1-6- Le système tontinier : un outil de financement
limité
Pour une part de nos répondants, le système
tontinier s'avère un cercle de financement limité dans le sens
où les montants octroyés aux membres peuvent parfois
s'avérer insuffisant pour financer des activités
entrepreneuriales nécessitant de grands moyens financiers. Creusot
(1999) souligne à cet effet que le principal point faible de ces
associations est la limite dans les fonds mobilisés. Autrement dit, les
fonds levés ne permettent pas toujours de financer des activités
économiques importantes nécessitant des montants un peu plus
élevés.
Une jeune entrepreneure fait comprendre à ce sujet que
:
Les tontines on ne peut pas dire que ça n'aide pas.
C'est vrai ça aide à son niveau, mais pour nous qui avons les
grandes entreprises quand tu as par exemple une ferme de 400 à 600
poules et que quand tu prêtes on te donne peut-être 20milles ce
n'est pas suffisant pour payer la nourriture et les médicaments des
poulets. Donc on est obligé mon mari et moi de demander ailleurs pour
compléter parce que quand tu investi dans un grand truc il te faut aussi
beaucoup de moyen pour vous en sortir et parfois tu peux être
coincé financièrement (entretien du 01fevrier 2022 avec
Bescherelle d'EMERCOM à Ayene).
Il ressort ainsi des propos de cette enquêtée que
malgré la forte solidarité financière dont font preuve le
système des tontines, ceux-ci restent parfois limité. Cette
insuffisance est généralement liée au manque de ressources
économiques nécessaires pour financer les activités
entrepreneuriales de grandes tailles. Un autre dira à ce sujet que :
Non nous sommes limités parce que vu la situation
tu ne peux pas chercher à aller très loin. Parce que si on avait
peut-être les appuis financiers les ONG, là on pouvait bien s'en
sortir. Mais à partir du moment que tu n'as pas trop de moyens tu ne
dois pas risquer parce qu'avoir beaucoup
106
d'animaux tu vas perdre on joue avec les moyens de bord
que la tontine nous donne (entretien du 16février avec Rodrigue
d'ADJAS à la montée
Irad)
Ainsi présentées, les différentes
représentions que se font les jeunes entrepreneurs pastoraux sur le
système tontiniers sont déterminées par leurs conditions
de vie, le contexte économique et les différents services offerts
par leurs associations de crédits. L'analyse de ces
représentations permet de comprendre que ces systèmes de
crédit se présente comme une opportunité voire une
solution pour eux. À travers les nombreux services financiers
proposés, cette forme de financement informel permet de faire face
à l'épineux problème de financement de l'entrepreneuriat
dans un environnement où l'accès aux ressources
économiques n'est pas une chose aisée pour tous. De plus, ces
différentes perceptions permettent de comprendre que la tontine occupe
une place de premier rang dans l'accès aux ressources financières
et dans le financement de leur activité entrepreneuriale. Non seulement
l'association constitue leur point d'appuis, pour gérer leur
activité, mais également elle représente leur caisse de
secours en cas de difficulté majeure.
Dans la section suivante, il est maintenant question
d'évaluer les effets du système tontinier dans la dynamique
entrepreneuriale de ces jeunes éleveurs. La mobilisation de la
théorie des réseaux permettra de mieux apprécier
l'influence du réseau tontinier sur la propension à entreprendre
des jeunes individus.
2- ÉVALUATION DE LA CONTRIBUTION DU SYSTÈME
TONTINIER DANS LA PROMOTION DE L'ENTREPRENEURIAT PASTORAL À
YAOUNDÉ
L'évaluation concerne la démarche, la
méthode et le système de preuve. Elle porte également sur
la pertinence sociale du sujet ou du thème proposé et la
performance sociale des éclairages fournis. Dans les sciences sociales,
l'évaluation est fondée sur la description et
l'interprétation des données de terrain (Gaudin et Livet, 2008).
Selon l'OCDE (2010), l'évaluation est une opération qui consiste
à porter une appréciation systématique et objective sur
une étude ou un projet, en prenant en compte les différents
points de vue qui émanent des acteurs ou des experts du
phénomène étudié. Elle permet de faire une
synthèse des résultats pour produire une appréciation
globale du phénomène ou de la réalité
étudiée.
