"en aparté"sur Canal Plus : l'invité, le public et le média comme tiers autoritaire dans une émission de conversation( Télécharger le fichier original )par Marylène Khouri Institut Français de Presse Paris II-Assas - Maà®trise d'information et communication 2005 |
B) Le politique à l'épreuveLa prestation de François Hollande au sein d' En aparté pose toutes les problématiques relatives au passage d'un homme politique dans une émission populaire. Ceux-ci ont investi ce créneau d'émission au cours de ces dernières années : citons entre autres les prestations de Nicolas Sarkozy ou de Claude Allègre chez Marc-Olivier Fogiel, celle de Michel Rocard chez Thierry Ardisson...Lorsqu'ils sont ministres, ils évitent soigneusement les émissions populaires à l'exception notable de celle de Michel Drucker Vivement dimanche où ils savent qu'ils ne prennent aucun risque. Ils limitent leurs prestations aux émissions politiques ( Cent minutes pour convaincre ) et aux journaux télévisés. La télévision y joue son rôle d' « agent médiateur entre les gouvernants et la société civile »115(*). Le politique, dans les émissions populaires, doit adopter un discours complexe, orienté par deux impératifs : être prêt du peuple, tout en revêtant une stature de Chef au sens de Kojève : « Le chef, plus apte que d'autres à prévoir, plus intelligent et clairvoyant, qui conçoit un projet, dirige et commande »116(*). Pour réussir son discours, il doit s'éloigner du style « glacé », qui primait auparavant dans les émissions politiques : « L'organisation temporelle est un miroir de la relation au pouvoir dans la parole politique : elle symbolise la distance sociale qui existe entre l'homme politique et son audience. La distance entre les individus peut être divisée en quatre catégories majeures : intime, informelle, sociale et publique. A chacune de ces distances correspond une distance physique entre les individus et un type de voix et de parole. Par exemple, la distance publique (qui est celle du discours politique) est caractérisé par le « style glacé » typique des individus qui sont (et souvent doivent) rester étrangers l'un à l'autre. Une prononciation soignée (dite hyperarticulée), une voix forte et une vitesse de parole lente sont des traits de ce style. Utilisée consciemment par l'homme politique, l'organisation temporelle de la parole symbolise la distance publique qui le sépare de ces concitoyens »117(*). Or, le politique, lors d'une prestation dans une émission populaire doit se détacher de ce style là. Plus encore chez En aparté, il doit établir une réelle correspondance avec les citoyens-télespectateurs. Mais il doit, plus que tout autre invité, maîtriser son discours. Il ne peut en aucun cas adopter la même nonchalance que Charles Berling : « L'homme politique doit donc être un professionnel du savoir dire (...). Il doit répondre aux exigences de l'intelligibilité dictées par la situation, le niveau intellectuel de l'auditeur et par l'adversité de l'environnement (salle, rue bruyante, contact indirect) ». Sur ce point de vue En aparté offre des conditions extrêmement confortables pour s'exprimer. « Mais il doit aussi paraître spontané quand il est interrogé sur sa vie, ses goûts. A ces exigences vient s'ajouter la contrainte du temps (souvent bref) qui lui est imparti. (...). Il doit gérer l'organisation temporelle de sa parole, entre temps d'activité et temps de repos, s'il veut donner sens à son message et atteindre son objectif »118(*). On imagine alors la somme de préparations dont a dû faire l'objet François Hollande avant sa prestation chez Pascale Clark. Car il doit avoir la prestance d'un homme présidentiable et au-delà adopter une attitude qui le détache de ses concurrents : « L'homme politique n'est plus seulement l'avocat de son parti. Il est requis de produire une mise en scène plus élaborée de son personnage, d'afficher les signes d'un équilibre, d'une aisance personnelle »119(*). Dominique Mehl précise que l'homme politique doit aussi se détacher de l'homme ordinaire : face à l' « émotif », le « profane », il doit apparaître comme un homme fort : « L'homme politique, comme homme public, se caractérise depuis plusieurs siècles par une presque parfaite maîtrise de soi »120(*). Cette maîtrise de soi est particulièrement requise lors d'une prestation chez Pascale Clark. Par ailleurs, l'enjeu est d'autant plus important que « les citoyens sont très désireux de