Paragraphe 3 : Le référentiel sociologique
tunisien
Chaque culture possède une configuration
symbolique particulière qui aide à comprendre les
conduites, les comportements et la fonction des institutions qui composent la
société. Les moeurs, les croyances, la langue et autres
éléments constitutifs du patrimoine d'un peuple sont la
concrétisation de faits de civilisation et témoignent de
l'existence de représentations et d'attitudes spécifiques.
Dans cette perspective l'effet sociétal et les faits de
culture sont plus que de simples évènements historiques ayant
contribué à former la structure d'une société
mais aussi l'ensemble des convictions des traditions et des échelles
de valeurs qui y sont en honneur.
Il existe en Tunisie un fond collectif d'idées et de
croyances qui inspirent les conduites individuelles. La pérennité
de certaines attitudes et de certains comportements laisse croire que le fait
arabo-musulman est déterminant.
Si la personnalité de base du tunisien est
continuellement absorbée par les problèmes d'identité et
d'être, le mental quant à lui, évolue dans un univers
double celui de l'intimité avec les valeurs arabo-musulmane
considérées comme essentielles, absolues et idéales,
et celui d'un vécu divers et changeant au gré des pressions
conjoncturelles et des rapports entre cultures.
L'islam, loin d'avoir démobilisé les initiatives et
freiné les élans a au contraire, favorisé
le développement de pratiques économiques
spécifiques.
La société tunisienne a pu refuser par la suite,
notamment du temps de la colonisation française, un alignement
systématique sur des modes d'organisation de la vie sociale en
totale dissonance avec des croyances et des valeurs propres.
En effet, malgré le peu de moyen consacrés
à l'élément humain, les rapports sociaux noués
dans le cadre du travail se présentent dans certaines
entreprises comme une quête continue d'un phénomène
caractéristique de la société tunisienne à savoir
l'intense sentiment
de filiation à une communauté.
147
Les entreprises tunisiennes dans leur structuration dans les
figures d'autorité qu'elles secrètent semblent répondre
à la tendance à la conformité assez manifestée au
niveau de la société globale. Le phénomène
d'identification aux chefs n'est ainsi qu'une reconstitution sur
les lieux de travail de la structure de la famille.
L'effet sociétal se présente comme un ensemble de
sentiments et de valeurs ambiantes rattachées à des
représentations ancestrales et encore opérantes d'identité
et d'être.
La modernité assimilée à
l'industrialisation et au développement économique devient une
valeur inconditionnelle dictée par la nécessité de
rattraper les retards pris sur les pays occidentaux et en même temps
une valeur permettant de distinguer ceux qui se sont adaptés aux
nouvelles données de l'environnement et ceux qui sont restés
rattachés à une conception passéiste de sa vie sociale.
L'analyse de l'évolution des rapports sociaux
à travers le mode d'organisation du travail et de
l'économie et à travers le cheminement politique et
culturel des formations sociales tunisiennes montre que le passage
d'une économie d'autosubsistance à une économie
de marché, l'acculturation de certains groupes sociaux, les
options prises en matière de développement constituent
des changements ayant affecté la structuration traditionnelle
de la société.
La société actuelle vit une gestation, la
division du travail au niveau global est devenue plus complexe et plus
organique. L'urbanisation et l'industrialisation ont accentué les
clivages entre les différentes classes sociales. La
délocalisation des structures familiales traditionnelles, la crise
du système de parenté, la libéralisation des moeurs
constituent des changements notoires.
|