Céline Deschietere
Le processus décisionnel au sein de la
société anonyme dite« fermée » : La protection
des minorités-convocation-procuration-conflit
d'intérêts-abus de majorité
Céline Deschietere A l'attention des actionnaires
minoritaires de la s.a. Biotec
Messieurs,
Par la présente, nous vous soumettons nos recherches
concernant l'attitude de Monsieur Fog au sein de la société
Biotec et les actions possibles pour la contrer. Dans un monde où
« la raison est celle du plus fort (qui crie le plus fort)
»1, les mécanismes de protection de ceux qui sont en
minorité se multiplient. Cela ne signifie pas que les
minorités n'aient aucune obligation dans leur chef2. La
protection des minorités est un sujet qui passionne tant le droit
privé que le droit public3. D'ailleurs, l'organisation de
la société privée est inspirée du modèle de
droit public4.
Pour la compréhension et la clarté du sujet, nous
porterons, dans un premier temps,
notre examen sur le fond des questions posées
lors de notre première entrevue. Nousprésenterons dans une
première partie les règles qui régissent la
validité des convocationsdes assemblées générales
d'une société anonyme. Dans une seconde partie, nousexaminerons
la notion de conflit d'intérêts. Cela nous permettra
d'aborder-d'une part, la validité du vote de l'A.G. au regard des
règles du conflit d'intérêts en sonsein et notamment de
l'abus de majorité ainsi que les autres causes légales de
nullité;-d'autre part, le conflit d'intérêts qui peut
exister lors de la conclusion du contrat decession de clientèle par le
conseil d'administration.Dans un second temps, nous aborderons la
question des recours : quels recours, devantquelle juridiction et
quelles sont les conditions de recevabilité de l'action ?
Cet exposé ne se veut pas exhaustif en la matière.
Nous vous proposons d'introduire certaines actions qui sont
présentées brièvement, elles pourront faire l'objet
d'une consultation ultérieure.
Je vous souhaite bonne réception de cet
exposé. Je vous prie, Messieurs, de recevoir mes meilleures
salutations.
Céline Deschietere
E. Pottiers, , « Abus de majorité, de
minorité ou d'égalité, conditions, recours, sanction
», in le séminaire les conflits d'actionnaires,
éd. Vanham Vanham, 2004 , p.2 ; J. de La Fontaine, «
Le loup et l'agneau » et « les animaux malades de la peste »,
oeuvres complètes tome I, éd. La Pléiade,p. 44 et
249 2 Ces obligations dépassent cependant le cadre de
l'examen de notre affaire sauf, dans une consultation ultérieure,
à examiner l'abus de minorité dont le juge vous rendrait
responsable, voy. E. Pottiers, , « Abus de majorité, de
minorité ou d'égalité, conditions,
recours, sanction », in le séminaire les conflits
d'actionnaires, éd. Vanham Vanham, 2004 , p. 23.
3 Pour cet aspect qui dépasse l'examen de notre
affaire, voy. M. Uyttendaele, Précis de droit constitutionnel
belge, éd. Bruylant, 2001,
p. 263 (mécanisme de la sonnette d'alarme), p. 651
(compétences exclusives du Sénat en matière de conflit
d'intérêts), p. 854 (pour la notion de conflit
d'intérêts) ; Convention-cadre pour la protection des
minorités nationales , http://www.coe.int
4 M. Tison, « l'égalité de
traitement dans la vie des affaires sous le regard du droit belge »,
J.T., 2002, p.702, n°25 ; le pouvoir exécutif se retrouve
dans le conseil d'administration et le pouvoir législatif dans
l'assemblée générale en une sorte de démocratie
directe. L'analogie n'est pourtant pas complète. Nous vous invitons
à lire les notes de bas de page soulignant les éléments de
cette comparaison
Remarques concernant la société Biotec et les
opérations concernées
Les administrateurs sont nommés par l'assemblée
générale (il s'agit d'une compétence exclusive). Ils sont
rééligibles sauf disposition contraire dans les statuts de la
société5. L'AG doit avoir une liberté effective
de nommer le candidat : pour ce faire, il faut qu'elle puisse choisir entre au
moins deux candidats par mandat à pourvoir6.
Cette élection et le vote sur le contrat de cession de
clientèle n'entrent pas dans le cadre des décisions soumises
à quorum et majorité spéciaux7.
La société Biotec n'est pas une
société cotée ni une société faisant ou
ayant fait publiquement appel à l'épargne.
5 articles 518 §2 et 520 CS ; cette limitation
est devenue une clause de style dans les statuts des S.A. (P. Hermant, «
la fonction d'administrateur... », in les administrateurs de
sociétés, séminaire sous la présidence de
Xavier Dieux, 12 mai 2005, éd. Vanham & Vanham, p. 19), il faudra
donc vérifier si elle n'est pas présente dans les statuts de la
société Biotec.
Comm. Bruxelles, 21 décembre 1998, R.D.C., 2000,
p. 401
7 Articles 63, 558 et 559 CS ; l'article 558 CS
prévoit un quorum de la majorité du capital social et une
majorité spéciale pourl'apport d'universalité mais la
cession de clientèle, en tant que « élément
d'universalité que constitue le fonds de commerce » (Mons, 5
février 1987, J.T., 1988, p. 172) n'est pas un apport
d'universalité : « La cession, comme universalité, d'une
partie du fonds de commerce est contraire à la notion même
d'universalité. » (T.P.I . Verviers, 16 mai 1988, J.F., 1989,
p.120) ; J.F.Goffin et E.Viatour, « l'assemblée
générale des actionnaires ou associés dans les SA, SPRL,
SCRL », in Droit des sociétés commerciales,
2ième
éd., 2002, éd. Kluwer,p.503 : pour ces votes, la
majorité exigée sera une majorité simple (moitié
plus un) et le nombre de présence est indifférent.
Section I : les questions de fond : la convocation de
l'assemblée générale, la validité d'une
décision de l'assemblée générale, le conflit
d'intérêts au sein du conseil d'administration.
I. La convocation de l'assemblée
générale: conditions et vices8
L'assemblée générale est « la
réunion des associés qui ont répondu à une
convocation régulièrement adressée à
l'ensemble d'entre eux en vue de délibérer sur les points qui
figurent sur cette convocation »9. La matière des
convocations est expressément réglementée par la
loi10. Il appartient au conseil d'administration de convoquer les
actionnaires à l'AG. Les modalités diffèrent selon que les
titres de la société soient nominatifs, au porteur (ou
dématérialisés) ou que ces deux types de titres existent
au sein de la société. Il s'agit d'impératifs minimaux
auxquels les statuts peuvent déroger en émettant des conditions
raisonnablement plus strictes11 .
a. Les modalités de convocation
1) Régime commun à ces trois types de
sociétés La convocation doit dans tous les cas faire l'objet
d'une publicité par le biais d'annonces dans le moniteur belge et dans
un organe de presse de diffusion nationale12. Un délai de 15
jours minimum est exigé entre la publication et la tenue de l'AG.
L'exception prévue pour les AG annuelles n'est pas applicable en
l'espèce dès lors que l'AG de la SA Biotec portera sur la
réélection de Monsieur Fog en tant qu'administrateur et sur un
contrat de cession de clientèle13 . En l'espèce, aucun
accomplissement de ces mesures n'a été porté à
notre connaissance.
2) Tous les titres sont nominatifs Une convocation «
spéciale » est adressée par lettre recommandée
à la poste à tous les porteurs de titres nominatifs. Cependant il
est possible de déroger à cette modalité si le
destinataire a, individuellement, expressément et par écrit,
accepté d'être convoqué par un autre moyen de communication
(par exemple par email avec accusé de réception14).
Ainsi ce destinataire ne pourra contester cette modalité de
convocation15 . En l'espèce, si les actions répondent
à cette catégorie, la lettre devait être «
recommandée par la poste », sauf à prouver que les
destinataires ont, individuellement, expressément et par écrit,
accepté d'être convoqué par email ou simple lettre. La
question sera essentiellement une question probatoire.
8 voy. P. Hainaut-Hamende et G. Raucq, Les
sociétés anonymes, tome 1, constitution et fonctionnement,
éd. Larcier 2005, p.605 et suiv. ; T. Boedts, R.D.C., 2005/3,
p. 303 et suiv. ; J.F.Goffin et E.Viatour, « l'assemblée
générale des actionnaires ou associés dans les SA, SPRL,
SCRL », in Droit des sociétés commerciales,
2ième éd., 2002, éd. Kluwer,p. 4839
J.F.Goffin et E.Viatour, « l'assemblée générale des
actionnaires ou associés dans les SA, SPRL, SCRL », in Droit
des sociétés commerciales, 2ième
éd., 2002, éd. Kluwer,p. 48310 art. 532 à 535
CS , l'article 533 a été modifié par la loi programme du
27 décembre 2004 entrée en vigueur le 10 janvier
2005.11 P. Hainaut-Hamende et G. Raucq, op. cit., p. 607 et
60812 Art. 533 CS 13 T. Boedts, art. cit., p. 304,
n°414 aucune limitation quant à la nature des moyens de
communication n'est prévue par le Code des Sociétés mais
les règles de preuve de droit commun devront être prises en
considération dès lors que les conditions de délai et de
forme doivent être remplies, voy. T. Boedts, art. cit., p.304,
n°615 il s'agit d'un droit d'option appartenant à chaque
destinataire de la convocation : il faut considérer la validité
de celle-ci au cas par cas, voy. T. Boedts, art. cit., p. 305
3) Les titres sont au porteur ou
dématérialisés Le régime commun est seul
applicable. Comme mentionné plus haut, aucune information ne nous a
été transmise à ce propos.
4) Certains titres sont au porteur, d'autres sont nominatifs La
seule différence avec le point 2) est que les porteurs de titres
nominatifs sont convoqués par lettre (simple) « sans qu'il doive
être justifié de l'accomplissement de cette formalité
». La même dérogation est possible dans des conditions
similaires à celles ci mentionnées. En l'espèce, la lettre
simple et l'email suffiront à remplir les conditions de la convocation,
de plus il ne doit pas être justifié de l'accomplissement de ces
formalités.
b. Le contenu des convocations
Outre les conditions reprises à
l'article 78 CS, la convocation doit contenir l'ordre du jour de la
réunion16. L'assemblée générale ne peut
délibérer que sur les points repris dans l'ordre du jour17
. Cette condition semble être remplie en l'espèce : les
points dont vous m'avez parlé sont repris par l'ordre du jour.
c. La demande de procuration
Les actionnaires peuvent voter par
procuration, toute interdiction statutaire de se faire représenter par
mandataire est illicite18 . Les statuts peuvent néanmoins en
conditionner la validité19. Aucune information sur
d'éventuelles conditions statutaires ne nous a été
communiquée en l'espèce. La demande de procuration est une
sollicitation privée de procuration par laquelle le conseil
d'administration ou un administrateur propose aux actionnaires de le
désigner comme mandataire à l'assemblée20. Le
régime des demandes de procuration n'est soumis à aucune
règle s'agissant de sociétés « fermées »
c'est-à-dire n'ayant pas fait ou ne faisant pas appel public à
l'épargne21. S'agissant d'une sollicitation privée
et non publique, les conditions de l'article 549 CS ne doivent pas
être remplies22 . Ainsi, la procuration mentionnée lors
de l'entrevue est un mandat donné « en termes
généraux », c'est-à-dire sans instruction
précise de vote. Seul l'abus résultant de l'exécution des
mandats pourra être sanctionné23 .
