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Exploitation aurifère et développement local dans la sous-préfecture de Hiré (Côte d'Ivoire)


par Judith YOBO-GNAHOUA
Université Felix Houphouet Boigny - Doctorat 2019
  

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Conclusion du chapitre 8

Les parcelles occupées pour l'exploitation minière sont des terres de cultures ou des jachères. Du fait de l'importance de l'emprise de l'industrie minière sur ces parcelles, il y a une réduction des terres agricoles. Dans le cadre de l'exploitation industrielle, les terres agricoles sont totalement décapées et définitivement acquises avec de vastes superficies. L'orpaillage, bien que se déroulant sur des parcelles dont les superficies varient entre 2 et 5 ha, leur nombre et leur progression à chaque épuisement de site en multiplie les incidences sur l'agriculture. L'activité minière influence diversement l'agriculture. Certes, l'occupation des terres agricoles entraine une baisse des superficies cultivées, mais également la baisse de la production agricole tant au niveau des cultures pérennes que des cultures vivrières. La main d'oeuvre agricole est aussi affectée par l'activité minière. De nombreux agriculteurs ont perdu leurs terres cédées à la société minière et du fait de la baisse de productions liées à l'activité, les autres se sont résolus à se reconvertir ou ont opté pour le départ vers d'autres localités. L'exploitation aurifère constitue également une menace sur la sécurité alimentaire des populations de Hiré, tant du point de vue de sa qualité qu'en termes de quantité. On constate aussi une perte des moyens de subsistances en provenance de l'agriculture pour les populations.

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CHAPITRE 9 : LES CONFLITS FONCIERS EXACERBÉS PAR
L'EXPLOITATION DE L'OR

INTRODUCTION AU CHAPITRE

Au nombre des problèmes que posent la redécouverte de l'or dans la sous-préfecture de Hiré, figurent ceux de l'accès aux terres cultivables et d'habitation, les tensions entre villages autour de limites de terroir, entrainant ainsi la résurgence de la récession foncière due à la rareté des terres ressentis depuis les années 1980.

En effet, la situation géographique de la sous-préfecture est d'abord une contrainte pour les paysans. La ville est entourée de collines et de montagnes qui ne favorisent pas assez son expansion et l'activité agricole. Avant la nouvelle vague de l'exploitation de l'or, la rareté des terres communautaires et familiales était au coeur des conflits fonciers locaux. L'exploitation de l'or s'est donc superposée aux tensions foncières existantes tout en les complexifiant.

9.1 LES DESACCORDS SUR LES INDEMNITES 9.1.1 Les indemnisations selon l'Etat

L'Etat autorise les détenteurs d'une concession minière à payer des indemnités aux personnes sinistrées par des déplacements, des destructions pour raison d'utilité publique. L'indemnisation est prescrite par le code minier et le décret N°2014-397 du 25 juin 2014 déterminant les modalités d'application de la loi N°2014-138 du 24 mars portant code minier précise en son chapitre 2 les relations avec les occupants du sol. Ainsi, l'article 134 énonce que « l'indemnité au profit de l'occupant légitime du sol dont les terres sont devenues impropres à la culture est déterminée par la formule suivante :

[D=(R x 15) + (P x S) + r]N

Avec

D=Dédommagement en francs CFA

R=Revenu annuel de la parcelle

N=Nombre d'années d'occupation

P=Prix moyen d'acquisition ou d'usufruit d'un hectare

S=Superficie en hectare

r=revenu obtenu des cultures associées payé en pied.

15=le nombre d'années d'exploitation que va durer la mine.

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Le code minier ivoirien ne précise pas le prix moyen d'acquisition ou d'usufruit. Il est normalement fixé par décret.

La puissance publique précise également ce point : « les mines constituent une propriété distincte de la propriété du sol. Elles appartiennent à l'Etat et constituent un domaine public particulier...». Cela veut dire en clair que les populations présentent sur les terroirs villageois peuvent être soit propriétaires coutumiers du sol, soit propriétaire de l'usage du sol et de ce qu'elles y ont planté mais elles ne sont en aucun cas propriétaires du sous-sol.

La gestion des droits de propriété et d'usage des terres en Côte d'Ivoire relève du droit coutumier et de la Loi 98-750 du 23 décembre 1998. La sous-préfecture de Hiré n'échappe pas à cette réalité et les deux modes de gestion y ont cours. Les terres en Côte d'Ivoire sont divisées en deux grandes catégories : celles qui appartiennent aux particuliers détenant un titre de propriété, et celles qui appartiennent à l'Etat de façon déclarée auxquelles il faut ajouter toutes les terres vacantes et sans maître. Pour la gestion de son domaine, l'Etat a mis en place un ensemble de dispositions juridiques contenues dans le régime domanial. Ce régime divise le domaine de l'Etat en deux parties : le domaine public de l'Etat, et le domaine privé de l'Etat. On distingue donc le domaine privé de l'État en zone rurale gérée par le Ministre chargé de l'Agriculture ; le domaine privé de l'État en zone urbaine gérée par le Ministre chargé de la Construction et de l'Urbanisme.

Jusqu'au 7 mars 2006, son emprise était estimée à 25 millions d'hectares sur lesquels seulement 1 à 2 % faisaient l'objet d'un titre d'occupation ou d'un titre de propriété délivré par l'Administration. Il s'agit de l'arrêté de concession provisoire sous réserve des droits des tiers, l'arrêté de concession pure et simple, l'arrêté de concession définitive et le bail emphytéotique. Tous ces titres étaient délivrés traditionnellement par le ministre en charge de l'agriculture.

Le point de friction entre les populations dont les terres sont occupées par la mine vient des divergences de points de vue entre les propriétaires coutumiers, les occupants locaux et la mine agissant sous le couvert de l'État.

9.1.2 Les indemnités selon les populations

Les désaccords exprimés portent sur les barèmes appliqués pour les cultures aussi bien vivrières que pérennes. La non prise en compte des propriétaires fonciers a également été motif de conflits.

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9.1.2.1 Le refus des barèmes des indemnités portant sur les cultures vivrières.

Chaque culture selon sa nature est concernée : manioc, maïs, igname, riz, banane. Les populations jugent que les taux fixés par le ministère de l'agriculture en ce qui concerne chacun de ces plants sont dérisoires. Elles font part de leur indignation et interprète cela comme un profond manque de respect des fonctionnaires de l'État qui fixent ces taux dont ils ne peuvent que savoir qu'ils vont provoquer la famine et le découragement dans le monde paysan. Elles demandent à ce sujet le relèvement des taux aux conditions réelles du marché local du vivrier.

9.1.2.2 Le refus des taux d'indemnisation des plantations de café et de cacao.

Le café et le cacao sont les cultures pérennes qui faisaient jadis la fierté de la région agricole de Hiré. Tout le périmètre exploité par la société, était jusqu'à un passé récent, occupé par de grandes plantations de cacao et de café. C'est à partir de 2006, avec l'installation de la mine qui a nécessité l'accaparement des terres de cultures et la destruction des plantations, que de nombreux planteurs ont perdus leurs sources de revenus. Les planteurs de café et de cacao considérés comme les hommes forts de cette cité, sont les plus grandes victimes.

La base du dédommagement à eux proposé par la compagnie minière n'a pas été approuvée. En effet, les cultures de café et de cacao sont des cultures pérennes dont la production dure selon la variété entre 15 et 30 ans. Le niveau de l'indemnisation de la compagnie minière est basé sur le barème d'indemnisation des cultures d 1972 actualisé en 1995. Les populations ont bruyamment protesté contre ces agissements de la compagnie minière. Toutes les voies conduisant à la mine d'or ont été bloquées par les planteurs en colère qui exigeaient que le calcul de l'indemnisation soit revu à la hausse.

9.1.2.3 La non prise en compte de l'indemnisation du sol

Les populations constatent avec stupeur que la compagnie n'indemnise pas le sol. Les actes d'indemnisation qu'elle pose concernent des personnes disposant d'un titre foncier, ou d'une concession provisoire. Toutes les autres terres sont censées être sans maître. Les populations font valoir que cette interprétation n'est pas valable car elles sont les propriétaires coutumiers de la terre et à ce titre elles ont droit à une indemnisation conséquente pour la perte de leur patrimoine d'espace ou de territoire.

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9.1.2.4 Le scandale des jachères

En Côte d'Ivoire, il est dit par l'Administration que les terres vacantes appartiennent à l'État. Dans le cadre des indemnisations lorsque la compagnie minière rencontre des jachères, elle ne les compte pas dans ses calculs. À vouloir le faire, elle ne saurait même pas par rapport à quelle catégorie décrite dans les textes elle devrait les compter. Pour elle, les jachères sont des espaces vides. Comme la loi foncière précise que le sol n'est pas indemnisé, la compagnie ne tient ni compte des jachères, ni du sol. Dans les cas de Bonikro, la compagnie n'a pas indemnisé les jachères. Alors quand les populations ont pressenti l'arrivée de la compagnie sur les 1 000 ha de la zone Hiré, elles ont tenté de négocier la prise en compte de l'indemnisation des jachères. Cependant, cela s'est avéré vain. Alors, elles se sont résolues à une tactique qui consiste à planter rapidement n'importe quoi qui peut avoir de la valeur sur leur terre. Cela a conduit au choix du teck.

