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Pénalisation et dépénalisation (1970 - 2005)

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par Gatien-Hugo RIPOSSEAU
Université de Poitiers - Master II Droit pénal et sciences criminelles 2004
  

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Partie II - Le double mouvement de pénalisation, dépénalisation dans une finalité d'adaptation du droit.

Au cours de la période étudiée, l'intervention du double mouvement de pénalisation, dépénalisation s'est montrée sectorisée : le législateur a choisi de recourir au droit répressif dans le but d'étayer de véritables politiques publiques (Section I) ou encore afin de s'adapter aux différents types d'évolutions que connaissent nos sociétés contemporaines (Section II).

Section I - La pénalisation au service de politiques publiques.

Le droit pénal est souvent le moyen privilégié par le législateur pour étayer des politiques publiques qui visent à avoir un impact particulier sur les conduites individuelles et sur l`évolution des mentalités. Cette volonté d'infléchir certains comportements par le biais de la pénalisation , a été concrétisée en matière de santé publique (§1) et de lutte contre l' « insécurité routière » (§2).

§ 1 - Le recours au droit pénal pour des impératifs de santé publique.

Dans le cadre de la mise en place de politiques de santé publique , le législateur a fait le choix de pénaliser la consommation de produits dangereux pour la santé tels que les stupéfiants, l'alcool, ou encore le tabac (A). Cependant, après une période de pénalisation des pratiques euthanasiques, on assiste actuellement à une phase de reflux du droit pénal, à la faveur d'une adaptation du droit à l'évolution des états forts de la conscience collective qui s'est opérée en la matière (B).

A - La réponse pénale favorisée en matière de consommation de produits dangereux pour la santé.

· La pénalisation de l'usage de stupéfiants.

· Historique de la criminalisation de l'usage de stupéfiants en France :

La pénalisation de l'usage de stupéfiants en France telle qu'on la connaît actuellement, procède de la loi du 31 décembre 1970. Néanmoins, le terme d' « usage de stupéfiants » apparaît dans la loi de 1916102(*) modifiant la loi du 19 juillet 1845 sur les substances vénéneuses. Elle vise l'usage en société de différents produits (opium, morphine, cocaïne, haschich). La loi de 1916 prohibe à la fois l'achat, la vente, l'emploi, l'usage en société, le fait de faciliter cet usage mais aussi de se faire délivrer les substances au moyen d'ordonnance fictive. Cette loi, qui réprime la tentative de tous ces comportements, a prévu un système de sanctions pour le moins injustes, puisque aucune distinction n'est établie à l'époque entre l'usager et le trafiquant, punis des mêmes peines : 3 mois à 2 ans de prison et 1000 à 10 000F d'amende. En outre, la confiscation des substances saisies, la confiscation des biens du contrevenant et la fermeture des établissements sont également prévues.

Cette criminalisation de l'usage de stupéfiants en société précède d'ailleurs la prohibition de l'absinthe intervenue en 1917 pour des motifs de santé publique.

C'est ensuite la loi du 29 juillet 1939103(*) qui vient abroger le droit antérieur pour retenir des solutions encore plus répressives : 3 mois à 5 ans d'emprisonnement (contre 3 mois à 2 ans précédemment) sont encourus au titre des comportements visés par la loi de 1916.

