CHAPITRE 2 : TRANSITION NUTRITIONNELLE ET SES
DÉTERMINANTS
2.1. Transition nutritionnelle
En contexte migratoire, la transition nutritionnelle renvoie
au passage d'une alimentation traditionnelle vers une alimentation plus
occidentalisée caractérisée par la consommation d'aliments
ultra-transformés, riches en glucides, en matières grasses, en
protéines et en sel (Sanou & al., 2014; Batal & al., 2018; Lane
& Vatanparast, 2023). Elle fait ainsi référence à une
série de changements opérés par les nouveaux arrivants, en
particulier les non européens, dans la plupart des dimensions de leurs
pratiques alimentaires et culinaires, à mesure que la durée de
séjour au Québec se prolonge (Girard & Sercia, 2014). Divers
travaux soutiennent que le fardeau des maladies chroniques liées
à l'acculturation alimentaire, dont les maladies cardiovasculaires,
augmente généralement chez les immigrants après
l'établissement au Canada (Blanchet & al., 2018 ; Sanou & al.,
2014). En effet, Sanou et al. (2014) suggèrent qu'il existe des
associations positives entre le niveau d'acculturation alimentaire des
immigrants et les facteurs de risque de maladies chroniques. L'acculturation
alimentaire fait référence au processus par lequel les immigrants
adoptent des nouvelles pratiques alimentaires à la suite de contacts
culturels avec le pays d'accueil (Blanchet & al., 2018). Stone (2017)
mentionne par ailleurs que l'acculturation alimentaire est non seulement un
processus inévitable, mais aussi et surtout essentiel. Toutefois, elle
pose des défis sur le plan de la santé lorsque les immigrants
intègrent dans leurs régimes traditionnels des aliments
occidentaux ultra-transformés ou des aliments prêts à
consommer ou encore des repas rapides (Stone, 2017). Bien que la transition
nutritionnelle puisse accroître le risque de développer des
maladies chroniques, elle semble toutefois représenter un facteur
protecteur contre certaines carences nutritionnelles, comme les carences en fer
ou en calcium (Sanou & al., 2014). Sanou et al. (2014) mentionnent par
ailleurs l'existence des lacunes importantes liées aux données
canadiennes relatives à la santé nutritionnelle des immigrants,
aux modifications alimentaires en contexte migratoire, ainsi qu'aux facteurs
influençant l'acculturation alimentaire et les transitions
nutritionnelles. Ces lacunes limitent le développement de pratiques,
d'interventions et de politiques appropriées en matière de
prévention et de promotion de la santé pouvant aider à
atténuer le fardeau des maladies liées à la transition
nutritionnelle (Sanou & al., 2014).
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En dépit de ces lacunes, certaines études
permettent de mettre en évidence l'existence de divers facteurs
socio-économiques, psychosociaux, comportementaux et environnementaux
associés aux transitions nutritionnelles (Blanchet & al., 2018 ;
Sercia & al., 2018 ; Sanou & al., 2014; Lane & Vatanparast, 2023).
Ces différents déterminants de la transition nutritionnelle
agissent soit isolément, soit en association pour induire des
transitions nutritionnelles malsaines chez les personnes immigrantes.
2.2. Déterminants de la transition
nutritionnelle
2.2.1. Facteurs socio-économiques
Le statut socio-économique (SSE) contribue
significativement aux transitions nutritionnelles et sanitaires chez les
populations migrantes (Sanou & al., 2014 ; Stone, 2017). Des données
suggèrent qu'un faible niveau d'instruction, un faible niveau de revenu,
ainsi qu'un statut d'emploi précaire sont associés à un
risque accru de transition nutritionnelle (Blanchet & al., 2018 ; Stone,
2017 ; Sanou & al., 2014 ; Girard & Sercia, 2014).
2.2.1.1. Niveau de scolarité des immigrants
Les personnes immigrantes présentent un niveau de
scolarité plus élevé que celui des personnes nées
au Québec (Posca, 2016 ; Levert & Fakhoury, 2021). Contrairement au
niveau de revenu, les données indiquent très peu de
disparités en matière d'instruction entre les femmes et les
hommes immigrants (Posca, 2016). Par ailleurs, les femmes immigrantes
présentent des niveaux de scolarité plus élevés que
ceux des femmes natives de la province de Québec (Posca, 2016).
L'augmentation des seuils d'immigration économique au Canada et au
Québec a contribué à faire progresser les niveaux de
scolarité des populations migrantes (Posca, 2016). En effet, le
Québec reçoit un nombre relativement important d'immigrants dans
les catégories économiques, notamment les futurs travailleurs,
les entrepreneurs ou les investisseurs (Posca, 2016). Les personnes immigrantes
appartenant à ces catégories économiques présentent
généralement un niveau de scolarité élevé,
comparativement à la population native, et la grande majorité
d'entre elles maîtrisent également le français (Posca,
2016). En 2015, ces immigrants économiques provenaient pour la plupart
des régions non occidentales, ce qui n'était pas
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le cas vers la fin du 20e siècle où
près de 48,1% de la population migrante québécoise
provenait des pays européens (Posca, 2016).
En dépit des niveaux de scolarité
élevés des populations migrantes du Québec, le taux de
chômage chez les immigrants en 2019-2020 était plus
élevé que celui de la population née au Canada pour tous
les niveaux de scolarité (Levert & Fakhoury, 2021). Les personnes
immigrantes bien que généralement instruites sont toutefois
confrontées à des défis de surqualification
professionnelle ainsi qu'à des emplois précaires ou peu
rémunérés (Posca, 2016). Ces défis conduisent
à des contraintes financières et de temps pouvant entraîner
des transitions nutritionnelles malsaines (Sanou & al., 2014; Girard &
Sercia, 2014; Blanchet & al., 2018 ; Stone, 2017).
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