Université Montesquieu
Bordeaux IV
Institut d'administration des
entreprises
L'influence des facteurs
culturels sur le choix d'investissement
Mémoire pour l'obtention
Du Diplôme d'Etudes Approfondies en Sciences de
Gestion
Elaboré par :
Directeur du mémoire :
Ghazwan ALI
Professeur Gérard HIRIGOYEN
Année universitaire : 2003/2004
DEDICACE
A ma chère mère qui est toujours pour
moi une source de motivation, d'inspiration et qui a su me fournir les
meilleures conditions de réussite,
à toute ma famille,
à tous mes amis
et
à tous ceux qui m'ont
aidé.......
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier tout particulièrement le
professeur Gérard HIRIGOYEN de m'avoir admis dans le
cycle de D.E.A de sciences de gestion, de m'avoir initié à une
discipline si riche et si proche de la réalité qui est la finance
organisationnelle et enfin d'avoir accepté d'encadrer mon mémoire
dont le sujet a fait l'objet d'un consentement mutuel.
Je remercie aussi les professeurs et les maîtres de
conférences qui ont assuré les cours de D.E.A de l'année
universitaire 2003- 2004, qui ont chacun d'entre eux, contribué à
sa façon et avec ses savoirs à enrichir mes connaissances en
matière de sciences de gestion.
Enfin, je remercie tout le personnel de l'infothèque de
l'IAE pour leur travail qui m'a été fort utile pour retrouver la
documentation nécessaire pour la rédaction de ce mémoire.
FICHE D'ANALYSE DU MEMOIRE
Titre : L'influence des facteurs
culturels sur le choix d'investissement
Auteur : ALI Ghazwan
Directeur de recherche : HIRIGOYEN
Gérard
Date de parution : 30 JUIN 2004
Editeur : Université Montesquieu -
Bordeaux IV , Institut Régionale de gestion et
d'administration des entreprises(IRGAE)
RESUME
Dans un monde qui se développe rapidement, l'entreprise
est appelée davantage à intégrer plus de facteurs
qualitatifs dans ses décisions en particulier la décision
d'investissement qui est la décision la plus importante pour la survie
de l'entreprise. Parmi ces facteurs non financiers, les facteurs culturels
occupent la première place.
L'univers des différences culturelles paraît
souvent aux entreprises déroutant, inépuisable de
complexité, insaisissable. Il n'est guère visible au premier
abord, tant en apparence la technique est partout la même et les
pratiques de gestion standardisées à l'échelle de la
planète. Plus l'internationalisation devient réalité, plus
il est claire que les cultures demeurent.
Ce travail de recherche est focalisé sur la
décision d'investissement dans ses dimensions culturelles et sur la
contribution de ces dernières dans la limitation de la
rationalité du décideur. L'objectif essentiel est donc de
démontrer l'influence des variables culturelles sur la décision
d'investissement au sein de l'entreprise. Le dirigeant qui est le
décideur principal dans l'entreprise ne se limite jamais à un
technicien des critères mathématiques financiers de la
décision d'investissement. Il prend souvent ses décisions selon
des représentations subjectives de la réalité.
Mots clés :
Théorie des coûts de transaction, théorie de
l'agence, décision d'investissement, culture de l'entreprise, culture
nationale, rationalité limitée, dirigeant, schéma mental,
biais cognitif, gouvernement et gouvernance de l'entreprise, choix
d'entrée, confiance, distance hiérarchique, contrôle de
l'incertitude, temps, rapport à l'argent, religion.
PLAN DU MEMOIRE
Introduction générale
Partie(1) : L'évolution de la culture
à travers les théories économiques et
organisationnelles
Chapitre I. La place du facteur culturel dans les
théories économiques et organisationnelles
Section I. L'absence de la culture dans la
théorie économique classique
1. Les hypothèses de la théorie
économique classique
2. La firme point technico- économique :
conceptions mécanistes de Taylor à Fayol
3. Inefficience de la notion de culture dans cette perspective
Section II. La remise en cause processive des
hypothèses de la théorie standard et ses conséquences sur
la théorie des organisations
1. L'Ecole des Relations humaines et la
contingence culturelle
2. L'approche béhavioriste de
l'organisation et la culture
3. Les approches contingentes de
l'organisation et la culture
4. L'approche systémique et la
culture
Chapitre II. La notion de culture et les approches
institutionnalistes
Section I. Le facteur culturel dans l'ancien-
institutionnalisme
1. L'approche de Veblen
2. L'approche de Commons
3. L'approche de Mitchell
Section II. Le facteur culturel dans la perspective de
la Nouvelle Economie Institutionnaliste
1. La théorie des coûts
d'agence et référent culturel
1-1. La problématique et les
coûts d'agence
1-2. L'impact de la culture sur les coûts
d'agence
2. La théorie des coûts de
transaction et le référent culturel
2-1. Les hypothèses qui fondent
l'émergence de coûts de transaction
2-2. Impact de la culture sur les
coûts de transaction et le choix des structures de gouvernance
Partie (2) : Les facteurs culturels comme un
filtre des choix d'investissements
Chapitre I. La
rationalité culturellement limitée et la décision
d'investissement
Section I. Les principales caractéristiques du
concept de culture d'entreprise
1. Le concept de culture
d'entreprise
2. De la culture de l'entreprise à la culture
dans l'entreprise
3. La culture et les conditions de l'efficacité
de l'entreprise.
Section II. La formulation des relations entre la
rationalité et la culture
1. La « rationalité limitée » et les
« frontières à la rationalité »
2. L'apprentissage et l'adaptation à long terme.
3. La culture et la possibilité de prendre la
décision d'investissement
A. La prise de décision sur la base d'une
représentation subjective de la réalité
B. Le biais cognitif comme alternative aux hypothèses
d'enracinement du dirigeant
Chapitre II. L'influence de la culture nationale des
entreprises sur le choix du mode d'entrée sur les marchés
étrangers
Section 1. La culture comme facteur d'inertie de
l'évolution des systèmes des gouvernements des entreprises((
étude comparative))
1. Le modèle japonais
2. L e modèle allemand
3. L e modèle anglo- américain
4. Le modèle français
Section II. Les éléments de la
différenciation culturelle des pays et leur impact sur le choix du mode
d'entrée sur les marchés étrangers
1. le mode d'intensification et d'appartenance des
individus
1-1. Appartenance monochrone ou polychrone
1-2. Le support de l'appartenance
2. Le positionnement des individus les uns par
rapport aux autres
2-1. La présomption de confiance ou de
méfiance
2-2. La distance hiérarchique
3. le positionnement des individus par apport aux
éléments naturels dont particulier le temps et la religion
3-1. la maîtrise des éléments
naturels et le contrôle de l'incertitude
3-2. L'intégration du temps dans les
calculs de la valeur de l'investissement
4. les objectifs économiques des
individus
4-1. Le rapport à l'argent (les dimensions
matérielles, spirituelles et intellectuelles)
4-2. La création ou la distribution de richesse
4-3.L'obtention d'un capital relationnel ou d'une
rémunération
Conclusion générale et perspective de
recherche
Bibliographie
Introduction générale
1. Présentation et
originalité du sujet
La décision financière dans l'entreprise se
compose de trois décisions principales à savoir : la
décision d'investissement, la décision de financement et la
politique de dividende. La décision d'investissement qui est
influencée par les deux autres composants de la décision
financière (la décision de financement et la politique de
dividende) occupe une place centrale dans l'entreprise. Pour maintenir, voir
développer sa prospérité à long terme, l'entreprise
se doit généralement d'investir (M. Cornick et PH. Dardenne,
2000). La plupart des auteurs en gestion financière considèrent
d'ailleurs que les décisions d'investissement constituent les
décisions les plus importantes dans l'entreprise (M. Harris et A. Raviv,
1996, p.1139). Elles permettent en fait aux dirigeants d'influencer la
composition future des actifs de l'entreprise et de peser sur les orientations
stratégiques de celle- ci (E. Segelod, 1995, p.15)1(*). Dès lors, il importe
d'étudier et d'essayer de mieux comprendre le processus dans lequel
l'entreprise prend ces décisions.
G. Charreaux (2001) montre que les thèmes de la
création de la valeur et du développement durable
reçoivent un écho croissant, que se soit dans la grande presse ou
dans la littérature académique alors que celui de
l'investissement semble apparemment délaissé, bien qu'il est au
centre de la création de valeur.
De fait, l'approche dominante de la gouvernance de
l'entreprise, inscrite dans la perspective financière traditionnelle, se
préoccupe principalement de la mesure de la valeur créée
par les sociétés cotées dans une perspective actionnariale
et admet implicitement que le mécanisme fondamental de la
création de valeur réside dans la discipline des dirigeants. Dans
cette vision idyllique, à aucun moment, on ne s'interroge sur l'origine
des projets d'investissement : l'ensemble des projets émerge de
façon exogène et seuls les conflits d'intérêts
opposant les actionnaires aux dirigeant peuvent conduire à une politique
d'investissement sous optimale en raison de l'existence d'une asymétrie
d'information, traitée d'une façon très naïve. Selon
cette perspective, d'ailleurs, la question de l'investissement se résume
à l'évaluation, c'est- à- dire à l'actualisation
d'une chronique de flux anticipés.
Mais, dans la réalité, le choix d'investissement
ne se réduit pas à l'application mécanique d'un
critère d'évaluation. Comme le fait remarquer A.V. Thakor (1993,
p.135) : « les firmes ne réalisent pas toujours
l'ensemble des projets disponibles à VAN
positive ; dans certains cas, elles rationnent leur capital. Les firmes
accordent une grande attention à la façon dont les
décisions d'investissement sont prises (.....). Et la manière
dont le projet est financé a des implications importantes. Cette
préoccupation d'expliquer les décisions d'investissement telles
qu'elles se prennent en réalité ne faisait finalement que rendre
les conclusions établies par Bower dès 19702(*). Or, comme le notent
également et plus récemment M. Harris et A. Raviv (1996, p.1143),
on trouve étonnamment peu de travaux théoriques sur les processus
d'investissement3(*).
De même, Les critères de la décision
d'investissement ne sont pas universels. Des critères adaptés
pour une organisation particulière dans un environnement donné
peuvent se révéler non pertinents dans d'autres types
d'organisation et d'environnement. Au delà des caractères qui
permettent de décrire objectivement ce dernier (par exemple les
règles légales, les réseaux financiers, les accords de
réseaux....), la représentation cognitive, subjective,
que s'en fait le dirigeant conditionnent également le processus
d'investissement (G. Charreaux, 2001).
Un grand nombre des études ont été
effectué dans l'objectif de comparer les pratiques des entreprises en
matière de leur choix d'investissement. Dans ce cadre, M. Cornick et PH.
Dardenne(2000) montrent, dans leur article ayant pour thème
« La décision d'investissement :une comparaison des
pratiques aux Etats- Unis et en Europe », qu'il y a, dans toutes les
grandes entreprises, américaines et européennes, une certaines
standardisation des pratiques d'évaluation qui échappent aux
barrages culturels nationaux. Mais ils découvrent aussi
plusieurs facteurs de différences, démontrant une plus grande
sophistication de l'évaluation menée outre- Atlantique. Les
auteurs montrent aussi que si l'importance accordée par les dirigeants
américains aux critères comptables et financiers est moindre,
il se peut que d'autres critères( en particulier des
critères qualitatifs et non financiers) aient plus de poids dans la
décision d'investissement.
Dans les travaux de gouvernance comparée sur le plan
international (notamment, R. La Porta et ali. 1997b, 1998b), on s'interroge, en
particulier sur le rôle des contraintes légales pour
préserver les investissements des actionnaires. Ainsi R. La Porta et
ali. (1998b) concluent que la meilleure protection est offerte par les pays
anglo- saxons de common law. Inversement, la
protection serait particulièrement 4(*)médiocre dans les pays ayant adopté
le système français, les pays
germaniques et scandinaves se situant dans une position
intermédiaire. On peut cependant prétendre que la protection des
investisseurs repose également sur le respect volontaire des engagements
pris, donc sur les mécanismes de confiance, les relations entre
mécanismes formels et informels pouvant être de
complémentarité ou de substitution. Selon F. Fukuyama (1994), les
mécanismes de confiance joueraient également très
différemment selon les pays, ce qui est corroboré par les
résultats de l'étude de R. La Porta et ali.
(1997c) : les pays dominés par des systèmes
organisationnels religieux à fort pouvoir hiérarchique (le
catholicisme, par exemple) seraient également
défavorisés5(*).
Les cultures nationales ne sont pas sans effet, et sont
d'ailleurs en partie liées aux cultures et aux fonctions principalement
mobilisées dans l'entreprise. Y. Lu et R. Heard (1996) constatent qu'en
Grande Bretagne les financiers jouent un rôle de premier plan dans la
représentation des projets et dans l'évaluation de leur
rentabilité, alors qu'en Chine ce sont les ingénieurs qui sont au
premier plan dans ces parties du processus de décision. D'une
manière générale, les cultures agissent comme filtres
cognitifs et les différences culturelles créent des
difficultés de communication informelle (A. Desreumaux et P.
Romelaer, 2001).
D'où l'originalité de cette recherche est
d'essayer, d'une part, de trouver, parmi les facteurs qualitatifs et non
financiers, des variables culturelles ayant l'influence sur le choix
d'investissement. Et d'autre part, d'analyser la décision de
l'investisseur étranger qui préfère sous l'influence de la
distance culturelle certains pays à d'autres, même si
l'évaluation financière est compatible pour les deux pays.
Sachant que malgré l'existence d'un grand nombre de travaux
théoriques sur la culture et la culture de l'entreprise en tant qu'un
facteur de performance, la décision d'investissement n'était pas
traitée dans sa dimension culturelle.
2. L'intérêt
théorique du sujet
En partant des théories
organisationnelles(l'école des relations humaines, les approches
béhavioristes de l'organisation, les approches contingentes de
l'organisation et l'approche systémique) qui ont remis en cause les
théories économiques classiques et en se focalisant ensuite sur
la théorie de l'agence(M.C. Jensen et W.H Meckling, 1976) et celle de
transaction(R.H Coase,1937 et O. Williamson, 1985), nous essayerons de
proposer, à partir des développements déjà
existants sur le processus de décision d'investissement, un
modèle susceptible de refléter davantage l'influence des facteurs
culturels.
La question de maîtriser cette influence et des
méthodes pour y parvenir exige de comprendre l'évolution de la
notion de la culture au sein des théories économiques et
organisationnelles étant donné que la théorie
financière, en matière de choix d'investissement, s'est
limitée sur des critères objectifs (absence des facteurs
culturels) tels que la VAN et le TRI.
A partir de là, il serait judicieux de montrer la
place des facteurs culturels dans le choix d'investissement et comment ces
facteurs peuvent être considérés comme un filtre des choix
d'investissement.
Cette réflexion ouvre de nouvelles perspectives de
recherche sur le processus d'investissement au sein de l'entreprise sachant que
concevoir l'organisation comme un modèle non linéaire remet en
cause les modalités traditionnelles de la décision
d'investissement. Mais cette recherche pose aussi la question de savoir, si
dans un environnement incertain, il est rationnel de vouloir maîtriser et
intégrer ces facteurs dans le processus de décision.
3. L'intérêt pratique du
sujet
Dans un contexte de mondialisation, le concept de la culture
prend de plus en plus d'ampleur dans la décision financière de
l'entreprise, en particulier le choix d'investissement dont les raison, les
types, les étapes et les critères varient d'une culture à
l'autre.
La prise en compte de la dimension culturelle de la gestion
financière a pour objectif de lui donner du sens, et part
conséquent de la vigueur au rite, et un commencement de tribu
(E.M.Hernandez, 2000, p.58).
De même, l'intégration des facteurs culturels
dans le processus de la décision d'investissement permet de prendre en
compte la personnalité du décideur, son schéma mental, ses
expériences son histoire et son contexte social. Elle permet aussi de
prendre en considération la distance culturelle entre les partenaires et
ses conséquences sur les coûts de transaction, d'agence et
d'opportunité. Une intégration de ces facteurs dans la
décision d'investissement peut constituer une solution pour
l'entreprise.
On remarque une certaine faiblesse au niveau de la recherche
empirique alors que l'intérêt théorique nous amène
forcement au traitement empirique afin d'éclaircir ce
phénomène et s'approcher le plus possible de la
réalité de l'entreprise contemporaine.
Nous entendons par l'élaboration de telle étude
de préparer la piste pour des recherches ultérieures en
particulier la thèse en vue de traiter le problème de la
création d'une entreprise en joint Venture en Syrie. Cette forme
organisationnelle qui a été souvent élaborée par
les investisseurs étrangers comme un mode de pénétration
dans un contexte culturellement différent.
4. La
problématique
On prend normalement la décision d'investissement selon
des critères financiers telles que la VAN et le TRI qui sont des
critères objectifs quantitatifs. Mais dans certains cas, on trouve que
la décision d'investissement ne est pas prise même si les
critères financières sont compatibles. Ce qui nous conduit
à chercher d'autres critères subjectifs qualitatifs
influençant la décision d'investissement au sein de
l'entreprise.
De ce fait, est- ce que les facteurs culturels
influencent la décision d'investissement ?
Si oui, comment et jusqu'à quel point cette
décision sera influencée par ces facteurs ?et quelle est
l'importance relative de chaque variable culturelle dans la décision
d'investissement ?
Est - ce que les critères financiers de la
décision d'investissement sont les mêmes dans toutes les cultures?
G.Charreaux(2001) montre que l'asymétrie d'information
est considérée habituellement comme la source principale de
conflit d'intérêt entre les parties prenantes. Cette
asymétrie d'information est, selon l'auteur, susceptible de créer
des distorsions en matière d'investissement.
La question qui se pose, est - ce que la
différence culturelle provoque une asymétrie d'information entre
les partenaires ? cette différence peut-elle expliquer
le mauvais choix d' investissement ?
Dans ce cadre se pose aussi la question de
l'homogénéité culturelle de groupe qui entoure le
dirigeant et qui participe à la prise de décision. Est-
ce que cette homogénéité culturelle contribue à
expliquer le mauvais choix d'investissement du dirigeant ?
Enfin, La culture nationale du pays
d'origine influence le choix du mode d'entrée sur les marchés
étrangers(U. Mayrhofer, 2002). L'analyse effectuée par l'auteur
confirme la nécessité d'intégrer la variable culturelle
dans les modèles explicatifs du mode d'entrée. Dans ce
cadre, est- ce que la création d'une entreprise en Joint
Venture International est considérée comme mode d'entrée
dans un pays culturellement diffèrent ?
5. L'objectif poursuivi
Nous analyserons, dans ce travail, la décision
d'investissement dans sa dimension culturelle et nous montrerons que le
dirigeant peut, sous l'influence des facteurs culturels, choisir le mauvais
choix d'investissement, tout en refusant le bon.
Après avoir montré la place des facteurs
culturels dans les théories économiques et
organisationnelles (partie (1)), nous aurons essentiellement
deux objectifs à poursuivre (partie (2)):
1-) Comment la culture est- elle
considérée comme un filtre de choix
d'investissement ?
2-) Quelle est l'influence de la
culture nationale des entreprises sur le choix du mode d'entrée sur les
marchés étrangers ?
Dans le premier objectif, nous analyserons la
culture de l'entreprise en tant que facteur de stabilité et de
performance de celle- ci, mais aussi en tant qu'un facteur de limitation de la
rationalité de la décision, en particulier la décision
d'investissement. Dans ce cadre, nous montrerons que le dirigeant est
influencé par son contexte social, ses expériences, son histoire,
sa formation initiale ....etc. Ce qui nous conduira à dire que sa
décision sera prise selon des représentations subjectives de la
réalité dans lesquelles interviennent les facteurs culturels .
Dans le deuxième objectif, nous
montrons que la culture est un facteur d'inertie de l'évolution des
systèmes des gouvernements des entreprises et que la variation de ces
systèmes a des racines socioculturelles. Ce qui nous conduira à
préciser les éléments de la différenciation
culturelle des pays et leur impact sur le choix du mode d'entrée sur les
marchés étrangers.
Partie(1) : L'évolution de la culture
à travers les théories économiques et
organisationnelles
Dans la théorie économique classique,
l'entreprise était une boîte noire ou une fonction de production
à laquelle s'impose de toute façon le marché. L'individu
Homo oeconomicus est considéré comme unité de
décision autonome. Les individus agissent indépendamment de toute
contrainte sociale ou culturelle. Le critère de la décision
était le profit. La firme est ainsi conçue comme un acteur
individuel en ce qu'elle est considérée comme une unité de
décision rationnelle dont l'objectif est de maximiser le profit sous des
contraintes technologiques.
Dans les théories organisationnelles qui ont remis en
cause les hypothèses de la théorie économique classique,
la dimension humaine et culturelle a été prise en
considération dans les décisions effectuées au sein de
l'entreprise. Dans la théorie des relations humaines, on trouve, selon
Mayo, que le profit n'est pas la motivation ultime et unique des acteurs des
organisations. L'objectif de maximisation est remis en cause et celui de
satisfaction lui est substitué dans les approches béhavioriste de
Cyert et March. Lawrence et Lorsch conçoivent, dans leur approche
contingente, l'organisation comme un système ouvert composé de
trois sous systèmes scientifique, commercial et techno-
économique qui ont chacun des caractéristiques structurelles
telles que la nature de leurs objectifs, leur orientation temporelle, leur mode
relationnel et leur degré de formalisation. Enfin, dans la
systémique, Fons Trompenaars a considéré l'organisation
comme système socioculturel dont les membres sont dotés
d'objectifs propres.
Mais, dans l'économie institutionnelle, la notion de la
culture semble plus claire. Or, dans l'ancien institutionnalisme, la culture
était comme une synthèse d'institutions dont chacune couvre son
propre domaine et sa propre fonction (Walton H. Haamilton,1932). Mais, la
perspective néo- institutionnelle va plus loin dans l'analyse de son
impact sur les coûts de transaction, d'agence et de la sélection
des structures de gouvernance.
Ainsi, pour montrer l'évolution de la culture à
travers les théories économiques et organisationnelles, nous
analyserons, dans un premier chapitre, la place du facteur culturel dans ces
théories et nous montrerons, dans un deuxième chapitre, le
rôle de ce facteur selon les approches institutionnelles.
Chapitre I. La place du facteur culturel dans les
théories économiques et organisationnelles
Après avoir constaté, en premier lieu, l'absence
de la prise en compte de la variable culturelle ou institutionnelle dans les
théories classiques, nous passerons, en deuxième lieu, rapidement
en revue l'évolution des théories de l'organisation à
travers les principales révisions qu'elles opèrent sur les
hypothèses qui fondent l'économie standard. Nous tenterons alors
d'éclairer ces révisions avec la perspective culturelle et les
éléments de contingence supplémentaire qu'elle propose au
modèle standard.
Section I. L'absence de la
culture dans la théorie économique classique
Dans un contexte économique de plus en plus
international et multiculturel, il est surprenant de constater que le facteur
culturel n'a que très peu été intégré dans
les théories économiques et organisationnelles. Celles-ci,
quoiqu'elles constituent le cadre conceptuel de base, reposent sur des
hypothèses restrictives, et développent une conception
limitée de la firme.
1. Les hypothèses de la théorie
économique classique
Dès le XVIIIème
siècle, Adam Smith donnait les prémisses de la micro-
économie traditionnelle en suggérant que la poursuite des
intérêts égoïstes devait conduire à la
réalisation de l'intérêt général. Cette
proposition est fondée sur l'hypothèse d'une
''mains invisible'' qui ferait avancer
l'individu égoïste ''vers une fin qui ne fait
point partir de son intention.[....] En poursuivant son propre
intérêt il fait souvent avancer celui de la société
plus efficacement que s'il y visait vraiment''.6(*)
La micro- économie traditionnelle développe et
formalise en effet cette proposition en posant l'échange marchand comme
le moyen plus efficace de l'allocation des ressources dans un contexte de la
concurrence parfaite dans lequel l'Etat ne doit intervenir que pour assurer ses
fonctions régaliennes.
Les hypothèses avancées par la micro-
économie traditionnelle visent alors la maximisation du profit, commun
à tous les acteurs économiques qui tendent à poursuivre
leur propre intérêt . L'individu ou Homo
oeconomicus constitue donc une ''unité de
décision autonome'', qui est aussi
''maximisateur'' de sa propre satisfaction(P.
Cahuc, 1993).
Elles établissent ensuite le principe de la
rationalité de l'individu qui a la capacité étant
données les contraintes qui s'imposent à lui, d'avoir
accès à l'information puis la volonté d'utiliser au mieux
les ressources dont il dispose dans la poursuite de son objectif.
Le marché est quant à lui
considéré dans un contexte de concurrence parfaite. Cette
organisation se traduit au travers de quatre hypothèses :
v Les échanges individuelles sont négligeables
par apport à l'ensemble des échanges.
v Les produits sont homogènes de sorte que les
acheteurs sont indifférents à l'identité des vendeurs.
v L'entrée du marché est libre de sorte qu'il
n'a pas de collusion.
v Et enfin, la transparence de l'information est de fait
supposée telle que les acteurs économiques sont informés
à tout moment de la qualité et du prix des produits.
La théorie micro- économique étudie donc
le fonctionnement de l'échange marchand entre des acteurs rationnels
maximisateurs en situation de concurrence parfaite. Dans cette perspective, les
individus agissent donc indépendamment de toute contrainte sociale ou
culturelle.
Le modèle walrasien7(*) décrit ainsi le mécanisme de la
formations des prix par le jeu qui s'instaure entre l'offre et la demande. Le
marché permet ainsi en situation de concurrence parfaite d'atteindre un
équilibre caractérisé par une utilisation efficace des
ressources dans lesquelles la satisfaction des acteurs est
maximisée(équilibre de Paréto).
Cet équilibre n'est cependant atteint que sous
certaines conditions concernant notamment la préférence des
consommateurs, la technologie des firmes et l'organisation des marchés
qui nécessite l'absence de monopoles, de biens indivisibles ou encore
les coûts de transactions. Les hypothèses de fonctionnement de
l'équilibre walrasien sont donc très restrictives et
s'avèrent peu efficaces dans leur confrontation avec la
réalité de l'économie.
2. La firme point technico- économique :
conceptions mécanistes de Taylor à Fayol
Dans le contexte de la micro- économie ainsi
décrite, la firme n'est alors qu'une composante de la théorie des
prix et de l'allocation des ressources. Elle se réduit alors selon
l'expression de (B. Coriat et O. Weinstein,1995) à une
''firme point'' ou ''une
boîte noire''8(*). La firme en tant qu'outil de production est ainsi
réduite à une ''firme automate'' qui transforme des ressources en
s'adaptant mécaniquement à son environnement.
En l'absence de progrès techniques, sa fonction se
borne à une fonction de production. Elle a certes aussi la
possibilité de choisir certaines variables d'actions, parmi celles qui
sont à sa disposition, mais celles- ci sont déterminées
par le marché qui s'impose de toute façon à elle. Ce
processus s'opère alors sous l'hypothèse que la firme a elle
aussi une rationalité parfaite, une connaissance et une maîtrise
des techniques optimales, et un accès transparent aux prix donnés
par un marché ''simple et
inerte''9(*). La firme est ainsi conçue
comme un acteur individuel en ce qu'elle est considérée comme une
unité de décision rationnelle dont l'objectif est aussi la
maximisation du profit sous des contraintes technologiques. L'école
classique du management initiée par Henri Fayol(1814-1925) et frederick
Taylor(1856-1915) participent à cette approche mécaniste et
rationnelle de l'économie du point de vue de l'entreprise.
Le premier a jeté les bases de la théorie
administrative en détaillant six groupes d'opérations dans
l'entreprise qu'il qualifie de techniques, commerciales, financières,
comptables, administratives et enfin celles qui sont liées à la
sécurité. Il s'est surtout intéressé aux
problèmes de direction, correspondant aux opérations
administratives, qu'il considère comme décisives pour
l'entreprise. Ces opérations administratives se déclinent alors
en cinq types d'actions que sont celles de ''prévoir'', ''organiser'',
''commander'' et ''contrôler''. Les principes qui permettent alors
à l'entreprise conçue comme un ''corps social'' de bien
fonctionner sont au nombre de quatorze : la division du travail,
l'autorité, la discipline, l'unité de commandement,
l'unité de direction, la subordination des intérêts
particuliers à l'intérêt général, la
rémunération, la centralisation, la hiérarchie, l'ordre,
l'équité, la stabilité du personnel, l'initiative et
l'union du personnel(P. Morain,1999).
Cette théorie conserve donc une approche
mécaniste maximixatrice de l'efficacité de l'entreprise. La
contingence humaine prise en compte concerne l'autorité du chef qui
n'est pas seulement statutaire mais dépend de la capacité du chef
à se faire obéir. Outre cette dimension contingente, l'efficience
de l'organisation repose avant tout sur des règles de fonctionnement
normatives. M.Weber10(*) a
aussi proposé dans le cadre de son oeuvre une théorie des
organisations. Il s'intéresse à l'exercice de l'autorité
et étudie le modèle de l'armée prussienne. Analysant la
structuration de cette organisation en bureaux, il qualifie son modèle
de bureaucratique par opposition aux systèmes qui l'ont
précédé. Dans la même volonté
d'améliorer le fonctionnement de l'entreprise et plus
particulièrement de la productivité afin toujours de mieux
satisfaire l'objectif de maximiser du profit, Fredrick Taylor s'est quant
à lui intéressé avec Babbage, Gantt et Gilbreth à
développer une ''organisation scientifique du travail''11(*). Selon lui,
l'amélioration de la productivité passe par l'accroissement du
rendement du travail de l'ouvrier qui n'est selon lui qu'une question de
méthode. Il développe donc une méthode par laquelle les
tâches des employés et ouvriers sont étudiées,
préparées et fractionnées réduisant ainsi
l'initiative de ceux- ci en augmentant leur rendement. Certes, cette
organisation s'accompagne d'un système de rémunération de
sanction et de promotion librement consenti entre la direction et le personnel
(F. Vatin,1990). Pour Taylor, la prospérité des employeurs et
celles des employés vont de pair :le profit pour l'entreprise, la
hausse des salaires pour les employés grâce à
l'augmentation de la productivité (J.P. Helfer, M. Kalika et J.Orsoni,
2002).
Reste que les individus sont encore considérés
comme des éléments passifs qui s'insèrent
mécaniquement dans une organisation du travail rationalisée. La
seule motivation pour l'homme était l'argent. Non seulement l'homme est
interchangeable mais dans l'organigramme il se réduit à sa
fonction(J. Rojot,2003).
