*). Trois des quatre militants
interrogés ont en effet fréquenté d'autres mouvements ou
collectifs avant d'intégrer ATTAC.
D'une manière générale, le
réengagement dans ATTAC peut être expliqué par des
dispositions subjectives et objectives, impliquées par des parcours
particuliers. Une analyse en termes de « carrière »
comme l'a développé H. Becker31(*) , dans son étude sur les déviances,
permet en effet de considérer l'engagement du point de vue du sens que
les agents sociaux donnent à leur évolution personnelle.
Appliquée à l'étude du militantisme, comme l'explique
Olivier Fillieule, « la notion de carrière permet de
comprendre comment, à chaque étape de la biographie, les
attitudes et les comportements sont déterminés par les attitudes
et comportements passés et conditionnent à leur tour le champ des
possibles à venir, restituant ainsi les périodes d'engagement
dans l'ensemble du cycle de vie »32(*). Nous nous proposons donc ici
de considérer les différentes phases de leur vie militante comme
permettant et facilitant le retour au militantisme dans une structure
nouvelle.
Intéressons-nous d'abord à la propension
« subjective » au réengagement. Le cycle de vie de
ces militants est fortement marqué par des périodes de
rétraction et d'extension des engagements. Celles-ci correspondent
à une analyse par ces mêmes militants de la correspondance entre
eux et les différentes structures politiques possibles et de la
satisfaction qu'ils retirent de leur participation.
La rupture avec les organisations traditionnelles
découle d'une réflexion des militants sur leur engagement et d'un
repositionnement politique. Le constat d'échec des structures
traditionnelles d'action politique se double ici de la dimension individuelle
de l'expérience de la rupture. Reconstituons par exemple le discours de
R. qui illustre bien la démarche cognitive des militants
réengagés :
« J'ai commencé de façon classique
. Bon, j'ai commencé à travailler à quatorze ans donc
j'étais au syndicat à l'usine... et bon après
j'étais au PC... et après j'ai quitté le PC quoi, j'ai
fait le truc classique, je voulais rénover la gauche »
...
« Oui, je sais pas, je pense qu'à partir
d'un certain moment, ça se délitait et ils trouvaient pas... Ils
s'occupaient pas d'écologie alors que il y a 20 ans... j'étais
antimilitariste alors que le PC m'a dit qu'il valait mieux aller à
l'armée et bon ça m'a pas plu, quoi. J'étais pas en phase
avec le mouvement populaire quoi... Si le PC m'avait suivi, peut-être
qu'aujourd'hui, il remplacerait les Verts. Bon, j'ai décidé de
quitter le PC. »
...
« J'ai suivi enfin, j'étais un peu
attiré vers l'extrême gauche mais bon, je veux dire,
c'était pas ma bière non plus tout ce qui se faisait quoi. Les
Verts m'ont toujours été sympathiques mais aussi longtemps qu'ils
étaient pas... qu'ils étaient tellement neutres...oui et il y
avait tout un côté que je trouvais... ils s'occupaient que
d'écologie alors... »
...
« J'ai pu rejoindre les Verts que lorsqu'ils ont
vraiment rompu avec tout ça, qu'ils ont rejoint la gauche,
quoi. »
...
« C'est une suite logique je pense, je crois
qu'il y a plein de gens qui ont fait le même parcours que moi. Arriver
chez les Verts ou dans des mouvements similaires ou ATTAC, quoi. Les partis
politiques sont un peu à bout, quoi. D'ailleurs je pense même
remplacer la gauche plus tard. La vraie gauche c'est nous, je pense que c'est
les gens comme ATTAC. »
...
« Dès que j'ai entendu parler d'ATTAC,
j'ai su que c'était quelque chose de valable, que je recherchais,
c'était une suite logique de mon engagement. »33(*)
En reconstituant le parcours de R., on voit qu'il repense son
évolution militante comme allant de soi. Bien évidemment, c'est
une vision a posteriori alors qu'il connaît toutes les étapes de
son engagement, mais elle n'en est pas moins intéressante car elle fait
apparaître les différentes étapes du cycle de vie militante
ainsi que les questions que se posent les acteurs et les réponses qu'ils
y trouvent.
Ici, le discours est marqué par un rejet des partis
traditionnels et l'évolution dans les différents mouvements est
vécue comme un dépassement (« j'ai l'impression
qu'ils vont plus loin que la militance que je faisais avant »),
un progrès vers un militantisme plus complet et des revendications plus
en accord avec les idées de ces militants. Ces militants sont donc dans
un schéma de pensée de recherche et de comparaison. De plus, la
rupture les détache d'une structure particulière. Ce n'est pas la
victoire d'un groupe qui est désirée mais le fait de
défendre ses idées dans une structure réellement
« de gauche ».
D'une manière matérielle, ces militants sont
également dans des situations qui favorisent le réengagement. La
rupture avec les organisations précédentes dénotant, outre
une certaine frustration, un acte définitif, puisque au-delà d'un
retrait des responsabilités exercées ou du cercle des militants
actifs, c'est un retrait total sur le mode actif qui a lieu (les individus
quittent le mouvement). A travers cet acte, c'est également tout un
monde, des relations ou amis, des cercles de sociabilités qui
disparaissent et rendent difficile un retour à ce milieu34(*).
Le désengagement va permettre à ces acteurs de
voir de l'extérieur le monde militant, en ayant tout d'abord le temps de
le faire. Cette disponibilité biographique et l'abandon progressif des
pressions et jugements de valeur inhérents à leurs anciennes
organisations rendent l'individu disponible pour une redéfinition de soi
en tant que militant.
Nous pouvons établir que dans le cas de ces militants,
la rupture ne se fait pas au profit d'une autre organisation et que dans une
première période du moins, ils sont libres de toute attache. La
recherche d'une autre organisation ne se fait pas avant de quitter l'ancienne
comme on cherche un appartement ou un travail avant de quitter l'ancien. Bien
sûr, ceci tient au fait qu'il n'est pas vital à proprement parler
d'être engagé politiquement, comme il peut être vital
socialement et économiquement d'avoir un travail ou un logement.
Cependant, ce désengagement va engendrer une recherche d'un autre
militantisme, la politique, qu'elle soit volonté d'action ou
intérêt et réflexion, demeurant présente dans les
préoccupations de ces individus.
L'intérêt persistant pour la vie politique et
sociale illustre ceci, comme par exemple l'existence de certaines lectures
spécifiques à une certaine gauche indépendante des partis
politiques. La lecture du Monde Diplomatique dans lequel fut
exposée l'idée de départ d'ATTAC, où fut
décrite l'évolution du mouvement et où cette voie fut
vantée, revient souvent dans les réponses des individus sur la
façon dont ils ont connu l'association. Nous aurons l'occasion de
revenir sur ce point plus tard.
Ces individus connaissent souvent une phase de recherche d'une
autre structure et de réengagement partiel qui va permettre de nouer des
liens avec d'autres milieux et personnes et amener directement ou indirectement
à ATTAC. En effet, le côtoiement de divers cercles politiques dans
la gauche ou l'extrême gauche va mettre en relation avec des militants du
même type ou des réseaux de mouvements (trait assez marquant des
mouvements citoyens ou anti-mondialisation). La participation ponctuelle
à certains mouvements sociaux par exemple, va ouvrir des portes et faire
passer plus facilement de la sympathie à l'action. L. connaissait
déjà ATTAC par les médias et Le Monde
Diplomatique sans y adhérer, cette adhésion va être
facilitée par les liens que l'association avait déjà
noués autour d'elle :
« Ben, disons, le moment déclencheur,
c'est... avant, juste avant de venir dans ATTAC, j'avais eu des contacts avec
le collectif contre l'AMI, l'accord multilatéral sur l'investissement,
donc il a lié beaucoup de liens avec ATTAC et c'est à ce moment
que j'ai décidé d'entrer dans ATTAC... »35(*)
Ou plus simplement, les connaissances faites dans le cadre de
participations ponctuelles ou de la fréquentation d'un certain milieu
politisé, rend plus probable de rencontrer des
« déjà membres » d'ATTAC, autre fait
facilitant une prise de contact avec le mouvement.
Ceci nous permet de souligner le fait que cette
adhésion à ATTAC se fasse dans le cadre d'une dynamique de
réengagement aussi bien politique qu'associatif (Entretien
4 : « Disons que j'ai commencé à
re-militer à partir de pas mal d'associations »),
à une période donc, où l'idée de se
réinvestir dans l'espace militant est présente.
En plus de cette multiplicité des liens
créés et du réveil de l'activité associative, il
faut dire que ces militants sont disponibles pour ce nouvel engagement. D'un
point de vue professionnel, deux sont professeurs et une prépare des
concours administratifs, ce qui leur laisse assez de temps de libre à
consacrer à un engagement politique. Nous avons dit également
plus haut que ce retour à l'engagement se fait lors de mouvements
ponctuels ( ex : mobilisation contre l'AMI36(*)) ou dans des structures qui n'apportent pas
entière satisfaction. Soit l'engagement est matériellement peu
intense et se limite au fait d'avoir la carte, soit il est
idéologiquement insatisfaisant car trop éloigné des
revendications individuelles, ou incomplet. Ces militants sont donc disponibles
en terme de temps à investir pour un nouvel engagement.
D'ailleurs ces militants sont souvent présents
dès les premières réunions précédant la
création du comité local de l'association et s'y engagent ensuite
très rapidement : « je pense que quand on a le nez au
vent, c'est pas la peine de chercher, les odeurs viennent toutes
seules »37(*). Le succès rapide de l'association en
termes d'adhésions s'explique donc par le fait que ces militants
étaient dans l'attente d'une opportunité intéressante pour
retrouver un engagement constant et qu'ils étaient parfaitement au
courant de ce qui se faisait en matière d'action et d'engagement et donc
d'offre politique.
Perception du monde politique
Alors que les nouveaux militants considèrent les partis
de l'oeil de l'électeur insatisfait, les anciens militants qui se
réengagent peuvent enrichir la vision de leur expérience
militante passée. Ainsi, c'est surtout le fonctionnement des ces
formations qui est critiqué. En premier lieu, le manque de
débats, la ligne édictée par les Etats-majors et la
docilité attendue du militant :
« La politique dite du «château«
quoi. On décide en haut et les porteurs d'eau n'étaient plus
tellement écoutés ou sinon exécutés comme porteurs
de mauvaises nouvelles, quoi. »38(*)
L'absence de débat politique de fond est
regrettée et le militant n'est finalement qu'un exécutant. Ce
militantisme classique, où l'on se dévoue pour une cause
définie dans les hautes sphères de l'organisation, où l'on
photocopie, tracte, affiche, manifeste mais en retirant peu de satisfactions
personnelles ou sans pouvoir orienter le mouvement est rejeté. Ceci
correspond bien aux évolutions de l'engagement décrites par
Jacques Ion39(*). Celui-ci
souligne effectivement que, non seulement la dimension sacrificielle et aveugle
de l'engagement est remise en cause, mais que les militants ne se contentent
plus d'assumer des rôles assignés par l'organisation. Les
groupements seraient aujourd'hui plus à même de s'ouvrir aux
souhaits des militants et de valoriser leurs compétences
particulières.
Il ressort de ces expériences malheureuses une
certaine frustration et un rapport ambivalent à l'organisation
d'origine. S'il n'est pas question de revenir dans ces partis, le souhait
d'infléchir leurs orientations, de leur « montrer la
voie » reste présent.
Au-delà du fonctionnement, les partis apparaissent
également comme dépassés sur certains points. Ils
n'auraient pas su, par exemple, s'adapter aux changements de la
société ou des enjeux politiques :
« Ben, c'est à dire que le monde change.
Dans mon cas personnel, moi j'étais rocardien quand j'étais au PS
et je ne peux pas une seconde nier qu'un type comme Rocard ou Delors ont fait
avancer les choses. Simplement ces vieux messieurs n'ont pas compris une chose
à mon avis c'est que depuis que le mur de Berlin est tombé,
depuis que l'ennemi soviétique a disparu, le monde a changé, il y
a eu un courant d'air dévastateur de néo-libéralisme. On
sait très bien, les études sont assez sérieuses sur
l'état d'esprit et les manigances à la commission de Bruxelles,
c'est le néo-libéralisme qui est pratiquement sous-jacent
à la constitution qu'on nous propose. Et ces gens-là qui se sont
toujours battus pour faire avancer l'Europe continuent de le faire mais il
faudrait changer de discours, ils ne peuvent plus dire ce qu'il disaient il y a
dix ans. Or c'est ce qu'ils font. Alors avec tout le respect que je leur dois
je ne peux pas me solidariser avec ces gens-là. Dieu sait si Rocard a
fait avancer les choses, à mon avis il avait créé un
état d'esprit, Delors est un type superbement intelligent et courageux,
la question n'est pas là, en plus ce sont des gens propres. J'ai
l'impression que ce sont des vieux. Ils ont pas vu que le monde avait
changé. »40(*)
Ainsi, les partis apparaissent dépassés sur
certains thèmes et n'ont pas su trouver les réponses aux
angoisses exprimées à l'hiver 95. Le mouvement social de
Novembre-Décembre 95 a effectivement eu une importance capitale dans la
formulation des thématiques altermondialistes. Bien que la plupart de
celles-ci aient existé de manière floue et disparate avant 95, le
mouvement social a permis de cristalliser et de formuler un ensemble paradigmes
tournant autour de la « mondialisation
néo-libérale »41(*) qui ont été repris et
développés par les mouvements altermondialistes et notamment par
ATTAC.
Ni sur le libéralisme, ni sur l'Europe ou la
mondialisation, le PS n'a su s'imposer. Le PC quant à lui a trop
longtemps hésité à changer sa vision du monde, à
s'ouvrir aux thèmes émergés dans les années 70
comme l'écologie. Les Verts ne présentent pas non plus de projet
de société et sortent décrédibilisés de leur
participation à la gauche plurielle. Comme pour les nouveaux militants,
c'est le constat d'une « gauche introuvable » qui est
esquissé et qui explique un sentiment de manque. Manque auquel ATTAC, en
modifiant « la structure des opportunités
politiques », représentera une réponse satisfaisante
puisqu'ils trouveront dans le fonctionnement et les thèmes d'ATTAC les
conditions qu'ils attendaient pour s'engager.
Un mouvement souple et ouvert au débat
Bien que ces militants aient été prêts
à se réengager, cela n'explique pas de manière automatique
qu'ils le fassent dans ATTAC. L'explication de ce choix se trouve dans
certaines caractéristiques de l'association.
Le premier point qui attire ces militants chevronnés en
rupture avec le fonctionnement pyramidal et unilatéral des partis ou des
organisations dans lesquels ils avaient milité tient à la
formation et au fonctionnement d'ATTAC.
Il faut noter qu'ATTAC se fonde à Strasbourg comme dans
d'autres villes sans qu'on sache réellement ce qu'est ATTAC ni quel
rôle jouera l'association locale. En intégrant l'association
dès le début, il était justement possible d'influer sur
son développement, de s'engager dans une structure où tout
était à faire, à mettre en place. L'indépendance
vis-à-vis de l'association nationale42(*) éloignait le spectre de l'Etat-major tout
puissant ce qui ne pouvait que réjouir des militants souhaitant ne plus
être de simples exécutants. L'absence de parole d'appareil dans
l'organisation a pu finir de rassurer les plus méfiants. Ayant
l'expérience de la dissidence, ils trouvent dans la liberté de
parole qui existe au sein d'ATTAC une certaine sécurité.
Reprochant à leurs organisations d'origine le peu de
débats internes, ils ne peuvent qu'être satisfaits par une
association visant à produire du débat. En effet, une grande
partie du travail effectué, notamment au début, l'était
par des groupes de réflexion ou des commissions thématiques.
Ainsi, ils trouvent dans ATTAC un militantisme qui leur apporte une formation,
l'accès au savoir. Si ce savoir est mis au service de l'association par
la suite, il reste une forme de « rétribution » non
négligeable de l'engagement. La mission d'éducation populaire de
l'association permet également de renouveler leurs pratiques et
d'étoffer leurs répertoires d'actions.
Au niveau des thèmes de l'association, ces militants
sont satisfaits par la modernité et la variété des
thèmes. En effet, les thèmes développés par ATTAC
sont une réponse aux angoisses des années 90 sur l'avenir. Le
tournant néo-libéral des politiques économiques, la toute
puissance des marchés, l'avenir du service public, la qualité de
la vie, autant de thèmes directement en rapport avec des
inquiétudes récentes des citoyens. Sans proposer de projet de
société global, ATTAC est néanmoins présente
dès le début sur de nombreux thèmes et leur nombre va
croissant. De l'écologie à l'économie, de la
solidarité internationale au social, il y de quoi combler les manques
des organisations politiques traditionnelles.
Le renouvellement du vocabulaire utilisé, s'il ne
permet pas forcément de trouver des solutions, donne toutefois
l'impression d'un changement de perspectives par rapport aux partis politiques
ou aux anciens cadres de perception des réalités politiques,
économiques et sociales.
Les militants qui se réengagent, malgré la
diversité de leurs parcours sont donc unis derrière de
mêmes constats. Déçus par l'absence de débats et
l'aspect pyramidal des organisations politiques traditionnelles, ils trouvent
dans la modernité, l'ouverture d'ATTAC et son fonctionnement les
qualités qu'ils recherchent dans un mouvement politique. Si leur
ré-engagement est facilité par leur disponibilité et leur
intérêt persistant à la politique, le fait qu'ATTAC semble
tirer les leçons de la déchéance des partis politiques
comme structures militantes, est un élément central de leur
retour au politique.
B. Les militants qui se sur-engagent
Il existe effectivement au sein d'ATTAC une autre
catégorie de militants qui suivent une logique particulière
d'engagement. C'est, dans notre échantillon la plus petite
catégorie, seulement deux militants en font partie. Ces militants sont
déjà engagés dans d'autres organisations traditionnelles
(partis, syndicats, associations) mais trouvent dans ATTAC un engagement
supplémentaire. Cette catégorie illustre bien le renouveau
militant apparu dans la dernière décennie. Face
« à la fermeture des groupes et à
l'exclusivité militante jusqu'aux années 70 s'opposent
aujourd'hui le fonctionnement en réseau et les engagements
pluriels »43(*). Nous allons nous intéresser aux raisons qui
les poussent à se sur-engager et aux facteurs qui les amènent
à s'engager dans une structure comme ATTAC.
Une insuffisance de l'engagement traditionnel
La multiplicité des engagements traduit chez les
militants le même sentiment d'insuffisance de l'action politique
traditionnelle que pour les autres catégories de militants. L'engagement
dans ATTAC relèverait ici d'une recherche d'un militantisme plus
complet. Ceci renforce l'idée de difficulté de trouver un
engagement satisfaisant dans une structure traditionnelle. Bien que ces
militants conservent leurs engagements, ils en ont néanmoins une vision
critique.
A est membre d'ATTAC et milite à la LCR (Ligue
Communiste révolutionnaire), il est également représentant
syndical à la CGT :
« Non, on est jamais satisfait. Si je vous dis
que je suis à la CGT par dépit... je peux dire la même
chose pour le reste parce qu'on veut toujours faire plus et toujours aller plus
loin. Non, mes engagements associatifs ou politiques sont... sont dans des
structures que j'estime être à minima dans ce que j'attendais,
c'est à moi de les faire aussi progresser et
avancer. »[...]
« Je pense qu'il y a une grave faillite du
politique, une insuffisance du syndicalisme et qu'une association comme ATTAC a
montré ses preuves, qu'elle pouvait, ben, qu'elle pouvait faire un
certain nombre de choses. Participer à des mouvements citoyens, que ce
soit à Millau, que ce soit à Seattle, que ce soit à
Bruxelles, de participer à un certain nombre de ces mouvements et qu'on
était capable, là, d'interpeller le politique et d'interpeller la
société toute entière. »
C'est ici l'idée de complémentarité
entre les différents engagements qui est soulignée. L'engagement
politique et syndical, même s'il demeure présent, est jugé
incomplet et ce constat permet une recherche et une réceptivité
accrue des idées ou des formes de militantisme nouvelles. Ici, ATTAC
n'apparaît pas comme une concurrente mais comme le moyen d'aller plus
loin et d'ajouter une facette à son engagement.
Le sentiment d'une insuffisance des structures traditionnelles
place donc ces militants dans une disposition d'esprit propre à leur
faire éprouver un certain intérêt pour une nouvelle forme
d'action qui se démarque de l'action partisane ou syndicale.
Une forte transitivité des militants
Il nous semble que la connivence existant entre
différentes organisations et ATTAC peut favoriser la
« transitivité » des militants vers cette nouvelle
association44(*). Le fait
qu'un mouvement soit un membre fondateur d'ATTAC ou un adhérant de
celle-ci nous paraît être de nature à favoriser le passage
d'un militant de ce mouvement à ATTAC. La fréquence de la
présence dans les rangs d'ATTAC d'individus membres du Syndicat SUD
(Trois militants sur les 6 syndiqués font partie de SUD) ou de la LCR
(deux militants) va dans ce sens. Qu'il s'agisse de conférences, de
manifestations ou d'évènements plus importants, le milieu
altermondialiste est organisé comme un réseau de
coopération entre groupements politiques45(*). Ceci apparaît clairement comme une
stratégie des mouvements politiques pour pallier l'éclatement des
thèmes de luttes et à la petitesse des organisations (surtout
dans les petites villes et notamment en Alsace où il y a certainement
plus d'élus de droite que de militants de gauche...). Il existe donc une
entraide entre les organisations qui facilite le brassage des
militants :
« Ben, c'est dans le monde associatif,
alter-mondialiste, on va dire, c'est « tu viens à ma manif, je
vais à la tienne ». C'est un échange de bons
procédés. J'annonce que la manif aura lieu tel jour, telle heure,
et j'invite les membres à y aller s'ils ont envie d'y aller et
voilà. »46(*)
C'est en partie pourquoi, dans ce cas, ATTAC n'apparaît
pas comme une concurrente aux autres engagements. Le plus souvent, il s'agira
d'un engagement supplémentaire et non d'un changement de mouvement. De
plus, les liens tissés par ATTAC avec d'autres mouvements et
associations dans les débuts de son existence et depuis, nous paraissent
également jouer un rôle dans la dynamique d'adhésions qui a
marqué le mouvement. La collaboration d'ATTAC et de ses comités
locaux avec des collectifs (collectif contre l'AMI par exemple) ou dans des
manifestations d'initiatives diverses (confédération paysanne)
nous paraît avoir facilité sa croissance.
Mais la création d'ATTAC par un réseau
d'associations ou de groupements n'explique pas, seule, les dynamiques de
sur-engagement. Dans le cadre d'une accumulation d'engagements politiques,
syndicaux et associatifs, l'action politique de base permet de côtoyer
d'autres mouvements. C'est l'action dans un parti ou un syndicat qui va
permettre (par le truchement de réseaux, de collectifs ou de liens
personnels établis à travers l'action militante) la prise de
contact avec ce type d'associations. La prise de contact est donc aussi
favorisée par l'activité militante passée et
présente.
Finalement, devant les difficultés des mouvements
à renouveler l'action politique, ce sont les militants qui tentent,
à travers de multiples participations, de lui redonner un sens. En
tentant de dépasser les cloisonnements qui existent entre action
politique, syndicale et associative, ces militants tentent de construire
eux-mêmes les nouveaux cadres de l'engagement politique.
L'émergence de cet aspect individuel des réseaux
a été décrit par Jacques Ion, pour qui la nature des
réseaux tend à se modifier. Il affirme que « ce
n'est plus le réseau de groupements qui constitue le cadre de
l'engagement, c'est au contraire de plus en plus les individus eux-même
qui créent des réseaux. »47(*) et confirme notre
hypothèse concernant les réseaux interindividuels :
« La transitivité des individus entre les divers
groupements accompagne ainsi l'apparition de réseaux qui ne tiennent, au
moins partiellement, leur existence que de la seule action des individus qui la
constituent. Bref, les réseaux ne sont plus des données
préexistantes à l'engagement, ils se dessinent au fur et à
mesure des implications croisées des engagements
individuels ».
Quoi qu'il en soit, on peut supposer qu'ATTAC n'aurait pas
connu une telle vague d'adhésion sans le rôle joué par les
réseaux d'organisations et les réseaux interindividuels.
Formation militante et nouvelles stratégies
Si le sur-engagement dans ATTAC est facilité par
l'insuffisance des structures traditionnelles et par l'existence des
réseaux, on peut trouver dans les caractéristiques d'ATTAC des
aspects attirant particulièrement ces militants.
Premièrement, il faut considérer que les
organisations traditionnelles dont sont issus ces militants peuvent tarder
à se remettre en question sur les certains thèmes ou sur des
stratégies politiques48(*) . La possibilité de débattre, pour les
militants, au sein de leurs organisations peut également être
beaucoup moins étendue que dans une association comme ATTAC. S'y engager
peut donc permettre à ces militants de mener leur propre
réflexion sur les modalités d'une reprise en main
citoyenne :
« Je suis représentant du personnel
(CGT)... au niveau national. Bon, les problèmes de fond
m'intéressent et j'y suis confronté... Mais dans le cadre d'une
structure rigide, je recherchais d'ATTAC autre chose, justement. Ce
débat d'idée plus ouvert. »49(*)
L'accès à l'information y est beaucoup plus
facile que dans d'autres structures et l'engagement en son sein peut sembler
plus « profitable » aux militants. L'engagement dans ATTAC
peut donc permettre à ces militants de renouveler leur répertoire
d'action, d'ajouter des facettes à leur engagement et de s'enrichir
(culturellement) personnellement. L'engagement dans ATTAC apparaît comme
une formation complémentaire.
Ensuite, au point de vue de l'efficacité politique
escomptée, ATTAC leur apparaît être quelque chose
d'attractif. En effet, ces militants ont le sentiment que l'horizon politique
est bouché et que l'action partisane et l'action syndicale ont
désormais une efficacité limitée. Dans ce cadre,
l'approche originale d'ATTAC qui tente de nouvelles stratégies
politiques allant de l'éducation populaire au lobbying politique leur
paraît intéressante. Dans la lutte contre le libéralisme,
toutes les formes d'actions sont bonnes pour tenter d'enrayer le
système. Le positionnement d'ATTAC hors de la sphère
électorale et hors de celle du travail laisse entrevoir des types
d'actions originaux en sortant des traditionnelles campagnes électorales
ou mouvements de grève dont l'efficacité décline. De plus,
en sortant du carcan des partis et syndicats, l'association semble ouvrir
d'autres perspectives critiques et ré-ouvrir le champ des possibles.
Enfin, la globalité de la critique d'ATTAC leur
paraît intéressante. A travers le néo-libéralisme,
ATTAC peut faire le lien entre des combats divers et des thèmes
variés. Alors que le combat syndical reste limité à la
défense des conditions de travail et à la préservation des
acquis sociaux, donc dans une posture défensive, ATTAC peut faire le
lien entre la dégradation des conditions sociales et la
« logique néo-libérale » qui est la cause de
la casse des systèmes sociaux. L'association peut relier la
défense de l'emploi à la critique des délocalisations.
Quand les partis politiques sont limités à des thèmes de
politique intérieure, ATTAC réussit à lier les
problèmes nationaux au thème de la mondialisation. L'action dans
ATTAC peut donc permettre d'articuler différents combats, d'ajouter une
dimension offensive et revendicative à une posture défensive.
Le rythme de l'engagement est également
différent dans une association que dans un parti, soumis aux
échéances électorales, ou un syndicat qui évolue au
fil des luttes et des réformes. A ce titre, l'action dans ATTAC, bien
qu'elle soit tributaire de l'actualité et des luttes sociales, peut
revêtir une dimension de long terme. Le travail d'éducation
populaire ou de sensibilisation aux thèmes de l'association ne peut
effectivement se concevoir que comme une tâche de longue haleine.
Enfin, ces militants souffrant avant tout, dans le cadre de
leur action politique ou syndicale, de la baisse de l'engagement, l'objectif
d'ATTAC de combattre le découragement et de ramener les individus
à l'action politique ne peut que les satisfaire. Leur engagement dans
ATTAC peut donc leur permettre d'alimenter une conflictualité sociale
dont le déclin rendait moins efficace leur engagement politique.
Ces militants sur-engagés, bien qu'originaires
d'organisations différentes partagent donc la conscience de
l'insuffisance de leur engagement politique ou syndical. Leur sur-engagement
est facilité par l'existence et la multiplication des réseaux de
groupements et des réseaux individuels mais est déterminé
par la forme originale de l'association qui adopte des stratégies
nouvelles.
Cette première sous partie nous a donc permis de
dégager trois types de militants. Revenons rapidement sur chacun d'entre
eux. Les nouveaux militants sont mus par un fort rejet des partis politiques
par lesquels ils ne se sentent pas représentés. Ils voient dans
ATTAC une construction originale qui peut leur permettre de reprendre la parole
en tant que citoyens face à l'impression que tout est perdu. La
réussite d'ATTAC pour capter ce potentiel militant fort critique a
principalement résidé dans sa forme associative et ses
thèmes.
Les anciens militants réengagés viennent
d'horizons politique très divers au sein de la gauche française.
Ils partagent cependant une grande méfiance vis-à-vis des
structures qu'ils ont fréquenté et qui veulent goûter
à un militantisme plus libre, où ils ne seront plus les derniers
maillons de la chaîne. Leurs parcours militants les ont conduit à
des postures facilitant le retour au militantisme. Cependant, leur engagement
dans ATTAC semble fortement déterminé par la nouveauté des
thèmes et le fonctionnement décentralisé qui pourront leur
permettre de dépasser leurs engagements précédents.
Enfin, les militants sur-engagés suivent une logique
encore différente puisqu'ils comptent sur ATTAC pour compléter
leur engagement. Amenés à fréquenter l'association par le
truchement de leurs autres engagements, ils trouvent dans la stratégie
hybride de l'association la nouveauté qu'ils recherchent. Chaque
catégorie emprunte des voies particulières et s'engage donc selon
des logiques qui lui sont propres. Les militants investissent leur engagement
dans ATTAC d'un sens différent selon qu'ils entrent, retournent ou
demeurent dans le monde militant. Ces logiques diverses d'entrée dans
l'association montrent que celle-ci a su avoir un discours suffisamment large
et général pour correspondre à des logiques diverses. Elle
montre en tout cas que les principes de base du mouvement correspondent
à des manières de voir qui ne sont pas déterminées
par des attaches ou des parcours politiques particuliers. La diversité
des sensibilités politiques des membres que nous allons analyser
maintenant renforce cette idée.
II. La diversité des sensibilités
politiques
Le deuxième facteur apparent de diversité chez
les militants d'ATTAC concerne leur rapport à la politique, leur
sensibilité. Ce point nous paraît être d'une importance
particulière car l'existence dans une même organisation politique
d'individus ayant des manières différentes de voir le monde et
des objectifs politiques divers est peu ordinaire. D'ordinaire, c'est justement
un même état d'esprit qui lie les militants. Nous avons vu qu'ils
ont des parcours différents et qu'ils connaissent des logiques
d'engagement variables en fonction de leur génération ou des
organisations dans lesquelles ils se sont précédemment
engagés. Alors que les différences évoquées dans la
première sous-partie sont des différences objectives, celles qui
vont nous intéresser maintenant sont plus de l'ordre du subjectif.
Dans un premier temps, nous allons voir que les militants sont
issus de diverses cultures politiques. En fonction de leur parcours, ils
utilisent des vocabulaires différents et adoptent des positions
politiques différentes. Selon les traditions politiques dont ils se
réclament, ils adoptent également un rapport différent
vis-à-vis des idéologies.
Il est possible de déceler également de
multiples sensibilités politiques. Dans leurs rapports aux partis
politiques en général ou à un parti en particulier, les
militants dressent un tableau très varié. Celui-ci est
renforcé par la variation des thèmes de prédilection d'un
militant à l'autre. Nous verrons comment cette diversité de
sensibilités politiques est perçue par les membres.
Enfin, nous nous intéresserons aux déterminants
de l'engagement pour voir qu'il existe des différences sensibles dans ce
qui motive les militants à s'engager.
A. Un grand panel de cultures politiques
La variété des parcours individuels et des
périodes d'entrée en politique n'est pas sans
conséquences, nous l'avons vu, sur les perceptions du monde politique et
sur les attentes particulières des militants. Elle engendre
également de grandes différences de cultures politiques. Nous
entendons ici par culture politique « une sorte de code et un ensemble
de référents, formalisés au sein d'un parti ou plus
largement diffus au sein d'une famille et d'une tradition
politique ». Phénomène collectif,
« elle concerne au même moments des groupes entiers qui en
partagent les postulats, les grilles de lecture, les interprétations,
les propositions, qui utilisent les mêmes discours, se rangent
derrière les mêmes symboles, participent aux mêmes
rites » 50(*). Ainsi, en fonction de la période et des
cercles de sociabilité, les vocabulaires et les grilles de perception du
monde évoluent. Le rapport aux idéologies est également
différent d'un militant à l'autre et nous a semblé
intéressant à analyser.
Références et lexiques politiques
On considère habituellement que la culture politique
« forme l'assise de l'appartenance politique. C'est elle qui
conduit les citoyens à s'identifier quasi-instinctivement à un
groupe, à comprendre sans efforts son discours »51(*). Or, ATTAC apparaît
comme un mouvement dans lequel coexistent une multitude de cultures politiques.
En premier lieu, il existe de grandes variations dans la connaissance de
l'histoire politique et sociale française. Alors que les militants les
plus âgés qui connaissent des parcours politiques long peuvent
s'appuyer sur de nombreuses références en la matière, une
partie des nouveaux militants, notamment ceux issus de familles peu
politisées, est totalement étrangère à cette
histoire. Alors que les anciens militants ont connu, de l'intérieur des
mouvements, les évolutions qui ont eu lieu depuis 20 ans dans le monde
politique et ont eu tout le temps de s'imprégner des discours propres
à leurs organisations, les nouveaux militants ne
bénéficient pas de ces références intellectuelles.
C'est dans les types de vocabulaires utilisés que se
font le plus sentir les différences dues aux différents stades de
l'engagement auxquels se situent les militants. Les militants
réengagés, sur-engagés ou les nouveaux militants issus de
familles très militantes (c'est le cas d'un membres dont les parents
militent au PC depuis plusieurs décennies) réinvestissent souvent
le discours hérité de leurs organisations d'origine52(*). Leur vision du monde est
encore marquée par les paradigmes propres à leur socialisation
politique. Chez les militants issus du PC ou de l'extrême gauche53(*), le discours est marqué
par une vision du monde classique sur le mode de la lutte des classes. Le
vocabulaire du mouvement ouvrier est très présent :
défendre « les
exploités », s'attaquer au
« système d'oppression capitaliste » et aux
« inégalités sociales ». Ces
militants ont souvent une réflexion centrée sur
l'économie, jugée responsable de tous les disfonctionnements. Les
solutions souhaitées sont souvent macro-économiques. Il faut
s'attaquer à un système, à des institutions
spécifiques. C'est une vision dans laquelle l'économique
détermine le politique et le social.
A l'inverse, certains nouveaux militants (et
particulièrement trois d'entre eux) n'ont aucune connaissances en
économie hors de celles qu'ils ont acquises à ATTAC. Bien que
l'association soit fondée essentiellement sur des thèmes
économiques, une partie des militants se désintéresse des
solutions économiques. C'est plus contre un « état
d'esprit » libéral qu'il faudrait lutter. L'économique
est ici déterminé par des valeurs. Interrogé sur son
rapport au capitalisme et au libéralisme, G, 27 ans et nouveau militant
nous répond :
« Ben, je peux pas trop me situer parce que je
ne comprends pas trop ce que ça veut dire au départ. Disons que
c'est pas que je comprends pas mais j'ai pas envie de savoir, quoi. Puisque
ça me semble pas être la question la plus importante de savoir,
d'avoir un discours cohérent pour dire « je combats contre le
capitalisme » et donc forcément on va trouver des solutions
économiques au capitalisme. Alors qu'à mon avis c'est un
agrégat de micro-solutions et de petites expériences qui feront
que ça changera. Mais dire « mort au capitalisme »
ou « il faut que le capitalisme change », c'est pas
l'important, l'important c'est ce qu'on fait. Et puis, moi j'ai pas un discours
sur le capitalisme. Je saurais pas faire et je sais pas si ça
m'intéresse en fait, parce que ça ne me semble pas
prioritaire. [...] Et par contre, contre le libéralisme... on
voit ce que c'est, on dit libéralisme, c'est contre l'individualisme
poussé à l'extrême, qui gangrène à peu
près tout et qui est élevé en valeur
suprême.
(J : Oui, donc, c'est plus contre une valeur
que contre un système ?)
Oui, une attitude qui est élevée au rang de
dieu... Le libéralisme, c'est ça enfin le
néo-libéralisme... J'ai pas beaucoup de fondements historiques ou
théoriques... moi faire une théorie à partir de la
pratique, ça m'intéresserait plus, quoi. L'idéologie
révolutionnaire ou l'idéologie « se battre
contre », un espèce de grand truc, on ne sait pas ce que
c'est, se battre contre le FMI et le capitalisme, je veux bien mais ça
veut dire quoi ? On va coller des trucs en disant « c'est
mal ». Les gens ils ne savent même pas ce que ça a comme
conséquences concrètes. C'est bien de le savoir mais après
voilà, il faut se dire, « dans cette idéologie
là, qu'est ce que je peux combattre à mon
niveau ? »54(*)
Nous voyons très bien ici que l'économique et le
macro ne sont pas du tout une priorité pour ce militant. De même,
il ne se positionne pas par rapport aux clivages qui dessinent habituellement
des lignes de partage entre les mouvements politiques de gauche.
Le refus de se situer par rapport au capitalisme par exemple
dénote d'une logique différente qui ignore les
« fondamentaux » de l'engagement politique à gauche.
Cette posture peut être troublante pour des militants
chevronnés :
« J'avais un peu été à des
réunions de préparation et là, j'ai vu débarquer
des gens, qui sont toujours là pour certains, assez jeunes, très
peu politisés, voir pas du tout. Mais plein d'enthousiasme et d'envie de
faire des trucs et c'était des gens qui étaient... alors
ça c'est des gens avec qui il y a eu des clash tout de suite avec X.
notamment, parce que lui, il avait un discours très carré et il
ne supportait pas cette méconnaissance totale du système, quoi.
Mais en même temps, c'est des gens qui ont apporté
énormément, je pense, à ATTAC. Parce que c'est vrai que
des fois ils sortaient des conneries, par ignorance ou aucune connaissance de
l'histoire du mouvement ouvrier ou des choses comme
ça. »55(*)
Entre ces deux types extrêmes de militants, qui sont
soit fortement marqués par la culture du mouvement ouvrier, soit qui y
sont totalement étrangers, existe tout un panel de nuances dans la
connaissance et l'utilisation des vocabulaires et des concepts propres à
différentes familles politiques de gauche. Il existe donc un
décalage cognitif important entre les militants issus de
différentes générations et cultures politiques. Les
militants ne peuvent donc pas compter, au sein d'ATTAC, sur des bases
politiques communes, des présupposés, des non-dits qui seraient
compris par tout le monde.
Le rapport au capitalisme
S'il est un point difficile à éclaircir avec un
mouvement comme ATTAC, c'est bien l'étendue de son hostilité au
système ou de sa radicalité s'il l'on préfère.
Alliant des prises de position parfois utopiques et s'aventurant parfois
(timidement il faut le reconnaître) sur les thèmes de la
décroissance ou de l'autogestion, elle adopte tout de même un
profil très réaliste et respectable. Il nous a donc paru utile de
nous intéresser aux rapports que ces « réformistes
révolutionnaires » comme les définit un militant
interrogé, entretiennent avec le capitalisme. On pourra objecter que la
détermination de catégories de militants sur la base de leurs
rapports au capitalisme est passéiste et galvaudée. Cependant, la
divergence de ces rapports semblent animer des sentiments allant de la
gêne à la méfiance entre les militants. Bien qu'ATTAC
s'affiche clairement comme un mouvement réformiste, cela n'empêche
pas que certains militants s'inscrivent dans une perspective de
dépassement du système capitaliste.