16 art. 533 al. 1 CS 17 art. 533 dernier
alinéa ; art. 64 2° : nullité de la décision sur un
sujet étranger à l'ordre du jour ; l'ordre du jour doit reprendre
les sujets soumis à délibération de manière
précise : Bruxelles, 10 février 1998, R.P.S., 1998, p.
40218 art.547CS ; J.F.Goffin et E.Viatour, « l'assemblée
générale des actionnaires ou associés dans les SA, SPRL,
SCRL », in Droit des sociétés commerciales,
2ième éd., 2002, éd. Kluwer,p. 498 ; P.
Hainaut-Hamende et G. Raucq, Les sociétés anonymes, tome 1,
constitution et fonctionnement, éd. Larcier 2005,
p.61919 art. 536 CS ; P. Hainaut-Hamende et G. Raucq, Les
sociétés anonymes, tome 1, constitution et fonctionnement,
éd. Larcier 2005,
20 P. Hainaut-Hamende et G. Raucq, Les
sociétés anonymes, tome 1, constitution et fonctionnement,
éd. Larcier 2005, p.620-621 ; S. Watillon, A.P. André-Dumont,
J.P. Renard, le guide pratique du conseil d'administration et de
l'assemblée générale, 2000, éd. De la chambre
de commerce et d'industrie, p.165
21 à ces sociétés, s'applique
l'article 548 CS.
22 la sollicitation privée ne se confond pas
avec la sollicitation publique de procuration qui s'applique dans les cas
visés par l'AR du 30 janvier 2001, www.juridat.be
23 Dès lors que l'article 548 et 579 ne sont
applicables, seul l'abus constitutif dans l'exercice de ces mandats pourra
faire l'objet d'une censure. Voy. infra.
d. Les vices de convocation
Les statuts peuvent prévoir d'autres conditions plus
strictes de convocation. Ainsi, les vices de celle-ci doivent s'analyser par le
biais de la loi et des statuts. En l'occurrence, aucune information ne nous a
été transmise quant aux statuts. Le vice d'une convocation peut
entraîner la nullité de l'assemblée générale.
Le vice peut être de forme (cela se rapporte à ce que nous venons
d'exposer) et doit dès lors avoir eu une influence sur la
décision de l'AG pour que celle-ci soit annulée24. Le
vice peut aussi résider dans une intention frauduleuse en cas de
violation des règles de fonctionnement25 .
e. La couverture d'une convocation irrégulière
Toute présence de l'actionnaire à l'assemblée
générale couvre l'irrégularité de la convocation la
concernant26. Ainsi la nullité de la décision de l'AG
ne pourra plus être fondée sur cette irrégularité.
Votre présence à l'AG du 7 novembre aura pour conséquence
que la remise en question de la décision de l'AG ne pourra plus
être invoquée sur cette base.
f. La suspension des effets de la convocation Un recours devant
le juge des référés aurait permis de suspendre les effets
d'une convocation27. Nous ne sommes plus dans les temps pour
demander de suspendre l'AG qui a eu lieu le 7 novembre. Par contre, nous
examinerons la suspension des effets des décisions prises lors de cette
assemblée28 .
II. Le conflit d'intérêts-l'abus de
majorité-la violation des règles de fonctionnement
a. Présentation
générale 1) Définition
En droit, le conflit d'intérêts se
caractérise par une opposition entre les intérêts
personnels d'une personne et d'autres intérêts qu'elle doit
défendre lors d'opérations déterminées29
. Ainsi la « dualité » d'intérêt est
insuffisante à produire une situation qualifiée juridiquement de
« conflit »30. De même, l'opposition doit
résider entre un intérêt personnel d'une personne et un
intérêt d'autrui que cette même personne a l'obligation
active de défendre31 . Ainsi, la rencontre de
l'intérêt de Monsieur Fog, en tant qu'actionnaire et
administrateur, et du vôtre, en tant qu'actionnaires minoritaires,
donne-t-elle lieu à une situation potentiellement
conflictuelle32 .
24 Comm. Hasselt, 19 décembre 1997
(réf.), T.R.V., 1998, p. 536 ; Comm.Turnhout, 17 avril 1998,
T.R.V., 1998, p. 539 25 P. Hainaut-Hamende et G. Raucq,
op. cit., p.614, pour les conditions d'annulation des décisions
de l'AG nous vous renvoyons infra et à l'article 64 1° et 2°
26 P. Hainaut-Hamende et G. Raucq, op. cit., p.614 ; Cass,
4 mars 1988, Pas.1988 I, p. 80227 E. Pottier, « Abus
de majorité, de minorité ou d'égalité, conditions,
recours, sanction », in le séminaire les conflits
d'actionnaires, éd. Vanham Vanham, 2004, p.34 ; S. Watillon, A.P.
André-Dumont, J.P. Renard, le guide pratique du conseil
d'administration et de l'assemblée générale, 2000,
éd. De la chambre de commerce et d'industrie, p. 147 n°391
28 Voy. la section II29 V. Simonart, «
les conflits d'intérêts au sein de l'assemblée
générale de la société anonyme en droit
comparé » in Les conflits d'intérêts,
Bruxelles, Bruylant, 1997, p.19530 P.A.Foriers, « les
administrateurs et la gestion des conflits d'intérêts »,
Séminaire Droits, devoirs et responsabilités des
administrateurs de sociétés, 2001, organisateur Vanham &
Vanham, p. 1 ; voy. modification législative de l'article 60 LCSC en
1991, devenu l'article 523 CS 31 V. Simonart, op. cit., p. 196 :
sinon il s'agit d'une application de la théorie de l'abus de droit,
impliquant une obligation passive32 sous réserve des
approfondissements ci-après.
2) Distinction selon l'organe concerné
Le conflit d'intérêt peut apparaître dans
plusieurs organes de la société anonyme : nous examinerons cette
situation au sein de l'assemblée générale ainsi qu'au sein
du conseil d'administration dès lors que notre affaire se rapporte
à un vote au sein de l'AG ainsi qu'à la conclusion probable d'un
contrat par le CA33 avec la société Bioplus.
3) Fondements juridiques
Le fondement juridique du conflit d'intérêts et son
règlement diffèrent selon l'organe au sein duquel il surgit :
L'article 523 et 524 CS concernent cette situation au sein du conseil
d'administration alors qu'au sein de l'assemblée générale,
le législateur semble avoir laissé cette situation s'analyser au
regard du droit commun, plus spécialement par un principe
général du droit34 . Il ne peut cependant pas primer
sur l'application de la loi : la nullité d'une décision
générale prévue à l'article 64 du C.S. ne peut
être demandée sur cette base35.Un autre principe, le
principe de loyauté, avait été consacré par une
juridiction36 mais la Cour de cassation a définitivement
rejeté ce principe en tant que principe général du
droit37 .
b. Le conflit d'intérêts au sein de
l'Assemblée Générale
1) L'existence d'un conflit d'intérêts
L'examen de cette question concernera tant le vote sur
le contrat de cession de clientèle avec la S.A. Bioplus que le
vote concernant le renouvellement du mandat de Monsieur Fog38
.
2) Absence de réglementation-solutions
33 V. Simonart, « les conflits
d'intérêts au sein de l'assemblée générale de
la société anonyme en droit comparé » in Les
conflits d'intérêts, Bruxelles, Bruylant, 1997,
p.19534 Cass, 18 mars 2004, www.cass.be :« Attendu qu'il
existe un principe général du droit suivant lequel quiconque
accomplit des actes juridiques pour le compte d'un tiers ne peut intervenir en
qualité de partie adverse de ce tiers ; que l'acte ainsi accompli est
nul par nature ». 35 Ce principe ne peut s'appliquer qu'en cas
de silence de la loi : voy. Bruxelles, 19 janvier 2001, éd. Du Jeune
barreau de Bruxelles 2003, p.173 soulignant le caractère subsidiaire du
principe général du droit : « encore resterait-il que ce
recours à un tel principe général du droit ne pourrait
faire obstacle à l'application de la loi, laquelle doit être
privilégiée chaque fois qu'elle règle concrètement
la situation à apprécier en l'espèce »; V.I., obs
sous cet arrêt dans J.T., 2001, p.108 ; C. Croes, « het
openbaar ruilbod op tractebel : de rechtspratijk herademt », T.R.V.,
p. 110 : « zelfs al sou worden aanvaard dat een algemeen
rechtsbeginsel inzake belangenconflicten bestaat, dit beginsel in casu geen
toepassing kan vinden. Een algemaeen rechtsbeginsel kan immers de toepassing
van de wet niet verhinderen : indien de wet een welbepaalde situatie specifiek
regelt, dient deze wettelijke regeling voorrang te krijgen, ook al zou ze
afwijken van een algemeen rechtsbeginsel »36 Ordonnance de la
Présidente du Tribunal de commerce, 26 octobre 1999, Journ.
Procès n°380, p.20, plus spécialement p. 21 : la
Présidente a, en l'espèce, considéré que
l'inapplication des anciens articles 60 et 60 bis des LCSC ( 523 et 524 CS)
n'empêchait pas de recourir au principe général du droit de
loyauté dont les articles suscités n'étaient qu'une
illustration particulière. Cette ordonnance a été
réformée en appel ( Bruxelles, 19 janvier 2001, R.P.S.,
2001, p. 93,) et le pourvoi contre cette réformation rejeté
(Cass, 17 octobre 2002, www.cass.be). Voy. commentaires de la jurisprudence de
la Présidente du tribunal de commerce : M. Caluwaerts, « les
conflits d'intérêts et droit des groupes » in
dernières évolutions en droit des
sociétés, éd. Du Jeune barreau de Bruxelles 2003, p.
173 ; pro : B. Demonty, « la réglementation des conflits
d'intérêts complétée par un principe de
loyauté en droit des sociétés », DAOR, 2000,
p. 256 et suiv. ; Ch. Brüls, « OPA, conflits d'intérêts
et Corporate governance », JLMB, 1999, p. 1793 et suiv. ; contra
: H. De Wulf, « Bestuurders tussen hamer en aambeeld bij een groepsintern
overnamebod », Rev. Banque, 1999, p.468 et suiv. ; C. Croes, « het
openbaar ruilbod op tractebel : de rechtspratijk herademt », T.R.V.,
p. 110 n°12. La doctrine francophone avait accueilli favorablement
cette jurisprudence alors que les auteurs flamands l'avaient fortement
critiquée.37 Cass, 5 mars 2002 , WWW.cass.be: «
Attendu que le principe de loyauté n'est pas un principe
général du droit » 38 V. Simonart, op. cit., p.
197, 223 et 224
En l'absence de toute intervention législative concernant
le conflit d'intérêts au sein de l'A.G.39,
l'actionnaire mécontent peut recourir à plusieurs solutions :-au
plan individuel, analyser les droits de chaque actionnaire en des
droits-fonctions etcréer ainsi une obligation active de
défendre un intérêt autre que le sien. (3)-au niveau de
l'assemblée, se prévaloir de l'obligation de l'A.G. de respecter
l'intérêtsocial ou le principe de bonne foi, ce
qui nous donnera l'occasion d'examiner lasanction de l'abus de
majorité40.(4) D'autres moyens sont donnés par
la loi pour obtenir la nullité de la décision de l'AG
(5): -prouver la violation de règles de fonctionnement et une
intention frauduleuse, -prouver une irrégularité de formes de
la décision, irrégularité qui a influencée
celle-ci.