Ces théories administratives et scientifiques du
travail ont certes été à l'origine d'une meilleure
compréhension du fonctionnement de l'entreprise mais elles sont avant
tout normatives et n'expliquent ni l'émergence de la firme dans le
marché, ni ne prennent en compte les contingences humaines,
institutionnelles ou environnementales de son fonctionnement et de son
évolution. L'organisation est conçue comme un outil
mécanique(organon) dont l'objectif est la réalisation
d'objectifs organisationnels de nature technique et économique. Selon
Bernard de Montmorillon et Jean Pierre Pitol- Belin Dans l'approche classique
du management, ''tout se passe comme si les hommes qui
composent l'organisation abandonnaient leurs valeurs, leurs croyances en
pénétrant dans l'entreprise''12(*). L'homme est
assimilé à un animal- machine qui avance avec une carotte et que
l'on sanctionne à l'aide d'un bâton. L'homme ne souhaite qu'une
chose :travailler et ne pas penser, donc accomplir la tâche la plus
simple possible(J.P. Helfer, M. Kalika et J.Orsoni, 2002).En outre cette
approche ignore les interrelations entre l'entreprise et son
environnement.[....].Les problèmes de spécificité,
l'adaptation de l'entreprise aux contraintes de l'environnement, en particulier
par le biais de la structure, semble absents du discours classique.
L'entreprise apparaît comme un système clos fonctionnant selon des
règles préétablies.13(*)
La théorie économique des investissements a
été influencée par le paradigme classique dominant et
s'est développée, selon (M. Nussenbaun,1978), dans deux
directions : une théorie descriptive, définie au niveau des
groupes d'entreprises et de l'économie nationale, qui cherche
l'explications des montants d'investissements au niveau des branches et des
structures et une théorie normative qui propose à l'entreprise
des méthodes rationnelles de choix d'investissements.
La conception de la firme dans les premiers modèles
est la même que la théorie micro-économique, enrichie par
des développements de la théorie financière. L'explication
de l'investissement au niveau des groupes d'entreprises fait intervenir des
variables globales comme le taux d'intérêt, et des variables
caractéristiques des entreprises, mais dérivées des
théories globales telles que les variables d'accélération.
La confrontation avec la réalité et la nécessité
d'aboutir à des modèles prévisionnels, ont conduit les
auteurs à introduire également les variables
caractéristiques de la structures des actifs financiers des firmes et du
risque de leurs activités. Ces données, de nature comptable, sont
publiées par les firmes ayant une structure juridique de
société anonyme. Ces modèles sont le plus souvent de
nature déterministe par suite des difficultés de prise en compte
de l'incertitude.
Les théories normatives reposent elles aussi sur des
concepts et des hypothèses micro-économiques. La firme y est
rationnelle et maximise un seul objectif : le profit. Elle s'est
définie par une fonction de production à laquelle est
rattachée la loi des rendements décroissants ; le milieu
dans lequel elle se trouve est donné par la fonction de demande et se
ramène le plus souvent à la concurrence parfaite. Les
modèles sont de nature déterministe ou bien s'y ramènent
par la définition d'équivalents certains, comme
l'espérance mathématique. L'information est supposée
gratuite et la décision est fondée sur la maximisation du profit
pour un ensemble de choix donné.
3. Inefficience de la notion de culture dans cette
perspective
La question se pose dès lors de la pertinence qu'offre
la présentation du marché et de la firme proposée par la
théorie économique standard si l'on considère l'impact des
cultures nationales ou régionales sur l'organisation.
La visualisation mécanique et déterministe du
marché et de la firme repose en effet sur des hypothèses de
rationalité et de concurrence parfaite ainsi que sur celle de
maximisation du profit. Ces hypothèses évacuent de fait les
imperfections avérées du marché de même que
l'introduction de toute dynamique économique liée aux
comportements des individus ou de la collectivité, à leur
capacité collective et individuelle à générer de
nouvelles règles, à l'adaptation des formes institutionnelles
à la réalité industrielle, et au jeu qui s'instaure entre
les interactions effectives qui prennent place entre les individus et leurs
représentations.
Or, la culture est, selon (D. Bollinger., G. Hofstede,1992),
une programmation mentale qui détermine les comportements et les
objectifs des individus. Elle constitue aussi le référent de leur
rationalité du fait que la culture est considérée comme
des frontières à la rationalité. Ainsi, si nous
considérons que la culture varie d'un groupe à l'autre, leur
rationalité varie aussi (E. Delavallée,1995).. Cette
rationalité culturellement limitée est considérée,
comme nous le verrons dans la deuxième partie, un filtre de choix
d'investissement. Par ailleurs, la notion de la concurrence parfaite qui
s'appuie sur la transparence de l'information peut être remise en
question dans le cas de situations interculturelles du fait que la distance
culturelle, selon (J. Engelhart., S. Eckert, 1999)14(*), augmente l'incertitude entre
les acteurs. Enfin, l'objectif économique premier avancé par la
micro- économie traditionnelle peut lui même être
nuancé par l'interprétation que les individus ont de leurs
intérêts individuels et collectifs, lequel n'est seulement la
maximisation du profit individuel mais peut être influencé par
leur référent culturel. Les activités économiques
sont influencés par le contexte social dans lequel elles sont
imbriquées (U. Mayrhofer., F. Roth,1999).
Si les hypothèses de la théorie
économique des investissements sont acceptables dans le cadre d'un
modèle explicatif du comportement d'un groupe d'entreprises pour lequel
les interactions entre firmes éliminent les caractéristiques
individuelles, elles ne le sont plus lorsqu'il s'agit de fournir un outil de
décision à une entreprise particulière. En effet, une
entreprise est le plus souvent en situation d'incertitude et n'est pas un
centre de décision unique maximisant le profit, mais plutôt une
organisation sociale dont les différents éléments
poursuivent des objectifs qui ne sont pas toujours
compatibles. De plus, les dirigeants ne prennent
généralement pas leurs décisions sur un ensemble de choix
potentiels optimaux, mais sur un ensemble déjà tiré par
les échelons hiérarchiques inférieurs (M.
Nussenbaun,1978).
La décision d'investissement ne peut plus alors
être considérée comme un événement ponctuel,
mais comme un processus qui se découle dans le temps. Il commence par la
prise de conscience d'un problème posé à l'organisation,
il se poursuivit par l'élaboration de l'ensemble de choix proprement dit
et s'achève par la décision finale. En conséquence,
l'optimisation des choix d'investissement suppose non seulement de l'emplois
des critères de choix optimaux, mais également la connaissance du
processus d'élaboration de l'ensemble de choix. Il implique donc
l'étude du processus de décision lui même.
Un modèle complet de la décision
d'investissement doit alors traiter non seulement de la décision finale,
mais aussi des différentes étapes qui y ont conduit. Sachant que
les critères, les étapes, les raisons et les types varient d'une
culture à l'autre (L'hermitte, 1999).
Par ailleurs, les hypothèses de la micro-
économie traditionnelle ont été progressivement remises en
cause non seulement par les institutionnalistes comme nous le
développerons dans le deuxième chapitre de cette partie, mais
aussi par les chercheurs en économie et en théorie des
organisations. En effet, les dysfonctionnements observés entre cette
théorie et la réalité du fonctionnement économique
les ont déjà conduits à cette révision. Nous allons
donc dans un premier temps reprendre rapidement ces différentes
révisions que nous enrichirons de la perspective culturelle avant de
nous concentrer plus particulièrement sur les approches contractuelles
puisque la variation du référent culturel qui influence les
transactions entre individus peut en effet apporter un éclairage
intéressant à la notion de transaction, au coeur des
théories contractuelles.
Section II. La remise en cause progressive des
hypothèses de la théorie standard et ses conséquences sur
la théorie des organisations
La remise en cause de certaines hypothèses fondatrices
de la micro- économie standard ont en effet progressivement permis de
complexifier et d'enrichir la visibilité du fonctionnement des
échanges ainsi que celui de la firme.
1. L'Ecole des Relations humaines et la contingence
culturelle
Dans la construction classique, un aspect
apparaît complètement ignoré :celui des relations
entre les individus. C'est sur cette base que l'école des relations
humaines va se développer (J.P. Helfer, M. Kalika et J.Orsoni, 2002).
Certes, les auteurs de ce courant ont permis d'assouplir le modèle de la
firme ''point'' ou celui de marché ''mécanique'' en introduisant
une contingence liée à la nature de l'individu. Cependant, ils
ont souvent considéré cette contingence de la manière
encore trop mécanique en considérant des règles
universelles du jeu social ou humain. Tout le contexte hors d'entreprise,
familiale, personnel, politique est écarté. Dans ces cas, les
promesses implicites de la théorie sont trompeuses (J. Rojot,2003).
Les travaux que E Mayo(1949)15(*) a conduits à Hawthorne, dans l'usine de la
société Western Electric, lui ont permis de montrer que ce
n'était pas seulement les conditions matérielles de travail qui
permettaient d'influer sur la productivité mais aussi les conditions
psychiques du travail. L'observation des chercheurs s'est faite en interaction
avec le personnel qui s'est trouvé motivé par cette
expérience et a augmenté son rendement. Il a
considéré que la recherche unique du profit n'étaient pas
la motivation ultime et unique des acteurs des organisations. Il a alors mis en
avant l'importance pour le rendement de la participation, de la
coopération et de la discussion au sein des groupes de travail. Ce
faisant, Mayo touche à l'une des hypothèses majeurs de la micro-
économie standard, à savoir, l'existence d'individus
maximisateurs ayant pour seul objectif le profit. Il introduit une contingence
quant aux motivations des individus au travail.
Le profit n'est alors pas la seule
motivation. On trouve dans les travaux de Bollinger, et Hofstede (1992)
d'autres motivations au travail tel que la motivation par les performances, la
motivation par la sécurité, les besoins de socialisation dans des
relations chaleureuses et les besoins de se distinguer. Selon ces auteurs, les
motivations varient d'une culture féminine à une culture
masculine.
A.H. Maslow(1954)16(*) approfondit encore l'analyse
de Mayo relative à la motivation des individus dans l'organisation en
mettant en place une pyramide qui hiérarchise les besoins humains des
plus fondamentaux aux plus élaborés. Il commence ainsi par
énoncer les besoins physiologiques qu'il fait suivre par les besoins de
sécurité, d'appartenance d'estime et enfin d'accomplissement. Si
la définition d'une échelle de besoins permet d'introduire un
facteur humain et non plus seulement mécaniste dans la performance
organisationnelle, la question de l'universalité de sa
hiérarchisation peut être alors remise en cause par la perspective
culturelle, particulièrement aux niveaux les plus élaborés
(Bollinger D et Hofstede G (1992), Hofstede G,(1980)).
Selon ces auteurs, cette pyramide des
besoins humains montre une structure culturelle sous- jacent qui est la
suivante : à la base, et tout d'abord, les pays doivent avoir un
faible degré de contrôle de l'incertitude (n'avoir peur de
l'avenir), puis pour réussir selon la hiérarchie, il faut un fort
degré de masculinité et enfin, pour arriver au sommet,
posséder un individualisme forcené : n'est- ce pas la
mentalité américaine ?
Ainsi la force du besoin d'appartenance dans un contexte
culturel collectiviste polychrone est certainement susceptible de passer avant
les besoins d'accomplissement sinon d'estime alors que l'on peut constater
l'inverse dans un environnement culturel individualiste monochrone (USA). Outre
leur intensité, ces besoins peuvent aussi prendre des formes
différentes, l'appartenance se manifestant par rapport à la
référence familiale restreinte dans certains contextes culturels,
ou à la référence familiale élargie dans certains
autres.
De même, K. Lewin(1951)17(*) introduit aussi l'acteur individuel au centre de
l'organisation en montrant que le comportement du groupe est induit par le chef
et que par conséquent le style de direction (leadership) est
déterminant pour le fonctionnement et l'efficacité de
l'organisation.
Dans le prolongement de ces travaux, R. Likert(1961)18(*)essaie d'établir un
nouveau type d'organisation plus performant. Celle-ci doit être
centrée sur le groupe au travail et non plus sur l'individu et
intègre les valeurs individuelles de chacun. Il oppose le système
participatif par groupe aux systèmes autoritaires, exploiteurs,
paternalistes et consultatifs. L'articulation se fait par l'appartenance de
chaque membre de la hiérarchie à deux groupes(le linking pin,
récemment redécouvert).
G. Hofstede(1987) montre qu'en France et en Belgique, les
subordonnés, en règle générale, refusent de
participer. Ils attendent que leurs dirigeants se conduisent en autocrates, en
sorte que, par leur conduite, ils rendent difficile à leur dirigeants
toute autre type de conduite. La direction participative est très rare
en France et en Belgique. Mais, la société est en même
temps collectiviste, il peut exister pour les subordonnés des moyens qui
leurs permettent d'influer sur leur chef en tant que groupe. Cela est aussi
vrai pour tous les pays d'Asie
Enfin, en gardant toujours l'axe de motivation au travail,
McGregor(1960)19(*) prend
l'hypothèse que l'homme est naturellement paresseux et éprouve
une aversion congénitale pour le travail qu'il n'effectue que sous
l'influence de sanctions. Il n'a alors ni ambition, ni initiative et
préfère être en ce sens dirigé en optant pour la
sécurité. Le but pour la direction est alors de produire des
conditions de travail qui favorisent la réalisation des objectifs de
l'individu tout en faisant converger leurs objectifs vers ceux de la firme.
Reste que la perception de l'attitude naturelle de l'homme par apport au
travail est ainsi considérée comme une hypothèse
universelle par McGregor. Celui- ci n'envisage ainsi nullement qu'elle peut
être culturellement variable ainsi que le montre Adler ou Hofstede pour
qui les cultures valorisent différemment le travail, certains
intégrant plutôt la formule du ''travail au service de la vie'',
tandis que d'autres lui préfèrent celle de ''la vie au service du
travail''.
Dans la lignée de McGregor, F. Herzberg et
ali.(1959)20(*) avance
alors que les conditions de travail optimales pour réaliser les
objectifs de l'entreprise s'obtiennent dans la mesure où l'individu
s'épanouit en se valorisant. Ce résultat peut être obtenu
en prenant en compte cinq facteurs de satisfaction au travail que sont
l'accomplissement de ses capacités, la reconnaissance par les auteurs
des résultats obtenus, la nature et l'intérêt du travail
effectué, la responsabilité de l'individu, sa promotion et enfin
la possibilité de développement. De même, il établit
plusieurs facteurs de mécontentement ou d'ambiance qui inhibent la
motivation des individus et qui sont la politique et l'administration de
l'entreprise, le profit de supérieur, la rémunération, les
relations entre personnes, les conditions de travail, la sécurité
de l'emploi, la vie privée et finalement le prestige.
Cette dernière approche est intéressante car
elle permet comme les autres approches de l'école des relations
humaines, de mettre en place des facteurs humains de variabilité de la
performance des individus et donc l'organisation. Elle ne pousse cependant pas
l'analyse jusqu'à considérer les causes de cette
hiérarchisation des conditions énoncées. Ainsi, les cinq
facteurs de satisfaction au travail peuvent être pondérés
et déclinés différemment d'une culture à l'autre de
même que les facteurs de mécontentement.
L'Ecole des Relations Humaines a donc contribué
à faire évoluer la conception mécanique de la firme vers
une conception plus organique en introduisant une contingence de type humaine.
En effet, elle a l'avantage de replacer l'individu, l'homme, au centre de
l'organisation. Elle a mis en évidence l'importance des relations dans
les groupes et entre les groupes (J. Rojot,2003).Mais elle a aussi
indirectement contribué à ouvrir la voie d'une contingence de
type culturel dans la mesure où elle questionne les motivations et donc
les attitudes et valeurs des individus au travail.
En résumé, cette brève
revue des analyses proposées par l'Ecole des Relations Humaines est
particulièrement intéressante dans la perspective de l'approche
culturelle car elle introduit, à travers la variabilité des
motivations des individus au travail, l'impact des valeurs et des comportements
individuelles ou collectifs sur la performance des organisations. Elle ne va
cependant ni jusqu'à analyser la potentielle variation des facteurs de
motivations selon les cultures, ni à considérer le jeu interactif
et dynamique d'influence qui peut se produire entre les valeurs culturelles et
l'évolution des formes organisationnelles.
2. L'approche béhavioriste de l'organisation
et la culture
Une autre remise en cause importante des
hypothèses classiques concernant l'individu a été
amorcée par Simon puis développée par Cyert et
March(1963). Le premier introduit la notion de rationalité
limitée des individus dont la capacité à recevoir, stocker
et traiter les informations est physiquement limitée. March et Simon
considèrent que dans une situation donnée, le choix est toujours
exercé au regard d'un schéma simplifié, limité et
approximatif de la situation réelle. Cette simplification provient de
l'incapacité humaine à formuler et à résoudre des
problèmes complexes Dès lors, l'objectif de maximisation est
aussi remise en cause et celui de satisfaction lui est substitué.
L'entrepreneur ne maximise plus son profit mais recherche un niveau de
satisfaction laquelle est liée au niveau subjectif de ses aspirations.
Sa connaissance des prix et des coûts est incomplète et, il ne
peut prendre en compte qu'un nombre limité d'hypothèses afin de
formuler ses choix. Cette perspective permet alors d'introduire la culture
comme cadre de référence et donc de limitation de la
rationalité des acteurs. De ce fait la rationalité est
culturellement limitée (E. Delavallée,1995).
Cette hypothèse est très importante pour la suite de notre
développement dans la mesure où cette référence
culturelle limite le choix d'investissement.
L'école béhavioriste,
essentiellement mise en place par Cyert et March remet alors en cause la
conception d'une organisation prise comme un acteur économique
doté d'objectifs propres afin de la considérer comme
''coalition interactive de différents groupes
d'individus aux objectifs conflictuels''21(*).
Les deux auteurs considèrent qu'il
est tout d'abord nécessaire d'élaborer des théories
élémentaires qui expliquent comment l'entreprise établit
ses objectifs, ses prévisions et fait ses choix. Ils peuvent ensuite
analyser comment les firmes résolvent leurs problèmes et font
leur apprentissage en tirant les leçons de l'entreprise.
Les principaux objectifs étudiés sont la
production, les ventes, les stocks, la part de marché et le profit.
L'étude des objectifs consiste à déterminer comment ils
forment et évoluent dans le temps. L'organisation étant
définie comme coalition d'individus ou de sous- groupes, les objectifs
de la coalition sont ceux de ces membres ; la théorie de Cyert et
March ne suppose pas qu'il y ait, à l'intérieur de la coalition,
un accord sur les objectifs, mais uniquement une volonté de
réaliser pour chacun d'eux, une performance(niveau d'aspiration).
Cyert et March caractérisent le processus par lequel les
objectifs de l'organisation se modifient lorsque de nouveaux participants
entrent dans la coalition ou lorsque des anciens membres la quittent. Les
objectifs n'étant évoqués qu'à propos de
problèmes particuliers, on peut considérer qu'ils se
révèlent lorsque l'organisation examine un problème et non
à priori.
Les niveaux d'aspiration relatifs à chacun des
objectifs dépendent de l'objectif passé de l'organisation, de son
mode de fonctionnement passé et de la façon dont fonctionnent des
organisations comparables. Les objectifs ne sont pas satisfaits
simultanément, mais de manière séquentielle. Les risques
d'éclatement de la coalition qui peuvent survenir à la suite de
la non satisfaction de certains d'entre eux sont atténués par
l'existence dans l'organisation de ce que Cyert et March appellent un
excédent organisationnel. Celui- ci apparaît lorsque le total des
avantages (rémunérations et avantages non
monétaires)dépasse le minimum requis pour le maintien des membres
dans la coalition. Cet excédent est réduit pendant les
périodes difficiles de la vie des organisations. Ainsi, grâce
à l'excédent organisationnel, les conflits entre les membres de
la coalition, sont maintenus à un niveau acceptable par l'organisation.
Les prévisions dépendent des informations
recherchées par la firme et donc, de son système d'information.
L'excédent organisationnel agit sur l'intensité de cette
recherche et par là même, sur son mode. La procédure la
plus couramment employée pour effectuer ces prévisions est
l'extrapolation linéaire qui ne prend en compte que le passé.
Dans cette perspective, il devient essentiel de prendre en
compte la stratégie des acteurs et des coalitions d'acteurs et pour cela
de définir des intérêts des groupes en jeu ainsi que le
processus de résolution de conflit qui doit se mettre en place entre ces
groupes afin de réaliser la prise de décision.
Une fois encore dans cette perspective, la firme point
disparaît pour faire apparaître le jeu des acteurs et donc la
référence culturelle à partir de laquelle ils
définissent leurs objectifs et agissent. Ainsi, le mode et la force de
l'appartenance à un groupe influencent la mise en place des coalitions
et leurs niveaux d'objectifs de même que les modes d'interactions et de
résolution de conflit entre les acteurs et les coalitions d'acteurs.
La dernière théorie élémentaire
concerne les choix. Ils sont considérés par les auteurs comme des
réponses à des problèmes perçus par l'organisation.
Cette perspective dépend des règles de fonctionnement de
l'organisation, face à un environnement incertain. Le processus de choix
est lié à l'excédent organisationnel et à
l'expérience qui intervient directement pour déterminer les
éventualités prises en compte. La résolution du
problème se fait à l'aide de procédures standard et de
règles ad hoc. La plus part du temps, la première
solution satisfaisant aux niveaux minima d'acceptabilité pour l'ensemble
des critères est retenue.
Les objectifs, les prévisions et les choix sont
désignés par Cyert et March du nom de variables
organisationnelles. Après les avoir définies, les auteurs peuvent
étudier des processus qu'ils appellent relations, mettant en jeu ces
variables.
La première concerne la résolution du conflit.
Les objectifs de la coalition ne pouvant tous être atteints
simultanément, le conflit subsiste en son sein, au moins partiellement.
Les procédures employées ne réduisent pas tous les
objectifs à une seul dimension et ne permettant pas d'atteindre un
niveau satisfaisant de compatibilité interne. Cyert et March
désignent cette solution de quasi résolution du conflit. Elle
correspond à une prise en compte séquentielle des
différents objectifs avec une rationalité partielle et des
règles arbitraires quant à l'acceptabilité des
décisions. En examinant ces problèmes successivement et non
simultanément, l'organisation peut ainsi résoudre les conflits
les plus urgeants, laissant cependant les autres grâce à
l'excédent organisationnel.
La rationalité partielle consiste, à la suite de
la division du travail, à séparer les problèmes globaux en
sous- problèmes, et à résoudre chacun de ces
problèmes en satisfaisant aux niveaux d'aspiration minima. Ces
décisions locales ne sont pas toujours entièrement compatibles.
L'organisation accepte cette situation qui est inhérente à son
processus de résolution des problèmes. Les décisions qui
en résultent ne constituent cependant pas un optimum global. Elles sont
admissibles grâce à l'excédent organisationnel qui permet
de ne pas exiger le maximum du milieu environnant.
Les auteurs étudient ensuite la limitation de
l'incertitude. L'organisation ne considère pas son milieu environnant
comme une donnée exogène, elle s'efforcent d'agir sur lui pour
réduire son degré d'incertitude. En abordant les problèmes
de manière séquentielle, l'organisation privilégie les
informations à court terme et résout le problème dans ce
cadre. Ainsi pour une décision de production, plutôt que de
prévoir les ventes futures, l'organisation privilégiera les
données provenant des ventes récentes et des stocks. Cette
attitude, a priori peu rationnelle, permettra le plus souvent de satisfaire les
demandes de ces coalitions.
Toujours afin de réduire l'incertitude, l'organisation
va tenter de contrôler son environnement, tant externe qu'interne. Sur le
plan externe, cette attitude conduira à mettre en place des pratiques
conventionnelles standardisées. Celles- ci concernent notamment le mode
de fixation des prix de vente par l'intermédiaire d'un taux de marque
unique. Lorsqu'il est accepté par les firmes de la branche, chacune
d'elles n'a plus à prévoir l'attitude de ses concurrents. Ce
comportement n'entraîne généralement pas la maximisation du
profit. Sur le plan interne, la mise en place d'un système de
planification comme le contrôle budgétaire réduit
l'incertitude entre les différents services, chacun d'eux connaissant
ainsi, à l'aide du plan, les objectifs assignés aux autres.
Les auteurs étudient ensuite la façon dont
l'organisation résout les problèmes qui se posent à elle.
Cette recherche de solution présente trois aspects principaux. Elle est
premièrement motivée, parce qu'elle est déclenchée
lorsque des objectifs ne sont pas satisfaits et poursuivie jusqu'à ce
qu'une solution soit trouvée qui satisfasse aux niveaux minima
d'aspiration qui pourront d'ailleurs être abaissés durant le
processus. Elle est deuxièmement naïve, les règles de
recherche sont simples. La recherche de solutions est enfin partiale pour les
raisons suivantes :les différences entre les fonctions et
l'expérience des différentes parties de l'organisation,
l'influence inévitable des souhaits sur les prévisions et enfin,
les conflits internes non résolus.
Enfin, Cyert et March ont étudié l'apprentissage
de l'organisation. Cet apprentissage concerne les objectifs de l'organisation,
ses domaines d'intérêt et ses méthodes de résolution
des problèmes. Ils ont résumé le processus de
décision étape par étape et afin de donner un contenu
concret à cette théorie, les auteurs l'ont appliquée
à des décisions courantes de l'entreprise, notamment à la
fixation des prix dans un grand magasin. E. Carter(1971)22(*) a montré qu'on pouvait
employer utilement ces concepts de Cyert et March pour expliquer le processus
de choix d'investissement, à condition de les modifier partiellement
pour tenir compte des structures hiérarchiques. Y.
Aharoni(1966)23(*) utilise
également ces concepts pour analyser la décision de s'implanter
à l'étranger d'un certain nombre d'entreprises
américaines. Les notions définies par Cyert et March lui semblent
indispensables pour décrire le processus, mais il faut leur en joindre
d'autres qui caractérisent les systèmes d'autorité de
l'entreprise et les motivations des décideurs.
En résumé, on trouve que cette
perspective permet alors d'introduire la référence culturelle
comme cadre de référence et donc de limitation de la
rationalité des acteurs. Cela est très important pour la suite de
notre développement dans la mesure où la culture est un filtre
des choix d'investissement.
3. Les approches contingentes de l'organisation et la
culture
Outre la remise en cause des
hypothèses relatives aux individus ''rationnels'' et ''maximisateurs'',
d'outres courants de la théories des organisations ont aussi remis en
cause la passivité et la transparence de l'environnement de
l'organisation. Les approches contingentes ont ainsi insisté sur la
variabilité de l'environnement de l'entreprise et les adaptations que
les organisations doivent nécessairement opérer pour maximiser
leurs performances. Dans cette perspective, le mécanisme d'ajustement se
fait par l'entreprise et non plus seulement par le marché. Plusieurs
types de contingence ont été analysés. En 1965, sur la
base d'une enquête menée auprès de cent entreprises du
secteur manufacturier anglais, Joan Woodwoard(1965)24(*) définit ainsi une
relation entre le degré de complexité technologique des
entreprises et leur structure organisationnelle. Les entreprises ayant des
systèmes de production semblables ont globalement des modes
d'organisation semblables. A travers ses recherches, elle distingue trois modes
d'organisation de la production à travers la technologie(la production
unitaire ou de petites séries, la production en grande série et
le processus contenu de production). En gardant l'hypothèse de la
maximisation du profit de l'entreprise par celle de sa
compétitivité, elle montre ainsi une contingence de la structure
à la technologie.
Les travaux de Joan Woodwoard, une des rares des
théoriciennes des organisations, s'inscrivent dans la lignée de
la théorie de la contingence structurelle. Elle développe bien
l'idée que l'on ne peut pas dire qu'il existe une structure qui soit la
plus performante pour toutes les organisations(J.M. Plane, 2003).
L'approche contingente de Lawrence et Lorsch(1967) est plus
générale en ce que les facteurs qu'ils avancent sont plus
complexes. Ils conçoivent l'organisation comme un système ouvert
composé de trois sous systèmes scientifique, commercial et
techno- économique qui ont chacun des caractéristiques
structurelles telles que la nature de leurs objectifs, leur orientation
temporelle, leur mode relationnel et leur degré de formalisation. Ces
sous- systèmes ont chacun un environnement qui leur est propre et que
les acteurs cernent au moyen d'une variable spécifique : Le
degré de stabilité technique des processus de production
caractérise ainsi l'environnement commercial et enfin la formalisation
des tâches de production ou d'administration caractérise
l'environnement technico- économique. Lawrence et Lorsch avancent alors
que la structure de chaque sous- système s'adapte à l'incertitude
de son propre environnement et que cette adaptation ainsi que la qualité
d'intégration des sous- systèmes conditionnent la performance de
l'entreprise.
Ces approches contingentes ont l'avantage de mettre en avant
la caractère actif de l'organisation qui réagit par rapport
à un environnement et sélectionne la structure la mieux
adaptée à la maximisation de la performance de l'entreprise.
Cependant, son degré de liberté reste restreint en ce que son
action se réduit à adapter mécaniquement sa structure en
réponse à des stimuli particuliers de l'environnement et non pas
à constituer sa propre dynamique d'évolution et d'adaptation
structurelle.
Les travaux de recherche de Lawrence et Lorsch ont eu un
énorme retentissement, car ils ont le mérite de démonter
ce que beaucoup de praticiens sentaient intuitivement. Une forme d'organisation
est bien contingente à des données externes et internes qui
peuvent varier mais elle n'est pas homogène et à un moment
donné, l'environnement peut présenter des facettes
différentes à divers parties ou départements de la
structure (J.M. Plane, 2003).
A ce stade, l'organisation n'est déjà plus une
donnée fixe et prédéterminée mais entre dans la
subjectivité construite des acteurs. Cette perspective permet donc
d'introduire encore l'importance de la culture comme référent
d'interprétation nécessaire au repérage et à
l'action des individus. Les acteurs prennent leurs décisions selon des
représentation subjective de la réalité (P. Wirtz, 2002).
En gardant le cadre conceptuel de la rationalité
limitée, l'approche cognitive développe le caractère
psychologiquement construit de l'environnement de l'acteur. Dans cette
perspective, l'acteur construit son propre environnement par ses actions,
lesquelles dépendent de la représentation qu'il s'en fait. Il
sélectionne les informations qu'il reçoit et prend ses
décisions en foction de construction mentale qu'il opère par
apport à son environnement. Cette représentation est certes
influencée par la structure objective de l'organisation mais aussi par
le propre référent conceptuel de l'acteur dont, en l'occurrence,
sa culture.