Le teck est une culture arborescente, un bois à forte valeur ajoutée. Il convient aux climats tropicaux et présente une résistance remarquable dans les conditions extrêmes d'exploitation. Il résiste même aux feux de brousse. En très peu de temps, la périphérie de Hiré s'est couverte de teck, des arbres plantés de nuit et de jour par les propriétaires fonciers au grand dam de la compagnie et des usagers courants du sol. Le teck est ainsi appelé à Hiré "culture opportuniste". Maintenant que ces tecks remplacent les jachères, les populations ont exigé que la mine indemnise les jachères au prix le plus fort de sa valeur soit 20 000 FCFA par plant.

9.2 LA CLARIFICATION DES AYANTS DROITS : PROPRIETAIRES COUTUMIERS, ALLOGENES ET USAGERS DU SOL

9.2.1 La géographie des maîtres coutumiers du sol dans la région de Hiré

9.2.1.1 Bouakako et Hiré, deux villages autochtones en conflit autour de la propriété coutumière du sol des gisements dans la ville de Hiré

La première famille à s'installer sur les terres de Bouakako est la famille Douzoua. Elle occupait par le passé le site qui abrite l'école du village. Les membres de la famille Douzoua sont donc les fondateurs du village et par conséquent, ils sont les chefs de terre. Avec les guerres de voisinage, une partie de la famille se détacha pour fonder deux autres familles que sont la famille Agbalé et la famille Zabregouan. Ceux de Hirégouan sont allés vers Hiré actuel. Ils n'ont donc pas une autonomie vis-à-vis des gens de Bouakako. Ces familles ont été rejointes plus tard par une famille Baoulé qui est représentée par la famille Akan.

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Les personnes interrogées à Bouakako au sujet de l'histoire de la création du village commencent par préciser que les terres cultivables sont éloignées du village et nombreuses sont celles qui sont touchées par la mine et l'exploration actuelle. Les terres de Bouakako vont très loin, jusqu'à la limite de Taabo, Oumé et Zégo, disent-elles.

Le conflit entre Bouakako et Hiré village, porte sur la propriété de la partie de Hiré qui abrite la mairie. Bien que situé dans la ville de Hiré, tout le côté à droite de la voie bitumée est à Bouakako et le côté gauche est à Hiré. Cependant, bien que le sachant, le chef de village de Hiré est celui qui reçoit de l'argent lors des immatriculations de lots dans la zone.

La Cellule Stratégique pour la Défense et la Protection des Intérêts de Bouakako (CSDPIB) a été créée en 2014 avec la collaboration des jeunes cadres et intellectuels dudit village pour assoir des échanges équitables avec la société minière. Cette cellule a entrepris en six mois la formation de la jeunesse et de la notabilité pour les instruire sur comment gérer les relations avec la société minière. La CSDPIB se positionne désormais comme le porte-voix du village de Bouakako dans ses rapports avec la compagnie minière. En tant propriétaire du site de la mine de Hiré Est, la communauté de Bouakako par la CSDPIB, s'octroie le droit de définir les conditions et les modalités d'exploitation des ressources aurifères de leur terre.

Les premières incompréhensions entre Bouakako et NEWCREST portaient sur la question de la libation qui traduit la reconnaissance des autorités villageoises comme autorité morale établie sur l'ensemble des terres du dit-village. Il est vrai que les parcelles occupées appartiennent à des individus, à des familles mais leur propriété est liée à leur appartenance au village. Les autorités minières ne l'entendant pas de cette oreille ont au début de leur activité sur le site de Hiré composé exclusivement avec les propriétaires terriens en faisant fi de la tradition et donc des autorités villageoises. Cet état de fait a eu pour conséquence d'irriter la population dudit village qui s'est vue ignorée. La population de Bouakako a donc à travers la CSDPIB, manifesté son mécontentement par des actions.

La CSDPIB a compilé l'ensemble de ses revendications dans un document appelé « livre blanc de Bouakako » afin de donner selon le responsable, une orientation aux actions de développement que doit mener la société minière à Bouakako village hôte de la mine de Hiré.

9.2.1.2 Gogobro et Kagbè : propriétaires coutumiers du sol de Bonikro

Gogobro et Kagbè n'étaient à l'origine qu'un seul village. Cependant, des querelles incessantes de voisinage vont amener les populations actuelles de Kagbè à partir à la recherche de nouvelles

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terres cultivables et retrouver la paix sociale. Ceux qui sont venus à Kagbè étaient moins nombreux que ceux qui sont restés à Gogobro. D'après le chef de Gogobro, après cette scission, il n'y avait jamais eu de problème de terre entre les deux villages. Il affirme que les gens de Gogobro venaient demander la terre à ceux de Kagbè parce qu'ils n'en avaient pas assez chez eux et ils la leur donnaient parce qu'ils se considèrent comme des frères. Kagbè proclame toujours son autonomie vis-à-vis de Gogobro. Il affirme qu'ils font limite avec Gabia, Bouakako, Hiré et Diégonéfla et compterait une vingtaine de campements.

Depuis l'ouverture de la mine de Bonikro, un litige foncier oppose Kagbè à Gogobro au sujet de la propriété des terres de Bonikro. Selon les populations de Kagbè, les terres de Bonikro leur appartiennent et ils réclament d'être reconnu en tant que propriétaire terrien et de recevoir les privilèges liés à ce rang.

9.2.1.3 Zaroko : une communauté Dida réclamant sa part des retombées minières

Zaroko est un village démographiquement très important. Son histoire est difficile à retracer du fait que deux familles y revendiquent la chefferie de terre. Pourtant, c'est le chef de terre qui, en tant que descendant du fondateur, détient l'histoire du village. Cependant, cette rivalité autour de la chefferie des terres est récente. Elle est née de la compétition pour le bénéfice du dédommagement de LGL pour l'exploitation de la mine.

En définitive, les Dida de Hiré ont accédé à la terre par trois modes : l'installation, l'occupation, les guerres de conquête. Depuis lors, la terre est considérée comme une propriété ancestrale dont les générations actuelles héritent de l'usufruit. La découverte de l'or dans le terroir ainsi que l'économie de plantation, ont attiré dans la région de nombreuses populations allogènes. Pour les installer, les populations autochtones ont été poussées à quelque peu transgresser les droits coutumiers locaux.

9.2.1.5 Douaville, un village Watta en marge de l'exploitation aurifère

Les terres de Douaville ne sont pas touchées par l'exploitation aurifère qui a lieu dans la sous-préfecture de Hiré. Ce village est donc en marge des conflits de propriété territoriale bien qu'étant installé sur les terres de Zaroko.

9.2.2 Les allogènes exploitants non propriétaires de sol

Chez les Dida de Hiré, la terre est considérée comme l'âme qui leur permettrait d'exister
socialement et économiquement. Elle est un outil de production, une source d'enrichissement,

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une identité sociale, une valeur culturelle léguée par les ancêtres. La terre appartient à la famille, au clan et a une forte représentation sociale de par la richesse qu'elle constitue. Les premiers responsables terriens au sein de la communauté sont les chefs de terres. Ils sont les garants des bonnes relations entre les populations et leurs ancêtres et réalisent les divers rites et rituels en la matière. Les terres du terroir sont reparties entre les familles des différents villages. Elles sont administrées pour le compte de chaque famille par le chef de famille. Les délimitations entre les terres familiales sont généralement des éléments naturels tels que les arbres, les rivières etc. Autrefois, la famille entière créait une plantation que gérait le chef de famille. Lorsqu'un membre d'une famille voulait créer son propre champ ou sa propre plantation, il devait avoir l'autorisation du chef de famille et lui seul pouvait octroyer une portion de terre à un quelconque étranger à la famille. Cependant, la vente anarchique et illicite de terre occasionnée par l'exploitation minière (industrielle et artisanale) a mis un terme à cette façon de gérer les terres.

Les terres sont cédées par tous et à tous sans recours aux chefs de terre et de familles. Ces contrats de location sont verbaux ou écrits avec beaucoup de flou au point qu'il arrive même que le cédant et l'acquéreur ne s'accordent pas sur l'objet cédé. Alors que le cédant se défend de n'avoir transféré qu'un simple droit d'usage du sol et non le sol lui-même, l'acquéreur estime avoir acquis la propriété.

Les allochtones de la sous-préfecture de Hiré pour leur installation accèdent à la terre par divers moyens comme le don, le troc, l'échange, l'héritage, l'achat (contre vin et récolte) et autres arrangements. Ainsi, les statistiques ci-dessous indiquent la proportion des différents modes d'accès à la terre ou l'installation des allochtones.