L'évaluation va servir de ce fait d'examiner,
d'apprécier, de tirer des synthèses et des conclusions globales
du phénomène étudié. Elle permettra à terme
de mieux comprendre les effets ou influences des associations EMERCOM et ADJAS
dans la dynamique
107
entrepreneuriale des jeunes entrepreneurs pastoraux qui y
recourent dans la ville de Yaoundé. De même, à travers des
indicateurs tels que : l'efficacité, la pertinence et la
durabilité, elle permettra de saisir le rapport qui existe entre le
système tontinier et l'entrepreneuriat pastoral.
2-1- Évaluation de la contribution des
associations EMERCOM et ADJAS dans le développement de l'entrepreneuriat
pastoral
Après avoir analysé les représentations
que se font les jeunes entrepreneurs autour des associations rotatives
d'épargne et de crédit, il est maintenant question de faire une
évaluation de la contribution du système tontinier dans les
activités économiques des membres à partir des
résultats de terrains. Il est important de préciser que le
système tontinier constitue un réseau de solidarité
professionnel, ethnique ou amical et donc la variable « tontine »
est une partie ou un moment de l'association. C'est donc cette variable
tontine qui nous permet de mieux mesurer l'effet de ces regroupements
associatifs dans la dynamique entrepreneuriale.
La théorie des réseaux issue notamment des
travaux de Burt et Granovetter permet de souligner le rôle des
réseaux sociaux dans la détection des opportunités
entrepreneuriales et dans l'évaluation de l'influence du groupe dans la
dynamique entrepreneuriale. Le champ de l'entrepreneuriat fait l'objet de
nombreux Tavaux qui insistent sur le rôle des réseaux dans le
processus entrepreneurial (Hoang & Antonic, 2003). L'entrée de
l'entrepreneur dans les réseaux sociaux influence son accès aux
ressources et aux opportunités, c'est ce que Lin (2001) appelle le
capital social de l'entrepreneur. En effet, les contraintes d'accès aux
ressources financières expliquent largement la décision
d'adhérer à un réseau de financement informel.
L'adhésion au réseau favorise ainsi l'accès aux ressources
à la fois financières, matérielles et relationnelles.
Évaluer la contribution du système tontinier
dans les activités des entrepreneurs bénéficiaires revient
à présenter l'influence du réseau associatif dans la
dynamique entrepreneuriale des bénéficiaires. Cette influence est
fonction de la nature des capitaux mobilisés par ces éleveurs
dans leur entreprise.
Il faut dire que la participation aux réseaux de
financements informels, à l'instar du système tontinier a
influencé positivement sur les motivations à entreprendre des
membres des associations EMERCOM et ADJAS. En effet, au cours des
enquêtes de terrains, la majorité de nos répondants nous
ont confié que c'est la recherche de gains financiers pour entreprendre
ou gérer une activité qui a le plus influencé leur
adhésion à l'association. De par le système financier
formel peu propice aux couches sociales à faibles revenus, et à
travers le faible niveau d'employabilité au niveau de l'Etat, ces jeunes
entrepreneurs étaient surtout motivés par le désir
d'exercer un métier. Au-delà d'exercer un métier il
était aussi surtout question pour eux de
108
quitter de la situation de sans emploi, de contribuer aux
charges familiales dans le foyer pour les femmes, de combler les insuffisances
d'une vie professionnelle pour les hommes et de participer à leur
développement personnel.
À travers les services financiers offerts par les
associations EMERCOM et ADJAS à savoir : l'épargne, l'emprunt et
les cotisations mensuelles, ces éleveurs ont pu avoir des ressources
financières pour gérer leurs activités ou financer le
démarrage de leurs entreprises. À la question de savoir si les
aides obtenus de l'association par les jeunes éleveurs ont
contribué aux l'objectifs désirés la majorité de
ces éleveurs ont répondu positivement quant à l'atteinte
des objectifs. Un éleveur de l'association ADJAS nous avoue que :
Cette tontine m'a vraiment aidé dans le
développement de mon élevage depuis le départ parce que,
c'est grâce à cela que j'ai pu lancer mon élevage j'ai
commencé par deux petits porcelets et aujourd'hui voilà que j'ai
en moyenne une vingtaine de bêtes donc son importance est vraiment
considérable » (entretien du 20 janvier 2022 à
Abobo).
