7-2-3- La théorie du Don/contre-don
La théorie du don/contre-don a fait l'objet de
plusieurs travaux dont les premières analyses en sciences sociales
furent ceux de Mauss (1924). Il appréhendait ainsi le don/contre-don
comme une forme de contrat social inscrit dans une logique économique et
basé sur la réciprocité pour appartenir à une
société.
Dans une étude comparative sur l'organisation des
sociétés mélanésiennes, il découvre le
don/contre-don comme un contrat fondateur des liens sociaux : « une
prestation obligeant mutuellement donneur et receveur et qui de fait les unis
dans une forme de contrat social » (Mauss, 1924 : 21). Pour
Mauss, le don/contre-don est une forme de partenariat qui regroupe
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en interaction et de manière durable des individus
autour de trois objectifs (donner, recevoir et rendre). Il s'agit donc
d'échanges réciproques et surtout symboliques autour de biens et
de services et qui de fait renforcent la cohésion du groupe.
Polanyi (2007) quant à lui met en exergue la
réciprocité comme véritable fondement de
l'économie. Il considère que les relations sociales sont
préexistantes aux relations économiques : l'action
économique est de ce fait encastrée au sein des réseaux de
relations qui placent en contact les individus les uns avec les autres. En
effet, une logique économique n'est pas seulement basée sur
l'utilitarisme, elle peut se fonder aussi sur la réciprocité. En
somme, pour Polanyi, le don/contre-don met en exergue le rapport des pouvoirs
et des désirs. Lesquels en constituent d'ailleurs une première
contrepartie : le donneur est plus fort par le don qu'il a fait, à la
fois sur le plan social et affectif.
Caillé (2007) pour sa part dans son analyse montre que
le don/contre-don permet d'appartenir à une société. Il
différencie le don/contre-don dans la sociabilité primaire (les
relations avec les parents, amis, voisins) et dans la sociabilité
secondaire (l'équilibre entre les différentes sphères
sociales). On peut alors considérer que les liens sociaux dans les
sociétés contemporaines sont en fait moins basés sur
l'utilitarisme (satisfaction des besoins matériels) que sur le don,
lequel permet d'exister et d'appartenir à un monde. Il définit le
don/contre-don comme : toute action ou prestation effectuée sans
attente, garantie ou certitude de retour, et comportant de ce seul fait une
dimension de gratuité. Selon Alter (2010), le contre don est en
même temps libre et obligatoire : libre parce que ce n'est pas une
obligation contractuelle, et obligatoire parce qu'il y a une incitation sociale
à rendre le don à d'autres dans un système qui favorise
les échanges réciproques. En effet, si les uns et les autres
acceptent de continuer à coopérer malgré tout dans les
organisations, c'est parce qu'ils participent à une oeuvre commune et
qu'ils souhaitent y contribuer. L'idée selon laquelle le cycle du
don/contre-don engage un endettement mutuel explique bien la coopération
qui existe entre la contrainte et le contrat. Ainsi, le donneur à de la
valeur dans le fait de savoir donner et le receveur a le privilège de
savoir recevoir et le devoir de savoir rendre également à son
tour.
Dans le cadre du présent travail de recherche, la
théorie du don/contre-don a permis d'étudier les modes
d'organisation du système tontinier à Yaoundé à
partir du cas des associations EMERCOM et ADJAS. De plus à partir des
interviews de terrains auprès des associations cibles, elle a permis
d'analyser les différents mécanismes d'accès au
crédit mis sur pied dans ces associations.
La mobilisation de ces trois théories a donc permis
à terme d'identifier non seulement la nature des différents
services financiers et techniques initiés au sein de ces deux
associations.
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Mais également, de cerner l'influence de la pratique
tontinière dans les activités entrepreneuriales des membres. Ce
qui à aider par la suite à dégager le rapport qui existe
entre le système tontinier et l'entrepreneuriat pastoral à
Yaoundé. C'est dans cette perspective que cette réflexion a
été inscrite.
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