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Figure 33: mode d'accès à la terre par les allochtones

19%

7%

3%

10%

32%

29%

Achat Don Echange Héritage Troc Autres

Source : nos enquêtes, 2017

La figure ci-dessus présente la proportion des différents modes d'accès à la terre dans la sous-préfecture de Hiré. Le mode d'accès le plus courant est le don car 32% des personnes enquêtées ont ainsi obtenues leurs terres. L'achat et l'héritage constitue respectivement 29% et 19% des modes d'accès à la terre. Les allochtones accèdent également à la terre par troc, par échanges et par d'autres moyens.

La plupart des terres occupées par les allogènes dans la sous-préfecture de Hiré leur ont été cédées par don moyennant des vins et récoltes dont la quantité reste au choix de l'exploitant. Selon la tradition, les Dida offraient aux immigrants des portions de terres pour leur permettre de s'installer et lesquels en échange offraient des cadeaux et dons aux tuteurs Dida. Cependant avec l'augmentation du nombre de migrants Baoulé et Dioula à la recherche de terre cultivable associé à l'essor des plantations de café et cacao dans les années 1970, la terre a eu une double valeur aux yeux des Dida notamment comme un héritage sacré légué de génération en génération et un facteur déterminant de richesse. Ainsi, la configuration de l'usage des terres s'est considérablement modifiée chez les Dida qui ont ainsi cessé de céder gratuitement la terre pour réclamer des redevances de la part des migrants. C'est de la sorte que d'autres modes d'accès se sont développés notamment l'achat sans preuve tangible ou avec des écrits non notariés, par troc très souvent avec les dettes funéraires ou scolaires, par échange soit avec un matériel roulant et sous d'autres formes, soit verbalement soit par des écrits transactionnels.

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Le conflit des conceptions équivoque entre acteurs locaux sur le terrain des parcelles à indemniser au sujet de qui est propriétaire et qui est locataire s'atténue avec la clarification de certaines notions. Après plus de trois années de confusions, les éclairages suivants sont apparus. Il existe à Hiré l'ensemble suivant des types d'acteurs susceptibles de se réclamer propriétaires:

- les propriétaires coutumiers du sol, autochtones Dida de Bouakako pour les sites de

gisement de Hiré,

- les propriétaires coutumiers du sol, autochtones Dida de Gogobro pour les gisements de

Bonikro,

- les propriétaires coutumiers du sol autochtones de Kagbé pour les gisements de Bonikro

en litige de souveraineté avec les villageois de Gogobro,

- les propriétaires coutumiers du sol autochtone de Hiré village ayant procuration du

village de Bouakako sur les terres du site de la ville de Hiré,

- les propriétaires coutumiers du sol, autochtones Dida du terroir de Zaroko,

- les propriétaires coutumiers du sol, autochtones Dida du terroir de Douaville,

- Les allogènes Baoulé et autres ivoiriens propriétaires de leurs impenses et locataires sur

les terres des Dida quels que soit leurs arguments à se déclarer propriétaire foncier par

achat ou par omission,

- Les non ivoiriens propriétaires de leurs impenses et locataires sur les terres des Dida

quels que soit leurs arguments à se déclarer propriétaire foncier par achat ou par

omission,

- Les étrangers ayant un titre de propriété,

- Les ivoiriens non Dida ayant un titre de propriété,

- Les attributaires de lots urbains dans la ville de Hiré.

- 109 propriétés coutumières,

- 115 parcelles de propriété coutumières,

- 2 467 parcelles d'exploitants,

- 99 propriétaires coutumiers de la terre,

- 1 352 exploitants cultivant 2 467 parcelles.

9.2.2.1 La difficulté d'identification des propriétaires terriens et des exploitants

La difficulté majeure au niveau des indemnisations est liée à l'identification des propriétés des terres et des exploitants. Cette difficulté vient principalement de la compréhension des droits coutumiers de propriété et d'usage à plusieurs niveaux qui affectent Hiré comme c'est

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généralement le cas en milieu rural. Les droits coutumiers à Hiré sont cédés sous diverses formes. La société Dida est patrilinéaire et l'héritage au sein de cette société se transmet de père en fils. Surtout la cession des terres, car, elle est considérée comme un bien familial qui ne doit pas sortir de ce cercle. C'est ce qui explique le fait que la cession se fait parfois d'oncle à neveu. Quand l'oncle n'a pas eu de fils ou estime que ses fils ne peuvent user de sa terre, il la cède à ses neveux. Les femmes étant appelées à partir fonder des familles ailleurs, n'ont généralement pas droit à la terre. Elle la transmettrait sinon à ses enfants donc à une autre famille. Cependant, la réalité est tout autre. On trouve des femmes qui possèdent des terres et même qui en héritent. Les Dida Watta considèrent la terre comme « l'essence » de sa société. Au-delà d'être un instrument de production, la terre est pour les populations autochtones de Hiré, l'expression de leur existence sociale et économique.

Les chefs de terre sont responsables, au sein de la communauté, de l'attribution des terres et de la réalisation des diverses cérémonies qui aident à maintenir de bonnes relations entre la population et leurs ancêtres. Toutefois, du fait de l'économie de plantation puis de l'orpaillage aujourd'hui, les droits coutumiers ont été diversement cédés à des tiers en contrepartie d'un arrangement précis. Ces cessions se sont faites parfois à l'insu des chefs de familles ou des autres membres de la famille, soit verbalement, soit par écrits non notariés. Avec la question des indemnisations, certaines cessions sont remises en cause et posent un véritable problème quant à l'identification des propriétaires des terres et des propriétaires des cultures. Ce problème oppose généralement les communautés autochtones aux communautés allogènes et est motivé par la logique de contrôle et de sécurisation des droits sur le foncier (Babo, 2008 ; Dozon, 1997).

Les terres déjà vendues aux autres ethnies sont désormais réclamées par d'autres Dida de la même famille. Leur argument est que la terre appartenant à une famille, elle ne peut être vendue qu'avec l'accord de toute la famille. Cet état de fait engrange une série de tensions entre les différentes communautés à Hiré. Dans certains cas, les transferts de terres aux migrants étaient conditionnés par la seule production des cultures de subsistance. Ces arrangements n'étaient pas toujours respectés par les migrants qui profitaient pour planter le cacao et le café. Pour les migrants planter les cultures pérennes leur donnerait une certaine garantie aux droits sur les terres exploitées en référence au discours de feu le Président de la République FHB « la terre appartient à celui qui la met en valeur » (Chauveau ; opc). Cette déclaration a occasionné chez les migrants une multitude de comportements opportunistes dans leur course à l'appropriation foncière en zone forestière ivoirienne.

Dans d'autres cas, les contrats de cession sont conclus soit verbalement soit par écrits non

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notariés. Cependant, il arrive que le cédant et l'acquéreur ne s'accordent pas sur l'objet cédé. Parfois, les clauses des contrats sont mal comprises par un des acteurs. Il arrive par exemple que le propriétaire estime n'avoir cédé que le droit d'usage tandis que l'acquéreur estime avoir acquis la propriété foncière.

Cette difficulté à bien identifier et distinguer les propriétaires des parcelles et des cultures, oppose la communauté à la société minière. Cela se traduit par les plaintes des populations à propos des erreurs récurrentes à ce sujet. Des personnes se plaignent de ce que leurs plantations ne sont pas indemnisées alors que pour NEWCREST elles le sont. Le paiement des indemnités étant conditionné par la présentation de documents prouvant soit la propriété de la parcelle, soit la propriété des cultures, lorsqu'une personne présente tous ces papiers, la mine ne peut que la reconnaitre. En réalité certaines personnes se revendiquent propriétaire d'un bien alors qu'elles ne le sont pas. Dans ce cas la mine ne pouvant payer deux personnes pour la même parcelle, le vrai propriétaire se retrouve perdant. Ces situations se produisent généralement entre personnes d'une même famille, entre vendeurs et acquéreurs ou entre voisins de parcelles. Pour ce qui concerne les litiges entre voisins de parcelles ils opposent généralement les autochtones entre eux. Toutefois, les limites entres les terres des différentes familles comme les limites entre villages ne sont matérialisées que par des éléments de la nature tels que les cours d'eau, les arbres, etc. Certains éléments physiques qui servent de limites arrivent à disparaitre et il devient difficile surtout pour les jeunes héritiers de connaitre les limites de leurs parcelles. Cependant, il n'est pas à écarter que ce type d'erreur est parfois volontaire. Certaines personnes pour bénéficier des indemnités, profitent de l'ignorance de leurs voisins et empiètent sur les parcelles des autres.

Pour mettre fin aux conflits portant sur qui a droit à être indemnisé ou non, la compagnie minière s'est proposée d'adopter les conclusions de la classification des populations. Les propriétaires coutumiers du sol prétendent à une indemnisation sur le sol comme si le sol était vendu indépendamment de tout ce qu'il porte. Ils interdisent le versement de cette indemnisation pour perte de sol à tous les non autochtones y compris à ceux des autochtones Dida dont le sol concerné n'est pas une partie de leur terroir. Ainsi sont seulement bénéficiaires des indemnités attendues de la zone de Hiré Est les Dida de Bouakako. Il en est de même pour la zone de la mine de Bonikro dont les Dida de Gogobro se réclament propriétaires.