Lors de l'enquête de terrain avec cet
enquêté, il a offert la possibilité d'apprécier par
nous même les effets des différentes aides de l'association sur la
performance de son activité entrepreneuriale. Au regard de l'observation
menée, force est de constater que cette aide lui a non seulement permis
d'agrandir son activité considérablement, mais également
de s'outiller techniquement et matériellement.
Image 2 : Photo prise à Oyom-Abang au
lieu-dit « quartier Abobo » lors de nos entretiens de
terrain
Source : enquête de terrain
du 20 janvier 2022
109
Ces aides offertes par l'association ne permettent pas
toujours dans tous les cas à atteindre les objectifs escomptés.
Un éleveur de l'association ADJAS nous confie à ce sujet que :
« je ne peux pas dire oui parce que ce n'est pas encore ça ce
n'est pas encore l'objectif désiré même. J'ai envie
d'agrandir encore mon site, et augmenter le nombre de porcs comme les moyens
sont encore limité pour le moment on fait d'abord avec ce qu'il y'a
» (entretien du 05janvier avec Jordao à Etetak). Les propos de
cet enquêté témoignent le caractère parfois
limité des systèmes tontiniers en termes de ressources
financières pour satisfaire tout le monde de manière continue. Ce
manque est dû au fait que les cotisations provenant essentiellement des
membres ne sont parfois pas assez élevées pour prêter des
montants colossaux à tout le monde.
Concernant l'usage des fonds empruntés dans la tontine,
les membres de l'association ADJAS procèdent à des descentes de
terrains afin de se rassurer que l'argent emprunté par un membre a
effectivement été mis au profit de son activité. En effet,
la mise sur pied de cette stratégie de suivi par l'association a
été faite dans l'optique d'encourager l'évolution des
activités des membres, mais surtout d'éviter l'utilisation des
gains à des fins inutiles. Étant donné que l'association
et essentiellement constituée d'éleveurs, « il est
impératifs pour nous nous, de faire cette vérification pour avoir
la certitude que tout le monde puisse évoluer dans son affaire. Et
surtout que l'association continue à aider et à s'agrandir
» dit le président de l'association.
Dans l'association EMERCOM par contre, tout est davantage
basé sur la confiance et sur la responsabilité des membres.
Contrairement à l'association ADJAS, les membres du bureau ne
procèdent pas à une descente sur le terrain, tout est régi
sur la responsabilité des membres dans la gestion de leur entreprise. La
confiance réciproque est de mise dans cette association, les descentes
de terrains concernent beaucoup plus l'aide psychotechnique en ce sens
où, lorsqu'un éleveur rencontre une difficulté majeure
dans son activité, il fait appel à un ami de l'association qui
s'y connait mieux pour lui apporter une aide technique. En effet, les
résultats de terrain ont révélé que la nature des
aides au sein de ces deux associations va au-delà de la valeur
financière. Grâce à leur forte solidarité, ces
entrepreneurs bénéficient d'un apport supplémentaire dans
le développement de leur activité pastorale, il s'agit d'un
accompagnement en termes de conseils et de formations. Cette aide non
financière leurs ont ainsi permis d'acquérir des connaissances
utiles pour davantage améliorer la performance de leur entreprise en
termes de rendement.
Au niveau des indicateurs de performances, lorsque nous
évaluons la question de la performance en lien avec la croissance de
l'activité de ces entrepreneurs, les résultats de terrain ont
permis de constater un effet positif. En effet, l'accès à une
source de financement informel
110
a eu un effet positif sur la survie, la croissance et la
productivité des entreprises de ces petits et moyens entrepreneurs
pastoraux des associations EMERCOM et ADJAS. Ces éleveurs qui avaient
des restrictions d'accès à des sources bancaires formelles ce
sont vus avoir des facilités grâce à leur association.