connaître leurs gouvernants, d'approcher leur personnalité et de les mettre à nu, plus de connaître leurs programmes ».121(*)L'entretien télévisé est donc un excellent moyen d'approcher les citoyens-télespectateurs. « L'entretien, par opposition à l'interview, est une situation dans laquelle l'interviewer interroge son invité non pour apprendre quelque chose mais pour révéler sa personne, sa pensée, son histoire. L'entretien ressemble davantage à al psychologie qu'à l'information. »122(*) Analysons maintenant la prestation de François Hollande chez Pascale Clark. Rappelons que celui-ci en début d'année était l'homme fort du parti socialiste face à une division au sein même de ce parti. L'ébranlement du « Non » à la constitution européenne ne l'a pas encore fragilisé et François Hollande essaie de s'imposer face à un Nicolas Sarkozy agressif sur le plan médiatique. Le premier secrétaire du parti socialiste jouit encore de sa victoire aux régionales, d'où l'introduction de l'animatrice « François Hollande, victorieux jusqu'où ? ». « En 2004, il a tout gagné, régionales, européennes, référendum interne sur la constitution européenne (...) que lui manque t-il pour encore s'imposer ? ». Dès le début, l'animatrice présente l'angle de l'émission : mettre le politique face à ses failles pour expliquer sa relative inconsistance. Elle dit ce texte sur les images de François Hollande pénétrant dans le studio : celui-ci ignore à ce moment-là ce qui va être dit. Il ne maîtrise donc pas le dispositif et est déjà mis en difficulté au cas où il voulait imposer une stature de présidentiable. De plus, au moment où il est dans le studio, Pascale Clark remarque son pas décidé comme pour en souligné le caractère superficiel : « François Hollande, pas décidé hum... Bienvenue ! ». L'équipe a préparé comme collation un verre d'eau gazeuse, boisson banale s'il en est, et un biscuit en chocolat : « Et ça, je sais que ce n'est pas très sympa » se permet l'animatrice. Celle-ci, on le devine, souhaite peut être aborder la question de l'embonpoint de son invité. Celui-ci rejette cette proposition par un « mais si, c'est très sympa ». On imagine qu'il ne souhaite introduire sa prestation par une question aussi peu fondamentale. Il souhaite se mettre en valeur. Par contre, en acceptant cette proposition, il aurait sûrement pu la retourner élégamment à son avantage, en jouant avec les mots ou en soumettant une réflexion pertinente. Dès le début, on le sent en fait sur la défensive, et peu décidé à prendre des risques. L'animatrice se permet peu de digressions avec l'homme politique. Les traditionnelles remarques sur le studio sont rapidement évacuées, Hollande donne l'occasion de rappeler qu'il est déjà passé « Ca a changé depuis... », et se dirige naturellement vers le canapé. Là, il adoptera une posture rigide, et un regard fixe. Les hommes politiques, comme les animateurs d'ailleurs, habitués à jouer du regard face à la caméra, sont souvent déstabilisés par le dispositif d' En aparté. D'où parfois cette rigidité qui traduit une certaine gêne. L'animatrice est assez efficace : elle pose une question qui sera le fil conducteur de tout l'entretien : « C'est une question que je me suis souvent posé...Comment les hommes politiques font pour tenir le coup ? ». Ici, l'animatrice se met dans la position du citoyen. Elle ne souhaite pas aborder certains points du programme mais la force de l'homme politique. Se pose ici la question de l'autorité : l'autorité du média, incarné par Pascale Clark, agit comme un médiateur pour les citoyens et souhaite vérifier la crédibilité de « chef » d'un politique. Deux types d'autorité sont donc ici face à face. En parlant à l'animatrice, François Hollande s'adresse à toute une frange de citoyens qu'il souhaite atteindre : le public de Canal plus. Face à ce type de questions, le politique doit donc soigner son discours, tout en paraissant spontané. L'invité essaie de se détendre, s'installe confortablement sur le canapé : « C'est une vie que l'on a choisi (...) on l'organise, parfois mal (...), on n'est pas là pour faire pitié, d'ailleurs, je ne crois pas que l'on fasse pitié ». L'invité saisit l'occasion que lui donne l'animatrice pour faire partager quelques bribes de sa vie privée : il sait très bien que ce sont ces bribes qui intéressent le téléspectateur. « Le dimanche, quoi qu'il arrive, je reste avec ma famille ». Il s'offre une image sympathique