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Pour ce qui relève des indemnités compensatoires des cultures, les non Dida les perçoivent quand ils sont locataires de la terre avec ou sans contrat. Les Dida les perçoivent aussi quand ils exploitent directement les parcelles dont ils sont propriétaires.

Au début de l'exploration et de l'exploitation de la mine de Bonikro la société EQUIGOLD s'était appuyée sur les textes de l'État pour ne pas payer les propriétaires coutumiers du sol. Les Dida de Gogobro propriétaires en avaient été particulièrement mécontentés au point d'en vouloir à la mine. Ceux-ci exigeaient réparation. Lors de nouvelles extensions de la surface à exploiter les villageois de Gogobro ont fait savoir à la mine que rien ne se feraient sans la prise en compte de leur statut de propriétaires fonciers. Ce fut l'occasion de faire un inventaire du périmètre à l'effet que les propriétaires soient identifiés ainsi que les locataires. Pour faire la police de cet inventaire, les jeunes de Gogobro en appui à leur chef du village sont intervenus afin d'éviter toute reconnaissance de propriété foncière coutumière à des Baoulés et des Burkinabés qui présentaient des attestations d'achat de terres payées aux Dida. Après bien des réunions au village sous la férule des jeunes, les allogènes qui font valoir leur statut de propriétaire ont consenti à verser 20% de leur indemnité de compensation, soit 250 000 F CFA à l'hectare à la chefferie du village pour être reconnus comme propriétaires coutumiers.

Par la voix du chef du village, les Dida ont qualifié cette proposition d'injure grave à leur dignité et à leur bon sens en déclarant qu'il appartient au propriétaire coutumier de faire le partage et non le contraire. Les négociations ont trainé près de six mois sans solution avant que le sous-préfet soit saisi par la compagnie minière très lasse des atermoiements préjudiciables des villageois. Le 31 mai 2016, l'administrateur après avoir réécouter les parties en conflit tranche : il suit les arguments de la chefferie de Gogobro en affectant 75% des indemnités aux Dida, 25 % aux allogènes propriétaires-locataires. Ainsi, sur 5 651 450 F CFA d'indemnités pour cause de perte du sol, les villageois de Gogobro ont perçu 4 238 588 F CFA et les allogènes 1 412 862 FCFA. Une fois ce partage fait, il est apparu une nouvelle cause de dissension au sein du village. Les jeunes se posant en sauveurs de la chefferie réclament une bonne part des compensations allouée au village. Le sous-préfet y répond en leur affectant un quart de la part de la somme dédiée au village mais les jeunes exigent les trois quarts. Là apparaissent sur le champ des négociations, les conflits d'intérêt et de posture entre jeunes et adultes.

9.2.3. Les problèmes intergénérationnels

Les problèmes intergénérationnels se posent aussi bien au sein des familles qu'au sein de la communauté.

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Au sein des familles, ils opposent les ainés, chefs de famille aux plus jeunes. Les jeunes se plaignent de la gestion de l'héritage par les ainés après le décès du père. Les jeunes estiment que la gestion familiale des terres n'est pas la bonne. Ils justifient leur position par le fait que les plantations qui appartiennent à toute une famille sont vendues à l'insu de certains membres de la famille. Ils estiment qu'il y a une gestion opaque des terres par les ainés qui ne contribue pas à assurer leur lendemain. Cela les emmène à vendre à leur tour des parcelles. Lorsque des plantations familiales sont indemnisées par la mine, les jeunes se plaignent de la répartition de l'indemnité qui est faite par leurs ainés. Ils estiment devoir recevoir plus et ces questions sont à la base de plusieurs conflits au sein d'une même famille.

L'autre forme de conflits inter générationnels est ceux qui opposent les jeunes aux leaders communautaires ou aux cadres. Les conflits qui les opposent portent sur la divergence de point de vue dans la gestion des conflits entre villages et les villages et la compagnie minière. Pour ce qui concerne les conflits entre villages, les jeunes rejettent parfois les solutions préconisées par les autorités coutumières. C'est le cas pour le conflit foncier entre Bouakako et Hiré pour lequel l'ensemble des chefs du canton, venu aidé au règlement du litige avaient proposés et acquis que les terres de la commune soient considérées désormais comme appartenant à Hiré. Cependant, la jeunesse de Bouakako remit en cause cet acquis et s'est opposé à son application car disent-ils, leur village a cédé trop de terres à Hiré.

Pour ce qui concerne les conflits avec la société minière, les jeunes estiment qu'il ne faut pas utiliser la délicatesse. Pour eux, seuls aboutissent les méthodes drastiques comme les blocages des routes et des travaux de la compagnie ainsi que le saccage des biens de la société minière.

9.2.4. La manifestation des conflits entre les communautés locales

Les conflits entre les communautés portent généralement sur les questions de limites de territoires. Ces conflits opposent les villages de Hiré et au village de Bouakako, le village de Gogobro à celui de Kagbè. Ces litiges se manifestent par des bagarres, des pratiques mystiques, des malédictions, de fétichisme etc.

Les privilèges accordés aux villages propriétaires terriens des sites occupés par la mine a fait renaitre la question des limites entre les villages de la sous-préfecture de Hiré. Des six villages que compte la sous-préfecture de Hiré, les conflits inter-villages en opposent quatre. Il s'agit de Hiré village, Bouakako, Gogobro et Kagbè, mais aussi Gabia, un village de la sous-préfecture d'Oumé. Ces villages revendiquent tous la propriété sur les terres qui accueillent les

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installations de la mine d'or de Bonikro. Les terres sont délimitées par des éléments naturels représentés par des arbres, des rivières etc. Le canton Watta fait frontière au Nord avec le village Gabia et sur l'axe Hiré-Oumé des campements de Hiré et de Gabia sont voisins. Ces quatre villages partagent tous une limite avec Gabia.

Selon l'histoire de l'installation des Dida Watta, les villages Bouakako, Douaville, Gogobro, Hiré, Kagbè et Zaroko, étaient tous situés sur les collines. Cependant, pour des raisons diverses, Hiré et Kagbè sont descendus pour occuper les sites sur lesquels ils sont aujourd'hui. Les populations du village de Hiré avaient voulu partir plus loin, mais les habitants de Bouakako leur ont céder les terres qu'elles occupent. Le côté Est de la commune de Hiré est donc bâti sur les terres de Bouakako, et le côté Ouest après la mairie appartient à Hiré village. L'ouverture par NEWCREST de la fosse satellite de Hiré, donne lieu à des litiges entre les deux villages.

Les villages de Gogobro et de Kagbè partagent également une limite dont l'emplacement est sujet de disputes. Les limites entre les terroirs sont des limites naturelles dont la connaissance est transmise de génération en génération.

Ces conflits de limites de territoires se manifestent par des bagarres, des pratiques mystiques, des malédictions, de fétichisme etc. Cependant, ces villages suivant le conseil de la MUDH, ont entrepris la délimitation par le Cabinet d'Experts pour l'assistance conseil en Topographie et Foncier (CETIF) des différents terroirs villageois de Hiré.

9.3. LES SITES IMPACTES ET NON IMPACTES : LE DIALOGUE DE MAUVAISE FOI A PROPOS DES INDEMNISATIONS

Les mésententes entre la compagnie minière et les populations proviennent d'une autre source qui est le statut d'impactés ou de non impactés par les activités minières. C'est un sujet d'une extrême intensité. Au début les agents de la mine confortés par l'autorité de l'État font irruption dans les terroirs des villageois et dans leur cadre de vie quotidienne. C'est lors de ces rencontres que les agents de la compagnie minière informent la population de ce qu'ils vont occuper les terres, les champs et les plantations appartenant aux villageois. Cette décision est mal vécue par les populations qui finissent par s'en tenir à la force dont dispose la mine pour s'établir. En retour, les injonctions faites par la mine aux populations de ne plus utiliser les zones impactées sont accompagnées de promesses de versement d'indemnités. Dans le cours des rapports entre population et mines, il arrive que la compagnie ne veuille plus payer des indemnités pour des sites occupés, ou que les villageois considèrent comme occupé du fait de leur lecture des impacts de l'activité minière. Les parties rentrent alors dans une confusion conflictuelle.

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9.3.1 Le cas du campement de Konankro

Bien que l'EIES qui a précédé les travaux d'exploitation de la mine de Bonikro ait relevé la nécessité de déplacer les cinq campements autour de la mine, la société minière n'avait pas prévu le déplacement de Koutouklou-Konankro. Ce campement est habité par des Baoulés installés près de la mine de Bonikro. Situé à 1,17 km de l'usine de traitement, le campement de Koutouklou-Konankro subissait les effets négatifs de sa proximité à la mine. Les populations font état des bruits, des tremblements de terres, des poussières qui dérangent leur vie au quotidien. Le campement était envahi par la poussière excessive mélangée à des produits très toxiques. Les eaux usées issues du traitement et celles du service du lavage automobile envahissaient les plantations des habitants de ce village. Elles font cas du manque d'eau dans les puits, des maladies diverses (diarrhées, boutons, d'enflure de membres, de vomissement), ainsi que des décès fréquents et incompréhensibles. La Compagnie, quant à elle, déclare et prouve par ses experts que chez les populations de ce campement il y a surtout la recherche de faits justificatifs dans le but de se faire prendre en compte comme impactées. S'engage alors une longue campagne d'information et de désinformation mutuelle qui dure quatre ans. Les villageois ont mené une lutte contre la compagnie pour que le dommage qu'ils subissent leur soit compensé par une relocalisation. Cela a fini par ce faire avec le déplacement du campement sur la route de Hiré à l'entrée de la ville.