Nous voyons donc là apparaître une ligne de
séparation. En effet, à l'intérieur de ceux qui se
positionnent par rapport aux « fondamentaux » dont nous
parlions plus haut, il existe une fracture entre ceux qui remettent clairement
en cause le capitalisme dans sa nature même, car il repose sur les
inégalités, et ceux qui sont prêts à s'en accommoder
sous certaines conditions. Même si le vocable adopté par
l'association, notamment la notion de libéralisme ou de
néo-libéralisme permet de gommer à priori les
différences, chacun s'accordant à penser que le système
s'emballe, les divergences traditionnelles persistent. En effet, ATTAC compte
en son sein aussi bien des anciens révolutionnaires que des
réformistes traditionnels. La position adoptée vis-à-vis
du capitalisme n'est pas la même qu'on soit issu du parti socialiste ou
d'une famille communiste, cela va de soi :
« Il y a des gens, même au sein d'ATTAC,
pour qui la question du capitalisme, elle est pas claire du tout, elle est pas
réglée du tout. Il y des gens qui ont pas vraiment... on sent
que ce rapport au, à toute une réflexion sur l'exploitation
capitaliste, sur la nature du capitalisme... [...] Moi, je suis
anti-capitaliste. Pour moi, je veux dire, en fait je suis à ATTAC parce
que pour moi ATTAC est anti-capitaliste. Parce qu'au fond, si on
réfléchit, s'attaquer au capital, c'est s'attaquer au
capitalisme. Mais c'est vrai que pour le prolonger, il faudrait aussi parler
d'autogestion, etc... Et à ATTAC, on sent qu'i y a une fraction d'ATTAC,
plutôt socialo un peu, qui justement est pas claire avec ça,
peut-être. Ils sont keynésiens, je dirais,
keynésiens. »56(*)
Il y a en effet au sein d'ATTAC-Strasbourg des militants ayant
tout à fait accepté le capitalisme comme système
économique et ne s'étant d'ailleurs jamais opposé à
celui-ci (nous dirons les deux tiers) . Ce n'est pas une réflexion sur
la nature destructrice et inégalitaire du système capitaliste qui
les amène à s'engager mais, plus souvent, un sentiment de
colère vis à vis de la dégradation des conditions de
travail et de vie :
« Bon, c'est vrai, à ce niveau-là,
c'est difficile pour des gens de mon âge, quand on a connu le bon pendant
des années et maintenant le mauvais... C'est vrai j'arrive pas à
m'y habituer, je le dis tout haut, je n'arrive pas à m'y habituer. Quand
on a connu le bon, quand on pouvait dire à un patron « si vous
ne me donnez pas 10 pour 100 de plus je m'en vais. Demain je vais
ailleurs. ». Si vous dites ça à un jeune, il se dit
« il est fou, celui-là, qu'est-ce qu'il
raconte ? ». C'est vrai, ça a existé donc on ne
peut pas s'habituer au mauvais maintenant, on a du mal... »57(*)
On peut donc distinguer deux catégories de militants.
Ceux dont l'objectif est l'aménagement social du capitalisme et ceux
qui inscrivent leur action dans le cadre d'un dépassement du
système. Pour les premiers, il est possible de réformer le
système qui n'est pas foncièrement mauvais et qui serait surtout
le seul qui soit efficace. On accepte de « jouer le jeu »
et on adopte une posture très réaliste :
« Ecoutez, quand on a une espérance de
vie moyenne de 80 ans, on tient à mourir dans un monde un peu meilleur
que celui qu'on a connu en arrivant, c'est tout. Un peu...Et même
maintenant, j'ai l'impression qu'il régresse. Bon, alors c'est pas
commander le paradis sur terre pour tout de suite, quoi. C'est pas
possible. »58(*)
La critique est surtout centrée sur les dérives
d'un système capitaliste qui privilégie de plus en plus l'aspect
financier, au détriment du travail. C'est la toute puissance des
marchés qui est remise en cause et non la nature du système
lui-même. Ici, le libéralisme et la globalisation
financière apparaissent comme des phases du capitalisme, des
« options » qu'il serait possible de modifier. Comme pour
Lionel Jospin et une partie des militants du PS qui disent « oui
à l'économie de marché, non à la
société de marché »59(*), cette vision suppose que le
capitalisme puisse être contrôlé. C'est bien le
caractère incontrôlable de la mondialisation et de la logique
néo-libérale qui est remise en cause par ces militants.
Pour les seconds, le capitalisme repose forcément sur
des inégalités et c'est donc lui qu'il faut combattre :
« Disons que là, j'ai quelques reste de
la LCR, en fait... J'ai quelques restes de la LCR et je suis persuadée
qu'avec ce système-là, de toutes façons, ça pourra
pas marcher. »60(*)
Cet état d'esprit peut s'expliquer, on le voit, par le
réinvestissement des cadres d'analyse du mouvement ouvrier. La sensation
que le système capitaliste est un système total, qui n'accepte de
faire des compromis que temporairement pour sa survie61(*), amène à penser
que le changement de système économique est un préalable
au changement social. Il peut également s'expliquer aujourd'hui par un
« humanisme égalitaire »62(*). L'ordre établi est
perçu comme illégitime car fondamentalement inégalitaire.
Il faut également considérer une autre ligne de
fracture. Certains militants sont issus des milieux anarchistes ou en sont
proches ( deux militantes ). Ils sont donc intéressés par des
thèmes comme l'autogestion et nourrissent à l'égard d'un
Etat de plus en plus sécuritaire une méfiance croissante.
« Par exemple je connais mes limites par rapport
à ATTAC. Bon, c'est un mouvement, c'est bien parce qu'il évolue
dans ses revendications mais... je partage la critique avec eux, sur les
solutions, parfois je suis un peu en distance parce qu'au départ en
dernier ressort, ATTAC disait "L'Etat s'est fait déposséder de
son pouvoir par les multinationales, il faut qu'il y ai plus d'Etat". Moi je ne
crois pas que la solution pour les citoyens ce soit l'Etat, je crois à
quelque chose... au moins une démocratie participative, au
minimum. »[...]
« L'image négative que peut donner ATTAC
à des gens plus radicaux, c'est qu'on pense que c'est des
réformistes. Alors, moi je ne pense pas être une
réformiste, et ceux que je fréquente non-plus mais il est
probable que le vice des revendications d'ATTAC, soit que ce ne sont que des
réformes. »63(*)
Ces réflexions semblent bien éloignées de
celles de militants intéressés principalement par l'aspect
concret de la taxe Tobin et voulant défendre l'Etat et le
réhabiliter pleinement :
« Oui, oui. Je me suis fait inviter à ce
moment-là aussi par le président du conseil
général, qui voulait savoir... Bon, j'ai tenu à montrer un
visage d'ATTAC à visage humain. Sans mettre un mouchoir sur mes
conviction, c'est évident. En essayant aussi de faire voir qu'il y avait
chez nous des Verts, des liguards, des non-encartés, des etc, mais que
je n'acceptais pas moi des choses qui auraient dû, avec des médias
un peu vicelards quelquefois, faire croire qu'on est des anarchistes. Par
exemple, je me permet de dénoncer quelque fois certaines tendances chez
certains à ATTAC, les anarchistes... je leur dit « mais non,
on peut les trouver sympathiques mais on ne peut pas les soutenir, nous on veut
défendre les services publics et eux ils sont contre l'Etat, il y a des
choses élémentaires qu'il ne faut jamais
oublier.« »64(*)
La nature de l'association, nous verrons plus tard comment,
permet à ces questions de ne pas se poser trop directement. Cependant,
force est de constater que les objectifs des militants sont très
différents en fonction de leur parcours ou de leu culture politique.
B. La sensibilité politique
Les références politiques sont donc diverses
chez les militants. Il en va de même de leur sensibilité
politique. Nous entendons par-là ce qui fonde leur rapport au monde
politique traditionnel. Ainsi, sur les rapports qu'ils entretiennent avec les
partis politiques et sur leur situation sur l'échiquier politique
français les militants dressent un tableau très
éclectique. Il en va de même pour les thèmes qui les
interpellent le plus.
Rapports au champ politique
Nous avons vu plus haut que les partis politiques suscitent
chez presque tous les militants de nombreuses critiques. Qu'elles s'expliquent
par des passages malheureux dans ces partis ou par une perte de confiance dans
la compétition électorale, elles dénotent d'une
méfiance générale envers les partis. Cependant, les partis
politiques restent les vecteurs privilégiés du changement
politique. La démarche d'ATTAC est d'ailleurs en partie de faire du
lobbying politique, ou en tout cas d'amener les forces politiques à
prendre en compte les revendications du mouvement65(*). Nous allons décrire
ici les rapports divers et changeants que les militants entretiennent avec les
partis.
Pour commencer, il faut dire que nous retrouvons ici la
même variété de réponses que pour les points
précédents. Les votes des militants aux élections
nationales vont du PS au PC en passant par la LCR et les Verts. Ce qui frappe
d'abord, c'est le caractère aléatoire des votes et il est donc
très difficile de dire qui vote pour qui de manière
précise. Même si en général, les ex-militants
restent attachés à un vote pour leur parti d'origine, le parti
destinataire varie selon l'importance et la dimension du scrutin. Il arrive que
sur trois élections successives, les votes aillent à chaque fois
à un parti différent. C'est bien le dessin d'une gauche
introuvable qui est dressé par ces militants. Ils n'ont pas d'attirance
pour un parti en particulier mais occasionnellement pour un thème de
programme particulier. L'objectif est souvent de favoriser un petit parti (les
Verts, LCR, listes indépendantes de gauche) au premier tour. Au second,
il y a souvent un vote « forcé » pour le PS, qui
crée du coup un sentiment de frustration puisque celui-ci semble sourd
aux exigences des altermondialistes. Le calcul est souvent le suivant :
« il y toujours le fait de dire «
j'alimente le courant qui est le plus proche de moi à l'intérieur
du fameux rapport de force interne à la gauche... ou de droite, si on
est de droite«. Si j'étais de droite, je voterai Bayrou, pour faire
chier. » 66(*)
Mais le rapport des militants aux partis politiques est
très variable. Il peut aller du rejet pur et simple (pour des militants
ayant abandonné depuis longtemps toute pratique électorale hors
du cadre local) à l'espoir que ceux-ci puissent être un canal de
changement. Du coup, les avis divergent sur les rapports à entretenir
avec les partis et les élus locaux. Alors qu'il est normal pour certains
d'être visibles et de faire bonne figure, cela passe pour de la
« collaboration » pour les autres :
« je prends un cas précis par exemple. Je
vois une grande femme, c'est la vice-présidente d'ATTAC, c'est Suzanne
Georges, qui nous dit, c'était à La Rochelle, « il faut
à tout prix aller« elle a pas dit botter le cul parce que
c'est une bourgeoise très bien élevée, « aller
secouer les gens qui ont signé, les parlementaires qui ont signé
la charte d'ATTAC, etc... «. Le fait même que je sois
allé voir le député local, qui par hasard était
quelqu'un qui avait signé cette chartre, avec lequel je ne suis pas en
odeur de sainteté d'ailleurs, m'a valu une volée de bois vert.
C'est inadmissible, c'est comme si j'allais pactiser avec... Alors, là,
je deviens assez ferme quand je dénonce des gens qui refusent tout
contact sous prétexte que ce serait un acte d'allégeance,
voilà.67(*)
Ceci dépend pour partie de l'existence d'engagements
précédents dans des partis ouvrant l'accès à des
responsabilités. Un ex-militant du PS aura un rapport beaucoup plus
naturel avec des élus locaux que des néo-militants hostiles
à toute forme de pouvoir. Il existe d'ailleurs un fossé entre des
militants voyant dans le pouvoir une source de corruption automatique et se
réjouissant qu'ATTAC reste à l'écart de ces
phénomènes et des militants qui se présentent à des
élections locales.
Les thèmes de prédilection
Il existe également une grande différence dans
les thèmes qui intéressent les militants. L'association peut
satisfaire un large panel de personnes en traitant par la question du
libéralisme des thèmes variés : économie,
social, écologie, politique... En fonction de leurs
intérêts propres, de leur origine socioprofessionnelle ou
politique, les militants arrivent dans l'association avec des projets divers.
De là, il est tentant pour chacun d'orienter l'association vers un but
précis :
« Bon, ce qu'il y a aussi de déprimant un
peu, c'est que dans chaque nouvelle structure, on voit arriver des gens qui ont
froid chez eux et qui viennent se réchauffer, quoi. Et qui sont
là avec un yakaïsme un peu naïf et répétitif.
Bon, ben tant pis mais il ne faut pas que ça dure trop longtemps quand
même. Il y en a un qui nous a imposés comme principal truc
à ATTAC ici, de l'essence à base de maïs. Moi je veux bien,
c'est intéressant mais que les Verts s'en occupent, c'est pas vraiment
notre truc. Et alors à chaque réunion, il ramène
ça.
Il y a effectivement dans les associations, dans les
partis, dans les clubs, dans les syndicats, un pourcentage assez important de
gens qui sont mal dans leur peau. Il faut en être conscient, ça
veut pas dire qu'il faille les écoeurer, ça veut pas dire
non-plus qu'ils aient la main-mise sur la marche de la chose,
quoi. »68(*)
Comme nous le voyons ici, il est parfois difficile de
concilier toutes les priorités. Si un accord est trouvé entre les
militants sur la critique d'un capitalisme « dur », les
thèmes annexes font plus ou moins d'émules. L'exemple de
l'écologie est assez frappant. Il existe en effet, notamment chez les
jeunes, une frange de militants proches de mouvements comme Greenpeace et
résolument écologistes. Leur participation à un mouvement
dans lequel il existe des personnes pro-nucléaires ne va pas sans
créer quelques tensions notamment lorsque d'autres organisations comme
« Sortir du nucléaire » sollicitent le soutien
d'ATTAC lors d'actions ponctuelles.
Chaque nouveau thème d'action envisagé donne
lieu à des débats dans l'association et fait apparaître les
différences de sensibilités politiques entre les membres. Le
fragile consensus établi sur la question du
néo-libéralisme est souvent menacé par
l'éparpillement des thèmes d'action. En témoigne la
volonté de la plupart des membres que l'association n'élargisse
pas trop son champ de revendication et d'action et sache rester sur son
domaine69(*) :
« il y a aussi un danger, je suis toujours
un peu le pied sur la pédale du frein, là. Je n'aime pas qu'ATTAC
se dilue trop. J'aime pas qu'on soit systématiquement obligé de
prendre parti pour les kurdes contre les turcs, pour les Bosniaques contre les
Serbes... il y a d'autres associations qui s'occupent beaucoup mieux que nous
de la faim dans le monde, des tchétchènes etc, etc... on ne peut
pas s'occuper de tout, si on veut tout faire on ne fait rien. Donc moi j'estime
que ça devrait essentiellement se concentrer sur la dénonciation
du système néo-libéral qui est virulent depuis la chute du
mur de Berlin, c'est historiquement visible. »70(*)
Il paraît important aux militants que l'association ne
se positionne pas sur chaque thème comme le ferait un parti politique.
C'est principalement ATTAC-national qui est visé par ces remarques. En
effet, celle-ci a tendance à multiplier les interventions sur des
thèmes qui ne font pas du tout l'unanimité dans les
comités locaux.
L'attrait de la diversité
Puisque nous centrons ici notre analyse sur la
diversité des profils des militants et de leurs sensibilités
politiques, il faut souligner le fait que cette diversité de personnes
au sein d'ATTAC soit un des motifs souvent évoqués dans ce qui
attitre dans l'association. Ce point peut paraître paradoxal puisque
cette diversité contient des risques majeurs de divisions internes au
mouvement. S'il est vrai que la diversité des expériences et des
positionnements politiques peut être enrichissante et que la mise en
commun de toutes ces nuances a toutes les chances de créer des
manières de voir originales, elle peut également paralyser
l'action du mouvement et forcer les militants à un certain
auto-contrôle ou une attention particulière dans
« le dosage de la critique ».
Il nous semble en fait que cette diversité
consacrée dans ATTAC est surtout intéressante en ce qu'elle
garantit aux militants une liberté de parole et d'opinion difficilement
trouvable dans d'autres organisations politiques. La diversité de facto
des membres assure aux militants de ne pas avoir à se couler dans un
moule prédéfini et de ne pas avoir à accepter des
représentations politiques toutes faites. La diversité est donc
ressentie comme un gage de liberté.
La diversité des autres permet leur propre
diversité au sein du mouvement. Qu'il s'agisse d'anciens militants en
rupture avec la discipline partisane ou de nouveaux venus pour lesquels le
coût de l'engagement est élevé, le fait qu'il ne soit pas
imposé de ligne politique stricte et qu'il soit un fait acquis que
chacun pense autrement est un élément central de leur
intérêt à ATTAC :
« On est d'ailleurs parfaitement libre de dire
ce qu'on veut. Personne ne va nous dire : « attends, là
c'est pas dans la ligne, t'es pas dans l'idéologie. ». Tu peux
dire tout ce que tu veux sans que personne vienne te contredire. Donc,
liberté totale et euh...je dirais qu'à la limite, on ne peut pas
être plus démocratique. »71(*)
On le voit, les militants connaissent des positionnements
politiques variés. La diversité des sensibilités
politiques, si elle peut être à l'origine de tensions dans
l'association peut également apparaître comme un aspect positif de
l'association.
Nous avons donc vu dans cette sous-partie que les
sensibilités politiques étaient très diverses chez les
militants de l'association. Issus de cultures politiques différentes,
ils ont des rapports très différents aux partis politiques ou aux
idéologies. Ils ne peuvent compter ni sur une vision du monde
partagée, ni sur un vocabulaire commun.
Leurs parcours et leur génération
entraînent des différences de positionnements par rapports aux
partis politiques. Qu'il s'agisse de leur perception générale de
ceux-ci ou de leur identification à un parti en particulier, les
militants sont issus de toutes les tendances de la gauche française.
Les thèmes de prédilection varient également
énormément d'un militant à l'autre.
Ce sont donc des profils très divers qui apparaissent.
Cette diversité qui apparaît comme un gage d'ouverture et fait la
fierté de l'association peut également être un facteur de
désunion permanente. Les clivages habituels qui divisent la gauche
française ne sont en effet jamais bien loin.
Cette diversité engendre également des attentes
différentes en termes d'action dans le mouvement. C'est ce que nous
allons voir maintenant.
III. La diversité des raisons d'agir et des
pratiques recherchées
Nous avons décrit plus haut la diversité des
parcours militants, des déterminants sociaux et des facteurs qui
amènent à s'engager dans ces mouvements. Cette diversité
se retrouve dans les attentes que ces militants ont de leur engagement dans ces
mouvements et sur les motifs de leur engagement. Les raisons qui amènent
ces militants à s'engager oscillent entre l'action
désintéressée et l'action pour soi.
Les parcours, les modalités d'engagements
précédents et les types d'engagements parallèles influent
en effet sur ce que les militants entendent retirer d'un nouvel engagement.
Par exemple, nous pouvons distinguer une catégorie de
militants particulièrement attirés par la formation qu'ils
peuvent retirer du mouvement, d'une catégorie motivée par
l'action militante proprement dite.
A. Les déterminants de l'engagement
Voyons dans un premier temps, au risque de nous
répéter un peu, ce qui amène les militants à
s'engager dans ATTAC et tentons de classifier un peu le chapitre des
« raisons d'agir ». Il faut noter que les logiques qui
conduisent à l'engagement dans ATTAC sont de natures différentes.
Que ce soit pour les autres ou pour soi, les militants ont des motivations
différentes à l'engagement.
Un engagement altruiste
Au niveau des déterminants de l'engagement des
militants, plusieurs dimensions peuvent être prises en compte. Certains
inscrivent leur engagement dans le cadre d'une lutte contre
l' « injustice » en général. Les
inégalités, qu'elles soient économiques, sociales ou
raciales sont une source d'engagement assez répandue. Les questions sur
lesquelles agit un mouvement comme ATTAC expliquent assez facilement
l'existence de militants « altruistes » dans leurs rangs.
Cet aspect apparaît clairement chez des militants qui ne
se sentent finalement plus très menacés par les évolutions
en cours. S'il les trouve choquantes en tant que telles, ils ne pensent pas
avoir d'intérêt personnel à agir :
« Mais je suis bien content qu'il y ait des
jeunes parce que ce n'est plus à nous... moi ma carrière est
tracée, ce n'est pas à moi de me battre entre guillemets,
mais c'est aux jeunes. C'est leur avenir qui est en jeu, ce n'est pas le
mien. »72(*)
Le caractère altruiste de l'engagement est
illustré par exemple par le souci d'élargir le mouvement aux
classes populaires. Il s'agit en partie, bien-sûr, d'élargir les
bases du mouvement et de lui donner une représentativité plus
grande et plus de poids face aux partis politiques. Cependant, ce n'est pas la
seule explication. Bien que menacés par les réformes
néo-libérales, les militants sont rarement issus de milieux
défavorisés. Leur situation socio-économique est loin
d'être dramatique. Bien que fort revendicatifs, ces militants ont
(mauvaise ?) conscience de ne pas être les plus à
plaindre :
« Ben, si tu veux, mes parents étaient
engagés dans pas mal d'associations humanitaire, caritatives, des choses
comme ça. Donc c'était le quotidien pour moi quand j'étais
plus jeunes de voir des réunions d'Amnesty international ou des choses
comme ça, quoi. Et après, c'est... je m'intéresse... pour
moi, l'injustice sociale c'est quelque chose qui m'écoeure depuis assez
longtemps, sans avoir eu conscience que ça pouvait être une
opinion politique d'être touché par l'injustice sociale, par
exemple à 12-13 ans, je sais pas... Et après, je me suis dit
«ben, voilà, pour moi ça va bien, je travaille donc
ça marche, c'est bien pour moi, maintenant les
autres« ».73(*)
Leur situation économique étant favorable et
disposant du temps et de l'éducation nécessaire, parfois par
tradition familiale, ils se sentent en partie obligés de s'investir pour
ceux qui sont dans des situations défavorables. De ce point de vue,
ATTAC dénonçant à la fois les inégalités
nord-sud et la pauvreté dans le tiers-monde, réinvestissant
par-là des thèmes issus du tiers-mondisme et de
l'anticolonialisme74(*),
et la précarisation dans les pays développés, ils y
trouvent des thèmes qui leur correspondent.
Mais il apparaît aussi une certaine
responsabilité morale. Bénéficiant justement de temps et
d'éducation, ils se sentent forcés d'agir face à la
dépolitisation des classes populaires et moyennes :
« Tu vois les gens qui galèrent au
quotidien ne serait-ce que pour trouver à bouffer, pour trouver un
boulot, etc... je comprends, à la rigueur ils ont même pas le
temps de réfléchir, quoi. Et souvent ces gens là, en plus,
ils ont pas non-plus l'éducation derrière pour
réfléchir à tout ça. Mais les gens qui ont un mode
de vie pépère et qui quand même subissent aussi. Les
classes moyennes elles subissent aussi de plein fouet toutes les
réformes actuelles, quoi. Et qu'ils réagissent pas, je trouve
quand même que c'est dramatique. Et bon, de toutes façons,
même les milieux défavorisés il faudra les toucher parce
qu'il faut aussi leur faire comprendre que justement, c'est eux qui subissent
de plus en plus tout ce qui se passe. Et voilà, ça c'est un truc
qui nous manque à ATTAC, ça fait cinq ans qu'on en parle
« l'éducation populaire », mais en même temps
c'est très difficile, parce que sociologiquement,
socio-économiquement, nous on est pas dans les catégories les
plus défavorisées. Donc d'aller parler à ces gens
là et d'échanger avec eux c'est très
compliqué. »75(*)
La difficulté de nouer des liens ou de toucher les
classes populaires dans « les quartiers » est d'ailleurs
ressentie comme un échec et la question est souvent abordée dans
l'association :
« Et c'est quelque chose, parce que le
problème toujours de l'association ATTAC, et on en est conscients
à tous les niveaux, national, régional, local, c'est comment
toucher les gens des cités, qui souffrent vraiment. Je ne suis pas le
plus malheureux, je ne souffre pas au sens étymologique du terme, je
suis sûr qu'il y a des gens qui ont de gros problèmes et c'est
ceux-là qu'on n'arrive pas à toucher. C'est ce qu'on a vu au FSE
d'ailleurs, c'est typique. Où sont les chômeurs, les
précaires... ?[...] Mais c'est vrai qu'en voyant la manif
l'après-midi, j'avais pas l'impression de voir les gens... je veux pas
dire « la France d'en bas » mais les gens qui ont vraiment
des problèmes. Et ATTAC et consorts, ils ne savent pas les toucher parce
qu'ils ont essayé... A Strasbourg aussi on a essayé de toucher
les gens des quartiers mais ça n'accroche pas. Je ne sais pas pourquoi.
Il y a une remise en cause à faire. »76(*)
La fragile alliance des « garantis » et
des « sans » qui avait donné son originalité
et sa force au mouvement social de décembre 9577(*) paraît être
impossible à réaliser dans le cadre d'un mouvement intellectuel
comme ATTAC. Les militants n'ont donc pas d'autres victimes à mettre en
avant qu'eux-mêmes et ne peuvent rester sur une position de membres
« par conscience ». Cependant, on ne peut nier l'existence
de « militants moraux » comme les définissent Mc
Carthy et Zald78(*),
n'ayant pas d'intérêt direct à agir or les gratifications
symboliques qui accompagnent un engageant pour une cause noble.
Un engagement pour soi
Mais ce caractère altruiste, qui semble aller de soi,
doit être nuancé et n'est pas une explication satisfaisante pour
bon nombre des militants interrogés. Premièrement, il faut dire
que l'engagement de certains militants peut s'inscrire dans une logique plus ou
moins sectorielle de préservation des acquis. La lutte contre le
démantèlement de l'Etat Providence, des protections sociales ou
du système de retraite s'explique par un souci de préservation de
certains « avantages sociaux » qui concernent directement
les militants (entre autres). Nous aurons l'occasion d'y revenir plus tard.
Mais surtout l'engagement dans ATTAC est souvent
déterminé par un besoin de reconnaissance sociale. Tout d'abord,
il s'agit de s'intégrer socialement dans la cité. Pour certains,
c'est un réflexe d'adhérer à ce type d'associations
lorsqu'ils arrivent dans une ville nouvelle :
« parce que c'est surtout dans ce genre
d'associations comme ça, justement, où les gens se posent des
questions au niveau de la société et réfléchissent
à plein de trucs, c'est le meilleur moyen de trouver des gens sympas,
ouverts et tout. »79(*)
L'inscription dans ce type d'associations apparaît comme
un moyen privilégié de s'insérer dans la cité. De
plus, dans le cadre des comités locaux, l'action locale permet de
développer des liens avec diverses associations et de multiplier les
rencontres au fil des actions :
« Ben l'impression déjà que je
fais quelque chose, même si minime soit-il, qui va peut-être de
l'avant. Essayer de casser un petit peu la logique habituelle, enfin le
mouvement du monde actuel. On a l'impression d'être un petit peu utile.
Et puis au niveau personnel, de pas se renfermer sur soi-même et sur ses
propres problèmes mais essayer avec d'autres de faire quelque chose de
constructif pour la communauté. »80(*)
Trouver un lieu où les gens partagent les mêmes
inquiétudes est un facteur de reconnaissance sociale et est rassurant
dans un contexte de résignation générale.
Ensuite et surtout, le militantisme peut apparaître
comme assez égoïste car répondant à un réel
besoin, presque physique, d'agir politiquement. Il s'agit de
« respirer », de trouver un peu d'air frais.
Cette impression de « respirer » revient
fréquemment dans les discours des militants d'ATTAC. Le vocabulaire
utilisé par les militants est d'ailleurs souvent emprunté au
domaine biologique exprimant un besoin physique et personnel de s'engager. Le
vocabulaire des sensations est utilisé et souvent mis en rapport avec
des phases ou périodes chroniques où l'engagement deviendrait
nécessaire de manière quasi-médicale :
« C'était énormément au
niveau du ressenti, beaucoup plus qu'au niveau de l'intellect.
C'est-à-dire que je sentais qu'il fallait faire quelque chose, ça
me prenait aux tripes. »81(*)
La fréquence d'expressions comme
« j'étais dans un moment où il fallait que
ça bouge » fait apparaître comme des cycles
psychologiques ou physiques de besoin d'engagement. L'engagement d'une
catégorie de militants apparaît donc comme une question importante
d'équilibre psychologique.
La symbolique du corps et de l'organique, permet de formuler
un besoin très fort de s'engager, difficilement explicable autrement, et
de faire apparaître une sorte de naturalité de l'engagement
militant.
Enfin, l'engagement dans un mouvement comme ATTAC, nous
l'avons dit plus haut n'est pas un engagement à sens unique. Il y a
beaucoup à retirer d'un engagement qui met le militant au coeur du
projet politique en lui permettant de se former économiquement, de
multiplier les manières de s'engager et les contacts. Le temps
consacré à l'association n'est donc pas uniquement perçu
comme un temps de travail pour les autres mais comme un temps qui profite aussi
individuellement au militant :
« J'ai pas l'impression que ce soit un travail
non plus, je ne compte pas trop, quoi. Quand je vais à une
réunion pour apprendre des choses, je considère pas que ce soit
du temps de perdu, quoi, ou du temps donné à ATTAC. C'est quelque
chose qu'on me rend. »82(*)
Les militants concernés agissent donc sur des sujets,
qui, concernant l'ensemble la société, les concernent eux aussi.
Ils peuvent également, en s'engageant, satisfaire un besoin et en
retirer de gratifications personnelles. Mais c'est là que le rôle
de l'intérêt personnel s'arrête. Il nous semble que
l'analyse Olson83(*),
basée sur le rôle des « incitations
sélectives » ne s'adapte pas à l'engagement dans un
mouvement comme ATTAC. Il y a en effet peu d'avantages (pour ne pas dire
« aucun ») à retirer d'une participation à un
comité local d'ATTAC. Il n'y a, par exemple, pas de professionnalisation
possible dans l'organisation ( il n'y en a pas au niveau local et très
peu au niveau national) ni dans le monde politique.
L'engagement est également souvent ressenti comme
ouvrant le droit à l'expression, comme donnant une
légitimité au discours :
« J'aime parce que c'est la seule façon
à mon avis de ne pas mourir idiot. C'est pas pour être au courant
de tout mais c'est au moins pouvoir dire, sans ambages, à un responsable
quel qu'il soit, ça c'est bien, ça c'est moins bien et ça
c'est répréhensible, c'est tout. C'est acquérir un droit
de parole, d'être quelque part. »84(*)
L'expression individuelle est donc liée ici à
l'existence d'un groupe, d'un collectif qui donnerait une assise et une
visibilité à l'individu.
Il est également ressenti comme une question de
cohérence :
« Donc, quand je parle à quelqu'un,
à n'importe qui ou à des amis ou même à une copine
je veux dire [...] quand je parle justement du monde ou de la
société, au moins la parole a un certain poids, quoi. Je veux
dire, on sait de quoi on parle. [...] C'est-à-dire que, tu vois à
la limite, je me rappelle, avant que je sois militant - d'ailleurs, je n'aime
pas ce mot-là, entre parenthèses, ça fait trop militaire,
enfin bref, activiste citoyen, je préfère ce mot-là -
enfin, avant que je sois activiste citoyen, les gens me disaient
« oui d'accord, mais qu'est-ce que tu fais ? ». Bonne
question. Maintenant, ben je préfère être cohérent
avec moi-même et déjà, si je critique, et bien autant que
je fasse quelque chose. »85(*)
Il est donc plus facile de prendre la parole et de critiquer
lorsqu'on peut invoquer une action protestataire réelle en
parallèle. L'engagement permet de canaliser une insatisfaction et tout
en permettant d'énoncer plus précisément des refus, il
donne une dimension positive, constructive au refus.
Les motivations et les raisons de s'engager offrent donc un
riche terrain d'analyse et une diversité très grande. Les
motivations des militants ne sont pas réductibles à une ou
quelques tendances. Celles-ci sont imbriquées les unes dans les autres
comme en témoignent les caractères altruiste et
égoïste qui sont présents et s'entremêlent dans les
discours militants.
B. Le type d'engagement
recherché
« Un mouvement d'éducation populaire
tourné vers l'action ». Cette formule définissant ATTAC
illustre bien notre premier point. L'éducation et l'action, deux formes
d'engagements qui drainent des publics aux attentes diverses dans
l'association86(*). Les
types d'engagement escomptés qu'ils soient réguliers ou
irréguliers sont également divers.
Un engagement formateur
Le caractère formateur et réflexif attire tout
particulièrement des militants sans bases économiques, voulant
connaître afin de mieux critiquer (quatre militants de notre
échantillon) et des militants d'anciens partis politiques cherchant une
formation complémentaire (quatre militants dont deux
réengagés et nos deux militants sur-engagés).
Pour les anciens militants, il s'agit d'avoir un accès
au savoir qui ne leur était pas forcément assuré dans
leurs organisations d'origine. Bien que leur engagement leur permettait d'avoir
un accès direct à la production intellectuelle de l'organisation
( par exemple par les tracts ou journaux qu'ils distribuaient), ils ne
participaient toujours pas à la production du savoir. Les connaissances
qu'ils recevaient étaient définies dans les instances dirigeantes
de l'organisation. Il y a donc quelque chose de très valorisant pour ces
militants dans l'accès au savoir qui est une priorité de
l'association. Au-delà des améliorations matérielles
qu'ils pouvaient souhaiter dans leurs engagements précédents, ces
militants trouvent des gratifications symboliques immédiates dans leur
engagement dans ATTAC :
« Peut-être de plus comprendre les
aboutissants à tout. Avant, ça m'avait l'air obscur et tout
ça. Bon, j'ai pas encore tout compris mais j'ai l'impression que
ça va plus loin que... la militance que je faisais
avant. »87(*)
ATTAC attire par ce biais des individus dont le but est de
s'approprier la politique et de nourrir leur réflexion par les
informations qu'ils peuvent trouver dans ATTAC.
Le caractère éducatif d'ATTAC donne donc des
bases afin de mieux comprendre le fonctionnement du monde et de donner une
assise réelle à une contestation parfois « de
principe », très théorique et appuyée sur le
concept de lutte des classes qui apparaît aujourd'hui insuffisant ou
disqualifié. Ceci peut apparaître comme un moyen de recycler un
discours dont on connaît les limites.
Pour les nouveaux militants, il s'agit plus de se former
réellement à la politique et la science économique. Nous
avons déjà dit qu'une partie des militants étaient
réellement sans connaissances dans le domaine. Leur engagement qui
repose sur un sentiment de malaise ou de frustration a besoin d'être
documenté, renforcé par une meilleure compréhension des
mécanismes à l'oeuvre, des enjeux, des moyens de résister.
Il s'agit dans un premier temps de comprendre ce qui ne va pas afin de pouvoir
agir contre, respectant bien l'adage « savoir, c'est
pouvoir ». Ces militants s'orientent donc dans un premier temps vers
des activités qui les mettent en rapport avec l'information. Assister
à des conférences puis participer à des commissions,
écrire des articles dans le journal local d'ATTAC, gérer les
listes de diffusion Internet... toutes ces activités permettent de voir
passer et de s'approprier des connaissances.
Une volonté d'action
Parallèlement à cette volonté de
réfléchir, la nécessité d'agir effectivement est
une autre raison qui attire les militants (six militants s'engagent uniquement
pour agir).
En effet, ATTAC ne sacrifie pas l'action à l'expertise
et la formation. L'association correspond là aux attentes de membres
ayant déjà une réflexion et des liens avec d'autres
mouvements basés sur la réflexion, mais surtout à des
individus ayant besoin d'agir pour se sentir engagés.
L'intérêt d'offrir la possibilité d'agir à des
membres peu intéressés par la réflexion est
également un facteur de diversité de l'association.
« En fait, je ne fais partie d'aucune
commission, parce que je ne me reconnais pas essentiellement dans les
thèmes ou je trouve cela pas très... la production intellectuelle
est souvent pas très... supérieure à celle qu'on peut
trouver dans les journaux. Je préfère me lancer dans quelque
chose de plus actif... »(J. 23ans)
L'action peut donc fournir une activité alternative
à des membres se formant de façon autonome. Le choix offert aux
militants d'inscrire leur engagement dans des domaines plus ou moins
axés sur l'action offre donc une richesse
supplémentaire :
« Ben, disons que j'essaye d'assister aux
conseils d'administration, aux permanences, on va dire une fois sur deux. Et
puis là, j'étais dans une commission sur tout ce qui était
autour de Porto Alegre, et le carnaval brésilien, il y a quinze jours.
Moi je suis plutôt à des choses assez concrètes en fait, je
fais pas partie pour le moment de commissions qui réfléchissent.
C'est un autre style d'investissement, je préfère agir... bon,
déjà de par mon métier, j'en ai un peu marre de me
réunir en dehors pour continuer à réfléchir. Je
préfère agir... » (P., enseignant)88(*)
La coexistence dans le mouvement d'un axe
théorique et d'un axe plus concret d'actions (déplacements,
manifestations, tractage...) est essentielle pour des militants souhaitant
rester en contact avec la réalité et avoir une action sur le
terrain en plus de la formation :
« Dans les mouvements que j'ai
fréquentés, les mouvements dans le fond me plaisaient mais c'est
la forme qui me plaisait pas toujours, quoi. Amnesty international est un
mouvement intéressant, seulement c'est un mouvement qui est très
théorique où on a pas de lien avec... la vérité. On
ne peut pas aller sur place, on ne peut pas voyager. »
(...)
« L'essentiel, c'est que j'aime bien lier la
réflexion à l'action. Dans ATTAC, il y a ce genre de choses
là donc je m'y retrouve. Mais je m'y suis aussi retrouvé
ailleurs, hein. Dans le parrainage d'enfants, il y avait aussi ce...
c'était très proche d'ATTAC au niveau de l'action, il y avait
à la fois de l'action et de la réflexion. »89(*)
Comme la réflexion peut favoriser un
« esprit-maison » dans le cadre du mouvement, l'action avec
les autres militants va favoriser l'intégration au mouvement. Daniel
Gaxie90(*) souligne
l'importance de moments intenses et partagés comme le collage d'affiche,
par exemple, dans les déterminants du militantisme. Les actions et
moments partagés avec les autres militants donnent le sentiment
d'appartenir à une grande famille participant à un combat noble.
La plus ou moins grande intensité des actions, le sentiment commun qui
peut se développer face à la sourde-oreille des dirigeants,
installent ou renforcent les liens qui existent déjà entre les
militants.
Sans vouloir simplifier à outrance, il faut noter que
le facteur de l'âge joue un rôle déterminant dans le type
d'engagement choisi. Alors que les anciens, les « têtes
chenues » de l'association s'inscrivent plus dans le domaine
intellectuel, c'est-à-dire dans le travail des commissions ou
l'organisation des conférences, les jeunes ont tendance à
privilégier l'action sur le terrain en instiguant de nouveaux types
d'action. Les premiers ont une action plus tournée vers
l'intérieur de l'association alors que les seconds sont tournés
vers l'extérieur.
Régularité de l'engagement
Selon leur sensibilité politique et les thèmes
qui leur tiennent à coeur, les militants n'envisagent pas le même
type d'engagement à l'intérieur du mouvement.
Premièrement, on peut distinguer une catégorie de militants,
très restreinte il est vrai, ayant un engagement constant et
régulier dans le temps ( trois militants s'engageant soit dans le
travail des commissions ou ayant des responsabilités administratives
dans l'association depuis sa création ) et ceux qui connaissent de
grandes variations d'intensité du militantisme. Ceci dépend
grandement du type d'actions choisi. L'engagement dans une commission par
exemple engendre souvent une action régulière avec des
rendez-vous à dates fixes. Même si l'action n'est pas
répartie de manière homogène dans le temps et qu'il y a
évidemment des moments où il faut beaucoup travailler avant de
boucler un sujet par exemple, la manière de s'engager est très
régulière et ne varie pas beaucoup depuis cinq ans comme pour
N91(*). Chaque
thème abordé prend quelques mois à raison de quatre heures
par semaine en moyenne. Il s'ensuit une phase de stand-by en attendant de
trouver un nouveau thème. En moyenne, la commission
« presse » a présenté 5 ou 6 documents depuis
sa création soit un document par an. Les phases de travail sont souvent
très concentrées mais régulières.
D'autres militants s'engagent plutôt au gré des
actions ponctuelles, leur militantisme est donc plus variable. Il dépend
alors fortement de l'actualité et le militantisme prend des formes
différentes à travers le temps. Il existe en effet une
catégorie de militants qui ne s'inscrivent pas durablement dans des
groupes particuliers. Soit qu'ils n'aient pas de thèmes particuliers qui
leur tiennent à coeur, soit qu'ils ne peuvent pas avoir un engagement
régulier. Ils évoluent dans l'association au gré des
besoins du groupe, de leurs intérêts à un thème ou
du temps dont ils disposent :
« J'ai l'impression de picorer un peu.
C'est-à-dire, je... parce qu'ATTAC c'est organisé en ateliers...
j'ai l'impression d'aller d'un atelier à un autre au fil de mes humeurs
parfois. C'est-à-dire qu'il y a des gens à ATTAC qui font un
travail continu, qui sont dans un atelier, qui ont décidé de
travailler sur une question par exemple pendant deux ans et vraiment, ils
montent un groupe etc... Moi, j 'ai l'impression que je suis plus...
Là je dis ça, c'est tout un débat interne en moi. Je ne
sais pas pourquoi... Ou alors j'ai encore des traces comme ça de cette
espèce d'idéologie de la pyramide, tu suis le chef comme
ça. Je sais pas, ça c'est peut-être un truc que j'ai encore
à régler en moi et j'ai tendance à picorer. Je vais dans
un atelier, parce que je trouve l'idée génial et hop, je
participe à l'atelier, je m'investis
là-dedans. »92(*)
Pour des militants n'ayant pas beaucoup de temps à
consacrer à l'association ou militant par phases en fonction des
aléas de leur emploi du temps (les étudiants connaissent par
exemple ce genre d'engagement avec des moments de grande disponibilité
et des périodes sans possibilités de s'investir), ce type
d'engagement est assez répandu.