aidée en cela par Pascale Clark qui évoque sa « normalité » en citant le moment où on l'a surpris faisant les magasins. Par la suite, l'animatrice revient à son fil conducteur : « Pour commencer, je vais vous parler de vos victoires ». Elle sous-entend que l'entretien s'orientera par la suite vers les échecs. On imagine qu'elle souhaite mettre à l'aise l'invité et paraître « juste ». Elle revêt à ce moment-là l'autorité du juge au sens de Kojève. Pour appuyer son propos, elle projette sur deux écrans, l'un situé derrière Hollande, l'autre devant, une couverture de magazine où figure le même Hollande titré « L'homme de l'année ». Le téléspectateur, par l'effet d'une mise en abyme, voit donc deux Hollande dont l'un se regardant tout en se commentant (voir I). Celui-ci est donc invité à commenter sa représentation, et ce sous un angle flatteur voulu par l'animatrice. Celle-ci lui demande « avez-vous senti que l'on vous regardez différemment ? ». Celui-ci acquiesce : il se sent à ce moment-là à son avantage. Il évoque alors son idée de la politique tout en regardant la couverture : la mise en scène de l'émission confère un effet narcissique à cette évocation : Hollande contrecarre toutes les présomptions de Pascale Clark concernant sa présupposée « faiblesse » : « Et cela vous mets la pression, non ? » « Mais il s'agit d'une bonne pression, une pression démocratique... ». L'invité évacue toutes possibilités de montrer ses failles. Et il a tout intérêt : il n'est pas ici pour susciter une quelconque pitié mais pour s'affirmer tout en se montrant accessible. L'échange relève alors plus de la lutte entre les deux autorités. Hollande répète alors ce que les électeurs lui disent : « Mais on en peut plus de cette droite, parlez plus fort ! ». Pascale Clark en profite pour le faire parler du dialogue avec ses électeurs : « et vous y arrivez ? » « C'est que l'on essaie de faire, là » répond il en se désignant. L'animatrice introduit doucement sa transition vers les échecs de son invité : « Mais vous n'y êtes pas arrivé », « mais vous n'êtes pas très audibles ». L'invité se permet alors une pique vers Jacques Chirac, en évoquant son audition et en désignant ses oreillettes : « Faut peut être l'équiper ! ». Ce type d'éloquence le sert : l'humour peut s'avérer utile pour retenir l'attention du télespectateur-électeur. Il évoque alors Nicolas Sarkozy « ce n'est pas Nicolas Sarkozy qui représente le changement ! ». Cette remarque va aussi servir le fil conducteur de Pascale Clark : il est évident qu'un parallèle avec l'homme fort de la droite allait s'imposer, celui-ci étant le principal adversaire, tant politique que médiatique de l'invité. « C'est curieux que vous évoquiez spontanément ce nom... ». Pourtant, on imagine Hollande parfaitement conscient qu'en intervenant dans un média, on allait parler de Sarkozy. Il se montre donc prompt à expliquer son point de vue concernant son adversaire. L'échange s'en trouve fluidifié. Il se trouve que l'équipe d' En aparté avait préparé un document vidéo intitulé « Hollande-Sarkozy, destins à part », retraçant les parcours des deux hommes ; le but est d'établir entre eux un parallèle. L'invité esquisse un léger sourire : peut être se sent il piégé ou sûrement il s'attendait à ce type de parallèle. Le document, réalisé par David Dufresne, ex-chroniqueur télé à Libération et spécialiste des questions médiatiques, compare les deux hommes : sur leurs âges « Lui et lui, tous les deux de la même génération, 52 ans en 2007 », leurs gestuelles : « Tous les deux les bras qui moulinent », leur profession d'origine « avocats à l'occasion », leur ami commun « entre eux, Christian Clavier, ami de l'un pendant les années lycée, passé depuis dans le clan Sarkozy », leurs épouses « leurs épouses en porte-voix, en porte-chance », leurs carrières « premier siège de député la même année, 1988 » et enfin, pour conclure sur leurs points communs , leur « ennemi intime » :Jacques Chirac et leurs ambitions présidentielles. Le second mouvement du document vidéo s'oriente vers leurs différences : « l'homme pressé et les petits pas, la bonne blague et la férocité, Sarko qu'on sur estime, Hollande qu'on sous estime dit-on, et les deux qu'on guette ». Le document se conclue, d'une manière un peu brusque sur une image de Nicolas Sarkozy qui s'adresse à Hollande d'un air supérieur : « Mais monsieur Hollande, ne vous fâchez pas ! ». On sent dans cette conclusion