9.3.2 Absence de conflit dans le cas du campement de Bandamakro

C'est près de ce campement que l'entreprise minière a construit son lac à résidu. Les populations ont vécu trois années durant près de ce lac avant d'être déplacées. C'est donc en 2009 que la mine a effectué l'évaluation des maisons de Bandamakro et le déplacement s'est finalement effectué en 2010. Pour ce déplacement, il n'y a pas eu de conflit avec la compagnie minière. La proximité de l'ancien site de Bandamakro du bassin de boue exposait les populations de ce campement en danger. Les inscriptions qu'on lit sur les pancartes apposées par la compagnie mine autour de ce lac artificiel montrent que les responsables de la compagnie minière sont bien conscients de la menace qu'il représente.

9.3.3 Conflit autour de la zone dite du moratoire, de Hiré Est et des zones impactées

En 2009, la compagnie constate la fin prochaine de l'exploitation du gisement situé sur le terroir de Gogobro dans la zone de Bonikro. Elle engage des activités d'exploration fructueuses en trouvant trois gisements d'or dans la périphérie urbaine de Hiré Est. Par mesure de précaution

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elle émet une déclaration de servitude visant à créer un statut de zone interdite aux populations en perspective d'une exploitation minière. Toutes les autorités administratives de la ville sont mobilisées pour dire aux populations usagers de la périphérie, qu'il leur est désormais interdit d'activité pérennes de lotissement, de construction dans la zone. La compagnie dispose ainsi d'un moratoire le 31 juillet 2009. En un trait de plume sur la carte de Hiré une frontière est tracée au-delà de laquelle une surface de 1 069 ha est interdite à tout usage. La compagnie entend faire sur cet espace une EIES à l'effet de déterminer la conduite à tenir. Le temps passe. La mise à défend qui devait durer un an (2010) s'enlise dans la période électorale hautement dangereuse où l'administration fonctionne peu dans un climat de peur pour l'entreprise minière installée en zone politiquement sensible.

9.3.3 Les incertitudes dans la définition des périmètres miniers

En 2012, après la crise postélectorale, la société réduit l'emprise de son projet de 1069 à 882 hectares. En affinant d'avantage sa zone d'intervention potentielle, la compagnie parvient en 2013, à estimer qu'elle n'a plus besoin que de 546 hectares, puis de 440 hectares en 2014, pour finalement retenir en 2015 une emprise estimée à environ 640 hectares (figure 35).

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Figure 34 : évolution des périmètres du projet minier de Hiré entre 2009 et 2015

Source : NEWCREST, 2016

Le projet d'exploitation du gisement d'or de Hiré intervient dans un environnement très particulier. En effet les populations comprennent que la venue de la mine sur l'espace de Hiré préfigure tous les événements qui ont eu lieu dans la zone de Bonikro. Elles se sont préparées au fait que l'entreprise va leur causer des dommages mais qu'elles pourront tirer un profit de sa capacité à les indemniser. Les populations savent que la compagnie a obligation à le faire mais qu'elle résistera et cherchera à minimiser les montants. En plus la mise en défend préventive dans la zone de Hiré a pris du temps. Au lieu de l'année prévue pour mettre en place l'emprise de la mine, quatre ans sont passés. Les populations ont attendu, mais aussi longuement réfléchi sur l'impact du moratoire et ce que cela leur crée comme désagrément d'attente de l'indemnisation.

La zone du moratoire qu'avait dégagée la mine est à l'origine de nombreux désaccords entre les populations et la mine. Les révisions constantes des superficies prises en compte et réellement occupées par la mine (voir figure 36) a entrainé des mécontentements chez les populations. Alors que toutes formes de mises en valeur étaient interdites sur les parcelles concernées, la mine après des années d'attente a retenu certaines parcelles et en a rejeté d'autres.

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Pourtant, les populations dont les portions de terre n'ont pu être retenues, ont pour certaines perdu leurs cultures pour avoir cessé leur entretien, ou parce qu'elles ne peuvent plus avoir accès à leurs parcelles compte tenu des barbelés installés par l'entreprise. Les communautés profitent pour mettre sur la table de nombreuses revendications qui résument leur confrontation avec la mine.

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Figure 35 : zones interdites aux populations en perspective de la mise en exploitation minière
dites moratorium 1 et moratorium 2

Source : NEWCREST, 2016

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Ainsi pour elles, si la compagnie a défini une zone de servitude de 1 069 ha obligeant les populations à subir des dommages, il faut qu'elle la respecte en dédommageant tous ceux qui sont dans ce périmètre. Il n'est pas question de dire comme la compagnie le présente que seulement ceux concernés par les 640 ha finalement occupés seront pris en compte.

Une mobilisation générale s'est faite dans le cadre d'une confrontation entre les communautés pour déterminer qui est propriétaire de l'emprise et qui en est locataire.

La question du dédommagement de la propriété du sol a été sévèrement posée par les autochtones Dida notamment par le village de Bouakako. Des querelles fratricides ont opposé les communautés autochtones quant à déterminer qui sont les propriétaires coutumiers du sol qui prétendent aux indemnisations. Les questions d'identification et de reconnaissance des non Dida comme propriétaires coutumiers sont aussi revenues en permanence sur le devant de la scène. Tout le problème de la redéfinition des indemnités de purge à la hausse est revenu en surface, attisé par toutes les communautés qui accusent la mine de ne pas payer, de payer moins et de payer tard. La proximité de la ville fait que l'emprise du projet s'étend sur des lotissements, sur des maisons construites et en construction, sur des projets de vie. Tous les acteurs réclament des indemnités de réinstallation, exigent des relogements juteux et demandent la prise en compte de la surface du moratoire de 2009 qui est de 1 069 ha laquelle s'étend sur plusieurs lots (figure 37), soit 2 615 lots qu'ils comptent contre 2 251 lots comptés par la compagnie qui ne veut pas les prendre tous en compte.

Le temps du moratoire ayant été trop long, les populations exigent en 2014 la prise en compte de tous leurs investissements survenus depuis sur le terrain. A cela la compagnie, munie de documents, de photos géo-référencées, oppose que les populations n'ont pas respecté le moratoire ou qu'elles ne disposent ni de lettres d'attribution, ni de permis de construire les cases dont elles réclament indemnisation.

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Figure 36: les îlots urbains concernés par la mise en exploitation minière à Hiré

Source : NEWCREST, 2016

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Il est survenu l'épineuse question des terres vacantes, notamment des jachères. Tirant la leçon du passé récent des cultures seulement indemnisées dans l'opération, de Bonikro, les populations se mettent en alerte. Elles posent la question du pourquoi la mine se refuse à indemniser les jachères alors que ce qui lui est très utile est la terre, support des jachères qui représente près de 50% des terres à occuper. Voyant que la mine éviterait le sujet ou se défendrait très bien sur la question, les populations ont décidé de mettre en valeur au sens des indemnités toutes les jachères. Pour ce faire, elles ont réfléchi à la méthode la plus efficace pour le faire. Les actions ont porté sur le planting de teck, produit à haute valeur d'indemnités pouvant être planté sur tous les sols le plus rapidement possible. Les acteurs de cette opération ont été très servis par le temps d'enlisement du moratoire, ce qui leur a permis de planter près de 200 ha de teck en plantations sauvages qui a rendu indirectement ces jachères éligibles à l'indemnisation.

La question des retombées financières et sociales positives de la mine de Hiré a été posée aussi bien par les résidents de Hiré que par les propriétaires coutumiers du sol et tout l'ensemble des autres communautés vivant dans l'environnement local. Le nouveau gisement de Hiré à exploiter repose, sur le fond et sur la forme, toute la question de l'évaluation des impacts et des indemnités posées par le précédent de Bonikro. Un facteur est venu aggraver ces revendications : la compagnie certainement contrainte par le temps et les échéances de la concession d'exploitation s'est mise en situation de quasi exploitation du site en pleine tourmente dans la négociation des indemnités. Ceci a généré beaucoup d'incompréhension et des résistances individuelles multiples qu'il a fallu ensuite résoudre au cas par cas pour régler l'ensemble des problèmes posés.

Face à ces agissements de la société et à son refus de réagir favorablement aux revendications socio-économiques des agriculteurs et des personnes qui exercent un droit coutumier sur ces parcelles de terre, les populations ont eu de vives réactions. Par exemple, les femmes du quartier baoulé ont initié un blocus du site d'exploitation minière de la ville de Hiré afin de contraindre la mine à prendre en compte leurs revendications.