Par la suite, seront créés le Code de la Pharmacie en 1951 puis le Code de la santé publique (CSP) en 1953. Dans le Code de la Pharmacie, les modifications précédentes de la loi du19 juillet 1845 sont regroupées dans le titre III, « Restrictions au commerce de certaines substances ou de certains objets », chapitre Ier « substances vénéneuses » (article 115 à 119). L'article 116 recense toutes les infractions en matière de stupéfiants et prévoit des peines d'amende de 120 000 à 1 200 000F et un emprisonnement de 3 mois à 5 ans également applicable à ceux ayant usé desdites substances en société, et à ceux qui auront été trouvés porteurs sans motif légitime de l'une des substances prohibées. De surcroît, l'article 119 double les peines en cas de récidive et un grand nombre de peines complémentaires sont prévues. Le ministre de la Justice, à cette époque, recommandera aux parquets de distinguer « entre les toxicomanes qui s'adonnent aux stupéfiants obtenus illicitement et les trafiquants qui leur fournissent »104(*). Par ailleurs, dans la première catégorie, celle des usagers, la circulaire de 1952 crée deux sous catégories : les toxicomanes qui le sont à la suite d'un traitement thérapeutique et qui ne sont donc pas responsables et à l'égard desquels les mesures répressives seront appliquées avec moins de rigueur qu'en ce qui concerne les toxicomanes qui s'adonnent à la drogue par plaisir, qui, quant à eux, ne bénéficient d'aucune mansuétude de la part des pouvoirs publics qui les voient même comme des « inadaptés » parmi lesquels on recrute les « auteurs d'autres délits graves ». Par la suite, la loi du 14 avril 1952 relative au taux des amendes, est venue doubler les peines pécuniaires prévues à l'article 116: ces dernières passent de 240 000 à 2 400 000F. L'année suivante, l'ensemble de ces textes sera inséré dans le CSP au titre III, « Restrictions au commerce de certaines substances ou de certains objets » du livre IV, « Professions médicales et auxiliaires médicaux », et les articles 115 à 119 modifiés sont devenus les articles 626 à 630 CSP. Par la suite, la loi du 24 décembre 1953, qui n'entrera jamais en vigueur à cause de l'absence de règlement pour sa mise en oeuvre, prévoira pour la première fois une obligation de soins pour les usagers de stupéfiants.

· Le contexte international avant la loi du 31 décembre 1970 : 

« On ne peut évidemment pas détacher la politique française du contexte international et des conventions auxquelles la France a souscrit »105(*).Avant le vote de la loi du 31 décembre 1970, quatre textes sont ratifiés par le Gouvernement français.

Il s'agit tout d'abord de la Convention internationale de l'opium, signée à La Haye le 23 janvier 1912106(*).

Il y aura ensuite la Convention de Genève, signée le 19 février 1925 et promulguée en 1928. Elle prévoit, outre la limitation des importations, des exportations, de la fabrication et de la distribution, la répression de l'usage des substances visées par le traité (opium, cocaïne, morphine, diacétymorphine, chanvre indien et tout autre stupéfiant). Le traité invite les Etats membres à empêcher l'usage de ces substances pour des usages autres que médicaux et scientifiques et les parties s'engagent à prendre les sanctions pénales adéquates pour toutes les infractions visées par cette convention.

La France a également ratifié la Convention de Genève du 13 juillet 1931 promulguée par un décret de juin 1933. La France a signé la Convention de Genève le 26 juin 1936 et elle entrera en vigueur le 11 décembre 1946, après amendement par le protocole signé à Lake Success à cette date.

Enfin, la Convention Unique sur les stupéfiants du 30 mars 1961 pose en préambule l'idée d'une lutte universelle contre l'abus des stupéfiants. L'adhésion de la France à la Convention de 1961 date de la fin de l'année 1968, donc après qu'une opinion publique favorable à une action contre la drogue se soit dessinée. Dans cette Convention Unique, certains termes annoncent les arguments de santé publique invoqués lors des travaux préparatoires de la loi du 31 décembre 1970107(*).

· Le contexte français avant la loi du 31 décembre 1970 ou la « pénalisation anticipée » de l'usage solitaire de stupéfiants :

Dans ce contexte international de lutte contre la drogue, le législateur français voulait renforcer l'arsenal existant, pour à la fois dissuader les citoyens français d'user de tels produits et faire cesser cette pratique du coté des usagers. La crainte d'une épidémie faisait par contre entrer la toxicomanie dans la lutte contre les fléaux sociaux qu'il convenait d'éradiquer au même titre que la syphilis ou la tuberculose. Cette dualité, entre répression et santé publique, marque les débats et les options choisies par le texte de 1970, inscrit au CSP mais prévoyant des sanctions pénales.