On peut trouver également d'autres explications
à ces différentes manières de s'engager. On peut bien
sûr trouver dans les parcours des militants certaines
prédispositions à certains types d'engagements. Le
réinvestissement des pratiques héritées influent sur les
manières de s'engager. Les anciens militants ont par exemple des
prédispositions pour faire partie des instances administratives de
l'association comme M, ancien secrétaire de section du PS :
« et puis je me suis mis là-dedans parce
que précisément, j'avais eu quelques responsabilités
politiques avant. Bon, savoir organiser sans dirigisme, ça j'aime assez,
voilà. »93(*)
Ce type d'engagement entraîne bien-sûr un
engagement beaucoup plus régulier (avec des réunions
périodiques) et un suivi de la vie de l'association presque au jour le
jour.
L'intensité et la régularité de l'action
militante dépendent donc grandement de chaque militant. Selon son
inscription dans un ou plusieurs types d'actions par exemple, le temps
consacré à l'engagement est très variable d'un militant
à l'autre. Alors que certains choisissent une seule forme d'engagement,
d'autres panachent les activités et sont à la fois au journal, au
bureau et dans une commission. Ainsi, alors que certains militants sont
satisfaits en s'engageant quelques heures par mois, d'autres ont un engagement
quasi-quotidien et consacrent trois à quatre heures par semaines
à l'association.
Dans la durée également, certains militants
connaissent une multitude de formes d'engagement. Le turn-over de l'association
étant très important, chaque militant a l'occasion d'essayer
différents postes dans l'association. Nous avons pu remarquer chez les
militants interrogés en 2001 puis en 2004 que leur engagement avait
connu différentes phases avec des variations d'intensité ou de
type d'engagement. Ces variations d'intensité dépendent à
la fois du rythme de l'association (de ses moments d'activité ou de ses
temps-morts), de l'ambiance qui existe dans l'association et des
disponibilités personnelles. A propos de ces dernières, il faut
dire que ce qui lie les militants d'ATTAC Strasbourg, qu'ils aient ou non
été militants auparavant, est la grande fluidité de leur
engagement. Respectant par-là les modifications de l'engagement
étudiées par Bathélémy ou Ion, les militants
d'ATTAC adoptent une forme d'engagement flexible. Nous aurons l'occasion d'en
reparler plus tard.
Les attentes vis-à-vis du militantisme et les formes
d'engagement escomptées sont donc variables d'un militant à
l'autre et variables dans le temps pour un même militant. De la formation
à l'action, avec une plus ou moins grande régularité, les
militants ont des attentes particulières. Celles-ci se retrouvent dans
les types d'actions que les membres souhaitent mener.
C. Les types d'action privilégiés
En fonction de leurs attentes, de leurs objectifs ou de leur
âge, les militants souhaitent adopter des manières d'agir
particulières. Ils peuvent être attirés par un militantisme
classique ou plus moderne, le point commun étant chez tous les militants
la recherche d'autonomie par rapport au mouvement.
Les actions souhaitées
Les anciens militants, rôdés au militantisme
classique ont tendance à recréer les conditions dans lesquelles
ils militaient avant. Ils sont souvent les premiers lorsqu'il s'agit de
manifester, tracter, coller... c'est donc l'action conventionnelle qui les
attire. Les nouveaux militants eux, ont tendance à vouloir impulser des
pratiques différentes. La façon dont les militants comptent
toucher les gens à l'extérieur de l'association dépend en
grande partie de leur génération. Alors que les anciens
préfèrent organiser des conférences ou manifester, les
jeunes sont beaucoup plus tournés vers des actions spectaculaires, dans
la tradition des mouvements nés depuis les années 70 :
« Mais ils ont vachement secoué en
même temps. Parce que les gens, en fait au départ, les gens qui
sont venus à ATTAC, c'était plutôt des vieux syndicalistes,
des vieux militants socialistes, PC ou LCR. Donc ils étaient hyper
rodés dans l'action tu vois. Ils savaient tracter, afficher, manifester.
Mais ces gens-là, ils sont venus, notamment des gens des
art-décos, ils sont venus avec des idées vachement sympas pour
faire bouger les gens de manière différente. En disant
« ouais mais les jeunes, ils veulent entendre autre
chose », et ça, ça a été vachement
positif. »94(*)
Deux types d'actions existent donc dans l'association. Des
actions classiques, traditionnelles et des actions plus spontanées. Les
AG mensuelles, pendant lesquelles chaque groupe présente ses
activités sont d'ailleurs révélatrices de ces
différences de points de vue sur les actions à mener. Les actions
spectaculaires comme le déversement de prospectus sur la place
Kléber, sont considérées comme des « actions
gadget » ou des « blagues de potaches » par
certains anciens qui préfèrent les actions plus sérieuses.
Alors que les plus anciens restent plus axés sur des manifestations
traditionnelles, les jeunes militants sont plus marqués par les types
d'action éclos depuis les années 70, sur le registre du festif et
du spectaculaire :
« Ouais donc je pense que je vais aller de plus
en plus vers des choses spectaculaires. Les mouvements de foule tu vois, les
gens qui te regardent et qui ils savent pas pourquoi t'es là,
« oh ils manifestent encore ! », « qu'est-ce
qu'ils viennent nous faire chier, ils nous bloquent la rue, on peut plus
circuler », voilà. Les médias, ils relayent ce qu'ils
ont envie de relayer donc après, les trucs spectaculaire, ça a
pas non plus l'impact qu'on voudrait que ça ait, mais en même
temps, si au lieu de toucher un tout petit peu 500 personnes, ça
convainc 3 personnes, c'est autre chose.[...] et puis ça apportera
quelque chose de neuf dans ATTAC aussi parce que c'est aussi des reproches qui
nous sont fait, c'est de pas rire beaucoup et d'agir pas beaucoup, voir pas du
tout. Donc nous voilà, on est plus jeunes et donc on a plus envie
justement de choses plus spectaculaires, plus rigolotes, un autre esprit dans
l'action, quoi. »95(*)
La différence est également sensible dans la
perception de l'action militante. Pour les anciens, il s'agit d'avoir une
action longue et de faire pression pour obtenir des avancées
légales. Pour les jeunes, il s'agit plus de transformer la
société au quotidien :
« J'ai pas trouvé d'autre mot à
part militant, parce que pour moi, militant pour moi ça veut dire,
« milite pour quelque chose ». Alors pour moi c'est
plutôt l'idée qu'on peut essayer de faire tout de suite. On va pas
militer pour le commerce équitable, on va pas militer pour quelque
chose. On essaye de le faire. Pour l'affichage, on demande une fois à la
Mairie, on fait un courrier et si ils nous répondent pas, on
considère qu'ils disent non et dans ce cas-là on colle quand
même nos affiches. On va pas être dans une situation de
revendication et d'attente tout le temps. Je milite pas pour mais j'essaie de
faire. »96(*)
Il y a donc coexistence de formes d'engagement
traditionnelles, où c'est l'action à travers une structure
déterminée qui doit faire avancer les choses de manière
concrète, et de formes plus modernes où l'engagement revêt
des dimensions variables et doit transformer la vie au quotidien à
travers des cadres variés97(*). Ceci s'illustre très bien dans l'autonomie
que les militants affichent vis-à-vis de l'association.
La recherche d'autonomie par rapport au mouvement
Une des caractéristiques qui nous paraissent bien
représenter les logiques d'engagement dans les mouvements
altermondialistes est que ces militants ne se laissent pas définir par
une organisation politique à laquelle ils participent. Les logiques de
sur-engagement, caractéristiques de nombreux militants de ces
organisations illustrent bien ce fait. Ces militants construisent leur
engagement à travers des participations multiples, affaiblissant leur
identification par rapport à une organisation bien définie. La
comparaison entre les organisations auxquelles ils participent leur offre un
recul accru par rapport au fonctionnement de celles-ci. De plus, de nombreux
militants pratiquent des actions autonomes hors-mouvements politiques avant de
s'engager ou en parallèle avec leur engagement dans des structures plus
définies. En règle générale, les militants ont donc
un rapport relativement distant par rapport aux organisations politiques :
« de toutes façons, pour moi, ATTAC c'est
un moyen, si ATTAC-strasbourg ça ne me convient plus, je trouverai autre
chose. [...] il y a suffisamment de moyens de s'investir et de
militer »98(*)
On voit que pour ces militants, le fait de militer n'est pas
nécessairement en rapport avec l'appartenance à une organisation
fixe ou durable. Le militantisme englobe pour eux toute action politique plus
ou moins régulière dans le cadre de luttes sectorielles ou
mouvements sociaux éphémères. La force des réseaux
interpersonnels dont nous parlions dans la sous-partie précédente
est également de nature à « autonomiser » le
militant par rapports aux groupements. C'est de plus en plus le militant qui
crée son réseau d'appartenance ou de connaissances politiques. La
transitivité croissante du militant fait qu'il n'est plus limité
par les réseaux de groupements.
De plus, nous constatons qu'un grand nombre de militants ont
une vision de leur engagement à long terme et considèrent leurs
engagements non comme un aboutissement mais comme des étapes de
leur évolution militante. Alors que l'engagement dans les
structures politiques traditionnelles pouvaient apparaître comme une fin
en soi, un summum, un horizon indépassable de l'action politique,
l'engagement actuel est plus critique. Surtout, les militants
s'intègrent dans leur analyse politique. Dans l'esprit des militants,
à côté de la cause qui est défendue, le souci de
leur bien-être dans l'action politique est omniprésent. Ainsi, les
militants en viennent à considérer (in situ ou a
posteriori) que leurs engagements sont des étapes qui leur
permettent d'évoluer en tant qu'homo politicus :
« C'est un carrefour, enfin moi, j'ai toujours
vu ça comme un carrefour, c'est-à-dire qu'on vient, on apprend et
on repart. On ne reste jamais là-dedans. Ceux qui restent, il y en a
quelques-uns, je ne dis pas le contraire,... c'est qu'ils s'y trouvent bien,
mais je sais que pour moi, c'est qu'un passage comme pour beaucoup de
gens. »
« Mais c'est pas volontaire, tu t'en rends
compte après en fait, tu vois après... Voilà, moi, je suis
sûr que c'est la même chose pour ceux qui ont fait récemment
à Evian... J'ai vu un reportage récemment sur M6, je crois, donc
des jeunes etc... mais ces mecs-là, je me dis, dans deux ans, je sais
qu'ils ne seront plus. Ca se voit, ça se sent, parce qu'ils auront
appris quelque chose, ils auront appris à faire un gros rassemblement
etc... mais ça ne les intéressera plus parce qu'ils auront besoin
d'autre chose, comme moi j'ai eu besoin de faire autre chose par la
suite. » 99(*)
Les militants adoptent donc une vision de l'engagement qui
dépasse le cadre de leur engagement dans un mouvement.
L'étude des militants de ce type de mouvements
amène donc à remettre en question une définition classique
du militantisme, basée sur un engagement aveugle à un mouvement
spécifique, engagement total dans son intensité et sa
durée. La description d'un engagement
« distancié » par Jacques Ion100(*), correspond assez à
l'analyse que nous faisons de ce mouvement. En effet, le caractère
partiel, non-exclusif et limité dans le temps de l'engagement des
militants dans ces mouvements traduit une certaine distance vis-à-vis
des organisations.
Cette sous-partie nous a permis de mettre en lumière
quelques caractéristiques des militants d'ATTAC-Strasbourg en ce qui
concerne leurs attentes vis-à-vis de l'activité militante.
Portés sur l'éducation et donc la réflexion ou l'action
proprement dite, recherchant un engagement régulier ou, plus
fréquemment, un engagement épisodique et adaptable, les militants
ont des attentes très différentes de l'activité militante.
Le type d'action privilégié varie également beaucoup en
fonction de la génération. Seule l'autonomie affichée
vis-à-vis du mouvement semble fédérer les membres. On peut
alors se demander comment l'association arrive à satisfaire des attentes
si différentes.
Synthèse
De par leurs parcours, leurs sensibilités politiques ou
leurs pratiques, les militants d'ATTAC-Strasbourg présentent donc des
profils très divers, couvrant presque toute la gauche française.
Nous avons pu voir dans cette première partie que cette association
réunit en son sein des publics aux parcours politiques divers, issus de
générations différentes, mais tous très critiques
vis-à-vis des structures politiques traditionnelles. Bien que toutes ces
catégories voient dans ATTAC un cadre d'engagement intéressant,
capable de donner aux citoyens une prise sur le monde politique, force est de
constater que l'engagement correspond chez chacun à une démarche
différente. Tous n'entendent pas atteindre le même objectif
à travers leur participation au mouvement. En fonction des histoires
personnelles et des modes de socialisation, le rapport au champ politique et
aux idéologies est variable, ce qui rend la définition
d'alternatives communes au libéralisme compliquée. Enfin, les
attentes des militants vis-à-vis de leur participation au mouvement sont
différentes. Si l'on peut dire qu'il ne s'agit pour personne d'un
militantisme sacrificiel et que tous entendent retirer de leur engagement, les
priorités sont sensiblement différentes selon que les militants
entendent se former intellectuellement ou agir, avoir un engagement
régulier ou épisodique. Le types d'actions escomptées sont
également variables en fonction des stratégies individuelles.
Toutes ces différences, nous l'avons vu, posent des
problèmes ou sont des germes de divisions potentielles. Les risque
inhérents à cette diversité sont bien
résumés dans la formule de ce militant :
« C'est difficile de gérer, de tirer une
charrette dont les roues n'ont pas toutes le même diamètre,
franchement c'est très difficile. Tant mieux, c'est intéressant
mais ça peut être usant. »101(*)
Le souci est donc présent dans l'esprit des militants
et dans la vie quotidienne de l'association. Celle-ci doit prendre acte de la
diversité des militants et mettre en place des mécanismes qui
assurent sa pérennité et rendre possible la collaboration de tout
le monde. Dans une deuxième partie, nous allons donc essayer de
comprendre quels sont les facteurs qui unissent tous ces militants et les
mécanismes qui assurent leur coexistence dans une même
structure.
Deuxième Partie : La gestion de la
diversité
La diversité étudiée en première
partie et qui est riche d'enseignements sur l'association, soulève
effectivement des interrogations quand à la manière dont une
association politique peut fonctionner dans ces conditions. Il est difficile de
comprendre au premier abord, et sans connaître le fonctionnement de
l'association, comment des individus aux parcours politiques, aux
sensibilités et aux attentes différentes peuvent coopérer
dans une même structure et en retirer une satisfaction réelle. Il
nous a donc paru très important de nous interroger sur les facteurs qui
expliqueraient la bonne marche de l'association malgré la
diversité des publics.
Cette réflexion nous semble d'autant plus importante
qu'elle peut nous permettre d'éclairer la façon dont les
organisations protestataires s'adaptent aux mutations de l'engagement de ces
dernières décennies. A travers l'étude des
caractéristiques d'ATTAC, nous nous intéresserons indirectement
aux conditions qui ont permis un retour en force de la contestation sociale
dans un contexte de désengagement. Alors que c'est d'une nouvelle
idéologie qu'on pouvait attendre un renouveau de la protestation
politique et de l'engagement militant, il n'en est rien. Celle-ci est
même la grande absente de l'éclosion des luttes nouvelles qui
marquent le champ politique depuis les années 90. Si ce n'est pas dans
l'idéologie, dans le cadre symbolique des mouvements qu'il faut chercher
les raisons du réengagement, il nous semble que c'est dans leur forme et
leur fonctionnement, donc dans leurs caractéristiques
matérielles, que nous pouvons les trouver.
Dans un premier temps, nous essayerons de chercher des
facteurs d'unité dans l'association. Nous essayerons de déceler,
au-delà des différences de parcours et de sensibilités, ce
qui peut lier les militants et ainsi expliquer leur présence dans un
même mouvement. Ainsi, nous chercherons à savoir si des
caractéristiques socioprofessionnelles peuvent jouer. Nous chercherons
également à savoir comment les thèmes de l'association et
leur évolution parviennent à réunir une large palette de
militants. Enfin, nous essayerons de dégager les stratégies
déployées par l'association pour éviter les conflits en
son sein et homogénéiser les différents publics.
Ensuite, c'est la forme de l'association et surtout son
fonctionnement qui nous intéresseront. Nous tenterons de déceler
quels mécanismes facilitent la coopération des militants. En quoi
le fonctionnement démocratique de l'association permet de ménager
les susceptibilités ? En analysant les changements de statuts, nous
verrons comment l'association s'adapte aux évolutions et parvient
à surmonter les crises. Enfin, nous verrons comment la souplesse du
fonctionnement et la tenue d'Assemblées Générales
régulières et souveraines permettent de satisfaire les
militants.
Enfin, nous essayerons de savoir en quoi l'organisation du
travail militant permet de satisfaire des membres qui entendent avoir des
modalités d'engagement variables. Nous verrons comment le choix des
actions, leur diversité permet à chacun de trouver sa place. Nous
verrons comment la grande liberté d'initiative des militants leur permet
de se tailler un engagement sur mesure. Nous verrons également comment
la gestion des activités évite que les divergences entre les
militants ne donnent lieu à des conflits.
I. Les facteurs d'unité
Dans une première partie, nous allons donc essayer de
déceler ce qui fait le lien entre tous ces militants. Il y a trois
aspects qui nous semblent importants et qui expliquent la grande
diversité des membres dans cette association. Il s'agit
premièrement de caractéristiques socioprofessionnelles. Nous
interrogerons sur le caractère quasi exclusif du recrutement de
l'association dans les classes moyennes. Comment cette caractéristique
lie-t-elle les militants ? Ensuite, notre interrogation se portera sur les
thèmes de l'association et sur leur diversité. Nous verrons
comment le choix des thèmes de l'association permet d'attirer et de
fédérer un public varié. Puis, ce sont les
stratégies unificatrices de l'association qui nous intéresserons.
Nous verrons ainsi, par exemple, quel rôle peut jouer la mission
d'éducation populaire dans l'alignement des cadres de
références.
A. Un mouvement de classes moyennes
Il est flagrant, lorsqu'on s'intéresse à la
composition d'un mouvement comme ATTAC, que la quasi-totalité des
membres est issue des classes moyennes. Nous ferons donc l'hypothèse que
ce positionnement social est un des principaux facteurs d'unité de ce
mouvement. Nous nous interrogerons donc dans un premier temps sur les raisons
de cet engagement massif de personnes issus de cette catégorie
socioprofessionnelle. Puis, nous verrons comment les thèmes de
l'association parviennent à créer un consensus minimum entre les
membres.
Caractéristiques sociales des membres
Parmi les membres d'ATTAC-Strasbourg interrogés, la
quasi totalité est donc issue des classes moyennes. Pour la plupart, il
s'agit d'une ascension sociale remontant à une ou deux
générations. Il s'agit pour moitié de salariés du
secteur public102(*)
mais également, plus rarement, du privé. Les secteurs
d'activité sont variables mais il faut souligner que les enseignants
sont sur-représentés dans ce mouvement, ce qui correspond bien
à la composition habituelle des comités locaux d'ATTAC (mais dans
une moindre mesure peut-être). Il y a également des agents
territoriaux travaillant pour la ville ou pour des collectivités
territoriales. Sur les 17 militants interrogés, seulement 2 sont issus
de milieux populaires ou sont en situation précaire. Dans les personnes
qui ne sont pas encore dans le vie active, la plupart se destinent à des
carrières dans le public, dans la santé ou les
collectivités locales.
Nous voyons deux types de facteurs historiques qui peuvent
expliquer l'entrée en politique de ces militants des classes moyennes
qui, bien qu'ils soient déjà présents dans les NMS n'ont
pas réellement de culture de l'engagement. On peut même penser que
l'apparition d'une classe moyenne importante a participé au
déclin des conflits sociaux traditionnels. En quittant, leur milieu
social d'origine, les membres des classes moyennes abandonnent également
les revendications du milieu ouvrier et adoptent un autre rapport au politique.
Premièrement, il faut considérer que cette
catégorie sociale est celle qui a pu le plus profiter des progrès
sociaux et économiques des Trente Glorieuses. Le développement de
la société de consommation et les garanties sociales de l'Etat
Providence créent le sentiment que les conditions vont aller en
s'améliorant. Sur deux générations, l'ascension sociale de
ces catégories en font un soutien à la société en
place, selon l'idée du progrès et d'une plus grande
perméabilité des classes supérieures. Pour leurs enfants,
ils attendent également un progrès ou, au pire, une
stabilité. Le secteur public est pour cette catégorie un
débouché sûr, avec des avantages sociaux importants. Le
fait de travailler pour l'Etat les rend dépendant de lui et donc moins
critiques. Surtout, tout en s'assurant un niveau de vie intéressant, ils
ont l'impression de participer à une mission de progrès social
très valorisante. Bien que très hétérogène,
cette « classe » peut donc s'attribuer un rôle
historique intéressant en dehors des deux classes traditionnelles et
concilier progression matérielle et volonté de progrès
social.
Cependant la remise en question de la « civilisation
de service public » comme la nommait Bourdieu vient remettre en cause
leur stabilité et leur identité de classe :
« les mouvements altermondialistes sont fait par
des gens de classe moyenne, il faut dire ce qui est. Et en fait, bon, là
je vais sortir un peu ma... ça fait un peu... J'ai lu un peu Bourdieu,
je sais que dans son petit bouquin là, à un moment il parle de
la main gauche de l'Etat et de la main droite de l'Etat, et pour moi, le truc
c'est que justement le mouvement altermondialiste c'est plutôt des gens
de classe moyenne issus de la main gauche de l'Etat si on veut, du service
public. On le voit bien dans ATTAC : enseignants, etc... comme moi, bon
bref, c'est un peu caricatural mais bon... et c'est ça, ATTAC pour
l'instant, c'est un peu ça. Et je crois, à mon avis, c'est des
gens [...] qui se sentent menacés par le néolibéralisme,
en tant que main gauche de l'Etat. »103(*)
Le démantèlement des services publics et la
remise en cause de l'Etat Providence viennent en même temps fragiliser
les espoirs d'ascension sociale pour leurs enfants et les priver de leur
rôle historique. Les valeurs de solidarité, de progrès
social et de réduction des inégalités qui marquaient leur
action sont reléguées derrière la
compétitivité et la productivité. L'Etat interventionniste
apparaît comme le garant de leurs valeurs. Or, « c'est cet
Etat social, réducteur d'anomies puisque capable malgré ses
limites, de réglementer l'activité économique en imposant
l'intérêt général, que le
néo-libéralisme a entrepris de détruire
systématiquement »104(*). Ils sont donc les premiers à souffrir de la
logique néo-libérale qui remet en cause leurs emplois ainsi que
leur identité sociale et leurs valeurs. Alors qu'ils avaient
accepté de « participer au système » en
échange de la sécurité de l'emploi, d'un système de
retraite et de sécurité sociale, au nom finalement d'un pacte
social, ils ont le sentiment depuis les années 90 d'avoir
été floués, puisque la donne change sans qu'on les ai
consulté. La présence massive de fonctionnaires dans un mouvement
comme ATTAC s'explique donc facilement105(*), sans qu'on puisse observer l'émergence d'une
identité commune.
Deuxième raison qui explique leur engagement, les
classes moyennes, notamment du secteur public sont les soutiens traditionnels
de la gauche réformiste et en France du Parti Socialiste. Si celui-ci
catalyse l'espoir de changement lors de sa création, grâce au
charisme de François Mitterrand, et se propose de
« changer la vie », 21 ans
d' « alternance »106(*) ont suffi pour le décrédibiliser. La
transformation du PS en parti de gestion et de pouvoir, plus pragmatique
qu'idéologique, forcé de participer au système car trop
frileux pour le bousculer laisse une impression de tromperie. L'abandon des
politiques de réforme dès 82 et l'absence de grands chantiers
sociaux (hormis la création du RMI par Rocard)107(*), l'acceptation et même
la campagne pour une Europe « des peuples » qui
s'avère être une Europe « des patrons » ou
« de l'argent », ou encore le non-accomplissement des
promesses électorales (notamment sur les sans-papiers) alimentent un
sentiment de méfiance croissant envers le Parti Socialiste. Alors que le
vote a pu paraître comme une activité politique suffisante pour
les classes moyennes tant qu'une action réformatrice semblait possible
par le canal du PS, il n'en est plus rien aujourd'hui. Dernièrement, la
non-remise en question du PS sur les raisons de son échec continue
à le décrédibiliser :
« Et au PS, ce qu'il manque, c'est d'être
plus à gauche. Ils sont beaucoup trop centristes à mon goût
et trop... je sais qu'après le séisme du 21 avril, je me suis dit
« le PS, il faudrait peut-être leur filer un coup de main,
c'est le moment de faire quelque chose, ils vont se poser des questions, ils
vont se remettre en cause...«, et mon mari y est allé. A une
section locale, en se disant pareil. Il est revenu écoeuré, en me
disant « ils se posent aucune question », tout ce qu'ils
savent dire c'est «on a mal communiqué, on s'est mal fait
comprendre mais notre action elle est parfaite, on a tout bien fait, on a eu
raison sur tout«. Bon, on est pas gâté au niveau de la
représentation qu'on a en France. »108(*)
Cependant, cette catégorie ne se retrouve pas non-plus
bien représentée par les autres formations de gauche, au
vocabulaire encore très ouvriériste ou peu efficaces
politiquement :
« En terme électoral, je vote souvent PS
mais je suis pas vraiment satisfaite non-plus. C'est plutôt un vote
utile, quoi. Moi je me situerai plutôt plus à gauche que
ça. Mais je ne me sens pas non plus... je ne me retrouve pas du tout
dans les prises de position de gens comme LO-LCR, donc je ne vote jamais pour
eux. Je passe un peu des Verts au PS. [...] Chez les Verts, je crois que c'est
plus un problème interne, de dissensions permanentes et de manque de
ligne claire. Le fait qu'ils soient extrêmement... Il y a un
côté très sympa dans le côté très
démocratique, tout le monde s'exprime, tous les courants sont possibles,
mais en même temps, ça manque un peu d'efficacité,
quoi. »109(*)
Il faut donc trouver d'autres manières d'agir
politiquement, au-delà du vote110(*), d'autant plus que les classes moyennes ne sont plus
des classes privilégiées. Au-delà des principes, c'est
donc également dans leur intérêt qu'ils se mobilisent. Nous
allons voir ce qui facilite leur engagement dans ATTAC.
Un mouvement intellectuel
Un des points qui semble le plus attirer les militants de ce
genre de mouvements est son sérieux, le caractère réaliste
de ses revendications et son aspect technique. En effet, au risque de
paraître redondant, il faut dire qu'ATTAC se pare d'une aura très
technique afin de jouer au même niveau que ceux qu'elle prétend
combattre. Les analyses économiques keynésiennes de l'association
se réclament du même niveau que les analyses
néo-libérales des gouvernements et « officines
privées ». Ainsi, il faut souligner qu'une des principales
instances de l'association nationale est son conseil scientifique dont le
rôle est de produire une information rigoureuse et pointue. Cet aspect
technique est important pour deux raisons. Premièrement, les militants
sont plus aptes à décrypter les messages politiques et
économiques et également à les contrecarrer avec des
arguments valables. Ces analyses viennent donc compléter une opposition
de principe. Deuxièmement, cette technicité de l'association
semble les préserver d'être abusés par l'association.
Celle-ci ne promet certes pas « le paradis sur terre »,
mais se targue d'avoir des propositions crédibles et
applicables :
« Mais autrement, c'est du sérieux,
même si on n'est pas toujours d'accord. On n'est pas obligé
d'être toujours d'accord... Mais dans l'ensemble, la Présidence,
le conseil scientifique, les travaux, c'est quand même du sérieux,
c'est pas n'importe quoi. On ne sent pas la fibre démagogique, il n'y a
rien de démagogique dans tout ça. Taxer 0.10% à
l'entrée ou à la sortie sur des capitaux spéculatifs,
ça n'a rien de démagogique et c'est même dérisoire
à la limite. »111(*)
L'exemple de la Taxe Tobin, du nom d'un prix Nobel
d'économie112(*)
est d'ailleurs patent. Si l'association a eu un tel succès dès le
début, c'est bien parce qu'elle est née autour d'une
revendication concrète qui paraissait pouvoir être obtenue par une
mobilisation populaire113(*). Nombreux sont les militants qui voient là la
principale raison de leur adhésion au mouvement. Par la suite, ATTAC
conserve cette vocation technique sur tous les sujets abordés et
celle-ci se diffuse avec plus ou moins de résultats dans les
comités locaux, qui se mettent à leur tour à créer
de l'information. Dans le cadre des commissions, revues de presse ou forums,
les membres recherchent et condensent des informations économiques (OMC,
Banque Centrale Européenne), géopolitique (pétrole) ou
juridique (constitution européenne). Cependant, il faut être
conscient que les sujets politiques ou économiques abordés ne
sont accessibles qu'avec un capital culturel assez élevé.
Le vocabulaire utilisé, s'il n'apparaît pas
démagogique et permet aux militants de se former, s'apparente par contre
à celui utilisé par les experts qui ont rendu la politique
hermétique aux classes populaires, avec l'idée que
« ces choses-là sont trop compliquées ». Nous
voyons ici la principale explication du peu de succès que connaît
l'association dans les classes populaires malgré les efforts
déployés. L'association ATTAC correspond donc plus
particulièrement à des classes moyennes ou
supérieures114(*). Un certain niveau culturel caractérise donc
le mouvement.115(*)
Au-delà du niveau culturel nécessaire à
la compréhension des mécanismes économiques ou politiques,
les membres d'ATTAC partagent un même horizon politique. Jouissant d'une
certaine culture et ayant peu de soucis matériels, ils peuvent
facilement se projeter sur le long terme ou au niveau international. Il va de
soi qu'il est plus facile de militer pour des causes nobles et agir sur le long
terme dans la lutte d'idées lorsqu'on n'est pas omnubilé par le
terme de la fin du mois et les soucis d'argent au quotidien. Ainsi, les classes
moyennes qui composent un mouvement comme ATTAC ont les capacités de
s'intéresser à des enjeux qui paraissent fort lointains aux
couches populaires. Ainsi, l'horizon politique des classes moyennes correspond
bien aux revendications d'ATTAC. Ajoutons encore que les canaux informationnels
qui mènent à ATTAC nécessitent aussi de jouir d'une
certaine culture et d'un intérêt marqué à la
politique. La lecture du Monde Diplomatique ou de Politis, ou encore le fait
d'écouter les émissions de Daniel Mermet sur France Inter,
dénotent d'une appartenance à une certaine
« intelligentsia » culturelle de gauche.
La fragilisation du positionnement socio-économique des
classes moyennes, les aléas de leur participation politique et enfin
leur niveau culturel expliquent donc pour partie leur participation à un
mouvement comme ATTAC. Bien que la catégorisation en termes de classe ne
soit pas tellement appropriée, les classes moyennes formant une classe
« à peu près de la même façon qu'un sac
rempli de pommes de terre forme un sac de pommes de
terres »116(*), l'appartenance de la quasi-totalité des
membres à la classe moyenne agit comme un ciment entre les membres.
Partageant les mêmes craintes, le même ressenti historique et une
culture et un horizon politique similaire, les militants d'ATTAC ont des
prédispositions réelles pour coopérer au sein d'un
mouvement politique. Celles-ci sont renforcées par la
variété et la nature des thèmes de l'association.
B. Les thèmes de l'association
En effet, une autre caractéristique de l'association
facilite la coexistence dans la même association de militants aux profils
divers. C'est dans la variété des thèmes sur lesquels agit
l'association et dans l'approche particulière qu'elle adopte que nous
trouvons, non pas un facteur d'unité, mais une explication à la
diversité des membres. Nous allons donc voir que la
variété des revendications dans leur nature, leur
temporalité et leur échelle permet de satisfaire des attentes
différentes. Nous verrons aussi comment le choix de positionnement du
mouvement dans l'univers politique est à même d'éviter les
conflits.
La variété des thèmes
ATTAC, bien qu'elle soit surtout marquée au
départ par la promotion de la taxe Tobin, qui fut sa première
campagne, a très vite varié ses thèmes d'action et de
revendication. Si pour beaucoup, ATTAC semble se transformer et changer d'objet
en élargissant son champ de revendication117(*), le caractère
multi-revendicatif est pour les créateurs de l'association,
présent dès le départ. Pour ceux-ci, les objectifs de
départ ont toujours été « la
déconstruction de l'idéologie
néo-libérale » et la reprise par les citoyens de marges
de manoeuvres. Ces objectifs offrent un cadre de revendication très
large, permettant d'être présent sur de nombreux sujets. Qu'il
s'agisse de la contestation de la spéculation, des retraites par
capitalisation, de l'effacement de l'Etat devant les firmes multinationales et
les investisseurs, des problèmes environnementaux, des OGM, etc...,
ATTAC est présente. Il s'agit en fait de tous les problèmes en
relation avec la logique économique néo-libérale faisant
du profit la seule priorité au détriment de tout le reste, et ils
sont légions.
La multiplicité des cadres d'action d'ATTAC peut aussi
s'expliquer en partie par la diversité des organisations qui en sont
membres et de leurs terrains de lutte ( défense d'intérêts
sectoriels, lutte syndicale, défense des
« sans »,...). Mais le fait central qui explique pour nous
ce phénomène est le processus critiqué à la base.
Le « néo-libéralisme » est une logique qui
s'insinue dans les moindres choix de société et influe de plus en
plus les gouvernements, lorsque ce n'est pas déjà leur
credo118(*). La
priorité donnée au profit immédiat, à
l'impératif de productivité et de réduction des
coûts, au retrait de l'Etat de l'économie, à la suppression
de réglementations sociales et de structures de solidarité
« trop coûteuses » pour les producteurs, tous ces
aspects découlent de l'idéologie néo-libérale. Ils
sont à la base de la remise en cause des systèmes politiques et
sociaux nationaux et souvent de la mise en danger, sinon de la planète
et de l'humanité, du moins de l'environnement et des consommateurs. Les
thèmes de départ sont donc tournés vers la multiplication
des fronts puisque tout paraît lié à ceux-ci. Ainsi, ATTAC
lance régulièrement de nouveaux chantiers de réflexion et
d'action pour compléter son approche, les derniers en date concernant le
libre-échange, l'Etat, le chômage, l'AGCS...
En proposant des revendications et des mots d'ordres globaux
comme « le monde n'est pas à vendre » ou
« le monde n'est pas une marchandise » et en
avançant l'hypothèse qu'un autre monde est possible, ATTAC attire
une catégorie d'individus pour qui la perspective d'une lutte
axée sur la défense des acquis sociaux serait insuffisante. Si
l'on n'en est pas forcément à souhaiter un changement de
système, on prône au moins un changement de logique, faisant
passer le citoyen et le bien collectif avant les profits. Ces axes de
revendication globaux tels l'appel pour plus de démocratie ou plus de
pouvoir des Etats face aux entreprises, attirent des citoyens conscients et
ayant une réflexion sur ces thèmes. Ainsi, une partie des membres
avouent adhérer très rapidement et sur les thèmes de
départ de l'association :
« J'ai noué un lien avec ATTAC il y a
trois ans, à peu près, parce que deux slogans m'ont
intéressé. C'était « le monde n'est pas une
marchandise » et « le monde n'est pas à
vendre » et je trouvais que c'était des slogans que les partis
politiques et les syndicats n'avaient pas réussis à s'approprier
et ça m'a intéressé. »119(*)
...
« C'était l'approche qui me plaisait,
donc ce principe de taxe Tobin, donc la taxation des capitaux
spéculatifs. »120(*)
Or c'est également, voire surtout, sur des
thèmes ponctuels et des mouvements sociaux limités qu'ATTAC se
fait connaître et peut attirer de nouveaux membres. Ainsi, des
thèmes apparaissant suite à des actes ou annonces du gouvernement
ou de licenciements massifs, qui sont mobilisateurs, et offrent à ATTAC
l'occasion de tenir des débats publics et d'attirer de nouveaux
militants sensibles à tel ou tel sujet. ATTAC-Strasbourg fut notamment
présente lors de la fermeture du magasin Marcs and Spencer et en profita
pour dénoncer la décision d'actionnaires anglais de supprimer ces
emplois car pas assez rentables.
Mais cette multiplicité des revendications d'ATTAC
permet surtout à l'association de ne pas s'essouffler,
l'actualité fournissant régulièrement des sujets de
débat et d'action (manifestation, forums, tractage...). La
multiplicité des occasions d'agir peut donc renforcer l'engagement dans
l'association en multipliant les moments de partage et de satisfaction que
procure l'action. Ce genre d'analyse se retrouve chez D. Gaxie et sa
théorie de l' « effet
surgénérateur »121(*) qui met en lumière l'importance d'un rythme
soutenu et d'une action continue dans un mouvement social, l'arrêt du
militantisme entraînant une baisse de la satisfaction retirée de
l'engagement. Chaque occasion d'agir est donc bonne à saisir, sachant
que même pour ATTAC, dont la jeunesse en fait un mouvement très
actif et présent sur de nombreux thèmes, il y a des moments
où il n'y a « rien à faire », des
passages à vide.
De plus, s'il est difficile de faire avancer les choses au
niveau global et que les résultats de l'action sont maigres ( pas de
taxe Tobin ou de position française anti-OGM ), l'actualité
rappelle sans cesse la nécessité d'un changement et permet d'agir
sur des thèmes proches des gens. Chaque action ponctuelle permet de
légitimer l'existence d'ATTAC et de ses revendications plus globales.
Enfin, cette mixité entre revendications partielles et
revendications globales permet de maintenir dans le mouvement des individus
plus ou moins sensibles aux thèmes globaux ou à certains
thèmes occasionnels tout en gardant une certaine cohérence
puisque la logique de l'association est toujours la même.
L'approche particulière de l'association
Nous avons vu que les militants d'ATTAC sont
particulièrement méfiants vis-à-vis du pouvoir et des
velléités personnelles. L'objectif de l'association étant
de convaincre, les rivalités de pouvoir sont diminuées.
Une des principales originalités concernant la nature
d'ATTAC122(*), et c'est
une priorité qu'elle se donne, concerne le caractère hors du jeu
des partis. En effet, que ce soit un héritage de l'expérience
directe des militants et créateurs ou par l'observation externe de leur
fonctionnement, le refus d'être ou de devenir un parti politique est
récurent. Dans les principales critiques qui sont faites à
ceux-ci, il y a la méfiance des volontés de pouvoir
individuelles. Même si celles-ci existent forcément dans le cadre
de toute organisation, qu'elle soit politique ou non, le fait de ne pas
revendiquer l'accession au pouvoir public tempère ces
velléités. La quasi-inexistence de rétributions
matérielles dans le cadre de ce mouvement, au niveau national comme au
niveau local, et notamment l'absence de choix de candidats à des
élections évite toute personnalisation du mouvement et permet
à celui-ci de se concentrer sur leurs revendications
générales. De plus, en restant hors du jeu électoral, ces
revendications ne souffrent pas les compromis habituels et les
réorientations ou aménagements des programmes politiques
« post-campagnes » propres aux partis.
Enfin, il faut dire que les organisations qui sont à la
base ou adhèrent à ATTAC sont déjà dans une logique
d'action hors de la compétition électorale ( syndicats,
mouvements des « sans », collectifs de chômeurs et
précaires, publications,... ) et privilégiant plus, la
sensibilisation du grand public, la pression sur les pouvoirs publics par
l'intermédiaire des électeurs ou l'action directe. Ce sont ces
grands axes que nous retrouvons dans les stratégies politiques d'ATTAC.
Au niveau de l'association locale, nous avons
déjà vu que les militants refusaient la structure partisane. Nous
avons vu également que certains d'entre eux sont membres de partis
politiques et que la mise en concurrence sur le plan électoral de leurs
différentes appartenances aboutirait à un retrait de
l'association. On comprend donc l'importance pour ATTAC de rester dans le
registre de la lutte d'idées et non dans celui de la concurrence
électorale.
Les propos des militants illustrent bien ce souci lorsqu'ils
décrivent les participations électorales de certains militants.
La question se posa la première fois au niveau local lors des
élections municipales de 2001 :
« On avait dit « on ne fait pas de
politique », au sens politique électorale. Pour les
municipales à Strasbourg il y a trois ans, il était question du
fait qu'ATTAC fasse de la politique. Et le mot d'ordre c'était non. Et
les gens sont partis sur la liste « air », je crois.
Beaucoup étaient issus d'ATTAC. Avec interdiction de dire « on
est membres d'ATTAC », c'était la condition sine qua
non. »123(*)
Comme au niveau national, les membres sont donc priés
de taire leur appartenance à ATTAC lorsqu'ils sont présents sur
une liste électorale. Ils s'engagent à titre individuel mais ne
représentent pas l'association et ses membres. Ainsi, les militants ne
se sentent pas attachés ou compromis par les choix politiques des
autres. La question de la publicité de l'appartenance à ATTAC de
certaines personnalités dans le cadre de leurs activités hors
ATTAC sont d'ailleurs discutées en AG mensuelle par les
militants124(*).