9.4. LES MECONTENTEMENTS ISSUS DES RELOCALISATIONS 9.4.1 Les mécontents des relogements de Bonikro

Pendant la construction, le chantier étant interdit à toute personne étrangère, il n'a pas été possible pour les populations de visiter les maisons qui allaient bientôt les accueillir. Les

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populations ont découvert les maisons le jour de leur installation en mars 2008. Les mesures d'accompagnement qui devaient suivre et qui étaient essentiellement constituées de compensation financière n'ont pas été apporté jusqu'à la fin de l'installation de la mine et ce jusqu'au départ D'EQUIGOLD. Les populations de Bonikro ont donc informé la compagnie minière LGL qui a repris les actifs d'EQUIGOLD de ce fait, mais le repreneur n'a pas accordé de suite à cela jusqu'à aujourd'hui.

En outre les populations de Bonikro n'ont reçu aucun document relatif à la propriété des maisons et des terres sur lesquelles est bâti le nouveau campement de Bonikro. Les maisons construites par EQUIGOLD pour les populations de Bonikro présentent plusieurs imperfections. D'abord, le campement a été construit sans cuisines, ce qui a emmené chaque ménage à se bâtir une cuisine de fortune. Les murs des maisons construites sont sans chaînage, c'est-à-dire sans poteaux en béton pour cadrer et soutenir les murs, au point qu'elles sont déjà toutes fissurées. Elles présentent également des problèmes d'étanchéité quand il pleut, l'eau s'y infiltre et passe d'une pièce à une autre causant des désagréments. Il est courant que les populations se retrouvent dans l'eau pendant leur sommeil. Surtout, le nombre de pièces par maison a été réduit par rapport aux maisons démolies, dans le cadre du projet. Le nouveau campement a été organisé sans ménager une réserve foncière par famille autorisant la construction ultérieure d'extensions. De ce fait, les populations ne peuvent pas construire de nouveaux bâtiments et sont obligées de dormir à plusieurs dans les chambres comme le décrit le chef de Bonikro :

« Ils nous ont délocalisés ici, sans nous accorder un centimètre d'espace de plus. Conséquence, nous ne pouvons pas construire d'autres bâtiments. Nous sommes obligés de dormir à plusieurs dans chaque pièce. Nous n'avons plus d'intimité dans nos foyers ».

Au sujet des infrastructures, les maisons du campement de Bonikro bénéficient de l'adduction à l'eau potable et du branchement au réseau électrique. Par ailleurs l'éclairage public du nouveau village est en place. L'ancien site était lui doté d'une école de trois classes et trois logements d'instituteurs, d'une église, d'un foyer de jeunes. Sur le nouveau site, la mine a construit les mêmes choses à l'exception de l'école, qui y compte désormais six classes. Un dispensaire est également construit, mais il demeure à ce jour non fonctionnel puisque non équipé.

272

Avant la relocalisation, l'un des accords était que la société EQUIGOLD dédommage toutes les plantations. Cependant, elle a incité les populations à partir en leur assurant que les plantations seraient indemnisées progressivement. Toutefois, après trois ans, il s'est avéré que sur les 33 familles que comptait le campement, les terres de 09 familles n'ont pu être indemnisées par la société alors que les paysans ne peuvent plus les exploiter. Face à cette réalité, les populations ont posé le problème de l'accessibilité de leurs plantations, puisqu'elles sont désormais à environ 07 à 09 km du campement. Suite à cette demande, la société a mis à la disposition de la population un bus qui a assuré pendant une année leur transport, de Bonikro à leurs plantations. Puis après, cette première année, un véhicule loué en ville par la compagnie minière assure jusqu'à présent ce déplacement.

9.4.2 Les points de revendication des populations de Koutouklou- Konankro

Les principaux points de critique des populations portent sur le nombre de pièces et sur la reconstruction de toutes les maisons. Cette question du nombre de pièces a été la plus soulevée par les populations. Celles-ci ont constaté la différence dans le nombre de pièces entre la maison neuve et l'ancienne maison. Selon leur calcul, il manque en moyenne une pièce à chacune des maisons de compensation. Dans la logique des populations, l'entreprise minière devrait construire le même nombre de pièces recensés par maison sur l'ancien site. L'ensemble de la communauté a exigé que le PDR reproduise intégralement toutes les constructions telles que figurant sur l'inventaire photographique de 2012. Le chef de Konankro a insisté sur cela au point d'en faire un motif de blocage et de boycott des signatures en mai 2014. Suite à cette plainte des populations et dans un souci de transparence, un comité de suivi et d'évaluation des travaux de construction du nouveau campement, composé des jeunes dudit campement a été installé. Toutefois, la société minière explique les constats des populations par le fait que le relogement ne se fait pas par le remplacement d'une pièce par une autre pièce. Selon NEWCREST, l'attribution d'une maison se fait selon la valeur vénale de la maison détruite. Elle relève que le standard de relogement le plus proche admis par le ministère de la construction et de l'urbanisme est une maison urbaine valant dix fois la valeur vénale de la case initiale. Concernant les revendications sur la reconstruction intégrale de toutes les constructions de l'ancien site, NEWCREST, déclare qu'il y a eu une équivoque dans le message d'annonce des compensations. Les populations disent avoir entendu que la société reproduirait toutes les constructions. Ces incompréhensions ont persisté au point que ce comité démissionne. Malgré les échanges entre la mine et la population, des insatisfactions ont toujours subsisté au point que le déménagement sur le nouveau site prévu pour le 1er mai 2017 s'est effectué que pour une

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fraction des familles. Une partie de la population a aménagé avec le chef dans le nouveau quartier désormais urbain et l'autre partie est restée sur l'ancien site. Cette dernière était celle qui réclamait des mesures d'accompagnement pour le déplacement et se plaignait le plus des défauts de qualité des maisons qui leur étaient attribuées. Cependant, du fait de l'indifférence de NEWCREST face à leur requête, ces populations se sont résolues en août 2017 à rejoindre le nouveau campement de Bonikro.

9.5. LES RECOURS A LA VIOLENCE PAR LES DIFFERENTES PARTIES PRENANTES

Les différends qui opposent les communautés locales à la compagnie minière ont provoqués au fil du temps diverses manifestations de contestation. D'abord, les premiers mécontentements des populations étaient exprimés à la compagnie minière à travers des courriers. Les chefs de villages ou de communautés adressaient directement ou par le biais d'autorités administratives comme le sous-préfet, le maire, etc., des courriers aux autorités de la mine afin de leur exprimer leurs mécontentements ou leurs requêtes. Les réponses à ces courriers leurs étaient transmises par le même moyen ou faisaient l'objet de rencontres, quand cela le nécessitait. Puis au fil du temps, les populations ont trouvé qu'elles n'avaient pas de suites favorables à leurs demandes ou que la compagnie minière les évitait. Elles ont donc opté pour des mesures plus drastiques qui contraindraient la compagnie minière à considérer leurs plaintes. Ces mesures sont les blocages de routes et de travaux de la compagnie, le saccage des biens de l'industrie minière, les poursuites judiciaires, des menaces de mort à l'encontre du personnel minier etc.

La compagnie minière, pour faire face à ces différents agissements qui troublent ses activités, utilise également la force en recourant aux agents de l'ordre et de sécurité publique (police et gendarmerie). Ceux-ci interviennent pour libérer les routes entre carrières et usine, l'accès aux sites et ainsi, restaurer l'ordre.

Les personnes qui bloquent les accès à la mine et qui recourent à la violence sont souvent les jeunes en tant que porte-étendards de leurs communautés villageoise respectives et ayant en arrière-plan le soutien de leurs chefferies, ce sont principalement :

- les groupes communautaires impactés migrants allogènes et étrangers, et ;

- les groupes réclamant des bénéfices en investissements locaux d'infrastructure et de formation de ressources humaines pour leur village ou pour la ville.

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Ils sont soutenus par l'expression démocratique des libertés d'action officiellement instituées, tels que les avocats et les huissiers, les discours des organisations internationales sur le respect des populations, la presse locale d'opposition. Le tableau suivant fait l'inventaire des blocages communautaires entre août 2014 et décembre 2015 et de leur traitement. On observe ainsi que sur cette période, ce sont 30 mouvements de protestations qui ont été menés par les populations. Les raisons de ces blocages varient mais tournent généralement autour de la question des indemnisations. Pour les disperser, les autorités minières et administratives sollicitent les interventions répétées de la police, voire de la force armée. Cependant, elles ne sont pas la règle. Ces différends se soldent majoritairement par la médiation entre les communautés et la compagnie pour traiter des problèmes qui les opposent.