Afin de préparer les débats parlementaires, le ministre de la Justice procède à une enquête dans les juridictions fin 1969108(*) afin d'avoir une image précise des affaires de stupéfiants en cours et en particulier des caractéristiques des inculpés. Cette enquête révèle que des poursuites sont exercées contre des personnes qui ont fait usage de stupéfiants, sous les qualifications de détention ou de port illicite de stupéfiants, en l'absence d'incrimination spécifique d'usage individuel109(*). Par la suite, soucieux de prendre en compte la dimension sanitaire de l'usage de stupéfiants, le gouvernement décide, à titre expérimental, de mettre en place un dispositif permettant le traitement ou la surveillance par les services sanitaires, des personnes signalées par le parquet110(*). Au niveau pénal, la loi de 1970 était entrée en application environ un an avant qu'elle ne soit votée, ceci d'autant plus que le ministre de la Justice a édicté une circulaire affirmant cette orientation d'anticipation de la pratique sur le droit111(*). Ainsi, la loi de 1970 paraît être la consécration législative de la pratique antérieure des parquets de laquelle résultait déjà la pénalisation de fait de l'usage individuel de stupéfiants.

Il est néanmoins intéressant de se pencher sur les débats parlementaires qui ont précédé le vote de la loi n°70-1320 du 31 décembre 1970 relative aux mesures sanitaires contre la toxicomanie et à la répression du trafic et de l'usage illicite des substances vénéneuses112(*).

· Bref aperçu de la teneur des débats parlementaires relatifs à la loi du 31 décembre 1970 :

Dans son premier rapport, « le rapport 1555 », P. MAZEAUD, rapporteur de l'administration générale de la République, préconisait, s'agissant de la consommation de stupéfiants, le vote d'un article qui n'incriminait que « l'usage en société ». Cette incrimination existait déjà avec les lois du 12 juillet 1916 et 24 décembre 1953 que le rapport prétendait modifier. M. MAZEAUD, dans ce premier rapport a insisté sur le fait que la Commission des lois, dont il était le rapporteur, a abouti à ce choix délibéré après de nombreux débats au cours desquels certains des intervenants prônaient la criminalisation de tout usage solitaire de stupéfiants113(*). Or, la formule restreinte à laquelle s'était finalement ralliée la Commission des lois (limitée au seul usage en société) était le fruit d'une première confrontation entre deux propositions de loi qu'avaient déposées quelques mois plus tôt, sur le Bureau de l'Assemblée, M. MAZEAUD d'une part, le 15 octobre 1969114(*), et M. WEBER d'autre part, le 5 novembre 1969115(*). M.WEBER, lui, proposait de « punir tout individu convaincu de s'être adonné régulièrement à la pratique des stupéfiants ». Ensuite, et ce fut le tournant de la question relative à l'incrimination de l'usage, le Gouvernement, entre le 23 et le 29 juin 1970, décida d'intervenir via de nombreux amendements modifiant complètement la proposition de loi mise au point par la Commission des lois de l'Assemblée Nationale et présentée par M.MAZEAUD dans le « rapport 1155 ». En effet, il semble que le Gouvernement, souhaitant consacrer la pratique antérieure des parquets au sujet de la pénalisation de fait de l'usage solitaire, a voulu imposer la criminalisation de ce type de comportements à l'occasion de la loi de 1970. Pour ce faire, les différents ministères impliqués, que sont le ministère de la Justice et celui de la Santé, se sont évertués à convaincre M.MAZEAUD de se prononcer en faveur de la criminalisation de l'usage solitaire. L'exécutif réussit finalement à parvenir ses fins ; il aurait été impensable que le rapporteur de la Commission des lois, M.MAZEAUD, ne défende pas un projet tenu pour élaboré par sa famille politique, le parti gaulliste majoritaire à l'Assemblée. Ainsi, à la veille du vote du 30 juin, M.MAZEAUD a recommandé dans son « rapport supplémentaire 1330 »116(*), la position adoptée par le Gouvernement.

C'est ainsi que l'article L.628,1 CSP sera adopté le 30 juin 1970 dès sa première lecture par l'Assemblée Nationale, en dépit d'un ordre du jour très chargé et des protestations exprimées par bon nombre de députés sur le caractère inadmissible des conditions de l'adoption de ce texte, voté dans la précipitation malgré l'importance de la question qui leur était soumise117(*).

· L'incrimination d'usage illicite de stupéfiants en elle-même :

L'usage illicite de stupéfiants, tel qu'il résulte de la loi du 31 décembre 1970, figure à l'article 628 CSP. Cet article prévoyait une peine d'emprisonnement de 2 mois à 1 an et une amende de 500 à 15 000F et de nombreuses peines accessoires ou complémentaires118(*).

