C) Des agriculteurs citadins
Le trait commun à ces exploitations d'entreprises
réside dans le fait qu'elles sont parvenues à mobiliser
des fonds provenant principalement de l'épargne des promoteurs,
d'activités différentes (commerce, fonction publique...) ou
de transferts effectués par des émigrés. Le lieu
de résidence peut être urbain ou rural mais ne se
confond pas avec le bâtiment d'exploitation (villa « moderne
» dans le village ou sur un terrain de la propriété).
Dotés d'un véhicule personnel ils se déplacent
plusieurs fois par semaine à Dakar ou Rufisque. Les enfants
vont à l'université pour étudier le commerce
international, l'administration des entreprises ou l'agronomie, et
souvent à l'étranger. Ils adoptent la semaine de travail
de 5 jours et sont branchés à des réseaux
bancaires, informationnels (connaissance des prix grâce à
Internet), achètent des expertises à des bureaux
d'études, et font appel à des sociétés d'import
export parisiennes et dakaroises. La formation de ces chefs d'entreprises
revêt un caractère primordial pour pouvoir anticiper les
productions par rapport aux demandes du marché international. Un
enquêté possède également deux magasins
à Dakar, qui lui servent occasionnellement à écouler une
partie de sa production. Cet homme de l'articulation ville-campagne
accroît donc ses gains en jouant sur des segments plus étendus
de la filière : à la production, il ajoute le
commerce, la transformation (confiture, concentré de tomates) et la
vente au détail.
Conclusion : une agriculture « branchée
» sur la ville et son interface avec le monde.
La dichotomie ville campagne semble disparaître pour ces
exploitants connectés à des réseaux urbains et
impliqués dans la globalisation des échanges. Cette « petite
bourgeoisie », composée de fonctionnaires et de commerçants,
se situe sur un bassin versant de l'économie mondiale. Elle confond
dès lors ses activités rurales et urbaines grâce à
une bonne mobilité
spatiale et une logistique de production moderne.
Conclusion : cependant, au delà des
différences entre exploitations, on observe des processus urbains
comparables.
Quelque soit le type d'exploitation rencontré,
l'agriculture péri urbaine est aussi, voire avant tout, un moyen de
maintenir et d'alimenter la spéculation foncière, dans une
agriculture d'attente. En effet, le riz (asiatique) et le poisson (de
Mbour, Dakar, Kayar...) consommés lors de presque tous les repas
doivent être achetés. Pour tous les agriculteurs, le lien qui
unit
la cellule familiale au produit de la terre est donc
interrompu et avec lui disparaît un moteur important de la
ruralité. Cette désunion entre production et consommation
est une étape essentielle dans le processus d'urbanisation des
campagnes. Dans bien des cas, les activités extra agricoles permettent
de maintenir la production agricole, concentrée sur une courte
période, mais elles introduisent une distance toujours plus grande entre
l'exploitant et la terre. Dans une telle perspective, les investissements
agricoles sont aussi des moyens d'accroître les chances de conserver
son terrain pour les conserver le plus longtemps possible, dans un
contexte où l'Etat immatricule à tour de bras les terres
du domaine national urbain qu'il
considère comme vacantes.
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