En résumé, la théorie
contingente de Lawrence et Lorsch a le grand mérite de rompre avec les
deux courants de pensée, celui de la théorie traditionnelle des
organisations de Taylor et Fayol, qui postule l'existence d'une structure
optimale associée à la taille et au stade d'évolution de
la firme, et le courant de Cyert et March qui analyse les processus de
décision en dehors des variables économiques
caractéristiques de l'environnement.
4. L'approche systémique et la culture
Elle a été élaborée par L. Von
bertalanffy (1968)25(*).
Elle étudie des phénomènes complexes aux composantes
interalliées dont les composants sont apparemment orientés vers
un but. L'approche systémique a contribué aussi à
substituer à la notion d'organisation objective et fixe celle d'un
ensemble d'interrelations entre les éléments constitutifs de
l'organisations (J.P. Helfer, M. Kalika et J.Orsoni, 2002). Dans cette
perspective, les relations qui unissent les parties pour former un tout ont
autant d'importance sur le comportement du tout que leur composition ;
bref le tout est plus que les parties, en ce sens qu'il dépend à
la fois des parties et de l'ensemble des relations qui les ordonnent.
La relation entre les acteurs est aussi importante que la
structure formelle de l'organisation. La culture, en tant
qu'élément déterminant de la relation entre les individus
devient donc un facteur opérationnel de l'étude des organisations
ainsi que le montre l'analyse de Fons Trompenaars26(*) qui met en relation la
structure organisationnelle et la culture.
Fons Trompenaars synthétise l'évolution de ces
approches de la théorie des organisations par trois phases qu'il
qualifie de mécaniste, organique puis systémique. L'approche
mécanique caractérise les définitions classiques et
normatives de l'organisation telle qu'elle est conçue par
l'économie standard et les analyses de Fayol ou de Taylor.
L'approche organique permet de considérer la
dépendance mutuelle des parties de l'organisation et l'objectif de
maintenance de sa structure. Si l'organisation est toujours conçue comme
un tout doté d'objectifs qui restent ceux de l'économie
classique- le profit -, l'individu comme élément constitutif de
l'organisation doté de besoins propres ainsi que l'environnement et son
incertitude sont enfin considérés comme déterminants par
apport à la formalisation et le fonctionnement de l'organisation. Fons
Trompenaars regroupe dans cette approche théorique tant l'école
des Relations Humaines que les fonctionnalistes et les tenants de la
théorie contingente.
Enfin, l'approche systémique lui permet de
considérer l'organisation comme un système socioculturel dont les
éléments constitutifs sont des acteurs dotés d'objectifs
propres et dont les relations sont constituées par les changes
d'informations, reposant sur un système symbolique commun
d'interprétations. Reprenant en fait la démarche cognitiviste, il
définit l'action de l'individu comme le résultat d'une
interprétation de son environnement et non pas comme la réponse
mécanique à un stimulus. La stabilité du système
socioculturel est atteinte dans la mesure où les individus qui y
prennent part développent un mode d'interprétation commun ou pour
reprendre les termes de Buckley, une co- orientation qui, selon Fons
Trompenaars fait directement référence à la culture. Dans
cette perspective, la structure organisationnelle n'est alors pas une
donnée objective mais un construit culturel, un instrument que les
acteurs utilisent pour réguler leurs interactions dans la poursuite
d'objectifs collectifs avec un besoin minimum de coopération.
Cette démarche lui permet alors de distinguer deux
conceptions extrêmes de la structure organisationnelle qui sont
directement mises en relation avec deux configurations culturelles
différentes. Pour les définir il utilise l'analogie aux
différentes fonctions des hémisphères droit et gauche du
cerveau. La première conception de la structure organisationnelle,
analogique aux fonctions de l'hémisphère gauche, est
constituée par un ensemble de relations caractérisées par
leur nature rationnelle fonctionnellement spécifique et instrumentale.
La seconde conception extrême de la structure organisationnelle,
analogique donc aux fonctions de l'hémisphère droit, est
constituée quant à elle par un ensemble de relations de nature
affective diffuse et intrinsèque.
Puis il met en relation ces conceptions de la structure
organisationnelle avec des variables de configuration culturelle que nous
développerons dans la deuxième partie, et qui concernent
l'orientation relationnelle des individus, leur relation au temps et leur
relation à la nature.
En résumé, L'approche
systémique de l'organisation qui prend en compte les individus comme des
agents dotés d'objectifs propres et les relations d'information qu'ils
entretiennent à la base de chacune de leurs actions permet ainsi
à Fons Trompenaars d'introduire l'impact de la configuration culturelle
sur l'organisation et plus spécifiquement sur la structure de
l'organisation.
Chapitre II. La notion de culture et les approches
institutionnalistes
Nous partirons d'abord de l'intérêt
renouvelé par l'ancien institutionnalisme pour la place et le rôle
des institutions et donc la culture, dans la dynamique des
phénomènes économiques. Nous montrerons ensuite que
l'approche économique néo- institutionnelle nous permettra
d'induire de façon plus opérationnelle la contingence culturelle
dans le choix d'investissement en prenant appui sur l'analyse des transactions
économiques.
Section I. Le facteur culturel dans l'ancien-
institutionnalisme
Les institutions avaient traditionnellement le statut de
données fixes et exogènes pour les théories
économiques standard et étaient de fait exclues de l'analyse(T.
Corei, 1999). Or l'institution définie par W.H. Hamilton(1932)comme ''un
mode de pensée ou d'action prévalent et permanent, qui s'incarne
dans les habitudes d'un groupe ou les coutumes d'un peuple''27(*) peut être mise en
relation avec la notion de la culture. Cet auteur définit en effet la
culture comme ''une synthèses- ou au moins une agrégation-
d'institutions, dont chacune couvre son propre domaine et sa propre
fonction''28(*).
Le renouvellement de l'attention portée aux
institutions dans l'étude des transactions économiques nous
permet donc d'inférer la culture comme une variable pertinente du champ
de la recherche économique.
Selon V. Dutraive (1995), l'institution renvoie à un
état social des individus, à quelque chose qui représente
une autorité par rapport à leur intérêt ou leur
préférence. Elle suggère un ensemble
d'éléments a priori aussi divers que, dans un premier registre la
famille, l'église, l'Etat ; dans un autre le syndicat,
l'entreprise ; dans un autre encore l'interdiction de l'inceste ou du
crime, l'interdiction ou l'obligation de vengeance(vendetta) ; ou encore
le mariage, les droits de propriété ;[....]. De cette
énumération il ressort que l'institution est un terme
générique en résonance avec les notions d'organisation, de
communauté, de groupement, de collectif, de règles morales
religieuses, laïques ; de valeurs, de conventions, de normes.
La culture, peut alors être considérée comme la
synthèse informelle des institutions.
La recherche néo- classique qui veut intégrer
dans le champ de l'analyse économique, les distorsions qui perturbent le
fonctionnement des modèles de base, font souvent appel à
''l'institution'' comme la solution au problème de non-
opportunité du marché. Il en est ainsi de l'approche
économique néo- institutionnelle illustrée par les travaux
de Coase et Williamson lesquels font de la firme, une institution alternative
au marché qui se justifie lorsque les coûts de transaction sont
trop élevés (T. Corei, 1999).
De même, la théorie des jeux, dans un contexte
d'indétermination, a souvent recours à des procédures de
sélection qui font figure d'institution ou en expliquant la
genèse. Ainsi, l'institution peut déterminer la solution qui
correspond à l'état optimal ; elle peut aussi prendre la
forme d'un critère de sélection lorsque plusieurs solutions se
présentent. Elle peut aussi comme le souligne V. Dutraive (1995),
émerger des procédures d'apprentissage, de sélection ou
auto- renforcement à travers une certaine régularité des
comportements. Enfin, la théorie des jeux fait appel aux croyances des
individus, voire leur culture qui sont dans cette perspective
considérées comme des institutions (B. Walliser,1989).
Cette éclairage des institutions en tant que
modalités efficaces de régulation de coordination leur donne une
dimension fonctionnelle dans la mesure où elles apportent de l'ordre
dans les actions de leurs membres et les relations qu'ils entretiennent - les
transactions, au sens de Commons (T. Corei,1999).
Synthèse des instituions, la culture tient
aussi de ces dernières les mêmes fonctionnalités : La
culture peut à ce titre être considérée comme un
instrument de coordination ex post des actions, à travers les
préférences et les valeurs des individus. La
caractérisation des institutions qu'effectue Veblen T(1898) peut
être appliquée à la culture, à savoir non seulement
des habitudes de faire, des routines, mais aussi ''des habitudes de
pensées établies, communes à la plupart des hommes'' et,
dans la perspective culturelle, commune à une culture donnée.
La culture, en amont des institutions joue alors ce rôle
fédérateur de régulation et de coordination en procurant
aux individus des anticipations stables et réciproques ainsi que la
connaissance plus ou moins formalisée des devoirs et droits de chacun
afin de leur permettre de décider et d'agir.
Cependant, si la sociologie durkheimienne insiste sur le
caractère contraignant des règles du jeu proposées par la
culture et les institutions, les économistes institutionnalistes
américains insistent parallèlement sur le jeu( au sens d'espace
de liberté) qu'elles ouvrent en libérant et étendant le
champs de l'action individuelle selon les termes de Commons(R. Boudon,1986) .
Dans ce qui suivre, nous présentons les approches des
fondateurs de l'ancien- institutionnalisme américain à
savoir : Thorstein Veblen, John Rogers Commons et Wesley Clair Mitchell.
Les deux premiers ont élaboré relativement indépendamment
leurs concepts, de telle sorte qu'il est habituel de prétendre qu'ils
sont à l'origine de deux voies alternatives de l'institutionnalisme.
1. L'approche de Veblen
La conception évolutionniste de l'économie que
Veblen propose, se fonde sur l'opposition qu'il relève dans les
dynamiques différenciées des institutions et des fondements de
l'activité industrielle.
Veblen pose les institutions en tant qu'objet de la sciences
économique évolutionniste et les définit comme un ensemble
d'idées, de modes de pensée communs à un ensemble
d'individus, incluant les usages, les coutumes, les façons de se
comporter et surtout des façons de concevoir l'organisation des droits
de propriété. Cependant le contenu des institutions est relatif
en ce qu'il n'y a pas, pour Veblen, l'identité entre les
déterminants matériels d'une époque et les
représentations, c'est- à- dire les institutions qui
caractérisent les modes de pensée et d'action de cette
époque.
Il existe en effet une inertie qui fait que les modes de
pensée ne s'ajustent pas immédiatement aux réalités
matérielles. L'origine de décalage entre les dynamiques
matérielles et institutionnelles ou plus largement culturelles doit
alors être étudiée à travers le processus
d'évolution sociale(T. Corei, 1999).
L'évolution sociale est, selon Veblen, « un
processus d'adaptation sélective du tempérament et des
façons de pensée ; ce sont les conditions de vie qui
poussent les hommes à s'adapter. L'adaptation des façons de
pensée, c'est le développement mêmes des
institutions ». [......]. Cependant si les ethnologues contemporains
ont étudié la sélection qui permet l'adaptation des hommes
à leur environnement matériel et aboutit à l'apparition de
types, ces auteurs n'ont pas prêté assez attention à
l'inévitable variation des types eux- mêmes(T. Corei, 1999).
Ainsi, aussi comme le souligne V. Dutraive (1995), le processus de
l'évolution sociale rend- il compte à la fois de sélection
progressive des institutions et de la variation des habitudes de pensée
et donc de celle de la culture.
Cette approche évolutionniste de Veblen fait de
l'institution et donc la culture à la fois l'objet et le facteur de
sélection dans la mesure où si d'une part, le changement
institutionnel conduit à la sélection d'actions qui
répondent au mieux aux nouvelles normes institutionnelles, l'adaptation
des habitudes à l'évolution de l'environnement est d'autre part
à l'origine de la formation de nouvelles institutions et
d'évolution culturelle(T. Corei, 1999).
La dynamique des institutions est alors double en ce qu'elle
est d'abord externe - les habitudes de pensée et d'action sont
confrontées à des changements technologiques ou de variations des
conditions d'exercice de l'activité industrielle porteuses de nouvelles
institutions, même si la concrétisation de ce processus demande un
délai pour que l'adaptation s'effectue -, mais aussi interne - les
institutions évoluent vers leur raffinement progressif par un processus
d'auto-renforcement et d'approfondissement déconnecté de la
réalité matérielle-.
Il existe alors une tension entre d'une part la dynamique
interne des institutions qui tend à renforcer l'inertie et la
cohésion interne, et d'autre part leur dynamique externe qui est due
à l'adaptation nécessaire des représentations à la
réalité expérimentée. Les institutions entrent dans
une compétition dans laquelle les représentations en accord avec
la réalité industrielle s'imposent progressivement aux anciennes.
Le jeu dynamique qui s'instaure ainsi fait que les institutions et donc la
culture, créatrices de représentations, déterminent les
actions sur la réalité matérielle qui à son tour
agit sur les institutions et la culture par les biais des
représentations elles- mêmes.
Dans cette perspective, d'une part Veblen réfute
l'approche statique de l'économie standard et emprunte à
l'évolutionnisme darwinien la perspective d'une causalité
complexe à l'origine à la dynamique économique, laquelle
repose sur l'adéquation ou l'opposition entre d'une part les forces
technologiques à la base de l'existence matérielle des hommes et
d'autre part, les forces culturelles incluant les représentations et les
pratiques cérémonielles ou, selon ses termes, les habitudes de
pensée ou institutions.
Selon lui, l'économie politique pré- darwinienne
repose en premier lieu sur des préconceptions qui sont ancrées
dans les circonstances particulières d'une époque. Leur approche
est donc selon Veblen, statique et téléologique. Le pragmatisme
qu'il préconise exige une approche dynamique de la réalité
que la formule de James peut ainsi résumer : la signification d'un
concept peut toujours être trouvée, sinon dans quelque
réalité sensible particulière qu'il sert à
désigner rendra vraie. Dans cette perspective, les
phénomènes doivent être analysés en relation avec
leur évolution, et la théorie qui en est tirée est
nécessairement dynamique et contingente.
D'autre part, l'institutionnalisme de Veblen refuse
l'hédonisme comme le seul moteur de l'action. Il prend appui sur les
caractères culturelles et collectifs des institutions de façon
incompatible avec l'individualisme méthodologique caractéristique
du corpus de la Nouvelle Economie Institutionnelle. A l'individualisme
méthodologique et la vision de l'homo oeconomicus animé par seul
intérêt personnel et hédoniste, Veblen oppose ainsi un
homme qui est davantage une structure cohérente de propension et
d'habitudes qui cherchent réalisation et expression dans une
activité.
Cependant l'exercice de la volonté des individus est
aussi prise en compte dans le choix des règles et plus
généralement dans la dynamique institutionnelle. Ainsi que le
souligne V. Dutraive (1995), les volontés se confrontent dans le cadre
d'une action collective, action qui transforme les préférences,
les intérêts privés ou collectifs et finalement les
règles. Il y a ainsi place dans l'analyse économique, pour les
conflits et les rapports de force. L'entreprise elle- même est
conçue comme le lieu de l'interaction et de la confrontation
d'institutions, par exemple les habitudes de pensée propres aux affaires
contre celles plus instrumentales des ingénieurs pour Veblen.
2. L'approche de Commons
Commons dont l'oeuvre caractérise aussi la branche
pragmatiste du courant institutionnaliste, pose aussi l'évolution
économique au centre de sa réflexion. Cependant, sa
démarche part de l'analyse de transaction qui lui permet d'analyser le
processus de création démocratique des règles et la
régulation des relations sociales.
A l'analyse classique et néo- classique de
l'économie fondée sur l'action individuelle et les supports de
l'homme à la nature, Commons substitue en effet une analyse
fondée sur la transaction, c'est- à- dire les relations entre les
hommes.
Selon lui, l'économie politique classique s'est en
effet construite sur la catégorie de marchandise, sur l'action
individuelle rationnelle et l'hypothèse que le marché engendre
toujours un équilibre, en sous- estimant par ailleurs le jeu des
interactions sociales. Mais cette approche ne permet pas, selon lui, de
distinguer la chose matérielle (riches sociale par exemple) de la
propriété de cette chose, excluant ainsi de fait de l'analyse le
rôle de l'institution de la propriété.
Commons définit alors la transaction comme une
''unité institutionnelle élémentaire'', une
''activité représentant le lien social, les relations entre
individus'', qui intègre ainsi les trois constituants de toute relation
sociale à savoir l'unité d'intérêt en conflit,
[......] d'intérêt mutuellement dépendant [.....], dont les
participants attendent la répétition dans l'avenir. En effet, les
conflits entre individus émergent de la rareté des
opportunités due à la propriété, mais ces
mêmes individus ont besoin de coopérer pour créer des
richesses. Enfin, dans un monde incertain et complexe, les individus
recherchent aussi une sécurité des anticipations, c'est-
à- dire la répétition attendue des transactions. Ainsi, la
combinaison des impératifs contradictoires que sont la
rareté(conflits) et l'efficience(l'interdépendance)
nécessite la mise en place d'un ordre lequel est assuré par des
règles collectives.
Pour Commons, le problème central de l'économie
est alors de comprendre la formation d'un ordre à partir des conflits.
De ce fait, il élargit le champs d'analyse économique à la
question de la régulation, comprise comme le processus de production
des règles qui permettent de créer, maintenir voire même
transformer un ordre social. L'instrument de cette régulation est alors
pour Commons l'institution en ce qu'elle apporte une certaine
régularité aux comportements et devient le siège d'un
réseau de transactions régulées dans lequel l'individu est
pris en même temps qu'il est acteur.
En plaçant les facteurs institutionnels au centre de
l'analyse économique, Commons s'oppose alors à la conception
économique classique, laquelle pose son analyse en termes d'interactions
mécaniques. Commons considère au contraire que les règles
qui régissent les transactions et les actions des individus priment sur
le comportement individuel dont elles sont un facteur explicatif.
Concernant les comportement des individus, Commons critique
les fondements hédonistes et individualistes de l'économies
classiques en considérant que toute transaction est une situation de
négociation où jouent conjointement la volonté et les
forces économiques et sociales qui contraignent et organisent le
processus de choix. Dans ce contexte, l'unité sociale n'est pas
l'individu cherchant son propre plaisir mais les transactions entre les
individus qui interagissent les uns avec les autres dans le cadre de
règles existantes.
L'action individuelle, conçue comme une action
volontaire mais aussi routinière en ce qu'elle obéit aussi
à certaines règles, caractérise alors une conception
institutionnaliste de l'acteur qui, selon V. Dutraive (1995), s'avère
être ''une théorie avant la lettre d'une rationalité
limitée''.
Dans ce contexte, les institutions apportent une certaine
régularité aux comportements, elles conditionnent ainsi
l'exercice de l'action et de la coopération dans un monde incertain et
conflictuel. Les règles qui s'expriment au travers des institutions ne
sont pas seulement des contraintes mais aussi des modèles de
comportement attendus qui spécifient plus ou moins ce qu'un individu
peut faire ou ne pas faire, doit ou ne doit pas faire, a le droit ou n'a pas le
droit de faire tant de point du vue du droit que celui de la coutume. Ce
faisant, les institutions rendent prévisibles les comportements des
autres et contiennent temporairement les conflits. C'est en ce sens que Commons
définit l'institution comme une action collective dans le
contrôle, la libération et l'expansion de l'action
individuelle.
Selon lui, il existe cependant deux types d'institutions dont
l'une est informelle ou non organisée- il s'agit des coutumes qui
induisent des règles générales de conduite issus des
pratiques et qui conditionnent, par l'apprentissage, les habitudes
individuelles et que l'on peut apparenter à la culture. Les institutions
formelles telles que l'entreprise sont le lieu des processus de
coopération organisée où les transactions sont
fonctionnellement interdépendantes dans la création des
richesses.
Par ailleurs, la conception de Commons relativement à
la genèse des institutions ne participe pas d'un ordre naturel et
intemporel à l'opposé de l'approche d'Adam Smith qui
décrit le marché comme le mécanisme de coordination des
décisions individuelles parfaitement efficace en tous lieux et en tous
temps. Commons rejoint en ce sens Veblen dans cette approche
évolutionniste des institutions lesquelles sont
considérées à la fois comme unité et facteurs de
sélection. Commons se démarque cependant de Veblen en insistant
sur le caractère artificiel de cette évolution
générée par l'introduction des volontés
individuelles et collectives : les individus organisés, s'ils sont
déterminés par les institutions dans lesquels ils interviennent,
ont, en retour, un certain pouvoir sur elles. Ainsi, les décideurs
politiques et économiques qui participent au processus de
création et réparation des richesses ainsi qu'aux
décisions collectives sur les objectifs économiques, ont une
capacité d'orientation significative du processus institutionnelle.
En éclairant les phénomènes
économiques par les relations entre hommes et non plus les relations
entre l'hommes et la nature, Commons rompt avec l'économie classique qui
établit sa loi en dehors des dimensions morales et juridiques. Cette
démarche lui permet de s'inspirer de la pratique jurisprudentielle
anglo- saxonne de Common Law. Dans ce cadre, les décisions de justice
sont prises en fonction du critère de la valeur raisonnable qui
émerge de la négociation entre les parties, laquelle est
fondée sur la conciliation de l'intérêt public, des
pratiques moyennes les plus courantes, et d'une égalité de
traitement des parties en désaccord. Commons extrapole la
problématique des valeurs raisonnables à l'analyse de la
régulation courante des conflits ainsi qu'à celle des
transformations progressiste des règles de l'économie
capitaliste.
3. L'approche de Mitchell
Au- delà de certaines disparités
caractérisant le courant institutionnaliste( Veblen est ''radical'' au
sens américain du terme tandis que Commons est réformateur), la
mouvance institutionnaliste bâtit sa cohésion sur l'exigence de
théories plus réalistes et la nécessité
d'élaborer une analyse dynamique conduisant à adopter une
conception particulière de l'institution comme médiation entre
les dimensions économiques, politique et culturelle de la
société (Maucourant, 1994). Pour Mitchell en particulier,
l'institutionnalisme ne consiste pas à rejeter tous les fondements
orthodoxes mais plutôt à reconsidérer ceux-ci à la
lumière des progrès de la psychologie et des matériaux
statistiques.
Mitchell refuse le postulat irréaliste de l'homo
oeconomicus : l'action humain ne relève pas d'une pure
mécanique rationnelle de l'intérêt personnel. Cette action
est infléchie dans ses modalités et ses finalités par des
forces qui sont l'inscription du social dans l'individu : les
institutions(Maucourant, 1994). Celles-ci, modifiées continûment
par l'évolution sociale, peuvent se définir comme un complexe de
pulsions et d'habitudes collectives coercitives. Finalement, ce complexe
producteur de routines joue un rôle essentiel dans la vie
économique.
C'est pourquoi Mitchell récuse l'approche de Fisher et
de Davenport, qui réduit la science économique à la seule
science des prix, et fait valoir l'exigence d'un lien plus étroit avec
anthropologie et l'histoire afin de saisir l'origine de l'évolution des
concepts de monnaie, d'échange et de propriété
privée. Selon lui, Marx serait donc à l'origine de
l'économie institutionnaliste qui est science du comportement humain.
Ainsi, cette introspective est refusée. Il en va de
même du calcul des plaisirs et des peines de Bentham, parce qu'un tel
calcul est fondé sur le recours à une psychologie
grossière. Les approches dites réelles car excluant a priori la
monnaie, méconnaissent le caractère spécifique de la
société moderne au sein de laquelle l'accès aux biens est
subordonné à l'acquisition de monnaie. Pour Mitchell, les
institutions forgent et renforcent la prégnance de la logique
pécuniaire, produisant ainsi la rationalité. Celle- ci n'est pas
donnée de la nature humaine mais tende à se construire dans un
processus complexe.
Entre l'impératif de reproduction du tout social et
l'action d'individus plus ou moins rationnels s'inscrivent les institutions,
dont il faut expliquer la genèse, le fonctionnement et
l'évolution. Vecteur par l'excellence de la socialisation des agents,
l'institution monétaire est une création historique qui
présuppose notamment un lien singulier, la confiance, comme l'illustre
l'expérience américaine des Greenbaks.
Mitchell observe que le traitement de la monnaie est
révélateur des difficultés éprouvées par
l'économie orthodoxe, pour laquelle l'argent est simplement
considéré comme l'instrument de mesure des plaisirs et des
peines. L'institution de la monnaie devrait plutôt être
envisagée comme l'ensemble des représentations collectives qui
rendent possible la commensurabilité des plaisirs et des peines. Dans la
mesure où la monnaie tend à normaliser l'ensemble des
comportements individuels, celle- ci est bien ce ''fait social'', selon la
célèbre formule énoncée par Mauss à la
même époque. Conformément à son projet
anthropologique, Mitchell veut donc appréhender l'économie
moderne comme état d'emblée monétaire et récuser la
fiction d'une économie non monétaire dont il conteste les vertus
heuristiques.
En résumé, malgré leurs
divergences quant à l'identification des moteurs de l'évolution
institutionnelle et les poids différents qu'ils accordent d'une part
à la technologie et d'autre part à la volonté individuelle
et collective, les analyses de Commons et Veblen permettent de consolider la
démarche que nous voulons mettre en oeuvre dans cette recherche. En
effet, tous les deux insistent sur le rôle des institutions, formelle et
informelle, et donc la culture en tant que matrice fédératrice de
ces institutions, dans la dynamique économique. Mitchell définit,
à son tour, l'institution comme un complexe de pulsions et d'habitudes
collectives coercitives. Selon lui, ce complexe producteur de routine joue un
rôle essentiel dans la vie économique.
Section II. Le facteur culturel dans la perspective de
la Nouvelle Economie Institutionnaliste
La remise en cause des hypothèses de l'économie
classique a progressivement conduit à l'émergence des
théories contractuelles de l'organisation à travers le courant de
la ''Nouvelle Economie Institutionnelle'' illustré par l'économie
des coûts de transaction et la théorie de l'agence. Si l'objectif
premier de la maximisation du profit n'est pas réellement remise en
cause par ces approches, certaines des hypothèses de la micro-
économie traditionnelle sont critiquées, permettant ainsi de
concevoir les activités économiques et plus spécifiquement
celles de la firme sous un éclairage nouveau. Ainsi, l'individu est
d'une part appréhendé comme ayant une rationalité
limitée notamment dans son appréhension de l'information.
D'autre part, l'imperfection de l'information et l'inégalité de
sa distribution conduisent les individus à adopter des comportements
opportunistes dans un environnement jugé incertain. En outre, le point
commun de ces approches consiste surtout à considérer la
transaction comme un unité de base de l'action économique aussi
bien sur le marché qu'au sein de l'organisation.
La perspective néo- institutionnelle nous permet
d'aller plus loin dans l'analyse de l'impact de la culture sur les coûts
de transaction et la sélection des structures de gouvernance, ce qui
dépasse les approches de l'ancien- institutionnalisme qui
réduisent la culture à une synthèse des institutions qui
participent à la dynamique économique.
1. La théorie des coûts d'agence et
référent culturel
Le référent culturel occupe une grande place
dans la théorie des organisations du fait que la distance culturelle
augmente, comme nous le verrons dans la théorie des coûts de
transaction, les coûts des transactions et entraîne des
comportements jugés opportunistes, ce qui nous conduit à se poser
la question suivante : est ce que la distance culturelle augmente le
coût de l'agence ?
1-1. La problématique et les coûts
d'agence
Bien que la séparation entre les différentes
théories contractuelles des organisations soit de moins en moins
tranchée, chacun des grands courants prétend inclure l'autre.
L'idée qui sous tend cette théorie est d'une simplicité
extrême. En raison des divergences d'intérêts entre
individus ou organisations, les relations de coopération s'accompagnent
nécessairement de conflits inducteurs de coûts qui
réduisent les gains potentiels issus de la coopération. La
théorie de l'agence cherche, soit à expliquer les formes
organisationnelles comme mode de résolution de ces conflits ou, plus
exactement, de réduction des coûts induits- théorie
« positive »de l'agence -, soit à proposer des
mécanismes qui permettent de réduire le coût de ces
conflits- théorie « normative » de l'agence
(G.Charreaux,1999).
Complémentaire de la théories des droits de
propriété, l'étude de la relation d'agence a
été initiée par Adam Smith qui a d'abord
souligné inefficacité des sociétés par actions,
dont la direction confiée à un agent non propriétaire
n'incitent a priori pas celui- ci optimiser la gestion de l'entreprise. Plus
tard, M.C. Jensen et W.H. Meckling(1976)ont défini la relation d'agence
comme un contrat par lequel une ou plusieurs personnes(le principal) engage une
autre personne(l'agent) pour exécuter en son nom une tâche
quelconque qui implique une délégation d'un certain pouvoir de
décision à l'agent. Puis ils ont entendu la notion d'agence
à toute relation entre deux individus telle que la situation de l'un
dépende d'une action de l'autre et donc à toute relation
contractuelle.
L'approche de M.C. Jensen et W.H. Meckling ne vise pas en fait
à remettre en cause l'hypothèse de la rationalité des
acteurs ni de leurs objectifs de maximiser du profit. Elle cache plutôt
à démontrer l'efficience des formes d'organisation
économiques et financières du capitalisme en mettant en avant,
selon (B. Coriat et O. Weinstein,1995), la supériorité des
systèmes contractuels libres censés conduire spontanément
à la sélection des formes organisationnelles les plus
efficientes.
Dans cette perspective, contrairement à l'analyse de
Coase, la firme ne s'oppose pas au marché. Elle est plutôt comme
un noeud de contrats(B. Coriat et O. Weinstein,1995), un ensemble contractuel
spécifique entre les détendeurs de facteurs de production et les
clients. En ce sens, elle n'a pas existence véritable. Ainsi, les liens
contractuels internes et externes à la firme ne sont pas dissociables.
Il n'y a alors pas de distinction majeure entre une relation de marché
et un relation hiérarchique à l'intérieure de la firme
telle que la décrit Coase.