une manière de provoquer l'invité. Par ce procédé, un autre tiers entre en jeu dans la conversation à deux : l'accepter aurait été d'en souligner son importance. Or, Hollande veut s'imposer en homme fort et rejeter l'omniprésence médiatique de son adversaire. Malgré les ressemblances évidentes établies par le document, Hollande se refuse à les commenter : « Je ne suis pas là pour faire la psychologie de Sarkozy, je vais vous parler de la mienne ». Pour le téléspectateur, ce refus fait sens : Hollande minimise son autorité. Pourtant, il va continuer à parler de lui tout en évoquant Sarkozy : « Je ne suis pas un obsessionnel, je ne suis pas quelqu'un qui pense tous les jours à ce qu'il sera demain ». Dans cette dernière phrase se fait ressentir une certaine perte de spontanéité et d'honnêteté : l'invité hésite, peine à trouver ses mots et dit finalement une banalité : évidemment que l'homme politique, comme tout homme d'ailleurs, pense toujours au lendemain. En voulant absolument s'éloigner de la description de son adversaire, Hollande fait des erreurs de communication. Ces erreurs, dans le dispositif d' « En aparté », sont extrêmement visibles. Pascale Clark profite de cette faille pour aborder le thème qui fâche : « sous estimé...on sent qu'il vous manque quelque chose pour complètement vous imposer ». L'invité, déstabilisé a du mal à répondre. A ce moment là, les caméras perçoivent cette gêne et la mettent en valeur en cumulant les gros plans et les plans sur des jambes qui se décroisent nerveusement. L'invité répond alors par ce que définirai par une erreur de communication : « mais je ne suis pas dans un rapport de séduction, je ne suis pas dans la communication ». Or, Hollande se trouve dans une émission plutôt populaire. Nier la communication de sa démarche ne le sert pas, ce que Pascale Clark remarque justement. Il se reprend alors en précisant qu'il n'est pas dans un rapport narcissique à l'image : l'ombre de Nicolas Sarkozy plane encore sur le plateau d' En aparté.... L'animatrice le met alors en difficulté : « Mais pourquoi pas, ce ne serait pas honteux ! ». François Hollande, agacé, évoque alors Nicolas Sarkozy : « Puisque vous me parlez de lui... ». Il se refuse à parler « comme lui...ou d'autres » à la première personne : « Je ne suis pas dans un rapport égocentrique ». En définitive, Hollande explique son manque de charisme par sa propension à refuser la promotion de soi-même. Lorsqu'il dit « je ne suis pas dans la communication », cette affirmation peut paraître effectivement juste. L'animatrice tente de le suivre dans son sens : « Est ce que votre humour, votre côté enjoué, ne finit il pas nuire à votre crédibilité ? ». « Il faut regarder les choses avec humour. Il y a une part de spectacle que j'assume ». Rappelons que l'invité niait être dans la communication quelques instants auparavant. Hollande est alors filmé en contre-plongée, comme pour accentuer le côté spectaculaire et appuyer son propos. Vient la séquence « diapositives ». Pascale Clark précise « que l'on va continuer à parler politique ». L'animatrice lui fait projeter une image où apparaît un livre polémique « Au secours Lionel revient ! ». L'invité s'esclaffe « Ah celle-là, je l'attendais ! ». Effectivement, le choix des diapositives tient compte des attentes du téléspectateur, qui aimerait connaître l'avis de ses dirigeants sur ce genre d'actualités. Hollande en profite pour glisser : « Je vais vous faire une confidence...puisqu'il en faut ». Ce type de phrase ne peut être qu'attendu dans ce type d'émissions. L'invité sait qu'il doit impliquer le téléspectateur : le « vous » est ici adressé tant à ce téléspectateur qu'à Pascale Clark. Pascale Clark évoque ce livre pour faire parler Hollande du départ de Jospin, sujet qui est assez épineux. On note que la stratégie de l'animatrice est de toujours passer par un autre tiers absent pour faire parler son interlocuteur. Ainsi, l'émission paraît plus attractive qu'une émission politique. Pour parler de la constitution européenne, elle passe par la projection d'une publicité espagnole qui fait appel à des célébrités. On peut dire que le média souhaite retenir l'attention du téléspectateur, et pour ce, il utilise ce type de stratagème. Il donne l'occasion au politique de parler de ses idées sous un angle moins rébarbatif. Pascale Clark en profite pour parler de Laurent Fabius -toujours ce recours à un autre tiers- pour