3) Les droits des actionnaires analysés en des
droits-fonctions41
Le droit de l'actionnaire serait un droit-fonction en ce sens
qu'il doit l'exercer pour l'intérêt commun42. La
société, analysée en tant que contrat ou en tant
qu'institution43, ne donne pas naissance à des droits
absolus. Une partie de la doctrine considère que certaines règles
font obstacle à ce que ce droit soit reconnu en tant que droit-fonction
: l'actionnaire n'a aucune obligation de voter à l'assemblée
générale, ni même d'y assister. Le fait que le droit puisse
ne pas être exercé mettrait à néant l'analyse de ce
droit en un droit-fonction44 . Une autre doctrine pense que la
consécration de la théorie de l'abus de majorité a mis un
terme à l'aspect prérogatif du droit de vote des
actionnaires45 . Quoi qu'il en soit, la doctrine
majoritaire46 semble considérer qu'en tous les cas, la
sanction n'apparaît pas au niveau individuel (exclusion, obligation
d'abstention) mais au
39 P. Ernst, Belangenconflicten in naamloze
vennootschappen, éd. Intersentia Rechtswetenschappen, 1997, p.610
et 611 ; pour l'évolution historique, voy. P. Ersnt, op. cit, p. 615
à 618 ; V. Simonart, op. cit., p. 233 et plus spécialement p. 234
: « lors des travaux préparatoires de la loi du 13 avril 1995, le
législateur a confirmé que les décisions prises par l'A.G.
ne sont pas visées par l'article 60 LCSC (actuellement 523 CS). » ;
il en est de même en droit néerlandais, par contre, en droit
français, le législateur a réglementé cette
situation et notamment celle qui nous occupe aux articles 103 et 145 d'une loi
du 24 juillet 1966, en consacrant l'exclusion de l'actionnaire-administrateur
dans le vote d'appobation d'un contrat conclu dans lequel il est
personnellement intéressé in D. Schmidt, les conflits
d'intérêts dans la société anonyme, éd.
Joly, 2004, p. 47 et 93 à 96. ; Pour l'examen de ce cas, nous
considérons que les statuts ne prévoient aucune interdiction de
vote en cas de conflit d'intérêts, pour cette possibilité,
voy. P. Ernst, op. cit, p. 61840article 64 3°CS ; M. Tison,
art. cit., p.703, n°26 : cet auteur examine l'existence d'un principe
d'égalité de traitement au sein des sociétés et
conclut que c'est surtout à travers le principe de bonne foi et d'abus
de majorité que la sanction de nullité se manifeste. Le principe
d'égalité existant en droit public ne se retrouve donc pas en des
termes similaires au sein d'une société
privée.41 P. Van Ommeslaghe, Droit des obligations, tome 3,
p. 735 ; le droit-fonction est accordé par le législateur dans un
but déterminé. L'exercice de ce droit dans une autre
finalité est constitutif d'abus. Ce type de droit s'oppose au droit
discrétionnaire, absolu et, par conséquent, non susceptible
d'abus42 P. Coppens, l'abus de majorité dans les
sociétés anonymes, 1947, p.83, n°56 : « (...)
comme un procédé de gestion de la société »
43 L'analyse de droit de l'actionnaire en tant que droit-fonction
procède, selon certains, d'une conception institutionnelle de la
société :
V. Simonart, op. cit, p. 215, Cependant la Cour de cassation a
depuis longtemps consacré le principe d'abus de droit en matière
contractuelle : Cass., 19 septembre 1983, www.cass.be, voy. A. François,
vennootschapsbelang, éd. Intersentia Rechtswetenschappen, 1999,
Antwerpen, p.4344 V. Simonart, op. cit., p. 21645 X.
Dieux, « Nouvelles observations sur l'abus de majorité ou de
minorité dans les personnes morales fonctionnant selon le principe
majoritaire », R.G.D.C., 1998, p.19 n°10 ; J.F.Goffin et
E.Viatour, « l'assemblée générale des actionnaires ou
associés dans les SA, SPRL, SCRL », in Droit des
sociétés commerciales, 2ième éd.,
2002, éd. Kluwer,p.517. Pour cette théorie, voy.
infra.46 P. Ernst, Belangenconflicten in naamloze
vennootschappen, éd. Intersentia Rechtswetenschappen, 1997, p. 599
et suiv. : « wordt in de Belgische rechtsleer overwegend aangenomen dat
dit stemrecht beantwoordt aan een dubbele finaliteit : « droit fonction
». Enerzijds es het stemrecht een essentieel prerogatief van de
aandelhouder, dat hem toelaat waakzaam te zijn ten aanzien van de aan zijn
inbreng gekoppelde belegging, maar dat hij naar eigen goeddunken mag uitoefenen
in de door hem gewenste zin of niet uitoefenen. Anderzijds is het stemrecht ook
functioneel van aard : de stem draagt bij tot de besluitvorming en dus de
werking van de vennootschap ; de meerderheid der stemmen bepaald ook het lot
van de aandelen van de tegenstemmende minderheid, van de aandeelhouders die
zich onthouden en van de afwezigen » et plus loin, p. 619, n°720 :
« de overwegende optvatting over de aard van de stemrecht, ziet het
stemrecht in de eerste plaats als een prerogatief dat de aandeelhouder toelaat
om zijn eigen belangen te
niveau de l'assemblée générale
elle-même. En effet, aucune interdiction de vote en cas de conflit n'a
été consacrée par la loi et les recommandations de la
Commission bancaire, financières et des assurances n'a pas eu
d'impact sur les sociétés privées47 .Ainsi,
à ce stade, Monsieur Fog, en tant qu'actionnaire de la
société Biotec, peut exercerson droit de vote et n'a aucune
obligation active vis-à-vis du reste de l'actionnariat48
.
4) Le détournement de pouvoir :l'abus de majorité
au sein de l'assemblée générale-application
particulière de la théorie de l'abus de droit
· Définition générale
Une autre solution est de prouver l'abus de majorité dans
le processus de décision de l'assemblée, tant pour le vote de
renouvellement du mandat que pour le vote à propos du contrat de cession
de clientèle. En effet, en pratique, Monsieur Fog pourrait se retrouver
en position dominante à l'assemblée par le fait des procurations
ou par l'absentéisme des actionnaires49 .
La théorie de l'abus de majorité50
permet de faire prononcer la nullité des décisions de
l'assemblée générale qui sont contraires à
l'intérêt social et qui portent atteinte aux droits des autres
actionnaires51. Le critère légal est le
détournement de pouvoirs52·. Cette
théorie peut sembler entrer en contradiction avec le principe
fondamental des sociétés anonymes qu'est la loi
majoritaire53. Cependant, quelle que soit la dénomination
donnée au droit de vote de l'actionnaire, il existe une obligation
passive qui consiste à ne pas porter atteinte à
l'intérêt de la société54 .
behartigen en zijn mening door te drukken », contra : voy.
X. Dieux, « Nouvelles observations sur l'abus de majorité ou de
minorité dans les personnes morales fonctionnant selon le principe
majoritaire », R.G.D.C., 1998, p.19 n°10 ; J.F.Goffin et
E.Viatour, « l'assemblée générale des actionnaires ou
associés dans les SA, SPRL, SCRL », in Droit des
sociétés commerciales, 2ième éd.,
2002, éd. Kluwer,p.517.47 P. Ernst, op. cit, p. 618 : «
De commissie suggereerde dat de personeelsleden die reeds aandeelhouder waren
zich op de algemene vergadering van de stemming zouden onthouden, om elk
vermoeden van belangenconflicten te vermijden ».48 V.Simonart,
op.cit, p.235 ; tant au niveau du vote concernant le renouvellement de son
mandat et de la décharge des administrateurs que celui au sujet du
contrat de cession de clientèle ; M. Tison, art. cit., p. 703, n°27
: seule la bonne foi peut limiter ce droit de vote et créer une
obligation de prendre en compte les intérêts des autres
actionnaires ; Rem : A ce stade, nous pouvons comparer cette situation à
la situation de la « société belge » : le cumul d'un
mandat en tant que ministre et celui en tant que parlementaire est
prohibé, art. 50 Const. Et art. 23 de la loi spéciale de
réformes institutionnelles du 8 août 198049 voy. les
remarques du début de cette consultation au sujet des opérations
concernées50 nous ne parlerons pas des deux pendants de cette
théorie qui sanctionnent l'abus de minorité et
d'égalité51 V. Simonart, art. cit., p.
20552 E. Pottier, « abus de majorité, de minorité
ou d'égalité, conditions, recours, sanction » in le
séminaire les conflits d'actionnaires, Vanham & vanham
2004, p. 14 : le détournement de pouvoirs vise une
irrégularité quant au but d'une décision alors qu'un
excès de pouvoir vise la violation de la loi ou des statuts par l'objet
d'une décision ; V Simonart, art. cit., p.206 : ces concepts sont issus
du droit administratif mais ne peuvent être tranposés tels quels
en droit privé ; Bruxelles, 18 décembre 1999, www.juridat.be :
« que constitue au sens de cette disposition un excès de pouvoir
non seulement toute irrrégularité d'une décision de
l'assemblée générale quant à son objet à la
suite de la violation de la loi ou de ses statuts mais également celle
qui est prise en vue de porter atteinte aux droits acquis par des tiers ou des
associés »53 Pour un historique de cette loi, voy. E.
Pottier, « Abus de majorité, de minorité ou
d'égalité, conditions, recours, sanction », in le
séminaire les conflits d'actionnaires, éd. Vanham
Vanham, 2004 ;P. Van Ommeslaghe et X. Dieux, « les sociétés
commerciales, examen de jurisprudence », R.C.J.B.,1993 p. 809 ;
P. De Wolf, « l'exercice du pouvoir et le fonctionnement de la SA :
régime de liberté (moins) surveillée, J.T., 2003,
p. 593 n°1754 S. Watillon, A.P. André-Dumont, J.P.
Renard, le guide pratique du conseil d'administration et de
l'assemblée générale, 2000, éd. De la chambre
de commerce et d'industrie, p. 170 n°458 ; cette théorie est
consacrée en droit des sociétés par l'article 64 C.S.
3° : Est frappée de nullite, la décision prise par une
assemblée générale 3° lorsque la décision
prise est entachée de tout autre excès de pouvoir ou de
détournement de pouvoir ; pour une comparaison entre l'application de
l'abus de droit en droit civil et en droit des sociétés, nous
vous renvoyons à l'arrêt de principe de la Cour de cassation
concernant la théorie de l'abus de droit du 10 septembre 1971,
www.cass.be, note sous cassation : P. Van Ommeslaghe, R.C.J.B.,
1976, p.303 et suiv. ; la doctrine et la jurisprudence semble unanime à
considérer que l'abus de droit est le fondement de l'abus de
majorité, voy. E. Pottier, « Abus de majorité, de
minorité ou
· Conditions d'application de la sanction du
détournement de pouvoirs
Critère d'application consistant en la prise en
considération d'un intérêt étranger sacrifiant
l'intérêt social dans la prise de décision.
L'ambivalence du droit de vote des actionnaires est
l'élément qui devra nécessairement tempérer
l'action du juge55. Quoi qu'il en soit de la nature du droit de vote
de l'actionnaire, il doit également être exercé de
manière conforme à l'intérêt social.
Cette notion est controversée en doctrine56et en
jurisprudence57. Un contenu pluriel lui est reconnu58.