Cette notion de l'organisation en tant qu'un noeud de contrats
représente un élargissement de l'analyse relationnelle à
l'ensemble des parties prenantes. Cet élargissement consiste à
passer de la relation principal- agent, qui permet d'expliquer les
mécanismes organisationnels comme moyens d'aligner le comportement de
l'agent sur les intérêts du principal, à la relation
dyadique qui conduit à justifier ces mêmes mécanismes comme
moyens de maximiser la rente associée à la relation de
coopération. Selon G. Charreaux(1997), la participation, par exemple,
des salariés dans le conseil d'administration leur permet de
préserver leur intérêt et de contribuer à minimiser
les coûts liés à leur investissement spécifiques.
Le caractère dynamique, s'il permet de proposer une
modélisation plus productive des phénomènes
organisationnels, reste cependant insuffisant pour expliquer les formes
organisationnelles réelles les plus complexes ; on dispose, au
mieux, d'une explication partielle. Par exemple, pour expliquer que le conseil
d'administration inclut simultanément des représentants des
dirigeants, des actionnaires, des salariés, des banquiers, voire de
certains clients ou fournisseurs, on est obligé de supposer que ces
administrateurs ne sont présents que pour résoudre les conflits
entre les actionnaires et les dirigeants. Or, dans une perspective plus large
et plus convaincante, leur présence au conseil peut également se
justifier, en considérant que le conseil peut également se
justifier, en considérant que le conseil d'administration permet aussi
de réduire les coûts de coopération avec les
catégories représentées par ces administrateurs. Le
constat de Caby et Hirigoyen(2001) contredit l'hypothèse, notamment
formulée par Hart(198329(*)), selon laquelle le conseil d'administration, en tant
que système d'alignement des intérêts, ne jouerait qu'un
rôle marginal par apport au marché.
Cette remarque conduit à proposer deux explications
concurrentes, de la présence de ces autres parties prenantes. Soit un
mécanisme organisationnel émerge de façon à
gérer simultanément, sur le mode centralisé, plusieurs
relations dyadiques, par exemple, entre les actionnaires et les dirigeants et
entre les dirigeants et les salariés. Soit la relation de
coopération actionnaires/ dirigeants a des effets externes, c'est-
à- dire qu'elle a une influence sur le bien-être d'autres agents,
d'autres parties prenantes, au sens du terme
« stakeholders »30(*).Ainsi, les décisions prises par les dirigeants
en faveur des actionnaires peuvent entrer en conflits avec les
intérêts des salariés ou des consommateurs. Il y a
imbrication entre les intérêts. Ces deux explications, non
seulement, ne sont pas exclusives, mais peuvent être
complémentaires. La centralisation peut faciliter la gestion des
intérêts conflictuels multiples (G.Charreaux,1999).
La relation d'agence s'applique donc aux rapports avec les
clients, les fournisseurs, les banques, les salariés...etc. L'objectif
est alors d'optimiser ces relations en minimisant les coûts d'agence.
Selon G. Charreaux(1999), la problématique de l'agence
recouvre en fait toute relation contractuelle entre individus et elle se
manifeste lorsque les intérêts des deux parties peuvent diverger
et lorsqu'il y a information imparfaite, relativement à l'état de
la nature et aux comportements des agents, ainsi qu'une asymétrie
d'information entre les parties.
Les dirigeants disposent d'avantage d'informations que les
autres contractants. Ces derniers, supportent un risque de sélection
adverse qui trouve son origine dans l'occultation probable de certaines
informations défavorables par le dirigeant et un risque de hasard moral
faisant référence à éventuels comportements
négligents ou opportunistes du dirigeant(attribution d'un salaire de
complaisance, investissement à VAN négative,
revente d'actifs sous- évolués à des firmes qu'il
contrôle ....(Shleifer et Vishny,1997))31(*).
Quant aux coûts d'agence, B. Coriat et O. Weinstein
(1995) soulignent les conséquences de la relation d'agence, à
savoir d'une part, que le contrat est nécessairement incomplet et,
d'autres part, que le principal n'a pas les moyens de contrôler
parfaitement et sans coût l'action de l'argent. Il en déduit que
les questions qui se posent dans la relation d'agence concernant d'abord les
moyens à mettre en place par le principal pour inciter l'agent à
maximiser l'utilité du principal, pour le surveiller mais aussi pour
approcher au maximum l'efficience obtenue en information parfaite par les
mécanismes du marché décrit par la micro- économie
standard. M.C. Jensen et W.H. Meckling(1976) distingue alors trois types de
coûts d'agence que sont :
1. Les ''dépenses de
surveillance et l'incitation'' supportées par le
principal, qui lui permettent ainsi d'orienter et contrôler l'agent.
2. Les ''coûts
d'obligation'', supportés par l'agent, qui lui
permettent de démontrer au principal qu'il suit bien ses directives ou
pour le dédommager le cas contraire.
3. ''La perte résiduelle''
qui peut être assimilée à un coût
d'opportunité et qui représente l'écart entre le
résultat effectif de l'action de l'agent et celui qu'il aurai obtenu
s'il avait maximisé comme pour lui même.
La transaction se retrouve donc encore dans la théorie
de l'agence, à la base de toute activité économique que ce
soit dans les échanges marchands ou au sein de la firme. Par ailleurs,
les hypothèses relatives aux relations d'agences et à leurs
coûts rejoignent celles énoncées sur deux points par O.E
Williamson, à savoir l'imperfection et surtout l'asymétrie
d'information ainsi que les comportements opportunistes que celles- ci
génèrent.
1-2. L'impact de la culture sur les coûts
d'agence
Ainsi que nous venons de le voir, le premier type de
coûts d'agence fait référence aux dépenses
liées au système que le mandant doit mettre en place pour
contrôler et motiver l'agent. Un système doit être pertinent
afin d'être en mesure de fournir des indications précises quant
à la performance réelle de l'agent et d'autre part, afin
d'inciter l'agent à fournir le meilleur de lui même. Or, en
situation interculturelle, l'efficacité des outils de contrôle
peut être entamée du fait que les points de repère entre le
mandat et l'agent peuvent être différents(L'hermitte, 1999).Par
exemple, dans le cadre d'une Joint Venture Internationale, la culture influence
la façon dont sont formulés les objectifs de l'entreprise, les
critères de décision, la priorisation des démarches
à suivre dans le cadre de la décision d'investissement.. etc.
Elle pose un problème réel du fait que les partenaires ont des
buts et des valeurs différents(S.C. Kim, 1996 ; A.T. Shao et P.
Herbig,1995).
On considère souvent que les Japonais ont plus
réussi que les Américains en Chine. Leur succès est due
aux avantages suivants : leur similarité culturelle avec celle des
Chinois (T. Thurwachter, 1990) et leur compréhension de ces derniers (J.
Irland, 1991, D. Diamond- Kim, 1986) et leur proximité
géographique de la Chine (T. Thurwachter,1990). Si ces avantages
contribuent aux succès des japonais en Chine, personne ne sait cependant
à quel degré, chacun y contribue.
Dans cette perpective, les comportements des individus sont
dictés par les valeurs culturelles ou par l'appartenance à une
classe sociale (G. Charreaux,1999). Les normes sociales constituent selon M.C.
Jensen et W.H. Meckling(1994) « un procédé de
mémoire externe qui facilite le stockage du savoir concernant le
comportement optimal et présente un atout majeur pour enseigner,
apprendre, discipliner et récompenser les membres d'un groupes, d'une
organisation ou de la société » et sont censées
aussi évoluer en fonction des modifications de l'environnement et les
connaissances qui transforment les calculs des individus et influencent leurs
actions en modifiant l'ensemble d'opportunités et les coûts et les
gains associés aux actions. Ces normes sociales sont supposées
évoluer lorsqu'elles imposent des coûts trop élevés
dans le nouvel environnement, mais le mécanisme qui commande leurs
processus d'évolution n'est pas étudié(G.
Charreaux,1999).
En ce sens, dans le cadre d'un partenariat, les
mécanismes de contrôle de la performance mis en oeuvre par l'une
des parties peuvent donner des résultats qui ne correspondent pas
à la réalité de la performance telle que perçue par
son partenaire de la nationalité différente. Comme nous le
verrons dans la deuxième partie de ce travail, le système de
gouvernement de l'entreprise défini par G. Charreaux(1997) comme un
ensemble des mécanismes qui ont pour effet de délimiter les
pouvoirs et d'influencer les décisions des dirigeants, n'est le
même dans tous les pays, il varie de l'un à l'autre(P.C. Oman,
H.D. Brooks, 1997)et cette variation a des racines socioculturelles(P. Wirtz,
2002).Par exemple, les modalités de composition d'un conseil
d'administration considérées comme optimales dans une relation
d'agence particulière ,entre certains actionnaires et un dirigeant, ne
le sont peut- être plus par apport à celles qui ont
été élaborées dans une autre société
et qui pourrait procurer des gains(G. Charreaux,1999).
En bref, un système de contrôle efficace dans une
culture ne l'est pas forcément dans une autre ainsi en situation
interculturelle, le travail que le principal doit effectuer afin adapter son
système de contrôle est source de coûts d'agence
supplémentaire(L'hermitte, 1999).
En outre, ainsi que nous l'avons rapidement
évoqué précédemment, les facteurs de motivation
peuvent varier d'une culture à l'autre. Pour une culture féminine
par exemple, la motivation peut se caractériser par la qualité
des relations humaines alors que dans une culture masculine, la motivation peut
se caractériser par l'obtention de la richesse(D. Bollinger., G.
Hofstede., 1992). Les dirigeants des entreprises internationales doivent donc
confronter un effet culturel dans la communauté des affaires
internationales. Les questions de la culture influencent directement les
pratiques directoriales. Un effet positif dans une culture peut, au contraire,
avoir un effet négatif dans une autre(S.Rosen, 1986).
Enfin, de même que pour les coûts de transaction,
les coûts d'agence qui émergent des situations interculturelles
peuvent être atténués par l'apprentissage culturel qui
permet d'une part au principal de mieux contrôler l'agent et sa perte
résiduelle, et à l'agent de mieux s'investir dans la relation.
Cet apprentissage, qui doit être réciproque peut alors être
source de synergies et d'une meilleure performance (L'hermitte, 1999).
2. La théorie des coûts de transaction
et le référent culturel
La théorie des coûts de transaction,
inspirée de R.H Coase (1937) et développée par Williamson
à partir des années 1970, introduit une nouvelle conception de la
firme à partir de la notion de transaction et des coûts qui lui
sont afférents.
2-1. Les hypothèses qui fondent
l'émergence de coûts de transaction
Coase commence par opérer une rupture avec la
théorie économique traditionnelle en interrogeant les fondements
de la raison d'être et la nature de la firme. Il constate d'abord que sur
les marchés, les ajustements s'affectent de manière inconsciente
par le système de prix alors que dans l'entreprise, la coordination est
organisée par l'entrepreneur. Puis il définit la firme comme une
forme particulière de coordination économique, alternative
à celle du marché, laquelle permet de diminuer les coûts de
transaction.
Dans ce contexte, la raison de la substitution du
marché par la firme s'explique par le fait que le recours au
mécanisme d'ajustement par les prix du marché entraîne des
coûts spécifiques de transaction que la coordination
administrative permet quant à elle de réduire.
Par ailleurs la question se pose alors quant à la
répartition des transactions marchandes et internes. La substitution
totale du marché par la firme n'est en effet pas non plus possible en ce
que la capacité de la direction administrative à coordonner un
nombre croissant de transaction est limitée. Un choix doit donc
être effectué à tout moment entre la coordination par le
marché ou par la hiérarchie. Cet arbitrage dépend alors du
coût de la transaction supplémentaire effectuée par le
marché comparé à celui de cette même transaction
effectuée en interne, par la firme.
O. E Williamson commence par approfondir la nature des
coûts de transactions définis par Coase. L'originalité de
la théorie de Williamson repose sur la prise en compte, à travers
l'idée de transaction, de la durée de l'échange
contractuel qui distingue une période ante et une période post-
contractuelle. Les coûts de transaction ex ante interviennent lors
l'établissement des clauses destinées à être
validées à la signature du contrat tandis que les coûts ex
post suivent la signature du contrat (G. Hirigoyen et J.P.
Pichard- Stamford, 2003).
En fait, si les économistes néoclassiques se
sont intéressés aux coûts de production, ils n'ont en
contrepartie pas intégrée dans leur analyse les coûts de
transactions qui constituent, selon O.E. Williamson
« l'équivalant économique des friction dans les
systèmes physique ».32(*) Il distingue alors les coûts de transaction de
type ex ante de ceux de type ex post.
Les premiers coûts de type ex ante sont associés
à la rédaction, la négociation et la garantie d'un
accord.33(*) Les garanties
peuvent se traduire par la réalisation de documents complexes qui
prévoit les diverses contingences qui peuvent survenir lors de la
réalisation du contrat. L'environnement étant incertain et la
rationalité des parties limitée, ces documents sont
nécessairement incomplets et conduisent les parties à
régler les problèmes au fur et à mesure qu'ils se
présentent. Certes, le recours aux tribunaux résout
théoriquement les problèmes mais il accroît les coûts
respectifs des parties en présence et est souvent, dans la
réalité, remplacé par un accord à l'amiable. Une
autre forme de garantie se conçoit à travers la substitution du
marché par une organisation interne. D'autres garanties telle que
l'intervention d'un tiers, autre que le tribunal, peuvent être
considérées.
Les seconds coûts de transaction de type ex post
énoncés par O.E Williamson34(*) sont selon lui, apparentés - tout
en étant totalement différents -, à ce que Michael Jensen
et William Meckling appellent les coûts d'agence. Ils concernent pour
Williamson, d'une part les coûts de marchandage occasionnés si des
efforts bilatéraux sont faits pour corriger des divergences ex post, les
coûts d'organisation et de fonctionnement associés aux structures
de gouvernance qui ne sont pas les tribunaux auxquels les conflits s'adressent,
et enfin les coûts d'établissement d'engagement sûrs.
O.E Williamson avance alors deux hypothèses de
comportement des agents, fondatrices de l'économie des coûts de
transaction. La première, s'appuyant sur les travaux de H. Simon,
est relative à la rationalité limitée des agents
économiques. Dans ce contexte, les contrats sont nécessairement
incomplets dans la mesure où les partenaires ne peuvent pas
prévoir toutes les configurations ex post de l'évolution du
contrat après sa signature.
La seconde hypothèse avancée par Williamson est
donc relative à l'incertitude et plus particulièrement
l'incertitude comportementale, c'est- à- dire l'opportunisme dont font
preuve les individus dans un contexte d'information imparfaite.
Tjalling Koopmans(1957) distingue deux formes d'incertitude,
primaire et secondaire. La première naît de la contingence(
aléas de la nature ou changements imprévisibles des
comportements des consommateurs par exemple). La seconde est relative à
la difficulté qu'éprouvent par exemple des dirigeants à
démasquer les décisions ou les stratégies de ses
concurrents. L'incertitude comportementale qui correspond à
l'incertitude secondaire ne fait cependant référence à
quelque refus stratégique de divulguer une information ou de diffuser
à des fins tactiques une information trompeuse. Elle ne suggère
pas que les parties font des plans les unes en fonction des autres, ce qui est
source d'incertitude ex ante et de surprise ex post.
O.E Williamson va plus loin dans son appréhension de
l'incertitude comportementale qu'il associe à la probabilité de
conduites opportunistes de la part des parties en présence. Dans cette
perspective, les incertitudes comportementales se combinent aux incertitudes
exogènes dues aux changements de l'environnement.
L'opportunisme est, selon O.E Williamson, le principal facteur
explicatif des coûts de transaction, il peut se caractériser par
toute attitude à divulguer sur le marché des informations
fausses, à omettre la transmission de données importantes pour la
conclusion d'un contrat ou toute attitude visant à privilégier
les intérêts d'une partie au détriment d'une autre. Mais il
peut aussi apparaître comme une éventualité ex post du fait
de l'incomplétude du contrat. L'opportunisme repose en fait sur une
asymétrie d'information entre les partenaires et peut, soit être
crée volontairement par l'un des agents( rétention ou
déformation voire invention d'une information), soit apparaître de
fait au cours de l'application du contrat sans que l'agent ait
prémédité cette situation mais aussi sans qu'il fasse rien
pour la corriger. Il existe donc dans toute transaction un risque moral dans la
mesure où l'un des acteurs peut ne pas respecter ses engagements et que
le coût de prévention totale de ce risque est trop
élevé pour son partenaire.
Le risque d'opportunisme augmente donc le coût de
négociation et de contrôle du contrat. Lorsqu'il est
considéré comme étant trop élevé, il incite
donc les agents à internaliser la transaction(J.P. Helfer, M. Kalika et
J.Orsoni, 2002).
Dans la droite ligne de M. Granovettre(1985), S. Goshal et P.
Moran (1996) estiment, en effet, que O.E Williamson décrit de
manière générale « extrêmement
caricaturale » l'opportunisme dans la mesure où il utilise
indifféremment pour signifier le comportement et l'attitude. Or, la
psychologie et les théories des organisations montrent que les attitudes
et les comportements sont deux concepts différents, influencés
par les dispositions individuelles et contextuelles. Ces auteurs montrent que
le comportement opportuniste est positivement influencé par les
attitudes opportunistes. Celles-ci sont influencées par les valeurs, les
attitudes, les facteurs héréditaires et le jugement qu'on se fait
du partenaire avec lequel on affecte la transaction. Selon eux, Une opinion
positive réduit l'opportunisme, alors qu'un jugement négatif
l'augmente.
Par ailleurs, la rationalité des individus est
limitée, ainsi que le souligne O.E Williamson, non seulement à
cause de facteurs externes, l'environnement lui rendant la tâche souvent
impossible, mais aussi à cause de son incapacité à
résoudre tous les problèmes de calcul.
Quant à la structure de gouvernance, O.E Williamson
part des mêmes hypothèses que Coase concernant la raison
d'être de la firme dans le marché, mais il dépasse
l'opposition stricte établie par celui- ci entre ces institutions en
analysant l'émergence de structures de gouvernance
intermédiaires(contrats hybrides) qu'il met en rapport avec les
caractéristiques des transactions.
Après avoir défini ces hypothèses
comportementales des agents, Williamson analyse les types de transactions et
met en place trois attributs qui permettent de les différencier et de
sélectionner la structure de gouvernance la plus efficace.
En premier lieu, la théorie néoclassique
standard conçoit des transactions instantanées entre acteurs
anonymes. Or, O.E Williamson met en avant le fait que si l'investissement est
durable et ne peut être redéployé sur une autre
transaction, il devient spécifique. Cette spécificité peut
être liée au site ( localisation de l'investissement), aux actifs
matériels(équipements spécifiques) ou aux actifs humains(
spécialisation de la formation et du savoir faire pour une
activité particulière). Dans le cas d'une transaction
spécifique, les actifs sont difficilement redéployables sur
d'autres activités, les agents ne sont alors plus anonymes ni la
transaction instantanée. Un lien durable de dépendance se met
ainsi en place entre les parties ce qui implique le contrôle de leurs
comportements et le suivi des engagements pris.
La seconde dimension qui permet de différencier les
types de transactions est liée à l'incertitude inhérente
à toute transaction du fait de la rationalité limitée des
agents. Cette incertitude est non seulement liée à
l'environnement objectif de la transaction mais aussi aux comportements
stratégiques(opportunistes) des parties. Lorsque la transaction est
spécifique, l'incertitude peut alors être combinée à
l'opportunisme des acteurs. Ainsi, selon O.E Williamson, les types de
transaction peuvent être différenciés selon le degré
d'incertitude qu'elles comportent.
La troisième et dernière dimension mise en place
par O.E Williamson pour différencier les types de transactions concerne
la fréquence de la transaction considérée. La
fréquence est aussi liée à la spécificité
laquelle conduit à une forme d'organisation particulière pour
mettre en place la transaction, qui n'est rentable que si celle- ci est
suffisamment fréquente
La mise en place de ces trois critères de
différenciation des transactions permet à O.E Williamson de
justifier des différentes formes d'organisations ou structures
institutionnelles (gouvernance structures) choisies pour effectuer les
différents types de transaction selon un critère de minimisation
des coûts de transaction.
Ainsi, le contrat classique participe d'une transaction
traditionnelle effectuée par le marché. Il est unique, clairement
déterminé dans son objet et dans le temps et l'identité
des parties importe peu. L'incertitude comportementale et le risque
d'opportunisme sont donc faibles, la fréquence réduite à
une transaction et l'actif très peu spécifique de sorte que
l'identité des parties n'importe que peu.
Le contrat néoclassique ou hybride intervient dans le
cadre d'une relation à plus long terme entre les parties et dont
l'incertitude et donc le risque d'opportunisme sont forts. Le contrat plus
souple dans ses termes que le contrat classique préserve l'autonomie des
parties. Mais il est aussi nécessairement incomplet et exige le recours
à un tiers pour arbitrer les conflits potentiels ex post. Ces contrats
recouvrent par exemple les accords de coopération ou la franchise. Cette
situation caractérise par la notion de réseau a l'avantage de
minimiser les coûts de transaction par rapport au marché
puisqu'elle permet de coordonner les actions des parties, mais elle permet
aussi de réduire les coûts bureaucratiques de la structure
hiérarchique.
Enfin, la structure de gouvernance représentée
par l'organisation hiérarchisée correspond à
l'internalisation des activités. Cette dernière structure,
à l'origine la seule conçue par Coase face au marché,
permet en fait de minimiser au maximum les coûts de transaction du
marché. Cependant, elle génère d'autres coûts de
coordination et, ainsi que nous l'avons évoqué
précédemment, ne peut pas, pour des raisons d'efficacité,
systématiquement se substituer aux autres structures de gouvernance.
2-2. Impact de la culture sur les coûts de
transaction et le choix des structures de gouvernance
Les différences culturelles si elles ne sont pas
maîtrisées sont sources d'accroissement des coûts de
transaction, par contre l'apprentissage culturel peut permettre de
réduire ces coûts voire de créer des synergies. Par
ailleurs, le référent culturel lui même, en conditionnant
en partie le choix des modes de garanties, influence aussi le choix des
structures de gouvernance.
D'une part, le référent
culturel constitue un facteur de limitation de rationalité
(E. Delavallée,1995) qui doit alors
être pris en compte dans l'interaction entre les acteurs de
nationalités différentes du fait que la distance culturelle entre
les acteurs augmente l'incertitude(J. Engelhart, S. Eckert, 1999). En effet, en
conditionnant en partie le mode d'identification, de positionnement par rapport
à l'organisation et par rapport à leur environnement naturel,
ainsi que leurs modes d'action, la culture influence le cadre de
réflexion et d'action des individus. Elle instaure certains
règles de jeu et fait ainsi obstacle à certaines
possibilités tout en favorisant d'autres (I.
Berrebi-Hoffmann , 1990). Certes, dans un même contexte culturel, la
rationalité des agents est statistiquement limitée de la
même façon pour tout un chacun, mais en situation d'interaction
culturelle, outre les difficultés posées par les
différences de langues, les mécanismes d'interprétation de
l'information disponible varient selon les groupes culturels
considérés. M. Weber(1971)montre qu'il n'y a pas de
rationalité universelle, mais seulement des processus rationnels
construits sur des évidences variables d'une culture à
l'autre.
La culture agit comme un facteur de limitation
supplémentaire de la rationalité des individus qui, parce qu'elle
est différente d'un groupe à l'autre, accroît
l'asymétrie et la difficulté de circulation de
l'information. (Hornell, et al. 1972; Johanson et le
Wiedersheim-Paul 1975; Johanson et Vahlne 1977)35(*)montrent que la différence dans le langage,
l'éducation, les pratiques d'affaires, le développement culturel
et industriel empêchent le flux d'informations de et au
marché. Il s'ensuit que la négociation, la
rédaction, la garantie et le suivi des accords sont plus coûteux
en temps, en énergie et en précautions dans un contexte
interculturel que dans un contexte monoculturel.
Plus spécifiquement, lorsqu'un individu doit effectuer
des transactions dans un contexte qu'il ne connaît pas encore, son
incertitude augmente, tant sur les données factuelles, comportementales
que linguistiques. B. Kogut et H. Singh(1988) montrent que la différence
culturelle entre les partenaires augmente le degré de l'incertitude,
elle peut être regardée comme un risque croissant, conduire
à accroître la probabilité de choisir une
société en Joint Venture comme une méthode de partager le
contrôle et la possession, parce que le partenaire local qui peut servir
et gérer la force de main d'oeuvre et le rapport avec le fournisseur,
l'acheteur et le gouvernement, réduit le risque pour le partenaire
étranger.
La distance socio- culturelle influence significativement les
opérations des affaires (S. Agrawal,1994 ; P.S. Chan, 1996 ;
G. Hofstede, 1980 ; B. Kogut et H. Singh, 1988). Cette distance socio-
culturelle conduit aux désaccords entre les partenaires
étrangers et locaux sur le plan des cultures, les styles de direction,
les pratiques des affaires...etc(P.S. Chan, 1996 ; G. Hofstede,1980 ;
B. Kogut et H. Singh, 1988). B. Kogut et H. Singh(1988)de même que S.
Agrawal(1994) et P.S. Chan(1996)indiquent que, comme nous le verrons dans la
deuxième partie, cette distance culturelle influence significativement
le choix de mode d'entrée d'une entreprise dans pays culturellement
différent.
D'après M. Boisot(1994), il existe une
discontinuité dans la progression des coûts de transaction
liés à l'augmentation de la distance spéciale entre les
échangistes et cette discontinuité n'est pas causée par
des changements d'ordre physique, mais par des changements d'ordre
institutionnel et culturel qu'on rencontre à une frontière
nationale : changement de loi, de monnaie, de pratiques commerciales, de
niveaux de taxation, de valeurs, d'habitudes et au- delà de tout, de
langage. De tels changements augmentent les coûts spatiaux de la pratique
des affaires.
Mais, la réduction de la discontinuité des
coûts de transaction/ distance spatiale ne signifie pas sa disparition(P.
Joffre1999).Chaque pays impulse son propre programme mental, son propre
système de croyances et de valeurs, de coutumes et de traditions qui ont
des répercussions importantes sur le comportement des organisations.
Cela même dans des zones en voie d'intégration économique
comme l'Europe et même si les valeurs occidentales ont sans doute
tendance à uniformiser. De nombreuses études sociologiques ou
anthropologiques établissent des différences fondamentales entre
les cultures nationales qui obligent les entreprises internationales à
apprentissage coûteux de la pratique des affaires du pays investi(G.
Hofstede, 1994).
En outre, l'asymétrie d'information
générée par la différence culturelle peut
être source de comportements opportunistes spécifiques
générateurs de coûts de transaction supplémentaires.
En effet, un individu qui désire entreprendre une négociation
dans un pays culturellement étranger éprouve plus de
difficultés que son interlocuteurs local à interpréter son
environnement humain, politique ou économique. Son partenaire local peut
alors jouer sur cette asymétrie d'information et même l'augmenter
en lui imposant ses propres règles de fonctionnement au nom de la
culture locale ou en ne lui diffusant pas de l'information
pertinente(L'hermitte, 1999).
Cependant cet accroissement des coûts ne se limite pas
au seul contexte du marché et de négociation. Il existe aussi des
coûts de transactions internes dues aux problèmes de communication
et d'interprétation des attitudes entre les membres de l'organisation.
En effet, le coût de communication internationale dépend ainsi
moins des coûts de télécommunication que de la distance
culturelle engendrée par les différences des langages, de
développement et de la culture(P. Joffre1999).
Enfin, le référent culturel peut jouer un
rôle dans le choix de la garantie souscrite ex ante et donc indirectement
dans le choix de la structure de gouvernance(L'hermitte, 1999). Par exemple,
dans un contexte culturel polychrone, les individus préfèrent
s'appuyer sur le parole et la confiance de l'autre partie plutôt que sur
des règles juridiques écrites qui ne tiennent pas compte des
relations interpersonnelles et des compromis qui peuvent être
élaborés ex post(E.T. Hall,1984). Ainsi, au delà des
attributs classiques de la transaction définis par O.E Williamson
(spécificité des actifs, fréquence des transactions et
incertitude), l'arbitrage par un tiers et les modes de contractualisation
classiques, lesquelles sont ponctuelles et ne tiennent pas compte de
l'identité des parties.
Réciproquement, l'apprentissage culturel et sa
formalisation permettent de faire force à ces difficultés en
diminuant le sentiment d'incertitude des parties, améliorant la
qualité de la relation et corrélativement diminuant les
comportements opportunistes. Il permet aussi aux partenaires de partager
l'information, de constituer une synergie et donc de diminuer les coûts
de transactions liés à l'interaction culturelle (L'hermitte,
1999).
En résumé, nous avons vu dans
cette partie que la culture s'est infiltrée petit à petit dans
les théories économiques et organisationnelles. Ainsi, nous
commençons à prendre en considération les variables
comportementales, sociales et culturelles dans les décisions
managériales. La théorie financière, dans son
évolution, s'est inspirée de la théorie économique.
En effet, toutes les grandes décisions financières sont de plus
en plus influencées par des facteurs institutionnels.
La décision d'investissement en tant que
préoccupation majeure, a été jusque là prise en se
référant à des déterminants
techniques((VAN, TRI)). Ces derniers sont inefficaces pour
expliquer certaines décisions d'investissement( notamment de VAN
négatives), ce qui a permis l'émergence d'un courant
considérant un autre déterminant, la culture, comme un filtre
pour les choix des investissements.
.
Partie(2): Les facteurs culturels comme un filtre des
choix d'investissements
La conception universaliste du processus de prise de
décision que représentent(H.A. Simon, 1947; C.E. Lindblom,1959;
H. Mintzberg et ali.1976,1982)36(*), parmi d'autres, ne prend pas en considération
la diversité des situations rencontrées dans des contextes
culturels différents. Le terme d'« universaliste »
sous- entend l'hypothèse que les processus et les pratiques en
management sont universels et que les managers procèdent de
manière plus ou moins identique dans des situations comparables, dans
tous les pays industrialisés. Mais, comme le propose Schramm-
Nielsen(2000), la manière préférée d'agir est
fonction de la culture d'origine, étant donné que ces
manières ont été apprises à travers sa
socialisation dans les centres d'apprentissage que sont la famille,
l'école et la vie professionnelle. La culture influence donc notre
manière d'agir, de décider et de se comporter.