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Tableau 36 : récapitulatif des blocages communautaires en 2015

DATE DE
BLOCAGE

ZONE DE
BLOCAGE

PROTESTATAIRES

RAISONS DE BLOCAGE

DUREE ET LEVEE DU BLOCAGE

1

16-janv-15

Site de chapelle à Hiré

un groupe de jeunes de Bouakako

Demande d'emplois pour les jeunes

Une demi-journée, intervention de la police

2

19-janv-15

Site de chapelle à Hiré

un groupe de jeunes se réclamant des impactés

Allégation de destruction de parcelles non reconnues

Une demi-journée, intervention de la police

3

26-janv-15

Site de chapelle à Hiré

un groupe de jeunes se réclamant des impactés

Allégation de destruction de parcelles non reconnues

Une demi-journée, intervention de la police

4

27-janv-15

Site de chapelle à Hiré

un groupe de jeunes se réclamant des impactés

Demande d'emploi et non satisfaction des compensations

Une journée, négociation avec et représentants et NEWCREST

5

14 au 18 février

2015

Site de chapelle à Hiré

un groupe de jeunes se réclamant des impactés

Non satisfaction des compensations et paiement des hectares

5 jours et nuits, 17 février 2015, visite de NEWCREST au ministre des mines

6

19-févr-15

Camp du personnel à Hiré

un groupe de jeunes se réclamant des impactés

Non satisfaction des compensations et paiement des hectares

Réunion publique avec le préfet, la direction des Mines et les autorités

7

17-mars-15

Piste du camp du personnel à Hiré

Un plaignant

Allégation de non-paiement de compensation de 100°000 F CFA

Une demi-journée, reconnaissance d'avoir reçu le montant la semaine

8

24-mars-15

Route de chapelle à Hiré

Famille Anga

Non satisfaction des montants de paiement

Une journée, négociation avec les représentants et NEWCREST

9

27-mars-15

Route de chapelle à Hiré

un groupe de jeunes se réclamant des impactés

Non satisfaction des compensations, paiement des parcelles non retenues

Une journée, négociation avec les autorités

10

31-mai-15

Ligne électrique Akissi-so

Jeunesse de Gnankakro

Demande de compensation ou emploi à la mine

Une journée négociation avec les plaignants

11

04-juin-15

Route de convoyage

Famille Koffi

Demande de compensation d'une parcelle familiale

Une demi-soirée, reconnaissance de compensation à un membre de la famille

12

05-juin-15

Site d'Akissi-so

Un groupe de jeunes de Bouakako

Demande de la réalisation de la cérémonie de libation

Une journée, négociation avec les autorités

13

11-juin-15

Ligne électrique Akissi-so

Jeunesse de Gnankakro

Demande de compensation d'une parcelle ou emploi à la mine

Une journée, négociation avec les plaignants

14

29-juin-15

Site de construction du centre de santé de Hiré

Un groupe de jeunes

Protestation contre la construction d'un CSU dans une ville minière

Manifestation suspendue pour des échanges avec les parties

15

30-juin-15

Ligne électrique Akissi-so

Un plaignant

Allégation de non-paiement de compensation de parcelle

Une demi-journée, reconnaissance d'avoir perçu la compensation dans la semaine

16

03-juil-15

Tous les accès au site de Bonikro

La jeunesse de Konankro

Récusation de l'entreprise SUISSE construction par Konankro

Une journée, négociation avec les autorités

17

07-juil-15

Site d'Assondji-so

Un plaignant

Réclamation de la

compensation de sa parcelle

Une demi-journée, visite de constats avec levé de points GPS

18

08 au 11 août 2015

Tous les sites du projet de Hiré

La jeunesse de Bouakako

Tentative de contournement de la cérémonie de libation

4 jours et nuits, échec des négociations, intervention de la gendarmerie de Divo

19

01 septembre au 21 octobre 2015

Tous les sites du projet de Hiré

Une centaine de femmes âgées et de jeunes

Non satisfaction des compensations, emploi jeune et paiement des 772

52 jours et nuits, négociation avec le gouvernement et les plaignants

20

05-oct-15

Route de convoyage

La jeunesse de Gogobro

Emploi jeune, arrêt des travaux du TSF, réalisation des engagements

Une demi-journée, négociation sur le site de la gendarmerie

21

14 au 17 décembre

2015

Tous les sites du projet de Hiré

La jeunesse de Bouakako

Emploi des jeunes à la mine et prise en compte du livre Blanc de Bouakako

4 jours et nuits, échec de négociation, intervention de la police et gendarmerie

Source : nos enquêtes, 2016

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9.6. LA GESTION DES CONFLITS PAR LA NEGOCIATION

Les conflits fonciers liés à l'activité minière sont réglés soit par les organes traditionnels soit par les organes modernes. Les organes traditionnels de règlements de conflits concernent tout le système coutumier, à savoir la chefferie familiale et le tribunal villageois. Pour ce qui concerne les organes de règlement moderne de conflits, il comprend les autorités administratives locales, le tribunal moderne, le comité de gestion des doléances foncières et agraires, et le mécanisme de gestion des doléances communautaires de la compagnie NEWCREST.

9.6.1. L'arbitrage des organes coutumiers de règlement des conflits

Le règlement des conflits selon l'organisation coutumière est à trois échelles. Quand il s'agit d'un conflit au sein de la famille, le premier recours est le chef de famille. Celui-ci réunit toute la famille et avec elle, entend les belligérants et essaie de trouver un accord afin d'apaiser leur différend.

Lorsque la famille n'a pas pu régler le litige ou pour les litiges qui opposent des membres de plusieurs familles d'un même groupe ethnique, le règlement se fait par les sous-comités ethniques. La plupart des groupes ethniques présents à Hiré ont des sous-comités ethniques (Baoulé, Malinké, Burkinabè, etc.). Ces sous-comités ethniques fonctionnent comme des tribunaux coutumiers pour le règlement des conflits.

Les comités de chef de village interviennent, quant à eux, pour le règlement des conflits intercommunautaires ou inter-villages. Pour le canton Watta, il s'agit du comité des six chefs des six villages Watta (Bouakako, Douaville, Gogobro, Hiré, Kagbè, Zaroko).

9.6.1.1. Le Comité de Gestion Foncière Rurale (CGFR)

Créé par Arrêté préfectoral, le Comité de Gestion Foncière Rurale (CGFR) est présidé par le Sous-préfet et comprend douze (12) membres : six (6) chefs de service en rapport avec le foncier et six (6) représentants des communautés rurales des villages et des autorités coutumières désignées sur proposition des populations pour une durée de trois ans. Il est l'organe de Gestion foncière rurale et valide à cet effet les enquêtes officielles de constats des droits fonciers coutumiers après approbation des comités villageois et est obligatoirement informé de l'établissement des certificats fonciers et des actes de gestion.

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9.6.1.2. Le Comité Villageois de Gestion Foncière Rurale (CVGFR)

Le Comité Villageois de Gestion Foncière Rurale est créé par décision du Sous-préfet, sur proposition de dix (10) à vingt (20) membres des populations villageoises. Renouvelable tous les trois ans, il est l'organe de reconnaissance des droits du demandeur et chargé aussi d'aplanir les divergences survenues durant les enquêtes foncières. Enfin, il supervise l'enquête officielle, délivre l'attestation d'approbation de l'enquête et le constat d'existence continue et paisible des droits coutumiers. Cependant, le faible pourcentage des terres détenues avec les titres de propriétés légaux fait que les terres rurales sont presque entièrement gérées en marge de la loi officielle. La sous-préfecture de Hiré n'échappe à la sombre réalité de l'inapplicabilité de la loi foncière.

Cela créé des problèmes aux administrateurs et aux tribunaux pour résoudre les conflits de propriété de terres, car de nombreuses transactions ont été faites sans document ayant valeur juridique.

9.6.2. La gestion assurée par l'administration publique

Les organes modernes de règlement de conflits sont : les autorités administratives locales, la préfecture de Divo), le tribunal de justice (Divo, Abidjan), le comité de gestion des doléances foncières et agraires et le mécanisme de gestion des doléances de NEWCREST.

Les autorités administratives locales que sont la mairie et la sous-préfecture jouent un rôle capital dans le règlement des conflits entre les communautés locales et la compagnie minière. Elles interviennent régulièrement dans la recherche de solution aux tensions entre les parties notamment dans la gestion des réclamations sur la compensation des terres et cultures.

Pour le règlement des conflits entre les populations et la mine, le recours au tribunal (de Divo ou d'Abidjan) est récurrent. Parfois comme premier recours, parfois après avoir épuisé sans suite favorable les autres voies de recours. Les raisons principales pour lesquelles les populations ont recours au tribunal sont les cas de réclamation sur les modes de compensation de bien ou tout autre dommage résultant des activités de la compagnie minière. La compagnie minière a également recouru au tribunal de Divo pour une plainte contre le président de la MUDH pour avoir mené avec les jeunes de Gogobro des actions destructrices sur leurs installations en janvier 2017.