Lors des élections suivantes, le même principe a
été appliqué par les membres candidats :
« J'ai interdit aux journalistes de citer que
j'étais d'ATTAC. Bon, si des gens me connaissent je ne vais pas me
cacher mais bon... Que ceux qui apprécient mes idées votent pour
moi, ça c'est bien mais pas en temps qu'ATTAC, en temps que D.,
voilà. » 125(*)
Ainsi, non seulement les membres conservent leur
liberté d'agir politiquement dans d'autres cadres, mais le groupe n'en
pâtit pas et ces choses ne sont pas discutées en AG. Chacun garde
pour soi son positionnement propre sans qu'on puisse identifier de
manière collective l'association ATTAC derrière une liste
particulière.
Plus récemment, la question des listes
altermondialistes pour les élections européennes a ravivé
le débat. Les militants d'ATTAC-Strasbourg étaient unanimement
opposés à l'existence de ces listes, trop proches de
l'association. C'est d'ailleurs l'incompréhension face à cette
initiative qui prédomine, suscitant un certain sentiment de
méfiance face à l'association nationale126(*). Le mot d'ordre de
« faire de la politique mais autrement » reste donc
d'actualité. Le soucis affiché, alors que ces listes
étaient certainement l'occasion d'essayer d'être plus lisible et
efficace politiquement, est justement celui de conserver son efficacité
au mouvement en termes de force de proposition :
« C'est une mauvaise chose médiatiquement
parlant parce que... J'ai moi-même été obligé
d'intervenir à la dernière réunion, en disant fermement
que je quitte ATTAC si nous rentrons en politique directement. [...] Alors que
j'étais moi-même candidat sur une liste aux
régionales. J'ai été moi-même candidat mais je
refuse qu'ATTAC soit comme il en est question, selon à mon avis plus des
rumeurs que des bruits fondés, une force politique elle-même. J'ai
toujours en tête mes premières prises de position il y a cinq ans,
jamais un parti politique, sinon nous finirons comme les Verts... qui avait
exactement la même fonction [...]. Les Verts ont infusé des
idées tout à fait convenables et très novatrices. Tout le
monde a repris leur discours sur certaines choses, hein. Il n'y a plus personne
qui ne parle pas d'écologie. Donc ils ont eu une nécessité
absolue là. Mais le fait même qu'ils se soient constitués
en parti politique leur enlève à mon avis de la
crédibilité. C'est un point de vue strictement personnel, c'est
tout. Et je ne voulais pas qu'ATTAC, qui se consacre à l'environnement
financier finisse comme les Verts qui se consacraient à l'environnement
naturel, voilà. »127(*)
L'entrée d'ATTAC dans le jeu électoral, en plus
de la concurrence que cela créerait entre les affiliations de chacun,
serait donc une mauvaise chose pour le mouvement qui deviendrait
forcément un petit parti affilié au PS et obligé de se
renier lors de participations au gouvernement. La lutte pour les postes
à pourvoir aux élections serait ouverte créant les
mêmes problèmes que dans les partis politiques avec des
rivalités personnelles et de tendances. Enfin, le positionnement
politique d'ATTAC hors du jeu électoral permet également de
conserver une grande liberté en limitant la parole d'appareil, la langue
de bois et le réalisme :
« Un parti, c'est d'abord un instrument de prise
de pouvoir, c'est une orientation complètement différente.
Après, qu'il y ait des gens d'ATTAC qui se présentent, ça
ne me gêne pas du tout mais qu'il y ait des listes altermondialistes avec
des gens qui sont presque tous d'ATTAC, c'est ça qui est gênant.
Que des gens d'ATTAC et d'autres fassent des listes ou qu'un parti se fonde sur
les mêmes idées qu'ATTAC, pourquoi pas ? Mais je pense qu'il
y a une richesse à ne pas être un parti. Y compris dans le
côté qu'on peut nous reprocher parfois, de manquer de
réalisme, mais ça c'est très bien justement. On peut se
permettre ça. On a cette liberté là que n'ont pas les
partis. Puisqu'on ne prétend pas gérer un pays. Donc ça
veut dire qu'on peut se permettre d'aller beaucoup plus loin et de faire bouger
des choses. Et c'est vrai que les partis genre PS et autres, justement ils sont
tellement... surtout depuis qu'ils ont eu un peu le pouvoir. Avant, ils
l'avaient pas donc ils pouvaient être à la limite tout fous, quoi.
Maintenant qu'ils y ont goûté, ils ont envie d'y revenir donc ils
ont des stratégies électorale que nous, on n'a pas. C'est une
richesse incroyable, on est beaucoup plus libres. »128(*)
La question du positionnement politique hors du jeu des partis
est donc fondamental pour comprendre la possibilité pour ATTAC de
fonctionner. Non seulement cela permet d'éviter les conflits dus
à la variété des allégeances partisanes mais c'est
un gage de liberté à deux niveaux. Chacun garde son autonomie
et l'association reste plus libre dans ses revendications. De plus, les
désaccords existants sur les modalités particulières des
changements prônés peuvent rester au second plan. L'accord
existant entre les membres d'ATTAC se dessine finalement en négatif
grâce à certaines stratégies.
C. Les stratégies unificatrices locales et
nationales
Nous allons voir ici comment l'association parvient à
dégager un consensus minimal entre les membres grâce à son
action éducative et pédagogique. Il apparaît que le travail
d' « éducation populaire » soit pour l'instant
avant tout destiné aux membres de l'association. Ceci permet aux membres
de trouver un accord sur la critique et de cimenter l'association.
L'alignement des cadres de références
Au niveau national, le travail de production d'information,
s'il est un moyen de lutter contre le libéralisme, est surtout à
même de créer des liens entre les membres et d'unifier les cadres
de référence. Le travail d'information ou de formation des
membres s'apparente à la nécessité de définir les
contours du mouvement et d'homogénéiser les discours et les
références.
Il nous semble que le travail de construction du mouvement
politique n'est pas ici à négliger, notamment en ce qui concerne
la « mobilisation du consensus ». Les travaux de
Klandermans129(*) sur la
dimension stratégique de ce travail de préparation nous
permettent de saisir quelques faits intéressants quant à la
création d'ATTAC. Nous retiendrons, pour faire simple, l'analyse de
Filleule et Péchu qui disent que pour être suivi, un mouvement
doit « identifier un problème, le qualifier en termes
politiques, désigner des responsables, proposer une solution au
problème, persuader que cette solution peut être obtenue par
l'action collective »130(*). Il nous semble que les créateurs d'ATTAC ont
attaché une certaine importance à ces différentes
étapes. Le travail effectué à ce titre dans Le Monde
Diplomatique131(*) nous
paraît exemplaire en ce qui concerne la dénonciation des
problèmes (par exemple, la criminalité financière) et des
responsables ( les spéculateurs), et les solutions ( la taxe Tobin). La
ligne éditoriale du journal avant 98 et le ton utilisé nous
apparaissent donc comme une vaste campagne de sensibilisation dont l'enjeu
principal résidait dans la sensibilisation d'une population prête
à se mobiliser sur des sujets relatifs à la globalisation
financière et l'instabilité internationale ainsi que sur leurs
conséquences nationales. Le journal ira jusqu'à accueillir dans
ses colonnes l'appel à la création d'ATTAC par Ignacio
Ramonet132(*), fameux
pour ses éditoriaux et articles dénonciateurs du désordre
économique et de la criminalité financière.
Mais ce travail de mobilisation du consensus ne s'arrête
pas là et trouve sa continuation dans les actions de l'association une
fois formée. L'omniprésence d'ATTAC sur tous les sujets et dans
de nombreuses manifestations, sa vocation médiatique, son attachement
à un sigle facilement reconnaissable et l'utilisation de concepts et
d'un vocabulaire rapidement répandus et assimilés donnent un
poids supplémentaire et participent à l'implantation de
l'association dans le monde militant et dans les esprits.
Le travail d'éducation populaire, qu'il soit fait au
niveau national (on pense alors au conseil scientifique) ou au niveau local
(dans le cadre des revues de presse, commissions ou forums) permet aux membres
de partager certaines représentations. Le vocabulaire adopté, qui
se démarque du vocabulaire des organisations traditionnelles, permet
d'éviter qu'apparaissent de manière trop flagrante les
différences de sensibilités, par rapport par exemple au
capitalisme. Le fait de donner un vocabulaire commun aux membres permet de
gagner du temps dans les discussions et de bien circonscrire ce qui concerne
l'engagement dans ATTAC et ce qui doit rester en dehors. C'est tout un travail
d'apprentissage collectif qui a été fait par les membres du
comité dans les premières années :
« Ca, c'est venu au fur et à mesure de la
formation... parce que j'appèle ça une formation vraiment,
où enfin de compte, il a fallu, pour tout le monde d'ailleurs,
étoffer les arguments, commencer à savoir parler,
etc... »133(*)
Le travail des commissions, bien qu'il soit destiné
également à des personnes extérieures à
l'association, attire quasiment uniquement des membres. L'information produite
sert alors à donner des références communes aux membres.
Le stock commun d'informations produites peut être utilisé par
tous dans le cadres de leurs actions ou en dehors. Celui-ci, même s'il
n'est pas forcément d'un niveau très élevé
puisqu'il s'agit surtout de vulgariser, est investit d'une certaine confiance
par les membres. En effet, le fait que ce travail soit
« artisanal » et sorte des circuits médiatiques
habituels est fort apprécié car il est considéré
comme un gage d'objectivité. De plus, les membres ont conscience
d'apprendre ensemble et au même rythme ce qui peut participer à
l'établissement d'un relatif sentiment communautaire. L'enseignement est
d'autant plus apprécié qu'il vient de quelqu'un que l'on
connaît et qui partage un certain savoir. La reconnaissance n'est ici pas
étrangère à l'établissement de liens plus
resserrés entre les militants. De temps à autres, les
différents groupes tentent d'agir de concert et de réinvestir les
connaissances communes. Ainsi, certains s'attachent-ils à rédiger
des articles dans le journal interne pour rendre compte du travail d'une
commission ou à faire des affiches publiques pour diffuser ces travaux.
Cependant ces actions restent assez marginales.
Un accord sur la critique
La continuité de l'association malgré les
nombreuses divergences d'opinion que nous avons vues en première partie
s'explique donc par le fait qu'un accord minimal soit trouvé sur la
critique du système économique néo-libéral ou dans
des réactions à des évènements
particuliers :
« on est tous ensemble pour dénoncer
devant Marks et Spencer, le lendemain. Les syndicats avaient pas encore
réagi, ils étaient assommés. Je suis allé voir ces
petites bonne-femmes qui sentaient bon, là, toutes ces vendeuses de haut
de gamme, elles étaient foutues à la porte. On leur a
expliqué comment ça s'était fait, « que la
bourse de Londres avait décidé que »... Là je
pense qu'un mec de la Ligue ou un mec de l'aile gauche du PS ou un Vert, ils
sont d'accord sur le diagnostic... ou un non-encarté comme moi. Mais
après, les explications, on laisse à chacun sa
liberté. »134(*)
C'est donc principalement sur la critique que se rejoignent
les militants. Les solutions à apporter restent donc du domaine du
privé. Ceci est permis également par la relative
imprécision des termes utilisés. Que l'on parle de
libéralisme ou de néo-libéralisme, chacun a sa
définition du terme : nature du capitalisme, phase de celui-ci,
théories économiques, idéologie, état d'esprit...
chacun semble investir le vocabulaire commun d'un sens différent en
fonction de sa sensibilité ou de son parcours politique. Finalement, on
pourrait penser comme un des militants que « chacun
peut voir midi à sa porte à
ATTAC »135(*). Cette imprécision des termes nous
paraît d'ailleurs être entretenue savamment par l'association.
Une attention quotidienne
Mais la diversité des militants entraîne
également des efforts et des postures particulières de la part
des membres. Ainsi, ceux-ci doivent-ils s'imposer une certaine discipline dans
leur prise de parole afin que leurs appartenances politiques ne puissent
transparaître. Ce qui apparaît dans leurs participations
électorales éventuelles est également présent dans
leurs prises de paroles dans les AG par exemple. En règle
générale, c'est l'image d'ATTAC qui doit rester
inaltérée et les militants sont soucieux de ne pas la
détourner ou d'en abuser comme en témoigne ce commentaire :
« On a commis des erreurs, d'ajustement, il y a
peut-être des manifestations auxquelles on aurait peut-être pas
dû prendre part en tant qu'ATTAC mais en tant qu'individus. Il y a
peut-être des choses comme ça, ça on en apprend tous les
jours, hein. A mon âge on en apprend tous les jours alors à 25 ans
encore plus, bon.
[...]
Non, non, je revendique pas « flamberge au
vent ». Ici oui, à Strasbourg, je commence à être
connu un peu. Quand il y a une manif, je met mon petit truc ATTAC, bon... Mais
les grandes banderoles, j'exige qu'elle sortent uniquement quand c'est dans la
sphère principale d'ATTAC. »
Les querelles internes sont également
minimisées. Très peu de militants en font part si on ne le leur
demande pas expressément. Pourtant, il est clair qu'ATTAC-Strasbourg a
connu des crises dues aux appétits de pouvoir de certains ou en rapport
avec leur parcours ou leur appartenances politiques. Lorsque les militants en
parlent, c'est en relativisant le facteur de l'appartenance politique. Les
caractères et les pratiques politiques sont mis en avant pour expliquer
les conflits. Il est vrai que ces facteurs sont réels dans les cas de
conflits interpersonnels dans l'association, mais la prudence exprimée
lorsque ces sujets sont abordés dénote d'une certaine
auto-censure et donc d'une certaine conscience de l'acuité du
problème. La plupart des militants affirment être restés en
dehors de ces conflits et ne pas vouloir s'en mêler bien que tous en
aient connaissance. Lors de certaines réunions auxquelles nous avons
assisté, même lorsque le ton montait et que les divergences se
faisaient clairement sentir, ces sujets n'apparaissaient pas. Il y a donc un
certain esprit d'atténuation des conflits :
« c'est aussi des conflits de personnes aussi en
même temps. Et puis aussi je crois que, je me dis souvent que bon, on est
quand même dans une période en ce moment..., je
préfère d'abord chercher l'unité. Moi, franchement chez
moi, c'est très important l'unité, quoi, toujours. Coûte
que coûte, l'unité quand même. »
[...]
« Parfois c'est dur, c'est sûr. Parce
qu'il y a, même dans n'importe quelle association, il y a des
tiraillements, il y a toujours des rivalités personnelles, tout
ça et c'est pas toujours évident... Bon, moi de ce
côté là, c'est vrai que ma position n'est pas
arrêtée, quoi. C'est-à-dire que je reste souvent neutre par
rapport aux conflits, quoi. J'évite de rentrer là-dedans et
j'essaye de maintenir, mais bon, quand quelqu'un déconne trop
évidemment, là, on peut plus le suivre. Mais bon, c'est pas
facile. Je sais que ce n'est pas facile, il y a vraiment encore beaucoup de
boulot à ce niveau-là, quoi. » 136(*)
La diversité des membres de l'association amène
donc l'association et les militants eux-même à observer certaines
règles afin de ne pas détruire le fragile équilibre
établi par leur accord contre le néo-libéralisme et le
recours à des références communes.
Cette première sous-partie est donc riche
d'enseignements en ce qui concerne les facteurs d'unité qui lient les
membres. L'appartenance de la quasi-totalité des membres, à la
classe moyenne, est un élément central. Les membres qui en font
partie partagent le même ressenti historique vis-à-vis du
démantèlement de l'Etat Providence et la même
désillusion en ce qui concerne la représentation politique de ses
valeurs par les partis politiques de gauche.
Les propositions de l'association, dont l'aspect
concret et technique éloigne le spectre démagogique, satisfont
ces membres au capital culturel élevé. De fait, ATTAC correspond
bien à un niveau culturel assez élevé. Ces militants, de
par leur appartenance à la classe moyenne partagent les mêmes
craintes, la même culture et le même horizon politique qui leur
permet de se projeter à long terme dans une lutte d'idées
commune.
Le cadre de revendications large qu'adopte l'association, qui
s'explique par l'omniprésence du néolibéralisme, permet
à l'association de recruter des militants aux intérêts
divers, sur des thèmes globaux ou des luttes ponctuelles.
Le positionnement hors du cadre électoral offre une
cohérence plus grande à l'association et évite la mise en
concurrence des appartenances politiques. Le soin accordé à ce
que les participations électorales des membres ne se ressentent pas dans
l'association est significatif du soin apporté à la gestion de la
diversité.
Enfin, l'alignement des cadres de références par
un travail d'auto-formation des militants renforce l'unité de
l'association. La mobilisation du consensus, au niveau national, et
l'éducation populaire, au niveau local, permettent aux militants d'avoir
des bases communes pour travailler ensemble. Ceux-ci s'accordent donc sur la
critique du « néolibéralisme », terme investi
d'autant de sens différents qu'il y a de militants.
L'atténuation des conflits et la préservation de
l'image et de la neutralité de l'association apparaissent
également comme des facteurs nécessaires pour que chacun puisse
s'y sentir bien.
Facteurs socioprofessionnels et culturels, souplesse et
positionnement de l'association, travail national ou des militants, il existe
des facteurs multiples qui créent entre les membres une
communauté de sentiment ou permettent, par un travail quotidien,
d'atténuer les tensions.
Nous allons voir maintenant comment le fonctionnement de
l'association permet également de réguler les conflits.
II. Le rôle de la démocratie
interne
Dans cette partie, nous verrons comment le fonctionnement
particulier de l'association a permis d'attirer des publics divers et de les
faire coopérer dans une même structure. Dans un premier temps,
nous décrirons les différents types de statuts qu'a eu
l'association en tentant d'expliquer ces évolutions. Nous verrons
comment fonctionne l'association au niveau interne en soulignant la
démocratie interne et son rôle dans la bonne marche de
l'association. Nous verrons comment l'autonomie du local, la gestion des
affaires par l'association est un gage de réussite également.
A. Les évolutions statutaires : vers plus de
démocratie
Les premiers statuts de l'association ATTAC-Strasbourg,
statuts classiques des associations dans leur forme et leur fonctionnement, ont
rapidement évolué de manière à apporter plus de
démocratie et de participation. Nous verrons que le fonctionnement
actuel est un progrès notable par rapport aux précédents
et garantit beaucoup plus de poids au militant qu'une organisation politique
traditionnelle.
L'évolution des statuts
Nous l'avons dit, les premiers statuts de l'association,
préparés par un comité de pilotage volontaire de 14
personnes suite à une première réunion au TNS, sont des
statuts assez classiques des associations suivant la loi de 1901137(*). Le comité de
pilotage, composé pour moitié de vieux routiers de la politique
et pour moitié de jeunes, étudiants pour la plupart,
rédigea des statuts adoptés le 1er mars 1999.
L'association est organisée de manière assez pyramidale. A la
base, l'AG qui se réunit ordinairement une fois par an.
L'Assemblée Générale composée par les membres
physiques de l'association élit les membres du conseil d'administration
pour deux ans, rééligibles sans limitation. Elle approuve les
rapports d'activité et financiers, statue sur l'exclusion d'un membre
pour préjudice causé à l'association. C'est au sein du
conseil que sont élus le Président, le secrétaire
général, le trésorier et les vices-présidents qui
composent le bureau. Tous les membres de l'association peuvent assister aux
réunions du conseil d'administration mais ils ne peuvent pas voter.
L'assemblée générale n'a donc pas droit au chapitre
au-delà de l'élection du conseil d'administration. Elle vote
à bulletin secret pour l'élection du conseil mais à main
levée pour les autres questions. C'est le conseil qui prend les
décisions concernant l'association. Il décide des questions
inscrites à l'ordre du jour des assemblées
générales. Le bureau exécute ces décisions et
s'occupe de la gestion quotidienne de l'association. Le président
dispose de tous les pouvoirs habituels d'un président, il anime les
réunions et représente l'association à l'extérieur
et devant la justice, sa voix compte double en cas d'égalité au
conseil.
On le voit, ces statuts ont peut de rapports avec les
idées de démocratie participative développés par
l'association. C'est la prudence qui a prévalu lors de la
rédaction de ces statuts avec une persistance certaine des
mécanismes de délégation propre aux organisations
traditionnelles.
Pratiquement, pendant les premières années, les
membres de l'AG ont peu de prise sur la vie de l'association. Les
décisions sont prises au conseil d'administration, souvent en l'absence
de certains membres, et c'est un bureau très restreint qui gère
les affaires courantes. L'AG n'a son mot à dire que tous les ans,
lorsqu'elle renouvelle par moitié le CA.
Ces statuts furent modifiés en mars 2003 avec une
avance significative vers une plus grande participation des militants dans les
prises de décisions comme en témoigne le préambule des
nouveaux statuts : « Vers une démocratie
participative »138(*). Principalement, c'est le fait que l'AG se
réunisse en tant que telle tous les mois (ceci est prévu dans le
règlement intérieur) et puisse statuer sur quasiment tous les
sujets, ce qui est nouveau. Dans les nouveaux statuts, c'est le chapitre sur
l'AG qui vient le premier alors qu'il était le dernier dans la mouture
précédente. Ainsi, les décisions qui étaient
précédemment réservées au conseil sont maintenant
discutées collégialement par tous le membres. Le conseil,
composé de 16 membres, élit toujours les membres du bureau (qui
gère les affaires courantes) en son sein mais le président a
disparu. Ce sont des porte-paroles dont le nombre n'est pas défini, qui
représentent désormais l'association à l'extérieur.
Le secrétaire hérite de la signature de l'association et anime
les débats. La responsabilité juridique et financière est
désormais partagée entre tous les membres du conseil. En
contrepartie, puisque les décisions prises par l'AG engagent
juridiquement les membres du conseil, ceux-ci peuvent s'opposer à une
décision de l'AG. Ce qui limite tout de même le pouvoir de l'AG
à qui il reste tout de même la possibilité de
révoquer le conseil.
En outre, un règlement intérieur est
adopté quelques semaines plus tard pour compléter les statuts. Il
y est prévu, entre autre, que les candidats au conseil doivent
être membres de l'association depuis au moins trois mois. Deux absences
inexcusées d'un membre du conseil amène à son exclusion de
celui-ci. La pratique de la procuration est limitée. Ces dispositions
viennent assurer que les membres du conseil s'investissent
régulièrement dans l'association. En effet, pendant les
premières années, des membres du conseil étaient
régulièrement absents lors des réunions ou des AG.
Enfin, en mars 2004, une nouvelle révision des statuts
a lieu. Le conseil disparaît au profit d'un bureau élargi (huit
membres). Celui-ci reste révocable par l'AG et hérite du droit de
veto. Le principe de la parité prôné dans les statuts
précédents est appliqué et il est prévu quatre
postes pour les femmes et quatre pour les hommes. Chacun doit obtenir un nombre
de voix au moins égal au dixième du nombre d'adhérents
pour être élu, c'est-à-dire une vingtaine de voix. Le
nombre de mandats consécutifs est limité à deux. Les
postes vacants sont pourvus par l'AG alors qu'ils l'étaient
précédemment par le conseil. Le bureau choisit en son sein le
secrétaire, le trésorier et les porte-paroles. C'est lui qui
hérite de la responsabilité juridique et financière de
l'association. La fusion du conseil et du bureau limite le nombre de
réunions et de responsables de l'association. Seul les plus
motivés en font donc partie.
Nous devons évoquer au passage le fait que tous les
statuts de l'association ont été soumis à ATTAC-National
pour approbation. En effet, une charte des comités locaux139(*) fixe d'une manière
assez large les conditions pour prétendre au sigle ATTAC dont
l'association nationale est propriétaire.
Vers plus de démocratie
On peut donc voir que d'une organisation pyramidale avec trois
instances, le fonctionnement de l'association s'est transformée dans le
sens d'une plus grande transparence et d'une participation accrue des membres
dans les prises de décisions. Ceci correspond bien aux attentes des
membres. De 16 conseillers, ce sont tous les adhérents qui peuvent
décider des actions de l'association (il y avait en moyenne une
trentaine de membres présents aux AG auxquelles nous avons
assisté). De trois à cinq membres au bureau, ce sont
désormais 8 qui suivent les affaires courantes de l'association.
Ces évolutions vers plus de démocratie sont
à même de satisfaire les membres hostiles aux mécanismes de
délégation et craignant une appropriation du pouvoir par
quelques-uns. Les termes d'origine étaient également
controversées et parfois mal choisies :
« Ouais, alors on combat le libéralisme
ou le capitalisme et nous on est entrain de parler d'un Conseil
d'Administration et pourquoi pas d'actionnaires, pendant qu'on y est, d'ATTAC.
Non, alors moi, ça m'énervait, quoi. Alors on a
décidé de changer les statuts, pas parce que moi ça
m'énervait, parce qu'il y a eu une position démocratique de tout
le monde, une discussion. Donc maintenant il y a le conseil, il n'y a plus le
mot Conseil d'Administration, et il n'y a plus de président, maintenant,
il y a des porte-paroles. Bon, ça peut être ambiguë encore,
parce que porte-parole après tout, ça peut être un
président déguisé, sait-on jamais. Et il y a un bureau,
par contre, toujours qui est maintenu.
[...]
la loi nous piège, la loi est mal faite aussi
à ce niveau-là. Bon, il y a un changement qui est assez... je
crois que le plus intéressant c'est que maintenant quand il y a une AG,
déjà, il y a cette notion d'AG tous les mois, et donc tout le
monde vote, tous les adhérents ont le droit de vote. Donc il n'aura pas
une adhésion à deux vitesses, genre il y a les membres un conseil
et il y a les autres, ça ça m'énervait
complètement, ça me hérisse, c'est mon côté
« j'aime pas le pouvoir », et ça, ça
m'énervait quand j'étais à Paris par exemple. A
ATTAC-Paris, à un moment donné dans un comité, il y avait,
j'ai appris l'existence d'un Conseil d'Administration et je ne savais pas que
ça existait, ce genre de truc, où se prenaient les vraies
décisions, enfin, ça m'a complètement
hérissé, quoi. »
C'est également un soucis de cohérence entre les
idées démocratiques de l'association et son fonctionnement
réel qui a amené les modifications de statuts :
« Au départ, on a fait en fait les
statuts classiques. On a pris les statuts bateau des assoc. Après il y
avait eu effectivement une grande AG au TNS, où on avait dit «on
parle de démocratie participative mais on la fait pas, on devrait le
faire, donc plus de président mais un bureau avec des
porte-paroles« ».140(*)
Le fait que le pouvoir de décision appartienne
désormais à tous les membres apparaît donc comme un gage de
transparence, tout ne se passant pas dans des cercles fermés. C'est
donc petit à petit que l'association a adopté le fonctionnement
démocratique qui la caractérise aujourd'hui.
Donner plus de pouvoir à l'AG était
également une nécessité pour faire participer plus de
personnes et créer les conditions d'une réelle démocratie
participative au niveau de l'association :
« Le but, c'était justement
d'élargir un peu les responsabilités. C'est vrai qu'on avait
constaté à un moment au sein du conseil d'administration, sur 16
personnes, il y a avait en moyenne 8 à 10 qui venaient aux
réunions, donc ça posait un problème. Le but,
c'était quelque part, en supprimant les instances vraiment
administratives, c'était d'investir plus de militants qui ne venaient
pas en CA mais qui venaient en AG. »141(*)
De ce fait, les militants hostiles à toute
responsabilité élective contraignante peuvent tout de même
s'investir dans la vie de l'association.
La démocratie en question
Cependant, contrairement à ce qu'on pourrait penser, ce
foisonnement démocratique n'est pas forcément au goût de
tout le monde et a un coût élevé. En terme
d'efficacité par exemple. Ainsi, il faut une certaine patience pour
laisser vingt ou trente membres exprimer chacun leur nuances d'opinion sur un
sujet sur lequel, finalement, tout le monde est d'accord sur le fond :
« Moi, je tenais la caisse, j'étais dans
le hall d'entrée, la caisse, je vendais les journaux, etc... et, de
temps en temps, j'allais assister et je revenais tout de suite tellement
ça me faisait marrer. Parce que tout le monde tournait en rond pour
arriver à la fin à la même conclusion, à laquelle on
était arrivé avant d'organiser l'AG. Donc c'est extrêmement
épuisant.
[...]
Et j'avais l'impression que les gens, d'un
côté ils disaient comment il fallait faire et de l'autre
côté, ils discutaient pendant des heures et à la fin on
avait plus envie de rien faire tellement on était
fatigués. »142(*)
La démocratie interne et la volonté de laisser
la parole à tous nécessite donc une certaine volonté.
En outre, des visions différentes peuvent
apparaître en fonction du rôle de chacun. Pour certains anciens
responsables de l'association, le bureau doit pouvoir rester fort, prendre des
décisions et en rendre compte après-coup à l'AG.
L'investissement important dont ils font preuve doit leur assurer une certaine
autonomie d'action. Le fait de devoir réunir l'AG ou attendre la
prochaine AG mensuelle pour prendre une décision peut paraître
paralysant et ne s'accorde en tous cas pas avec l'urgence. Le fait que
l'initiative des actions appartienne à l'AG alors que la
responsabilité juridique et financière appartient aux membres du
bureau pose également problème. En effet, il est arrivé
que l'AG vote avec enthousiasme un projet mais que le manque d'investissement
des membres par la suite aboutisse à un échec matériel et
financier retombant sur le bureau. Le droit de veto dont dispose celui-ci sur
les décisions de l'AG trouve ici son explication. La démocratie
interne ne va donc pas de soi et nécessite des efforts constants. Il
nous semblait important de le souligner avant de voir comment les crises qu'a
vécu l'association explique les évolutions de statuts.
B. La régulation des crises
En effet, les adaptations des statuts, au-delà de la
nécessité démocratique évoquée,
correspondent également au soucis de répondre à des
disfonctionnements qui apparaissent assez rapidement.
Juguler les appétits de pouvoir individuels
Premièrement c'est le poste de président qui a
posé des problèmes. Non seulement, ce poste pouvait mener
à une certaine personnalisation de l'association mais il a
été source de conflits au sein de l'association :
« Il y a eu des turbulences dès le
début avec ça. Parce qu'avant qu'on soit avec un truc collectif,
c'était LR qui était présidente, qui est maintenant dans
le bureau. Elle aussi, elle est là depuis le début. Mais avant
elle, il y avait un mec, ça a été assez hard... Ah, non,
attends... juste avant c'était plus LR, c'était SD... Et encore
avant LR, il y avait un type, un grand maigre, je sais plus son nom,
c'était le premier président. Mais lui aussi, il était
devenu très... il a été corrompu par le pouvoir.
Incroyable, parce que le pouvoir à ATTAC-Strasbourg, c'est quand
même pas grand-chose mais il voulait plus lâcher, quoi. Donc on
avait déjà eu des réunions assez houleuses à
l'époque. »143(*)
Ce premier président s'accrocha au pouvoir, ce qui suscita
différentes stratégies afin de s'en débarrasser mais
aboutit à des solutions de compromis :
« Ouais, le premier président, ça
a fritté très vite avec lui, moi en premier d'ailleurs. Parce que
c'était quelqu'un, d'ailleurs c'est toujours quelqu'un
d'extrêmement imbuvable, c'est quelqu'un qui a une énorme culture
générale, une énorme culture politique mais il est
imbuvable et surtout c'est un velléitaire, il n'arrive jamais à
ce qu'il veut faire. Parce qu'il est incapable de se mettre des gens de son
côté autrement que par l'opposition idéologique... Et la
première année, disons, ça a été une
année de croissance donc on a beaucoup pris sur nous, etc... c'est vrai
qu'il y avait beaucoup de sujets sur lesquels on pouvait s'investir sans avoir
forcément son contrôle mais au fur et à mesure, ça
s'est dégradé et l'élection a eu lieu, un an et demi ou
deux ans plus tard.[...] c'était le début de la guerre des
clans.
[...]
Ben, le clan d'un côté donc ce
président et ses affiliés qui sont des grosse têtes
extrêmement méprisantes et de l'autre côté, une
personne qui est venue, qui elle-même venait du monde politique LCR-PS,
qui venait par opportunisme. Qui était soutenue par une équipe...
dont moi, plus par rejet du premier président, qui a été
surtout mise en place parce qu'on en avait ras-le-bol, mais en même
temps, on a pas réfléchi plus loin que le bout de notre nez et on
a pas vu qui c'était vraiment. Donc on a enchaîné un
après l'autre, sachant que tant que le clan qui s'est fait viré
était là, ben, on devait soutenir la présidente et au fur
et à mesure, elle a fait conneries sur conneries et puis de toute
façon... Mais, bon ça a duré encore un bonne année
de guerre des clans. Ca se voyait surtout dans les conseils d'administration,
une fois par mois, c'était lent, c'était dur, c'était
extrêmement imbuvable dans la mesure où les gens n'étaient
pas sympas. Ca s'est vu une ou deux fois en AG, et bon alors après
évidemment ça se ressent au quotidien, quand il n'y a personne
qui participe, etc, etc... »144(*)
On le voit, malgré la vocation de l'association, on
retrouve les velléités de pouvoir et les luttes d'influences
classiques des organisations politiques. Ces problèmes qui se
ressentaient dans le fonctionnement de l'association ont donc conduit en grande
partie à la suppression du poste de président. Cela était
censé éviter toute personnification de l'association et son
utilisation à des fins personnelles mais aussi calmer les tensions et
éviter les phénomènes de clans réunis
derrière des leaders.
Une grande capacité d'adaptation
Un autre cas illustre bien la capacité d'adaptation de
l'association face aux problèmes quotidiens. La dernière
modification des statuts a en effet pour but d'éviter les
indésirables. Le dernier trésorier de l'association
s'étant révélé peu sociable et décourageant
vis-à-vis des autres membres qui ne partageaient pas ses conceptions de
l'action provoqua une crise importante. De nombreux membres du conseil
démissionnèrent pour protester contre le climat qui
régnait dans l'association. Celle-ci connut d'ailleurs pendant un an un
passage à vide certain. La création d'un seuil de voix à
obtenir pour être élu au bureau est donc clairement destiné
à éviter ce genre de problèmes comme en témoigne
ces commentaires recueillis avant la dernière modification des
statuts :
« Parce que pour l'instant, quand quelqu'un se
présente au conseil, en gros, s'il n'y a pas d'autre candidats et qu'il
vote pour lui, il est élu. Donc fixer 50 pour 100 des
présents, des votants qui votent pour une personne pour qu'elle soit
élue. Pour éviter que des personnes contestées vraiment
puissent être élues faute de candidats. »145(*)
La création d'un seuil est donc clairement un
instrument de contrôle. Parallèlement, et le problème
précédent en dépend, c'est le nombre d'élus de
l'association qui est limité. De seize conseillers, on passe à un
bureau de huit personnes. Ceci permet de s'assurer que les personnes
élues s'investissent suffisamment. Il faut dire qu'afin de pouvoir faire
tourner les responsabilités et compter sur des personnes ayant
réellement la volonté d'investir de leur temps, huit est un
chiffre bien plus réaliste que seize, sachant que les AG
réunissent entre 30 et quarante personnes. La réduction du nombre
d'élus permet également d'éviter d'avoir à choisir
des personnes par défaut, qui ne rempliront pas leur rôle ou
seront potentiellement générateurs de conflits. Si cette
réduction des membres élus peut dénoter d'une insuffisance
d'investissement de la part des membres, l'omnipotence de l'AG tempère
ce fait. De plus, dans le dernier bureau élu, 6 des membres ne faisaient
pas partie du bureau précédent, ce qui est plutôt bon pour
le renouvellement des énergies. L'instauration d'une réelle
parité homme-femmes au bureau, avec un nombre de places
réservées pour chacun est également un gage de
renouvellement des énergies. Les femmes étant habituellement
moins nombreuses que les hommes dans les instances élues, la
parité est de nature à renouveler les responsables de
l'association.
On constate donc que les évolutions statutaires de
l'association correspondent au souci de réguler et d'éviter les
conflits et d'améliorer le fonctionnement de l'association. C'est la
confiscation du pouvoir par une minorité qui est évitée,
afin que chacun puisse être entendu au sein de l'association. La
fréquence des modifications de statuts montre que le soucis de
cohésion de l'association est très présent et est
perçu comme une qualité :
« ce qu'il y a c'est qu'on a changé les
statuts l'an dernier, on les rechange cette année, c'est évolutif
et je trouve ça vraiment riche que... alors c'est compliqué parce
qu'on est pas des professionnels mais que l'association se re-questionne
régulièrement sur son mode de fonctionnement, ses buts et le
pourquoi du comment, je trouve ça plutôt important. Alors faut pas
qu'on fasse que ça parce qu'on est pas là pour ça a
priori, ça prend du temps mais je trouve ça plutôt un signe
de bonne santé, quoi. »146(*)
D'ailleurs, les objectifs visés par les membres lors
des modifications de statuts semble être souvent atteints. Les remises en
question occasionnées dans ces occasions semblent salutaires à
l'association. Les militants s'accordent par exemple pour dire, et nous l'avons
constaté également, que l'ambiance générale dans
l'association s'est améliorée suite aux dernières
modifications. Des militants longtemps absents sont revenus, d'autres
généralement absents lors des AG y apparaissent ou
décident de prendre des responsabilités dans l'association. De ce
point de vue, les crises et le fait d'y remédier collectivement a
tendance à re-motiver les membres :
« Ben, moi j'y suis allée parce que...
ça je devrais pas le dire mais tant pis... L'AG à laquelle tu
avais assisté qui était un peu la fin, un peu, des turbulences
justement, c'est ce qui m'a décidé. Je me suis dit « si
maintenant, on ne fait pas quelque chose pour reprendre en main, c'est la fin
d'ATTAC-Strasbourg ». On était quand même un certain
nombre à penser comme ça donc l'idée c'était de
virer le petit bureau qui avait été très mal élu et
qui ne foutait vraiment rien et... plus personne ne venait, quoi.
C'était la fin, c'était entrain de mourir lentement. Donc je me
suis dit « il faut faire quelque chose maintenant ». A ce
moment-là, puisqu'on a eu lors de cette AG toute une discussion sur la
parité, on m'a fait vraiment sentir qu'il fallait que les nanas
s'engagent et qu'il n'y en avait pas beaucoup sur les listes, qui
étaient prêtes à le faire. Les anciens du
précédent bureau m'ont dit « mais c'est rien du tout
c'est une réunion par mois, tu te réunis juste avant l'AG et
c'est bon ». En fait c'est un peu plus... et je me suis dit
« allez j'y vais, ne serait-ce que pour faire élire des filles
et si je vois que je peux pas, ben je laisserai la place et puis il y en aura
une autre qui viendra à ma place ». Mais c'était au
moins pour qu'il y ait au moins 4 filles-4 mecs. »147(*)
Cependant, les modifications de statuts ne se font pas
naturellement ou de manière linéaire. Nous avons pu assister
à une réunion de préparation destinée à
préparer les derniers changements de statuts. L'atmosphère y
était plutôt tendue. Les attitudes affichées par chacun
(affichage ostensible des procurations), les manières de se placer des
différents groupes, les silences suivant certaines prises de positions
étaient révélatrices de certaines tensions bien sensibles.
Cette capacité à faire évoluer
l'association en fonction des crises et des problèmes de fonctionnement
nous apparaît comme un gage de continuité pour l'association. La
possibilité de modifier fréquemment (deux fois en un an) les
statuts et de les adapter au fonctionnement réel de l'association a
permis, en tous cas, de redonner une dynamique nouvelle dans des moments
où l'association s'essoufflait. Cette formule résume bien le
caractère modelable de l'association :
« Tu te rends compte que c'est que des
personnes qui veulent essayer de faire des choses ensemble et que si le mode de
fonctionnement ne va pas, il suffit de le changer
ensemble. » 148(*)
Pour finir, on pourrait donc dire que l'évolution des
statuts est une façon de maintenir une certaine cohésion dans
l'association malgré les tensions. La définition du
fonctionnement de l'association au fur et à mesure est un instrument de
régulation de la diversité des militants :
« Disons qu'au niveau des statuts, c'est vrai
qu'au départ, ça correspondait... c'était une structure
beaucoup plus traditionnelle, loi de 1901, c'était une structure
traditionnelle. Comment analyser les changements de statuts ? Moi je
dirais que, je crois que c'est Alain Madelin qui disait que pour lui, ATTAC,
c'était une auberge espagnole et c'est vrai, c'est une auberge
espagnole. Et je pense que les statuts un peu atypiques qu'on a, ça
répond peut-être à la diversité des
gens. »149(*)
C. Le fonctionnement de l'association
C'est dans le fonctionnement de l'association et son
organisation souple que nous voyons un dernier facteur de réussite et de
coopération dans l'association. Nous verrons ensuite comment se
déroule une AG et le rôle de ces réunions.
Souplesse du fonctionnement
Un point troublant quand on lit les statuts de l'association
est leur relative imprécision. S'il est évoqué parfois la
régularité des réunions à tenir ou ce genre de
détails, les différentes instances de l'association s'organisent
comme elles l'entendent. Il faut noter ici que cela est rendu possible par la
latitude d'organisation presque totale offerte par la Charte qu'ATTAC-national
propose aux comités locaux.