En quelques années, la culture apparaît dans tous
les modèles d'analyse stratégiques. Pourquoi ? Non pas parce
que les entreprises n'avaient pas de culture auparavant, mais parce que, compte
tenu des règles du jeu concurrentiel actuel, la culture devient une
variable pertinente pour la gestion( E. Delavallée, 1996).La culture de
l'entreprise est une source d'avantage concurrentiel. C'est une (nouvelle)
source(M. Thévenet, 1993).La compétitivité des entreprises
japonaises résulte de la cohésion qui existe entre leurs membres.
Cette cohésion serait due à la forte culture de leurs
entreprises.
Des études consacrées à la relation entre
la culture de l'entreprise et sa rationalité montrent que la
rationalité est culturellement limitée(E.
Delavallée,1995). Le dirigeant qui occupe une place centrale dans
l'entreprise ne prend pas seulement ses décisions en fonction des
critères mathématiques de la décision, il est
influencé par son contexte social, ses expériences, sa formation,
ses relations avec les partenaires...etc(J.P. Bonardi, 1998). Le rôle de
la culture pourrait aussi se manifester clairement dans l'internalisation de
l'entreprise, c'est- à- dire, lorsque il s'agit de rencontrer des
cultures différentes. Ce qui reflète l'influence de la culture
nationale sur le mode d'entrée dans les pays étrangers(U.
Mayrhofer, 2002).
Cette deuxième partie de notre travail sera
divisée en deux chapitres. Nous analyserons, dans le premier chapitre,
le rapport entre la rationalité culturellement limitée et la
décision d'investissement. Ce qui nous conduira à analyser, dans
le deuxième chapitre, l'influence de la culture nationale des
entreprises sur le choix du mode d'entrée sur les marchés
étrangers.
Chapitre I. La
rationalité culturellement limitée et la décision
d'investissement
Alors que la phase de sensibilisation de la notion de culture
touche à sa fin, il y a un paradoxe entre le nombre de travaux
consacrés à cette notion et la faible utilisation qu'en ont fait
les disciplines de la gestion (E. Delavallée,1995). L'explication
principale de ce paradoxe réside, selon lui, dans l'opposition des
concepts de rationalité et de culture.
Dans la suite, nous dressons, dans une première
section, un inventaire des caractéristiques du concept de culture
d'entreprise, et nous cherchons, dans les travaux de Simon et de ses
collaborateurs de l'Université Carnegie- Mellon, des concepts
présentant des similitudes théoriques et des
intérêts de connaissance communs à ces dernières.
Nous analyserons, dans une deuxième section, les relations entre les
concepts de culture et de rationalité et la manière dont le
concept de culture d'entreprise peut être intégré dans la
décision d'investissement.
Section I. Les principales
caractéristiques du concept de culture d'entreprise
Le concept de culture, issu de l'anthropologie, fait
aujourd'hui l'objet d'une véritable mode en gestion (M. Thévenet,
1993). Depuis le début des années 80, date de son importation ou,
plus exactement, de sa réimportation dans le champ des sciences de
l'organisation et de gestion, le nombre de travaux consacrés à la
culture d'entreprise par l'abondante littérature managériale est
impressionnant. Certains (T.J. Peters et R.H. Waterman, 1983) ont fait de la
culture un des attributs fondamentaux de l'excellence, pendant que d'autres (G.
Morgan, 1989) y ont vu les bases d'un nouveau paradigme de l'organisation.
Cependant, alors que, tant au sein du monde académique que dans celui
des praticiens dans les entreprises, la phase de sensibilisation de la notion
de culture touche à sa fin(M. Thévenet, 1993).
L'inventaire des principales caractéristiques du
concept de culture est articulé par les trois questions suivantes :
- Qu'est-ce que la culture d'entreprise?
- Quelles sont les fonctions et la place de la culture dans
l'entreprise?
- Comment prendre en considération la culture dans
toute démarche visant l'efficacité de l'entreprise?
1. Le concept de culture d'entreprise.
Il y a eu plusieurs précurseurs du concept de culture
d'entreprise parmi lesquels on peut notamment nommer C. Barnard (1938) et P.
Selznick (1975)37(*). Mais
c'est E. Jaques (1972)38(*) qui, le premier, se référa
explicitement au concept de culture et donna une première
définition de la culture d'entreprise39(*). Malgré l'intérêt de ces
différents travaux, le succès de la notion de culture
d'entreprise ne vient réellement qu'au début des années
80. Les définitions les plus couramment admises de ce
concept se différencient, depuis lors, sur des questions qui ont chacune
donné lieu à des débats40(*). Dresser un inventaire des principales
caractéristiques de la notion de culture d'entreprise et en retenir une
définition nécessitent ainsi d'effectuer un certain nombre de
choix successifs qu'il convient de justifier.
C'est, d'abord, l'autonomie de la culture d'entreprise qui a
donné lieu à des échanges théoriques divergents.
Pour les tenants de la «Corporate Culture»41(*), les sources de la culture
d'entreprise sont à trouver dans l'entreprise elle-même. La
question de l'autonomie de la culture d'entreprise est un postulat de
départ. A l'opposé, certains travaux sociologiques (R.
Sainsaulieu et D. Segrestin,1986 ; O. Aktouf et M. Chretien,1987) partent de
l'hypothèse que, si la culture est présente dans toute
entreprise, chaque entreprise n'a pas forcément de culture propre, dans
la mesure où elle est traversée par un ensemble de
régulations culturelles qui ne réussissent pas forcément
à se fondre en une culture spécifique. Ces débats
articulent l'ensemble des questions liées aux rapports entre la culture
d'entreprise, les cultures nationales (P. d'Iribarne,1989), les cultures
sectorielles (G.G. Gordon,1991) et les sous-cultures dans l'entreprise (J.
Martin, C. Siehl, 1983 et R. Sainsaulieu,1977). Cependant, si une analyse
culturelle de l'entreprise ne peut qu'être enrichie par la prise en
compte des niveaux culturels externes et internes, ces derniers n'excluent pas
l'existence d'une culture au niveau de l'entreprise. En effet, les entreprises
ne sont pas seulement des combinaisons de phénomènes sociaux
ayant trouvé leur origine dans la société. Elles sont
également des espaces sociaux particuliers, dotés d'une certaine
autonomie, et, à ce titre, elles développent leur propre culture.
Cette proposition comporte deux conséquences
fondamentales(E. Delavallée, 1995). D'une part, la culture d'entreprise
est un concept qui met l'accent sur ce qu'il y a de commun aux membres de
l'entreprise. Dans chaque entreprise, une culture commune coexiste avec un
ensemble de sous-cultures, lesquelles sont également des facteurs de
différenciation entre les différents groupes d'acteurs. D'autre
part, la culture d'entreprise n'est entièrement déterminée
ni par l'environnement national ou sociétal ni par l'environnement
économique de l'entreprise. Les entreprises souscrivent à
certaines valeurs dominantes de leur environnement, sans que cela empêche
des variations importantes entre la culture d'entreprises soumises à des
conditions environnementales similaires.
Les différents courants anthropologiques se sont
ensuite divisés entre ceux qui considèrent la culture comme
partie intégrante du système sociostructurel (les écoles
fonctionnaliste, structuro-fonctionnaliste, écologique- adaptationniste
et historique- diffusionniste), et ceux qui la voient comme un système
indépendant d'idéation (les écoles cognitive,
structuraliste, de l'équivalence mutuelle et symbolique). La culture de
l'entreprise ainsi que sa structure sociale et organisationnelle n'étant
pas forcément ou, plus exactement, étant rarement
synchronisées, ces travaux ont considéré que ce
décalage pouvait entraîner une perte d'efficacité de
l'entreprise. Pour cette raison au moins, cette distinction mérite
d'être effectuée. Elle a également pour mérite de
considérer la culture d'entreprise seulement comme un système
d'idées et, par là même, de ne pas qualifier tout
phénomène social de culturel.
Qui plus est, définie comme un système
d'idées, la culture d'entreprise a été
considérée comme un ensemble de représentations
collectives situées dans l'esprit des membres de l'entreprise et/ou
comme un ensemble de productions symboliques. A cet égard, E. Enriquez
(1992) dissocie système culturel (valeurs et normes de comportement),
système symbolique (mythes et rites) et système imaginaire.
La distinction des niveaux de culture est intéressante,
mais mérite explication. Tout d'abord, il convient de distinguer les
niveaux de culture selon qu'ils contribuent à définir le concept
ou selon qu'ils permettent de le mettre en évidence. A cet égard,
les productions symboliques sont beaucoup plus des illustrations, voire des
voies d'accès aux représentations communes(M.
Thévenet,1993), qu'un niveau de culture réellement pertinent.
Ensuite, la distinction entre les représentations communes, selon que
certaines restent à un niveau superficiel et manipulateur et que
d'autres sont inscrites au niveau des passions et des fantasmes (R. Reitter et
B. Ramanantsoa,1985), fait appel à la notion d'inconscient qui, aussi
intéressante soit- elle quand elle est utilisée à des fins
thérapeutiques dans le cadre d'une cure analytique, n'est pas
incontournable quand il s'agit de comprendre le comportement humain au sein des
organisations. Enfin, les frontières entre les valeurs,
représentations, croyances et normes de comportement ne sont pas
toujours faciles à distinguer.
A cet égard, il est temps de n'utiliser que des
constructions génériques qui reflètent la nature cognitive
des composants de la culture d'entreprise. On peut alors considérer,
à la manière de V. Degot(1985) que la culture d'entreprise est
composée des évidences partagées qui guident le
comportement des individus dans l'entreprise. Ces évidences peuvent
concerner aussi bien la perception de phénomènes que des
manières de réagir à des situations (M.
Thévenet,1993).
Malgré l'importation de certaines approches de la
culture uniquement synchroniques, l'articulation entre culture d'entreprise et
histoire a été rapide. Cette articulation n'est d'ailleurs pas
étonnante, puisque, par tradition, l'histoire a eu pour objet
privilégié la culture (F. Caron,1991), et, rapidement, on a admis
que toute réflexion sur la culture d'entreprise ne pouvait que s'appuyer
sur une démarche historique (E. Normand, 1984 ; B. Ramanantsoa et C.
Thierry-Basle, 1989). La culture d'entreprise est un concept diachronique qui
comporte la notion de temps dans sa définition même. A cet
égard, la culture se construit selon un processus d'apprentissage
collectif en réponse aux problèmes rencontrés par
l'entreprise. Cette proposition a également pour mérite de
particulariser le concept de culture aux espaces sociaux particuliers que sont
les entreprises en fonction des problèmes spécifiques qu'elles
doivent résoudre. Toute entreprise est une communauté
contractuelle compétitive (P. Morin,1991) et doit alors résoudre
deux grandes catégories de problèmes : d'adaptation à son
environnement et d'intégration des individus en son sein. On peut
dès lors considérer que la culture d'entreprise résulte
d'un processus d'apprentissage, et qu'elle se construit en réponse
à ces deux types de problèmes permanents.
Il n'en reste pas moins que la question de la
réification de la culture d'entreprise est, quant à elle, une
vraie question. Pour certains (T.J. Peters et R.H. Waterman,1983), les
différents traits culturels d'une entreprise sont identifiables,
structurés entre eux, et constituent un «paradigme» à
la manière des «patterns of culture» de R. Benedict
(1934)42(*). Pour d'autres
(R. Reitter et B. Ramanantsoa, 1985), nous n'aurions pas assez d'une vie pour
faire l'inventaire des traits culturels d'une entreprise. Entre ces deux
extrêmes, une solution intermédiaire existe. On peut, en effet,
considérer que les évidences qui composent la culture d'une
entreprise, difficilement identifiables exhaustivement, sont structurées
au sein de grandes catégories, les traits culturels dominants de
l'entreprise, qui rassemblent des évidences liées les unes aux
autres par une même logique. La culture est cependant un concept qui
vise, tout particulièrement, à mettre l'accent sur ce qu'il y a
de spécifique à une entreprise. Des entreprises qui ont à
résoudre des problèmes différents auront, par
définition, des cultures différentes.
Dans cette mesure, la recherche de traits culturels permanents
et communs à toutes les entreprises nous semble quelque peu
contradictoire avec la définition même du concept de culture. Les
logiques à partir desquelles les évidences sont articulées
les unes aux autres peuvent être tout aussi spécifiques à
chaque entreprise que les évidences elles-mêmes. En tout
état de cause, le fait que l'on puisse dire quelque chose de concret
à propos de la culture d'une entreprise, c'est à dire que nous
puissions identifier certaines évidences et que leur coexistence suppose
un minimum de cohérence entre elles, suffit, nous semble-t-il, à
considérer la culture comme un des sous-systèmes du
système de l'entreprise(E. Delavallée, 1995).
2. De la culture d'entreprise à la culture dans
l'entreprise.
Un inventaire des principales caractéristiques de la
notion de culture d'entreprise ne peut faire l'économie d'une
explicitation, d'une part, des autres variables avec lesquelles elle compose le
système que constitue l'entreprise et, d'autre part, de ses fonctions
dans l'entreprise.
Toute entreprise est un système ouvert finalisé
qui peut se définir comme un ensemble composé
d'éléments identifiables et de leurs interrelations (J.L. Le
Moigne,1974). Concernant les variables du système, plusieurs
propositions incluent la culture (Strategor,1991; P. Morin,1991). Un
modèle ne doit pas se limiter à expliquer le fonctionnement de
l'entreprise, mais doit, également, permettre de préparer
l'action. A cet égard, B. Ramanantsoa (1984) a bien montré,
à propos des modèles d'analyse stratégique, que ce qu'un
modèle gagne en opérationalité, il le perd en
exhaustivité. Le modèle de Morin est celui qui nous semble avoir
trouvé l'équilibre le plus heureux entre ces deux critères
de différenciation. Dans ce modèle, l'entreprise est
représentée par un système composé de quatre sous-
systèmes. En plus de la culture, les trois autres sous-systèmes
sont :
- les structures formelles et informelles (structure des
tâches, structure d'autorité et structure des réseaux de
communication) ;
- les objectifs organisationnels composés des objectifs
formels à la charge des dirigeants, mais, également, des
objectifs de chaque groupe d'acteurs, le tout venant s'agréger en un
système en tension ;
- les techniques de production et de gestion.
Les fonctions de la culture dans l'entreprise sont
étroitement dépendantes de sa définition. A cet
égard, rappelons que la culture d'entreprise, c'est :
- un ensemble d'évidences,
- partagées dans l'entreprise,
- construites tout au long de son histoire,
- en réponse aux problèmes rencontrés par
l'entreprise.
Conformément à la quatrième partie de
cette définition, on peut considérer que, comme chacun des
sous-systèmes, la culture facilite la résolution des
problèmes rencontrés par l'entreprise. Cette fonction principale
se caractérise de trois manières suivant chacune des trois
premières parties de la définition :
- composée d'évidences, la culture participe
à la réduction de la complexité du monde (V. Degot,1985),
en agissant comme un filtre puissant à travers lequel transitent les
influences internes et externes à l'entreprise (A.C. Martinet,1984), et
économise la recherche de solutions (P. Morin,1991);
- partagée, elle constitue un des modes de coordination
dans l'entreprise, que H. Mintzberg (1982) qualifie de standardisation des
savoirs, et un des types de contrôle(W.G. Ouchi,1980)
- construite tout au long de l'histoire de l'entreprise, elle
est le produit de son passé, mais également un tremplin pour son
avenir (M. Ruffat,1991) et, par là même, un important facteur de
sa stabilité.
A propos de la nature des interrelations entre la culture et
les trois autres sous-systèmes, on peut considérer qu'un minimum
de cohérence entre les objectifs, les structures et les techniques est
une condition nécessaire à la création d'une culture
commune au sein de l'entreprise. Qui plus est, plus grande est la
cohérence entre ces trois sous- systèmes, plus forte est la
culture d'entreprise. De sous-système structuré par les autres
sous- systèmes, la culture devient cependant structurante pour le
système, tout particulièrement dans la mesure où elle
constitue un important facteur de sa stabilité. Elle peut alors aussi
être un frein à l'adaptation de l'entreprise à son
environnement (E. Delavallée,1995).
3. La culture et les conditions de l'efficacité
de l'entreprise.
Les rapports entre la culture et les performances
économiques de l'entreprise ne constituent pas une vraie question,
à moins de définir la performance comme une certaine forme de
culture, ce qui défie les lois de la logique (Thévenet M,1993).
Concernant les relations entre la culture et la gestion, il s'agit alors moins
de chercher à avoir le bon type de culture, qui permettra à
l'entreprise d'acquérir un avantage concurrentiel, que de
connaître l'impact de cette variable sur les conditions de
l'efficacité de l'entreprise de manière à la prendre en
considération dans leur mise en place. Des travaux sur le management
stratégique (A.C. Martinet,1984) et sur les structures (P.R. Lawrence et
J.W. Lorsch, 1989; H. Mintzberg,1982), on peut dégager deux principes
qui caractérisent l'efficacité de tout système
organisé et finalisé :
- le principe de «contingence»qui lie
l'efficacité du système à une adéquation entre
ses variables et une situation donnée ;
- le principe du «fit»qui lie l'efficacité du
système à une cohérence entre ses variables.
Ces deux principes conduisent à poser le
problème des transitions entre les différents états du
système, c'est à dire le problème du changement. A cet
égard, lors de toute stratégie de changement, la culture se
présente essentiellement comme une donnée à partir de et
en rupture avec laquelle il faut agir (J.W. Lorsch,1986). Qui plus est,
concernant le changement de la culture, plusieurs précisions s'imposent.
Tout d'abord, la culture change et évolue en fonction des
différentes phases du développement de l'entreprise. Ensuite, on
ne peut pas changer la culture d'une entreprise, car cela supposerait, d'une
part, qu'on soit capable de dessiner l'état désiré de la
culture et, d'autre part, que l'on sache exactement quoi faire sur
l'état actuel pour atteindre l'état désiré (M.
Thévenet,1993). Enfin, on peut faire évoluer la culture d'une
entreprise. Pour ce faire, on peut soit user d'une stratégie de
changement visant directement à faire évoluer la culture, comme
les projets d'entreprise (V. Degot,1988), soit user d'une stratégie de
changement visant à agir directement sur l'un des trois autres sous-
systèmes et indirectement sur la culture, comme la mise en place d'une
nouvelle technique (G. Naro,1993).
En résumé, la culture est un
concept qui, depuis sa réimportation dans le champ des sciences de
l'organisation, a fait l'objet d'un nombre important de débats, le plus
souvent exclusivement théoriques. Dans l'analyse
précédente, nous avons retenu que toute entreprise possède
une culture spécifique. Cette dernière est composée de
l'ensemble des évidences partagées, construites tout au long de
l'histoire de l'entreprise, en réponse aux problèmes qu'elle a
rencontrés. Ces évidences, difficilement identifiables
exhaustivement, sont structurées au sein de grandes catégories,
les traits culturels dominants, qui constituent un des sous-systèmes de
l'entreprise. La culture est en interaction avec trois autres sous-
systèmes : les structures, les objectifs et les techniques. Elle a pour
principales fonctions, d'une part, de participer à la réduction
de la complexité du monde et d'économiser la recherche de
solutions et, d'autre part, d'être un des modes de coordination et un
facteur de la stabilité de l'entreprise. Les principes de «
contingence » et du « fit » caractérisent
l'efficacité du système. Enfin, si on ne peut changer la culture
d'une entreprise, on peut quand même la faire évoluer.
Section II. La formulation des relations entre la
rationalité et la culture
Pour certains (M. Ghertman, 1981), la contribution de Simon
à la théorie de la décision est sans égal à
ce jour. Elle a d'ailleurs été consacrée par un prix Nobel
d'économie en 1978. D'autres insistent également sur sa
contribution essentielle à la sociologie (M. Crozier,1993) et à
la théorie de l'organisation (X. Greffe,1983). Les travaux de Simon,
tout comme ceux de March et Cyert qui s'en sont largement inspirés,
constituent ainsi, aujourd'hui encore, des références
incontournables dans le champ des théories de la décision, mais
également, et peut être surtout, dans celui des théories de
l'organisation et, par là même, en sciences de gestion. Si Simon,
March et Cyert, comme nous l'avons précédemment vu, n'ont pas
abordé explicitement le thème de la culture d'entreprise, ils ont
développé certains concepts avec des préoccupations
similaires à celles qui ont guidé l'introduction de cette notion
dans les théories de l'organisation. Fort de l'inventaire des
principales caractéristiques du concept de culture d'entreprise que nous
avons dressé dans la section précédente de ce chapitre,
nous nous proposons, à présent, de chercher certaines similitudes
théoriques et certains intérêts de connaissances communes
entre ces dernières et certains concepts présents dans les trois
ouvrages de base des professeurs de l'Université Carnegie- Mellon.
1. La « rationalité limitée »
et les « frontières à la rationalité
».
Une des caractéristiques fondamentales du concept de
« rationalité limitée » réside dans
l'observation empirique que les choix des individus sont toujours
exercés au regard d'un schéma simplifié et limité
de la situation réelle. J.G. March et H.A. Simon (1999) qualifient ce
schéma de « définition de la situation ». Ces limites
à la rationalité ont, comme le soutient P.
Bourdieu(1992),plusieurs origines qu'il convient de dissocier. Tout d'abord, la
rationalité est limitée par la capacité du cerveau humain
à appréhender l'ensemble des facteurs à prendre en
considération tout au long du processus de décision. En ce sens,
la rationalité humaine est « génériquement
limitée ». Mais la rationalité est également
limitée, parce que l'esprit humain est « socialement limité
», et ce notamment par les limites du système de catégories
de perception et d'appréciation que tout individu doit à sa
formation et à sa trajectoire sociale dans et hors l'entreprise. Enfin,
la rationalité est aussi « culturellement limitée »,
parce que, comme le soutiennent J.G. March et H.A. Simon (1999), «
l'organisation aura une structure [...] dans la mesure où il y a des
frontières à la rationalité - dans la mesure où il
y a des éléments de la situation qui doivent être,
où qui sont en fait pris comme des données, et qui ne font pas
partie des calculs rationnels en tant que facteurs stratégiques
potentiels. S'il n'y avait pas de frontières à la
rationalité ou si elles variaient d'une façon rapide et
imprévisible, il ne pourrait pas y avoir de structures d'organisation
stables ».
C'est en ce sens que l'introduction du concept de culture dans
les théories de l'organisation, défini comme l'ensemble des
évidences partagées, rejoint une des préoccupations qui
conduit Simon à définir le concept de « rationalité
limitée ». On comprend alors que la culture est intimement
liée à la possibilité de prendre des décisions,
notamment parce qu'elle permet de ramener une infinité de variables
à un nombre limité d'entre elles sur lesquelles portent les
choix. Tout processus de décision est construit sur et à partir
des évidences qui composent la culture de l'entreprise. Les concepts de
rationalité et de culture ne peuvent ainsi ni être opposés
ni même être dissociés. Le concept de «
rationalité limitée » rend possible une articulation entre
les deux types de rationalité identifiés par M.Weber
(197143(*)) et montre
qu'il est illusoire de vouloir séparer les dimensions culturelles et
rationnelles de tout processus de décision. Il n'y a pas de
rationalité universelle, mais seulement des processus rationnels
construits sur des évidences variables d'une culture à l'autre.
La théorie de la décision de Simon apporte également deux
contributions essentielles sur la manière dont ces «
frontières à la rationalité » interviennent dans les
processus de décision. D'une part, pour un système de «
frontières à la rationalité » donné, le
préférable s'exprime sous une forme relative et comparative. Le
système a une rationalité, mais elle n'est jamais la seule. A cet
égard, il est impossible de hiérarchiser, à priori et de
manière stable, les contextes d'action et leurs mécanismes de
régulation (E. Friedberg,1993). D'autre part, l'évaluation est
multicritère, c'est à dire qu'une évaluation qui donne la
priorité à un état donné du système ne se
fonde pas sur l'exclusion d'un critère aux dépens d'un autre,
mais plutôt sur une pondération de l'un par rapport à
l'autre. Pour H.A Simon (1983), l'évaluation donne lieu à une
sélection qui « [...] n'évoque aucun processus conscient ou
intentionnel. Il montre simplement qu'en choisissant tel ou tel type d'action,
l'individu renonce par là même à d'autres alternatives
». La rationalité et la capacité de choix des individus sont
ainsi plutôt préstructurées que déterminées
par les « frontières à la rationalité ». Elles
limitent l'éventail des choix et, par là même, les rendent
possibles, mais n'éliminent pas pour autant la possibilité de
choisir. A cet égard, à moins que de déterminer de
manière mécanique le comportement des individus dans
l'entreprise, la culture influence les possibilités de réponse
à un problème donné. Elle instaure certaines règles
du jeu et fait ainsi obstacle à certains possibles tout en en favorisant
d'autres (I. Berebbi-Hoffmann, 1990).
2. L'apprentissage et l'adaptation à long
terme.
March et Simon considèrent que la «
rationalité limitée » résulte principalement d'un
apprentissage par résolution de problèmes. Cette notion
d'apprentissage est également très présente dans la
théorie de la décision des professeurs de l'Université
Carnegie-Mellon. Cela nous autorise à aller plus loin dans la recherche
de similitudes entre ces deux corps théoriques.
L'apprentissage organisationnel peut se définir comme
un phénomène collectif d'acquisition et d'élaboration de
compétences (G. Koenig, 1994). C'est un processus dont résulte un
acquis collectif, qui ne se résume sans doute pas aux «
frontières à la rationalité », mais qui sans nul
doute les comprend. Il y a ainsi fort à parier que la nature des
frontières à la rationalité est liée à celle
des éléments sur lesquels les entreprises apprennent. Dans leur
théorie de l'entreprise adaptative, Cyert et March considèrent
que les organisations apprennent à porter leur attention sur certains
points de leur environnement et à en négliger d'autres. Cet
apprentissage peut concerner certaines parties de l'environnement ou certains
critères mesurables explicites. Il porte, en outre, sur chacun des trois
composants du processus de décision. En poussant cette logique à
son terme, on peut considérer que, pour un processus de décision
donné, les points sur lesquels les entreprises apprennent peuvent
être dissociés :
- selon qu'ils concernent une partie de l'environnement ou un
critère ;
- selon la phase du processus de décision dans laquelle
ils interviennent.
Cependant, comme l'a bien montré Simon en raison de la
difficulté d'établir une distinction nette entre fins et moyens,
la deuxième dimension de cette dissociation, si elle est pertinente
à un instant donné, perd de sa rigueur quand on veut l'appliquer
à un processus se déroulant dans le temps. Ainsi, concernant la
nature des « frontières à la rationalité », la
théorie de la décision des professeurs de l'Université
Carnegie-Mellon rejoint les conclusions que nous avons retenues des travaux sur
la culture d'entreprise. Les « frontières à la
rationalité » peuvent concerner aussi bien la perception de
phénomènes que des manières de réagir à des
situations. Qui plus est, quand bien même la phase du processus de
décision dans laquelle elles interviennent n'est pas un critère
déterminant pour les différencier, on peut tirer de ces travaux
qu'elles interviennent sur chacun des composants de tout processus de
décision.
Partant de la décision comme principe de construction
d'une théorie de l'organisation, March et Simon (1999)
définissent les fonctions de l'apprentissage dans les organisations. Ils
considèrent que « une organisation est confrontée avec un
problème semblable à celui d'Archimède : afin qu'une
organisation agisse de façon adaptative, elle a besoin de certaines
régulations et de procédures stables qu'elle puisse employer pour
mener à bien ses actions adaptatives. [...] L'adaptation à courte
échéance correspond à ce que nous appelons ordinairement
la résolution de problèmes, et l'adaptation à longue
échéance correspond à l'apprentissage ». Qui plus
est, « l'action est adaptative et orientée vers un objectif. Mais
par suite de son caractère approximatif et fragmenté, seulement
quelques éléments du système sont adaptatifs, à un
certain moment, les autres étant, du moins à court terme, des
données fixes ». Donc, « [...] certains éléments
du processus qui ne deviennent pas souvent des facteurs stratégiques
(les « frontières à la rationalité ») forment le
coeur stable de la structure de l'organisation ». On comprend ainsi que le
processus d'adaptation de l'entreprise peut se décomposer en deux sous-
processus dont il est la résultante : un processus d'adaptation à
courte échéance, qualifié de résolution de
problèmes, et un processus d'adaptation à long terme,
qualifié d'apprentissage. Ce dernier permet à toute organisation
de se doter de certaines « frontières à la
rationalité » qui, en garantissant la stabilité de ses
structures, rendent possible l'action adaptative en élargissant les
« aires de rationalité » de ses membres par
l'intermédiaire d'économies d'attention. A cet égard, les
« frontières à la rationalité », qui composent
la culture d'entreprise, peuvent se concevoir comme une des réponses de
l'action organisée à l'insuffisance des capacités
cognitives des individus. Le système de « frontières
à la rationalité » garantit alors à l'entreprise une
certaine stabilité tout en lui permettant une certaine adaptation.
En résumé, la
rationalité humaine étant également « culturellement
limitée », le concept de « rationalité limitée
», développé par Simon permet alors de dépasser la
fausse dichotomie de Weber et, par là même, de ne pas ni opposer
ni même dissocier les concepts de rationalité et de culture. La
culture d'entreprise peut alors se concevoir comme un ensemble de «
frontières à la rationalité » prises comme des
données dans les calculs rationnels. Ces « frontières
à la rationalité », qui peuvent concerner aussi bien la
manière de percevoir des phénomènes que des façons
de réagir à des situations et interviennent sur chacun des trois
composants de tout processus de décision, préstructurent
plutôt que déterminent les choix, dans la mesure où
plusieurs solutions sont toujours possibles. Elles résultent de
processus d'apprentissage et, par là même, participent à
l'adaptation à long terme de l'entreprise, notamment en garantissant la
stabilité de ses structures.
3 La culture et la
possibilité de prendre la décision d'investissement
Dans le cadre traditionnel, les acteurs font leurs choix
d'investissement en maximisant l'espérance d'utilité de leur
consommation intertemporelle ; le choix se fait uniquement à
travers les flux monétaire (absorbés ou
sécrétés) et qui permettent de consommer. Dans cette
perspective, les acteurs sont à même de prévoir l'ensemble
des flux aux différentes périodes pour les différents
états du monde possible, sur un horizon temporel
déterminé, et ils connaissent la structure à terme des
deux intérêts permettant de faire les arbitrages de consommation
optimaux. Une telle représentation suppose donc une rationalité
substantielle extrême(G. Charreaux, 2001).