L'intérêt social est « un going concern dans une perspective
de continuité et de rentabilité à long terme
»59. En dehors de la poursuite de ses finalités, les
organes sont dépourvus de pouvoir et leurs décisions peuvent donc
être sanctionnées60. Il est plus aisé de donner
un contenu négatif à ce concept61. Ainsi, pour
l'examen de notre affaire, -l'intérêt de la société
Biotec ne rencontre pas l'intérêt de la S.A. Bioplus
-l'intérêt de la société Biotec ne rencontre pas
l'intérêt de l'actionnaire Monsieur Fog62 .
? La conclusion d'un contrat de cession de clientèle
constitue un actif non négligeable dans le fonctionnement d'une
société63. Le bon sens laisse penser que la cession de
clientèle est dommageable pour la société, sous
réserve d'éléments nouveaux64, elle le sera
d'autant plus si la contrepartie est exceptionnellement petite65 .
Quant à
d'égalité, conditions, recours, sanction », in
le séminaire les conflits d'actionnaires, éd. Vanham
Vanham, 2004 , p.13 ; X. Dieux, « Nouvelles observations sur l'abus de
majorité ou de minorité dans les personnes morales fonctionnant
selon le principe majoritaire », R.G.D.C., 1998, p. 11, n°3
55 E. Pottier, art. cit. , p. 16 n°23 ; Pour certains auteurs
la distinction entre la nature du droit de vote de l'actionnaire et celle du
droit de vote de l'administrateur doit être abandonnée :X. Dieux,
« Nouvelles observations sur l'abus de majorité ou de
minorité dans les personnes morales fonctionnant selon le principe
majoritaire », R.G.D.C., 1998, p.19 n°10 ; J.F.Goffin et
E.Viatour, « l'assemblée générale des actionnaires ou
associés dans les SA, SPRL, SCRL », in Droit des
sociétés commerciales, 2ième éd.,
2002, éd. Kluwer,p.517.56 Voy. A. François,
vennootschapsbelang, éd. Intersentia Rechtswetenschappen, 1999,
Antwerpen ; X. Dieux, « Nouvelles observations sur l'abus de
majorité ou de minorité dans les personnes morales fonctionnant
selon le principe majoritaire », R.G.D.C., 1998, p.15, n°7 ;
J.M. Nelissen Grade, « de la validité et de l'exécution de
la convention de vote dans les sociétés commerciales »,
R.C.J.B., 1991, p. 230 ; nous n'entrerons pas dans la description de
ces différends entre la conception « patrimoniale » et la
conception « entrepreneuriale » de l'intérêt
social.57 Comm. Bxl, 22 juin1992, R.P.S., 1993, p. 36 ;
Bruxelles, 20 décembre 1995, T.R.V., 1996, p. 54 ; voy.
cependant E. Pottiers, art. cit., p. 19 qui considére que, dès
lors que le juge ne sanctionne que les décisions « manifestement
» contraires à l'intérêt social, la jurisprudence
n'éprouve pas trop de difficultés à sanctionner les abus
au regard de ce critère58 X. Dieux, « La
société anonyme comme « modèle » et la
société cotée comme « prototype » », in
Liber Amicorum Lucien Simont, éd. Bruylant, 2002, p. 628
n°859 Une définition de l'intérêt social
est l'intérêt commun des associés, voy. X. Dieux,
art. cit., p.11 ; contra : Comm. Liége, 17 octobre 2003, R.D.C.,
2005/4, p. 437 : « l'intérêt social ne peut se confondre
avec l'intérêt individuel ou commun des actionnaires. En tant
qu'être doté de la personnalité juridique, la
société a un intérêt propre qui peut d'ailleurs
être distinct, voire opposé à celui de ses actionnaires
» ; T. Tilquin et V. Simonart, Traités des
sociétés, tome I, p. 812, n°1082 et p. 816-817, n°
1087-108860 X. Dieux, « nouvelles observations... », art.
cit., p. 10 n°2 et 3 : la sanction est la nullité de la
décision en tant que forme de réparation en nature ; J.M.
Nelissen Grade, art. cit., p.231 n°3161 V. Simonart, art. cit.,
p. 20562 J.M. Nelissen Grade, art. cit., p. 233 et 234 :
l'intérêt de la société ne se confond pas avec celui
des actionnaires car la société est une entité
indépendante dont l'intérêt est la continuité de
l'entreprise.63 voy. Mons, 5 février 1987, J.T., 1988, p. 172
: « La clientèle est un élément de
l'universalité que constitue un fonds de commerce. (...est) un
élément d'actifs »
64 Par exemple la cessation future de telle
activité, ...voy. plus loin les motifs d'opportunité
économique
65 E. Pottier, art. cit. , p.32
l'existence in concreto d'un abus66,
l'appréciation du juge est souveraine. Il en
dépendra de la conception personnelle du juge quant
à la notion d'intérêt social67 .
? En ce qui concerne le renouvellement des mandats :
l'actionnaire qui est également administrateur peut participer au vote
de sa décharge ainsi qu'au vote de renouvellement de son
mandat68. Monsieur Fog peut donc voter sa décharge et le
renouvellement de son mandat. Cette situation montre les limites de
l'application du détournement de pouvoirs : on ne peut reprocher
à Monsieur Fog de voter « pour son intérêt personnel
» dès lors qu'aucune abstention n'est exigée.
Second critère d'application : le contrôle
marginale (marginale toetsing) du juge pour apprécier la
licéité de la décision litigieuse69 .
La société commerciale jouit d'une autonomie que
les Cours et Tribunaux se gardent d'amoindrir. Ainsi, l'assemblée
générale, souveraine en son Etat, peut-elle, de manière
indépendante, apprécier l'opportunité d'une
opération, que ce soit en interne (renouvellement d'un mandat) ou en
externe (conclusion d'un contrat)70. Dépassera manifestement
cette marge d'appréciation la décision qu'aucun actionnaire
normalement prudent et diligent n'aurait raisonnablement prise71.
Cette appréciation marginale tend à réduire le nombre de
décisions annulées sur base de l'abus de majorité72
. Les contours de ce critère ne sont pas aisés à
définir. Le caractère manifeste de l'abus pourra être
dénié par l'actionnariat majoritaire sur base de motifs
d'opportunité (économique)73 .
5) L'irrégularité de formes ayant eu une influence
sur la décision74 et la violation des règles de
fonctionnement avec une intention frauduleuse75
66 Comm. Liège (réf), 3 mai 1996,
J.L.M.B., p. 12, III.2.1. : « l'abus de majorité implique
que la majorité ait sacrifié les intérêts de la
société aux siens propres ou à ceux de tiers, et que la
décision ait causé un préjudice à la
société ou ait été à tout le moins
susceptible d'en causer un » 67 Comm. Liège, 17 octobre
2003, op. cit., p. 438: « la violation de l'intérêt social
n'est pas prise en considération sur le plan juridique comme telle pour
justifier l'annulation d'une décision ; la violation de
l'intérêt social apparaît comme critère de
reconnaissance d'un abus de droit par les actionnaires ou les administrateurs,
abus qui justifie l'annulation. »68 voy. supra pour l'absence
d'interdiction de cumul de ces deux fonctions69 E. Pottiers, art.
cit., p. 20 ; Comm. (réf), 3 mai 1996, J.L.M.B., 1996,
p.81270 Comm. Liège, 17 octobre 2003, R.D.C.,
2005/4, p. 437 : « le juge ne peut s'immiscer dans la gestion de la
société et porter une appréciation quant à
l'opportunité des décisions prises par les organes sociaux. Seul
un contrôle marginal peut être opéré par le juge
» ; E. Pottiers, art. cit., p.20 et 21 ; X.Dieux, « nouvelles
observations.... », art.cit., p. 13 ; V. Simonart, art.Cit., p. 204 ;
remarque : de même le principe de la séparation des pouvoirs ne
permet pas au juge de l'ordre judiciaire de sanctionner une décision que
l'administration publique a prise en opportunité. Cette comparaison
n'est pas raison : l'administration publique est soumise à un
contrôle du juge administratif. De même, le législateur peut
voir une de ses oeuvres sanctionnées par la Cour d'arbitrage au regard
de principes jugés fondamentaux.71 Nous retrouvons ici le
critère du bon père de famille et de la bonne foi ; E. Pottiers,
art. cit., p.21 n°38 ; Sur le caractère manifeste : Comm.
Liège (réf), 3 mai 1996, op. cit. ; ainsi la simple
mésentente entre associés et des divergences d'opinions ne
peuvent suffire, Mons, 12 mars 1996, R.P.S., 1996, p. 304 et Comm.
Courtrai (réf), T.V.R., 1999, p. 32672 E. Pottiers,
art. cit., p.21 n°38 ; X. Dieux, « nouvelles observations.. ; »,
p.13 ; Liège, 9 septembre 2004, J.T., 2005 n°6167, p.
85.73 Cass., 17 mai 2002, www.juridat.be : » Dans
l'appréciation des intérêts en présence le juge doit
tenir compte de toutes les circonstances de la cause» ; Comm.
Liège, 3 mai 1996, op.cit., p.813 : pour le
référé, motifs qui n'apparaissent pas prima facie
sérieusement contestables ; Comm. Mons, 26 janvier 2000,
J.L.M.B., 2001, p.836 concernant des ventes : « il n'est, en
effet, pas normal que le Conseil d'administration ait entamé la vente de
tous les actifs immobiliers de la société en dehors de tout
contexte de liquidation » ; nous ne parlons pas d'une condition
anciennement appliquée, l'intention de nuire, que la loi ne reprend pas
et que les Cours et Tribunaux appliquaient contra legem. Cette condition a
été abandonnée ces dernières années, voy. X.
Dieux, « nouvelles observations... », art. cit., p. 10 n°2 ; E.
Pottiers, art. cit., p. 14.74 art. 64 1°CS, nous vous renvoyons
à la partie concernant les convocations.75 Art. 64 CS : Est
frappée de nullite, la décision prise par une assemblée
générale :2° en cas de violation des règles relatives
à son fonctionnement ou en cas de délibération sur une
question étrangère à l'ordre du jour lorsqu'il y a
intention frauduleuse; par exemple le non-respect des règles statutaires
concernant les procurations
La loi permet d'obtenir la nullité d'une décision
de l'assemblée générale prise en violation des
règles de fonctionnement ou lors de vices de forme. Il faut prouver soit
une intention frauduleuse76 soit que l'irrégularité a
eu une influence sur la décision prise77. Si les convocations
à l'AG de Biotec se révèlent irrégulières,
nous opterons pour la deuxième possibilité : prouver que cette
irrégularité a entraîné la position dominante de
Monsieur Fog au sein de l'AG et que celle-ci a abouti à la
décision litigieuse : que, sans cette position dominante, la
décision n'aurait pas été la même.
Les recours judiciaires d'annulation seront examinés dans
la section II.
c. Le conflit d'intérêts au sein du Conseil
d'administration d'une société « fermée »78
Contrairement à la situation au sein de l'assemblée
générale, le conflit d'intérêt au sein du conseil
d'administration a été réglementé par le
législateur79 .
1) L'inapplication de l'article 523 §1 alinéa 4 et
de l'article 524 du Code des
Sociétés L'article 523 §1 alinéa 4 qui
prévoit l'obligation d'abstention de l'administrateur n'est applicable
qu'aux sociétés faisant ou ayant fait appel à
l'épargne publique. L'article 524 qui prévoit un mécanisme
plus lourd en cas de conflits d'intérêts, ne s'applique qu'aux
sociétés anonymes cotées. De nombreux auteurs
déplorent cette exclusion qui n'est, pour eux, aucunement
fondée80. Il est possible d'inclure ce mécanisme
légal dans les statuts des sociétés « fermées
». Aucune information ne nous a été transmise en ce sens.