Il faut dire également que nulle part dans les statuts
n'est défini la façon dont les actions doivent se dérouler
et sur quel schéma. C'est donc l'improvisation qui a prévalu lors
de la mise en place des différents groupes ou commissions.
Seules deux lignes dans le règlement intérieur
concernent les actions. Les groupes proposant une action doivent avoir l'aval
de l'AG et désigner un référent. Chaque action doit donner
lieu à un bilan présenté en AG. En dehors de ces deux
obligations, l'organisation interne des groupes et de leurs actions est
totalement libre. Ce point apparaît d'ailleurs très importants
pour les militants. L'organisation du fonctionnement de l'association ne doit
pas être trop directive ou formaliste pour laisser la place à
l'improvisation et aux volontés de chacun.
La dernière crise qui toucha l'association était
d'ailleurs liée aux modalités d'organisation des actions. Deux
conceptions s'opposaient avec d'un côté (celui surtout de l'ancien
trésorier) une volonté que les actions soient définies,
avec des résultats escomptés, des bilans, et de l'autre (surtout
du côté des jeunes militants mais pas uniquement) une
préférence pour des actions plus désorganisées mais
plus sympathiques :
« Enfin, un problème de mode de
fonctionnement, de point de vue sur comment ça doit fonctionner... Bon,
lui il est hyper tatillon, toutes les règles doivent être suivies
à la lettre. Et puis d'un autre côté, il y a des gens qui
ont envie de bosser plus tranquillement, et puis si tout est pas suivi à
la lettre, ça empêche pas d'avancer et puis au niveau de
l'ambiance c'est un peu plus agréable, quoi. »150(*)
La souplesse du fonctionnement est donc un
élément important. Nous y reviendrons d'ailleurs plus tard pour
évoquer l'autonomie des groupes. Avant, nous allons nous
intéresser au rôle de l'AG comme instance de régulation.
Le rôle de l'AG
Instance décisionnelle principale depuis 2003, l'AG
mensuelle joue également un rôle régulateur et
fédérateur dans l'association. Elle est débutée
depuis quelques mois par un débat sur un thème particulier,
aboutissant ou non à un vote (selon que le sujet est en rapport avec une
décision à prendre pour l'association ou non). Celui-ci est
l'occasion d'échanger des informations et de trouver des positions
communes à l'association hors du cadre des commissions. Bien que
certains militants, plus rompus à la prise de parole en public,
s'accordent un temps de parole supérieur aux autres, tout le monde a la
possibilité de s'exprimer. Le président de séance (un des
membres du bureau à tour de rôle) distribue la parole et veille
à ce que les tours soient respectés, que les militants ne soient
pas coupés. C'est également lui qui délimite le temps
accordé à chaque sujet.
Surtout , l'AG est le seul endroit où peuvent se
rencontrer tous les militants qui ne se rencontrent pas forcément dans
le cadre des différentes actions. Bien que la moyenne des
présents ne soit que d'une trentaine, il est clair que la plupart ne se
voient pas plus régulièrement. Malgré sa courte
durée ( environ 3 heures), elle permet de passer en revue les
activités de l'association. Avec le bouche à oreille, le site
internet et le journal, c'est le seul moyen pour les membres de se tenir
informés des activités des autres groupes. D'ordinaire, il y a
entre 20 et 30 points à l'ordre du jour entre l'actualité de
l'association, les actions du mois des différents groupes et celles
prévues pour le mois suivant. Ceci nécessite un rythme soutenu et
donc d'écourter parfois certains sujets. L'ordre du jour est donc
déterminé à l'avance et il est souvent délicat de
trouver du temps à la fin pour ajouter des sujets. D'autant plus qu'il
est impossible de repousser l'horaire car la Maison des Associations où
se déroulent les AG ferme ses portes à 23 heures. Cependant,
chaque groupe a l'occasion de faire la publicité de ses actions, de
demander de l'aide ou de présenter son bilan.
Si l'AG permet de voir quels sont les membres
réellement actifs de l'association, tous n'y sont pas présents.
Elle n'est, en effet, pas un passage obligatoire. Certains militants agissant
régulièrement dans l'association se passent très bien de
ce long parcours du combattant où le temps accordé à
chaque sujet est limité.
Mais l'AG permet également de prendre le pouls de
l'association. Les tensions y sont visibles, la répartition des membres
autour de la table faisant apparaître les groupes affinitaires et les
commentaires privés allant bon train. Selon l'ambiance, sympathique ou
pesante, il est possible de sentir la santé de l'association. Surtout,
il faut noter que lorsque le moral de l'association est au plus bas, la
fréquentation de l'AG baisse sensiblement. Le nombre de présents
à l'AG est donc un indicateur sur la santé de l'association.
Enfin, l'AG est l'occasion de répartir les tâches
collectives de l'association comme le fait de tenir la permanence le mercredi
ou de chercher des volontaires pour certaines actions. Bien plus efficacement
que par mail ou téléphone, il est possible de s'adresser
directement aux militants qui s'impliquent pour chercher des coups de mains.
Bien évidemment, c'est également en AG que se
prennent les décisions importantes concernant l'association. La pratique
du vote est celle qui est utilisée, le comité strasbourgeois se
démarquant par-là d'autres comités ayant des pratiques
plus consensuelles.
L'AG joue donc un rôle de régulation dans
l'association et permet de prendre conscience de toutes les activités de
l'association. Se poursuivant souvent en petits groupes sur le trottoir ou dans
un bar, elle permet en outre de réunir les militants dans les
périodes où il y a peu d'actions pour mobiliser les
énergies. S'il n'y a parfois rien de fort épanouissant dans ces
réunions relativement formelles, elles sont nécessaires au
fonctionnement de l'association et sont le lieu où se cristallisent
toutes les facettes de l'association. Le respect et l'autocontrôle dont
font preuve les militants ainsi que la liberté de parole accordée
à chacun confortent la satisfaction des militants.
Nous avons pu le voir dans cette sous-partie, le
succès d'ATTAC auprès des membres tient en grande partie à
l'organisation de l'association et à sa souplesse. Non seulement, la
structure d'ATTAC est évolutive, ce qui permet de surmonter les crises
et de s'adapter à l'évolution de son fonctionnement réel,
mais cette évolution se fait vers une plus grande transparence. La
démocratie interne qui se développe permet à toutes les
sensibilités de s'exprimer. Le caractère souple du fonctionnement
assure à chacun de pouvoir agir selon ses envies propres sans se plier
à un schéma prédéfini. L'existence d'une
réunion collective tous les mois met les militants au centre de
l'association et assure qu'ils aient réellement les connaissances
nécessaires pour en être aux commandes. La liberté qui
existe dans le fonctionnement de l'association se retrouve d'ailleurs dans la
façon dont chacun façonne son militantisme.
III. Un engagement à géométrie
variable
Le dernier facteur favorisant la satisfaction de militants aux
attentes diverses nous paraît être lié à la
façon dont les militants façonnent leur propre engagement dans
ATTAC. Le fonctionnement de l'association donne à l'initiative militante
une place centrale, ce qui permet à chacun d'être maître de
son militantisme sans contrôle. Malgré des attentes
différentes, les membres trouvent dans la diversité des actions
possibles de quoi les satisfaire. Enfin, nous verrons comment se façonne
un militantisme de plus en plus individuel et « sur
mesure » dans ATTAC, permettant à l'association de fonctionner
malgré la diversité des membres.
A. Initiative et autonomie des militants
Il apparaît dans un premier temps que l'initiative
offerte aux militants en termes d'actions à mener est un gage de
satisfaction évidente et met les militants au centre de l'organisation
politique. L'autonomie dont ils jouissent à l'intérieur des
groupes leur assure de travailler selon leur rythme sans être
jugés par des militants aux attentes différentes. Ceci est
renforcé par le relatif cloisonnement des activités.
Initiative des militants
Un des facteurs les plus intéressants car les plus
originaux d'une association comme ATTAC et, tout spécialement de ses
comités locaux, est l'initiative centrale du militant. En effet, ATTAC
attend beaucoup de ses militants. Puisqu'elle refuse de se doter d'instances
centralisées ou limitent leurs prérogatives, et que celles-ci ont
davantage un rôle régulateur qu'un rôle d'initiative dans
l'association, c'est des membres que doivent venir les propositions d'actions.
ATTAC n'apparaît alors pas comme une organisation dont la politique et
les priorités seraient définies par des instances dirigeantes et
où le rôle du militant serait d'appliquer, mais comme un lieu de
coopération d'individus divers cherchant un cadre pour se mobiliser. A
ATTAC-Strasbourg, les actions sont effectivement impulsées par les
militants. Ceci permet aux militants d'agir selon leurs envies, leurs
intérêts particuliers, les thèmes qui leur tiennent
à coeur et de choisir la façon de s'engager qui leur correspond
le mieux.
Si un ou plusieurs d'entre eux ont une idée et
souhaitent la mettre en pratique, ils la proposent en AG et la mettent en
oeuvre. Il est très rare qu'une proposition d'action soit
refusée, cela n'étant arrivé qu'une fois. La soumission au
groupe est plus une étape de principe, bien qu'elle soit inscrite dans
le règlement intérieur :
« Et puis l'opportunité effectivement de
création d'un groupe, ben ouais, c'est discuté par tout le monde,
quoi. Parce que sinon, on peut faire un groupe sur la couleur du ciel ou je
sais pas... C'est important que tout le monde puisse décider même
si les choses à priori, on les a discutées entre nous, comme
ça avant. Je crois pas que ce soit arrivé qu'une création
de groupe soit refusée, quoi. Puisqu'on ne fonctionne pas de
manière pyramidale, on essaye de pas fonctionner de manière
pyramidale. Les adhérents, s'ils ont envie de faire quelque chose, ils
le font. »151(*)
Si l'action proposée correspond à la philosophie
générale de l'association et est légale, son adoption par
l'AG est quasiment acquise. Il est alors possible pour d'autres membres de
rejoindre le groupe dont le fonctionnement sera défini ensuite.
Un trop fort contrôle des initiatives et des
activités de chacun aboutirait à une forte insatisfaction des
militants. Le cas s'est d'ailleurs produit et a menacé l'existence de
l'association car cela aboutissait à décourager les
membres :
« Oui, mais ça je trouve que c'est bien
ce côté un peu tous azimut comme ça. Et c'est justement
ça qu'on a depuis deux-trois mois, depuis que X est plus là pour
tout le temps dire « non, ça c'est nul, ça c'est nul,
ça c'est pas construit, ça c'est pas dans la ligne du
parti ». Parce que du coup, chaque fois que quelqu'un lançait
une idée, il était sabré donc au bout d'un moment les gens
s'en vont. Si chaque fois qu'ils disent « tiens, on pourrait
faire ça », on répond « non, c'est nul,
casse-toi », ben ils ont vite compris et ils ne reviennent
plus. »152(*)
La grande initiative des militants nous paraît
clairement lié au caractère local de l'engagement et à
l'autonomie des comités locaux :
« ... c'est ça qui est intéressant
aussi, c'est aussi ça qui m'attire dans ATTAC, c'est qu'en tant que
comité local, on a quand même une autonomie, une
indépendance certaine. Forcément nos positions sont proches du
national, on peut difficilement contredire complètement ce qui est dit
par le national, mais par contre au niveau du choix des actions, du choix des
thèmes qu'on aborde, on a la liberté totale. Et ça, je
trouve ça extrêmement positif et ça fait que les
comités locaux ont chacun leur vie propre et chacun leurs thèmes
de prédilection et c'est important, quoi. »153(*)
Le caractère local de l'engagement permet donc
d'augmenter sensiblement le poids du militant. C'est certainement un des plus
gros avantages du « penser global, agir local » de
l'association.
Avant d'aller plus loin, il faut ouvrir une parenthèse
pour relativiser nos propos. On pourrait avoir l'impression que tous les
militants d'ATTAC sont doués d'une forte initiative et entreprennent
des actions de manière autonome. Il faut malheureusement nuancer ce
tableau. S'il existe effectivement un certain nombre de militants qui ont des
idées et les mettent en oeuvre, une bonne partie des membres de
l'association ne fait que suivre, comme dans toute organisation :
« J'ai appris que malgré les beaux
discours sur la démocratie, « tous égaux »,
il y aura toujours forcément besoin d'un leader. Ca, on y peut rien. Que
le leader aura toujours forcément besoin de cadres sur lesquels
s'appuyer. Et qu'il y aura toujours forcément des fidèles qui
auront besoin qu'on leur dise quoi faire. Après, ce sont des gens super
sympas à côté, qui ont un excellent humour et qui sont
adorables. Mais ils sont incapables malgré qu'ils aient 60 ans et 40 ans
de militantisme derrière eux, et il y en a à ATTAC, ils seront
incapables de prendre des décisions
eux-mêmes. »154(*)
Le poids des habitudes héritées des engagements
passés et la variabilité d'investissement des militants
engendrent donc une situation un peu plus contrastée. Tous les militants
ne saisissent pas la chance de produire leurs actions. Ils restent cependant
libres de participer aux actions de leur choix et de rejoindre un groupe
déjà constitué. Ces groupes fonctionnent d'ailleurs de
manière autonome.
Autonomie des groupes
Ce point nous paraît capital. Non seulement, les groupes
choisissent leurs activités mais ils s'organisent de plus de
manière autonome. Même s'ils tiennent régulièrement
les autres membres au courant de leurs actions, ils sont libres de fonctionner
comme ils l'entendent sans contrôle de la part du conseil ou des autres
membres. Le fonctionnement s'établit au fur et à mesure :
« Et c'est vrai que je trouve ça
plutôt stimulant que des groupes, comme ça, informels se
créent au départ et puis imaginent ensemble comment faire des
choses. C'est-à-dire que moi par exemple pour les affichettes j'avais
une idée de départ mais ça évolue au fur et
à mesure et avec les gens qui participent. »155(*)
La gestion par les militants des différentes actions,
indépendamment de structures de contrôle, est un gage de
satisfaction évident pour les militants. Le journal de l'association par
exemple est géré par les membres qui désirent s'en occuper
et chacun peut y écrire :
« Le journal justement ce qu'on essayait de
faire, c'est que c'était pas le journal d'ATTAC, c'est le journal des
adhérents d'ATTAC. C'est-à-dire qu'il n'y a personne du bureau ou
du conseil qui peut dire « cet article on le veut pas,
etc... ». C'est que des choses qu'on fait, que des adhérents
qui viennent, font en commun. Qui disent « ton article me plaît
pas donc je fais un contre-article », « tu ne devrais pas
mettre ça parce qu'on ne comprend pas bien », etc... mais il
n'y a pas du tout de censure ou il faut parler de ce problème, etc... Et
ce journal, comme il est rédigé par des personnes et pas
par un organisme avec une direction et une tête, il se destine un petit
peu à tout le monde. »156(*)
Les militants jouissent donc d'une grande liberté dans
leurs actions. Les membres qui composent une commission particulière
détiennent le choix des thèmes à traiter. Ils adoptent le
rythme qu'ils préfèrent et ne sont pas tenus à une
certaine productivité. Cette liberté nous apparaît
être un gage de satisfaction central pour les militants. Ayant des
visions et des attentes de l'engagement diverses, ils peuvent choisir ou
proposer l'action qui leur correspond le mieux. Il leur est possible de se
former en petits groupes autonomes, sur des affinités ou des sujet
communs, et de fonctionner avec les individus qui ont les visions de
l'engagement le plus proche d'eux. Ceci limite donc les frictions possibles
dans l'association.
Cela ajoute également au sentiment de liberté
qui règne dans l'association puisque, de A à Z, les militants
sont maîtres de leurs actions. Ils peuvent à la fois être
à l'origine d'une action et la mener à bien comme ils
l'entendent.
Nous avions vu en première partie que les militants
affichaient une grande autonomie à l'égard des mouvements
auxquels ils participent. Celle-ci se retrouve dans la volonté
d'autonomie au sein du mouvement. Un des aspects qui satisfait le plus les
membres dans leur participation, est la liberté de parole et d'action
proposée. Ce qui amène les militants à s'engager est
justement la rupture avec une vision dirigée et uniformisée de
l'action militante et ceci chez les anciens comme chez les nouveaux militants.
Dans ATTAC, la rupture avec le fonctionnement des partis
politiques est soulignée. L'engagement a lieu dans la mesure où
le mouvement impose peu de choses :
« J'avais envie un peu de m'approprier la
politique mais sans être un militant bien discipliné d'un parti
politique. »157(*)
Les militants recherchent une structure où ils peuvent
« se prendre en main » et créer les
dimensions de leur militantisme. Le schéma de l'engagement qui les
caractérise est à l'opposé de celui des « petits
soldats ». L'autonomie, la possibilité de choisir et
d'être les instigateurs des actions auxquelles ils participent est un
aspect central de leur choix de structure. Ce qu'ils trouvent de plus dans
ATTAC que dans un autre mouvement est donc la liberté d'agir.
Liberté vis-à-vis d'instances supérieures et
vis-à-vis des autres membres qui ont des priorités
différentes.
Tout comme pour l'initiative, l'autonomie des militants n'est
possible que si l'association limite son contrôle sur les
activités de chacun. En l'absence de critères communs pour juger
les actions de chacun, le plus simple et le plus sûr est encore de ne pas
le faire. Le fait que l'association adopte un mode de fonctionnement
très lâche et flou est donc capital pour permettre à
l'association de fonctionner. Ces commentaires sur la dernière crise qui
a secoué l'association en sont la preuve :
« C'est même pas un problème
politique, c'est un problème d'ordre comportemental, quoi. C'est
impossible de faire des choses avec cette personne, qui est issue d'une culture
(pour le coup, quand je disais que ça pouvait poser des
problèmes) radicalement différente. Et qui voit tout en termes
de programme et d'efficacité millimétrée et de
compte-rendus et machin, nous on peut pas fonctionner comme ça, quoi. On
est des êtres humains complexes, on est pas à tous ranger dans des
cases, quoi. Donc c'est pour ça que ça ne fonctionnait plus et
puis on se rend compte que c'est super fragile une association. Puisqu'une
personne qui pense pas tout à fait pareil, qui réagit pas de la
même manière aux choses, ça fait éclater la
cohésion du groupe et puis une association très facilement, en
fait. »158(*)
L'association laisse donc une grande liberté aux
militants. Ici aussi, c'est le caractère local de l'engagement nous
paraît permettre cette résurgence du militant en tant qu'acteur.
Nous nous permettrons de mettre ce fait en parallèle avec l'analyse de
Jacques Ion qui voit dans « le local » le lieu
privilégié de l'engagement militant actuel, bien que les
revendications dépassent ce cadre. La favorisation de la base s'effectue
surtout comme échappatoire à toute « structuration trop
contraignante »159(*), souci dont nous avons vu qu'il marquait fortement
les militants. Le déclin du système fédéral au
profit de la coopération témoigne pour lui « de
relations en quelque sorte plus libres entre les individus et les groupements
auxquels ils participent »160(*), répondant en cela aux
caractéristiques des militants que nous présentions plus haut.
Le cloisonnement des activités
Il faut dire en outre que les activités dans
l'association sont assez cloisonnées. Nous avions vu que l'AG permettait
justement aux membres de s'informer mutuellement sur leurs activités.
Nous avons dit également que des tentatives étaient
régulièrement faites pour que les différents groupes
coopèrent. Cependant, par manque de temps ou parfois
d'intérêt, il faut dire que les membres ne sont pas
forcément au courant de ce qui se passe dans les autres groupes. Il n'y
a pas du tout d'automaticité dans le fait de se rendre à la
conférence ou au débat organisé par certains membres de
l'association :
« Ici, notamment, je dirais pas que c'est
éclaté mais c'est vrai qu'il y a des commissions... je sais pas
si les gens se mélangent dans les groupes. Ca c'est effectivement un
débat qu'on avait eu à un moment en bureau. C'était
comment relayer le travail des commissions à toute
l'association.[...]
Mais ça reste les mêmes qui participent
à telle action, les mêmes qui participent à telle
autre... » 161(*)
Des individus ayant des points de vues totalement
opposés peuvent donc aisément s'éviter et, en tous cas,
n'ont pas forcément à agir ensemble. Hormis aux AG, où il
arrive même parfois que tous les membres d'un groupe soient absents, les
groupes ne sont pas amenés à se rencontrer forcément.
Personne n'est obligé de participer à une action qu'il
désapprouve, ce qui permet à chacun d'être satisfait dans
sa logique d'engagement propre.
Les oppositions qui existent entre les volontés d'agir
de chacun, notamment en ce qui concerne les actions classiques et les actions
plus spectaculaires ne se ressentent donc pas forcément. Si chacun peut
émettre des doutes sur l'efficacité des actions des autres, le
fait qu'ils n'aient pas à y participer et que celles-ci ne soient qu'une
possibilité parmi d'autres atténue les divergences.
Mais il faut dire par contre de ce cloisonnement que, s'il
présente des avantages certains, peut également engendrer une
certaine méconnaissance, voire dénoter d'une indifférence
au travail des autres et, du coup, créer des frustrations. Cet ancien
militant d'ATTAC-Strasbourg, présent dans le comité de pilotage
de l'association et responsable du site web et des listes de diffusion
jusqu'à l'été 2000 illustre ce cas :
« Et moi, j'ai toujours dit et je continue
à le dire aujourd'hui, il y avait quelque chose à faire avec ce
site web, et les membres ne suivaient pas et le pire, le conseil
d'administration ne suivait pas. C'était une erreur monumentale. Et...
encore pire au niveau du mail. [...] Et le conseil, enfin, sa
Présidente, malheureusement n'a jamais suivi ça, pour une raison
très simple, c'est que sa boîte e-mail était toujours
pleine, elle la vidait jamais. Et je trouvais ça détestable dans
la mesure où je remplissais un rôle, je me cassais le cul pendant
une heure par jour, à recevoir tous les mails, à les trier
à les envoyer, etc... Et je n'avais quasiment aucun retour, et ça
c'est extrêmement frustrant. Ce qui est marrant, c'est que quand je
râlais, personne ne me disait rien enfin sauf, on me disait qu'il n'y
avait pas de raisons à ce que je râle. Jusqu'au jour où
quelqu'un a pris la relève, et là, il a compris. »
[...]
« J'ai quand même pas mal investi de mon
temps, il n'y a pas eu de retour, du style, une tape sur l'épaule
et : « Tiens c'est pas mal le travail que tu
fais ». Juste ça, quoi, moi, je connais l'importance de
ça. Je l'ai vécu, je le vis encore tous les jours, donc
ça... Absence de collégialité, absence de reconnaissance
du travail de l'autre, ça fait chier à force, il y en a
marre. »162(*)
L'initiative laissée et attendue des militants,
l'autonomie des groupes et l'absence de contrôle des actions de chacun
permet donc de préserver l'unité du mouvement. C'est
principalement sur ces points que l'association se doit d'être attentive
pour éviter les conflits. Elle doit s'interdire notamment d'adopter un
fonctionnement trop formalisé et d'évaluer ou de juger les
actions de chacun. On comprend mieux dans ce cas que l'association puisse se
passer d'instances dirigeantes.
B. Variété et évolution des
activités
Nous avons vu dans la première partie combien les
intérêts et les attentes des militants étaient divers. Nous
avons vu également comment la présence d'ATTAC sur de nombreux
thèmes attenant au néo-libéralisme permettait d'alimenter
la dynamique d'adhésion à l'association. Nous allons voir ici
comment la diversité des possibilités d'actions permet à
chacun de trouver sa place selon sa logique d'engagement propre.
Des activités dans des cadres variés
Nous avons vu en première partie que les
sensibilités politiques et les thèmes de prédilection des
militants étaient divers. Ces militants ne peuvent donc agir ensemble
que dans la mesure où l'association a vocation à traiter de
nombreux thèmes et où elle est capable de mobiliser ses membres
sur de nombreux terrains. La multiplication des thèmes de l'association,
si elle est vue parfois comme un facteur de déstabilisation, en ce
qu'elle peut faire apparaître des divergences entre les militants, est
vitale pour l'association.
La spécificité d'ATTAC est ici de lier les
thèmes attenant à la question du travail, débordant sur le
terrain des organisations syndicales, et les thèmes issus des Nouveaux
Mouvements Sociaux des années 70. C'est donc une position hybride
qu'adopte l'association entre des traditions différentes.
Elle permet donc aux militants issus du mouvement ouvrier de
continuer à se mobiliser sur des thèmes proches de leurs
engagements précédents. En manifestant contre les licenciements
ou en étant présents lors de quasiment tous les mouvements
sociaux (retraites, sécurité sociale, mobilisation de la fonction
publique), elle s'inscrit dans une réaction quotidienne à la
précarisation salariale et aux politiques gouvernementales
libérales. Le militantisme correspond ici à un militantisme
très classique de manifestations et tractages. La vocation
économique de l'association lui permet donc d'être dans une
certaine continuité avec les formations syndicales ou les mouvements
ouvriers. Les militants ayant une forte culture de la manifestation, et il y en
a beaucoup, apprécient de pouvoir se retrouver dans la rue pour
s'exprimer dans une ambiance parfois festive. Mais ce souci prend forme
également dans les commissions. L'existence d'un groupe
« conditions de travail », se proposant d'enquêter
sur l'évolution des conditions de travail dans le secteur public et
privé avant de rendre public ses conclusions, illustre ce fait.
Mais, fidèle aux alliances nouées dans la rue
dans les années 90 entre le mouvement ouvrier et les prolongements des
NMS, l'association est également ouverte aux thèmes plus
récents que le mouvement ouvrier n'avait pas su intégrer. Elle
coopère donc fréquemment avec d'autres organisations plus
spécialisées.
Par son partenariat avec diverses associations
écologistes, et sa présence lors de Foires Bio en Alsace
où l'association tient souvent un stand, elle permet aux militants les
plus concernés par les problèmes d'environnement de s'investir.
Ceci d'ailleurs dans la mouvance de l'association nationale qui prend position
pour un développement durable et contrôlé, respectueux de
l'environnement et des générations futures. Il existe
également une commission « OGM » à
ATTAC-Strasbourg visant à impulser un débat clair sur ce
problème et des coopérations avec la Confédération
Paysanne locale.
L'association s'inscrit également dans une mouvance
internationaliste ou mondialiste. En prenant partie pour le Tiers-Monde ou en
encourageant le commerce équitable, elle permet de satisfaire la
vocation altruiste de certains militants. La coopération avec des
organisations spécialisées sur ces thèmes prend souvent la
forme d'un stand de l'association sur les lieux des évènements
organisés et d'un coup de main pour la publicité ou
l'organisation de ceux-ci.
Les militants les plus proches de ces thèmes se
présentent comme volontaires pour ces actions, informent les autres et
les invitent à s'y rendre. Par le biais du comité local, il est
donc possible de s'engager dans des domaines divers, avec de multiples
organisations spécialisées.
L'ouverture de l'association sur les thèmes des
années 70 permet également à certains membres d'ajouter
des thèmes qui leur tiennent à coeur. L'existence d'une
commission « femmes et mondialisation » illustre bien ce
fait. En mettant en rapport un sujet et le thème central de
l'association, il est possible aux militants dont nous avons vu la
capacité d'initiative, de choisir sur quels sujets ils peuvent agir et
de les intégrer au cadre de l'association. La variété des
thèmes abordables, renforcée par l'initiative accordée aux
militants leur permet donc de réinvestir des connaissances
particulières dans des thèmes périphériques.
Il y a actuellement dix groupes de travail dans l'association.
Seuls quatre sont effectivement centrés sur les thèmes de
départ de l'association et concernent directement la remise en cause du
néo-libéralisme par l'éducation populaire : les
groupes « décroissance »,
« éducation populaire », « Philosophie et
libéralisme » et « revue de presse ». Les
autres concernent des problèmes plus ciblés
(« OGM », « femmes et mondialisation »,
« conditions de travail ») ou sont directement
destinés à un public extérieur (« Affichage
et espaces publics », « ATTAC Campus » et
« Ciné ATTAC »). Les activités de
l'association sont donc clairement orientées en fonction des choix des
militants et débordent de ce fait le cadre strict de
l'association163(*).
Variété des niveaux d'action :
local-national-international
Nous allons voir ici que les multiples dimensions de
l'association offrent des possibilités d'actions variées. En
effet, ATTAC est présente à la fois au niveau local par
l'implantation et l'action autonome des comités locaux et au niveau
national et international par l'existence de l'association mère. Cette
diversité donne la possibilité d'inscrire son engagement dans des
perspectives multiples. Mais les activités de l'association se
découpent également entre des activités destinées
à faire vivre l'association elle-même et celles qui doivent
particulièrement toucher un public extérieur.
De fait, ATTAC-Strasbourg mène des actions au niveau
local. En coopérant avec diverses associations culturelles, elle est
à même de satisfaire des militants cherchant une
intégration sociale dans leur engagement associatif :
« Et puis faire tout simplement partie de la
vie associative locale. De faire vivre une ville par ses idées et puis
c'est riche. Moi ça me fait avancer, ça me donne envie de faire
d'autres choses, ça me fait rencontrer des gens... Parce qu'en fait
quand on est dans ATTAC, on est pas seulement dans ATTAC puisqu'on croise plein
d'autres associations, on fait des choses avec le cinéma Star, avec
toutes sortes d'organismes. On est amené à découvrir des
choses qu'on aurait pas découvertes autrement. Enfin c'est quelque chose
de très, très riche. »[...]
« Ouai, de s'intégrer et puis de
s'enrichir, je trouve pas d'autre mot... Disons que je sais pas ce que je
ferais si je faisais pas ça. Il y a plein d'autres modes de
sociabilisation mais que ça se fasse par le biais d'ATTAC par exemple,
je trouve ça chouette. Alors après, je fais aussi du badminton,
j'ai des amis qui ne sont pas à ATTAC, ça existe quand
même... C'est vrai que je passe beaucoup de temps, que je vois pas mal de
gens qui naviguent autour d'ATTAC, quoi. »164(*)
La dimension locale permet donc de côtoyer des publics
divers investis dans la vie associative locale. Mais elle offre aussi la
possibilité d'interpeller les autorités publiques locales sur le
cadre de vie et d'avoir donc une activité
« citoyenne ». Elle correspond donc bien à des
militants souhaitant agir à la base sur des questions relatives à
la qualité de vie. L'association tente par exemple de s'intégrer
dans la vie politique locale. Lors des dernières municipales, elle s'est
fait fort, par exemple, d'interpeller chaque liste sur des points particuliers
en leur demandant de clarifier leurs positions. La politique municipale du
maire (UMP) de la ville entraîne également des prises de positions
de la part de l'association, notamment lorsqu'il s'agit de défendre les
subventions des associations culturelles.
A l'opposé de cette action purement locale,
l'engagement dans ATTAC, même s'il s'inscrit matériellement au
niveau local, est déterminé par des données nationales ou
internationales. Une autre richesse du mouvement, permettant un recrutement
large, est effectivement le jeu à plusieurs niveaux, à savoir au
niveau local, national et international.
« Contrairement à pas mal de gens dans
ATTAC, moi, j'ai plutôt tendance à privilégier les actions,
ou à relayer des actions nationales et internationales. C'est vrai que
certaines personnes seront intéressées en lisant les DNA
(Dernières Nouvelles d'Alsace), ils verront qu'il y a tel truc
local pour ça... je pense pas que... c'est très
intéressant mais c'est vrai que s'inscrire dans une logique plus
globale, pour moi c'est important. »165(*)
Cette « globalité » permet de
donner la parole aux citoyens sur des sujets sur lesquels ils n'ont
habituellement pas de prise. L'action d'ATTAC est en effet très riche
car elle permet de lier le caractère local de la plupart de ses
actions avec des sujets ou évènements nationaux ou
internationaux. Les citoyens peuvent donc agir et réagir sur certains
thèmes sans forcément aller à Paris. Qu'il s'agisse de
sujets nationaux (choix de politique gouvernementale, plans sociaux,
débats de société...) ou internationaux (réunion du
G8 ou de l'OMC), ATTAC offre le cadre d'une réaction locale,
immédiate, facile et variée.
« C'est vraiment cette idée de ...
requête qui soit reprise, je dirais localement, mais avoir une vision
globale, nationale, internationale de ces
problèmes. »166(*)
Elle offre donc la possibilité à ses membres de
se réapproprier localement et ponctuellement certains thèmes qui
les dépassaient. Les manifestations et actions qui ont eu lieu en 2003
contre la guerre en Irak avec notamment une manifestation franco-allemande sur
l'initiative d'ATTAC (entre autres organisations) sont un bon exemple. Mais en
plus de cette action possible dans le cadre local, ATTAC permet et organise les
déplacements en France ou à l'étranger lors de
manifestations internationales de mouvements altermondialistes. En effet, lors
de sommets du G8 ou de l'OMC ou encore de réunions du Conseil
Européen, les militants ont l'occasion de se rendre dans d'autres villes
d'Europe ou du monde et de « rappeler à l'ordre »
les gouvernants. L'action de ces militants prend donc une nouvelle dimension en
s'extrayant du cadre national. Au-delà du simple déplacement et
du principe de suivre les organes décisionnels là où ils
se réunissent, c'est la protestation internationale avec des mouvements
venus de partout qui joue un rôle dans la perception du mouvement. Hors
de la cellule locale d'ATTAC, c'est tout un réseau, une multitude
d'associations ou de groupements de tous les pays qui existe et qui donne
à l'action des cellules locales d'ATTAC une réalité et un
sens.
La possibilité des déplacements à
l'étranger pour des manifestations (Johannesburg) ou des colloques
internationaux (Porto Alegre, L'autre Davos) existe depuis le début de
l'association. Cependant, le rythme des rassemblements internationaux et des
contre-sommets s'est sensiblement accéléré depuis. Ainsi,
il y a des exemples de militants, qui bien que remettant en cause
l'efficacité des rassemblements, perçus comme des
« grands-messes »
d' « auto-congratulation », étaient
présents lors du contre-sommet du G8 à Evian, au Larzac et au FSE
à Paris pendant l'année 2003.
Les différentes dimensions de l'association offrent
donc un panel d'actions assez larges et peuvent correspondre à la fois
à des militants mettant une priorité à la dimension locale
de leur engagement et à des militants soucieux d'inscrire leur
engagement dans un cadre plus large.
Action vers l'intérieur ou vers
l'extérieur
Une autre richesse d'action réside dans la
possibilité d'avoir un engagement tourné vers l'extérieur
ou destiné à l'association elle-même. En effet, il faut
noter qu'ATTAC- Strasbourg offre de nombreuses possibilités de
s'investir pour l'association. Les postes à responsabilité
entrent par exemple dans cette catégorie. La participation au journal de
l'association ou la gestion des listes de diffusion internet en font
également partie. Dans une certaine mesure, certaines commissions ont
une activité presque essentiellement destinée à partager
des connaissances avec les membres du mouvement. De la gestion quotidienne des
affaires de l'association au partage d'informations, il existe donc de nombreux
postes qui permettent d'avoir une action militante tournée vers le
groupement. Ces tâches sont essentielles car elles permettent de donner
une cohésion à une association dont nous avons vu qu'elle
fonctionnait souvent sur un mode très cloisonné.
Mais il existe également des activités
tournées vers l'extérieur de l'association et visant à
toucher des non-adhérents. Celles-ci sont à même de
satisfaire les militants pour qui la croissance des idées de
l'association est capitale. Qu'il s'agisse de projections de films ou
documentaires dans le cadre d'un partenariat avec un cinéma local, de la
mise en place de campagnes d'affichage public ou de la création d'un
groupe ATTAC sur le campus universitaire, les domaines d'activité sont
variés. Il peut également s'agir d'organiser des actions
spectaculaires pour dénoncer les dérives du système
commercial, comme le déversement de prospectus publicitaires sur la
place Kléber et d'inviter les habitants à en faire autant. Ou
plus récemment, ATTAC organise des conférences dans des
lycées où ils sont invités afin de présenter
l'association.
Nous avions également vu que les militants avaient des
attentes différentes vis-à-vis de l'action ou de
l'éducation dans le mouvement. Ceux qui s'engagent prioritairement dans
la recherche d'informations relèvent donc de ce travail tourné
vers l'intérieur de l'association. Ils en profitent et en font profiter
les autres membres167(*). Ils trouvent tout loisir de le faire puisque la
production intellectuelle représente la majorité des
activités de l'association. Cependant, nous avons vu aussi que ceux qui
étaient en attente d'action et de modes d'engagement originaux ne sont
pas en reste. Il s'inscrivent plutôt dans une démarche de contact
avec l'extérieur.
L'initiative donnée aux militants et les diverses
possibilités d'actions offrent aux militants un choix très large
de manières de s'engager, répondant par-là à la
diversité des attentes que nous avons évoqué en
première partie.
C. Un militantisme individualisé
Nous allons voir ici que la forme et le fonctionnement de
l'association permettent aux militants de se tailler un engagement sur mesure.
Cette possibilité offerte par l'association de militer en fonction de
ses propres convictions, capacités ou objectifs permet à chacun
de trouver sa place et d'être satisfait de son engagement.
Un militantisme sur mesure
On l'a vu, les nombreuses possibilités offertes en
termes d'activité militante offrent un choix très
intéressant pour les militants. Le fait qu'ils puissent s'investir sur
des thèmes larges et de leur choix, qu'ils puissent choisir entre
différentes formes d'engagement et en impulser d'autres, permet à
chacun de se façonner un engagement qui lui convienne. Au vu de la
diversité des militants, une organisation comme ATTAC n'aurait
certainement pas connu le même succès si elle avait imposé
une manière uniforme de s'engager. La liberté accordée aux
militants, l'improvisation qui caractérise l'association, permet
à chacun de s'engager dans la même association en suivant sa
logique propre.
Ainsi, selon l'origine politique, les sensibilités, les
thèmes de prédilection et les attentes, les militants adoptent
des postures différentes : tournés vers le local ou
l'international, vers l'intérieur ou vers l'extérieur,
recherchant la formation ou l'action, une action à court ou long terme,
sur les instances politiques ou la vie quotidienne, proches de
l'écologie ou de l'économie...
Le militant qui émerge de ces nouveaux mouvements
s'affiche comme un acteur, et non comme un atome anonyme qui revêtirait
des fonctions déterminées ou une identité d'emprunt.
« Ce qui m'intéresse en fait dans
ATTAC, c'est que justement, c'est chaque personne qui est acteur ou actrice de
son militantisme. » 168(*)
C'est donc l'individu qui agit dans le mouvement, il n'est pas
agi par le mouvement. Il faut comprendre « acteur », ici,
dans le sens opposé à « marionnette ». Le
militant est maître de
son engagement et en choisit les formes. Non seulement, le
militant est acteur de son militantisme mais il en est donc également le
metteur en scène. En fonction des thèmes qui les
intéressent, le temps qu'ils choisissent d'investir, leurs
compétences particulières, les militants façonnent les
dimensions de leur militantisme.
Nous avons remarqué que les militants, puisqu'ils
jouissaient d'une grande liberté et d'une grande initiative,
s'engageaient là où ils détenaient des ressources
particulières. Les capacités en informatique se traduisent dans
la participation au site web ou la gestion des listes de diffusion, les
connaissances en mise en page sont réinvesties dans le journal, et ainsi
de suite. Chaque militant peut donc participer au groupement en fonction de ses
capacités et de ses préférences. Tirant parfois les
leçons de leurs engagements précédents, les membres de
l'association peuvent donc recentrer leur engagements sur les activités
qui les attirent le plus :
«On va dire que c'est mon expérience des
« chômeurs et précaires » qui m'a aidé
à mettre en place mon engagement correctement. Parce que les
« chômeurs et précaires » c'est comme partout
dans les mouvements que tu as dans les petites villes, on est peu nombreux et
il y a beaucoup de choses à faire, donc tu peux vite tomber dans un
activisme effréné et tu t'épuises et tu t'arrêtes
totalement parce que tu as ta vie à côté, ton boulot... et
donc quand je suis revenue à ATTAC, je me suis dit, je vais agir
là où je suis bien, là où je peux prendre du
plaisir mais où je suis bien. C'est-à-dire pas être
à tout, quoi. Moi, je suis décoratrice et plasticienne donc
à ATTAC j'essaye d'utiliser cette fibre là.
Donc c'est plus pour faire une illustration des analyses
d'ATTAC, moi, j'utilise leur travail d'analyse, j'en profite, je suis bien
contente d'apprendre ce que les copains d'ATTAC m'apprennent, quoi. Je mets
après des performances, des trucs visuels dans la
rue. »169(*)
Le grand nombre de militants de l'association, la
diversité des activités et l'initiative offerte permet donc aux
militants de créer les dimensions de leur engagement. Ils partagent et
retirent de leur engagement ce qu'ils veulent, sur le modèle d'une
Auberge Espagnole. Les militants tirant les leçons du passé, se
concentrant sur les thèmes qui les attirent le plus et
réinvestissant leurs compétences, leurs connaissances ou carnets
d'adresse dans les activité qu'ils choisissent, l'engagement dans ATTAC
apparaît comme résolument individualisé. Ceci correspond
tout à fait avec ce que nous dit Jacques Ion pour qui « ce
n'est plus à se conformer aux attentes du groupement qu'il
apparaît le plus utile à ce dernier, mais c'est inversement en
mettant à son service la variété de ses
disponibilités même éphémères, qu'il
participe pleinement au groupement »170(*). Cette phrase a, en outre,
le mérite de faire apparaître le caractère volatile et
limité de l'engagement des membres.