A. La prise de décision sur la base d'une
représentation subjective de la réalité
L'incapacité des acteurs à prévoir les
différents états du monde sur un horizon temporel illimité
constitue une altération du cadre traditionnel. Selon l'argument
avancé par Simon(1961)44(*), portant sur le caractère limité des
capacités cognitives des individus, une telle prévision est
irréaliste et ce d'autant plus que les innovations sont, par
définition, imprévisibles. Cet argument, indépendamment de
tout conflit d'acteurs, conduit a priori à privilégier les
investissements à court terme, les flux étant le plus souvent
d'autant moins difficiles à prévoir qu'ils sont censés
survenir à un horizon approché(G. Charreaux, 2001).
De même, ces limites cognitives des individus qui les
conduisent à substituer au principe de la maximisation celui de la
satisfaction impliquent une prise de décision sur la base de
représentations subjectives de la réalité. Les
théories sur lesquelles se fondent les individus pour prendre leurs
décisions sont des schémas mentaux45(*) (P. Wirtz,2002). Ces derniers
sont le résultat d'un processus d'apprentissage dans lequel
interviennent des facteurs culturels(A. Denzau et D. North,1994).
L'apprentissage culturel permet une réduction de la
divergence entre les schémas individuels. Dans ce contexte, les
schémas mentaux partagés sont des représentations de la
réalité partagées par une population plus large(P. Wirtz,
2002). Selon cet auteur, le schéma mental, en tant que réducteur
d'incertitude, a un impact réel sur le choix des acteurs. L'idée
fondamentale est que le construit mental influe sur la perception des
opportunités de création et d'appropriation des rechasses.
Ainsi, la structure cognitive de dirigeant dépend de
son contexte social. Mais, le dirigeant en tant qu'entrepreneur organisationnel
possède une certaine autonomie intellectuelle par rapport à son
environnement, son schéma mental individuel ne converge pas
nécessairement avec l'idéologie dominante de son contexte social
sur tous les points. Ses expériences personnelles et
particulières contribuent potentiellement à une certaine distance
entre sa représentation personnelle de la réalité et celle
contenue dans le schéma mental partagé. Ceci est la base
même de sa capacité à découvrir des
opportunités nouvelles(J.P. Bonardi, 1998).
Concernant ces divergences entre les schémas mentaux
individuels et partagés, on trouve que les facteurs culturels expliquent
clairement cette divergence. La formation initiale suivie par le dirigeant est
susceptible de façonner un schéma mental
divergent si cette formation a été conçue dans un contexte
culturel différent de celui dans lequel opère le dirigeant. Un
manager formé aux Etats-Unis aura une représentation
différente de la création de valeur que ses homologues japonais.
L'interaction avec les partenaires de provenances culturelles
différentes induit une modification des schémas mentaux des
dirigeants intéressés par l'apport potentiel de ressources de la
part d'une telle catégorie de partenaires de la firme (P.
Wirtz,2002).
Dans cette perspective, P. Romelaer et G.
Lambert(2001)considèrent que le décideur d'un investissement doit
être un manager expérimenté qui se sert aussi de son
jugement et de son intuition (et qu'il ne peut pas être uniquement un
technicien des méthodes financières). Par conséquent, en
utilisant les connaissances, les croyances et les convictions en
stratégie, le décideur fait d'abord le pari de poursuivre une
seule intention stratégique et, donc, de faire concevoir et
étudier un nombre très limité de types de projets
d'investissement.. Ceci revient à dire que l'entreprise
préférera un projet d'investissement « conforme
à la stratégie » à tout projet qui n'est pas
dans le cadre de l'intention stratégique, même pour des projets
qui, considérés individuellement, sont plus rentables et moins
risqués.
Aussi, le décideur, selon (A. Langley,198946(*)), est à la fois «
créateur » de sa décision, « acteur » et enfin
« porteur et réceptacle (carrier ) ». En fait, c'est surtout
ce dernier aspect qui nous intéresse car il souligne l'effet
mémoire qui signifie que l'individu n'est pas dépourvu de toutes
connaissances, valeurs, préjugés... Cette mémoire
rassemble un ensemble d'éléments irréversibles ayant des
conséquences sur le processus de décision puisqu'ils vont influer
sur la façon qu'a le décideur d'appréhender le
problème. Cette expérience cumulée et cette histoire ne
sont pas représentées dans les processus classiques.
Une autre conséquence des limites cognitives des
individus concerne l'ensemble des choix d'investissement. Les cultures
agissent comme un filtre de ces choix et les différences culturelles
créent une difficulté de communication informelle (A. Desreumaux
et P. Romelaer,2001). Si l'on exclut que cet ensemble soit donné de
façon exogène, se pose alors la question de son émergence.
La limitation des capacités cognitives, ainsi d'ailleurs que les
coûts liés à l'analyse et à la conception des
projets ou encore la nécessité stratégique de prendre
parfois des décisions dans l'urgence, font que le nombre d'alternatives
constituant l'ensemble des choix, notamment pour les investissements
stratégiques, est relativement restreint(G. Charreaux, 2001).
Le processus de maximisation, si maximisation il y a, se
réduit dans cette perspective à comparer l'accroissement de
richesse ou d'utilité auquel conduit chaque alternative
identifiée et sous la conduite du temps imparti pour la décision.
A cette notion de rationalité limitée est liée celle de
faillibilité (G. Charreaux, 2001). Comme le souligne Sah(1991)47(*), les jugements humains sont
faillibles, les dirigeants peuvent accepter de mauvais projets et en rejeter de
bons. Cette faillibilité trouve son origine, notamment, dans le
caractère limité en effort et en temps qu'un individu peut
consacrer à une décision, l'importance du timing et les biais
cognitifs liés par exemple aux modèles mentaux implicites
auxquels il recourt.
Enfin, l'activité de la firme dépend d'un
ensemble de ressources. Mais la question qui se pose : est- ce que
convaincre un seul apporteur de capitaux de l'intérêt de la
stratégie personnelle de dirigeant, grâce à la
proximité relative de deux schémas mentaux individuels, est
nécessairement suffisant pour l'exécution effective du
projet ? Prenant l'exemple d'un projet de croissance externe, et admettons
que la direction parvient facilement à convaincre un investisseur
important de l'intérêt de l'opération, P. Wirtz(2002)
montre que la mise à disposition des fonds qui en résulte est un
levier important pour l'exécution de la stratégie. Mais supposons
par ailleurs que le projet choisi par le dirigent implique un nombre
élevé de suppression de l'emploi. Si la firme opère dans
un pays, dans lequel le concept de la firme accorde une place importante aux
intérêts des salariés, leur accordant par ailleurs des
droits de contrôle, la résistance de cette catégorie de
stakeholders contre le projet peut s'appuyer sur le schéma mental
partagé. Ce qui nécessite d'analyser, comme nous le verrons
dans le chapitre suivant, la variation du gouvernement de l'entreprise d'une
culture à l'autre.
B. Le biais cognitif comme alternative aux
hypothèses d'enracinement du dirigeant
L'impact des facteurs culturels sur la décision
d'investissement pourrait-il aussi se manifester par les biais cognitifs du
décideur ? L'analyse de la littérature montre que les
auteurs sont unanimes pour constater que les décisions où un
individu est confronté à des choix complexes, ambigus et
incertains sont fortement biaisées (J. Evans 1989 ;R. Ghiglione et
J.F. Richard 1999). Cela tient au fait que les individus ont des
capacités cognitives limitées de traitement et de
mémorisation des informations(H.A. Simon, 195848(*)). Ainsi, de nombreuses
recherches recensent une multitude d'heuristiques et de biais cognitifs qui
peuvent s'exercer chez un décideur(R.M. Hogarth, 1980) en matière
de sélection et d'interprétation des informations qui seront
considérées par lui comme pertinentes(J. Evans, 1989). En
dépit de leur utilité (R. Ghiglione et J.F. Richard 1999), ces
heuristiques et biais peuvent se révéler erronés et
conduire à des stratégies cognitives abusives, donnant lieu au
développement d'actions déviantes chez le dirigeant( J.
Fredrickson et T. Mitchell, 1984).
P. Romelaer et G. Lambert(2001)montrent aussi que lorsque les
décideurs sont face à des décisions d'investissement dont
les conséquences apparaissent ambiguës, des contraintes, des
valeurs, voire des affects vont prendre une place non négligeable dans
la décision. Ces éléments d'appréciation de
l'action des managers ne rompent pas les liens avec la recherche
légitime de maximisation des bénéfices, mais viennent
distordre l'évaluation des projets d'investissements. Cette distorsion
sera d'autant plus forte que l'ambiguïté caractérise la base
décisionnelle de l'investisseur. De même, le monde dans lequel le
décideur conçoit et déploie son action est changeant,
complexe, habité par des forces et par d'autres acteurs qui, puisqu'ils
influencent le futur de son investissement, doivent être pris en compte
dans la rationalité qu'il y applique.
J.B. Heaton(1998)49(*) propose une modélisation
financière qui suppose que les dirigeants sont optimistes
relativement aux chances du succès de leurs investissements : ils
les surestiment systématiquement. On trouverait ce biais notamment quand
l'objectif poursuivi est sous le contrôle (au moins partiel) de l'acteur
et quand ce dernier est fortement impliqué dans le projet ; deux
conditions qui semblent caractériser les dirigeants. Cette
hypothèse de biais cognitif constitue une alternative aux
hypothèses d'enracinement des dirigeants ou de construction d'empire
pour expliquer l'adoption de projets non rentables.
Selon M. Barabel et O. Meier(2002),ces biais cognitifs du
dirigeant peuvent expliquer les résultats décevants des
opérations de croissance externe de l'entreprise.
En centrant l'analyse, dans une opération de fusion-
acquisition, sur le dirigeant de l'entreprise acheteuse on peut se poser les
deux questions suivantes :
1- quelles sont les erreurs(liés aux
biais cognitifs) commises par le dirigeant de l'entreprise acheteuse lors
d'opérations de croissance externe ?
2- Quels sont les facteurs qui peuvent, au
regard du contexte de l'acquisition et de ses caractéristiques,
augmenter le risque d'apparition d'erreurs cher les dirigeants ?
Une opération de fusion- acquisition se
décompose classiquement en trois phases distinctes : La phase de
pré acquisition, la phase de négociation avec la
société cible et la phase de mise en oeuvre qui conduit à
l'intégration de l'entité acquise dans le nouvel ensemble(M.
Barabel et O. Meier., 2002).
Au cours de ces différentes phases, le dirigeant de
l'entreprise acheteuse joue un rôle déterminant, eu égard
à sa position dans la structure et à son impact sur la
performance future du nouvel ensemble. Acteur important de
l'opération(G. Guieu, 1994), il peut commettre un certain nombre
d'erreurs liées aux processus cognitifs biaisés dont les effets
seront néfastes à la qualité et à la valorisation
de l'opération.
En phase de pré-acquisition(préparation), La
focalisation sur une cible préférée d'entrée
conduit par conséquent le dirigent à éliminer des
alternatives parfois crédibles et à minimiser les
inconvénients de la solution retenue en première intention. Ceci
peut par conséquent l'amener à retenir une société
qui n'apparaît pas comme la solution la plus optimale. De même, le
dirigeant peut être tenté de reproduire et d'appliquer les
principes antérieurs à un nouveaux contexte décisionnel,
au regarde des similitudes perçues entre un événement
passé et une situation présente, sans tenir compte des
phénomènes de temporalité et des caractéristiques
propres aux différents événements.
En phase de négociation exclusive avec la cible
retenue, le dirigeant peut exagérer les chances de sucés de
l'opération et avoir la conviction que la décision aura un coup
sûr, une issue positive alors que statistiquement les chances de
réussite sont de moins d'une sur deux(R. Olie, 1994).En particulier, il
aura tendance à surestimer sa capacité à contrôler
les résultats, pensant que le risque encouru peut être
réduit par une bonne utilisation de ses compétences
professionnelles. Le décideur est alors exagérément
optimiste sur ses capacités à obtenir des résultats
nettement supérieurs à ceux obtenus avant lui(M.H. Bazerman,
1998)
Dans la phase d'intégration , lorsque le processus
de décision d'acquisition est caractérisé par un haute
niveau de stress et une mobilisation d'énergie importante sur une longe
période, les décideurs peuvent en fin de
processus(proximité de l'échéance) accélérer
le cours des événements, pour en finir. En procédant
ainsi, les dirigeants peuvent être conduits à prendre leurs
aptitudes managériales en les amenant à céder à la
pression des événements, sans pour autant avoir une totale
maîtrise de la situation. Ce phénomène de
précipitation peut avoir comme conséquences de négliger ou
d'occulter les dernières phases de décisions.
En ce qui concerne les facteurs augmentant le risque
d'apparition d'erreurs cher les dirigeants, plusieurs facteurs renforcent
l'apparition de biais cognitifs chez le dirigeant à savoir : La pression
temporelle des différentes parties prenantes, le rôle des experts,
l'homogénéité culturelle de l'équipe de
décision de l'entreprise acheteuse, les expériences
antérieures réussies dans des opérations de fusions-
acquisitions et la qualité relative de l'entité acquise(M.
Barabel et O. Meier., 2002).
En se focalisant sur le troisième
facteur(l'homogénéité culturelle de l'équipe de
décision de l'entreprise acheteuse), on trouve que le Pdg s'entoure
presque toujours d'une équipe restreinte d'individus(P.C. Haspeslagh et
D.B. Jemison,1991) chargés de décider avec lui de
l'opportunité de l'opération et de négocier avec la cible
des conditions de l'accord. L'un des risques pour le Pdg, responsable de la
constitution de l'équipe, est alors de sélectionner des acteurs
aux caractéristiques proches (homogénéité
culturelle) sur le plan personnel(même sensibilité,
état d'esprit voisin) et professionnel(même diplôme,
même type de compétences, etc.) (D.C. Hambrick, 1995).
En procédant ainsi, le dirigeant uniformise ex ante les
points de vue des membres de son équipe(D.C. Dearborn et H.A.
Simon,1958), ce qui les conduit lors de la prise de décision à
avoir une opinion très proche les uns des autres(S.B. Rodrigues et D.J.
Hickson,1995). Ainsi, la proximité culturelle des décisions
risque de générer un processus décisionnel sans
heurt(absence de conflits cognitifs liés à une
interprétation commune des données) avec un recueil
d'informations limité( M.E. Shank et al. 1988) qui peut masquer les
problèmes posés par l'opération et aboutir à des
solutions peu productives(A. Amson et al.1995).
L'homogénéité culturelle des décideurs peut donc
conduire à des consensus précoces, empêchant d'aborder les
problèmes clés de la décision et de sa mise en oeuvre(R.L.
Priem et al.1995), ce qui tend à générer des
évaluations erronées(H. Laroche,1988). A ce stade, on peut aussi
citer (Janis,197250(*)),
selon lui, lorsque la cohésion est particulièrement forte entre
des individus alors des solutions peuvent être acceptées sans
réelle évaluation, les acteurs se conforment à la norme.
En résumé, Les dirigeants sont
toujours actifs, leur rôle dans le processus de la décision
d'investissement ne se limiterait pas à des techniciens des
méthodes financières. Ils prennent leurs décisions selon
des représentations subjectives de la réalité. Les
théories sur lesquelles se fondent les dirigeants sont des
schémas mentaux. Ces derniers sont le résultat d'un processus
d'apprentissage dans lequel interviennent des facteurs culturels. Les biais
cognitifs des dirigeants conduisant à choisir des projets
d'investissement non rentables, remplacent l'hypothèse d'enracinement
des dirigeants. L'homogénéité culturelle du cadre qui
entoure le dirigeant augmente ses biais cognitifs et conduit par
conséquent à des résultats décevants. Ceci nous
permet de dire que la décision d'investissement pourrait être
expliquée par la personnalité du dirigeant.
Chapitre II. L'influence de la culture nationale des
entreprises sur le choix du mode d'entrée sur les marchés
étrangers
Hofstede (1991,1994) définit la culture nationale
comme un système d'idées et de valeurs partagé par les
membres d'un même groupe. Si, depuis la fin des années
1980, plusieurs investigations empiriques ont tenté
d'évaluer l'influence de l'environnement culturel des entreprises sur le
choix du mode d'entrée, la relation entre ces deux variables n'est pas
clairement établie. Une juxtaposition et une comparaison des
résultats de ces études permettraient de déterminer si la
culture nationale des acteurs constitue effectivement un facteur explicatif du
choix du mode d'entrée (Mayrhofer U, 2002).
Avant d'analyser, dans la deuxième section,
Les éléments de la différenciation culturelle des pays et
leur impact sur le choix du mode d'entrée sur les marchés
étrangers, il convient de montrer, dans la première
section, la variation du système de gouvernement de l'entreprise
d'une culture à l'autre du fait que la logique d'investissement des
entreprises dérive des modèles de gouvernement nationaux, dont la
nature du contrôle et la nature du financement externe
représentent des caractéristiques importantes (Mayrhofer U., Roth
F,1999).
Section I. La culture comme facteur d'inertie de
l'évolution des systèmes des gouvernements des entreprises((
étude comparative))
Malgré l'intégration croissante des
marchés de capitaux, les systèmes de gouvernement de
l'entreprise(désormais GE)de différents pays divergent encore
souvent d'une manière non négligeable. Nous parlerons de
système de GE par rapport à l'ensemble des mécanismes qui
contraignent potentiellement l'espace discrétionnaire des dirigeants
dans un pays donné. Ces systèmes ne sont pas indépendants
des traditions nationales en terme de contrôle des dirigeants. Les
traditions, issus de l'histoire, différent non seulement par rapport au
répertoire des mécanismes disciplinaires appliqués, qui
sont légaux, spontanés ou organisationnels, mais également
par apport aux objectifs qui sont assignés au GE(P. Wirtz, 2002).
Comme l'exploration de nouvelles activités,
l'exploration de nouveaux territoires, ou l'internationalisation peut
être associée à la notion de « distance culturelle
» entre acteurs. La distance culturelle indique le degré de
proximité entre deux cultures(J. Engelhard ; S. Eckert, 1999). La
culture est un schéma mental partagé qui représente, selon
A. Denzau et D. North (1993), un facteur d'inertie dans l'évolution des
systèmes de gouvernement des entreprises nationaux. Le modèle
mental du dirigeant représente également une barrière aux
investissements internationaux(N. Kessler 1995 ; R. Uppal, 1994), car
celui-ci perçoit de façon biaisée les chances et les
risques à l'étranger. Ce biais peut être
attribué au manque d'informations que possède le dirigeant sur
les coutumes, traditions, normes, lois, telles que la réglementation
comptable ou les spécificités du système de gouvernement
des entreprises. Comme conséquence de ce manque d'informations,
l'incertitude perçue au travers des investissements effectués
à l'étranger tend à être plus forte que celle qui
concerne les investissements « domestiques ». Aussi, l'initiateur
d'un rapprochement potentiel devrait être plus sensible aux
problèmes d'asymétrie d'information et de sélection
adverse (S. Balakrishnan ; M. Koza, 1993), qui conditionnent le
degré d'incertitude comportementale
Les analyses fondatrices de (A.A. Alchian et H.
Demsetz,1972 ; M.C Jensen et W.H Meckling 1976 et E.F Fama,1980).
51(*) ont
privilégié l'étude des relations d'agence entre les
dirigeants, les actionnaires et les créanciers. Elles peuvent être
élargies afin d'intégrer d'autres stakeholders, en
particulier les salariés, et approfondis pour mieux rendre compte de
l'hétérogénéité de groupes tels que les
actionnaires ou les créanciers. Charreaux(1997) définit le
gouvernement de l'entreprise comme « l'ensemble des
mécanismes qui ont pour effet de délimiter les pouvoirs et
d'influencer les décisions des dirigeants, autrement dit qui
''gouvernent'' leur conduite et définissent leur espace
discrétionnaire ».
Se distinguant de la théorie de l'agence qui
privilégie la notion de conflit d'intérêt, associée
à celle de relation d'agence, la théorie des coûts de
transaction retient la transaction comme unité d'analyse et la
spécificité des actifs supports de la transaction, comme concept
central. Un actif est d'autant plus spécifique que son
redéploiement vers un autre usage entraîne une perte de valeur
importante(Charreaux,1997).
s'appuyant sur le principe d'efficacité, O.E.
Williamson (1985)52(*)
analyse les mécanismes organisationnels qui permettent de gérer
les différentes transactions entre la firme et les
stakeholders, selon le critère de minimisation des coûts
de transaction, ces derniers incluant les coûts d'agence. Il oppose les
mécanismes intentionnels, issus d'un dessein de contrôle de la
transaction, de nature institutionnelle, aux mécanismes
spontanés, de nature contractuelle. Les premiers permettraient de
gérer plus efficacement les transactions mettant en jeu des
investissements fortement spécifiques. Ainsi, le conseil
d'administration interviendrait pour contrôler la transaction avec les
actionnaires, censée financer les investissements spécifiques
à la firme. Inversement, la relation de prêt associée au
financement d'actifs redéployables serait plus efficacement
protégée par un mécanisme spontané et contractuel,
sous forme de clauses ou de garanties.
Les salariés qui, dans le cadre de la
relation salariale, effectuent des investissements en capital humain
spécifique, liés à la firme, encourent un risque
lié à la nature à long terme des contrats de travail. Des
mécanismes tels que la cogestion ou la participation au conseil
d'administration permettraient de préserver leurs intérêts
et contribueraient à minimiser les coûts liés à
cette transaction particulière. La protection des clients serait le plus
souvent assumée, indépendamment de tout mécanisme
institutionnel, grâce notamment à la marque qui fait intervenir la
réputation de la firme et aux contrats de garantie. Enfin, la
transaction entre les dirigeants et la firme, à caractère
spécifique élevé, justifierait, outre le recours à
des mécanismes de protection contractuelle (contrats de
rémunération, indemnités en cas d'éviction), une
protection institutionnelle assurée par la présence des
dirigeants au conseil d'administration. Le conseil d'administration se verrait
ainsi reconnaître un rôle secondaire de protection des
intérêts des dirigeants.
Les créanciers financiers ne constituent pas non plus
une catégorie homogène. On distingue ainsi les dettes internes
contractées auprès des banques, des dettes externes
négociées directement sur les marchés. Les banques
assureraient ainsi une fonction de spécialiste du contrôle, ce qui
conduirait les autres stakeholders à leur déléguer la
mission de surveiller les dirigeants. Au Japon, ce rôle des banques,
notamment de la banque principale, est souvent avancé comme étant
un des facteurs déterminants de l'efficacité des firmes, d'autant
plus que les banques y sont fréquemment les actionnaires principaux.
Le cadre théorique décrit précise les
différents mécanismes qui délimitent l'espace
discrétionnaire des dirigeants, avec pour objectif de limiter les
coûts de transaction, sans s'interroger sur le comportement des
dirigeants. Ces derniers cependant ne sont pas passifs. Poursuivant
d'enracinement, ils cherchent à neutraliser les différents
mécanismes disciplinaires.
Mais, une comparaison des systèmes de gouvernement des
entreprises nationales montre que des similitudes et des différences
coexistent. Les différences expliquent que dans différents pays
il existe des différences dans les représentations du statut des
stakeholders. Ces représentations ont des racines
socioculturelles et peuvent être assimilées à des
schémas mentaux partagés (Denzau et North,1994)53(*).L'héritage culturel est
important pour ces représentations partagées. La pertinence de ce
concept se reflète dans l'étude de Yoshimori(1995)54(*), qui constate l'existence de
divergence au niveau de la représentation du statut des partenaires de
la firme dans différents pays.
Le cadre qui est étudié ici passe en revue les
caractéristiques des ''modèles'' japonais , allemand et anglo-
américain, mais ces modèles sont tirés à la fois de
ce qui est réel et qui est perçu et ils représentent des
« catégories idéales ».S'agissant des
contrastes entre ces trois modèles(le système français
constitue une forme hybride(Charreaux,1997), on peut mettre en avant le
principe dit d'« inversion » dans 1'ordre de
priorité des « trois P » (les
personnes, les produits, les profits), il sera déterminé
ultérieurement si ces modèles sont en train de changer et si une
convergence apparaît (P.C. Oman, H.D. Brooks,1997).
Japon
|
Allemand
|
Etats- Unis/Royaume- Uni
|
Personnes
|
Produits
|
profits
|
Produits
|
Personnes
|
Personnes
|
profits
|
Personnes
|
Personnes
|
1. Le modèle japonais :
Les grandes entreprises japonaises pratiquent ce que l'on
appelle « l'emploi à vie ». Le fait qu'il puisse y
avoir des exceptions à cette règle (dans le cas des femmes, des
travailleurs temporaires ou des travailleurs immigrés, par exemple) n'a
pas de pertinence du point de vue du gouvernement d'entreprise. Il entre dans
la rhétorique du capitalisme japonais que les personnes ont la
priorité dans l'entreprise, que ce sont des formes d'entreprises
fondées sur la notion de collectivité et que les cadres
dirigeants ont une responsabilité sociale (M.Fruin,1992). Le mot
japonais qui désigne l'entreprise, kaisha, et celui qui
désigne la société, shakai, sont composés
à partir des deux mêmes caractères (kanji), mais
dans un ordre inversé. Certains Japonais aiment à dire que, dans
leur pays, il y a beaucoup de kaisha (entreprises), mais pas de
shakai(société). Parmi les nombreuses conséquences de cet
état de fait, dont la plupart devront être laissées de
côté pour les besoins de cette analyse, il convient d'en souligner
une : l'absence de shakai se manifeste, entre autres, par la non existence
d'un Etat- providence. Par ailleurs, les salariés des grandes
sociétés attendent de celles- ci qu'elles leur apportent le
bien-être. L'une des nombreuses raisons pour lesquelles les
créations des entreprises sont très peu nombreuses
au Japon est le fait que les conditions sont bien meilleures dans les
grandes firmes bien installées. La sécurité, le prestige
social, une meilleure rémunération et de précieux
avantages annexes, y compris de bonnes perspectives de mariage, sont quelques-
uns des privilèges offerts. Traditionnellement, les licenciements
n'existent pas dans les firmes japonaises. En contrepartie, les salariés
sont sensés servir fidèlement leur entreprise.
Oman P.C., Brooks H.D(1997)montrent que décrire le
directeur général japonais comme un
« généraliste » nécessite une
explication. L'élite à la tête des entreprises japonaises
est généralement diplômée de l'une des trois
filières suivantes: droit, ingénierie ou économie. Les
diplômés des facultés de droit des universités
japonaises prestigieuses, formant ce que l'on appelle les anciennes
« universités impériales». L'accès à
une bonne université japonaise est très difficile et uniquement
possible via des examens d'entrée très sélectifs (les
élèves travaillent donc extrêmement dur dans l'enseignement
primaire et surtout dans le secondaire), alors que l'obtention d'un
diplôme d'université est une simple formalité.
L'emploi à vie étant pratiquement garanti dans
les grandes firmes, un de ses corollaires a toujours été le
principe selon lequel une personne travaille dans une entreprise, et n'occupe
pas tel ou tel poste ou telle ou telle fonction. Comme le note R.Whitley(1992),
au Japon les niveaux élevés de dépendance
réciproque entre les employeurs importants, leurs salariés de
base et leurs fournisseurs et clients sont peu susceptibles de produire des
systèmes d'activités efficaces s'ils sont accompagnés de
tâches très spécialisées et de systèmes de
supervision formalisés. La rotation du personnel dans l'entreprise est
également une caractéristique de la culture d'entreprise
japonaise. Dans les entreprises, les qualités nécessaires pour
encourager l'esprit d'équipe, créer le consensus, ou motiver sont
celles qui seront particulièrement appréciées pour la
promotion. Un directeur général japonais et les cadres qui le
secondent seront donc en principe des généralistes, c'est-
à- dire des personnes ayant travaillé dans de nombreux services
de cette entreprise et qui ont ainsi acquis une bonne vue d'ensemble.
Selon Yoshimori(1995)55(*), il est possible de distinguer les systèmes
monistes, dualistes et pluralistes. La philosophie moniste qui
privilégie les intérêts des seuls actionnaires, est
dominante dans les pays anglo- saxons. L'approche pluraliste, qui tient compte
des objectifs de plusieurs stakeholders, serait caractéristique du
Japon. Le concept dualiste, à demi chemin entre les
précédents, dans la mesure où, à côté
des intérêts des actionnaires, sont pris en compte ceux des
salariés, prédominerait en Allemagne et, partiellement, en
France. On constate donc que dans ces différents pays il existe des
Differences dans la représentation du statut des stakeholders.
Il est certain que le Japon traverse une crise. Son
économie est en plein marasme depuis environ cinq ans, situation sans
précédent dans l'histoire de ce pays depuis la guerre, et assez
peu brillante même comparée à l'activité des pays
européens, généralement moins soutenue. On peut être
d'accord avec Watanabe et Yamamoto(1993)lorsqu'ils affirment qu'au Japon, la
crise économique est, dans une certaine mesure, une crise du
gouvernement d'entreprise. Il existe à la fois des pressions internes et
externes pour des changements dont quelques-uns ont été
intégrés dans des amendements, aux codes du commerce japonais,
en 1994, par exemple la création d'au moins un poste d'auditeur
externe(A.Viner,1993).Depuis la Seconde Guerre mondiale, la performance
économique des systèmes orientés réseaux semble
cependant supérieure, tout en étant apparemment plus
équitable dans la répartition des gains de la croissance. Le
meilleur partage du pouvoir décisionnel entre les différentes
catégories de stakeholders, en garantissant une plus grande
cohésion organisationnelle, conduirait à une plus grande
efficacité.
2. L e modèle allemand
Selon Oman P.C., Brooks H.D(1997),les sociétés
allemandes ne prêtent pas autant d'attention à leurs
salariés que les entreprises japonaises. La structure des syndicats est
également différente. Au Japon, les syndicats d'entreprise sont
généralement de nature verticale, tandis que ce sont les
syndicats de type horizontal qui prédominent en Allemagne. Par ailleurs,
alors que le syndicat d'entreprise au Japon fait partie intégrante de la
culture de l'entreprise et de sa structure, les firmes japonaises ne sont pas
juridiquement tenues, contrairement aux entreprises allemandes, d'assurer une
représentation syndicale au sein de leur conseil d'administration. Ce
qui nous permet de dire qu'au Japon, le rôle du conseil d'administration
en tant qu'un mécanisme de contrôle de la décision du
dirigeant n'est pas le même qu'en Allemagne.