L'AG est compétente pour les modifications statutaires: il est possible
de prévoir l'inclusion de ce mécanisme.
2) Quatre conditions cumulatives pour l'application de l'article
523 C.S.81
76 Comm. Liège, 17 octobre 2003, op. cit., p.
43577 Bruxelles, 10 février 1998, R.P.S., 1998,
p.402 et suiv. 78 Cour d'arbitrage, 14 mai 2003,
n°642003, www.juridat.be79 nous ne reproduisons que l'article
523 et plus spécialement ce qui nous concerne dans cette affaire,
l'article 524 n'étant applicable qu'aux sociétés
cotées : Art. 523. § 1er. Si un administrateur a, directement ou
indirectement, un intérêt opposé de nature patrimoniale
à une décision ou à une opération relevant du
conseil d'administration, il doit le communiquer aux autres administrateurs
avant la délibération au conseil d'administration. Sa
déclaration, ainsi que les raisons justifiant l'intérêt
opposé qui existe dans le chef de l'administrateur concerné,
doivent figurer dans le procès-verbal du conseil d'administration qui
devra prendre la décision. De plus, il doit, lorsque la
société a nomme un ou plusieurs commissaires, les en informer.
En vue de la publication dans le rapport de gestion, visé
à l'article 95, ou, à défaut de rapport, dans une
pièce qui doit être déposée en meme temps que les
comptes annuels, le conseil d'administration décrit, dans le
procès-verbal, la nature de la décision ou de l'opération
visée à l'alinéa 1er et une justification de la
décision qui a été prise ainsi que les conséquences
patrimoniales pour la société. Le rapport de gestion contient
l'entièreté du procès-verbal visé ci-avant.
Le rapport des commissaires, visé à l'article 143,
doit comporter une description séparée des conséquences
patrimoniales qui resultent pour la société des décisions
du conseil d'administration, qui comportaient un intérêt
opposé au sens de l'alinéa 1.
§ 2. La société peut agir en nullité
des décisions prises ou des opérations accomplies en violation
des règles prévues au présent article (et à
l'article 524ter), si l'autre partie à ces décisions ou
opérations avait ou devait avoir connaissance de cette violation.
80 K. Geens, « les administrateurs face aux conflits
d'intérêts », in les administrateurs des
sociétés, séminaire sous la présidence de
Xavier Dieux, op. cit, p. 3 ; X. Dieux, « De la société
anonyme comme « modèle » et de la société
cotée comme « prototype » », in Liber Amicorum Lucien
Simont, éd. Bruylant, Bruxelles, 2002, notamment n°13 p. 635,
636, n°14, p.636 et p.638 ; L. Simont, « les conflits
d'intérêts, nouvelles implications des articles 60 et 60bis »
in Séminaire Vanham & Vanham, 1995, p.2 ; Cependant cela ne
signifie pas qu'ils adhèrent au mécanisme d'administrateurs
indépendants de l'article 524 : X. Dieux « ...à supposer que
l'on trouve la disposition (art. 524) pertinente », art. cit., K. Geens,
« ...la recherche de trois administrateurs répondant aux
critères d'indépendance (de l'article 524) est
considérée comme une tâche impossible », art. cit.
81 Voy. l'affaire Tractebel-Société
Générale de Belgique dans les arrêts précités
et notamment Bruxelles, 19 janvier 2001 et Cass., 17 octobre 2002 : «
Attendu que, dès lors qu'ils ont considéré que les
demandeurs " ne peuvent se prévaloir d'aucune apparence de droit
Condition concernant les personnes concernées Il doit
s'agir du conseil d'administration qui conclut une opération
dans le cadre de ses compétences. La conclusion d'un contrat entre dans
le champ de compétences du conseil d'administration82 .
Condition relative à la nature de
l'intérêt L'intérêt doit être patrimonial
et non simplement moral83. L'intérêt patrimonial se
définit comme un avantage (mobilier ou immobilier) susceptible de faire
l'objet d'une estimation économique précise et objective.
L'intérêt de Monsieur Fog est nettement patrimonial : celui
d'enrichir la société Bioplus (dont il est actionnaire
majoritaire et administrateur) de la clientèle de la
société Biotec.
Condition relative aux caractéristiques de
l'intérêt L'intérêt doit être
opposé à l'intérêt social. Nous vous
renvoyons à la partie consacrée à l'examen de cette
notion. Une juridiction a considéré que « l'essence de
l'intérêt de la société (est) sa continuité
»84. Un intérêt compatible ou
parallèle à l'intérêt social ne pourrait
donner lieu à l'application du mécanisme de l'article 523 CS.
L'intérêt de Monsieur Fog est opposé à
l'intérêt de la société Biotec tel que défini
par un principe de continuité. L'intérêt de
l'administrateur doit être personnel et peut être direct ou
indirect. En l'occurrence, il s'agit d'un intérêt personnel
indirect85 .
Condition relative à la nature de l'acte L'acte
doit être une décision ou une opération
relevant du conseil d'administration. Selon une doctrine, sont
visées les hypothèses dans lesquelles le conseil d'administration
adopte une conclusion définitive sur un sujet86. Il
s'agit donc de dissocier la décision du CA de soumettre la conclusion du
contrat à un vote par l'AG et celle par laquelle le CA conclut le
contrat avec la société Bioplus. Seule cette deuxième
hypothèse est susceptible d'être soumise à l'article
52387 .
suffisante quant à l'application, en l'espèce, des
articles 60 et 60bis des lois coordonnées sur les sociétés
commerciales ", les juges d'appel n'étaient pas tenus de répondre
plus amplement aux conclusions des demandeurs sur les notions
d'intérêt opposé de nature patrimoniale de certains
administrateurs et d'avantage patrimonial direct ou indirect de certains
actionnaires au sens de ces dispositions, Qu'il découle de la
considération précitée que la Cour ne doit pas poser
à la Cour d'arbitrage une question préjudicielle sur la
compatibilité de cet article 60 avec les articles 10 et 11 de la
Constitution
82 Art. 522 § 1 CS 83 Bruxelles, 19
janvier 2001, op. cit., « que ce conflit d'intérêt
n'existe qu'au sujet d'une décision ou d'une opération relevant
de la compétence du conseil d'administration qui fait naître un
droit ou une obligation dans le chef de la société ayant un
impact sur la situation patrimoniale d'un administrateur en écartant
désormais toute référence à un intérêt
moral ou fonctionnel »
84 Comm. Liège, 17 octobre 2003,
R.D.C., 2005/4, p. 43785 Il est indirect dès lors
que l'administrateur (Monsieur Fog) contracte au nom et pour le compte de la
société Biotec avec une personne morale à laquelle il est
lié (in specie, la société Bioplus) ; S. Watillon, A.P.
André-Dumont, J.P. Renard, le guide pratique du conseil
d'administration et de l'assemblée générale, 2000,
éd. De la chambre de commerce et d'industrie, p. 100, n°245 ;
contra Cass.17 octobre 2002 ayant conclu au rejet du pourvoi et au rejet
de la demande de question préjudicielle des demandeurs basée sur
la violation des articles 10 et 11 de la Constitution : « cinquième
branche : A supposer qu'il faille interpréter l'article 60 des lois
coordonnées sur les sociétés commerciales, tel qu'il
résulte de la loi du 13 avril 1995, en ce sens qu'il n'interdit pas
à un administrateur de prendre part à la
délibération du conseil d'administration en vue de rendre l'avis
prévu par les articles 14 et 15 de l'arrêté royal du 8
novembre 1989 relatif aux offres publiques d'acquisition lorsque cet
administrateur est, en raison d'une autre fonction, chargé des
intérêts de l'offrant, cette disposition viole les articles 10 et
11 de la Constitution puisqu'elle soumet à un traitement
différent, sans justification raisonnable, les sociétés et
leurs actionnaires dont un des administrateurs participe à une
décision à laquelle il a un intérêt patrimonial
personnel et les sociétés et leurs actionnaires dont un des
administrateurs, également chargé d'un mandat dans une autre
société, participe à une décision à laquelle
cette autre société a un intérêt patrimonial
opposé ; dans les deux cas, la société et ses actionnaires
subissent un préjudice (violation des articles 10 et 11 de la
Constitution). » 86 S. Watillon, A.P. André-Dumont, J.P.
Renard, le guide pratique du conseil d'administration et de
l'assemblée générale, 2000, éd. De la chambre
de commerce et d'industrie, p.101 ; Bruxelles, 19 janvier 2001,
R.D.C., 2001, p. 108 : « opération qui fait naître
une obligation dans le chef de la société ayant un impact sur la
situation d'un adminsitrateur en écartant toute référence
à un intérêt moral ou fonctionnel » 87
Cette condition d'application semble donner lieu à discussion,
voy. C. Croes, « noot, het openbaar ruilbod op tractebel : de
rechtspraktijk herademt », T.R.V., 2001, p.109 n°9 :
krachtens een eerste strekking in de rechtsleer is art. 523 immers toepasselijk
op alle beslissingen die behoren tot de bevoegdheid van de raad van bestuur
(...) Een tweede, even belangrijke strekking acht de belangenconflictregeling
daartentegen niet toepasselijk omdat, huns inziens, enkel beslissingen en
verrichtingen die leiden tot een
3) Exceptions : les groupes de sociétés et les
opérations habituelles88 Ces deux hypothèses ne
rentrent pas dans le cadre de ce cas : il ne s'agit pas d'un groupe de
sociétés ni d'opérations habituelles (sous réserve
de plus amples informations quant à l'objet social de la
société Biotec) 89. Il est certain que cette seconde
hypothèse sera la défense de Monsieur Fog face au non-respect de
l'article 523CS.
4) Mécanisme prévu par l'article 523 CS
L'administrateur doit communiquer l'existence du conflit aux autres
administrateurs avant que le conseil ne délibère. Le cas
échéant, il doit aussi communiquer cette information aux
commissaires. Cependant aucun devoir d'abstention au vote et à la
délibération n'est prévu pour la société
« fermée »90. Cette information doit
apparaître dans le procès-verbal de la réunion du CA.
Doivent également être mentionnées dans celui-ci une
description de l'acte en question (ici, cession de clientèle), une
justification de la décision prise (motifs financiers et
d'opportunité) et les conséquences patrimoniales de
l'opération pour la société Biotec. Une copie
intégrale du procès-verbal sera communiquée aux
actionnaires via le rapport de gestion ou, en cas de dispense d'en
établir un, dans une pièce déposée en même
temps que les comptes annuels. Aucune information ne nous a été
communiquée à ce propos : il semble que la conclusion de l'acte
n'ait pas encore eu lieu. La question est de savoir si le vote favorable de
l'AG concernant ce contrat pourrait être dispensateur de l'application de
ce mécanisme. Cependant au cas où la nullité de la
décision de l'AG est obtenue91, le vote ne pourra plus
couvrir le non-respect du mécanisme de l'article 523 CS.
5) La sanction -La nullité de la décision prise en
violation de ces règles pourra être obtenue par la
société si l'autre partie contractante a ou doit avoir
connaissance de cette violation. -L'actionnariat minoritaire peut agir contre
les administrateurs pour le compte de la société sur base de
l'article 562 CS et, pour leur compte, sur base de 528-529 CS. Nous examinerons
la possibilité de mettre en oeuvre ces actions dans la section II.
recht/verplichting in hoofde van de vennootschap onder art. 523
vallen », l'auteur se range parmi cette dernière tendance ; voy.