Aujourd'hui, l'incrimination d'usage figure à l'article L.3421-1 CSP depuis l'ordonnance du 15 juin 2000 relative à la partie législative du CSP119(*). Le nouvel article L.3421-1 CSP prévoit désormais les peines principales d'1 an d'emprisonnement et 3750€ d'amende. Le législateur a prévu deux sanctions secondaires : à titre complémentaire obligatoire, la confiscation des produits incriminés et saisis avant le procès (article L.3421-2 CSP) ; à titre complémentaire facultatif, la fermeture d'établissement dans lequel a été commis le délit (article L.3422-1 CSP).

Le CSP prévoit, outre les mesures répressives exposées supra, des alternatives de nature sanitaires, avec l'injonction thérapeutique des articles L.3411-1 à L.3414-1 CSP. L'idée de prévention spéciale par les soins est en effet prégnante dans le dispositif de lutte contre ce qui est présenté comme un fléau des temps modernes. D'une part, le lancement de la poursuite est entravé par le désir des toxicomanes de se soigner, et d'autre part, au cas où l'action publique aurait été lancée, une cure peut être ordonnée par le juge d'instruction ou le juge des enfants ou même ultérieurement par la juridiction de jugement. En cas d'exécution de l'injonction de soins, le tribunal a la faculté de ne pas prononcer les peines prévues par l'article 3421-1 CSP.

Tout ce système laisse clairement apparaître la double dimension du problème de la consommation de stupéfiants : soigner et punir. Le toxicomane, considéré à la fois comme malade et comme déviant, est d'une part, menacé d'une privation de liberté et d'une peine pécuniaire pour l'atteinte à l'intégrité physique qu'il s'inflige et qu'il est le seul à supporter, et d'autre part accompagné dans le traitement de son addiction, tout ceci procédant d'une coopération entre la justice et les autorités sanitaires.

· Recours au droit pénal au service de la lutte contre la consommation de tabac et d'alcool.

Dans leur lutte contre le tabac et l'alcool, le législateur et le Gouvernement ont pris parti en faveur de la solution répressive. Ce recours au droit pénal s'inscrit dans la mise en place de politiques de santé publique, destinées à infléchir les pratiques qui menacent la santé des citoyens qui les reproduisent et ce, malgré le caractère nocif de leur usage pour eux-mêmes. Il est donc question ici de protéger la population contre elle-même, à raison des habitudes de vie qu'elle a développées et qui menacent la santé publique, du fait des maladies et également des accidents qui en découlent, en particulier en ce qui concerne la consommation d'alcool. Cette lutte contre des produits comme le tabac et l'alcool ne procède pas exclusivement de cette volonté de protéger la population contre elle même en terme de santé, elle est également due, en réalité, à des considérations plus pragmatiques : en effet, le tabac et l'alcool sont des produits qui font supporter à la société toute entière, le coût des soins des nombreux usagers devenus malades en raison de la consommation de ces produits addictifs. C'est donc la prise de conscience du caractère nocif de ces produits qui a poussé les pouvoirs publics à agir, à la fois pour la santé des citoyens (en raison du nombre de maladies et d'accidents) et en faveur d'une réduction des coûts sociaux qui résultent du traitement des méfaits de la consommation de tabac et d'alcool.

La lutte anti-alcoolique par des moyens légaux est un travail qui a commencé avec les débuts de la IIIème République. Le tabagisme, quant à lui, n'est pas combattu depuis aussi longtemps, au moins dans les lois et règlements, car, jusqu'à une date relativement récente, l'Etat était détenteur du monopole de la fabrication du tabac en France. En matière de lutte contre le tabac, c'est la « loi VEIL » (du nom du Ministre de la santé à l'initiative duquel la loi a été votée) du 9 juillet 1976120(*) qui a marqué le début d'une réelle politique de santé publique.

Ordinairement, les deux fléaux que sont la tabac et l'alcool font l'objet de textes distincts, mais puisqu'ils consistent l'un et l'autre en des phénomènes de dépendance, les spécialistes de la santé publique ont insisté pour en faire la cible d'une unique loi, celle qui fut promulguée le 10 janvier 1991121(*) et qui entra en vigueur le 1er janvier 1993.