Grâce aux différentes aides financières
ils ont pu accroitre la production de leurs entreprises. Un entrepreneur
déclare à propos :
Ça a eu importance assez considérable parce
que, je suis parti de 40 poulets à aujourd'hui 200 poulets. J'ai agrandi
ma superficie d'élevage j'ai agrandi, ma production aujourd'hui mon
espace d'élevage s'est agrandi et maintenant je lance les poulets
régulièrement chaque mois, vraiment sa m'a été
largement bénéfique (propos recueillis le 11 janvier 2022
avec Jean-Daniel d'EMERCOM à Nkolbisson).
Une visite guidée en compagnie d'un de ces
entrepreneurs dans son poulailler nous a permis de confirmer notre 3ème
hypothèse de recherche qui portait sur les effets du système
tontinier dans la dynamique entrepreneuriale.
Image 3 : Photo prise à Nkolbisson au
lieu-dit « derrière école publique » lors de
notre visite de terrain
Source : enquête de terrain du 11
janvier 2022
Il faut dire que la particularité de ces associations
repose sur leurs solidarités dans l'accord des crédits. En effet,
il y'a la possibilité de cumuler deux prêts simultanément
dans le cas où aucun autre membre ne sollicite un prêt. De plus,
lorsqu'un membre fait face à un imprévu et qu'il n'est pas
totalement à jour dans ses cotisations, il peut toujours passer par
111
derrière et obtenir la clémence des membres du
bureau pour l'obtention d'un prêt depuis la caisse de secours et
rembourser plus tard. Toutes ces différentes stratégies d'aides
montrent ainsi de la forte solidarité financière et le sentiment
d'entraide qui prime au sein de ces associations. Comme l'explique la
trésorière d'EMERCOM, lorsqu'un individu va à la
réunion et soumet son problème, avant de rentrer il a
déjà la réponse à son problème.
Ces associations sont dès lors d'un apport
considérable dans la gestion des activités de jeunes
entrepreneurs des associations EMERCOM et ADJAS de par leurs
particularités. L'évaluation de l'apport du système
tontinier dans les activités entrepreneuriales de ces entrepreneurs
permet de constater les effets positifs de ces associations dans les
activités des membres. De nombreux enquêtés ont
répondu favorables quant à l'apport de l'association dans leur
entreprise pastorale. Comme le souligne un répondant :
La tontine c'est la matière première, je dis
bien c'est la matière première parce qu'il y'a les moments
où je suis vraiment bloqué je n'ai rien et je compte à
100% sur ma tontine pour lancer les choses et rembourser doucement doucement.
Donc la tontine on ne peut pas dire que c'est une mauvaise chose, c'est une
matière première, ça a permis d'accroître
l'entreprise ça avance un peu un peu et dans le bon système par
la grâce de Dieu (entretien du 20 janvier 2022 avec Gérard
à Abobo).
Néanmoins, certains membres de ces associations ne sont
pas véritablement satisfaits car, en demande toujours plus de leur
tontine pour davantage augmenter leurs ressources et accroître leur
activité entrepreneuriale.
De plus, l'évaluation des données de terrains
montre que les mesures d'accompagnement initiées par ces associations
ont une influence qui ne se limite pas seulement sur leur dynamique
entrepreneuriale mais également dans leur vie sociale. Les
différents témoignages de nos répondants ont permis de
constater un effet positif de ces différentes mesures d'accompagnement
sur d'autres aspects de leur vie que celle économique. À cet
effet, un enquêté nous confie avoir acheté un terrain
grâce aux bénéfices cumulés de ses
différentes ventes de porcs : « je peux dire que ça m'a
poussé même à faire beaucoup de choses. Donc à
partir de l'élevage en fin d'année j'ai eu un peut l'argent,
jusqu'à peut-être je me suis fait acheter un terrain donc c'est
déjà beaucoup moi je vois ça déjà beaucoup
» (entretien du 04 février 2022 avec olivier d'ADJAS à
Vietnam). Un autre répondant explique que grâce à l'aide
financière et physique de l'association, il a pu se marier et
fondé une famille « moi je n'étais pas marié je
n'avais pas encore des enfants. Mais aujourd'hui, grâce au soutien
financier et même physique de ma tontine, j'ai réussi à
réaliser mon mariage donc, je suis là et sa m'accompagne sur tous
les plans » (entretien du 30décembre 2021 avec Loïc
d'EMERCOM à la chapelle Oyom-abang).