Un engagement distancié
Dans une étude sur un comité parisien d'ATTAC,
Maxime Szczepansky171(*)
dresse une typologie des façons de participer ou d'adhérer
à ATTAC. Des plus au moins engagés, il distingue des
participants actifs, des participants actifs-passifs, des
participants passifs, des adhérents actifs et des
adhérents passifs. Sans entrer dans les détails, nous
pouvons dire que cette typologie illustre la variété des
pratiques qui traduisent l'engagement dans cette association. On pourrait
distinguer dans les participants actifs qui nous intéressent dans cette
étude autant de types de « militance ».
Ce terme, utilisé pour définir un engagement
plus libre et distancié des militants par rapport au mouvement est bien
illustré également par la grande maîtrise de leur temps
qu'affichent les militants. Ils déterminent leur engagement en fonction
de leurs possibilités personnelles et professionnelles. Leur engagement
politique vient au second plan. Ceci ne signifie pas que les militants d'un
comité local d'ATTAC s'engagent forcément moins que dans une
structure politique traditionnelle. Certains anciens militants reconnaissent
d'ailleurs avoir un engagement plus soutenu que dans les organisations dans
lesquelles ils ont milité précédemment. Mais ceci
correspond à un choix de leur part. Surtout, cela signifie qu'ils ont un
engagement plus volatile. L'actualité politique et sociale est
déjà un facteur déterminant le temps dédié
à l'association. Cette fluctuation est renforcée par le fait que
les militants décident de s'investir plus ou moins selon les
périodes. Certains militants connaissent ainsi des mois où ils
accordent trois ou quatre heures à l'association, et d'autres où
cela va jusqu'à 20, des périodes où ils s'investissent
dans une activité de l'association, et d'autres où ils
participent à trois ou quatre groupes simultanément. Les
militants déterminent donc au jour le jour le temps qu'ils
désirent accorder à leur activité militante. Cette
liberté qu'ils s'accordent et qui est acceptée par
l'association172(*) nous
paraît rendue possible par la façon dont les membres
d'ATTAC-Strasbourg considèrent l'engagement politique. Celui-ci n'est
pas vu comme un « sacerdoce » ou une
« religion » qui pourrait empiéter sur tous les
aspects de leur vie. Certains militants déterminent donc de façon
précise les moments qu'ils accordent à leur engagement politique
et celles qui sont réservées à leur famille par exemple,
en tenant compte également des engagements de leur conjoint:
« Moi, j'ai trois enfants. Et j'ai un mari qui
est aussi engagé dans des trucs donc...[...]Lui, il a été
longtemps à Aides-Alsace, donc il avait aussi pas mal de
réunions. Maintenant il continue à suivre des gens en individuel,
en aide comme ça. Donc ça veut dire qu'il est pris le soir aussi.
Donc voilà, il faut qu'on jongle pour savoir qui s'occupe des gamins
quand les deux sont pris. En gros, j'ai réservé le lundi mais des
fois il a des trucs aussi le lundi qu'il ne peut pas changer. C'est vrai
qu'après, les enfants râlent. Et puis on les voit
déjà pas de la journée, donc si en plus on les voit pas le
soir, ça fait pas beaucoup. Et moi je crois que si on s'engage
politiquement, ça c'est vraiment un truc auquel je crois
profondément, c'est bien de s'engager dans la politique ou dans la vie
de la cité mais pas au prix de délaisser ses enfants.[...] Donc
je ne veux pas sacrifier mes gamins à l'engagement que je peux avoir
à l'extérieur. Je pense que les deux sont liés et que j'ai
une responsabilité vis-à-vis de mes enfants. Eux, ils n'ont rien
demandé et c'est moi qui ai décidé de les faire. Donc je
peux pas dire après «écoute, j'ai pas le temps de m'occuper
de toi«. Je peux déjà pas être femme au foyer parce
que ça me rend dingue donc forcément ça veut dire que je
n'ai pas beaucoup de temps à leur consacrer donc le peu de temps que
j'ai, je vais pas en plus, tout le temps être en
réunion. »173(*)
Les militants posent ainsi les conditions de leur engagement
au préalable, qu'il s'agisse des dates des réunions ou des
séances de travail. Le fonctionnement de l'association et des groupes de
travail s'adapte donc aux possibilités de chacun. Le fait que la
permanence de l'association ait lieu le mercredi après-midi n'est par
exemple pas étranger au fait qu'ATTAC soit fortement composé
d'enseignants qui sont libres dans ce créneau.
Les rôles des élus de l'association
n'étant pas répartis de manière stricte, il est
également possible aux militants de poser les conditions de leur
participation :
« Je suis surtout chargée de
rédiger le bulletin. Le bulletin mensuel qu'on fait après l'AG.
Donc normalement, à chaque AG, on débat des actions à
venir, je note toutes les dates. Et normalement, chaque responsable de
commission est censé donner la date de la prochaine réunion. Et
à la suite de ça, dans les deux jours qui suivent, j'écris
le bulletin et je l'envoie par mail et après, il y a quelqu'un qui le
tire pour l'envoyer. Pour l'instant, j'ai dit que c'était tout ce que je
prenais parce que je savais que j'aurais pas beaucoup le temps pour faire
plus. »174(*)
Le peu de militants (et surtout de militantes, ce qui est
plus problématique depuis que la parité a été
installée) volontaires pour occuper les postes du bureau explique en
partie cette facilité pour chacun de définir le niveau de sa
participation. Mais gageons que ce n'est pas seulement pour cette raison que
l'association sait s'adapter aux militants.
La vie de l'association suit donc en partie le rythme de
l'engagement de ses membres. Ainsi, suivant l'évolution du temps
disponible des militants responsables d'un groupe, certaines activités
peuvent cesser ou être mises entre parenthèse. Le
déménagement d'un membre a par exemple mis fin aux forums publics
organisés sur une péniche. Les autres membres n'ayant pas le
temps ou l'envie de les organiser, ils ont été abandonnés.
Ou selon les priorités de certains meneurs, certaines commissions
peuvent dormir un moment :
« Là j'ai un peu diversifié en
fait parce que j'avais une action continue sur « les femmes et la
mondialisation ». On était en train de faire une brochure donc
ça impliquait de faire un suivi d'articles, tout ça donc... mais
là elle est sortie depuis quelques mois et c'est vrai que la commission
est un peu en suspend. J'essaierai de la relancer un peu plus tard mais pour
l'instant, c'est vrai qu'on était surtout en train de travailler sur les
questions européennes. Enfin moi, personnellement, j'étais en
train de travailler sur les questions européennes. »175(*)
Nombre de soirées limité pour l'association,
week-ends banalisés pour « prendre du recul », les
militants délimitent parfois strictement leur activité militante.
Il est donc effectué une différence entre la sphère
militante et la sphère familiale voire amicale. Même s'il est
évident que des affinités se créent entre certains
militants qui débordent du cadre politique, certains se refusent
à mélanger les genres. Le temps de la coopération
politique et le temps personnel sont différenciés comme en
témoignent les commentaires de ce militant sur le type de relations
qu'il a établi avec les autres membres du mouvement :
L'engagement dans ATTAC ne nécessite donc pas un
engagement total de sa personne et n'est pas exclusif. Les militants
opèrent des séparations entre leur engagement et leur vie
privée. L'engagement est donc beaucoup moins prégnant que dans
des organisations traditionnelles du type mouvement ouvrier. Ceci a tendance,
nous semble-t-il, à relativiser pour les militants l'importance des
différences qui existent entre eux.
L'engagement dans ATTAC-Strasbourg est donc à la fois
modulable et respectueux du mode d'engagement que souhaitent adopter les
membres. Cet engagement distancié et volatile assure que chacun trouve
sa place sans se sentir envahi par son activité politique. Les moments
partagés dans la réflexion ou l'action sont donc des moments
voulus et les militants en retirent une satisfaction plus grande.
Pour une satisfaction partagée
Cet engagement sur mesure et distancié permet donc
à chaque militant de créer son propre militantisme. Quelle
meilleure réponse pouvait-on apporter à la diversité des
militants en termes de centres d'intérêts et d'attentes de
l'engagement ?
La grande liberté des militants qui est vantée
par l'association, et qui est caractéristique de la recomposition de
l'espace politique, apparaît donc surtout comme une
nécessité. Permettre à chaque militant de proposer et
mener des actions, d'apporter ou de privilégier certains thèmes,
de s'engager selon ses envies et les disponibilités qu'il
détermine, nous apparaissent comme les conditions nécessaires
à la coopération, dans une même structure, de militants
jaloux de leur liberté et refusant d'être dupes de leur
engagement.
L'établissement de ce type d'engagement nous
apparaît être à la fois la conséquence du
renforcement du poids du militant dans l'association et alimenter celui-ci.
Expliquons-nous. Puisque les militants ont leur mot à dire, ils
favorisent l'établissement d'un type d'engagement qui soit respectueux
de leurs spécificités. Mais la diversité offerte
nécessite ensuite qu'on la préserve et qu'on évite les
situations où un groupe particulier pourrait tenter d'imposer ses vues
particulières. Les décisions doivent donc être prises par
tous. La démocratie interne et l'engagement flexible s'alimentent donc
mutuellement.
Finalement, vu l'importance que prennent la gestion de la
diversité et la satisfaction individuelle des militants, on pourrait
penser que ce sont les militants eux-même qui sont au coeur du projet
politique dans les comités locaux d'ATTAC, les résultats
matériels de l'action venant au second plan. Ceci n'est bien-sûr
pas dit de cette manière par les militants, ceux-ci s'engageant avant
tout pour lutter contre le néo-libéralisme, mais c'est ce qui
ressort de notre étude sur le fonctionnement d'ATTAC-Strasbourg.
Il aura donc fallu que l'engagement politique décline
à tel point qu'on annonce sa disparition et que la situation semble bien
désespérée pour que les mouvements politiques donnent plus
de poids aux militants et que les divergences de vues soient surmontées
dans l'action.
C'est à cette condition que les militants actuels
parviennent à retirer une satisfaction commune de leur engagement.
Celle-ci se matérialise surtout par la fierté d'agir ensemble, de
ne pas se résigner. Ce sentiment partagé de fierté,
l'impression de lutter, seuls contre tous, est un facteur d'unité
symbolique dans le mouvement. Finalement, la conscience partagée des
problèmes et la sensation que, seule la mobilisation collective peut
amener à les résoudre, semblent l'emporter sur les
divergences.
Cette dernière sous-partie nous permet de mieux
apprécier le rôle joué par le type d'engagement qui existe
dans l'association en terme de gestion de la diversité. Le fait que
chaque individu puisse impulser des actions ou choisir dans un vaste panel
d'activité permet à chacun de s'investir où et comme il
l'entend. Les différents groupes fonctionnant de manière autonome
et cloisonnée, les divergences de vues sur les actions à mener
sont minimisées et les militants peuvent se sentir réellement
libres dans l'organisation. La possibilité pour chacun de se
créer un engagement sur mesure en termes de manières de militer,
de satisfaction retirée ou de temps investi assure que chacun trouve
dans l'association ce qu'il vient y chercher. La flexibilité de
l'engagement dans ATTAC apparaît donc comme une réponse excellente
à la diversité des attentes.
Synthèse
Reprenons ici rapidement les conclusions que nous pouvons
tirer de notre deuxième partie. Trois types de facteurs expliquent, pour
nous, la coexistence dans l'association de militants aux profils divers et
facilitent leur coopération.
Il y a dans un premier temps des facteurs unificateurs ou
permettant l'agrégation de militants divers. Nous avons vu, par exemple,
que l'appartenance à la classe moyenne de la plupart des membres de
l'association pouvait alimenter un ressenti historique partagé et
engendrer une vision commune des problèmes. Les caractéristiques
d'ATTAC, dont on peut retenir principalement le positionnement hors de la
compétition électorale et la variété des
thèmes traités et abordables, semblent jouer comme une assurance
contre la démagogie et les prises de pouvoir. Enfin, nous relevons
l'existence d'un certain nombre de stratégies unificatrices qui visent
à faciliter la coopération des militants et à leur donner
des bases communes. De la mobilisation du consensus par la presse, à
l'éducation populaire, qui unifie les cadres de
références, tout un travail est réalisé pour passer
outre les différences de vues et donner un socle de connaissances commun
aux militants. L'autocontrôle des militants, l'atténuation des
conflits et le soucis de préserver l'image de l'association pour que
chacun s'y sente bien viennent compléter ce dispositif. Toutes ces
données viennent donc relativiser un peu les divergences de
positionnement ou de parcours politiques que nous avons vu en première
partie et dénotent des efforts fournis par l'association pour relever le
pari de la diversité.
Dans un second temps, nous avons vu comment le fonctionnement
de l'association permettait à chacun de pouvoir être entendu.
L'évolution des statuts de l'association vers un fonctionnement plus
démocratique dénote clairement de l'attention accordée
à ce que le pouvoir et l'orientation de l'association ne soit pas
confisqués par des individus ou des groupes particuliers. La
démocratie interne, qui a un coût en termes d'efficacité
politique, assure donc que chaque sensibilité puisse être
respectée. Ce souci se retrouve bien dans les évolutions
statutaires qui viennent parfois juguler des crises internes et adapter les
statuts au fonctionnement réel de l'association. Enfin, la souplesse de
fonctionnement et le poids donné au militant par le pouvoir de l'AG nous
paraît être de nature à satisfaire des militants dont nous
avons vu le refus des mécanismes de délégation ou de
fonctionnement imposé.
Enfin, la possibilité pour les militants de se forger
un militantisme sur-mesure vient assurer que chacun puisse trouver sa place
dans l'association. Il nous est en effet apparu que les militants avaient un
grand choix en termes de thèmes, de types ou de niveaux d'action et de
rapport à l'engagement et qu'ils pouvaient également en proposer
d'autres. Agissant en autonomie avec les militants qu'il choisit, sur ses
thèmes de prédilection et précisément là
où il peut réinvestir des connaissances ou des savoir-faire,
« le militant est roi » à ATTAC. Ce type
d'investissement variable permet aux militants d'agir en fonction de leurs
caractéristiques propres. Il nous apparaît donc comme une
condition centrale du fonctionnement d'ATTAC Strasbourg, en même temps
qu'il permet à l'association de tirer le meilleur parti de la
diversité des ses membres.
ANNEXES
Bibliographie
Statuts d'ATTAC-Strasbourg
Règlement intérieur
Charte régissant les rapports entre ATTAC et les
comités locaux
Bibliographie :
C. Ouvrages
BARTHÉLÉMY Martine, Associations : un
nouvel âge de la participation ?, Paris, PFNSP, 2000.
BECKER Howard, Outsiders, Metailié, Paris,
1985.
BÉROUD S., MOURIAUX R., VAKALOULIS M., Le mouvement
social en France, essai de sociologie politique, ed. La Dispute, 1998.
BOLTANSKY Luc, La souffrance à distance,
Métailié, Paris, 1993.
BOURDIEU Pierre, La distinction. Critique sociale du
jugement, paris, Ed. de Minuit, 1979.
BRÉCHON P., LAURENT A. et PERRINEAU P. (dir.), Les
cultures politiques des français, Presses de Sciences Po, 2000.
BROQUA Christophe, FILLIEULE Olivier, Trajectoires
d'engagement : Aides et Act-Up, Paris, Textuel, 2001.
CASSEN Bernard (dir.), Tout sur ATTAC, Mille et une
nuits, Paris, octobre 2000, coll Les petits libres N°29.
CASSEN Bernard (dir.), Tout sur ATTAC 2002, Mille et
une nuits, Paris, Janvier 2003, coll Les petits libres N°38.
CASTEL Robert, Les métamorphoses de la question
sociale, Une chronique du salariat, Paris, Fayard, Coll. L'espace du
politique, 2000.
CASTELLS Manuel, La société en
réseaux, Paris, Fayard, 1998.
CRÈTE Jean et FAVRE Pierre (dir.),
Générations et politique, Québec, Presses de
l'Université de Laval, Paris, Economica, Paris 1989
CRETTIEZ Xavier, Sommier Isabelle (dir.), La France
rebelle. Tous les foyers, mouvements, acteurs de la contestation, Paris,
Ed. Michalon, 2002
DE MONTLIBERT Christian, La domination politique,
Presses universitaires de Strasbourg, 1997.
DROITS DEVANT, ouvrage collectif. Liberté,
égalité... Sans papiers, Paris, L'esprit frappeur, 1999.
DROIN Vincent, Enquêtes sur les
générations et la politique 1958-1995, coll. Logique
politiques, L'Harmattan, Paris, 1995.
FILLIEULE Olivier, Stratégies de la rue,
Presses de Sciences po, Paris, 1996.
FILLIEULE Olivier et Péchu Cécile, Lutter
ensemble, les théories de l'action collective, L'Harmattan, Paris,
1993.
HIRSCHMAN Albert, Bonheur privé, action
publique, Fayard, Paris, 1983.
HIRSCHMAN Albert, Défection, prise de parole et
loyauté, Fayard, Paris, 1995.
ION Jacques, La fin des militants ?, Les
Editions de l'Atelier, Paris, 1997, coll. « Enjeux de
Société ».
ION Jacques (dir.), L'engagement au pluriel, St
Etienne, Publications de l'Université de Saint Etienne, 2001.
JOFFRIN Laurent, Un coup de jeune, portrait d'une
génération morale, Paris, Arléas, 1997.
JORDAN Tim, S'engager ! Les nouveaux militants,
activistes, agitateurs..., Paris, Autrement, 2003.
LAVAU G., GRUNBERG G. et Mayer N., L'univers politique des
classes moyennes, Presses de la FNSP, Paris, 1983.
MANHEIM Karl, Générations, Paris,
Nathan, 1990
MARX Karl, Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte,
Editions sociales, Paris, 1969.
MC ADAM, Freedom Summer, Oxford University Press,
Oxford, 1988.
MUXEL Anne, L'expérience politique des jeunes,
Paris, PFNSP, 2001.
NEVEU Erik, Sociologie des mouvements sociaux, La
Découverte, coll. « Repères », Paris,
2000.
OFFERLÉ Michel, Sociologie des groupes
d'intérêts, Montchrétien, Paris, 1994.
OLSON Mancur, Logiques de l'action collective, PUF,
Paris, 1978.
PASSY Florence, L'action altruiste, Librairie Droz -
Genève, 1998.
PERCHERON Annick, La socialisation politique, Coll.
Sociologie, Armand Collin, 1993.
PERRINEAU Pascal, L'engagement politique. Déclin ou
mutation ?, Paris, Presses de Science Po, 1994.
SOMMIER Isabelle, Les nouveaux mouvements contestataires
à l'heure de la mondialisation, Coll. Dominos, Flammarion, 2001.
SOMMIER Isabelle, Le renouveau des mouvements contestataires
à l'heure de la mondialisation, Paris, Flammarion, 2003.
TARROW Sydney, Democracy and disorder : protest and
politics in Italy - 1965-1975. Clarendon Press, Oxford, 1989.
TILLY Charles, La France conteste de 1600 à nos
jours, Paris, Fayard, 1986.
TOURAINE Alain, La voix et le regard, Seuil, Paris,
1978.
TOURAINE Alain, Le retour de l'acteur, Fayard, Paris,
1984.
WEBER Max, Le savant et le politique, Paris, Ed
10/18, 1997.
Articles :
AGRIKOLIANSKY Eric, « Carrières militantes et
vocation à la morale : les militants de la LDH dans les
années 1980 », in Revue Françaises de Sciences
Politiques, Paris, volume 51, N°1-2, février-avril 2001,
p27-46.
BOURDIEU Pierre, « Intervention à la gare de
Lyon, lors des grèves de décembre 1995 », in
"Contre-feux", éditions Liber, Raisons d'agir, juillet 1998.
CHABANET D., « L'engagement comme mise en jeu de la
personne », in Revue française de Sciences
Politiques, Paris, Volume 48, N°2, Avril 1998.
CHAMPAGNE Patrick, « La manifestation, la production
de l'événement politique », in Actes de la
recherche en sciences sociales, Paris, N°52-53, 1984, p18-41.
FILLIEULE Olivier, « Propos pour une analyse
processuelle de l'engagement militant », in Revue
Française de Sciences Politiques, Paris, volume 51, N°1-2,
février-avril 2001, p199-217.
GAXIE Daniel, « Economie des partis et
rétribution du militantisme », in Revue Française
de Sciences Politiques, Paris, N°81-82, p123-154.
GAXIE Daniel, « Appréhension du politique et
mobilisation des expériences sociales », Revue
Française de Sciences Politiques, Paris, Volume 52, N°2-3,
Avril-juin 2002, p145-178.
IHL Olivier, « Socialisation et
évènements politiques », in Revue Française de
Sciences Politiques, Volume 52, N°2-3, Avril-Juin 2002, p125-144.
JUHEM Philippe, « Entreprendre en politique de
l'extrême gauche au PS : la professionnalisation des fondateurs de
SOS-Racisme », in Revue Française de Sciences
Politiques, Paris, volume 51, N°1-2, février-avril 2001,
p131-153.
KLANDERMANS B., « Mobilization and participation:
Social-psychological expansions of resource mobilisation Theory »,
American Sociological Review, vol.49, 1994, p583-600.
LAVABRE M.-C. et Platone F., « Que reste-t-il du
PCF ? », Autrement, mars 2003.
MELUCCI Alberto, « Mouvements sociaux, mouvements
post-politiques », in Revue internationale de l'action
communautaire, N°10, 1983, p11-14.
PECCHI Ettore, « L'entrée en politique des
jeunes italiens : modèles explicatifs de l'adhésion
partisane », in Revue Française de Sciences
Politiques, Paris, volume 51, N°1-2, février-avril 2001,
p155-174.
PÉCHU Cécile, « Les
générations militantes à Droit au Logement », in
Revue Française de Sciences Politiques, paris, volume 51,
N°1-2, février-avril 2001, p73-103.
PERCHERON, Annick, « La mémoire des
générations : la guerre d'Algérie, Mai 68. », in
Etat de l'opinion, 1991, p. 39-57
SZCZEPANSKY Maxime, « Du militantisme à la
militance, une étude des modalités de participation des militants
« anti-mondialisation » à travers l'exemple d'un
comité local de l'ATTAC. », in Regards sociologiques,
N°24, Strasbourg, 2003.
Contributions au colloque du GERMM sur « les
mobilisations altermondialistes », 3-5 décembre
2003 :
AGRIKOLIANSKy Eric, « De l'anticolonialisme
à l'altermondialisme, généalogie(s) d'un nouveau cadre
d'action collective ».
CONTAMIN Jean-Gabriel, « Les mobilisations
altermondialistes avant les mobilisations altermondialistes :
réflexions autour de l'alignement des cadres ».
CRUZEL Elise : « Trajectoires militantes
à ATTAC : les adhérents de Gironde et de Haute
Garonne. »
DENIS J-M « Décloisonnement revendicatif et
constitution d'un front anti-libéral : L'Union Syndicale Groupe des
Dix Solidaires et ATTAC ».
FOUGIER Eddy, « L'influence des mouvements
contestataires ».
MOUCHARD Daniel, « Les mobilisations contre
l'AMI : Un « moment fondateur » du mouvement
altermondialiste ? ».
SZCZEPANSKY Maxime, « Les usages militants de la
lecture et de l'écriture. L'exemple du Monde
Diplomatique ».
Mémoires universitaires :
MAGNIN Blaise, « L'engagement au sein d'ATTAC,
archétype d'une nouvelle forme de participation
politique ? », mémoire de DEA de sociologie politique,
IEP Paris, dirigé par D. Boy, 2000-2001.
PFEUTY Achim, « Multiappartenances et transformations
du militantisme : Les militants d'ATTAC », mémoire de DEA
de sociologie politique, IEP Paris, dirigé par Nonna Mayer,
2002-2003.
Compte-rendu d'observation
AG extraordinaire d'ATTAC-Strasbourg
Le 18 février 2004 à la maison des associations
à 20H.
AG de préparation à la révision des
statuts de mars 2004
J'arrive un peu avant 20 heures et discute avec l'ancien
président d'ATTAC que j'avais interrogé il y a deux ans. Il me
dit qu'il fait toujours passer mon mémoire de licence aux gens
intéressés par la sociologie d'ATTAC.
Cette AG est spécialement consacrée à la
préparation de nouveaux statuts pour l'association. Les points à
traiter concernent la question des responsabilités, de la parité
et du mode d'élection au conseil. Benjamin qui a reçu un mandat
pour préparer l'AG qui votera les nouveaux statuts, dirige la
soirée. Il y a très peu de personnes présentes à
20H. Je salue Benjamen et discute avec un nouveau. Le seul qui viendra
m'aborder. Les autres me regardent avec circonspection quand ils ne me
connaissent pas ou me saluent discrètement. Quelques discussions
discrètes avant le début de la séance. Il y a un peu de
tension, quelques procurations sont posées sur la table.
L'AG démarre à 20H30 avec une vingtaine de
membres. Quatre rangées de tables forment un rectangle. Au
début, le président de séance est seul d'un
côté et les gens se répartissent en face et sur ses
côtés. Cela le gène un peu. Il me demande même si je
ne veux pas m'asseoir à côté de lui. Je
préfère rester à ma place, hors de la table. Je l'ai
interviewé peu de temps avant. Je lui demande de m'introduire juste
avant le début de la séance. Il m'invite à me
présenter. Je me lève et expose rapidement mon enquête et
ma demande d'assister à leur AG. Personne ne s'y oppose et je reprends
ma place.
La séance commence. Le premier point abordé
concerne la responsabilité des membres du conseil. Qu'en est-il ?
Qui décide quoi ?
Un point de vue : L'association doit être visible
de l'extérieur à travers ses responsables. Le contrôle doit
se faire à posteriori. Les membres du conseil étant responsables
juridiquement et financièrement, ils doivent avoir les décisions
financières et être libres pour leurs responsabilités
extérieures. 2 personnes s'expriment avec conviction sur ce sujet. Le
poids de l'AG ralentit les décisions, oblige à débattre
plusieurs fois sur le même sujet : en bureau et en AG. Alors que de
toutes façons, le conseil peut revenir sur une décision de l'AG.
Le plus virulent sur le thème des responsabilités et des
prérogatives qui doivent aller avec est M, le dernier président
de l'association. Il parle en vieux routier des associations, connaissant bien
les conditions de leur efficacité. Au bout d'un moment, ses
interventions enflammées sont suivies de blancs gênés, de
sourires en coin. Après sa diatribe, il se lève et fait quelques
pas puis reste un peu près de la porte. Il y a à peu près
25 personnes à la table.
Le débat continue plus calmement sur des questions
techniques : qui propose ? qui décide ?
Il faut suivre un certain formalisme mais laisser le champ
libre aux décisions d'urgence à cause de l'actualité.
Ce qui fait peur aux responsables, c'est qu'une idée
votée avec enthousiasme par l'AG fasse un bide car finalement au moment
de travailler il n'y ai plus personne et que le conseil se retrouve avec tout
à faire ou à être financièrement responsable des
déficits. Ca a failli arriver pour l'organisation d'un concert qui a
fait un flop. La puissance de l'AG malgré le peu d'investissement des
membres effraie ceux qui voudraient des postes à responsabilité.
Il faut un exécutif fort. Débat opposant efficacité
à démocratie.
Pendant ces débats quelques conversations dans les
coins, quelques petits mots qui passent. Vers 21H10, les gens commencent
à aller fumer dans l'entrée.
Deuxième point, supprimer une des deux instances du
conseil ou du bureau car 2 sont inutiles. Bureau agrandi ou conseil
rétréci ? Comment assurer la parité alors que les
candidatures sont individuelles ? Sur 25 présents, il y a 5 femmes
à la table.
Le problème est qu'il y a peu de gens qui ont envie
d'investir beaucoup de temps, « ça ne doit pas être un
job à temps complet ». Une femme fait remarquer qu'une
réunion du bureau par semaine, plus une permanence, plus les
commissions, c'est beaucoup trop. Ca va pour un jeune homme célibataire
mais pas pour une mère de famille. Les gens qui n'ont pas trop de temps
sont donc exclus des responsabilités. Pour Marc qui se lève
à nouveau, c'est là une illustration de la paralysie
engendrée par la démocratie à ATTAC, démoralisation
des personnes motivées par ceux qui veulent être au conseil sans
s'investir. Un ancien secrétaire, assis près d'une ancienne
présidente, fait valoir que de son temps, il y avait une réunion
par semaine au bistrot et que c'était très bien.
Que faut-il rédiger du fonctionnement du bureau ?
Faut-il plutôt le laisser libre de s'organiser, lui faire
confiance ? différence entre les formalistes et les
non-formalistes.
Benjamin rappèle à l'ordre, il est 22H, il faut
faire des propositions concrètes. Les débats s'échauffent
un peu, des remarques personnelles commencent à fuser, on se coupe, on
prend mal les choses, on n'écoute plus l'autre.
On passe ensuite à un sujet plus léger
concernant une action prévue, on prendra contact rapidement. Puis
parenthèse fermée.
Ben rappèle l'heure, il faut passer au vote. On expose
ostensiblement ses procurations.
Vote pour fusion bureau-conseil : majorité de
oui
Certains sont pressés d'en finir, ceux qui ont
l'habitude des réunions qui s'éternisent. Paradoxalement, les
bavardages se multiplient à droite et à gauche.
Vote sur le nombre de conseillers : 6,8,10,ou 12 ?
Nombre pair pour parité. C'est le 8 qui gagne facilement (20 voies)
C'est donc vers un comité avec beaucoup de
responsabilités et de participation que va l'assoc.
Vote sur nombre de voies pour être élu.
23H : les gens commencent à partir sur fond de
débat sur la légitimité de cette AG à faire des
propositions.
Séance levée. Proposition de nouveaux statuts en
mars sur la base des votes de ce soir.
Je recueille quelques coordonnées à la sortie et
m'en vais assez rapidement.
Une majorité de jeunes entre 25 et 35 ans. Grande
majorité d'hommes.
Les gens qui parlent sont souvent les mêmes, la grande
majorité des gens réalisent une ou deux interventions seulement.
Parfois trois interventions sur un thème particulier puis plus rien.
D'autres qui ont des procurations en réalisent entre 6 et 10.
Lors des discussions, le ton monte parfois mais on reste
correct. Petits conflits sur le statut de chacun et leur poids respectif dans
l'assoc en fonction du temps qu'ils veulent donner à l'association. Ceux
qui ont peu de temps à consacrer ont peur que l'association soit
confisquée par les membres très actifs. Ces derniers veulent plus
de liberté par rapport à l'AG et aux membres peu actifs.
Réunion comme dans toutes les assocs au niveau des tensions. Le
président de soirée anime et placé en arbitre au milieu,
au début, personne à côté de lui. Quelques
violations du tour de parole, très peu appréciées.
Débats assez ennuyeux sur la fin, on ne s'écoute
plus.
ATTAC STRASBOURG LES STATUTS DE
L'ASSOCIATION REMPLACÉS PAR LES STATUTS ADOPTÉS
LE 10 MARS 2003
1ER MARS 1999
I. CONSTITUTION - OBJET - COMPOSITION
ARTICLE 1. Constitution - Objet
Il est formé, entre les soussignés, ainsi que les
personnes, physiques ou morales qui adhéreront par la suite aux
présents statuts, une association inscrite au Registre des Associations
du Tribunal d'Instance de Strasbourg, régie par les articles 21 à
79 du Code civil local, maintenu en vigueur dans les départements du
Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle par la loi d'introduction de la
législation civile française du 1er juin 1924, ainsi que par les
présents statuts.
Elle a pour objet de produire et communiquer de l'information,
ainsi que de promouvoir et mener des actions de tous ordres en vue de la
reconquête, par les citoyens, du pouvoir que la sphère
financière exerce sur tous les aspects de la vie politique,
économique, sociale et culturelle dans l'ensemble du monde. Parmi ces
moyens figure la taxation des transactions sur les marchés des changes
(taxe Tobin).
L'association exerce ses activités en liaison avec
l'association nationale ATTAC (Action pour la Taxation des Transactions pour
l'Aide aux Citoyens) dont le siège social est situé à
Paris.
Dans tous les cas, l'association ne poursuit aucun but lucratif,
politique ou religieux.
ARTICLE 2. Dénomination
L'association prend la dénomination suivante :
ATTAC-Strasbourg.
ARTICLE 3. Durée - Siège
La durée de l'association est illimitée. Son
siège social est fixé à la Maison des Associations 1a,
place des Oprhelins à Strasbourg. Il peut être
déplacé sur simple décision du Conseil d'Administration.
ARTICLE 4. Rapports avec l'association nationale
ATTAC
Le sigle et la dénomination ATTAC étant
protégés, ATTAC-Strasbourg : soumet les présents
statuts au Bureau de l'association nationale ATTAC pour approbation ;
veille à ce que toutes les structures locales des organisations
fondatrices (lorsqu'elles existent localement) de l'association nationale ATTAC
soient invitées aux Assemblées générales
ordinaires ; s'assure que tous ses membres sont également membres
de l'association nationale ATTAC ; adresse chaque année, trois mois
avant l'assemblée générale de l'association nationale
ATTAC, un bilan de ses actions qui est incorporé au rapport de
l'association nationale ATTAC.
En cas de non-respect de ces clauses par l'association, le Bureau
de l'association nationale ATTAC peut lui retirer l'utilisation du sigle et la
dénomination ATTAC.
ARTICLE 5. Membres - Adhésion -
Responsabilité
L'association se compose exclusivement de membres actifs :
personnes physiques ou personnes morales. Toutes ces personnes sont
également membres de l'association nationale ATTAC.
Les personnes physiques et morales sont membres de l'association
ATTAC-Strasbourg dès paiement de la cotisation annuelle. Une personne
morale est représentée par une personne mandatée.
La qualité de membre se perd : par
décès, par dissolution de la personne morale adhérente,
par démission adressée par écrit au président de
l'association, par exclusion prononcée en Assemblée
Générale ordinaire pour tout acte portant préjudice moral
ou matériel à l'association, par radiation prononcée par
le Conseil d'administration pour non-paiement de la cotisation.
Avant l'exclusion, le membre intéressé est
appelé, au préalable, à fournir des explications
écrites.
ARTICLE 6. Cotisation
Une cotisation est fixée annuellement par
l'Assemblée générale, sur proposition du Conseil
d'administration. Elle comprend la cotisation nationale complétée
par la cotisation locale. Tous les membres y sont alors soumis.
II. ORGANES ET FONCTIONNEMENT
ARTICLE 7. Organes
Les organes de l'association sont : l'Assemblée
générale ; le Conseil d'Administration ; le Bureau.
ARTICLE 8. Le Conseil d'Administration
8-1. Composition
Le Conseil est composé d'administrateurs choisis parmi les
membres de l'association et élus par l'Assemblée
générale.
Le Président est désigné par le Conseil
à la majorité absolue aux premier et deuxième tours, et
à la majorité simple au troisième.
Le Conseil élit en son sein, à la majorité
simple, un Secrétaire général, un Trésorier, et
pourvoit, selon les besoins, tout autre poste, dont celui d'un ou plusieurs
Vice-présidents.
Le nombre des personnes morales siégeant au Conseil doit
être inférieur à 30 %.
8-2. Durée du mandat
La durée du mandat des membres du conseil d'administration
est de deux ans, à compter du jour de leur élection par
l'Assemblée générale. Ils sont rééligibles
sans limitation. Au terme de la première année de leur mandat, 50
% des sièges des administrateurs, tirés au sort, font l'objet
d'un renouvellement. En cas de vacance, de nouveaux administrateurs peuvent
être cooptés par le Conseil pour la durée du mandat du
Conseil qui reste à courir.
Nul ne peut faire partie du Conseil s'il n'est majeur.
8-3. Fonctionnement
Le Conseil d'administration se réunit aussi souvent que
l'intérêt de l'association l'exige, sans que le nombre de
réunions puisse être inférieur à deux par an, sur
convocation du Président. Celui-ci peut réunir le Conseil
d'administration en séances supplémentaires.
En cas d'impossibilité pour le président de
réunir le conseil d'administration, une réunion du Conseil
d'administration peut être convoquée, dans un délai maximal
de quinze jours, sur demande écrite du quart des membres du Conseil.
La présence de la moitié au moins de ses membres
est nécessaire pour que le Conseil d'administration puisse
délibérer valablement.
Le Conseil peut inviter toute personne dont il estimera la
présence utile à ses travaux.
Les réunions sont présidées par le
Président, ou en cas de vacance par le Vice-président ou le
Secrétaire général, il dirige les discussions, assure
l'observation des statuts et du règlement intérieur et veille au
suivi de l'ordre du jour. Lorsque le Vice-président ou le
Secrétaire général préside, il exerce les pouvoirs
du Président.
Chaque membre du Conseil d'administration doit participer en
personne aux séances. Toutefois, chaque administrateur peut se faire
représenter par un autre administrateur. Les pouvoirs sont
écrits. Nul ne peut détenir plus d'un pouvoir.
Les décisions sont prises à la majorité des
présents et représentés. En cas d'égalité,
la voix du président est prépondérante.
8-4. Pouvoirs
Les pouvoirs d'administration sont confiés au Conseil
d'administration qui prend toutes les décisions et mesures relatives
à l'association, autres que celles expressément
réservées par la loi et par les présents statuts à
la compétence de l'Assemblée générale.
Il se prononce, à la majorité des deux tiers des
membres présents ou représentés, sur toute proposition de
modification des statuts ou toute autre décision à soumettre
à l'Assemblée générale extraordinaire.
8-5. Rémunérations
Les fonctions des membres du Conseil d'administration sont
gratuites. Toutefois, les frais et débours occasionnés par
l'accomplissement de leur mandat leur sont remboursés au vu des
pièces justificatives. Le rapport financier présenté
à l'Assemblée Générale ordinaire doit faire mention
des remboursements de frais de mission, de déplacement ou de
représentation payés à des membres du Conseil
d'administration. Le Conseil d'administration ne doit pas être mis devant
le fait accompli sauf cas très exceptionnel dûment
argumenté.
ARTICLE 9. Le Bureau
9-1. Le Bureau est composé du
Président, du secrétaire général, du
Trésorier, et par d'éventuels membres du conseil
d'administration.
9-2. Le Bureau est chargé de la gestion
des affaires de l'association, dans le cadre des orientations fixées par
le Conseil d'administration.
ARTICLE 10. Le Président
10-1. Le Président anime l'association et
dispose des pouvoirs les plus étendus pour assurer sa
représentation, tant en France qu'à l'étranger,
auprès des pouvoirs publics et des tiers.
Il dirige les discussions du Bureau, du Conseil d'administration
et de l'Assemblée générale, qu'il préside.
Il surveille et assure l'observation des statuts et du
règlement intérieur. Il signe tous actes, toutes mesures ou tous
extraits des délibérations intéressant l'association, fait
ouvrir les comptes. Il peut déléguer tout ou partie de ses
pouvoirs.
10-2. Le Président représente
l'association en justice, soit comme demandeur, soit comme défendeur,
soit comme partie civile.
ARTICLE 11. L'Assemblée
générale
11-1. Composition - Réunion
L'Assemblée générale se compose de tous les
membres de l'Association à jour de leur cotisation. Elle se
réunit en séance ordinaire une fois par an, au jour et sur
l'ordre du jour fixé par le Conseil d'administration, et sur convocation
du Président.
Il pourra être tenu des Assemblées
générales ordinaires, réunies extraordinairement, quand
les intérêts de l'association l'exigent, soit à
l'initiative du Conseil d'administration, soit sur demande signée du
quart des membres de l'association. Dans ce cas, la convocation est de droit.
11-2. Convocation
Les convocations sont faites par écrit, sauf urgence, au
moins quinze jours à l'avance, et portent indication précise des
questions à l'ordre du jour.
11-3. Ordre du jour
L'Assemblée générale ne peut
délibérer que sur les questions inscrites à l'ordre du
jour fixé par le conseil d'administration dans la séance qui
précède l'Assemblée générale.
Tout membre peut demander l'inscription à l'ordre du jour
de toute question qu'il désire voir traitée. Il adresse, à
cet effet, une lettre recommandée avec accusé de réception
au Président avant la réunion du Conseil qui
précède l'Assemblée générale. Le Conseil
statue sur cette demande.
11-4. Accès
Les membres ne sont admis aux Assemblées
générales que sur présentation d'une pièce
justificative de leur qualité. Ils signent à leur entrée
le registre de présence.
11-5. Représentation
Tout membre a le droit de se faire représenter par un
autre membre en remettant à ce dernier un mandat écrit. Nul ne
peut détenir plus d'un pouvoir.
11-6. Pouvoirs
L'Assemblée générale est l'organe souverain
de l'association dans les matières dont la loi et les statuts lui
réservent expressément la compétence exclusive.
La présidence de l'Assemblée Générale
appartient au président ou, en son absence, au
vice-président ; l'un ou l'autre peut déléguer ses
fonctions à un autre membre du Conseil d'administration. Le Bureau de
l'Assemblée est celui de l'association.