Cass. 17 octobre 2002, les griefs des demandeurs en cassation notamment la
troisième branche
88 art. 523 §389 le caractère
habituel est une question de fait, sera habituelle une opération qui
entre « dans le cadre de l'activité spécifique de la
société (acquisition d'un terrain par une société
immobilière) en tenant compte de l'objet social, de sa taille et de ses
coutumes », voy.
K. Geens, art. cit., p . 11 90 c'est-à-dire
celle qui n'a pas ou ne fait pas appel public à
l'épargne. 91 Voy. supra concernant la nullité de
la décision de l'AG.
Section II : les questions des recours judiciaires :
Recours en référé, recours en annulation, action
minoritaire et action en retrait.
Après l'exposé des questions de fond, il reste deux
questions à examiner : Que faire, que voulez-vous faire ? Ensuite,
quelles sont les modalités des différentes actions ? Nous vous
conseillons de saisir le juge des référés qui pourra
prendre toute mesure provisoire utile (a.). Dans un second temps, l'annulation
de la décision de l'AG pourra être demandée (b.). Dans un
troisième temps, l'actionnariat minoritaire possède certaines
armes contre Monsieur Fog en tant qu'administrateur d'une part (c., d.) et en
tant qu'actionnaire d'autre part (e.). Certaines actions ne seront pas
examinées, telles que l'action en responsabilité sur base de 1382
CC92et la demande en dissolution de la société pour
justes motifs93. Concernant le règlement des conflits
d'intérêts, nous vous proposerons de demander au juge de poser
trois questions préjudicielles à la Cour d'arbitrage (f.)
a. Le recours devant le juge des
référés94
1) Champ d'action du juge des
référés
Dès lors que les conditions de ce recours sont
remplies95, le juge des référés96
semble le juge « idéal » pour contrer les actions dommageables
de Monsieur Fog et leurs conséquences97. Les actionnaires
minoritaires peuvent en leur nom personnel citer la société
Biotec ou introduire une requête unilatérale. Le juge des
référés peut suspendre les effets de la décision de
l'AG98. Il peut interdire la conclusion d'un contrat99.
Il serait ainsi possible de demander au Président du Tribunal de
première instance ou de commerce : -la suspension des effets des
décisions de l'AG concernant le mandat de Monsieur Fog ainsi que sa
décharge
92 concernant la responsabilité des
administrateurs : cass, 20 juin 2005, www.cass.be: « Les organes d'une
société commerciale sont responsables envers la
société et envers les tiers de tous dommages et
intérêts résultant d'infractions aux dispositions de la
législation sur les sociétés commerciales et aux statuts
sociaux. Les organes sont responsables des fautes de gestion uniquement envers
leur mandant. Ce n'est, en principe, que lorsque les organes ne respectent pas
la législation sur les sociétés commerciales et les
limites des statuts, qu'ils engagent leur responsabilité civile envers
les tiers qui en sont victimes ; Liège, 27 janvier 2005 ; Bruxelles, 12
septembre 2003 93 cette solution est prévue par l'article 645
al. 2 mais est considérée comme un moyen ultime et subsidiaire en
cas de conflit interne ; Comm. Mons, 26 janvier 2000, J.L.M.B., 2001,
p.832 et 834 : « le comble du subsidiaire », « ultissimum
remedium », la juridiction préfère l'action en exclusion ou
en retrait.94 voy. J. Englebert, « inédits de droit
judiciaire-référés (5) », J.L.M.B.,
2005/05, p. 140 à 18395 Prés.Bruxelles, 24
novembre 2000, (réf.), www.juridat.be, cette décision n'a pas
été publiée : La mise sous tutelle d'une
société commerciale n'est possible que dans le cadre d'une mesure
urgente et provisoire visant à prévenir un préjudice grave
ou un inconvénient sérieux. Cette mesure est parfois
justifiée " dans des situations de mésintelligence grave entre
associés " ou encore "
lorsque la majorité de ses membres se rend coupable d'abus
et de détournements de pouvoirs, suffisamment caractérisé
pour que l'organe soit provisoirement dépouillé de ses
compétences légales dans l'attente de la solution, au fond, du
conflit. "
Le juge des référés ne doit intervenir que
si des indices suffisamment sérieux d'une méconnaissance
manifeste de l'intérêt social lui sont
présentés.96 art. 584 CJ :le juge des
référés est le Président du tribunal de
première instance (plénitude de juridiction) ou le
Président du tribunal de commerce (compétent pour les
matières de la compétence de son tribunal) ; J. Englebert,
art. cit., p. 17897 E. Pottier, art. cit., p. 34 ; J.M.
Nelissen-Grade, « Procédure de retrait et règlement de
conflit entre actionnaires », in Séminaire Vanham et Vanham,
1995, p. 4 ; Comm. L iège (Réf), 3 mai 1996,
J.L.M.B., 1996, p. 812, III 2 ; nous ne sommes plus dans les temps
pour demander la suspension de la tenue de l'assemblée
générale qui a eu lieu le 7 novembre.98 article 179 CS
99 E. Pottier, art. cit., p. 34 ; J.F.Goffin, « les actions en
cession forcée et en reprise forcée : premiers pas
jurisprudentiels », J.T., 1998,
p. 321 et 322 : interdiction de toute cession d'actifs ; Comm.
Mons, 26 janvier 2000, J.L.M.B., 2001, p.836 concernant des ventes :
« il n'est, en effet, pas normal que le Conseil d'administration ait
entamé la vente de tous les actifs immobiliers de la
société en dehors de tout contexte de liquidation ».
-l'interdiction de conclure le contrat avec la SA Bioplus100
, -d'assortir ces mesures d'astreintes101 et -la demande de
désignation d'un administrateur provisoire102
2) Condition de compétence : l'urgence
Le juge des référés doit reconnaître
l'urgence : cependant dès que l'urgence est invoquée dans la
demande, le Président doit se déclarer
compétent103. Si l'urgence n'est pas invoquée, il
renvoie au tribunal compétent104. Il faudra donc veiller
à invoquer l'urgence dans la demande. L'urgence se définit comme
la crainte d'un préjudice d'une certaine gravité ou de simples
inconvénients mais sérieux qui rend une décision
immédiate souhaitable. La reconnaissance de l'urgence appartient au
pouvoir d'appréciation du juge105. En l'espèce, la
crainte d'un préjudice patrimonial de la société Biotec
semble fondée. Il faut cependant que le juge du fond ne puisse
pas prendre une mesure provisoire avec la même efficacité106
.
3) L'absolue nécessité107
En cas d'absolue nécessité, la
procédure peut être unilatérale c'est-à-dire non
contradictoire. L'absolue nécessité existera dès lors que
la citation rendrait inutile la mesure demandée108.
Tel sera le cas pour la suspension des effets de la décision de l'AG
concernant le contrat ainsi que l'interdiction de conclure le contrat de
cession de clientèle.
4) La requête unilatérale en
abréviation du délai de citer
En cas de célérité, le délai de
citation de deux jours peut encore être abrégé par une
requête unilatérale en abréviation du délai de
citer109. La procédure reste, dans ce cas, contradictoire. Le
cas de célérité pourra être reconnu en
l'espèce si le contrat de cession doit être conclu dans un
délai rapproché.
100 Nous ne nous étendons pas sur le
caractère provisoire de la mesure en référé qui
n'est pas l'objet de cette consultation.101 J.Englebert. art.
cit., p.182102 Comm. Ieper, (réf), 12 december, 2000,
T.R.V., 2001, p. 41 : het eventuele belangenconflict in hoofde van het
management van een
N.V. met betrekking tot de mogelijke verkoop van activa en het
risico van onttrekking van activa aan de Belgische schuldeisers rechtvaardigen
de aanstelling van een voorlopige bewindvoerder met als opdracht alle
maatregelen te nemen tot behoud en bewaring van de activa van de N.V. » ;
Comm. Mons, 26 janvier 2000, op.cit. : « Dès lors que la
mésentente entre associés est susceptible de nuire aux
intérêts de la société », l'arrêt insiste
sur le caractère provisoire de cette mesure et considère que
l'action en retrait ou en exclusion est plus apte à remédier au
conflit interne ; arrêt plus strict: Bruxelles, 26 septembre 2000,
J.L.M.B., 2001, p.825 : il faut un blocage des organes de la
société ou que les intérêts de la
société soient gravement compromis ; Prés.Tribunal de
première instance de Bruxelles (réf), 24 novembre 2000,
www.juridat.be (sommaire) : il faut que des indices suffisamment sérieux
d'une méconnaissance manifeste de l'intérêt social sont
présentés (au juge). 103 Récemment
confirmé par Cass. 10 avril 2003, www.cass.be, Cass, 11 mai 1990,
www.cass.be: « Attendu qu'aux termes de l'article 9 du Code
judiciaire, la compétence d'attribution est le pouvoir de juridiction
déterminé en raison de l'objet, de la valeur et, le cas
échéant, de l'urgence de la demande ou de la qualité des
parties; qu'en vertu de l'article 584, alinéa 1er, du Code judiciaire,
le président du tribunal de première instance statue au
provisoire dans les cas dont il reconnaît l'urgence, en toutes
matières, sauf celles que la loi soustrait au pouvoir judiciaire;Attendu
que la compétence du juge tenu de connaître d'une demande doit
être déterminée en raison de l'objet de cette demande, tel
qu'il est déterminé dans la citation ». ; J. Englebert,
art. cit., p.149104 Il s'agit donc bien d'une condition de
compétence et non de recevabilité, voy. Cass, 11 mai 1990
précité. Si, après examen, il constate en fait
l'absence d'urgence, il épuise sa juridiction et ne doit pas renvoyer
l'affaire.105 Cass, 17 mars 1995, www.cass.be, « Attendu
qu'en ce qui concerne la question de l'urgence, le juge des
référés dispose d'un large pouvoir d'appréciation
et, dans une juste mesure, de la plus grande liberté », Cass, 21
mai 1987, Pas, I, 1987, p.1160, « il y a urgence, au sens de
cette disposition légale, dès que la crainte d'un
préjudice d'une certaine gravité, voire d'inconvénients
sérieux, rend une décision immédiate souhaitable; on peut,
dès lors, recourir au référé lorsque la
procédure ordinaire serait impuissante à résoudre le
différend en temps voulu, ce qui laisse au juge des
référés un large pouvoir d'appréciation en fait et,
dans une juste mesure, la plus grande liberté. », J.P. Renard,
« règlement de conflit : de la médiation à
l'intervention judiciaire », in séminaire les conflits
d'actionnaires, 2004, éd. Vanham & Vanham, p. 16
106 voy. Art. 19 al.2 CJ ; Bruxelles, 4 mai 2001,
J.T., 2001, p. 84 ; la jurisprudence applique cette condition de
compétence avec rigueur afin d'éviter l'arriéré
judiciaire.107 article 584 al. 3 CJ 108 L'absolue
nécessité ne se confond pas avec la condition d'urgence, voy. H.
Boularbah, « l'intervention du juge des référés par
voie de requête unilatérale : conditions, procédure et
voies de recours », le référé judiciaire, p.
89109 1035 et 1036 CJ
b. Le recours en annulation devant le juge du fond110 .
1 Concernant la décision de l'AG Ce recours est
expressément prévu par le Code des Sociétés.
-Tout intéressé peut agir en nullité sauf celui
qui a voté en faveur de la décision (à moins que son
consentement ne soit vicié) ou celui qui a, tacitement ou
expressément, renoncé à se prévaloir de cette
nullité (à moins qu'elle ne soit d'ordre public). Il sera
nécessaire de faire acter, dans le procès-verbal, votre vote
négatif pour les décisions concernant le renouvellement des
mandats, la décharge et le contrat de cession111. Aucune
nullité d'ordre public n'est applicable dans notre cas. -Le délai
pour introduire l'action est de 6 mois à compter de la date
d'opposabilité de la décision à celui qui invoque la
nullité. En tant qu'actionnaires, le procès-verbal vous est
pleinement opposable dès la fin de l'AG, même si vous ne l'avez
pas signé112 . -Le tribunal peut déclarer la
nullité sans effet à l'égard des droits acquis de bonne
foi par les tiers. Il faut que la société Bioplus prouve sa bonne
foi, c'est-à-dire qu'elle n'avait pas connaissance de la cause de
nullité de la décision de l'AG concernant le vote sur le contrat
de cession.
2 Concernant le contrat de cession de clientèle Il s'agit
d'une action appartenant à la société113,
c'est-à-dire une action qui doit être intentée sur base de
la décision d'agir de l'organe compétent114. Cette
compétence appartient au conseil d'administration de la
société anonyme Biotec115. La mise en oeuvre de cette
action semble donc illusoire dans la situation actuelle116 sauf
désignation d'administrateurs provisoires.
c. L'action minoritaire117
Au-delà de l'annulation des décisions,
l'actionnariat minoritaire118 peut, au profit de la
société, mettre en cause la responsabilité de
l'administrateur. Elle est un remède au fait que l'actio
mandati est normalement réservée à l'assemblée
générale qui décide à la majorité simple
d'intenter cette action119. La responsabilité de
l'administrateur peut être mise en cause pour une faute de gestion ainsi
que sur base d'éventuelles infractions au Code des
sociétés ou aux statuts120. La doctrine
reconnaît que la signature d'une convention est une faute de gestion
dès lors que l'intérêt de ce contrat pour la
société est
110 articles 64 et 178 CS en ce qui concerne les
décisions de l'assemblée générale-L'action est
introduite contre la société, par citation devant le Tribunal
de commerce du ressort du siège social de la
société. 111 S. Watillon, A.P. André-Dumont,
J.P. Renard, le guide pratique du conseil d'administration et de
l'assemblée générale, 2000, éd.De la chambre
de commerce et d'industrie, p.181, n°496 : en précisant le nom des
actionnaires qui ont voté négativement.112 S.
Watillon, A.P. André-Dumont, J.P. Renard, le guide pratique du
conseil d'administration et de l'assemblée générale,
2000, éd.De la chambre de commerce et d'industrie, p.149, n°397 ;
E. Pottiers, art. cit., p. 35
113 Art.523 §2
114 Art. 703 : Les personnes morales agissent en
justice à l'intervention de leurs organes compétents.
115 V. Renard, « Action et représentation
en justice des personnes morales », J.T., 2002, p. 227 et
229116 Dès lors que le conseil devra prendre sa
décision conformément à la nature collégiale de cet
organe.117 562 CS 118 l'action peut être
intentée par un ou plusieurs actionnaires possédant, au jour de
l'assemblée générale qui s'est prononcée sur la
décharge des administrateurs, des titres auxquels est attaché au
moins 1 % des voix attachées à l'ensemble des titres existant
à ce jour ou possédant à ce même jour des titres
représentant une fraction du capital égale à 1 250 000
EUR. au moins. L'actionnariat minoritaire de Biotec possède 15 % de
titres. Pour les actionnaires ayant droit de vote, l'action ne peut être
intentée que par ceux qui n'ont pas vote la décharge et par ceux
qui ont voté cette décharge pour autant dans ce cas, que celle-ci
ne soit pas valable. Ainsi, l'action sera recevable soit si vous n'avez pas
voté la décharge (voy. nos remarques concernant le
procès-verbal), soit si la décision de l'AG est annulée
119 Ce qui explique la rareté de cette action;
Liège, 9 septembre 2004, J.T., 2005 n°6167, p. 85 ;
Bruxelles, 12 avril 2002, J.T., 2002, p.668 et 669120 527CS
; Liège, 9 septembre 2004, art. cit.
discutable ou que la convention peut avoir des
conséquences dangereuses pour la société121.
Cependant le juge opèrera une appréciation marginale en ne la
substituant pas à celle des administrateurs122. Cette action
est rarement mise en oeuvre dès lors qu'elle profite exclusivement
à la société123 .
d. L'action en dommages et intérêts sur
base de l'article 528 CS-529CS
L'actionnaire individuel peut agir contre les administrateurs
en infraction au mécanisme de 523 CS sur base de l'article 528
CS124. Il peut agir également, même si ce
mécanisme a été respecté, en cas d'avantage
abusif, sur base de l'article 529 CS. Cela suppose que le contrat de
cession ait été conclu. Cette action tendra à la
réparation du préjudice, subi par l'actionnaire individuel,
préjudice qui doit être « propre et indépendant du
préjudice indirect qu'il pourrait subir à la suite de l'atteinte
au patrimoine social » ainsi que « distinct de celui qui serait subi
de la même façon par tous les actionnaires en raison de
l'appauvrissement de la société »125.
L'appauvrissement de la société par le fait de la cession de la
clientèle ne pourra donc pas être invoqué dès lors
qu'il s'agit d'un préjudice commun à tous les associés.
Par contre, la responsabilité de l'administrateur aurait pu être
mise en cause même si la décision litigieuse n'était pas
annulée126, en l'espèce, même si le contrat de
cession n'était pas annulé.
e. L'action en retrait
En cas de conflit d'actionnaires, les mesures exposées
ci-dessus ne sont qu'une réponse partielle. Ainsi la loi permet à
tout actionnaire de demander en justice, pour des justes motifs, que
les autres actionnaires reprennent ses actions127. L'abus de
majorité persistant ou la mésentente grave et permanente entre
actionnaires pourront être des « justes motifs'· . Il s'agit
d'une action « ultime »128 qui tend, au premier chef,
à protéger vos intérêts129. Elle pourra
être introduite en même temps que le recours en
référé.
121 S. Watillon, A.P. André-Dumont, J.P.
Renard, le guide pratique du conseil d'administration et de
l'assemblée générale, 2000, éd. De la chambre
de commerce et d'industrie, p.220, n°629
122 Liège, 9 septembre 2004, op. cit.,
p. 85 ; voy. nos remarques sur l'appréciation marginale du juge,
supra.
123 E. Pottiers, art. cit., p. 35
124 Liège, 9 septembre 2004, op. cit.,
p. 85125 Liège, 9 septembre 2004, op. cit., p.
85. Ces conditions ne sont pas sans rappeler celles qui ont été
fixées par la cour de cassation concernant le concours de
responsabilité, voy. Cass, 21 juin 2002, www.cass.be : La
responsabilité d'une partie contractante peut être engagée,
sur le plan extra-contractuel, du chef d'une faute commise lors de
l'exécution d'un contrat, pour autant que la faute qui lui est
imputée constitue un manquement non à une obligation
contractuelle, mais à l'obligation générale de prudence ou
à une obligation, imposée par une norme, de s'abstenir ou d'agir
d'une manière déterminée et que cette faute ait
causé un dommage autre que celui qui résulte de la mauvaise
exécution du contrat; cass, 20 juin 2005, www.cass.be: « Les
organes d'une société commerciale sont responsables envers la
société et envers les tiers de tous dommages et
intérêts résultant d'infractions aux dispositions de la
législation sur les sociétés commerciales et aux statuts
sociaux. Les organes sont responsables des fautes de gestion uniquement envers
leur mandant. Ce n'est, en principe, que lorsque les organes ne respectent pas
la législation sur les sociétés commerciales et les
limites des statuts, qu'ils engagent leur responsabilité civile envers
les tiers qui en sont victimes .
126 Bruxelles, 28 février 2002,
www.juridat.be: il n'est nullement contradictoire d'admettre le maintien
de la convention tout en condamnant l'associé qui a retiré un
avantage financier abusif de celle-ci, au détriment de la
société, à réparer le préjudice lié
à l'exécution de la convention.
127 art. 642 CS ; ces actions (retrait et exclusion)
ne sont possibles que dans des sociétés anonymes ne faisant pas
appel à l'épargne(art.635CS). L'action en exclusion de Monsieur
Fog est impossible in specie dès lors que l'actionnariat minoritaire
n'atteint pas lesseuils prévus. L'action en retrait est introduite
devant le Président du tribunal de commerce de l'arrondissement
judiciaire dans lequella société a son siège,
siégeant « comme en référé ». La
société Biotec devra être citée à
comparaître. Le prix de la cession sera fixépar le juge, par
analogie avec les dispositions concernant l'exclusion.
128 Comm. Charleroi, (réf), 30 avril 1998,
J.T., 1998, p. 555 « que cette procédure ne doit en tout
état de cause être considérée quecomme un
remède ultime qui ne serait appliqué qu'à des conflits
entre associés ne pouvant être réglés à
l'amiable ».129 J.M. Nelissen-Grade, « procédure de
retrait et règlement de conflits entre actionnaires », in
Journée d'étude du 28 septembre 1995,
f. Questions préjudicielles à la Cour
d'arbitrage
1) Concernant le conflit au sein de l'assemblée
générale : carence législative
inconstitutionnelle130 ou violation de l'article 10 et 11 de la
Constitution par l'article 64 du code des sociétés
Viole-t-elle l'article 10 et 11 de la Constitution, la
différence entre une société dans laquelle survient un
conflit d'intérêts avec un administrateur donnant lieu à
l'application des articles 523 et 524 du code des sociétés et une
société dont un actionnaire est administrateur, confrontée
à un conflit d'intérêts au sein de son assemblée
générale concernant le renouvellement du mandat de cet
adminsitrateur, qui ne donne pas lieu à un devoir d'abstention et qui ne
peut pas être sanctionné par la nullité de la
décision dès lors que celle-ci est limitée aux cas
prévus par l'article 64 du code des sociétés ?
2) Concernant les articles 523 et 524 du Code des
sociétés En tant que l'article 523 §1 alinéa 4 du
code des sociétés ne s'applique qu'aux sociétés
ayant fait ou faisant appel à l'épargne, le législateur
opère une distinction certes objective mais qui n'est ni justifiable ni
raisonnable par rapport au but et aux effets de la norme
considérée. En ce que l'article 524 du code des
sociétés ne s'applique qu'aux sociétés
cotées, le législateur opère une distinction certes
objective mais qui n'est ni justifiable ni raisonnable par rapport au but et
aux effets de la norme considérée.
130 M. Uyttendaele, op. cit., p. 476,
n°460
Conclusion
Voici le calendrier que nous vous proposons de suivre :
En premier lieu, le Président du tribunal de commerce sera
saisi pour la demande de mesures urgentes et provisoires ainsi que pour
l'action en retrait, le cas échéant. Nous avons
particulièrement développé les conditions de cette action
qui semble la plus adéquate à court terme.
En second lieu, le tribunal de commerce sera saisi pour la
demande d'annulation de la décision de l'AG sur base du
détournement de pouvoirs et, le cas échéant, sur base
d'une irrégularité de forme.
La responsabilité de l'administrateur pourra être
mise en cause, sous réserve des conditions à remplir pour ce
faire, par l'action minoritaire au profit de la société, par
l'action en responsabilité (528-529 CS ou 1382CC) à votre profit
personnel.
En cas de situation de blocage, nous pourrons mettre en oeuvre
l'action en retrait.
Lors de ces différentes étapes, nous vous proposons
de demander aux juges de poser les questions préjudicielles ci
mentionnées à la Cour d'arbitrage.
Nous sommes à votre disposition pour tout renseignement
avant de mettre en action ces recours.
Céline Deschietere
Bibliographie
Législation
Constitution Loi spéciale de réformes
institutionnelles du 8 août 1980 Code des Sociétés : art.
64, 178,179, 522, 523, 527, 532 à 536, 547, 548, 562, 579, 635,
Loi programme du 27 décembre 2004 entrée en vigueur
le 10 janvier 2005.
Arrêté royal du 30 janvier 2001, www.juridat.be
Code Judiciaire : Art. 19 al. 2, 584, 703, 1035, 1036
Jurisprudence
Cour d'arbitrage, 14 mai 2003, n°642003, www.juridat.be
Cass., 10 septembre 1971, www.cass.be Cass., 19 septembre 1983,
www.cass.be
Cass, 21 mai 1987, Pas, I, 1987, p.1160
Cass, 4 mars 1988, Pas.1988 I, p. 802 Cass, 11 mai 1990,
www.cass.be Cass, 17 mars 1995, www.cass.be Cass., 17 mai 2002,
www.juridat.be Cass, 17 octobre 2002, www.cass.be Cass, 21 juin 2002,
www.cass.be Cass, 5 mars 2002 , WWW.cass.be Cass. 10 avril 2003,
www.cass.be Cass, 18 mars 2004, www.cass.be Cass, 20 juin 2005,
www.cass.be
Mons, 5 février 1987, J.T., 1988, p. 172 Bruxelles, 20
décembre 1995, T.R.V., 1996, p. 54
Mons, 12 mars 1996, R.P.S., 1996, p. 304 Bruxelles, 10
février 1998, R.P.S., 1998, p.403. Bruxelles, 18
décembre 1999, www.juridat.be Bruxelles, 26 septembre 2000,
J.L.M.B., 2001, p.820 Bruxelles, 19 janvier 2001, R.D.C.,
2001, p. 108 Bruxelles, 4 mai 2001, J.T., 2001, p. 84 Bruxelles,
12 avril 2002, J.T., 2002, p. 668 et 669
Bruxelles, 28 février 2002, www.juridat.be
Bruxelles, 12 septembre 2003Liège, 9 septembre 2004,
J.T., 2005 n°6167, p. 85.Liège, 27 janvier 2005 ;
Comm. Bxl, 22 juin 1992, R.P.S., 1993, p. 36 L
iège (Réf), 3 mai 1996, J.L.M.B., 1996, p. 809 Comm.
Charleroi, (réf), 30 avril 1998, J.T., 1998, p. 555 Comm.
Courtrai (réf), T.V.R., 1999, p. 326 Comm. Hasselt, 19
décembre 1997 (réf.), T.R.V., 1998, p. 536 ;
Comm.Turnhout, 17 avril 1998, T.R.V., 1998, p. 536 Prés. Comm.,
26 octobre 1999, Journ. Procès n°380, p.20 Prés.Bruxelles,
24 novembre 2000, (réf.), www.juridat.be Comm. Ieper, (réf), 12
december, 2000, T.R.V., 2001, p.41 Comm. Mons, 26 janvier 2000,
J.L.M.B., 2001, II, p.826 Comm. Liége, 17 octobre 2003,
R.D.C., 2005/4, p. 429
Doctrine
Ouvrages :
P. Coppens, l'abus de majorité dans les
sociétés anonymes, 1947
P. Ernst, Belangenconflicten in naamloze vennootschappen,
éd. Intersentia Rechtswetenschappen, 1997
A. François, vennootschapsbelang, éd.
Intersentia Rechtswetenschappen, 1999, Antwerpen
P. Hainaut-Hamende et G. Raucq, Les sociétés
anonymes, tome 1, constitution et fonctionnement, éd. Larcier 2005
D. Schmidt, les conflits d'intérêts dans la
société anonyme, éd. Joly, 2004 (droit
français)
T. Tilquin et V. Simonart, Traités des
sociétés, tome I
M. Uyttendaele, Précis de droit constitutionnel
belge, éd. Bruylant 2001
P. Van Ommeslaghe, Droit des obligations, tome 3
S. Watillon, A.P. André-Dumont, J.P. Renard, le guide
pratique du conseil d'administration et de l'assemblée
générale, 2000, éd. De la chambre de commerce et
d'industrie
Articles :
T. Boedts, « loi programme duu 27 décembre 2004
», R.D.C., 2005/3, p. 303 et suiv
H. Boularbah, « l'intervention du juge des
référés par voie de requête unilatérale :
conditions, procédure et voies de recours », le
référé judiciaire, p. 89 et suiv. Ch. Brüls,
« OPA, conflits d'intérêts et Corporate governance »,
JLMB, 1999, p. 1793
M. Caluwaerts, « les conflits d'intérêts et
droit des groupes » in dernières évolutions en droit des
sociétés, éd. Du Jeune barreau de Bruxelles 2003, p.
173
C. Croes, « het openbaar ruilbod op tractebel : de
rechtspratijk herademt », T.R.V., p. 107 7B. Demonty, « la
réglementation des conflits d'intérêts
complétée par un principe de loyauté en droit des
sociétés », DAOR, 2000, p. 256
P. De Wolf, « l'exercice du pouvoir et le fonctionnement de
la SA : régime de liberté (moins) surveillée, J.T.,
2003, p. 589
H. De Wulf, « Bestuurders tussen hamer en aambeeld bij een
groepsintern overnamebod », Rev. Banque, 1999, p.468
X. Dieux, « Nouvelles observations sur l'abus de
majorité ou de minorité dans les personnes morales fonctionnant
selon le principe majoritaire », R.G.D.C., 1998, p.8
X. Dieux, « La société anonyme comme «
modèle » et la société cotée comme«
prototype » », in Liber Amicorum Lucien Simont, éd.
Bruylant, 2002, p. 619X.Dieux, « « Corporate Governance » De la
loi du 2 août 2002 au Code Lippens », J.T.,2005,
n°6166, p. 57
J. Englebert, « inédits de droit
judiciaire-référés (5) », J.L.M.B.,
2005/05, p. 140
B . Feron et J. Meunier, « la double casquette de
l'administrateur de société anonyme »,J.T., 2000,
p.688P.A.Foriers, « les administrateurs et la gestion des conflits
d'intérêts », Séminaire Droits,devoirs et
responsabilités des administrateurs de sociétés,
2001, organisateur Vanham &Vanham
Geens, « les administrateurs face aux conflits
d'intérêts », in les administrateurs
dessociétés, séminaire de 2005 sous la
présidence de Xavier DieuxJ.F.Goffin et E.Viatour, «
l'assemblée générale des actionnaires ou associés
dans les SA,SPRL, SCRL », in Droit des sociétés
commerciales, sous la direction de M. Coipel,
2ième éd., 2002, éd. Kluwer,p.481
J.F.Goffin, « les actions en cession forcée et en
reprise forcée : premiers pas jurisprudentiels », J.T.,
1998, p. 321
P. Hermant, « la fonction d'administrateur : conditions et
modes de nomination, statut, rémunération, durée et fin du
mandat », in Séminaire Vanham & Vanham 2005 sous la
présidence de Xavier Dieux
J.M. Nelissen Grade, « de la validité et de
l'exécution de la convention de vote dans les sociétés
commerciales », R.C.J.B., 1991, p. 214
J.M. Nelissen-Grade, « Procédure de retrait et
règlement de conflit entre actionnaires », in Journée
d'étude du 28 septembre 1995
E. Pottier, « Abus de majorité, de minorité
ou d'égalité, conditions, recours, sanction », in le
séminaire les conflits d'actionnaires, éd. Vanham
Vanham, 2004
J.P. Renard, « règlement de conflit : de la
médiation à l'intervention judiciaire », in séminaire
les conflits d'actionnaires, 2004, éd. Vanham & Vanham
V. Renard, « Action et représentation en justice des
personnes morales », J.T., 2002, p. 225
L. Simont, « les conflits d'intérêts, nouvelles
implications des articles 60 et 60bis » in Séminaire Vanham
& Vanham, 1995
V. Simonart, « les conflits d'intérêts au sein
de l'assemblée générale de la société
anonyme en droit comparé » in Les conflits
d'intérêts, Bruxelles, Bruylant, 1997, p.193
M. Tison, « L'égalité de traitement dans la
vie des affaires sous le regard du droit belge », J.T., 2002, p.
697
P. Van Ommeslaghe et X. Dieux, « les sociétés
commerciales, examen de jurisprudence », R.C.J.B.,1993 p. 768
P. Van Ommeslaghe, R.C.J.B., 1976, p.303 et suiv V.I.,
obs sous cet arrêt dans J.T., 2001, p.108
Table des matières
Section I : les questions de fond : la convocation de
l'assemblée générale, la validité d'une
décision de l'assemblée générale, le conflit
d'intérêts au sein du conseil d'administration.
I. La convocation de l'assemblée générale:
conditions et vices
a. Les modalités de convocation 1) Régime
commun à ces trois types de sociétés 2) Tous les titres
sont nominatifs 3) Les titres sont au porteur ou
dématérialisés 4) Certains titres sont au porteur,
d'autres sont nominatifs
b. Le contenu des convocations
c. La demande de procuration
d. Les vices de convocation
e. La couverture d'une convocation irrégulière
f. La suspension des effets de la convocation
II. Le conflit d'intérêts-l'abus de
majorité-la violation des règles de fonctionnement
a. Présentation générale1)
Définition2) Distinction selon l'organe concerné3) Fondements
juridiques
b. Le conflit d'intérêts au sein de
l'Assemblée Générale 1) L'existence d'un conflit
d'intérêts 2) Absence de réglementation-solutions 3) Les
droits des actionnaires analysés en des droits-fonctions 4) Le
détournement de pouvoir :l'abus de majorité au sein de
l'assemblée générale-
application particulière de la théorie de l'abus de
droit 5) L'irrégularité de formes ayant eu une influence sur la
décision et la violation des règles de fonctionnement avec une
intention frauduleuse
c. Le conflit d'intérêts au sein du Conseil
d'administration d'une société « fermée » 1)
L'inapplication de l'article 523 §1 alinéa 4 et de l'article 524 du
Code des
Sociétés2) Quatre conditions cumulatives pour
l'application de l'article 523 C.S.3) Exceptions : les groupes de
sociétés et les opérations habituelles4) Mécanisme
prévu par l'article 523 CS5) Sanctions
Section II : les questions des recours judiciaires : Recours en
référé, recours en annulation, action minoritaire et
action en retrait.
a. Le recours devant le juge des référés 1)
Champ d'action du juge des référés 2) Condition de
compétence : l'urgence 3) L'absolue nécessité 4) La
requête unilatérale en abréviation du délai de citer
b. Le recours en annulation devant le juge du fond
1 Concernant la décision de l'AG
1 Concernant le contrat de cession de clientèle
c. L'action minoritaire
d. L'action en dommages et intérêts sur base de
l'article 528 CS-529CS
e. L'action en retrait
f. Questions préjudicielles à la Cour d'arbitrage
Conclusion Bibliographie Table des matières
|
|