112
En outre, il ressort que les contributions des associations
EMERCOM et ADJAS ont eu un effet positif dans la performance des
activités pastorales de ses membres. Allant principalement du capital
financier (prêt, épargne, cotisation mensuelle) au capital social
(conseil, formation, écoute...), la majorité des éleveurs
de ces associations témoignent leurs sentiments de gratitude envers le
groupe pour l'aide apportée dans le développement de leur
activité. À travers leurs souplesses et les nombreux services
financiers mis à la disposition des membres, nombreux sont ceux qui ont
pu accroitre leur entreprise, résister à la faillite ou encore
financer le démarrage de leur activité d'élevage. Au
regard de l'analyse des différentes perceptions recueillies
auprès des entrepreneurs pastoraux de ces deux associations et de
l'évaluation des mécanismes d'aides, il ressort que le
système tontinier est un outil de financement pour de nombreux jeunes
entrepreneurs. Pour ces individus exerçant leurs activités
à petites, et moyennes échelles dans une dynamique informelle,
chacun y trouve son compte. Même si pour certains l'aide est parfois
insuffisante pour assurer une gestion totale de leur activité
d'élevage, pour d'autres elle constitue la matière
première dans le financement de leur activité pastorale au
quotidien. Nombreux sont ceux qui ont avoué vivre grâce au
financement de leur association au quotidien :
Si nous vivons c'est grâce aux tontines donc
vraiment les tontines ont un rôle très important. Parce que
grâce à la solidarité, grâce aux échanges
grâce au partage, nous les éleveurs particulièrement ceux
de mon domaine, nous bénéficions de sagesse de beaucoup
d'intelligence, de beaucoup d'expérience qui nous permettent de booster
notre activité (entretien du 07 fevrier avec Pierre d'ADJAS
à Eloumdem).
L'objectif de cette évaluation était
d'apprécier d'une part les effets du système tontinier dans la
pratique de l'entrepreneuriat jeune à partir du cas des associations
EMERCOM et ADJAS. En effet, sur la base de nombreux indicateurs de mesure de la
performance entrepreneuriale tels que : la productivité de
l'activité, le taux de croissance de l'entreprise, l'augmentation du
capital des entrepreneurs, les résultats montrent que les
mécanismes de financement initiés par ces deux associations
influencent positivement la dynamique entrepreneuriale des
bénéficiaires. De plus, ces réseaux tontiniers ont un
effet positif sur la croissance des activités de ces entrepreneurs,
notamment sur la production et la croissance de l'entreprise. D'autre part,
l'évaluation des différentes mesures d'accompagnements
initiées par ces associations avait pour but de dégager la nature
du rapport qui existe entre le système tontinier et la pratique de
l'entrepreneuriat pastoral jeune. De l'évaluation faite nous aboutissons
à la conclusion selon laquelle le système tontinier est un levier
de financement pour de nombreux jeunes entrepreneurs. À travers la
mobilisation des théories des représentations
113
sociales et des réseaux, et sur la base des entretiens
menés auprès des entrepreneurs et des responsables de ces
associations, il ressort clairement que le système tontinier est un
outil de financement indispensable dans la gestion des entreprises des
entrepreneurs des associations EMERCOM et ADJAS. À travers les
ressources économiques dont ils bénéficient dans
l'association, les entrepreneurs parviennent à financer la gestion, et
le démarrage de leur entreprise. Ces réseaux de financement
informel permettent ainsi de palier effectivement aux problèmes de
financement dont font face les jeunes entrepreneurs en difficultés. Ce
qui nous permet ainsi de répondre à notre question de recherche
principale et de confirmer notre hypothèse de recherche relative.