Les salariés se voient accorder une priorité
moins grande dans les firmes allemandes que dans les entreprises japonaises,
mais sont encore plus éloignés des préoccupations des
sociétés anglo-américaines traditionnelles. En Allemagne,
la formation des salariés fait l'objet d'investissements
considérables, par exemple via un système d'apprentissage
intensif et très étendu. Il est rare qu'un salarié quitte
une grande entreprise pour en intégrer une autre. De plus, même
si l'emploi à vie n'existe pas, contrairement à ce qui se passe
au Japon - les licenciements sont possibles, bien qu'ils soient rares si l'on
compare cette situation à celle des Etats-Unis et du Royaume-Uni - les
salariés restent en principe dans la même entreprise tout au long
de leur vie professionnelle. Aussi bien les entreprises allemandes que
japonaises pratiquent, pour l'essentiel, la promotion interne.
Quant au système financier allemand, il se
caractérise en premier lieu par un contrôle du capital des grandes
entreprises par les principales banques du pays, à savoir la Deutsche
Bank, la Dresdner Bank et la Commerz Bank. Ce contrôle du capital
dérive d'une part, des participations détenues, d'autre part, du
système de procuration très développé qui permet
aux institutions financières de représenter les petits
actionnaires. La banque joue donc un rôle central dans le système
de gouvernement des entreprises du pays. Les liens financiers entre les trois
principales banques sont renforcés par des participations
croisées conduisant à un fort autocontrôle.
Les compagnies d'assurance et de réassurances
s'insèrent également dans ce réseau financier, conduisant
à la constitution d'un véritable coeur financier (D. Mertens-
Santamaria, 1997). Ce réseau de participations croisées est
renforcé par un verrouillage de l'administration des entreprises,
où la Deutsche Bank joue un rôle central (H.
Papenheim-Tockhorn,1995 ; A. Pfannschmidt, 1993)56(*). Aussi, « l'esprit de
corps » des dirigeants allemands devrait être fort, notamment
lorsqu'il s'agit de partager le contrôle du capital avec des entreprises
étrangères au réseau (H. Kalfass,1988). Avec un capital
verrouillé et des marchés financiers peu actifs( R. La Porta et
al., 1997), on observe donc un pouvoir en réseau de type technocratique,
selon la formule de (F.Morin,1974). Ce pouvoir technocratique peut être
qualifié de professionnel, dans la mesure où la carrière
des dirigeants allemands s'effectue principalement en interne (M. Bauer, B.
Bertin- Mourot,1990). Enfin, comme pour la plupart des pays occidentaux, sauf
les États- Unis, la logique de financement externe des entreprises
allemandes repose sur l'intermédiation bancaire. Toutefois, le faible
poids du marché financier dans ce pays limite les possibilités de
lever des ressources externes autres que bancaires (E. Berglöf,
1997 ; R. La Porta et al., 1997).
M. Aoki et H.Patrick(1994)indiquent que les
OPA sont très rares et les OPA
hostiles pratiquement inexistantes en Allemagne et au Japon,
contrairement à ce qui passe aux Etats- Unis et au Royaume- Uni.
Généralement, on souligne aussi qu'une des raisons essentiels de
cette disparité porte sur les relations banques- entreprises
différentes et très étroites qui prévalent dans les
contextes allemands et japonais. Cependant, il faut également
souligner qu'il existe d'importantes raisons culturelles. En
particulier, dans la mesure où une priorité élevée
et relativement élevée est accordée aux personnes
respectivement au Japon et en Allemagne, les OPA sont
désapprouvées d'un point de vue social et éthique, selon
l'argument que l'on n'est pas censé acheter ou vendre des personnes.
On a jusqu'à présent beaucoup commenté -
et souvent en termes négatifs - le fait que les conseils
d'administration japonais et, dans une mesure moindre quoique comparable, les
conseils d'administration allemands, aient une structure relativement
contestable. Le pouvoir y est en effet concentré entre les mains du
directeur général.
Bien que la forme juridique des conseils d'administration
japonais et allemand soit distincte, cette différence est plus
apparente qu'effectives en termes d'équilibre des pouvoirs. Le
système germano- nippon (allemand/japonais) apparaît
principalement réglé par des mécanismes internes. Il
semble offrir une meilleure capacité préventive et favoriser la
coopération et l'investissement à long terme(Chareaux,1997).
Enfin, le principal inconvénient des
modèles allemand/japonais qui donnent la priorité aux personnes
et aux produits plutôt que chercher impérativement à
maximiser la valeur de l'entreprise aux yeux de l'actionnariat et reposent sur
un rôle plus limité des actionnaires, est constitué par
l'absence relative d'une surveillance efficace des activités de la
direction générale (Oman P.C., Brooks H.D,1997).
3. L e modèle anglo-
américain
Dans les pays anglo Saxons, les fonds en provenance du
marché boursier seraient la principale source du développement
des entreprises(Corbett et Jenkinson, 1996). Les OPA sont endémiques.
Lorsque l'on oppose l'ordre de priorités des
« trois P » du
modèle japonais à celui du système anglo-
américaine, il faudrait se garder d'en conclure que l'attitude qui
consiste à se préoccuper des personnes fait d'avantage partie
intégrante de l'environnement socio- éthique du Japon que de
celui des Etats- Unis et au du Royaume Uni. De plus, dans le modèle
anglo- américain, la valeur d'un individu est normalement fondée
sur ses compétences spécifiques tandis que, dans le modèle
japonais, elle repose davantage sur la fidélité à
l'entreprise et la durée de l'activité du salarié dans
cette entreprise. La valeur d'un bon ingénieur Intel ou GEC tient au
fait que cet homme ou que cette femme est bon ingénieur ; la valeur
d'un bon salarié de Toshiba tient au fait qu'il est un bon
salarié de Toshiba(Oman P.C., Brooks H.D,1997).
De ce point de vue, la fréquence des licenciements aux
États- Unis ou au Royaume-Uni, par rapport à leur absence
générale au Japon, laisse supposer un raisonnement
différent. L'ingénieur Intel/GEC, homme ou femme, peut vendre ses
compétences sur un marché du travail ouvert. S'il est
licencié, ses compétences peuvent être relativement
facilement transférées dans une autre firme. Si un salarié
de Toshiba est licencié, ses nombreuses connaissances sur Toshiba ne
sont guère utiles, sauf, bien entendu, si elles sont telles qu'il peut
en faire bénéficier la concurrence, auquel cas, cependant, il est
peu susceptible d'être licencié ! C'est pourquoi, lorsque les
grandes entreprises japonaises mettent en préretraite ou licencient
leurs salariés, elles les reclassent habituellement, dans le dernier
cas, chez l'un de leurs fournisseurs, où le fait de connaître la
société mère reste un avantage évident.
Indiquer que, dans les modèles japonais et allemand,
les profits soient moins prioritaires que dans le modèle anglo-
américain, ne signifie pas que ces profits et les actionnaires ne
comptent pas ! les actionnaires institutionnels/ en réseau
étant beaucoup mieux considérés en Allemagne et au Japon,
l'accent est généralement mis sur la stabilité des
rendements des investissements. L'accent mis sur la priorité aux profits
et la valeur de l'entreprise aux yeux des actionnaires produit de toute
évidence des résultants importants. Au Royaume- Uni, les
dividendes sont en général près de deux fois
supérieurs à ceux versés en Allemagne et de trois fois
supérieurs à ceux versés aux actionnaires au
Japon(V.Handy,1993).
Aussi, au Royaume-Uni, le système de
contrôle repose essentiellement sur les investisseurs institutionnels
[OCDE 1998]57(*). En
effet, l'actionnariat se caractérise par une prédominance de ce
type d'investisseurs, une forte concentration des actions des entreprises
cotées entre leurs mains, la quasi- absence de participations
croisées entre entreprises et un poids faible des actionnaires
individuels dans les participations directes [OCDE 1998]58(*). Les investisseurs
institutionnels jouent donc un rôle globalement plus important dans le
capital des sociétés cotées en bourse. Ce contrôle
peut donc être qualifié d'orienté- marchés (P.
Moerland,1995), puisque reposant sur des marchés financiers actifs sans
verrouillage de capital. Enfin, le marché financier, à
côté du financement bancaire, représente également
un moyen important de financement externe (E. Berglöf, 1997 ; R. La Porta
et al., 1997).
Le système anglo-
saxon serait sensé conduire une politique d'investissement sous-
optimale, privilégiant une optique de court terme. Cependant, sa
flexibilité et son adaptabilité seraient supérieures
à celles du système concurrent(Chareaux,1997).
4. Le modèle français
La plupart des études opposent les systèmes
anglo- saxons (Etats- Unis et Grande Bretagne) aux systèmes allemands et
japonais, les systèmes latins en particulier le système
français- constituent une forme
hybride(Charreaux,1997).
Les conseils d'administration des entreprises en France peut
contenir un certain nombre de salariés. Leur nombre est cependant plus
faible et leur influence réduite. A contrario, en France le rôle
de l'Etat supposé être fort(V. Schmidt, 1996). Concernant les
mécanismes spontanés de contrôle, la plupart des auteurs
soulignent la faible importance des OPA hostiles pour les
firmes allemandes et françaises, bien que les freins institutionnels
semblent globalement moins importants en France qu'en Allemagne(J. Franks, C.
Mayer, 1990). Ainsi, le système de contrôle français occupe
une position intermédiaire entre le système de contrôle
allemand et celui des pays anglo- saxon(E. Berglôf, 1990). Une autre
distinction entre système de contrôle, due à
Moerland(1995), est celle entre une logique de
réseaux(Ex :Allemagne) et une logique de marché(Ex :les
pays anglo-saxons). Toujours selon Moerland, la France occupe une position
intermédiaire.
Le modèle financier français se
caractérise par l'existence de plusieurs pôles financiers. Lorsque
l'État dominait l'économie nationale, le contrôle des
grandes entreprises du secteur financier était public. Les vagues de
privatisation ont conduit à un éclatement des groupes. Toutefois,
les réseaux de dirigeants, liés au système de formation
des grandes écoles et des grands corps de l'Etat, représentent
toujours un mécanisme de gouvernement des grandes entreprises essentiel
en France (C. Kadushin, 1995 et F. Morin,1996). De plus, si l'Etat n'est plus
majoritaire dans un grand nombre d'entreprises, il reste très
impliqué par le biais des participations détenues (D.
Mertens-Santamaria,1997) et la mise en place de noyaux durs (F. Morin, 1996).
Les coeurs financiers en France sont également stabilisés par de
fortes participations croisées entre les groupes concernés. Il
existe donc, à l'instar du modèle allemand, une sorte de
verrouillage institutionnel du capital. Ce verrouillage conduit aussi à
un pouvoir en réseau de type technocratique. Toutefois, celui-ci peut
être qualifié de politique du fait de l'implication de
l'État et du système de formation des dirigeants français.
Enfin, les marchés financiers, comme moyen de financement externe,
jouent un rôle plus important qu'en Allemagne ( E. Berglöf, 1997 ;
R. La Porta et al.,1997).
En résumé, nous constatons,
donc, que les comparaisons internationales opposent souvent les pays anglo
américains, pour lesquels les mécanismes du marché
financier guidés par les intérêts des actionnaires
revêtent une grande importance, à des pays comme l'Allemagne et le
Japon, où le contrôle semble s'effectuer d'une manière plus
relationnelle, tenant compte de plusieurs catégories de stakeholders. A
la France, on attribue souvent une place intermédiaire, soulignant comme
particularité le poids de l'Etat. Nous constatons aussi que les pays
anglo américains privilégient l'investissement à court
terme alors que d'autres pays comme l'Allemagne et le Japon privilégient
l'ensevelissement à long terme.
Section II. Les éléments de la
différenciation culturelle des pays et leur impact sur le choix du mode
d'entrée sur les marchés étrangers
Une analyse réalisée par U. Mayrhofer en 2002
montre qu'il est préférable d'appréhender la culture
à partir de plusieurs dimensions plutôt que de s'appuyer sur un
seul facteur. Elle confirme la nécessité d'intégrer les
variables culturelles dans les modèles explicatifs du choix du mode
d'entrée.
Nous essayerons, dans ce qui va suivre, de classifier ces
facteurs en quatre catégories à savoir : le mode
d'identification des individus, leurs positionnement par apport aux autres
individus et leur positionnement à leur environnement naturel ou
religieux ainsi que leur positionnement par apport à leur environnement
économique.
1. Premier axe de référentiel
culturel : le mode d'intensification et d'appartenance des
individus
La première
différenciation culturelle concerne le besoin qu'éprouvent les
individus à se définir par apport à un ou plusieurs
groupes d'appartenance de référence. Ces groupes peuvent
être plus ou moins étendus et dominants et prendre des formes
différentes telles que la nation, l'ethnie, la religion, la caste,
l'entreprise ou la famille.
1-1. Appartenance monochrone ou polychrone
Le caractère polychrone de l'appartenance que nous
reprenons à E.T Hall(1984) est relatif à un mode relationnel
complexe qui inscrit les individus dans les rapports multiples
d'interdépendance souvent informels et d'engagement personnel. Il est
caractéristique des cultures de groupe(collectivistes) dans lesquels
l'individu privilégie les relations personnelles et émotionnelles
sur les relations fonctionnelles et rationnelles. Au contraire, le
caractère monochrone de l'appartenance fait référence
à un mode relationnel plus fonctionnel, séquentiel et
formalisé qui engage dans une bien moindre mesure la personnalité
des individus concernés. Aussi, Hall montre que, dans une organisation
monochrone, la qualité humaine des membres qui la constituent n'est pas
prise en considération, Les hommes d'affaires américains sont peu
soucieux du moral de leurs employés. Pourtant, leur moral peut avoir une
influence décisive sur les bénéfices des entreprises.
Alors que la faiblesse du modèle d'organisation polychrone tien au fait
qu'il dépend des capacités des dirigeants à faire face aux
imprévus et à toujours maîtriser la situation
générale.
La décision peut donc participer d'un processus plus ou
mois formalisé selon les cultures. Selon l'auteur, les cultures
polychrones favorisent les contacts personnels et la mise en place de
réseaux de décision informels qui s'établissent dans
l'ombre et en parallèle des lieux, des étapes et des acteurs
officiels de la décision. Au contraire, les organisations monochrones
attachent cette importance au travail, aux programmes et procédures.
1-2. Le support de l'appartenance
Les supports de l'appartenance sont multiples. Ils peuvent
faire référence à la famille mais aussi à
l'entreprise, la nation, la communauté de langue, les universités
fréquentées ou la corporation professionnelle..... etc. Ces
différents supports coexistent dans la plupart des cultures mais leur
importance relative, leur caractère élargi ou restreint, leur
caractère globalisant ou différencié, leur
caractère de reconnaissance diffus ou spécifiques varient d'une
culture à l'autre(G.Hofstede,1994).
Les individus polychrones, par exemple, accordent une grande
importance aux relations individuelles et la famille occupe une place centrale
dans leur vie. La famille passe avant tout, les amis viennent ensuite. La
famille a toujours la priorité quand un problème grave se pose.
Au contraire, les cultures monochrone ne donnent pas la même importance
à la famille que les cultures polychrones, elles favorisent les
appartenances multiples(E.T Hall,1984). Ainsi, en Asie, la
référence à la famille élargie domine et même
intègre les autres supports de l'appartenance. La culture
nord-américaine qui est plus monochrone favorise au contraire la
multiplicité des supports selon le contexte des
interactions(professionnel, amical, religieux.....etc.).
La différence entre la culture polychrone et la culture
monochrone se manifeste aussi dans le processus de décision. Nous
pourrons citer ici Philippe d'Iribarne59(*) qui a montré la différence entre la
France et la Suède dans leur manière de prise de décision.
Selon l'auteur, les suédois se réunissent pour comprendre, puis
ils analysent longuement et finalement les décisions sont prises. Ils
mettent aussi par écrit ce qui est décidé, ce que les
français n'ont pas l'habitude de faire. Dans une perspective
française, le directeur ne doit pas craindre de poser ses
décisions alors que le directeur suédois n'a pas à imposer
ses décisions. En matière d'innovation, chez les suédois,
une fois que la décision est prise, tout le monde y va sans
atermoiement(....). Chez les français, le processus de décision
pour introduire une innovation(...) peut sans arrêt être remis en
cause, rediscuté. Chacun fait un peu ce qu'il veut. Chez eux, on fait un
dessin à la main et on propose rapidement des changements. Ce qui est
très mal vu chez les suédois.
2. Deuxième axe de référentiel
culturel : Le positionnement des individus les uns par rapport aux autres
Le deuxième axe de différenciation culturelle
concerne la façon dont se positionnent les individus les unes par apport
aux autres. Nous avons considéré deux facteurs qui permettent de
circonscrire cette dimension.
2-1. La présomption de confiance ou de
méfiance
Etymologiquement, la confiance c'est une foi partagée.
Cette volonté à se fier à un partenaire, d'échanger
en qui l'on croit(Moorman, Zaltman, Deshpande,1993)61(*). Plus largement comme le
remarque P.Y Gomez (1995) : « la confiance établit
un lien entre chacun d'entre nous et notre environnement économique et
technique. Pour vivre en société, chaque homme porte sa confiance
en un certains nombres de valeurs, de représentations et de
système de justification qui situent ses propres calcules et ses propres
jugements ». Elle est donc le résultat d'une norme sociale
à travers des normes de réciprocité(
Gouldner,196062(*)).
Ainsi, la confiance joue un rôle important sur le
processus d'investissement du fait qu'elle est, selon (Williamson,199563(*)), une condition essentielle
à l'investissement en capitale spécifique à la firme. Les
employés consacrent du temps et des efforts pour se fondre dans l'outil
de production afin d'améliorer leur travail et être
employés par la firme dans les périodes futures. De même,
les fournisseurs extérieurs réalisent des investissements ayant
un coût irrécupérable dans la mesure où ils
espèrent maintenir leur relation privilégiée avec la firme
pendant une période suffisamment longue et ainsi récupérer
l'investissement initial.
La confiance apparaît essentielle à la
compréhension des mécanismes de création de valeur mais
aussi des réappropriation des rentes. La confiance
intra-organisationnelle, parce qu'elle encourage l'investissement en capitale
spécifique des salariés, favorise leur dépendance en
diminuant leur coût d'opportunité(G.Hirigoyen,1998).
La présomption de la confiance et de la méfiance
par rapport à l'autrui correspond en fait à une variable
culturelle posée par N. Adler(1986).Relativement aux
précédentes variables, il est claire qu'une appartenance
polychrone, et surtout familiale, implique un mode relationnel fondé
à priori plus sur la confiance en l'autre. De ce fait, les comportements
opportunistes sont, dans une société collectiviste, plus
dangereux en ce qu'ils risquent d'être sanctionnés par l'ensemble
de la communauté dont l'individu dépend et dont il risque de se
faire exclure( l'effet de réputation). Au contraire, une appartenance
monochrone implique une plus grande compétitivité entre les
individus qui suivent les intérêts d'une communauté
particulière ou leurs propres intérêts contre ceux des
autres communautés ou des autres individus. Dans ce contexte, l'individu
peut plus facilement être tenté d'aborder des comportements
compétitifs et opportunistes vis à vis d'autrui.
G. Hofstede(1994)indique que, Dans une société
collectiviste, la relation personnelle l'emporte sur l'affaire à traiter
et doit être établie prioritairement ; dans la
société individualiste, l'affaire à traiter est
sensée l'emporter sur toutes les relations personnelles. L'homme
d'affaires occidental naïf qui veut aller vite en besogne dans une culture
collectiviste se condamne au rôle de non- initié au groupe et
à la discrimination. L'auteur a montré aussi qu'une relation de
confiance doit s'établir, dans une culture collectiviste, avant toute
transaction commerciale. La confiance domine donc dans une
société collectiviste.
L'opportunisme est sans conteste le modèle
comportemental qui domine la finance ; les agents sont guidés par
des considérations d'ordre personnel et dotés de capacités
de calculs stratégiques incorporant la manipulation de l'information ou
la dissimulation des intentions(Williamson, 1975)64(*).
S. Shane (1994) considère que les dirigeants
originaires de sociétés où la confiance interpersonnelle
est élevée font davantage confiance à des personnes issues
d'autres cultures et devraient donc percevoir des coûts de transaction
plus faibles que les managers marqués par une faible confiance
interpersonnelle. Ils devraient dès lors préférer des
accords de licence à des investissements directs à
l'étranger
2-2. La distance hiérarchique
Dans les travaux de(Hofstede,1991, 1994),« la
distance hiérarchique » désigne la perception du
degré d'inégalité du pouvoir entre celui qui
détient le pouvoir hiérarchique et celui qui y est soumis. Elle
est mesurée par la perception que le subordonné a du pouvoir de
son chef. Dans le cadre d'un mode d'appartenance polychrone familiale, la
distance hiérarchique est en générale plus importante que
dans un mode d'appartenance monochrone dans la mesure où la
volonté du groupe domine celle des individus qui existent par apport
à lui et qui suivent sa loi.
Les comparaisons de dimensions comme la distance
hiérarchique ne permettent pas seulement de comprendre les
différences de modes de pensée, de réaction et de
comportement des leaders et des suiveurs selon les pays ; elles permettent
aussi d'évaluer les théories conçues ou adoptées
dans ces pays pour expliquer ou prescrire les modes de pensée et de
comportement(G. Hofstede,1994).
Dans les cultures à forte distance hiérarchique,
le pouvoir est centralisé et le style de direction, autocratique.
À l'inverse, dans les sociétés à faible distance
hiérarchique, le pouvoir et le processus de décision ont tendance
à être décentralisés(U. Mayrhofer,2002).
M.K. Erramilli (1996) considère que les dirigeants
issus de cultures marquées par une forte distance hiérarchique
cherchent à contrôler les opérations internationales,
tandis que ceux qui sont originaires de sociétés à faible
distance hiérarchique sont davantage disposés à partager
le contrôle avec des partenaires locaux. Cette hypothèse est
reprise par J.F. Hennart et J. Larimo (1998).
S. Shane (1992, 1994) suppose que la distance
hiérarchique reflète le degré de confiance qui
caractérise une organisation. Ainsi, dans les sociétés
marquées par une forte distance hiérarchique, la confiance
interpersonnelle serait plus faible et le besoin de mécanismes de
contrôle organisationnel plus important. Par conséquent, les
dirigeants de ces pays devraient percevoir des coûts de transaction plus
élevés que ceux marqués par une culture où la
distance hiérarchique est faible et montrer une préférence
pour des investissements directs à l'étranger (comparativement
à des accords de licence).
3. Troisième axe du
référentiel culturel : le positionnement des individus par
apport aux éléments naturels dont particulier l'incertitude et le
temps
Nous avons considéré d'une part la
représentation de ces éléments à travers le
contrôle de l'incertitude. D'autre part nous avons étudié
plus spécifiquement la représentation du temps et son
intégration dans le calcul de la valeur actuelle
nette(VAN).
3-1. la maîtrise des éléments
naturels et le contrôle de l'incertitude
La nature est- elle soumise à l'homme ou se soumet-
elle à lui ? Cette problématique a été
intégrée dans la modélisation des différences
culturelles par N. Adler(1986).
La représentation du rapport entre l'homme et la nature
peut être aussi mise en relation avec la variable du contrôle de
l'incertitude développée par G. Hofstede(1991,1994). En effet,
cette variable permet d'analyser dans quelle mesure les individus se sentent
menacés par les situations ambiguës et tentent alors
d'éviter ces situations en recherchant une certaine stabilité
professionnelle notamment préférant les règles de
fonctionnement formalisées, en rejetant les idées ou les
comportements déviants par rapport à la norme acceptée, en
acceptant l'existence de vérités absolues et en valorisant
l'acquisition d'expertise. Une forte contrôle de l'incertitude est donc
plus caractéristique des individus des cultures monochrones qui
cherchent à maîtriser leur environnement naturel, que des
individus polychrones qui acceptent l'incertitude de futur en se contentant de
s'adapter aux situations sans vouloir systématiquement les anticiper.
G. Hofstede(1994)montre que la religion est un des moyens par
lequel l'humanité contrôle l'incertitude. Les croyances
religieuses nous aident à accepter des incertitudes contre lesquelles
nous ne pouvons nous défendre ;certaines offrent même la
certitude suprême d'une vie après la mort65(*).
Dans les sociétés caractérisées
par un faible contrôle de l'incertitude, les individus se sentent
relativement en sécurité. Ils n'hésitent pas à
prendre des risques et se montrent généralement plus
tolérants à l'égard d'opinions et de comportements
différents. En revanche, dans les sociétés où le
contrôle de l'incertitude est élevé, les individus ne se
sentent pas en sécurité et cherchent à éviter les
risques(U. Mayrhofer,2002).
Des auteurs considèrent que la propension d'une culture
à contrôler l'incertitude influence l'attitude des dirigeants
envers les risques associés aux opérations internationales (K.D.
Brouthers et al.,1997 ;M.K. Erramilli,1996 ;J.F. Hennart & J.
Larimo,1998 ;B. Kogut & H. Singh,1988 ; B.N. Kumar & L.
Studnicka,199766(*) ;P. Pan1996,1997 ; D.K. Tse et
al.,1997).
Dans sa recherche, M.K. Erramilli (1996) estime que dans un
contexte de faible contrôle de l'incertitude, les dirigeants se montrent
plus tolérants à l'égard d'autres cultures et devraient
dès lors accepter plus facilement de partager le pouvoir avec des
partenaires locaux. À l'inverse, dans les pays où le
contrôle de l'incertitude est important, les dirigeants s'efforceraient
de minimaliser les risques associés à l'entrée sur un
marché étranger en contrôlant les opérations
internationales. Un contrôle majoritaire ou total leur permettrait
d'imposer leur style de management et d'éviter des situations
d'incertitude où le partenaire étranger détient une
position égalitaire voire dominante. Ces arguments sont repris par K.D
Brouthers et al. (1997) et J.F. Hennart et J. Larimo (1998).
B. Kogut et H. Singh (1988) considèrent que le
contrôle de l'incertitude influence la perception qu'ont les dirigeants
des risques et des coûts organisationnels associés aux modes
d'entrée. Ils supposent que les acquisitions génèrent
davantage de risque que les joint ventures et les
créations ex nihilo de filiales, notamment en raison de
la nécessité d'intégrer une nouvelle entité,
caractérisée par des pratiques organisationnelles et
managériales différentes. Les entreprises originaires de cultures
qui cherchent à écarter l'incertitude devraient considérer
l'acquisition comme un mode d'entrée moins attrayant et devraient
dès lors préférer s'établir au moyen de
joint ventures ou de filiales créées ex
nihilo.
B.N. Kumar et L. Studnicka (1997)67(*) présentent que le
contrôle de l'incertitude influence l'attitude des dirigeants face aux
risques associés au pays d'accueil. Ce facteur expliquerait pourquoi
certaines entreprises cherchent à s'associer avec des partenaires locaux
pour partager les risques liés à l'environnement politique et
économique d'un marché.
Y. Pan (1996, 1997) et D.K. Tse et al. (1997)
considèrent que le contrôle de l'incertitude influence les
perceptions qu'ont les investisseurs des risques liés au pays d'accueil.
Selon le degré de contrôle de l'incertitude, les entreprises
devraient apporter des réponses différentes à des
situations de risque (p. ex. : des événements politiques) sur le
marché étranger.
Dans une étude réalisée sur les modes de
contrôle de gestion en France et en Grande Bretagne, J.
Horovitz(1979)68(*)
s'aperçut que les chefs des entreprises français et allemands
voulaient être informés dans le moindre détail du
fonctionnement de leur affaire. Au contraire, les patrons anglais se
contentaient d'un contrôle général, portant plus leur
attention sur la stratégie de développement de leur firme.
S'occuper du détail est le signe évident de l'activité
d'un chef d'entreprise qui appartient à un pays à indice de
contrôle de l'incertitude élevé.
3-2. La représentation du temps et son
intégration dans les calculs de la valeur de l'investissement
Le temps est un élément culturel, un des
systèmes fondamentaux de toute culture. Et la culture joue un rôle
si important pour la compréhension du temps comme système
culturel qu'il est pratiquement impossible de le séparer des
différents niveaux de cultures dans lesquels il s'inscrit (E. T.
Hall,1984). Chaque culture a ses propres cadres temporels à
l'intérieur desquels fonctionnent des modèles qui lui sont
particuliers :ce qui constitue un facteur de communication des rapports
interculturels. Ainsi pour pouvoir effectivement communiquer à
l'étranger, il est aussi nécessaire de connaître le langage
du temps que le langage parlé du pays où on se trouve. L'auteur
considère aussi qu'un système temporel est totalement
dépendant, non seulement de la manière dont une culture se
développe, mais aussi de celle dont les membres de cette culture
perçoivent leur environnement.
Certaines cultures, notamment occidentales considèrent
que le temps peut être transformé en une variable externe,
formalisée, calculée, prévisible et
instrumentalisée. En occident, peu de choses échappent à
la « main fer » de l'organisation. Au contraire, dans une
culture polychrone, le temps, l'au- delà, dieu et leur monde quotidien
forment un ensemble indissociable dont ils ne peuvent extraire les parties afin
d'instrumentaliser ou les maîtriser. Dans cette culture, rien n'est
solide ou ferme, en particulier les projets que l'on établit pour le
futur ; même des projets importants peuvent être
modifiés jusqu'à la minute de leur exécution(E. T.
Hall,1984).
Ainsi, Le temps est un facteur déterminant dans le
processus décisionnel, les délais d'action et de réaction
sont parfois longs ; agir trop tard, c'est perdre, mais agir trop tôt,
c'est aussi échouer (P. Aurégan 1998). Le processus de
planification est fortement lié à la perception du temps du
dirigeant et notamment à sa vision du futur et la détermination
de l'horizon de ce processus par le manager est primordiale pour
maîtriser la diversité des perspectives temporelles de
l'entreprise. Or, les dirigeants n'ont pas la même capacité
à se projeter et à imaginer le temps. Cette attitude, variable
selon les sujets, a des répercussions en termes de perceptions et de
comportements. Le profil temporel du dirigeant influence ainsi
énormément son type de réflexion stratégique.
Enfin, les cultures monochrones intègrent la valeur du
temps dans le calcule de la valeur d'un investissement à moyen ou
à long terme notamment avec les calcules de la valeur actuelle
nette(VAN). Au contraire, les cultures polychrones
n'intègrent pas systématiquement le temps dans leurs
calcules(L'hermitte,1999). Les hommes d'affaires chinois de Jakarta ont par
exemple souvent recours à des prêts auprès des membres de
leur communauté sans toujours prendre en compte la
dépréciation du capital en fonction du temps.