278

9.6.3. La gestion mise en place à l'initiative de la compagnie minière privée

Un comité de gestion de doléances agraires et foncières a été mis en place au niveau de la mine. La récurrence des conflits entre les communautés et la société minière a amené les autorités de la mine à prendre un certain nombre de disposition pour son règlement. Depuis le début de la phase d'exploitation de la fosse satellite de Hiré, la question des droits à l'indemnisation est source de conflits. Les réclamations et oppositions sur le paiement des indemnités perturbent le processus de compensation des cultures et des terres. C'est dans ce cadre que malgré l'existence de toutes les structures mentionnées plus haut, le préfet de région d'alors a proposé et obtenu la mise en place en Février 2015 du Comité de gestion des doléances agraires et foncières. Ce comité a été mis en place pour traiter les réclamations sur les compensations du projet minier de NEWCREST à Hiré. Il est composé comme suit :

- sous-préfet de Hiré, (président du comité);

- directeur régional de l'Industrie et des Mines de Divo (secrétaire du comité);

- directeur régional de la Construction et de l'Urbanisme (spécialiste foncière);

- directeur régional de l'Agriculture (membre et spécialiste agraire);

- 1er Adjoint au maire de Hiré (membre et représentant communal);

- chef de Hiré village (membre et représentant de la chefferie Watta);

- quatre représentants des impactés (propriétaires terriens et exploitants);

- trois représentants du département des affaires sociales de la compagnie minière et ;

- consultant de la compagnie minière chargée de l'expertise foncière et agraire.

Le comité siège une fois par semaine à la sous-préfecture pour traiter les réclamations sur les compensations du projet minier de Hiré et relayer aux parties prenantes (les propriétaires terriens et exploitants impactés) les informations sur l'évolution dans le traitement de leurs plaintes pour éviter tout blocage des travaux de la compagnie sur le terrain. Ce comité a traité à ce jour 944 réclamations sur un millier de doléances reçues.

9.6.4. Nouveaux protocoles et nouvelles promesses de la mine

9.6.4.1. Pour le village de Bouakako propriétaire du sol sur le site du gisement de Hiré

Pour apaiser les tensions dans le secteur de la mine de Hiré, la compagnie a décidé de prendre en compte toutes les nouvelles donnes de sa situation dans les rapports communautaires. Elle reconnaît la propriété foncière du village de Bouakako sur sa zone d'installation à Hiré Est. Elle prend aussi en compte toutes les nouvelles forces sociales configurées par ce village pour venir

279

en discussion, notamment la Cellule Stratégique de Défense et Protection des intérêts de Bouakako (CSDPIB). Elle a été créée à l'initiative des intellectuels, des cadres et des hommes politiques originaires du village, et constitue la faîtière de toutes les organisations communautaires de base des Dida de Bouakako. Elle se présente comme très critique des retombées déplorables de l'activité minière mais se montre coopérative avec la mine sur la base d'un protocole d'accord de permis d'exploiter contre obligation à investir dans le développement de la localité, signé le 3 juin 2016 à Bouakako. Le tableau 37 fait un récapitulatif des engagements issus du protocole d'accord NML-Bouakako.

280

Tableau 37 : récapitulatif des engagements issus du protocole d'accord NML-Bouakako

Points discutés

Engagements pris

1

Emplois jeunes

Renforcement des capacités des jeunes de Hiré par la formation à différents métiers afin de leur donner des qualifications.

2

Activités

agropastorales

NEWCREST s'engage à financer entièrement et hors CDLM des projets agricoles porteurs et viables sur les terres.

Bouakako prendra l'initiative de proposer des projets agricoles viables sur ses propres terres en vue de leur financement par la mine.

3

Constructions d'infrastructures

Lotissement du

village

Bouakako soumettra une requête de projet de lotissement dont la faisabilité sera évaluée par la mine.

NEWCREST ne prendra de décision finale qu'au regard du projet final soumis par Bouakako

Construction de 9

logements d'enseignants

NEWCREST ne peut satisfaire entièrement à la requête de 9 logements d'enseignant. En revanche, elle s'engage à construire quelques logements dont le nombre sera communiqué après une évaluation financière

Dotation en aire de jeux

Bouakako proposera un espace propice pour la réalisation de l'aire de jeux à l'appréciation des deux parties.

NEWCREST réalisera l'aire de jeu à la seule condition que l'espace désigné par le village y soit propice.

Reprofilage des

deux (02) voies
d'accès du village

NEWCREST assurera le reprofilage deux fois par an de la voie principale qui mène à Bouakako à partir de la voie nationale (Divo - Hiré), avec des rigoles pour l'écoulement des eaux de pluie.

4

Étapes vers la

reprise de

l'Exploration à

Miré Est

Barème de

compensation des

cultures

NEWCREST et Bouakako solliciteront concurremment par écrit l'avis formel des ministères concernés (agriculture et eaux et forêts) pour requérir respectivement arbitrage et clarification.

Plaintes résiduelles

sur la compensation de Hiré

Bouakako transmettra à NEWCREST une liste exhaustive des cas de contestations non encore satisfaites dans le cadre des compensations. NEWCREST fournira à Bouakako, un tableau du statut de chacun des cas

Récusation du

Cabinet Djessan

Pour les évaluations et compensations agraires, NEWCREST désignera un nouveau géomètre responsable des travaux, en collaboration avec les agents du ministère de l'agriculture.

Comité de suivi

Un comité conjoint composé des représentants de la communauté et des membres de l'équipe d'exploration de NEWCREST sera désigné pour le suivi des travaux relatifs aux compensations à Hiré-Est.

Traitement des

réclamations

communautaires à
Hiré Est

A la demande écrite de Bouakako, NEWCREST s'engage à saisir le préfet et le sous-préfet pour que la chefferie de Bouakako puisse arbitrer et trancher les réclamations ou arbitrage éventuels sur les terres de Hiré-Est

Fiche d'inventaire

des impactés

NEWCREST délivrera les fiches de comptage de cultures à tous les impactés avant la phase de paiement.

Emplois spéciaux

Création de 30 positions permanentes d'emplois non qualifiés chez NEWCREST et 5 autres postes auprès des sous-traitants au profit de Bouakako et Gogobro, et priorisation des emplois aux propriétaires de terre

Travaux

d'exploration à Hiré

Démarrage des travaux préliminaires de l'exploration le 7 Juin 2016 par l'inventaire des cultures

5

Voie de déviation communautaire

Chapelle/ Akissi-so

NEWCREST envisagera des mesures d'atténuation d'impact au profit des communautés impactées par la modification de la voie d'accès aux plantations (traitement des points d'eau, aménagement de la voie, etc.)

Source : NEWCREST, 2016

281

9.6.4.2. Pour les propriétaires du sol du village de Gogobro

Le village de Gogobro n'a pas du tout été content de l'ignorance faite par les différentes sociétés minières (EQUIGOLD LDL puis NEWCREST) de son statut de propriétaire du territoire de la mine de Bonikro. Il a observé plusieurs points de non prise en compte par les compagnies en conséquence de cette ignorance coupable. Les cadres de ce village ont dénoncé l'exploitation sans limite de leur terre et décrié la présence de la mine tout en l'acceptant de peur des représailles du gouvernement central d'Abidjan. Les blocages répétés par leurs jeunes leur ont permis d'obtenir raison et d'amener la mine à la discussion et à un protocole d'accord. Ce protocole signé le 9 mai 2017 (tableau 38), impose à la société de régler le passif envers le village depuis la création de la mine et d'entreprendre des actions de développement.

Tableau 38 : protocole d'accord NEWCREST-Gogobro

Points discutés

Engagements pris

1

2

Emplois spéciaux

Création de 30 positions permanentes d'emplois non qualifiés au sein
de NEWCREST et 5 autres postes auprès de ses sous-traitants au
profit de Bouakako et Gogobro

Adduction en eau dans les ménages

NEWCREST s'engage à réparer ou remplacer la pompe du forage
actuel qui alimente le village de Gogobro pour améliorer le
remplissage du château d'eau du village.

3

Extension du lotissement
du village

NEWCREST s'engage à étendre le lotissement du village de
Gogobro. Le nouveau lotissement portera sur 300 lots.

Mettre en place un comité technique pour le projet qui sera composé
de NEWCREST, Gogobro et le cabinet Djessan

4

Autres infrastructures et
équipements

NEWCREST s'engage à fournir une bâche (8 m x 6 m) et 200 chaises à la communauté de Gogobro

NEWCREST s'engage à fournir une broyeuse aux femmes de la
communauté de Gogobro

NEWCREST s'engage à faire le reprofilage deux (2) fois par an de
l'axe Hiré - Gogobro - Douaville

Évaluation et réhabilitation des quatre (4) bâtiments de l'école
primaire au standard du bâtiment construit par LGL Mines en 2010.

Source : NEWCREST, 2017

282

9.6.4.3. Nouveau protocole et nouvelles promesses de la mine pour la communauté de Hiré

Le 3 octobre 2017, la communauté de Hiré a signé un protocole d'accord avec la compagnie dans lequel celle-ci s'engage à :

- la construction de six (6) bornes fontaines dans les zones d'influences du projet ; - la réhabilitation d'un bâtiment au sein de l'école primaire publique d'Akissi-so ; - le reprofilage de dix (10) kilomètres de voies à Hiré, priorisant les routes d'Akissi-so; - et l'électrification de 600 à 1000 mètres dans la zone du projet d'expansion.

Ces protocoles montrent l'entente autour des projets dont l'objectif est d'améliorer les conditions de vie et de revenus des populations locales et sont en cela l'expression des besoins de ces populations. Ces projets dont la durée de vie se prolonge dans le temps montrent l'apprentissage et le degré de maturité finale de la population dans la formulation de ces besoins au fur et à mesure des échanges avec la compagnie minière.

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