En somme le système tontinier se présente comme
une réponse voire un tremplin pour certains entrepreneurs ayant des
restrictions d'accès, voir exclus du système bancaire formel. En
effet, il permet aux entrepreneurs d'avoir des facilités d'emprunts pour
financer leur activité génératrice de revenus
malgré que les ressources soient parfois limitées ou
insuffisantes pour certains. Grâce à leur système de
solidarité fondé sur une conscience collective (financier,
relationnel, social), leurs influences est-elle qu'elles vont au-delà de
la vie économique, et touche à presque tous les plans de la vie
sociale de ces jeunes entrepreneurs.
CONCLUSION GÉNÉRALE
114
115
En mettant au centre de cette réflexion la
problématique du financement de l'entrepreneuriat, le présent
travail s'est consacré à étudier le système
tontinier dans le financement de l'entrepreneuriat pastoral jeune à
Yaoundé à partir des cas des associations EMERCOM et ADJAS.
L'objectif de cette recherche était d'identifier et d'apprécier
la contribution du système tontinier des associations EMERCOM et ADJAS
dans le développement de l'entrepreneuriat pastoral à
Yaoundé. En effet, la question du financement de l'entrepreneuriat, plus
précisément l'entrepreneuriat jeune au Cameroun reste
d'actualité. Le nombre de jeunes en situation de chômage et ceux
en quête de ressources financières pour démarrer une
activité économique connait des proportions inquiétantes.
Malgré les différentes mesures mises sur pied par l'Etat
camerounais afin de lutter contre le chômage des jeunes et favoriser
l'inclusion financière pour tous, le problème du
développement de l'entrepreneuriat se pose toujours. En effet, les
formalités administratives et les conditions dans l'octroi des
crédits de financement ne sied pas aux réalités de ces
jeunes à faibles revenus. Face à la difficulté des
institutions de crédit formel à accorder des ressources aux
entrepreneurs du secteur informel, particulièrement les jeunes se
tournent vers les circuits de financements informels à l'instar du
système des tontines. Il s'agit d'un regroupement d'amis, de voisins, de
collègues ou de ressortissants d'une même tribu réunis
autour d'un même idéal, à côté duquel ils
décident de mettre de côté un peu d'argent à travers
un système de cotisation pour s'entraider les uns les autres.
Cette observation faite a permis de formuler comme question
centrale : Comment les associations EMERCOM et ADJAS contribuent-elles au
développement de l'entrepreneuriat pastoral à travers leur
système tontinier ? À cette interrogation qui était
au coeur de cette réflexion, l'hypothèse retenue soutenait que
les associations EMERCOM et ADJAS contribuent au développement de
l'entrepreneuriat pastoral en accordant des crédits et en accompagnant
leurs membres dans la réalisation d'activités
entrepreneuriales
Le travail de vérification de l'hypothèse s'est
déroulé sur le terrain grâce au cadre théorique et
méthodologique. Comme modèle théorique, trois principales
théories ont été mobilisée à savoir une
théorie de petite portée (la théorie du don/contre-don),
une théorie de moyenne portée (la théorie des
réseaux) et une théorie de grande portée (la
théorie des représentations sociales). L'usage de ces trois
théories a non seulement permis de confronter nos hypothèses
à l'épreuve des faits, mais également d'analyser et
d'interpréter nos données de terrain.
L'opérationnalisation de la théorie du don/contre-don a
révélé que le système tontinier à
Yaoundé fonctionne sur un triple principe : «
donner-recevoir-rendre ». Lorsqu'un membre bénéficie de
la somme du jour, il a l'obligation de cotiser au prochain tour afin que les
autres
116
bénéficient à leur tour, dans un
système d'échange rotatif. La théorie des
représentations sociales pour sa part a permis de comprendre les images,
les perceptions et la place qu'occupe le système tontinier dans leur
entreprise. Par ailleurs, la théorie des réseaux quant à
elle a servi à dégager et d'apprécier l'influence du
réseau associatif dans la dynamique entrepreneuriale des membres.
La collecte des données s'est faite à travers
l'usage des techniques et outils de collectes de données non
probabilistes. Sur la base d'une enquête qualitative
réalisée auprès de deux associations tontinières
constituée d'éleveurs, entre autres le comité de direction
et les membres entrepreneurs, trois techniques de collecte des données
ont étés mobilisées dans le cadre de la production des
données. C'est dans ce sens que l'entretien semi directif et
l'observation directe ont permis de faire des descentes sur le terrain pour
collecter des données. L'observation documentaire a permis de collecter
toutes sortes de documents et divers rapports permettant ainsi de rendre compte
de la question du système tontinier et de l'entrepreneuriat.
L'analyse des données collectées via ces
différentes techniques s'est faite grâce à la
méthode de l'analyse de contenu. Des lors, les résultats obtenus
à la suite de ces analyses ont conduit aux constats selon lesquels : les
populations à faibles revenus entre autres les jeunes exclus du
système financier formel ont plus de facilités dans la finance
informelle à l'instar du système tontinier. Ces ressources
financières leurs permettent ainsi de financer des activités
entrepreneuriales à l'instar de l'élevage des volailles et des
porcins afin de s'en sortir au quotidien. Cet état de chose renseigne
suffisamment sur le fait que le secteur de la finance informelle est un
pourvoyeur d'emploi pour les jeunes entrepreneurs à faibles revenus
exclus des services bancaires formels.
Le travail a été divisé en deux
principales articulations. La première partie qui s'articulait autour du
système tontinier et la création des richesses a
été structurée en deux chapitres. Dans le premier chapitre
nous a fait un tour d'horizon sur la sociogenèse et l'émergence
du système tontinier dans le monde. Il était question pour nous
de retracer les différents parcours historiques du
phénomène tontinier dans le monde, à travers l'origine du
concept, les modes de fonctionnement et la nature des échanges. Cette
réflexion a permis de comprendre que le système tontinier existe
depuis longtemps dans les sociétés traditionnelles régis
autour d'échanges de services (donner-recevoir-rendre) et dont
l'apparition de la monnaie aurait modernisée cette pratique du tout au
tout. En effet, le système tontinier aujourd'hui est régi par un
ensemble de règles formalisées et de divers services financiers
allant de la cotisation au prêt en passant par l'épargne.
117
Le deuxième chapitre du travail, s'est attelé
à présenter la contribution du système tontinier aux
activités économiques. Il était question à ce
niveau de présenter la problématique de l'inclusion
financière en Afrique et au Cameroun, la nature des motivations des
individus, la question de l'accès aux ressources financières, les
motivations du recourt au système des tontines et l'apport de ce
système dans les activités entrepreneuriales des
adhérents. La réflexion menée dans ce chapitre a permis de
comprendre que la conjoncture économique qui est au centre des
motivations des entrepreneurs et la rigueur du système bancaire les
orientent vers d'autres sources de financement parmi lesquelles le
système des tontines. En effet les lourdeurs du système bancaire
officiel les auraient ouverts la voie à d'autres opportunités de
financement pour s'épauler afin d'entreprendre une activité
génératrice de revenu au quotidien. C'est ce qui a aidé
à saisir la contribution du système tontinier aux
activités économiques en termes de services financiers tels que
l'épargne et l'emprunt. Elle a également permis de comprendre que
cet apport ne se réduit pas seulement au plan financier, elle concerne
également l'aspect relationnel fondé sur les conseils et la
formation.
La deuxième partie du travail,
s'intéressé à la dynamique financière du
système tontinier à Yaoundé à partir de deux
associations cibles à savoir EMERCOM et ADJAS. Elle était
divisée en deux chapitres également, le troisième chapitre
portait sur les mécanismes de financement des activités
entrepreneuriales au sein des associations EMERCOM et ADJAS. La mobilisation de
la théorie du Don/contre-don dans ce chapitre a servi à
présenter et analyser le mode de fonctionnent de ces associations. Cette
présentation a permis de nous rendre compte que ces regroupements
fonctionnent sur la base d'un règlement intérieur allant des
membres du bureau à l'assemblée générale. De plus,
il a été ressorti trois principaux modes d'accès au
financement auxquels recourent ces entrepreneurs pastoraux. Il s'agit entre
autres de la cotisation mensuelle, de la caisse d'épargne et de la
caisse de prêt, qui sont les principaux moyens mobilisés par ces
entrepreneurs pour financer leurs activités.