L'Assemblée entend les rapports sur la gestion du Conseil
d'administration et notamment sur la situation morale et financière de
l'association. Les vérificateurs aux comptes donnent lecture de leur
rapport de vérification.
L'Assemblée, après avoir
délibéré et statué sur les différents
rapports, approuve les comptes de l'exercice clos, vote le budget de l'exercice
suivant et délibère sur toutes les autres questions figurant
à l'ordre du jour.
Elle pourvoit à la nomination ou au renouvellement des
membres du Conseil d'administration dans les conditions prévues à
l'article 8-2 des présents statuts.
L'Assemblée Générale ordinaire
désigne également pour un an les deux vérificateurs aux
comptes qui sont chargés de la vérification annuelle de la
gestion du trésorier.
Elle fixe le montant de la cotisation annuelle.
Elle est seule compétente pour prononcer l'exclusion d'un
membre pour un acte portant préjudice moral ou matériel à
l'association.
Les décisions de l'Assemblée Générale
ordinaire sont prises à la majorité des membres présents.
Toutes les délibérations sont prises à main levée.
Toutefois à la demande d'un quart au moins des membres présents,
les votes doivent être émis au scrutin secret. Cependant, pour
l'élection des membres du Conseil d'administration, le vote secret est
obligatoire.
Les délibérations sont constatées par des
procès-verbaux inscrits sur un registre spécial et signé
par le président et le secrétaire.
11-7. Assemblée générale
extraordinaire.
Conformément à l'article 33 du Code civil local,
les décisions de l'Assemblée générale
extraordinaire relatives à la modification des statuts ou à la
dissolution sont prises à la majorité des trois quarts des
membres présents ou représentés.
L'Assemblée générale extraordinaire ne peut
délibérer que si la moitié plus un des membres de
l'association sont présents ou représentés, sur
première convocation, et quel que soit le nombre des membres
présents ou représentés pour les suivantes.
Toutefois, pour une modification des buts de l'association, il
faut l'accord unanime de tous les membres présents ou
représentés ; l'accord des membres non présents ou
représentés doit être donné par écrit.
Aucune demande de modification des statuts ne peut venir en
discussion à l'Assemblée générale extraordinaire si
elle n'est pas proposée par le Conseil d'administration
délibérant à la majorité des deux tiers des membres
présents ou représentés, qui devra présenter un
rapport motivé. Les statuts modifiés devront respecter les
clauses de l'article 4.
III. RESSOURCES - CONTRÔLE FINANCIER
ARTICLE 12. Ressources
Les ressources de l'association se composent : du produit
des cotisations ; des contributions bénévoles ; des
subventions, des dons et des legs qui pourraient lui être
versés ; du produit des fêtes et manifestations, des
intérêts et redevances des biens et valeurs qu'elle pourrait
posséder a insi que des rétributions pour services rendus ;
le reversement, par l'association nationale ATTAC, d'une fraction, fixée
par le Conseil d'administration de l'association nationale ATTAC, des
cotisations qui lui ont été versées par les membres de
ATTAC Strasbourg ; toutes autres ressources qui ne seraient pas contraires
aux lois en vigueur.
ARTICLE 13. Comptabilité -
Dépenses
Le Trésorier, tient au jour le jour, une
comptabilité en recettes et dépenses pour l'enregistrement de
toutes les opérations financières.
Les dépenses sont ordonnées par le
Président. Leur paiement est effectué par le Trésorier.
ARTICLE 14. Vérificateurs aux comptes
Les comptes tenus par le trésorier sont
vérifiés annuellement par deux vérificateurs aux comptes.
Ceux-ci, membres de l'association, sont élus pour un an par
l'Assemblée générale ordinaire et sont
rééligibles sans limitation. Ils doivent présenter
à l'Assemblée générale ordinaire appelée
à statuer sur les comptes un rapport écrit de leurs
opérations de vérification.
Les deux vérificateurs aux comptes ne peuvent exercer
aucune fonction au sein du Conseil d'administration.
IV. DISSOLUTION - MODIFICATIONS STATUTAIRES
ARTICLE 15. Dissolution - Modifications
statutaires
L'association peut être dissoute, sur proposition du
Conseil d'administration, par vote de l'Assemblée générale
extraordinaire, conformément à l'article 11-7. Les statuts
peuvent être modifiés selon la même procédure, en
respectant les clauses de l'article 4.
ARTICLE 16. Liquidation
En cas de liquidation volontaire, l'Assemblée
générale extraordinaire de liquidation nomme un ou plusieurs
liquidateurs. En aucun cas, les biens ne peuvent être répartis
entre les membres de l'association. Ils sont dévolus à
l'association nationale ATTAC.
V. RÈGLEMENT INTÉRIEUR - FORMALITÉS
ADMINISTATIVES
ARTICLE 17. Règlement intérieur
Un règlement intérieur peut être
établi par le Conseil d'administration, qui le fait alors approuver par
l'Assemblée générale.
Ce règlement éventuel est destiné à
fixer les divers points non prévus par les statuts, notamment ceux qui
ont trait au fonctionnement pratique des activités de l'association.
ARTICLE 18. Formalités administratives
Le Conseil d'administration devra déclarer au Registre des
Associations du Tribunal d'Instance de Strasbourg les modalités
ultérieures désignées ci-dessous : le changement de
dénomination : le transfert de siège ; les
modifications apportées aux statuts ; les changements survenus au
sein du Conseil d'administration la dissolution de l'association.
VERS UNE DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE LES
STATUTS D'ATTAC STRASBOURG ADOPTÉS PAR
L'ASSEMBLÉE GÉNÉRALE EXTRAORDINAIRE
10 MARS 2003
Préambule : Vers une démocratie
participative ?
La confiance est l'attitude spontanée que nous voulons
cultiver à l'égard des initiatives personnelles et des
débats d'opinion. Nous préconisons, c'est bien connu,
l'avènement d'une démocratie participative où chacun
puisse participer et être écouté. Il est donc normal de
veiller à ce que le fonctionnement même d'Attac soit régi
par ces principes. Pour manifester ce souci nous proposons une modification des
statuts de l'association dans le sens d'une ouverture au vote de tous les
présents aux réunions mensuelles, dans le sens aussi d'une
disparition symbolique de la fonction présidentielle.
Des Assemblées générales tous les
mois. La volonté de donner la parole à tous les membres
présents aux réunions mensuelles procède d'un double
désir. Premièrement il y a le désir de recueillir l'avis
du plus grand nombre. Nous sommes persuadés que les meilleures solutions
surgissent souvent d'un débat libre et respectueux, nous en faisons
l'expérience constante. Or il est difficile d'attendre la parole de
quelqu'un à qui l'on a fait savoir qu'il ne pourra pas voter, c'est
là mettre un frein inutile et stérile, nous l'avons
constaté. Deuxièmement, il y a aussi le désir
d'améliorer la qualité des débats par la pratique. Ouvrir
les vannes de la parole et du scrutin c'est s'obliger à des pratiques de
paroles toujours plus argumentatives, accessibles et respectueuses. À
terme ces pratiques pourraient finir par constituer un esprit Attac que chacun
aura à coeur de cultiver.
Plus de président mais des porte-parole.
Nous proposons, comme la loi nous en laisse licence, de renoncer au titre de
président dans les statuts de notre association et de nous cantonner aux
fonctions de secrétaire, de trésorier et de porte-parole ?
ceux-ci au nombre de deux ou trois. Nous obtenons ainsi une
responsabilité collégiale de seize membres avec seules trois
fonctions caractéristiques. Par ce biais la personnification possible de
notre association vue de l'extérieure est abandonnée, sa nature
délibérative est manifestée et la pluralité des
porte-parole renforce encore cette visibilité.
Une responsabilité judiciaire et extrajudiciaire
collégiale. Comme la loi exige de disposer des noms des
responsables de l'association, ce sont les seize membres du Conseil qui
assumeront ensemble la responsabilité judiciaire et extrajudiciaire de
l'association. À ce titre ils pourront s'opposer à une
décision prise par l'Assemblée mensuelle, si cette
décision met en question la survie financière de l'association ou
leur responsabilité pénale, ou bien s'avère non conforme
aux buts de l'association. Pour contrebalancer ce pouvoir, le Conseil peut
être révoqué sous certaines conditions.
Vers la parité femmes - hommes. Dans un
souci de démocratie, d'égalité et de liberté entre
toutes et tous, nous veillerons à un égal accès des femmes
et des hommes aux prises de décisions et aux responsabilités.
Ceci passe par l'élection des conseillers sur le mode de la
parité femmes - hommes.
Nous pensons que ces modifications contribueront à rendre
la parole plus fluide et plus féconde entre nous. Nous ne disposons
d'aucun programme préétabli, ni d'aucun savoir supérieur,
mais seulement de la capacité de réflexion de chacun de nos
membres. Si notre association se veut d'éducation populaire, c'est une
éducation fondée sur l'écoute des expériences et
des paroles de toutes et de tous, et la diffusion de pratiques et d'analyses
élaborées collectivement.
TITRE I. CONSTITUTION ET OBJET
Article 1. Constitution
Il est formé, entre les soussignés, ainsi que les
personnes, physiques ou morales qui adhéreront par la suite aux
présents statuts, une association inscrite au Registre des associations
du Tribunal d'instance de Strasbourg, régie par les articles 21 à
79 du Code civil local, maintenu en vigueur dans les départements du
Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle par la loi d'introduction de la
législation civile française du 1er juin 1924, ainsi que par les
présents statuts.
Article 2. Objet
Elle a pour objet de produire et communiquer de l'information,
ainsi que de promouvoir et mener des actions de tous ordres en vue de la
reconquête, par les citoyens, du pouvoir que la sphère
financière exerce sur tous les aspects de la vie politique,
économique, sociale et culturelle dans l'ensemble du monde. Parmi ces
moyens figure la taxation des transactions sur les marchés des changes
(taxe Tobin).
L'association exerce ses activités en liaison avec
l'association nationale ATTAC (Association pour la Taxation des Transactions
financières pour l'Aide aux Citoyens) dont le siège social est
situé à Paris. Dans tous les cas, l'association ne poursuit aucun
but lucratif, politique ou religieux.
Article 3. Dénomination
L'association prend la dénomination suivante :
ATTAC-Strasbourg.
Article 4. Durée et siège
La durée de l'association est illimitée. Son
siège social est fixé à la Maison des associations 1a,
place des Orphelins à Strasbourg. Il peut être
déplacé sur simple décision du Conseil.
Article 5. Rapports avec l'association nationale
ATTAC
Le sigle et la dénomination ATTAC étant
protégés, ATTAC-Strasbourg : soumet les présents
statuts au Bureau de l'association nationale ATTAC pour approbation ;
veille à ce que toutes les structures locales des organisations
fondatrices (lorsqu'elles existent localement) de l'association nationale ATTAC
soient invitées aux Assemblées générales
solennelles ; s'assure que tous ses membres sont également membres
de l'association nationale ATTAC ; adresse chaque année, trois mois
avant l'assemblée générale de l'association nationale
ATTAC, un bilan de ses actions qui est incorporé au rapport de
l'association nationale ATTAC.
En cas de non-respect de ces clauses par l'association, le Bureau
de l'association nationale ATTAC peut lui retirer l'utilisation du sigle et la
dénomination ATTAC.
TITRE II. COMPOSITION
Article 6. Membres
L'association se compose exclusivement de membres actifs :
personnes physiques ou personnes morales. Toutes ces personnes sont
également membres de l'association nationale ATTAC.
Les personnes physiques et morales sont membres de l'association
ATTAC-Strasbourg dès paiement de la cotisation annuelle. Une personne
morale est représentée par une personne mandatée.
Article 7. Cotisations
Une cotisation est fixée annuellement par
l'Assemblée générale solennelle, sur proposition du
Conseil. Elle comprend la cotisation nationale complétée par la
cotisation locale. Tous les membres y sont alors soumis.
Article 8. Perte de la qualité de membre
La qualité de membre se perd : par
décès, par dissolution de la personne morale adhérente,
par démission adressée par écrit au Conseil, par
non-paiement de la cotisation, par exclusion prononcée en
Assemblée générale extraordinaire pour tout acte portant
préjudice moral ou matériel à l'association.
Avant l'exclusion, le membre intéressé est
appelé, au préalable, à fournir des explications
écrites.
TITRE III. ORGANES ET FONCTIONNEMENT
Article 9. Organes
Les organes de l'association sont : l'Assemblée
générale, le Conseil et le Bureau.
Article 10. L'Assemblée
générale
10-1. Composition
L'Assemblée générale se compose de tous les
membres de l'association à jour de leur cotisation.
10-2. Réunion
L'Assemblée générale se réunit en
séances solennelles, régulières ou extraordinaires.
10-3. Convocation
Pour les réunions en séances solennelles et
extraordinaires, les convocations sont faites par écrit, sauf urgence,
au moins quinze jours à l'avance, et portent indication précise
des questions à l'ordre du jour.
10-4. Accès
Les membres ne sont admis aux Assemblées
générales que sur présentation d'une pièce
justificative de leur qualité. Ils signent à leur entrée
le registre de présence.
10-5. Représentation
Tout membre a le droit de se faire représenter par un
autre membre en remettant à ce dernier un mandat écrit. Nul ne
peut détenir plus d'un pouvoir.
10-6. Pouvoirs
L'Assemblée générale prend toutes les
décisions et mesures relatives à l'association, dans les limites
énoncées à l'article 11-4 alinéa 2 à propos
du Conseil.
10-7. Résolutions
Les décisions de l'Assemblée générale
sont prises à la majorité des membres présents. Toutes les
délibérations sont prises à main levée. Toutefois
à la demande d'un quart au moins des membres présents, les votes
doivent être émis au scrutin secret. Cependant, pour
l'élection des membres du Conseil, le vote secret est obligatoire.
Les délibérations sont constatées par des
procès-verbaux approuvés par le Conseil et inscrits sur un
registre spécial tenu par le secrétaire.
10-8. L'Assemblée générale
solennelle
L'Assemblée générale solennelle se
réunit une fois par an. Il pourra être tenu des réunions
supplémentaires, soit à l'initiative du Conseil, soit sur demande
signée du quart des membres de l'association. Dans ce cas la convocation
est de droit.
L'Assemblée générale solennelle est
présidée par le Conseil.
Elle ne peut délibérer que sur les questions
inscrites à l'ordre du jour par le Conseil au cours de sa
dernière réunion. Tout membre peut demander, par écrit,
l'inscription à l'ordre du jour de toute question ; le Conseil
statue sur cette demande. En cas de convocation à l'initiative du quart
des membres, le Conseil ne peut pas refuser les points d'ordre du jour
proposés par ces membres.
L'Assemblée générale solennelle entend les
rapports du Conseil sur la gestion de l'association, et notamment sur sa
situation morale et financière. Les vérificateurs aux comptes
donnent lecture de leur rapport de vérification.
Après avoir délibéré et statué
sur les différents rapports, elle approuve les comptes de l'exercice
clos, vote le budget de l'exercice suivant, désigne pour un an deux
vérificateurs aux comptes, fixe le montant de la cotisation annuelle et
délibère sur toutes les autres questions figurant à
l'ordre du jour.
Elle pourvoit à la nomination ou au renouvellement des
membres du Conseil dans les conditions prévues à l'article 11-1
des présents statuts. Elle seule a le pouvoir de révoquer le
Conseil. Les motifs de révocation et les arguments du Conseil sont alors
joints à la convocation écrite.
10-9. L'Assemblée générale
régulière
L'Assemblée générale régulière
se réunit aussi souvent que l'intérêt de l'association
l'exige. La fréquence et les modalités ? en particulier
l'établissement de l'ordre du jour ? de ses réunions sont
fixées par le règlement intérieur ; toute
modification de cette fréquence doit être communiquée aux
membres de l'association à titre de convocation.
Les pouvoirs de l'Assemblée générale
régulière sont ceux de l'Assemblée générale
qui ne sont pas expressément réservés aux séances
solennelles, par l'article 10-8 alinéa 4 à 6, et extraordinaires,
par l'article 10-10 alinéa 3 et 4.
Ses délibérations ne sont valables que si la
moitié au moins des membres du Conseil sont présents ou
représentés.
10-10. L'Assemblée générale
extraordinaire
L'Assemblée générale extraordinaire est
convoquée par le Conseil qui en fixe l'ordre du jour.
Elle ne peut délibérer valablement que si la
moitié plus un des membres de l'association sont présents ou
représentés, sur première convocation, et quel que soit le
nombre des membres présents ou représentés pour les
suivantes.
Conformément à l'article 33 du Code civil local,
les décisions de l'Assemblée générale
extraordinaire relatives à la modification des statuts ou à la
dissolution sont prises à la majorité des trois quarts des
membres présents ou représentés.
Toutefois, pour une modification des buts de l'association, il
faut l'accord unanime de tous les membres présents ou
représentés ; l'accord des membres non présents ou
représentés doit être donné par écrit.
L'Assemblée générale extraordinaire est
seule compétente pour prononcer l'exclusion d'un membre pour un acte
portant préjudice moral ou matériel à l'association.
Article 11. Le Conseil
11-1. Composition
Le Conseil est composé de seize conseillers choisis parmi
les membres de l'association et élus par l'Assemblée
générale solennelle. Les conseillers sont élus sur le mode
de la parité femmes - hommes.
La durée de leur mandat est de deux ans. Nul ne peut
effectuer plus de deux mandats consécutifs. En cas de vacance d'un quart
des membres du Conseil, une Assemblée générale solennelle
est convoquée pour pourvoir aux postes vacants.
Aucune personne morale ne peut siéger au Conseil. Nul ne
peut faire partie du Conseil s'il n'est majeur.
11-2. Réunion
Le Conseil participe obligatoirement à chaque
réunion de l'Assemblée générale
régulière.
Il peut tenir des réunions supplémentaires,
convoquées dans un délai maximal de quinze jours, sur demande
d'un quart de ses membres.
La présence de la moitié au moins de ses membres
est nécessaire pour que le Conseil puisse délibérer
valablement.
Le Conseil peut inviter toute personne dont il estimera la
présence utile à ses travaux ou a ceux de l'Assemblée
générale.
11-3. Fonctionnement
Le déroulement pratique des réunions est
fixé par le règlement intérieur.
Chaque membre du Conseil doit participer en personne aux
séances. Toutefois, chaque conseiller peut se faire représenter
par un autre conseiller. Les pouvoirs sont écrits. Nul ne peut
détenir plus d'un pouvoir.
Les décisions sont prises à la majorité des
présents et représentés. En cas d'égalité
persistante, le vote est reporté à une prochaine réunion.
11-4. Pouvoirs
Les membres du Conseil assurent collectivement la
représentation judiciaire et extrajudiciaire de l'association,
prévue par l'article 26 du Code civil local.
À ce titre, le Conseil a le pouvoir de s'opposer, aux
décisions de l'Assemblée générale
régulière. Il doit motiver son opposition.
Il se prononce, à la majorité des deux tiers des
membres présents ou représentés, sur toute proposition de
modification des statuts ou de dissolution de l'association, ou toute autre
décision à soumettre à l'Assemblée
générale extraordinaire, à laquelle il présentera
un rapport motivé.
Article 12. Le Bureau
12-1. Composition
Le Bureau est composé du Secrétaire, du
Trésorier et de plusieurs porte-parole, tous élus par et parmi
les membres du Conseil. Il peut inviter toute personne dont il estimera la
présence utile à ces travaux.
12-2. Pouvoirs
Le Bureau est chargé de la gestion des affaires courantes
de l'association, dans le cadre des décisions prises par
l'Assemblée générale et le Conseil. Il veille à
l'observation des statuts et du règlement intérieur
12-3. Le Secrétaire
Le Secrétaire anime les discussions du Bureau. Il signe
tous actes, toutes mesures ou tous extraits des délibérations
intéressant l'association, fait ouvrir les comptes. Il peut
déléguer tout ou partie de ses pouvoirs.
12-4. Le Trésorier
Le Trésorier a la charge de la comptabilité de
l'association dans les modalités fixées à l'article 14.
12-5. Les Porte-parole
Les Porte-parole assurent la représentation de
l'association vis à vis des tiers, dans le cadre des décisions
prises par l'Assemblée générale et le Conseil.
TITRE IV. RESSOURCES ET COMPTABILITÉ
Article 13. Ressources
Les ressources de l'association se composent : du produit
des cotisations ; du reversement, par l'association nationale ATTAC, d'une
fraction, fixée par le Conseil d'administration de l'association
nationale ATTAC, des cotisations qui lui ont été versées
par les membres de ATTAC-Strasbourg ; des contributions
bénévoles ; des subventions, des dons et des legs qui
pourraient lui être versés ; du produit des fêtes et
manifestations, des intérêts et redevances des biens et valeurs
qu'elle pourrait posséder ainsi que des rétributions pour
services rendus ; de toutes autres ressources qui ne seraient pas
contraires aux lois en vigueur.
Article 14. Comptabilité
Il est tenu, au jour le jour, une comptabilité en recettes
et dépenses pour l'enregistrement de toutes les opérations
financières.
Article 15. Dépenses
Les dépenses sont ordonnées par le Conseil et le
Bureau. Leur paiement est effectué par le Trésorier.
Article 16. Contrôle financier
Les comptes tenus par le Trésorier sont
vérifiés annuellement par deux vérificateurs aux comptes.
Ceux-ci, membres de l'association, sont élus pour un an par
l'Assemblée générale solennelle et sont
rééligibles sans limitation.
Ils doivent présenter à l'Assemblée
générale solennelle appelée à statuer sur les
comptes un rapport écrit de leurs opérations de
vérification.
Les deux vérificateurs aux comptes ne peuvent faire partie
du Conseil.
Article 17. Rémunérations
Les fonctions des membres du Conseil sont gratuites. Toutefois,
les frais et débours occasionnés par l'accomplissement de leur
mandat leur sont remboursés au vu des pièces justificatives.
Le rapport financier présenté à
l'Assemblée générale solennelle doit faire mention des
remboursements de frais de mission, de déplacement ou de
représentation payés à des membres du Conseil.
Le Conseil ne doit pas être mis devant le fait accompli
sauf cas très exceptionnel dûment argumenté.
Aucun membre de l'association ne peut percevoir de
rémunération de ce fait.
TITRE V. MODIFICATION DES STATUTS ET RÈGLEMENT
INTÉRIEUR
Article 18. Modification des statuts
Les statuts peuvent être modifiés, sur proposition
motivée du Conseil, par un vote de l'Assemblée
générale extraordinaire. Ils devront toutefois respecter les
clauses de l'article 5. Ils feront l'objet d'un bilan soumis à la
prochaine Assemblée générale solennelle.
Article 19. Règlement intérieur
Un règlement intérieur est établit par le
Conseil qui, outre les points prévus par les présents statuts aux
articles 10-9 alinéa 1 et 11-3 alinéa 1, fixe modalités du
fonctionnement pratique de l'association.
TITRE VI. DISSOLUTION
Article 20. Dissolution
L'association peut être dissoute, sur proposition
motivée du Conseil, par un vote de l'Assemblée
générale extraordinaire.
Article 21. Liquidation
En cas de liquidation volontaire, l'Assemblée
générale extraordinaire de liquidation nomme un ou plusieurs
liquidateurs. En aucun cas, les biens ne peuvent être répartis
entre les membres de l'association. Ils sont dévolus à
l'association nationale ATTAC.
TITRE VII. INSCRIPTION
Article 22. Inscription
Le Conseil devra déclarer au Registre des associations du
Tribunal d'instance de Strasbourg les modalités ultérieures
désignées ci-dessous : les changements survenus au sein du
Conseil ; le changement de dénomination ; les modifications
apportées aux statuts ; le transfert de siège ; la
dissolution de l'association.
LES STATUTS D'ATTAC
STRASBOURG ADOPTÉS PAR L'ASSEMBLÉE
GÉNÉRALE EXTRAORDINAIRE
18 MARS 2004
TITRE I. CONSTITUTION ET OBJET
Article 1. Constitution
Il est formé, entre les soussignés, ainsi que les
personnes, physiques ou morales qui adhéreront par la suite aux
présents statuts, une association inscrite au Registre des associations
du Tribunal d'instance de Strasbourg, régie par les articles 21 à
79 du Code civil local, maintenu en vigueur dans les départements du
Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle par la loi d'introduction de la
législation civile française du 1er juin 1924, ainsi que par les
présents statuts.
Article 2. Objet
Elle a pour objet de produire et communiquer de l'information,
ainsi que de promouvoir et mener des actions de tous ordres en vue de la
reconquête, par les citoyens, du pouvoir que la sphère
financière exerce sur tous les aspects de la vie politique,
économique, sociale et culturelle dans l'ensemble du monde. Parmi ces
moyens figure la taxation des transactions sur les marchés des changes
(taxe Tobin).
L'association exerce ses activités en liaison avec
l'association nationale ATTAC (Association pour la Taxation des Transactions
financières pour l'Aide aux Citoyens) dont le siège social est
situé à Paris.
Dans tous les cas, l'association ne poursuit aucun but lucratif,
politique ou religieux.
Article 3. Dénomination
L'association prend la dénomination suivante : ATTAC
Strasbourg.
Article 4. Durée et siège
La durée de l'association est illimitée. Son
siège social est fixé à la Maison des associations 1a,
place des Orphelins à Strasbourg. Il peut être
déplacé sur simple décision du Bureau.
Article 5. Rapports avec l'association nationale
ATTAC
Le sigle et la dénomination ATTAC étant
protégés, ATTAC Strasbourg : soumet les présents
statuts au Bureau de l'association nationale ATTAC pour approbation ;
veille à ce que toutes les structures locales des organisations
fondatrices (lorsqu'elles existent localement) de l'association nationale ATTAC
soient invitées aux Assemblées générales
solennelles ; s'assure que tous ses membres sont également membres
de l'association nationale ATTAC ; adresse chaque année, trois mois
avant l'assemblée générale de l'association nationale
ATTAC, un bilan de ses actions qui est incorporé au rapport de
l'association nationale ATTAC.
En cas de non-respect de ces clauses par l'association, le Bureau
de l'association nationale ATTAC peut lui retirer l'utilisation du sigle et la
dénomination ATTAC.
TITRE II. COMPOSITION
Article 6. Membres
L'association se compose exclusivement de membres actifs :
personnes physiques ou personnes morales. Toutes ces personnes sont
également membres de l'association nationale ATTAC. Nul ne peut
être adhérent de plus d'un comité local.
Les personnes physiques et morales sont membres de l'association
ATTAC Strasbourg dès paiement de la cotisation annuelle. Une personne
morale est représentée par une personne mandatée.
Article 7. Cotisations
Une cotisation peut être fixée annuellement par
l'Assemblée générale, sur proposition du Bureau. Tous les
membres y sont soumis. Cette cotisation est indépendante de celle,
obligatoire, à l'association nationale Attac.
Article 8. Perte de la qualité de membre
La qualité de membre se perd : par
décès, par dissolution de la personne morale adhérente,
par démission adressée par écrit au Bureau, par
non-paiement de la cotisation, par exclusion prononcée en
Assemblée générale extraordinaire pour tout acte portant
préjudice moral ou matériel à l'association.
Avant l'exclusion, le membre intéressé est
appelé, au préalable, à fournir des explications
écrites. En cas d'appel, la mesure est suspendue jusqu'à la
saisine de la commission d'arbitrage prévue dans la charte des relations
entre l'association ATTAC et ses comités locaux.
TITRE III. ORGANES ET FONCTIONNEMENT
Article 9. Organes
Les organes de l'association sont : l'Assemblée
générale et le Bureau.
Article 10. L'Assemblée
générale
10-1. Composition
L'Assemblée générale se compose de tous les
membres de l'association à jour de leur cotisation.
10-2. Réunion
L'Assemblée générale se réunit en
séances solennelles, régulières ou extraordinaires.
10-3. Convocation
Pour les réunions en séances solennelles et
extraordinaires, les convocations sont faites par écrit, sauf urgence,
au moins quinze jours à l'avance, et portent indication précise
des questions à l'ordre du jour.
10-4. Accès
Les membres ne sont admis aux Assemblées
générales que sur présentation d'une pièce
justificative de leur qualité. Ils signent à leur entrée
le registre de présence.
10-5. Représentation
Tout membre a le droit de se faire représenter par un
autre membre en remettant à ce dernier un mandat écrit. Nul ne
peut détenir plus d'un pouvoir.
10-6. Pouvoirs
L'Assemblée générale prend toutes les
décisions et mesures relatives à l'association, dans les limites
énoncées à l'article 11-2 alinéa 2 à propos
du Bureau.
10-7. Résolutions
Les décisions de l'Assemblée générale
sont prises à la majorité des membres présents. Toutes les
délibérations sont prises à main levée. Toutefois
à la demande d'un quart au moins des membres présents, les votes
doivent être émis au scrutin secret. Cependant, pour
l'élection des membres du Bureau, le vote secret est obligatoire.
Les délibérations sont constatées par des
procès-verbaux approuvés par le Bureau et inscrits sur un
registre spécial tenu par le Secrétaire.
10-8. L'Assemblée
générale solennelle
L'Assemblée générale solennelle se
réunit une fois par an. Il pourra être tenu des réunions
supplémentaires, soit à l'initiative du Bureau, soit sur demande
signée du quart des membres de l'association. Dans ce cas la convocation
est de droit.
L'Assemblée générale solennelle est
présidée par le Bureau.
Elle ne peut délibérer que sur les questions
inscrites à l'ordre du jour par le Bureau au cours de sa dernière
réunion. Tout membre peut demander, par écrit, l'inscription
à l'ordre du jour de toute question ; le Bureau statue sur cette
demande. En cas de convocation à l'initiative du quart des membres, le
Bureau ne peut pas refuser les points d'ordre du jour proposés par ces
membres.
L'Assemblée générale solennelle entend les
rapports du Bureau sur la gestion de l'association, et notamment sur sa
situation morale et financière. Les vérificateurs aux comptes
donnent lecture de leur rapport de vérification.
Après avoir délibéré et statué
sur les différents rapports, elle approuve les comptes de l'exercice
clos, vote le budget de l'exercice suivant, désigne pour un an deux
vérificateurs aux comptes, fixe le montant de la cotisation annuelle et
délibère sur toutes les autres questions figurant à
l'ordre du jour.
Elle pourvoit à la nomination ou au renouvellement des
membres du Bureau dans les conditions prévues à l'article 11-1
des présents statuts. Elle seule a le pouvoir de révoquer le
Bureau. Les motifs de révocation et les arguments du Bureau sont alors
joints à la convocation écrite.
10-9. L'Assemblée
générale régulière
L'Assemblée générale régulière
se réunit aussi souvent que l'intérêt de l'association
l'exige. La fréquence et les modalités - en particulier
l'établissement de l'ordre du jour - de ses réunions sont
fixées par le règlement intérieur ; toute
modification de cette fréquence doit être communiquée aux
membres de l'association à titre de convocation.
Les pouvoirs de l'Assemblée générale
régulière sont ceux de l'Assemblée générale
qui ne sont pas expressément réservés aux séances
solennelles, par l'article 10-8 alinéa 4 à 6, et extraordinaires,
par l'article 10-10 alinéa 3 et 4.
Ses délibérations ne sont valables que si la
moitié au moins des membres du Bureau sont présents.
10-10. L'Assemblée
générale extraordinaire
L'Assemblée générale extraordinaire est
convoquée par le Bureau qui en fixe l'ordre du jour.
Elle ne peut délibérer valablement que si la
moitié plus un des membres de l'association sont présents ou
représentés, sur première convocation, et quel que soit le
nombre des membres présents ou représentés pour les
suivantes.
Conformément à l'article 33 du Code civil local,
les décisions de l'Assemblée générale
extraordinaire relatives à la modification des statuts ou à la
dissolution sont prises à la majorité des trois quarts des
membres présents ou représentés.
Toutefois, pour une modification des buts de l'association, il
faut l'accord unanime de tous les membres présents ou
représentés ; l'accord des membres non présents ou
représentés doit être donné par écrit.
L'Assemblée générale extraordinaire est
seule compétente pour prononcer l'exclusion d'un membre pour un acte
portant préjudice moral ou matériel à l'association.
Article 11. Le Bureau
11-1. Composition
Le Bureau est composé de huit membres - quatre femmes et
quatre hommes - choisis parmi les membres de l'association et élus par
l'Assemblée générale solennelle. Les candidats devront
obtenir un nombre de voix au moins égal à un dixième du
nombre des adhérents pour être élus.
La durée de leur mandat est de deux années civiles.
Nul ne peut effectuer plus de deux mandats consécutifs.
Les postes vacants sont pourvus par l'Assemblée
générale régulière pour la période courant
jusqu'à la prochaine Assemblée générale solennelle.
Toutefois, en cas de vacance de la moitié ou plus des postes du Bureau,
une Assemblée générale solennelle doit être
convoquée pour pourvoir aux postes vacants.
Aucune personne morale ne peut siéger au Bureau. Nul ne
peut faire partie du Bureau s'il n'est majeur.
11-2. Pouvoirs
Le Bureau est chargé de la gestion des affaires courantes
de l'association, dans le cadre des décisions prises par
l'Assemblée générale. Pour cela, il élit en son
sein un Secrétaire, un Trésorier et plusieurs Porte-parole.
Les membres du Bureau assurent collectivement la
représentation judiciaire et extrajudiciaire de l'association,
prévue par l'article 26 du Code civil local. À ce titre, le
Bureau a le pouvoir de s'opposer aux décisions de l'Assemblée
générale régulière. Il doit motiver son opposition.
Le Bureau veille à l'observation des statuts et du
règlement intérieur. Il se prononce, à la majorité
des trois quarts des membres présents ou représentés, sur
toute proposition de modification des statuts ou de dissolution de
l'association, ou toute autre décision à soumettre à
l'Assemblée générale extraordinaire, à laquelle il
présentera un rapport motivé.
11-3. Réunion
Le Bureau se réunit aussi souvent que
l'intérêt de l'association l'exige. De plus, il participe
obligatoirement à chaque réunion de l'Assemblée
générale régulière.
La présence de la moitié au moins de ses membres
est nécessaire pour que le Bureau puisse délibérer
valablement. Chaque membre du Bureau doit participer en personne aux
séances. Toutefois, chaque membre du Bureau peut se faire
représenter par un autre membre du bureau. Nul ne peut détenir
plus d'un pouvoir.
Le Bureau peut inviter toute personne dont il estimera la
présence utile à ses travaux.
11-4. Le Secrétaire
Le Secrétaire anime les discussions du Bureau. Il signe
tous actes, toutes mesures ou tous extraits des délibérations
intéressant l'association, fait ouvrir les comptes. Il peut
déléguer tout ou partie de ses pouvoirs.
11-5. Le Trésorier
Le Trésorier a la charge de la comptabilité de
l'association dans les modalités fixées à l'article 13.
11-6. Les Porte-parole
Les Porte-parole assurent la représentation de
l'association vis à vis des tiers, dans le cadre des décisions
prises par l'Assemblée générale.
TITRE IV. RESSOURCES ET COMPTABILITÉ
Article 12. Ressources
Les ressources de l'association se composent : du produit
des cotisations ; du reversement, par l'association nationale ATTAC, d'une
fraction, fixée par le Bureau d'administration de l'association
nationale ATTAC, des cotisations qui lui ont été versées
par les membres de ATTAC-Strasbourg ; des contributions
bénévoles ; des subventions, des dons et des legs qui
pourraient lui être versés ; du produit des fêtes et
manifestations, des intérêts et redevances des biens et valeurs
qu'elle pourrait posséder ainsi que des rétributions pour
services rendus ; de toutes autres ressources qui ne seraient pas
contraires aux lois en vigueur.
Article 13. Comptabilité
Il est tenu, au jour le jour, une comptabilité en recettes
et dépenses pour l'enregistrement de toutes les opérations
financières.
Article 14. Dépenses
Les dépenses sont ordonnées par le Bureau. Leur
paiement est effectué par le Trésorier.
Article 15. Contrôle financier
Les comptes tenus par le Trésorier sont
vérifiés annuellement par deux vérificateurs aux comptes.
Ceux-ci, membres de l'association, sont élus pour un an par
l'Assemblée générale solennelle et sont
rééligibles sans limitation.
Ils doivent présenter à l'Assemblée
générale solennelle appelée à statuer sur les
comptes un rapport écrit de leurs opérations de
vérification.
Les deux vérificateurs aux comptes ne peuvent faire partie
du Bureau.
Article 16. Rémunérations
Les fonctions des membres du Bureau sont gratuites. Toutefois,
les frais et débours occasionnés par l'accomplissement de leur
mandat leur sont remboursés au vu des pièces justificatives.
Le rapport financier présenté à
l'Assemblée générale solennelle doit faire mention des
remboursements de frais de mission, de déplacement ou de
représentation payés à des membres du Bureau.
Le Bureau ne doit pas être mis devant le fait accompli sauf
cas très exceptionnel dûment argumenté.
Aucun membre de l'association ne peut percevoir de
rémunération de ce fait.
TITRE V. MODIFICATION DES STATUTS ET RÈGLEMENT
INTÉRIEUR
Article 17. Modification des statuts
Les statuts peuvent être modifiés, sur proposition
motivée du Bureau, par un vote de l'Assemblée
générale extraordinaire. Ils devront toutefois respecter les
clauses de l'article 5. Ils feront l'objet d'un bilan soumis à la
prochaine Assemblée générale solennelle.
Article 18. Règlement intérieur
Un règlement intérieur est établi par
l'Assemblée générale sur proposition du Bureau qui, outre
les points prévus par les présents statuts à l'article
10-9 alinéa 1, fixe les modalités du fonctionnement pratique de
l'association.
TITRE VI. DISSOLUTION
Article 19. Dissolution
L'association peut être dissoute, sur proposition
motivée du Bureau, par un vote de l'Assemblée
générale extraordinaire.
Article 20. Liquidation
En cas de liquidation volontaire, l'Assemblée
générale extraordinaire de liquidation nomme un ou plusieurs
liquidateurs. En aucun cas, les biens ne peuvent être répartis
entre les membres de l'association. Ils sont dévolus à
l'association nationale ATTAC.
TITRE VII. INSCRIPTION
Article 21. Inscription
Le Bureau devra déclarer au Registre des associations du
Tribunal d'instance de Strasbourg les modalités ultérieures
désignées ci-dessous : les changements survenus au sein du
Bureau ; le changement de dénomination ; les modifications
apportées aux statuts ; le transfert de siège ; la
dissolution de l'association.
CONSEIL DU 31 MARS 2003 RÈGLEMENT
INTÉRIEUR
1. Les Assemblées générales
régulières
a. Les Assemblées générales
régulières se tiennent tous les premiers lundis de chaque mois.
Si des réunions supplémentaires sont nécessaires, les
adhérents doivent être convoqués par écrit.
b. L'ordre du jour de l'Assemblée
générale régulière est établi par le Bureau.
Les propositions doivent être soumises au Secrétaire de
l'association au plus tard le mercredi précédent la
réunion de l'Assemblée. Le Bureau motive ses refus.
c. Les membres du Conseil assurent à tour
de rôle la présidence et le secrétariat de séance.
d. En début de séance,
l'Assemblée générale régulière approuve
l'ordre du jour et le compte-rendu de la réunion
précédente. Les points de l'ordre du jour non traités sont
reportés à la réunion suivante.
e. Le président de séance
répartit le temps de parole et veille au respect de l'ordre du jour.
f. Les décisions de l'Assemblée
générale régulière sont mentionnées dans le
bulletin mensuel.
2. Le Conseil
a. Les candidats au Conseil sont
adhérents depuis plus de trois mois.
b. Deux absences non excusées d'un
conseiller, aux réunions du Conseil et de l'Assemblée
générale régulière, entraînent son exclusion
du Conseil.
c. Aucun Conseiller ne peut se faire
représenter par procuration à ces réunions plus de trois
fois par année associative.
3. Le Bureau
a. Le Bureau est convoqué à la
demande de l'un de ses membres, et ne peut être réuni sans la
présence du Secrétaire et du Trésorier, ou d'un Conseiller
mandaté par eux pour l'occasion.
b. Les porte-parole sont au nombre de trois. Il
se partagent la représentation d'Attac Strasbourg auprès des
tiers : Attac France, les autres comités locaux, la presse, les
autres organisations, les partis politiques, les élus, etc.
c. Le Bureau rend compte de son action à
chaque Assemblée générale régulière.
4. Actions
a. Toute proposition d'action doit être
soumise à l'Assemblée générale
régulière qui doit désigner un référent.
b. Chaque action doit faire l'objet d'un bilan
en Assemblée générale régulière.
Charte des relations entre
l'association Attac et les comités locaux d'Attac
Préambule
Dans ce texte, nous entendons par « Attac »
ou « association Attac » l'association dont le siège
social se situe au 6 rue Pinel 75013 Paris.
Nous entendons par « comité local »
toute association cosignataire, avec l'association Attac, de la présente
charte.