La préparation de cette loi a donné lieu à des débats contradictoires opposant d'un coté les « hygiénistes » insistant sur la gravité du mal et sur le nombre d'accidents et de maladies, et de l'autre, les députés des régions viticoles invoquant le fait que le vin, boisson antique, fait partie intégrante de notre « patrimoine culturel » ; ces derniers étaient également appuyés par les représentants des régions tabacoles, qui, quant à eux, promettaient de fabriquer des produits moins nocifs et insistant sur la défense du tabac français contre les cigarettes étrangères bien plus dangereuses.

Au terme de ces affrontements parlementaires, c'est la doctrine développée par M. DRAY, député socialiste qui l'emporta : il mit en effet en exergue que l'inégalité devant la maladie et la mort est l'une des plus choquantes de celle qui divise la société française, et que, parmi ces causes, on note une consommation d'alcool et de tabac plus malsaine, en qualité et en quantité, chez les classes défavorisées. Or, cette dernière catégorie de la population est en même temps, à cause d'une culture insuffisante, peu sensible aux campagnes d'éducation fondée sur des arguments rationnels, tandis que la publicité commerciale, enveloppée d'irrationnel et de rêve, la persuade aisément de consommer tabac et alcool. Supprimer ou réduire la publicité à laquelle les classes « culturellement favorisées » savent mieux résister, c'est donc lutter contre les inégalités122(*).

La loi du 10 janvier 1991 a ainsi pris le parti d'agir sur la publicité de l'alcool et du tabac ; néanmoins, les dispositions adoptées en matière de lutte contre le tabac sont loin de se limiter à la seule publicité dont il pourrait faire l'objet. En effet, ce produit ne jouit pas de la tradition immémoriale qui ennoblit le vin et il est de plus considéré comme plus nocif. Ce sont les raisons pour lesquelles, sans établir une nouvelle prohibition dont il redoutait les effets pervers, le législateur a mis en place un système tout à fait propre à dissuader les fumeurs de s'adonner à leur plaisir : plus de prise en compte du coût du tabac dans le calcul de l'indice des prix (ce qui sera la porte ouverte à des augmentations ultérieures toujours plus dissuasives du prix du tabac), leçons antitabagiques dispensées au personnel enseignant, interdiction de fumer dans des lieux affectés à un usage collectif, institution d'une manifestation annuelle (le 31 mai) intitulée « Jour sans tabac »123(*).

S'agissant de la publicité de l'alcool et du tabac, le dispositif de la loi de 1991 a interdit toute publicité (directe ou indirecte) ou propagande en faveur de l'alcool ou du tabac, quel que soit le support utilisé à cette fin. Cette loi a donc mis fin à la pratique de la publicité par le biais des supports cinématographes et d'affichage commercial ordinaire en plein air. Il subsiste seulement deux exceptions qui sont la presse écrite et la radiodiffusion (avec des réserves) pour la publicité de l'alcool, et la seule presse écrite, moyennant des restrictions très strictes pour le tabac. Le parrainage124(*) est également envisagé par la loi de 1991 qui est venue l'interdire et, cette fois-là, que le support soit licite ou non. Cette question a vivement été débattue, car sa prohibition a privé de ressource beaucoup d'activités très nobles.

Les sanctions de l'inobservation des règles relatives aux publicités interdites sont désormais, à titre de peine principale, une amende allant de 50 000F(7500 €) à 500 000F(75 000 €) ou 50% des dépenses consacrées à l'opération illégale. Il faut signaler que la loi de 1991 ne modifie pas le quantum de l'amende encourue mais supprime l'emprisonnement de 2 mois à 2 ans jusque là prévu ; les députés ont supprimé l'emprisonnement parce qu'ils ont constaté qu'il n'était jamais prononcé, ce qui fait de cette loi la consécration d'une certaine dépénalisation de fait des délits en la matière. Une particularité est à noter relativement au « dépassement de quantité de publicité écrite » consacrée aux produits du tabac : dans ce cas, la loi de 1991 avait prévu une amende allant de 25 000 F(3750 €) à 250 000F(37 500 €), ce qui était plus doux que ce que prévoyait antérieurement la loi VEIL de 1976, qui alignait la répression de ce délit sur celle des autres (c'est à dire les délits de publicité interdite).