aborder les questions d'inimitié au sein du parti. L'invité se montre alors gêné : on voit qu'il cherche la caméra des yeux. Pour se rattraper, il adopte une gestuelle dynamique, tente de parler avec conviction, expose ses idées... Pascale Clark (après un temps): « J'ai failli m'endormir ». La présentatrice provoque son invité par cette remarque, comme pour lui rappeler d'être plus concis. Cette remarque nuit à la crédibilité de l'argumentation qu'il a déjà eue du mal à développer. La caméra insiste sur la posture qu'il prend sur sa chaise, par le biais d'un plan d'ensemble : on voit que ses pieds ne touchent pas terre. Enfin, Pascale Clark projette un encart du magazine Elle où est écrit « Astro 2005 ». Par ce biais, l'animatrice aborde la question du couple Hollande-Royal : « 2005, c'est l'année du mariage, non ? ». Elle passe un peu abruptement de la politique à des questions plus intimes : le dispositif des diapositives permet ce type d'enchaînements. François Hollande limite sa réponse aux questions politiques de son couple. L'animatrice insiste sur les problèmes que poseraient une éventuelle concurrence entre les deux partenaires « Ne faites pas semblant de ne pas comprendre ! ». On sent que le caractère consensuel de la réponse de son invité l'énerve. Elle se permet donc d'être plus brutale dans ses questionnements. François Hollande finit cette séquence avec une pointe d'humour qui rattrape son malaise : « Mais cela va être même plus facile avec Ségolène, je vis avec elle et non avec les autres prétendants ! ». Vient ensuite la séquence du disque : l'invité paraît plus à l'aise ; j'ai néanmoins remarqué à ce moment là qu'il était en costume, ce qui lui donne un aspect assez rigide, surtout lors de cette séquence. Il se permet là encore quelques piques d'humour, appuyé par l'animatrice. L'échange est bien plus détendu, Hollande choisit la bande originale de « L'un reste, l'autre part », comme un ultime pied de nez à ses adversaires. En prenant sa photographie, il offre encore une plaisanterie : « Je vais chercher le petit quelque chose ». L'échange entre l'invité et l'animatrice s'est donc révélé houleux : on a senti Hollande mal à l'aise, parfois maladroit. Il avait parfois du mal à rendre attractif ses propos. L'animatrice l'a souvent mis en difficulté. L'exercice est ardu : il faut rendre naturel une prestation qui ne l'est pas, tout en lâchant un peu de spontanéité. Pourtant, il y a une réelle différence entre le début et la fin : l'invité paraît bien plus sympathique au fur et à mesure. L'animatrice a donc livré une émission où on a pu observer le type de tempérament, plutôt bonhomme, de François Hollande. La mise en scène a accentué son manque de charisme mais Pascale Clark lui a donné l'occasion de se justifier et de montrer son humour. L'entretien était donc fortement orienté, mais orienté vers ce que le média suppose des attentes du public. L'homme politique, plus que tout autre invité, s'adresse plus particulièrement au tiers téléspectateur. Le média, incarné ici par Pascale Clark, jouit d'un réel pouvoir : il peut faire et défaire la réputation d'un politique par l'orientation des questions. Cependant, l'émission n'est pas considérée comme un guet-apens par les personnalités, grâce au talent de l'animatrice qui revêt l'Autorité du Juge : juste et équitable, elle est le porte-parole du public, et parfois du citoyen. Son importance est donc réelle. Un rapport de force se crée mais un rapport nécessaire pour accoucher non pas de ce que dit Hollande (qui reste finalement assez banal), mais de la manière dont il le dit. Le public juge alors de sa prestance ; cela peut donc entretenir aussi le climat de « communication à tout va » qui a tendance à régir notre politique contemporaine. Il ne faut donc rester lucide sur les qualités de cette émission, qui entretient l'excès de personnification dans la politique. * 115 « La fenêtre et le miroir », Dominique Mehl, Documents Payot, page 31 * 116 « La notion de l'autorité », Alexandre Kojève, éditions Gallimard, page 15 * 117 « Le pouvoir du silence et le silence du pouvoir » in « médiamorphoses n°8 », Danielle Duez, page 82 * 118 Ibid page 78 * 119 « La télévision de l'intimité », Dominique Mehl, page 167 * 120 Ibid page 167 * 121 « La télévision et ses mises en scène », Hélène Duccini, éditions Armand Colin, 1999, page 58 * 122 Ibid page 47 |
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