Enfin nous entendons par « mouvement Attac
France » l'ensemble des acteurs reconnus par l'association Attac
comme moteurs de la bonne réalisation des objectifs définis dans
sa plate-forme fondatrice et dans les orientations adoptées chaque
année en Assemblée générale.
A ce jour, le mouvement Attac France est riche de
l'association Attac dont ses instances statutaires (conseil d'administration,
bureau, conseil scientifique), ses personnes physiques et morales fondatrices,
ses adhérents (personnes physiques et morales), ses groupes de travail
nationaux, son groupe international ; et des comités locaux
d'Attac, des groupes locaux, des collectifs universitaires, d'un réseau
de villes et autres collectivités adhérentes et de coordination
d'élu(e)s membres d'Attac.
En outre, le mouvement Attac France est partie prenante du
mouvement international Attac comprenant l'ensemble des associations Attac
fondées dans d'autres pays du monde et des diverses structures se
situant dans leur mouvance.
Par la présente charte, l'association Attac prend acte
de l'existence et du rôle des comités locaux qui participent
à l'animation et à la vie du mouvement Attac. Il s'agit d'un
engagement contractuel mutuel où chaque partie, autonome, se
reconnaît d'un même mouvement : le mouvement Attac. En
conséquence de quoi, la signature de cette charte est obligatoire pour
toute association locale se revendiquant du mouvement Attac, souhaitant
accéder au statut de « comité local
d'Attac ».
La présente charte définit les droits et devoirs
de chacun. Elle propose des modes de fonctionnement des comités locaux
et une définition souple de leur espace d'intervention. Elle
définit les grandes lignes de leur place au sein du mouvement.
Il est rappelé que la logique de fonctionnement interne
du mouvement Attac associe la démocratie représentative, la
démocratie participative et la recherche des convergences construites
sur l'explication préalable des positions en présence.
Dans un souci de démocratie, d'égalité et
de liberté de tous, il est rappelé que nous devons veiller
à ce qu'un égal accès des femmes et des hommes à
des prises de décisions et de responsabilités soit
respecté au niveau national et au niveau des comités locaux. Ce
qui passe par la recherche et, si possible, la réalisation de la
parité représentative au sein des instances
décisionnelles.
Ce texte définit la place politique des comités
locaux, notamment par leur représentation au sein de la
Conférence Nationale des Comités Locaux (CNCL). Les
comités locaux s'engagent, par la signature de la présente
charte, à ne pas adhérer à l'association Attac.
La notion de « zone géographique »
des comités locaux n'est pas définie ici. Notamment selon que
l'implantation se réalise en zone rurale ou urbaine et selon
l'intensité locale de l'activité du mouvement Attac, la
pertinence de cette zone varie. Ainsi est-il demandé à chaque
comité local de se constituer sur des bases géographiques
pertinentes, en concertation avec les comités locaux pouvant agir
à proximité. Il est en outre souhaitable d'éviter un trop
grand nombre de comités locaux sur le territoire français,
pouvant aboutir à une perte de cohésion, d'énergie et
d'efficacité.
Nul ne peut être membre de plusieurs comités
locaux.
Il est rappelé que seule l'association Attac est
propriétaire du logo et du nom Attac. En conséquence de quoi elle
est la seule à pouvoir attribuer ou retirer ce label national à
un comité local.
Il est convenu que seule l'association Attac peut se
prévaloir de signer un texte ou de se faire valoir du seul nom d'Attac.
Au plan local, toute signature d'un comité local ou d'un groupe local
doit être accompagnée du nom complet de celui-ci, mettant bien en
évidence la nature locale de l'engagement.
Art. 1.- Définition d'un comité local et
de son rôle dans le mouvement
Le modus vivendi d'un comité local comme de
l'association Attac doit tenir compte du principe de démocratie
participative. C'est-à-dire qu'un comité local doit favoriser la
participation du plus grand nombre - et en particulier tendre vers la
parité homme-femme- à la réflexion, aux décisions
et à la mise en oeuvre de celles-ci dans le respect de la dignité
de chacun.
1.1. Définition et
création
Un comité local est une association de fait ou loi
1901, cosignataire, avec l'association Attac, de cette charte.
Un comité local d'Attac regroupe des
adhérent(e)s d'Attac qui, faisant l'acte d'adhésion à ce
comité, s'associent pour participer, sur une zone géographique
donnée, à la réalisation de l'objet de l'association
Attac.
Les comités locaux d'Attac et l'association Attac
reconnaissent mutuellement qu'elles sont des organisations associatives
autonomes.
Si un comité local fait le choix de se fonder en
association loi 1901, l'association Attac a rédigé des statuts
type d'un comité local joints en annexe de ce texte. Dans ce cas
précis, l'association Attac demande que chaque comité local se
conforme explicitement à au moins trois de ses articles :
L'article 1 sur la constitution et l'objet de
l'association.
L'article 4 sur les rapports avec l'association
nationale Attac.
L'article 5 sur les membres et l'adhésion.
Si un comité local fait le choix d'une organisation de
fait, l'association Attac demande à ses animateurs de rédiger et
de lui communiquer, lorsque ce n'est pas la cas à la signature de la
présente charte, un règlement intérieur intégrant
au moins les trois articles précités des statuts type.
L'attribution du label Attac à un comité local
nécessite au préalable la vérification et la validation de
ses statuts - si ce comité local est constitué sous forme de loi
1901 -, sinon de son règlement intérieur. Celles-ci sont
effectuées par des membres du conseil d'administration d'Attac.
Lors de l'assemblée générale constitutive
d'un comité local, il est demandé de convoquer formellement tous
les représentants locaux des membres fondateurs de l'association Attac,
ainsi que les adhérent(e)s d'Attac présents sur sa zone
géographique, à l'exception de celles et ceux d'entre eux qui ont
explicitement exprimé leur refus d'être mis en relation avec les
comités locaux.
1.2. Commission de médiation et
d'arbitrage
Deux commissions de médiation et d'arbitrage sont
créées, une commission A et une commission B. Elles interviennent
pour régler les éventuels conflits relatifs à la
définition et à l'assise géographique des comités
locaux - la commission A intervient si ces divergences se situent entre
comités, la commission B si ces divergences se situent entre un ou des
comités et l'association Attac. La commission A peut également
intervenir en cas de conflits graves internes aux comités locaux.
Ces commissions peuvent être saisies soit par un
comité local soit par le CA national soit par au moins 15% des
adhérent(e)s de l'association nationale Attac de la zone
géographique d'un comité local. La commission A est
composée de deux représentants des comités,
désignés par la CNCL, et deux représentants du CA d'Attac.
La commission B est composée de deux représentants des
comités, désignés par la CNCL, et de deux
représentants du collège des membres fondateurs d'Attac,
désignés parmi les membres fondateurs non-membres du CA d'Attac.
Les membres de ces commissions sont désignés pour un an. La
parité homme/femme est respectée au sein de chaque
représentation. Après avoir entendu les parties
concernées, la commission saisie essaie de rapprocher les points de vue,
et en cas d'échec tranche à la majorité de ses membres. La
décision s'impose aux parties concernées, sauf en cas d'appel.
Dans l'hypothèse où un des membres de la commission est
concerné par le litige, il est remplacé par l'instance (CNCL, CA
d'Attac ou collège des fondateurs) qui l'a désigné. En cas
d'appel d'une décision de la commission A, le CA d'Attac tranche. En cas
d'appel d'une décision de la commission B, le collège des membres
fondateurs d'Attac tranche.
1.3. Fonctionnement
Est dit « rattaché
administrativement » à un comité local tout membre de
l'association Attac ayant explicitement déclaré auprès de
cette dernière que ce comité local était son comité
de rattachement, et celui n'ayant pas déclaré de comité
local de rattachement mais dont l'adresse se situe sur la zone
géographique de ce comité local.
L'association Attac fournit mensuellement à chaque
comité local la mise à jour du fichier des adhérent(e)s
qui lui sont rattachés administrativement et qui n'ont pas
exprimé d'opposition à cette communication de renseignements
personnels.
Lors de chaque assemblée générale
annuelle statutaire d'un comité local il est demandé de convoquer
formellement tous les représentants locaux des membres fondateurs de
l'association ainsi que les adhérent(e)s d'Attac présents sur le
fichier défini au précédent paragraphe.
L'association Attac verse périodiquement à
chaque comité local une quote-part des cotisations nationales. Celle-ci
est calculée au prorata du nombre des membres rattachés
administrativement au comité local sur la base d'une
péréquation nationale. Quant au montant de cette quote-part, elle
est fixé par le conseil d'administration d'Attac, après
approbation par l'assemblée générale annuelle statutaire
des adhérent(e)s d'Attac.
Chaque comité local désigne au moins deux
correspondants électroniques, ayant explicitement la charge au nom du
comité local de recevoir les informations provenant de l'association
Attac ou d'autres comités locaux, informations circulant par le biais
d'outils électroniques de l'association Attac, de les diffuser au sein
du comité local, et de transmettre, en retour, des informations ou des
documents en provenance de ce comité local en direction du mouvement
Attac.
De la même manière, chaque comité local
est tenu de désigner au moins un de ses membres comme
référent local. Sa fonction est d'assurer le suivi des relations
organiques entre le comité local et l'association Attac.
L'association Attac s'engage à transmettre aux
comités locaux les informations et les documents utiles au bon
fonctionnement du mouvement Attac France, à ses activités
d'éducation populaire et à ses actions. Le comité local
est associé à toute initiative de l'association Attac sur sa zone
géographique. Lorsqu'une ou un responsable de l'association Attac est
invité(e), à ce titre, sur cette zone géographique, le
comité local doit en être informé.
Les comités locaux ne peuvent être
représentés ès qualité à l'assemblée
générale des adhérent(e)s. Toutefois, au vu de leur
importance dans la vie de l'association Attac, il leur est demandé, au
plus tard trois mois avant l'assemblée générale annuelle
statutaire des adhérent(e)s d'Attac, d'adresser un rapport
d'activité à l'association nationale et publier celui-ci sur le
site d'Attac. Une synthèse de ces rapports d'activité sera
présentée à l'assemblée générale
annuelle statutaire.
1.4. Attributions et missions
Le comité local a une mission de mutualisation humaine,
matérielle et financière pour favoriser l'expression et les
initiatives de tous les membres du mouvement Attac mais aussi pour
améliorer l'efficacité et la portée des actions
menées sur sa zone géographique.
Sur sa zone géographique, le comité local a une
double mission politique : stimuler et coordonner les actions visant
à réaliser les objectifs de l'association Attac ; veiller
à la pluralité de points de vue et à l'ouverture, ainsi
qu'au respect de la plate-forme fondatrice d'Attac. Les comités locaux
popularisent les objets de l'association Attac, définissent leurs
propres priorités et leurs sujets de travail, dans le respect de
l'identité de mouvement d'éducation populaire tourné vers
l'action.
Du local au global, chaque comité local a vocation
à tisser des liens avec d'autres composantes du mouvement Attac et
d'autres partenaires, à sa périphérie ou encore partout en
France et à l'international. Ces relations enrichissent et renforcent le
mouvement Attac. Elles pouvent générer une forme
intermédiaire de mobilisation et d'actions.
Ils doivent être en relation avec les groupes locaux de
travail dont il est question à l'article 3 de la présente
charte.
Chaque comité local est en droit de mandater un ou une
de ses membres à chaque Conférence Nationale des Comités
Locaux. Ses frais de transport et d'hébergement sont alors pris en
charge par l'association Attac selon un barème communiqué
à chaque comité local.
Art. 2.- Les relations politiques entre les comités
locaux et l'association Attac
2.1. La Conférence nationale des comités locaux
(CNCL) est l'organe de représentation des comités locaux
d'Attac.
2.2. La CNCL a pour premier objet de contribuer à la
mise en oeuvre des décisions prises par l'Assemblée
générale annuelle des adhérent(e)s. Elle peut faire des
propositions au CA sur son ordre du jour.
2.3. La CNCL est aussi un lieu d'échange et de
débats entre les comités locaux, le bureau et le CA.
2.4. Outre des engagements d'action, des orientations
nationales peuvent y être élaborées, débattues et
validées, y compris par un vote. Pour que ces orientations, qui engagent
seulement à ce stade les comités dont le représentant
mandaté s'est prononcé favorablement sur le sujet, deviennent des
orientations nationales de l'association, elles doivent être
entérinées par le CA d'Attac. Celui-ci a l'obligation de se
prononcer sur chacune de ces orientations.
2.5. La CNCL se réunit ordinairement au moins trois
fois par an. Elle peut se réunir de façon extraordinaire à
la demande du CA, du bureau ou d'au moins un tiers des comités
locaux.
2.6. Chaque comité local y est représenté
par un délégué mandaté par son comité, dont
le voyage est pris en charge par Attac-national. Chaque comité peut
disposer d'un délégué supplémentaire. Celui-ci ne
prend pas part au vote.
2.7. L'ordre du jour de la CNCL est déterminé
conjointement par les comités locaux et le CA, ou le bureau par
délégation. Un projet d'ordre du jour est communiqué aux
comités locaux au minimum un mois avant la CNCL et est adopté par
les délégués en début de séance.
2.8. La présidence de la CNCL est assumée
conjointement par le bureau et un comité local. Ce dernier est
désigné par la CNCL en fin de réunion pour la cession
suivante.
2.9. La CNCL peut décider de fonctionner, si
nécessaire, en commission.
2.10. La CNCL peut se doter d'une structure de
préparation et de suivi.
2.11. La CNCL peut se doter d'un règlement
intérieur.
Art. 3. - Les relations entre les différents
groupes, les comités locaux et l'association nationale
Le développement du mouvement Attac en France a
donné naissance non seulement à des comités locaux mais
aussi à divers types de regroupements qui participent pleinement de la
vie et de l'animation du mouvement. Ces regroupements rassemblent des
personnes qui ont choisi de travailler, durablement ou provisoirement, sur un
objet spécifique, dans le respect de la plate-forme fondatrice d'Attac.
Il convient d'en établir une typologie pour mieux
définir leur rôle, leur statut et préciser leur
articulation avec les comités locaux et avec l'association Attac.
Se différenciant d'abord selon leur zone
géographique, on distingue les groupes locaux (de travail,
thématique, de proximité), les groupes associant plusieurs
comités dit inter-comités et les groupes
nationaux.
Informel, chacun de ces groupes est placé sous la
responsabilité d'un ou de plusieurs comités locaux, ou de
l'association nationale. Ainsi il ne peut prétendre, sans accord
préalable, à l'utilisation du label "Attac". En outre, il ne peut
bénéficier directement du reversement de parts de cotisations ou
être représenté en tant que tel à la
Conférence nationale des comités locaux.
Par ailleurs, des adhérent(e)s peuvent se regrouper sur
des lieux d'enseignement supérieur et constituer des collectifs
universitaires.
Gages de souplesse et de dynamisme, ces différents groupes
auront le souci de la complémentarité et du développement
coordonné de l'ensemble des activités au sein du mouvement Attac,
gage d'efficacité et de cohésion pour le mouvement.
C'est pourquoi, les différents acteurs du mouvement
(groupes, comités, collectifs universitaires, association nationale)
s'engagent à échanger régulièrement entre eux,
à respecter le travail de chacun et à éviter tout
cloisonnement.
3.1. Les groupes locaux.
Le groupe local réunit des adhérent-e-s d'Attac
issu-e-s de la zone géoraphique d'un comité local. De ce fait ce
groupe est rattaché à ce comité local, il est sous la
responsabilité de celui-ci. Selon qu'il s'attache à une
activité organisationnelle (préparation de débats,
publication d'un bulletin, confection de tracts et d'affiches, etc.) ou
à une tâche de réflexion autour d'une thématique
(étude ou synthèse de documents, production de réflexions
ou de documents pédagogiques, action de formation, etc.) ou qu'il
répond au besoin d'une plus grande proximité géographique
(le quartier, la commune,...), on parlera respectivement de "groupe local de
travail", de "groupe local thématique", de "groupe local de
proximité".
Dans le cas où les membres d'un groupe local ne sont pas
également membres du comité le plus proche
géographiquement, il leur est demandé de se mettre en relation
avec celui-ci. Il est souhaitable que chaque groupe local puisse être
représenté directement ou indirectement au sein des organes
décisionnaires et statutaires du comité local de rattachement.
Chaque groupe local rend compte régulièrement,
à son comité local, de ses activités.
3.2. Les groupes
inter-comités
Durablement ou provisoirement, plusieurs comités peuvent
décider librement de se coordonner pour mener des réflexions ou
des initiatives en commun, à une échelle correspondant à
l'ensemble des zones géographiques d'influence de ces comités.
Cette démarche peut aboutir à la mise en place
d'espaces de coordination informels où chaque comité
décide d'être représenté. L'ensemble des
activités menées dans ce cadre est sous la responsabilité
des comités associés.
Les groupes inter-comités rendent comptent
régulièrement, à leurs comités locaux, de leurs
activités.
3.3. Les groupes thématiques
nationaux
Les groupes thématiques nationaux sont des groupes
rattachés au CA de l'association nationale. L'objectif est d'assurer une
meilleure coordination dans l'approfondissement de certains thèmes.
Ils regroupent des membres du conseil d'administration, du
conseil scientifique, des fondateurs et des membres de comités locaux
intéressés.
Autant que faire se peut, chaque comité local
désigne une ou plusieurs personnes pour assurer le suivi et les
relations avec chacun des différents groupes nationaux. Les
comités locaux veillent également à ce que les groupes
locaux thématiques travaillant sur une thématique
" nationale " soient en relation étroite avec le groupe
thématique national correspondant.
Les groupes thématiques nationaux rendent comptent
régulièrement, au CA d'Attac, de leurs activités.
3.4. Les collectifs universitaires
Sont considérés comme « collectifs
universitaires » les regroupements d'adhérent(e)s à
Attac situé(e)s sur un lieu d'études supérieures (campus,
université, école). Ils sont composés
d'étudiant(e)s et de personnels.
Les collectifs universitaires ne sont ni des comités
locaux, ni des groupes locaux. Ils participent, sans droit de vote, à la
conférence nationale des comités locaux.
Une charte définira les relations entre les collectifs
universitaires et les autres composantes du mouvement Attac.
Signé à Paris, le
____________________
Pour le comité local, Pour l'association
Attac,
Le(la) président(e), Le(la)
Président(e).
Le(la) porte-parole,
Le(la) représentant(e).
* 1 Selon l'expression
d'Isabelle Sommier
* 2 Par exemple le colloque du
GERMM sur les « mobilisations altermondialistes » en
décembre 2003.
* 3 Dont le
développement des classes moyennes et du secteur tertiaire au
détriment du secteur secondaire. Il faut dire cependant que cette
évolution n'est pas aussi tranchée qu'on a voulu la faire
apparaître. On lira par exemple pour s'en convaincre, Pialoux et Baud,
Retour sur la condition ouvrière,... La « classe
ouvrière » n'a bien-sûr pas disparu, comme on aurait
voulu le faire croire. En témoigne par exemple la redécouverte
des ouvriers lorsqu'il s'agit d'expliquer le vote pour le Front National. Ex
Nonna Mayer, Bernard Schwengler,
* 4 In Béroud,
Mouriaux, Vakaloulis, Le mouvement social en France, essai de sociologie
politique, ed. La Dispute, 1998.
* 5 Idem.
* 6 Voir à ce sujet,
Bernard Cassen (dir.) Tout sur Attac , ed. Mille et une
nuits, coll. Les petits libres N°38, octobre 2002
* 7 En l'absence d'un terme
plus approprié, nous n'entrerons pas ici dans le débat existant
sur la validité de la notion de « militantisme »
alors que l'engagement se fait de plus en plus distancié et qu'il perd
son caractère sacrificiel. Nous adopterons donc une définition
large et dynamique du militantisme qui inclut les modifications qui touchent
cette activité politique. Nous partirons du constat que cette
activité est aujourd'hui variable et individuelle et qu'elle
reflète de nombreuses réalités, de nombreux types de
participations actives dans le cadre d'une organisation politique.
* 8 Il s'agit là des
représentants des organisations, syndicats ou publications qui se sont
réunis pour créer ATTAC.
* 9 Bernard Cassen (dir.),
Tout sur ATTAC, ed. Mille et une nuits, coll. Les petits libres N°38,
octobre 2002.
* 10 Idem.
* 11 Les 12 premiers
entretiens ont été réalisés successivement dans le
cadre d'un mémoire de licence et d'un mémoire de maîtrise
de sociologie entre 2001 et 2003. Les 7 derniers entretiens, plus approfondis,
ont été réalisés en 2004 dont deux avec des
militants que nous avions interrogés en 2001 et 2002 . Un
vingtième entretien a été réalisé avec
Jacques Nikonoff, Président d'ATTAC national, afin de réunir plus
d'informations sur le fonctionnement et les orientations d'ATTAC, les rapports
entre l'association nationale et les comités locaux... Bien qu'il ne
représente pas le même intérêt, il a
été joint au corpus d'entretiens.
* 12 L'expression d'Isabelle
Sommier permet effectivement de mieux rendre compte de la réalité
que celle de « Nouveaux Mouvements Sociaux »,
marquée par la sociologie Tourainienne, renvoyant aux mouvements des
années 70 et étant utilisée à profusion sans
réelle définition.
* 13 Suzanne
Barthélémy, Associations, le nouvel âge de la
participation...
* 14 Isabelle Sommier,
Les nouveaux mouvements contestataires à l'heure de la
mondialisation, Dominos, Flammarion, 2001.
* 15 Jacques Ion, La fin
des militants, Les éditions de l'Atelier, Paris, 1997.
* 16 Selon l'expression de
Sydney Tarrow dans Democracy and Disorder : Protests and Politics in
Italy - 1965-1975, Clarendon Press, Oxford, 1989.
* 17 Pour comprendre les
stratégies des syndicats et leur participation à un mouvement
comme ATTAC, on pourra consulter avec profit la contribution de J-M Denis au
colloque du GERMM sur « les mobilisations
altermondialistes », intitulée
« Décloisonnement revendicatif et constitution d'un front
anti-libéral : L'Union Syndicale Groupe des Dix Solidaires et
ATTAC ».
* 18 Cette perspective dont
l'intérêt a été souligné, entre autres, par
Olivier Fillieule dans le volume 51 de la RFSP intitulé
« Devenirs militants », s'applique en effet
particulièrement bien aux militants d'un mouvement comme ATTAC.
* 19 Entretien 1.
* 20 Sur les 11 militants de
cette catégorie, trois sont enfants de militants. Les parents de l'un
sont militants au parti communiste (entretien 14), du second dans des
associations humanitaires et caritatives. Les parents de la troisième
étaient militants dans un Groupe d'Action Municipal (GAM).
* 21 Entretien 16.
* 22 La moitié des 14
personnes qui rédigèrent les premiers statuts étaient des
jeunes, des étudiants pour la plupart.
* 23 Les critères de
Maastricht réduisent en effet lourdement les marges de manoeuvres
budgétaires et rendent à peu près impossibles toute
politique budgétaire volontariste par les gouvernements.
* 24 Ce discours est
sensiblement le même lors du gouvernement Juppé de 95 à 97
que lors du gouvernement Raffarin depuis 2002.
* 25 La taxe Tobin, qui fut
au départ l'axe central de l'association a joué un rôle
essentiel. Proposition concrète et précise, cette taxe fournit un
objectif palpable qui représenterait également symboliquement le
retour des citoyens, et la supériorité des Etats sur les
marchés financiers.
* 26 Daniel Gaxie soulignait
déjà ce fait à propos des partis politiques...
* 27 Entretien 5.
* 28 En effet, si ATTAC peut
se targuer d'avoir contribué à ternir l'image de la
« mondialisation libérale » et à
décrédibiliser les politiques néolibérales, les
campagnes politiques menées par l'association, notamment sur la Taxe
Tobin, sont des échecs. Ce point de vue est notamment
développé par Eddy Fougier dans sa contribution au colloque sur
« les mobilisations altermondialistes » du GERMM,
intitulée « L'influence des mouvements
contestataires ».
* 29 Nous avons donc un
ex-militant du PC, un ex-militant du PS tendance PSU, une ex-militante de la
LCR et un ex-militant de LO. De la gauche réformiste à
l'extrême gauche, c'est donc un large spectre qui apparaît.
* 30 Ce point est notamment
souligné dans la contribution au colloque du GERMM sur les
« mobilisations altermondialistes » d'Elise Cruzel :
« Trajectoires militantes à ATTAC : les
adhérents de Gironde et de Haute Garonne. »
* 31 Howard Becker,
Outsiders, Paris, Métaillié, 1985.
* 32 O. Fillieule,
« Propositions pour une analyse processuelle de l'engagement
individuel », in RFSP, volume 51, N°1 et 2, Février-Avril
2001, P: 201.
* 33 Entretien 2.
* 34 Cet aspect prend toute
son ampleur avec les organisations d'extrême gauche et notamment avec le
PC qui avait développé tout un réseau social autour de
l'organisation. L'exclusion ou le retrait de celle-ci, dans le contexte de
forte identification des membres au mouvement qui marque le PC, ferme
l'accès à ces cercles périphériques du mouvement.
Le système établi de défense et de découragement de
la défection avec le recours à un vocabulaire précis et
connoté (social-traître, anarchiste, gauchiste, trotskiste,...)
facilite la rupture totale entre le mouvement et l'ancien membre.
* 35 Entretien 1.
* 36 L'inscription dans ce
collectif est d'ailleurs fort intéressante. En effet, la mobilisation
contre l'Accord Multilatéral sur l'Investissement a été la
première victoire de l' « internationale
civile » naissante et a permis le développement d'ATTAC...
* 37 Entretien 17
* 38 idem
* 39Jacques Ion, La fin
des militants, les éditions de l'atelier, coll. Enjeux de
société, 1997.
* 40 Entretien 17.
* 41 A ce sujet, on pourra
consulter la contribution de Jean-Gabriel Contamin au colloque du GERMM sur
« les mobilisations altermondialistes » intitulée
« Les mobilisations altermondialistes avant les mobilisations
altermondialistes : réflexions autour de l'alignement des
cadres ».
* 42 La création des
comités locaux s'est effectuée de manière
incontrôlée, le plus souvent sur des initiatives locales. La
charte des rapports entre ATTAC et les comités locaux laissent les
membres libres de s'organiser et d'agir « dans le respect de la
plate-forme d'ATTAC ». Il n'y a pas de supériorité ou
de contrôle du mouvement national sur les comités locaux.
* 43 Isabelle Sommier,
Les nouveaux mouvements contestataires à l'heure de la
mondialisation, Dominos Flammarion, Paris, 2001.
* 44 On pourra consulter
à ce sujet, Maxime Szczepansky, « Du militantisme à
la militance, Une étude microsociologique des modalités de
participation des militants « antimondialisation » à
travers l'exemple d'un comité local de l'ATTAC », in
Regards sociologiques, Strasbourg, N°24, 2003, p23-34.
* 45 L'existence de
réseaux dans le monde politique n'est pas nouvelle en soi. Cependant, le
fait que ces réseaux soient constitués sur le principe de la
collaboration d'égal à égal et non sur un modèle de
domination d'organisations satellites par un mouvement central nous
paraît novateur. Cf Jacques Ion, op. cit.
* 46 Entretien 12.
* 47 Jacques Ion, La fin
des militants, les éditions de l'atelier, coll. Enjeux de
société, 1997.
* 48 Même pour la LCR qui
s'est pourtant vite intégrée à la dynamique
altermondialiste. On peut d'ailleurs penser que Besancenot
bénéficié d'un vote de sympathie important des militants
altermondialistes lors du premier tour des présidentielles de 2002...
qui risque d'être le dernier, les militants ayant l'air d'avoir
très peu apprécié son duo avec Arlette Laguiller.
* 49 Entretien 10.
* 50 In Serge Bernstein (dir.),
Les cultures politiques en France, coll. L'univers historique, Ed.
Seuil, 1999.
* 51 Idem.
* 52 M. Hastings et S.
Strudel expliquent très bien l'importance de ce discours commun qui,
ici, semble subsister ensuite hors du mouvement d'origine :
« Chaque sous-culture politique détient une sorte de
capital sémantique privilégié produit par le jeu incessant
des oppositions idéologiques et des connotations affectives. Patrimoine
de mots marqueurs qui offrent à ceux qui les partagent la satisfaction
de toucher les dividendes symboliques de leur appartenance à une
même communauté, réelle ou fantasmée, et d'endosser
les gratifications d'une identité chaleureuse et
rassurante. » In Bréchon, Laurent et Perrineau (dir.),
Les cultures politiques des français, Presses de Science Po,
2000.
* 53 Entrent dans cette
catégorie un ancien membres du PCF, une ancienne et un actuel membres de
la LCR et deux jeunes anarchistes.
* 54 Entretien 16.
* 55 Entretien 20.
* 56 Entretien 14.
* 57 Entretien 18.
* 58 Entretien 17.
* 59 Voir à ce sujet
Serge Bernstein, op cit.
* 60 Entretien 19.
* 61 La remise en cause des
systèmes de redistribution et de protection sociale qui suit de peu
l'effondrement du bloc soviétique plaide dans ce sens. Jusque là,
la crainte d'un mouvement révolutionnaire qui se nourrirait du contexte
de concurrence idéologique avec le bloc de l'est expliquait que le
système puisse être aménagé.
* 62 In Serge Bernstein, op
cit.
* 63 Entretien 11.
* 64 Entretien 17.
* 65 De ce point de vue, la
création d'une association hors du cadre électoral nous semble
être déterminée par le système électoral
français. Le scrutin majoritaire entraîne en effet la domination
du jeu politique par deux grands partis. La création d'un parti
concurrent serait très coûteuse par rapport aux chances d'arriver
au pouvoir. Ceci implique donc d'essayer d'influer sur les partis politiques.
Nombre de militants ont déjà essayé de faire ceci de
l'intérieur, sans succès. Il s'agirait donc ici de le faire de
l'extérieur.
* 66 Entretien 17.
* 67 Idem.
* 68 Entretien 17.
* 69 La difficulté
étant précisément que le domaine de l'association soit
large et fluctuant par nature. Il est donc perpétuellement à
définir.
* 70 Entretien 17.
* 71 Entretien 10.
* 72 Entretien 18.
* 73 Entretien 16.
* 74 Pour comprendre la
présence de ce genre de thématiques anciennes dans ATTAC, on
pourra lire la contribution d'Eric Agrikoliansky au colloque du GERMM sur les
« mobilisations altermondialistes » intitulée
« De l'anti-colonialisme à l'altermondialisme :
Généalogie(s) d'un nouveau cadre d'action collective ».
* 75 Entretien 15.
* 76 Entretien 18.
* 77 Cf. Isabelle Sommier,
op. Cit., P: 46.
* 78 Mc Carthy et Zald ,
« Resource Mobilization and Social Movements, a Partial
Theory », American Journal of Sociologie, vol.82, 1977,
p1212-1241.
* 79 Entretien 14.
* 80 Entretien 6.
* 81 Entretien 12.
* 82 Entretien 16.
* 83 Olson Mancur, Logiques
de l'action collective, PUF, Paris, 1978.
* 84 Entretien 17.
* 85 Entretien 14.
* 86 Cf Elise Cruzel, op.
Cit., P :17-18.
* 87 Entretien 2.
* 88 Entretien 4.
* 89 Entretien 7.
* 90 Daniel Gaxie,
« Economie des partis et rétribution du
militantisme », RFSP, N°27, 1977, P :123-154.
* 91 Entretiens 9 et18.
* 92 Entretien 14.
* 93 Entretien 17.
* 94 Entretien 20.
* 95 Entretien 15.
* 96 Entretien 16.
* 97 Du coup, l'inscription
dans l'histoire de l'engagement de chacun est très différente. Le
rapport au temps n'est pas le même pour les différentes
catégories de militants. Ce qui crée quelque fois des divergences
de vue sur le rythme de l'action politique que doit avoir l'association. Ainsi,
les militants chevronnés trouvent souvent trop rapide le
développement et l'éparpillement des actions de l'association, se
heurtant par-là à l'impatience des plus jeunes.
* 98 Entretien 15.
* 99 Entretien 12.
* 100 Jacques Ion, Op.
Cit.
* 101 Entretien 17.
* 102 Sur les 17 membres du
comité local interrogés, 4 sont professeurs, 3 travaillent dans
la fonction publique nationale ou territoriale et 2 s'y destinent.
* 103 Entretien 14.
* 104 Christian De Montlibert,
in Regards Sociologiques N°21 « le
néo-libéralisme », 2001.
* 105 Luc Rouban
éclaire quelque peu sur quoi repose la coopération des
fonctionnaires : « il faut en revanche retenir
[l'hypothèse] d'une attitude coopérative ou professionnelle qui
dépasse le choix individuel mais qui ne se confond pas non plus avec
l'appartenance à des ensembles idéologiques plus ou moins bien
balisés. L'appartenance au secteur public commande donc des
réflexes politiques pour autant qu'ils concernent des
intérêts professionnels communs. C'est là que
s'arrête l'identité collective. » In,
Bréchon, Laurent et Perrineau (dir.), Les cultures politiques des
français, Presses de Science Po, 2000.
* 106 De la première
élection de François Mitterrand en 81 au camouflet reçu au
premier tour des présidentielle de 2002 par Lionel Jospin.
* 107 La « grande
réforme » des 35 heures apparaissant malheureusement plus
comme une mesurette contre le chômage, d'ailleurs peu efficace, que comme
issue d'une réelle réflexion sur la place du travail dans notre
société.
* 108 Entretien 20.
* 109 idem
* 110 Hirschmann souligne par
exemple le fait que l'acte électoral est trop épisodique et
dilué et que la déception des électeurs peut les amener
à s'engager dans une mobilisation collective. Hirschmann Albert,
Bonheur privé, action publique, Fayard, Paris, 1995.
* 111 Entretien 18.
* 112 Qui était
d'ailleurs choqué que son nom et la Taxe qu'il préconisait soient
associés à des mouvements de gauche. Celle-ci était en
effet destinée principalement à assurer une plus grande
stabilité sur les marchés financiers.
* 113 Pourtant, c'est bien
sur ce genre de campagnes politiques que l'association a le moins de
succès. On consultera pour s'en convaincre la contribution d'Eddy
Fougier au colloque du Germm « les mobilisations
altermondialistes » intitulée « l'influence des
mouvements contestataires ».
* 114 Bourdieu souligne par
exemple que les groupes sociaux ont des capacités inégales
à discerner entre les discours politiques et donne une bonne explication
de l'inégalité devant la compétence technique :
« La compétence technique, comme toutes les
compétences, est une compétence sociale. Cela ne signifie pas que
la compétence technique n'existe pas, mais cela veut dire que la
propension à acquérir ce que l'on appelle la compétence
technique est d'autant plus grande que l'on est compétent socialement.
C'est-à-dire que l'on est reconnu socialement comme digne, donc tenu
d'acquérir cette compétence ».
* 115 Ironiquement, la
vulgate simplifiée et tant décriée des organisations
populaires avait le mérite d'être assimilable par les couches
défavorisées et de les amener à l'engagement plus
efficacement qu'un discours compliqué d'économiste, qui ne fait
que leur rappeler leur propre incompétence.
* 116 Karl Marx utilisa
cette expression dans Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte pour
désigner la classe paysanne, dépourvue de conscience de soi et
dont « la similitude [des] intérêts ne crée entre
eux aucune communauté, aucune liaison nationale ni aucune organisation
politique ».
* 117 On peut comprendre ce
fait, étant donné que le sigle ATTAC, qui signifiait lors de la
rédaction de la plate-forme « association pour une taxe Tobin
d'aide au citoyen » pour être finalement lors de la
création de l'association « Association pour la taxation des
transactions financières et l'aide au citoyen », est
très centré sur l'aspect financier. La majorité de la
plate-forme traite surtout de mondialisation, de finance et de taxation de
celle-ci. ATTAC peut donc apparaître comme fortement liée à
ce thème, celui-ci étant le premier
« chantier » de l'association. Le fait que le point
important pour les créateurs de l'association ait surtout
été l'acronyme « attaque » a pu ne pas
être compris par certaines personnes.
* 118 On peut rappeler par
exemple le fait que Jean-Pierre Raffarin soit originaire de Démocratie
Libérale, parti dont le programme politique repose sur les analyses
économiques néo-libérales.
* 119 Entretien 10.
* 120 Entretien 9.
* 121 Daniel Gaxie,
« Economie des partis et rétribution du
militantisme », RFSP, N°27, 1977, P :123-154.
* 122 Et c'est ce qui
suscite le plus d'interrogations quant à sa lisibilité, son
avenir et son efficacité politique.
* 123 Entretien 18.
* 124 Par exemple lorsqu'il
s'agit de savoir si un membre peut signer un article sur internet en
spécifiant qu'il est membres d'ATTAC-Strasbourg alors son article traite
d'un thème extérieur aux revendications d'ATTAC.
* 125 Entretien 17.
* 126 C'est d'ailleurs sous
la pression des militants que l'idée de ces listes a été
abandonné. Cependant, vu la teneur des communiqués de
l'association nationale, il semble que l'idée ne soit pas
définitivement écartée.
* 127 Entretien 17.
* 128 Entretien 20.
* 129 Klandermans B.,
« Mobilization and participation: Social-psychological expansions of
resource mobilisation Theory », American Sociological
Review, vol.49, 1994, p583-600.
* 130 in Fillieule Olivier,
Péchu Cécile, Lutter ensemble. Les théories de
l'action collective, L'Harmattan, Paris, 93, 221p.
* 131 Agissant là
comme un réel « entrepreneur de cause » ou
« entrepreneur de protestation » comme les
définissent Mc Carthy et Zald dans « Resource Mobilization and
Social Movements, a Partial Theory », American Journal of Sociologie,
vol.82, 1977, p1212-1241. On pourra également consulter sur le
rôle Du Monde Diplomatique, « Les usages militants de la
lecture et de l'écriture. L'exemple du Monde
Diplomatique », contribution de Maxime Szczepansky au colloque
du GERMM « les mobilisations altermondialistes ».
* 132 Passant là
à la phase de « mobilisation de l'action » pour
transformer les sympathies obtenues en passages à l'acte. Cf
Klandermans, op cit.
* 133 Entretien 12.
* 134 Entretien 17.
* 135 Entretien 14.
* 136 Entretien 14.
* 137 Loi de 1908 en
Alsace, qui sur ce point dépend encore d'un régime
spécifique, légèrement plus favorable qu'ailleurs.
* 138 Les trois exemplaires
de statuts ainsi que le règlement intérieur de l'association sont
joints en annexe.
* 139 Jointe en annexe.
* 140 Entretien 20.
* 141 Entretien 19.
* 142 Entretien 12.
* 143 Entretien 20.
* 144 Entretien 12.
* 145 Entretien 15.
* 146 Entretien 16.
* 147 Entretien 20.
* 148 Entretien 16
* 149 Entretien 19.
* 150 Entretien 15.
* 151 Entretien 16.
* 152 Entretien 20.
* 153 Entretien 15.
* 154 Entretien 12.
* 155 Entretien 16.
* 156 Entretien 16.
* 157 Entretien 11.
* 158 Entretien 16.
* 159 in Jacques Ion,
La fin des militants, les éditions de l'atelier, coll. enjeux de
société, 1997
* 160 idem
* 161 Entretien 19.
* 162 Entretien 12.
* 163 Dans son travail sur
les comités locaux de Haute Garonne et de Gironde, Elise Cruzel note
également cette possibilité pour les militants d'inaugurer des
modes d'action « hors cadre » en fonction de leurs parcours
ou leurs orientations. Op. Cit. P: 20.
* 164 Entretien 16.
* 165 Entretien 19.
* 166 Entretien 6.
* 167 Il faut tout de
même souligner que les commissions ont au départ un objectif plus
large et visent à toucher des personnes extérieures à
l'association. Cependant, dans les faits, elles touchent presque exclusivement,
à quelques exceptions près, les militants de l'association. Pour
illustrer ceci, nous pouvons évoquer la dernière réunion
publique de l'association sur la constitution de européenne. La
présence d'une vingtaine de personnes étrangères à
l'association y a été perçue comme un succès. Si
l'on considère que certains étaient présents au titre de
leur appartenance à telle ou telle organisation politique ou syndicat,
cela fait pourtant assez peu.
* 168 Entretien 8.
* 169 Entretien 11.
* 170 In Jacques Ion,
La fin des militants, les éditions de l'atelier, coll. enjeux de
société, 1997, P: 50.
* 171 Maxime Szczepansky,
« Du militantisme à la militance, une étude
microsociologique des modalités de participation des militants «
anti-mondialisation » à travers l'exemple d'un comité
local de l'Association pour la Taxation des Transactions financières
pour l'Aide aux Citoyens (A.T.T.A.C.) », in Regards
Sociologiques n°24, 2003
* 172 Ce qui apparaît
naturel puisque les autres membres du mouvement entendent également
pouvoir disposer de leur temps. Il n'y a donc pas de comptes à rendre en
ce qui concerne le temps dédié par chacun à l'association,
du moment que les personnes remplissent au moins leurs obligations
électives lorsqu'elles en ont, bien entendu.
* 173 Entretien 20.
* 174 Entretien 20.
* 175 Entretien 19.
* 176 Entretien 18.
|