Cependant, il est difficile de pencher en faveur d'une analyse qui consisterait à affirmer qu'il s'agit d'une loi de dépénalisation car le recours au droit pénal est tout d'abord considérablement élargi par la criminalisation de bon nombre de pratiques de publicité commerciale jusque là légales. Ensuite, une disposition prévoit, en cas de récidive, une nouvelle peine complémentaire très répressive qui est l' « interdiction de vente d'une boisson ». Le nouveau dispositif apparaît donc plus comme une rationalisation des solutions en la matière.

* 102 Loi du 12 juillet 1916, JO, 14 juillet 1996.

* 103 Décret-loi du 29 juillet 1939, JO, 30 juillet 1939.

* 104 Circulaire n°52-10 du 19 février 1952 sur La répressions des infractions en matière de stupéfiants.

* 105 SIMMAT-DURAND L., La lutte contre la toxicomanie, De la législation à la réglementation, L'Harmattan, coll. Logiques sociales, 2001, p.25.

* 106 Convention internationale de l'opium, Société des Nations, Recueil des traités, pp.188 et s.

* 107 « Les parties, soucieuses de la santé physique et morale de l'humanité ;... Reconnaissant que la toxicomanie est un fléau pour l'individu et constitue un danger économique et social pour l'humanité... ».

* 108 Circulaire 69F.389 du 20 octobre 1969 ; objet : Affaires de stupéfiants.

* 109 Circulaire Justice 69F.389 du 15 décembre 1969 ; objet : Trafic et usage illicite de stupéfiants.

* 110 Même circulaire du 15 décembre 1969.

* 111 « Il a été décidé de mettre en oeuvre, immédiatement, un certain nombre de mesures dont l'application préfigurera l'organisation spécifique envisagée », Circulaire DGS/1394/MS1 du 15 décembre 1969, Lutte contre la toxicomanie, p.2.

* 112 Loi n°70-1320 du 31 décembre 1970 relative aux mesures sanitaires contre la toxicomanie et à la répression du trafic et de l'usage illicite des substances vénéneuses, JO du 3 janvier 1971, p.74.

* 113 Ce point de vue était celui de la Commission culturelle, v. BERNAT DE CELIS J., Fallait-il créer un délit d'usage illicite de stupéfiants ?, CESDIP, 1992, n°54, p.40.

* 114 Proposition de loi de M.MAZEAUD, député, Documents de l'Assemblée nationale, Première session ordinaire de 1969-1970, séance du 15 octobre 1969.

* 115 Proposition de loi de M.WEBER, député, Séance du 5 novembre 1969.

* 116 Rapport supplémentaire 1330, annexe au procès verbal du 26 juin 1970, mis en distribution le 29 juin 1970.

* 117 Sur ce contexte, v. BERNAT DE CELIS J Fallait-il créer un délit d'usage illicite de stupéfiants ?, CESDIP, 1992, n°54, pp.46 à 53.

* 118 Pour une description précise de l'incrimination de l'article L.628 CSP, v. . BERNAT DE CELIS J Fallait-il créer un délit d'usage illicite de stupéfiants ?, CESDIP, 1992, n°54.

* 119 Ordonnance n°200-548 du 15 juin 2000 relative à la partie législative du CSP (D.2000.279).

* 120 Loi n°76-616 du 9 juillet 1976 relative à la lutte contre le tabagisme, JO  « Lois et décrets », 10 juillet 1976.

* 121 Loi n°91-32 du 10 janvier 1991 relative à la lutte contre le tabagisme et l'alcool, JO.12 janvier 1991.

* 122 ROBERT J-H., Cachez ce vin que je ne saurai boire !, Dr.pén., mars 1991, p.2.

* 123 ROBERT J-H., L'interdiction de la publicité en faveur du tabac selon la loi du 10 janvier 1991, Dr.pén., juin 1991,p.1.

* 124 Une activité est parrainée quand ceux qui s'y livrent s'engagent, contre argent, à promouvoir le nom ou la marque d'une entreprise dite le parrain ou le sponsor.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry