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Choix comptables et cadre institutionnel de l'économie

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par Chafik Abdellatif
FSEG de Tunis - DEA en Management 2004
  

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Paragraphe 3 : Le référentiel sociologique

L'analyse globale du champ du référentiel sociologique dans le cadre de notre recherche s'avère inopportun. L'ampleur d'un tel concept dépasse largement les objectifs assignés à notre recherche. C'est ainsi que, seul l'aspect éthique sera pris en considération.

43 SAMIR JEMALI, Cours de droit commercial, FSEGT,1998.

44 GABRIEL GUERY, Droit des affaires, 8ème édition Gualino éditeur, 1999, p.5.

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Depuis le début des années quatre-vingt, beaucoup de dirigeants et responsables en gestion s'interrogent sur la place que doit occuper l'éthique dans l'entreprise. Cet intérêt récent provient sans doute des modifications profondes qui ont affecté l'économie (déréglementation, libéralisation, internationalisation, etc.), et de la multiplication des affaires qui ont terni l'image de l'entreprise et de ses dirigeants.

Les définitions accordées à l'éthique sont multiples. L'encyclopédie de gestion et de management attribue au concept éthique la définition suivante ; « l'éthique est un ensemble de principes d'action qui s'imposent à la conscience des individus ».45

D'une manière générale, l'éthique a pour objet de s'occuper de la conduite des hommes,

et d'élaborer des règles de comportement auxquelles chacun devrait se conformer dans une société donnée. A priori, la notion d'éthique apparaît comme un standard auquel tout le monde adhère définitivement. Toute fois, l'éthique n'est pas un ensemble de principes figés mais une ouverture d'esprit conduisant à la réflexion continue dans la recherche du bien (commun et individuel).

Appliquée au monde des affaires, l'éthique se propose, d'une part, de réfléchir sur les conduites et sur les finalités de la vie des firmes ou des affaires, et d'autre part, de les soumettre à des évaluations au regard des systèmes moraux.

Cette définition fait implicitement référence à deux conceptions de l'éthique. Depuis

Max Weber,46 on distingue deux conceptions :

- une éthique de conviction qui correspond à une approche philosophique, religieuse ou morale ;

- une éthique de responsabilité qui correspond plutôt à une approche sociologique.

Dans une éthique de conviction, le comportement se réfère à un système moral, philosophique ou religieux préalable. On est dans une ``morale du devoir'' : l'individu est convaincu avec intimité d'un idéal qui dicte sa conduite, quelles que soient les circonstances.

45 PIERRE LOUART, Ethique, Encyclopédie de gestion et de management, Editions Dalloz, 1999, p.367.

46 MAX WEBER, Le savant et le politique, Plon, Paris, 1959.

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C'est la morale du prophète, du saint, du savant qui croient avant tout, et agissent selon leur conscience.

Or, les systèmes moraux sont nombreux : kantisme, christianisme, bouddhisme, communisme, individualisme, etc. Faire de l'éthique consiste alors à envisager les différents systèmes, enseigner voire prêcher l'un d'entre eux afin d'appliquer ses principes dans la conduite humaine.

D'une manière générale, l'éthique de conviction est une conquête vers la recherche d'un bien absolu. Ainsi, l'homme obéit a ses convictions et ses croyances, il recherche un idéal difficile à atteindre dans le contexte des affaires. Il ne se soucie pas des impacts de ses actes sur son entreprise, il ne cherche que le bien par rapport à ses convictions, même si cela peut causer la perte de son entreprise.

Par exemple, un gestionnaire pacifiste, convaincu peut refuser de participer à la production d'armes destinées à massacrer des hommes. Au contraire, un dirigeant utilitariste peut considérer que l'armement répond à un besoin qui doit être satisfait, quel qu'il soit.

Dans cette approche, l'individu ne s'interroge pas sur les conséquences de ses actes, par exemple licencier du personnel pour le pacifiste, ou tuer des être humains pour l'utilitariste, mais sur la conformité de ses actes avec le système moral. C'est en effet le système moral qui édicte ce qui doit être fait et ce qui ne doit pas être fait : on est dans une philosophie du bien et

du mal, dans laquelle l'individu ne rend des comptes qu'à sa conscience profonde.

Par contre dans une éthique de responsabilité (que certains appellent encore l'approche positive), le comportement est imposé par la nécessité de vivre en commun dans une société pluraliste. En effet, dés qu'un groupe est constitué d'individus (ou de firmes) différents dont

les intérêts divergent, des règles de conduite sociale s'imposent. Ainsi, dans n'importe quels pays (autre que la Grande-Bretagne a ma connaissance), un conducteur convaincu de rouler à gauche par ses convictions philosophiques devrait quand même se montrer responsable, et rouler à droite pour éviter les accidents.

Faire de l'éthique consiste alors à s'interroger en permanence sur les conséquences lointaines de ses actes, quels que soient les systèmes moraux, afin de préserver

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fondamentalement les règles de conduite sociale de tous les acteurs impliqués dans la décision

(leur survie, leur dignité, leur liberté, etc.). On est plus dans une philosophie du bien et du mal qui se réfère à un idéal, mais une philosophie du juste et de l'injuste qui se réfère à une réalité.

Appliqué aux affaires et au management, l'éthique de responsabilité implique que la conduite d'un gestionnaire dans une entreprise doit nécessairement satisfaire les conditions de réalisation des objectifs de la firme. Autrement dit, l'éthique de responsabilité appliquée aux gestionnaires est essentiellement fondée sur la recherche de l'efficacité ; elle consiste en choix

de moyens adaptés aux fins poursuivis. Même si les moyens choisis sont en contradiction avec ses convictions, le gestionnaire doit être prêt à sacrifier ses convictions pour le bien de son entreprise, sans pour autant, léser les autres acteurs concernés par l'affaire. Une entreprise qui procède à un licenciement collectif pourra édicter des règles pour assurer à la fois la dignité des hommes et la survie de l'entreprise : accompagner le licencié dans sa recherche de travail,

ne pas procéder à des licenciements abusifs, etc. De même, une entreprise qui fabrique des

armes pourra émettre un code de conduite pour préserver l'emploi sans détruire la race humaine : vendre mais ne pas inciter à l'achat, prohiber certains types d'armement, etc.

Cette approche aboutit généralement à accepter des concessions et des compromis, pour élaborer des règles communes qui tiennent compte des divergences d'intérêt en présence. Elle

est redoutable de difficultés : quels sont les intérêts à prendre en compte, qui élabore les règles,

quels acteurs sont impliqués, comment doivent-elles s'appliquer, etc.

Un problème éthique surgit lorsque :

- les actions d'un individu sont en contradiction avec ses convictions intimes

(contradiction entre un idéal et les faits) ;

- les actions d'un individu (gestionnaire, dirigeant) ou d'une entreprise ont des conséquences néfastes sur d'autres individus ou entreprises (elles sont dangereuses, nuisibles

ou seulement désagréables).

Dans le premier cas (éthique de conviction), le problème relève de la conscience individuelle et chacun se détermine selon ses propres croyances : la gestion n'intervient pas, sauf éventuellement pour enseigner et éclairer les décideurs sur les systèmes moraux. Par exemple, les patrons chrétiens peuvent édicter des règles de gestion pour être en conformité avec leurs engagements spirituels.

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Dans le deuxième cas (éthique de la responsabilité), le problème relève clairement de la

gestion, puisqu'il faut trouver des règles qui permettent à une pluralité d'acteurs de vivre ensemble, sans heurter la conscience de chacun, et en préservant leurs intérêts fondamentaux. Par exemple, une entreprise réalise des profits en produisant des automobiles, mais préserve

les intérêts des citoyens en prévoyant des moyens antipolluants.

L'éthique de responsabilité est donc largement prédominante dans le monde des affaires.

Et comme l'annonce Guilla Joane, « ce qui est réellement créatif dans l'éthique des affaires c'est de trouver le moyen de faire ce qui est moralement juste et socialement responsable sans ruiner sa carrière ni son entreprise ».47

D'une manière générale, les problèmes éthiques correspondent à deux grands types d'actions :

- celles qui ont des effets secondaires néfastes, sans être franchement délibérées

de la part des responsables, ou en tout cas qui sont discutables : par exemple, des automobiles polluent (le diesel), des produits présentent des risques (tabac), des publicités de mauvais goût, des produits sont dangereux, etc.

- celles qui transgressent délibérément les règles ou les lois, et qui correspondent

à la fraude ou la corruption : financement illégal des partis politiques, acrobaties comptables, travail clandestin, fausses factures, pots de vin, délits d'initiés, abus de biens sociaux, fraude fiscale, marché publique sans appel d'offres, etc.

Quelque soit le type d'actions, un problème éthique a au moins deux conséquences sur la vie de l'entreprise :

- une perte d'image : l'entreprise se déconsidère dans l'opinion, comme chez les salariés, ce qui nuit à son efficacité et sa performance ;

- un coût monétaire : l'entreprise paye d'une manière ou d'une autre les dérapages sur le plan moral.

Concernant le déficit d'image, il se manifeste de différentes manières :

47 ANDREW STARK, L'éthique n'est pas un voeux, Harvard l'Expansion, Automne 1993, p.12.

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- une suspicion générale vis à vis des produits de l'entreprise : les clients doutent des qualités du produit et se méfient en cas de rachat ;

- une méfiance générale vis à vis des entreprises qui ne se comportent pas de manière citoyenne, mais ne pensent qu'au profit ;

- une perte de motivation chez les salariés qui se méfient des dirigeants dont le comportement n'est plus exemplaire ;

- une déliquescence des valeurs de l'entreprise qui perd son unité (et peut être son âme).

Quant au coût supplémentaire (monétaire), il provient :

- des réparations éventuelles non envisagées (frais de justice, remplacement du produit, amélioration des normes, publicités, etc.) ;

- d'un manque à gagner : absence de rachat, perte d'image, baisse des ventes,

impôts non payés, etc. ;

- du coût de la fraude : des pots de vin, financement des partis politiques, train de vie des dirigeants, etc. ;

- du contrôle : coût des moyens pour éviter les tricheries (surveillants, alarmes,

sécurités, les coûts d'agence, etc.) ;

- du risque d'imitation qui généralise la fraude ou l'irresponsabilité, et désorganise les marchés ;

- et surtout, de la concurrence déloyale : certains individus ou entreprises (qu'on

appelle les ``free riders'' ou passagers clandestins) se procurent un avantage concurrentiel en

ne respectant pas les règles (cas du travail clandestin).48

L'existence de problèmes éthiques implique de les appréhender correctement, pour pouvoir ensuite les traiter. Dans cette optique, il serait tout à fait raisonnable de notre part, d'essayer de trouver un système de mesure du phénomène éthique, afin de mieux orienter notre champ d'analyse et de réflexion. Pour prendre la mesure des problèmes, il faut :

- d'abord, identifier les risques d'une action ou d'un produit : accidents, pollution, maladies, chômage, injustice, etc. ;

- identifier les cibles : tous les usagers, quelques usagers, les non usagers ;

- saisir l'ampleur des problèmes : quelques individus, beaucoup d'individus, les animaux, les plantes, la planète, etc.

48 Droit des affaires, éthique et déontologie, Actes du colloque sur la déontologie et le droit des affaires tenu à pointe à pitre 1993, Edition l'Hermes 1994.

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- envisager les effets très indirects : par exemple, l'abus du tabac ou d'alcool multiplie les risques de cancer, et creuse le déficit de la sécurité sociale.

Connaissant la nature des problèmes, on peut envisager des moyens pour les résoudre. Dans le cadre des problèmes d'éthique des affaires, deux attitudes de pensées apparaissent :

- pour les uns, l'éthique d'entreprise n'est qu'une mode : en effet, toute

intervention est inutile, soit parce que le monde est une jungle où le plus fort gagne

(darwinisme), soit par ce que la ``main invisible'' du marché garantit des solutions ;

- pour les autres, ils pensent au contraire qu'il est nécessaire d'intervenir :

l'inefficacité des marchés, l'excès de lois (bureaucratie) ou l'insuffisance des lois

(déréglementation), laissent un vide qui impose un réarmement moral.

Généralement, l'entreprise trouve un double intérêt à s'engager dans une pratique éthique, en utilisant la morale comme un outil de gestion. Ces avantages tiennent du fait des revers de la non considération éthique dont nous avons pris le soin de les analyser précédemment.

Tout d'abord, l'éthique apporte comme un supplément d'âme, en embellissant l'image

de l'entreprise :

- les relations de confiance que l'entreprise entretient avec ses différents partenaires sont renforcées ;

- la firme devient une institution citoyenne, éducative et respectée ;

- le respect des règles morales fondent et renforcent la légitimité de la firme ;

- la conduite des dirigeants acquiert un caractère exemplaire qui renforce leurs statuts, et peut servir d'adjuvant aux salariés (motivation, implication) ;

- l'affichage explicite des valeurs peut enfin renforcer la culture de l'entreprise,

et cimenter le groupe.

L'éthique apporte, par ailleurs, un supplément de rentabilité :

- elle assure une certaine pérennité, en évitant des réparations éventuelles ;

- elle permet de récupérer le manque à gagner dû à la fraude institutionnalisée ;

- elle permet de réduire le coût de contrôle et de surveillance, en faisant davantage confiance aux personnels ou aux partenaires sociaux (par exemple, un code de l'honneur interdisant les vols et l'espionnage industriel, etc.) ;

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- enfin, elle assainit le fonctionnement des marchés, en établissant des règles de concurrence communes à tous les partenaires, et appliquées par tous.

Face à un problème éthique, plusieurs solutions sont possibles. Patrons de plusieurs exemples : le tabac risque de nuire à la santé, un téléfilm violent risque de perturber les enfants, etc. On peut alors :

- ne rien faire : on continue de fabriquer des cigarettes, on projette les films ;

- leurrer les partenaires : on prétend que la fumée n'est pas dangereuse, que les enfants sont insensibles à la violence ;

- arrêter les actions : on ne fabrique plus de cigarettes, on supprime la projection ;

- modifier les actions : on fabrique des cigarettes légères, on supprime les scènes

de violence ;

- informer, sensibiliser, former, éduquer : une note sur les paquets de cigarettes avertit des méfaits du tabac, un signe distinctif apparaît sur l'écran pour signaler le caractère violent du film.

Enfin, pour mettre en oeuvre ces actions, trois types de moyens sont disponibles :

- la contrainte, notamment juridique : le pouvoir législatif, voire l'opinion oblige

à prendre des mesures pour éviter des effets néfastes (l'interdiction de fumer dans les lieux publics, les films interdits aux moins de douze ans, etc.) ;

- la diffusion des valeurs (par la formation et l'éducation) : les individus ou les entreprises adoptent naturellement un comportement responsable, en respectant des valeurs admises de tous (on évite les publicités de mauvais goût, on n'exploite pas les sous-traitants,

on présente des comptes sincères, etc.) ;

- la déontologie : les différentes professions (comptables, médecins, financiers, conseillés en gestion, etc.) établissent des règles qui apparaissent explicitement dans des codes

de conduite, et dont le non respect est sanctionné par des organismes professionnels.49

Nous avons abordé précédemment les trois axes du cadre institutionnel de l'économie. Toute fois, notre étude apparaît comme générale et mérite du fait une certaine orientation méthodologique. Le choix du sujet ; ``choix comptables et cadre institutionnelle de l'économie'', nous oblige à vérifier l'interaction conceptuelle entre chaque axe du cadre

49 Droit des affaires, éthique et déontologie, Actes du colloque sur la déontologie et le droit des affaires tenu à pointe à pitre 1993, Edition l'Hermes 1994.

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institutionnel de l'économie, c'est à dire, le marché, le contexte légale et le référentiel sociologique, et la comptabilité en tant qu'outil de management et de prise de décision.

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"Tu supportes des injustices; Consoles-toi, le vrai malheur est d'en faire"   Démocrite