B) Un fonctionnement déterminé par le
marché international, et nécessitant des investissements
lourds
Les exploitations d'entreprise privilégient des
spéculations destinées à l'exportation (mangue, tomate
cerise), des légumes utilisés dans la préparation de plats
de type européens (haricot, pomme de terre) ou rares sur le
marché à certaines périodes de l'année (arachide).
Les exploitations d'entreprise et les exploitations familiales ne
cultivent pas les mêmes variétés de fruits et
légumes. Par exemple, les entreprises agricoles cultivent une
variété de mangue destinée uniquement au marché
européen, la mangue « Kent », qui est une
variété à chair ferme supportant mieux le stockage
prolongé que les variétés locales. On constate un
désintérêt de ces exploitations vis-à-vis de
productions locales comme les aubergines amères
et les choux par exemple.
Photos 5-Conditionnement de tomates cerises
dans
une coopérative de Sébikhotane.
Photo 6-Champs de mangues Kent
destinées au
marché européen. Un système
d'irrigation par goutte à goutte est utilisé.
Toutes les exploitations d'entreprise de
l'échantillon sont dotées de réseaux
d'irrigation. La connexion au réseau de la
Sénégalaise Des Eaux est le fait de promoteurs qui exploitent
des superficies peu importantes (entre 0,5 et 3 hectares). En
revanche, l'aménagement de forages concerne une exploitation de
l'échantillon qui met en valeur un domaine de 90 hectares.
Les équipements inventoriés sont divers : tracteurs,
groupes électrogènes, véhicules, pulvérisateurs,
semoirs, charrues, charrettes. La plus grande des exploitations
possède sa propre chaîne de conditionnement et sa chambre
froide, les autres utilisent les installations de la fédération
des producteurs maraîchers.
Selon les résultats de l'enquête, la
majorité des exploitations d'entreprise dispose d'un personnel permanent
composé non seulement d'ouvriers agricoles, mais aussi de techniciens
chargés du conseil et du suivi titulaires au minimum du
baccalauréat. Mais parfois, la gestion
de certaines exploitations implique aussi la main-d'oeuvre
familiale. Dans ce cas de figure, les promoteurs font appel à des
membres de la famille (épouses, fils, frères) ou à
d'autres personnes apparentées (neveux, cousins, etc.) pour qu'ils
apportent un appui dans la conduite
des activités en prenant en charge des tâches,
telles que la supervision des ouvriers.
Pour le Président de la Fédération
des producteurs maraîchers, les horticulteurs
sénégalais bénéficient d'un environnement favorable
aux productions de contre-saison pour le marché européen. En
effet, le pays jouit d'une position géographique lui permettant
de se positionner de façon avantageuse sur le créneau de
la fourniture de fruits et légumes hors saison aux clients
européens. Ces produits pourraient également trouver des
débouchés dans
d'autres régions du monde (en particulier, Amérique
du Nord et Moyen-Orient).
L'entité Syspro de l'Ong Enda a effectué durant une
année des exportations d'haricots
à destination des Etats-Unis. Il s'y ajoute que
le transport maritime offre actuellement des possibilités plus
grandes d'exporter des produits réfrigérés vers
l'Europe. Un plus grand recours aux bateaux pourrait permettre d'exporter
des volumes plus importants de légumes à
des coûts inférieurs à ceux du fret
aérien qui concentre plus des trois quarts des exportations
actuelles.
Le développement des exportations de produits
frais se heurte cependant aux contraintes liées aux normes de
calibrage et de qualité exigées par les pays européens :
seuls quelques grands exploitants sont actuellement en mesure de satisfaire les
conditions de qualité
des produits qu'exigent les pays du Nord. Les petits producteurs,
qui sont les plus nombreux
au niveau de la filière horticole,
cherchent à intégrer le cercle des exportateurs par
l'intermédiaire de fédérations maraîchères.
Aujourd'hui, à l'échelle nationale, cinq exploitants
réalisent environ 80% des exportations de produits horticoles
(dont 30% pour la seule
entreprise FilFili).
Photo 7-Champs de haricots à
Sébikhotane Photo 8-Triage des haricots avant
conditionnement
Photo 9-Bâtiment avec chambre froide
d'une
coopérative
maraîchère.(Sébikhotane)
Photo 10 Tomates cerise prêtes à
être envoyées sur le
marché européen
Un rapport élaboré récemment par le
ministère chargé de l'agriculture (MAE, 2001) indique que
l'accroissement du niveau des exportations de produits horticoles est
entravé par trois séries de contraintes qui concernent :
· le non respect des normes de qualité par les
acteurs de la filière ;
· l'insuffisance des infrastructures de base
(entrepôts frigorifiques et infrastructures de transport) ;
· l'inexistence de systèmes de crédit
adapté aux besoins des exportateurs.
Les chefs d'exploitations d'entreprises interrogés ont
déclaré que le projet de marché national, par la
mise en place d'unités de conservation, de transformation,
et de conditionnement favoriserait l'écoulement des produits de la
zone. Cette structure nationale pourrait aussi jouer un rôle
d'information sur les prix des spéculations sur les
marchés internationaux. Le projet de plate-forme multimodale
constitue une aubaine pour ces agriculteurs, qui, lors des
enquêtes, ne se sentaient pas immédiatement concernés
par d'éventuelles expropriations.
La majeure partie des interlocuteurs
rencontrés déclare entretenir des relations cordiales
avec les populations des villages situés à la
périphérie de leurs exploitations. Dans certains cas, des
relations de confiance ont été favorisées entre les
promoteurs agricoles et les villageois, à la suite de
l'intermédiation de ressortissants de la zone lors de
transactions foncières conduites entre autochtones et exploitants
agricoles.
Une concurrence de débouchés entre
agriculture d'entreprise et agriculture familiale ?
De l'avis de certains interlocuteurs, c'est au niveau de
la commercialisation que les exploitants traditionnels subissent le
préjudice le plus important. «Ces gens-là ont les
moyens
de produire de grandes quantités de légumes
et ils inondent les marchés. Forcément, les prix baissent et cela
pose des problèmes aux petits producteurs qui sont obligés de
vendre leurs récoltes à des prix très bas. C'est une perte
énorme de revenus pour nous», rapporte un petit exploitant
lors d'un entretien.
Ces appréciations sont contestées par les
promoteurs des exploitations agricoles qui considèrent que leur
intervention dans la zone n'affecte pas, de façon négative,
l'activité des familles paysannes autochtones. Pour eux, il n'y a
pas véritablement de concurrence sur le marché entre les
deux groupes parce qu'ils ne se positionnent pas sur les mêmes
filières de
production.
Certains d'entre eux considèrent que la situation
créée par l'arrivée des opérateurs agricoles
ouvre des perspectives de développement local et de
création d'emplois pour les jeunes et les femmes des villages de la
zone.
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