4. Quatrième axe de référentiel
culturel : les objectifs économiques des individus
Le quatrième axe du référentiel culturel
concerne l'orientation des individus dans la définition de leurs
objectifs économiques.
4-1. Le rapport à l'argent :
L'équilibre des dimensions matérielles, spirituelles et
intellectuelles
K. Marx(1968) avait déjà montré que
l'argent ne servait pas uniquement de moyens d'échange mais qu'il
était le mode de puissance dans le monde capitaliste marchand. G.
Simmel(1900) ne méconnaît pas les effets aliénants de
l'argent, surtout lorsqu'il contribue à « l'évaluation
monétaire des valeurs personnelles », mais il montre que l'argent
peut aussi libérer les individus, parce qu'il transforme par sa
médiation des relations d'obligations personnelles et matérielles
en relations impersonnelles et immatérielles. L'argent comme outil
d'échange économique fondamental représente une valeur non
seulement fonctionnelle mais aussi culturelle, qui s'est forgé au cours
de l'histoire de la communauté considérée. Il est clair
dans une société agraire et féodale, la
représentation de l'argent ne peut être la même que dans une
société capitaliste. En outre, certaines cultures
considèrent l'argent non pas seulement comme un instrument
d'échange mais une valeur positive de prospérité de
bonheur et de réussite sociale voir de sécurisation de futur.
Selon Max Weber, l'un des effets du développement de
l'économie capitaliste est de rationaliser et d'uniformiser le rapport
des agents aux objets de l'activité économique. Il montre que
l'éthique économique des agents reste diversifiée et
différenciée et qu'elle est loin de se fondre avec la seule
éthique économique utilitariste de la communauté de
marché69(*). En
effet, les attitudes à l'égard de l'argent, objet central de
l'activité économique, ne se différencient pas seulement
en fonction des seules contraintes de position (et parmi celles-ci la
contrainte budgétaire), mais au contraire elles se différencient
en fonction des dispositions, du passé incorporé des agents.
Parmi ces dispositions, le poids de la religion, sans doute moindre que lors
des débuts du capitalisme, est loin d'être nul et il renforce avec
ses effets propres ceux dus à l'appartenance de classe.
Ainsi, dans certaines cultures, l'argent représente une
valeur concrète, visible, palpable et sécurisante. C'est le cas
des chinois qui dans les affaires valorisent avant tout la trésorerie,
l'or et toutes les formes concrètes et liquides de la richesse. Selon
les résultats de l'enquête réalisée par L'hermitte
(1999) auprès de dirigeants et cadres d'entreprises en Joint Venture
internationales implantées en Indonésie, nous avons trouvé
que les critères de décisions d'investissement pour les chinois
indonésiens concernaient plus le temps de retour sur l'investissement
que le critère plus théorique de la valeur actuelle
nette. Cette représentation concrète de la
richesse et de l'investissement participe alors d'une part d'une volonté
de sécurisation( dans un climat d'insécurité politique les
chinois veulent pouvoir rapatrier rapidement leur avoirs) et d'autre part de
celle d'afficher un certain statut social qui s'exprime à travers la
richesse matérielle des individus.
Réciproquement d'autres cultures, ont une
représentation plus théorique et volontairement
désincarnée de l'argent, culturellement plus acceptable. Dans
cette perspective, parmi les critères financiers d'investissement par
exemple, les outils financiers mathématiques tels que le calcul de la
valeur actuelle nette(VAN) ou du taux de rentabilité
interne(TRI) sont préférés à des
approches plus intuitives et donc plus personnelles (L'hermitte,1999). Ce
dernier a constaté dans son étude de cas sur un projet
d'investissement franco- indonésien, la différence d'attitude des
partenaires locaux et étrangers relativement à ces
critères, les premiers considérant d'abord les flux de
trésorerie tandis que les seconds s'évertuaient à
maximiser le taux de rentabilité interne au moyen de multiples versions
du plan d'affaires. L'argent, comme le temps, est alors traité comme une
variable externe, dépersonnalisée.
4-2. La création ou la distribution de
richesse
Certaines cultures valorisent plus la création de
richesse par l'industrie et l'innovation tandis que d'autres valorisent plus
l'échange et la distribution des richesses par les activités
commerciales. Cette différence d'orientation est certes
influencée par des déterminants parmi lesquels, on trouve les
facteurs culturels. Ainsi parmi ces facteurs culturels susceptibles de
déterminer les rapports avec l'activité économique, Max
Weber(1996) a isolé le facteur religieux et a établi une
interrelation entre les modes d'acquisition des biens de salut et les modes
d'acquisition des biens sur terre. De ce fait, l'orientation économique
ne dépend pas uniquement des conditions objectives et présentes
d'acquisition des biens mais aussi des formes de socialisation culturelles
passées. En ces termes, M. Offenbacher(1901)70(*)a cru pouvoir formuler
l'opposition qui apparaît entre deux confessions(le catholique et
protestante) dans leur relation avec la vie
économique : « le catholique est [...]
plus tranquille, possédé d'une moindre soif de
profit ; il préfère une vie de sécurité,
fût- ce avec un assez petit revenu, à une vie de risque et
d'excitation, celle- ci dût- elle lui apporter richesses et honneurs. La
sagesse populaire dit plaisamment : soit bien manger, soit bien dormir.
Dans le cas présent, le protestant préfère bien
manger ; tandis que le catholique veut dormir tranquille ».
Max Weber avait montré, dans L'éthique protestante et l'esprit du
capitalisme, que le protestantisme calviniste en favorisant
une conduite de vie rationnelle était la doctrine.
Comme Marx l'avait déjà remarqué
« la religion est la théorie générale de ce monde,
son compendium encyclopédique, sa logique sous une forme populaire, son
point d'honneur spiritualiste, son enthousiasme, sa sanction morale, son
complément cérémoniel, son universel motif de consolation
et de justification ».
L'hermitte(1999) a constaté dans ses enquêtes
sur les entreprises en Joint Venture internationales implantées en
Indonésie que les européens fondent plutôt le
développent de leur entreprise sur un savoir faire technique concret et
sur une certaine capacité d'innovation productive. Au contraire, les
hommes d'affaires indonésiens et sino- indonésiens,
conçoivent le développement de leurs affaires de façon
plus polychrone en cherchant d'abord à développer leur
réseau d'affaire par de multiple prise de participation dans
différentes entreprises, sans souvent s'investir dans les fonctions de
production.
4-3. L'obtention d'un capital relationnel ou d'une
rémunération individuelle lors d'une transaction
Le troisième variable culturelle concernant la
définition des orientations économiques des individus concerne la
primauté qu'ils donnent à l'obtention d'un capital relationnel ou
à celle d'une rémunération individuelle. Cette
dernière variable doit être mise en relation avec la
préférence pour la création ou la distribution de
richesses.
Cette variable peut aussi être mise en relation avec
l'orientation féminine ou masculine développée par G.
Hofstede(1980). En effet, celui- ci distingue les cultures selon qu'elles
valorisent l'acquisition d'argent ou l'objet matériel ou au contraire
entre les relations entre les individus ainsi que la qualité de la vie.
Dans le premier cas, le matérialisme est alors selon lui, plus
caractéristiques des cultures dites masculines tandis que dans le second
cas, l'importance de la qualité de la relation caractérise les
cultures dites féminines. Il montre en outre que selon cette
définition, la répartition des rôles entre hommes et femmes
est plus rigide dans les cultures masculines.
Selon G. Hofstede(1994), une des devises des pays masculins
pourrait être ''vivre pour
travailler'' alors que les cultures féminines
préféreraient l'expression
''travailler pour
vivre''. Ainsi, dans une
société féminine, les valeurs dominantes sont l'attention
aux autres et la continuité, les managers font appel à
l'intuition et recherchent le consensus alors que dans une
société masculine, les valeurs dominantes est le succès
matériel par le progrès, les managers doivent faire preuve
d'assurance et savoir trancher.
De ce fait, on trouve, dans une culture monochrone, la
volonté des individus de s'engager dans un rapport contractuel
compétitif avec les autres individus en vue de maximiser leur
intérêt personnel ou au contraire, dans une culture polychrone, la
volonté de maximiser un intérêt collectif à travers
la recherche d'un compromis et d'une harmonie relationnelle(E. T. Hall,1984).
En résumé, la
confiance(méfiance), la distance hiérarchique, la notion du
temps, la gestion de l'incertitude et le rapport à
l'argent(création et distribution des richesses, capital relationnel ou
rémunération, équilibre matérielle ou spirituelle)
sont des variables culturelles. Leur importance varie d'un pays à
l'autre. Ils peuvent aussi être en interaction, un variable peut
influencer l'autre, comme le montre, par exemple, G. Hofstede
(1987,p.14-15) « Toutes les sociétés humaines ont
leur religion, d'une manière ou d'une autre. En quelque sorte, toutes
les religions rendent l'incertitude tolérable car elles conditionnent
toutes un message qui dépasse l'incertitude.... ».
L'importance de ces variables exige leur integration dans le
choix d'investissement et en particulier dans le choix du mode d'entrée
sur les marchés étrangers. Cette intégration pourrait
permettre aux partenaires ayant des cultures différentes de prendre la
bonne décision, tout refusant la mauvaise.
Conclusion
générale et perspective de recherche
Notre revue de la littérature présentée
dans ce travail met en lumière l'importance des facteurs culturels dans
le processus du choix d'investissement. Elle révèle que l'esprit
humain est culturellement limité. A cet égard, la culture de
l'entreprise peut alors se concevoir comme un ensemble de
« frontières à la rationalité »prises
comme des données dans les calculs rationnels. Ces frontières
à la rationalité qui peuvent concerner aussi bien la
manière de percevoir des phénomènes que les façons
de réagir à des situations et interviennent sur chacun des trois
composants de tout processus de décision, préstructurent
plutôt que déterminent les choix, dans la mesure où
plusieurs solutions sont toujours possibles. Elles résultent du
processus d'apprentissage et, par là même, participent à
l'adaptation à long terme de l'entreprise, notamment en grandissant la
stabilité de ses structures.
Le dirigeant en tant que décideur occupe une place
centrale dans le processus de décision. Son rôle ne se limite pas
à l'application des critères mathématiques de la
décision d'investissement. Il est influencé par son contexte
social, sa formation initiale, ses expériences, son histoire.....etc.
De ce fait, son schéma mental ne converge pas nécessairement avec
l'idéologie dominante de son contexte social sur tous les points. Cette
divergence entre les schémas mentaux du dirigeant et les schémas
mentaux partagés pourrait donc s'expliquer par des facteurs
culturels.
En utilisant les connaissances, les croyances et les
convictions en stratégie, le dirigeant poursuit une intuition
stratégique et, donc, de faire étudier un nombre très
limité de types de projets d'investissement. Ce qui conduit, par
conséquent, à préférer des projets
d'investissement, conformes à la stratégie et à
l'intuition du dirigeant, à d'autres projets qui ne sont pas dans le
cadre de sa stratégie et son intuition. Même si ces autres projets
sont moins risqués et plus rentables.
Par ailleurs, à travers ce travail, le dirigeant peut
être optimiste relativement aux chances du succès de ses
investissements. Cette hypothèse du biais cognitif constitue une
alternative aux hypothèses d'enracinement des dirigeants pour expliquer
l'adoption de projets d'investissement non rentables.
De même, l'homogénéité culturelle
de l'équipe de décision qui entoure le dirigeant peut
entraîner un mauvais choix d'investissement. Cette
homogénéité limite la recherche d'information, elle peut
aussi masquer les problèmes posés et aboutir à des
solutions peu productives. Les acteurs se conforment, dans ce cas, à la
norme sans réelle évaluation des alternatives des choix. Ceci
peut expliquer les résultats décevants des fusions- acquisitions.
Mais, on a trouvé par contre que la distance culturelle qui
sépare les partenaires est considérée comme source
d'asymétrie d'information, de sélection adverse et des
comportements opportunistes.
On peut donc noter que le processus d'investissement ne se
résume pas au choix du projet optimal (maximisant la richesse des
actionnaires) parmi un ensemble d'investissements dont les flux sont
donnés, représentation retenue dans les exercices destinés
aux étudiants en finance. Il s'agit, dans une perspective explicative,
de comprendre comment un projet complexe, aux contours imprécis et aux
retombées incertaines, a pu émerger et être mis en oeuvre
en fonction des stratégies de différentes parties prenantes aux
objectifs différents.
Les dimensions du choix ne se réduisent plus aux flux
et à leur distribution de probabilité, elles ne sont pas
indépendantes des personnes même des décideurs et leurs
stratégies. De ce fait, le choix d'investissement ne se fait plus alors
selon la seule dimension des flux monétaires actualisés,
malgré leurs apports considérables, mais également
à partir d'autres arguments liés au prestige et à la
personnalité du dirigeant.
Au niveau de la culture nationale, on a vu que le
modèle mental du dirigeant présente une barrière aux
investissements internationaux. Ce biais est dû au manque d'informations
que possèdent les dirigeants sur les traditions, les coutumes, les
lois et les spécificités des systèmes de gouvernement des
entreprises nationales.
La logique d'investissement des entreprises nationales
dérive des modèles de gouvernement nationaux. Ces derniers dont
la nature du contrôle et la nature du financement externe
représentent des caractéristiques importantes et varient d'une
culture à l'autre. Cette variation a des racines socioculturelles. Ces
modèles sont dépendants des traditions nationales en terme de
contrôle des dirigeants. La culture est donc un facteur d'inertie
d'évolution des systèmes de gouvernement des entreprises
nationales.
Enfin, notre revue de littérature révèle
que la culture nationale du pays d'origine influence le choix du mode
d'entrée sur les marchés étrangers. Ce résultat
vient appuyer les recherches qui montrent que la culture nationale
détermine le comportement stratégique des acteurs(Schneider,
Barsoux, 1997 ; Schneider, de Meyer, 1991 ; Tayeb, 2001)71(*).
L'examen approfondi des études retenues
révèle les difficultés rencontrées par les
chercheurs pour appréhender la culture nationale. L'analyse
effectuée indique que certaines dimensions sont plus pertinentes pour ce
champ de recherche que d'autres. Ainsi, les études centrées sur
la dimension « distance hiérarchique » montrent
qu'une forte distance hiérarchique accroît
généralement la probabilité qu'on choisisse un
contrôle majoritaire ou totale des opérations internationales.
En revanche, l'influence de la variable « contrôle de
l'incertitude » semble ambiguë.
Cette analyse montre aussi que la confiance domine dans les
sociétés polychrones. Les dirigeants de sociétés
où la confiance interpersonnelle est élevée font davantage
confiance à des personnes issues d'autres cultures et devraient donc
percevoir des coûts de transaction plus faibles que les managers
marqués par une faible confiance interpersonnelle. Ils devraient
dès lors préférer des accords de licence à des
investissements directs à l'étranger. En revanche, le temps comme
variable culturelle peut être intégré, pour certaines
cultures (monochrones), dans le calcul de la valeur d'un investissement
(VAN). Au contraire les cultures polychrones
n'intègrent pas systématiquement le temps dans leurs calculs.
Malgré l'importance de cette variable, on trouve un nombre
limité de recherches qui lui sont consacrées.
La dernière variable culturelle est, dans notre travail
présent, le rapport à l'argent. Comme on l'a vu, l'argent a, dans
certaines cultures, une représentation concrète, les
critères de décision d'investissement peuvent concerner plus le
temps de retour sur l'investissement que le critère plus
théorique de la valeur actuelle nette (VAN). Au
contraire, dans d'autres cultures, l'argent a une représentation plus
théorique, les critères financiers d'investissement(VAN,
TRI) y sont préférés. Cette variable
mérite aussi des recherches futures reflétant son importance dans
la décision d'investissement.
Les variables utilisées doivent dès lors
être choisies avec prudence. Il apparaît effectivement plus
judicieux de considérer plusieurs facteurs que de s'appuyer sur un seul
facteur.
Cette revue de la littérature pourrait contribuer
à une compréhension de l'influence des facteurs culturels sur le
choix d'investissement. Si, on admet que seule une accumulation des
résultats permet de détecter des tendances fiables dans le
domaine des sciences de gestion, ce champ de recherche demeure encore peu
exploré.
De nouvelles études empiriques sont
nécessaires afin qu'on puisse valider les relations constatées et
préciser l'influence des différentes variables culturelles sur le
choix d'investissement. Par ailleurs, il conviendrait d'intégrer la
culture nationale dans les modèles explicatifs du choix du mode
d'entrée sur les marchés étrangers.
Dans cette perspective, il serait intéressant
d'évaluer plus précisément l'importance relative du
facteur culturel. Il serait aussi tentant de déterminer dans quelle
mesure la culture nationale du pays d'origine influence la perception qu'ont
des dirigeants d'autres facteurs explicatifs de cette décision, comme
des variables de localisation.
Le choix d'étudier la création d'une entreprise
en Joint Venture International pourrait nous aider à
préciser l'importance relative des facteurs culturels dans le processus
d'investissement. Cette entreprise est presque souvent considérée
comme une réponse à la distance culturelle entre des partenaires
de nationalités différentes (un mode d'entrée sur des
contextes culturellement différents). Les entreprises en Joint
Venture Internationales permettent aux partenaires de partager les
informations, les ressources et de réduire les risques. Mais, elles
créent des problèmes lorsque les partenaires peuvent avoir des
cultures, des valeurs et des buts différents.
F. Simiar (1983)72(*) a montré, dans son
article « Major Causes of Joint Venture Failures in The Middle
East : the Case of Iran », les difficultés liées
à l'implantation et au fonctionnement de cette forme de partenariat avec
les entreprises du Moyen- Orient. Selon lui, dans les
pays arabes, ces difficultés ont pour origine des
phénomènes interculturels.
Notre voie de recherche peut donc se focaliser, comme un moyen
pour atteindre notre objectif de recherche, sur la création d'une
entreprise en Joint Venture entre un partenaire
français et un partenaire syrien.
Deux cultures (française et syrienne) dont le rapport pose beaucoup
de questions ?
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Table des matières
Introduction
générale....................................................................................7
1. Présentation et originalité du
sujet....................................................................7
2. L'intérêt théorique du
sujet...........................................................................10
3. L'intérêt pratique du
sujet............................................................................10
4.La
problématique.......................................................................................11
5.L'objectif
poursuivi....................................................................................12
Partie(1) : L'évolution de la culture
à travers les théories économiques et
organisationnelles......................................................................14
Chapitre I. La place du facteur culturel dans les
théories économiques et organisationnelles..
.....................................................................................15
Section I. L'absence de la culture dans la
théorie économique classique....................15
1. Les hypothèses de la théorie
économique classique.............................................15
2. La firme point technico- économique :
conceptions mécanistes de Taylor à Fayol..........17
3. Inefficience de la notion de culture dans cette
perspective.......................................20
Section II. La remise en cause processive des
hypothèses de la théorie standard et ses conséquences sur
la théorie des
organisations.....................................................22
1. L'Ecole des Relations humaines et la
contingence culturelle..................................22
2. L'approche béhavioriste de
l'organisation et la culture.........................................25
3. Les approches contingentes de
l'organisation et la culture.....................................29
4. L'approche systémique et la
culture...............................................................32
Chapitre II. La notion de culture et les approches
institutionnalistes.......................34
Section I. Le facteur culturel dans l'ancien-
institutionnalisme...............................34
1. L'approche de
Veblen...............................................................................36
2. L'approche de
Commons...........................................................................38
3. L'approche de
Mitchell..............................................................................41
Section II. Le facteur culturel dans la perspective de
la Nouvelle Economie
Institutionnaliste.........................................................................................43
1. La théorie des coûts d'agence et
référent
culturel................................................43
1-1. La problématique et les coûts
d'agence.............................................43
1-2. L'impact de la culture sur les coûts
d'agence......................................47
2. La théorie des coûts de transaction et le
référent culturel.......................................49
2-1. Les hypothèses qui fondent l'émergence de
coûts de transaction................49
2-2. 2-2. Impact de la culture sur les coûts de
transaction et le choix des structures de
gouvernance..........................................................................54
Partie(2) :Les facteurs culturels comme un filtre
des choix
d'investissements........................................................................58
Chapitre I. La rationalité culturellement
limitée et la décision d'investissement..........59
Section I. Les principales caractéristiques du
concept de culture d'entreprise............59
1. Le concept de culture
d'entreprise..................................................................60
2. De la culture de l'entreprise à la culture
dans l'entreprise.......................................64
3. La culture et les conditions de l'efficacité
de l'entreprise.......................................65
Section II. La formulation des relations entre la
rationalité et la culture...................67
1. La « rationalité limitée » et les
« frontières à la rationalité
»....................................67
2. L'apprentissage et l'adaptation à long
terme......................................................69
3.La culture et la possibilité de prendre la
décision d'investissement.............................71
A. La prise de décision sur la base d'une
représentation subjective de la réalité............71
B. Le biais cognitif comme alternative aux hypothèses
d'enracinement du dirigeant.....74
Chapitre II. L'influence de la culture nationale des
entreprises sur le choix du mode d'entrée sur les marchés
étrangers..................................................................78
Section 1. La culture comme facteur d'inertie de
l'évolution des systèmes des gouvernements des entreprises((
étude comparative))..........................................79
1. Le modèle
japonais.................................................................................82
2. L e modèle
allemand.................................................................................84
3. L e modèle anglo-
américain........................................................................87
4. Le modèle
français...................................................................................88
Section II. Les éléments de la
différenciation culturelle des pays et leur impact sur le choix du mode
d'entrée sur les marchés
étrangers...............................................90
1. le mode d'intensification et d'appartenance des
individus.......................................90
1-1. Appartenance monochrone ou
polychrone.............................................90
1-2. Le support de
l'appartenance............................................................91
2. Le positionnement des individus les uns par rapport aux
autres................................92
2-1. La présomption de confiance ou de
méfiance..........................................92
2-2. La distance
hiérarchique..................................................................94
3. le positionnement des individus par apport aux
éléments naturels dont particulier le temps et la religion
..............................................................................................95
3-1. la maîtrise des éléments naturels
et le contrôle de l'incertitude.....................95
3-2. L'intégration du temps dans les calculs
de la valeur de l'investissement...........97
4. les objectifs économiques des
individus...........................................................98
4-1. Le rapport à l'argent (les dimensions
matérielles, spirituelles et
intellectuelles)....................................................................................98
4-2. La création ou la distribution de
richesse.............................................100
4-3.L'obtention d'un capital relationnel ou d'une
rémunération........................101
Conclusion générale et perspective de
recherche................................................103
Bibliographie...........................................................................................107
Table des
matières....................................................................................117
* 1 Idem, p.107
* 2 Cité par G.
Charreaux, 2001, « Images de l'investissement »,p. 22
* 3 Et comme l'a dit aussi
Jensen dans le discours qu'il a prononcé en 1993, peu d'études
ont été réalisées par les chercheurs en finance sur
la façon dont sont effectivement prises les décisions
d'investissement dans les pratiques des organisations.
* 4 Sabel(1994)
prétend ainsi la politique des coûts- cibles, qui a parmi pendant
une certaine période de gérer des gains de productivité et
d'expliquer la supériorité des firmes japonaises, se
révélerait, dans l'environnement actuel, source
d'inefficacité.
* 5 Usunier et Roger (1999),
à partir de la démarche que La Porta et ali.(1997c), contestent
cependant le lien le niveau de la confiance et la performance lorsque la
comparaison est limitée à la France et à l'Allemagne.
Charreaux(1998) présente une vue plus nuancée de la confiance
dans le système de gouvernance, faisant intervenir également les
coûts de la confiance.
* 6 A. Smith(1776),
«Recherche sur la nature et les causes de la richesses des
nations »version française(1976), p.256
* 7 L. Walras,
1874, « Eléments d'économie politique
pure »,LGDJ, Paris, 1976
* 8 Coriat B et Weinstein
O(1995), p.5
* 9 Idem, p.12
* 10 Cité par J.
Rojot, « Théories des organisations », in
Encyclopédie de gestion,1997, Economica
* 11 F. Taylor, 1911,
« La direction scientifique des entreprises »,Dunod, Paris,
1957
* 12 B. De Montmorillon et J.
P. Pitol- Belin(1995),p.135
* 13 Idem
* 14 Cité par U.
Mayrhofer et F. Roth(1999)
* 15 Cité par J. Rojot,
Op-cit
* 16 Cité par J.M.
Plane,2003,«Théories des organisations », DUNOD,
Paris
* 17 Cité par J.
Rojot, 1997, Op-cit
* 18 Idem
* 19 Cité par J.M.
Plane,2003,Op-cit
* 20 Idem
* 21 B. De Montmorillon et J.
P. Pitol- Belin(1995),p.145
* 22 Cité par M.
Nussenbaum, la décision d'investissement dans l'entreprise, 1978
* 23 Idem
* 24 Cité par J.
Rojot, 1997, Op-cit
* 1. 25 Cité par J.
Rojot, théorie des organisations, in Encyclopédie de gestion,
sous la direction de Yves Simon, Patrick Joffre, 1997, Economica
* 26 Fons Trompenaars(1985)
* 27 W.H. Hamilton, 1932, p.
84
* 28 Idem
* 29 G. Hirigoyen et J.P.
Pichard- Stamford, 2003,p.4
* 30 Les stakeholders ou
parties prenantes d'une organisation se définissent comme les personnes
dont le bien être est effectué par les actions et décisions
de l'organisation.
* 31 Cité par G.
Hirigoyen et J.P. Pichard- Stamford, 2003,p.3
* 32 Williamson O. E(1994,
édition française), p 48
* 33 Idem, p39
* 34 Idem, p 41
* 35 Cité par M.
Omar., D. Boyd., 2003, « Economic Development and Culture
Differences in the determination of the Degree ofInvolvement of Firms in
Overseas Markets », p.5
* 36 Cité par Schramm-
Nielsen.,2000, « Dimensions culturelles des prises de
décision », Revue Française de Gestion, mars- avril-
mai
* 37 Cité par E.
Delavallée,1995, « Culture d'entreprise :la
contribution de Herbert Simon », cahier de recherche
* 38 Idem
* 39 Pour Jaques
«la culture de l'entreprise, c'est son mode de pensée et
d'action habituel et traditionnel,
plus ou moins partagé par tous ses membres, qui
doit être appris et accepté, au moins en partie, par les
nouveaux
membres».
* 40 Certains de ces
débats sont directement issus de l'anthropologie. D'autres
résultent des différences entre
l'anthropologie et les sciences de gestion, aussi bien au niveau
des spécificités de l'objet étudié, les
sociétés en
général dans un cas, les organisations dans
l'autre, qu'au niveau des objectifs poursuivis par les deux disciplines.
* 41 Pour une
présentation de ces travaux, on peut consulter M. Bosche (1984)
* 42 Cité par E.
Delavallée,1995 op- cit.
* 43 Pour M.
Weber,«agit de façon rationnelle en finalité celui qui
oriente son activité d'après les fins, moyens
et conséquences subsidiaires (Nebenfolge) et qui
confronte en même temps rationnellement les moyens et la fin, la fin et
les conséquences subsidiaires et enfin les diverses fins
possibles». La définition de la «rationalité en
finalité» correspond, pour beaucoup, à la rationalité
économique telle que définie par les économistes
néo-classiques.
En revanche, «agit d'une manière purement
rationnelle en valeur celui qui agit sans tenir compte des conséquences
prévisibles de ses actes, au service qu'il est de sa conviction portant
sur ce qui lui apparaît comme commandé par le devoir, la
dignité, la beauté, les directives religieuses, la
piété ou la grandeur d'une «cause» qu'elle qu'en soit
la nature. L'activité rationnelle en valeur consiste toujours (au sens
de notre terminologie) en une activité conforme à des
«impératifs» ou à des «exigences» dont
l'agent croit qu'ils lui sont imposés»
* 44 Cité par G.
Charreaux, 2001, « Image de l'investissement »,
édition Vuibert, pp. 24
* 45 Un schéma mental
est une représentation du statut des différents partenaires dans
la processus de création de valeur, ainsi que de la
rémunération appropriée de leur contribution(P. Wirtz
,2002),pp.79
* 46 cité par A.
Gratacap (1997)
* 47 cité par
G.Charreaux,2001,op-cit
* 48 Cité par M. Barabel
et O. Meier., 2002
* 49 Idem
* 50 Cité par A.
Gratacap,1997,op-cit
* 51 Charreaux G.,
1997, « Gouvernement de
l'entreprise »,Encyclopédie de gestion, 2ème
édition, p.1652- 1662
* 52 Idem
* 53 Wirtz P.,
2002,« Politique de financement et gouvernement
d'entreprise »
* 54 Idem
* 55 Cité par Wirtz P.,
2002, op-cit
* 56Cité par
Mayrhofer U et Roth F.,1999,
« Gestion de l'incertitude et influence de la
diversification et de la nationalité sur les formes de rapprochement :
une comparaison Allemagne, France et Royaume-Uni », Finance
Contrôle Stratégie - Volume 2, N° 4, décembre 1999, p.
135 - 156.
* 57 Cité par Mayrhofer
U et Roth F.,1999, op-ci
* 58 Idem
* 59 60
d'Iribarne Ph., 1998, « Comment s'accorder, une rencontre
franco- suédois », in d'Iribarne Ph et
ali. « Cultures et mondialisation »'Edition du SEUIL
* 61 Hirigoyen G (1998)
* 62 Idem
* 63 Idem
* 64 Idem
* 65 Les pays orthodoxes et
catholiques romaines ont un indice de contrôle de l'incertitude
élevé(à l'exception des Philippines et de l'Irlande). Les
pays juifs et musulmans ont des indices moyens, et les pays protestants un
indice faible. Les religions orientales correspondent, exception faite au
Japon, un indice allant de moyen à faible.
* 66 Cité par
Mayrhofer(2002)
* 67 Idem
* 68 Cité par D.
Bollinger et G. Hofstede, 1992 , « Les différences
culturelles dans le management »,pp.121
* 69 Weber M.,
1971, « Economie et société »,
pp. 400
* 70 Cité par Weber M.,
1964, « L'éthique protestante et l'esprit du
capitalisme »,PP.36
* 71 Cité par U.
Mayhofer,2002,op-ci
* 72 Cité par G.
Naulleau,1990, « Joint- Ventures franco-
égyptiennes :confrontations des représentations de
l'entreprise»,in F. Gauthy et D. Xardel, « Management
interculturel : Mythes et réalités », p.14- 15