Dans le quatrième et dernier chapitre du travail, il a
été mené une réflexion qui s'articulait autour de
l'analyse et de l'évaluation de la contribution du système
tontinier au développement de l'entrepreneuriat pastoral. À
partir de la théorie des représentations sociales et la
théorie des réseaux, il était question d'analyser les
perceptions de ces éleveurs sur la tontine afin de mieux évaluer
l'apport de ces associations dans les activités des membres. L'analyse
des représentations des entrepreneurs pastoraux sur le système
tontinier à enrichir cette recherche. En effet, elle a permis de
comprendre que la tontine est le principal moyen de financement de ces jeunes
exclus dans l'accès aux services bancaires. Non seulement elle
représente leur banque, mais également elle constitue le
principal socle sur lequel s'appuie ces
118
jeunes entrepreneurs au quotidien. Malgré le fait que
les montants octroyés sont parfois insuffisants pour financer des
activités de grande envergure, elle constitue pour ces derniers un outil
de financement non négligeable dans la vie économique.
Grâce à l'évaluation faite à partir
de la théorie des réseaux, et des données de terrains,
nous avons pu interpréter l'influence des associations EMERCOM et ADJAS
dans les activités de leurs membres. L'interprétation de ces
données nous a donné l'occasion d'apprécier la
contribution de ces deux associations dans les activités des
entrepreneurs. En effet ces associations de par leurs mécanismes d'abord
financiers boostent la dynamique entrepreneuriale de leurs membres. Pour
certains, elle a permis d'accroitre leur activité, pour d'autres, de
financer le démarrage. De plus de par leur capital relationnel, elles
ont permis aux membres de se soutenir à travers des conseils et des
formations utiles dans la gestion de leur entreprise. Toutefois,
l'interprétation des données suggère aussi que ces
organisations en tant que moyens de financement privilégié par
les petits et moyens entrepreneurs ne peuvent assumer le rôle de
système formel. Les systèmes tontiniers sont des associations qui
donnent des montants parfois insuffisants pour répondre aux besoins des
entreprises de grandes tailles.
Somme toute, notre analyse relève l'importance et
l'utilité du système informel de crédit,
particulièrement le système tontinier en contexte camerounais. La
participation aux réseaux tontiniers permet aux entreprises qui ont
été étudiées d'émerger au quotidien.
Cependant au regard du contexte financier actuel, certains de nos
enquêtés ont émis des suggestions en faveur de
l'amélioration du financement des activités entrepreneuriales
jeunes. Ces suggestions ont été évoquées à
l'endroit des pouvoirs publics on peut ainsi noter :
Ø Encourager les jeunes porteurs de projets inscrits
dans les associations, en les aidant, les finançant afin que ces
derniers puissent jouer un rôle ;
Ø Accompagner les tontines pour fructifier
l'activité au lieu d'imposer des taux qui ont un impact négatif
par rapport à la tontine ;
Ø Mettre sur pied des meilleurs moyens pour favoriser
l'inclusion financière de tous ;
Ø Mettre la jeunesse au centre des
préoccupations.
Cette recherche constitue donc une contribution à la
littérature existante, notamment en ce qui concerne l'utilisation des
AERC par les jeunes entrepreneurs informels pour financer la gestion et le
démarrage de leurs activités. Dans la littérature qui
existe sur les associations informelles d'épargnes et de crédits,
l'ensemble des études a conclu sur la place de ces regroupements dans le
financement. En abordant dans le détail la question des motivations au
recourt à ces associations et surtout la manière dont les
ressources y sont mobilisées, nous avons
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pu comprendre la nature des rapports qui existe entre le
phénomène tontinier et le phénomène entrepreneurial
informel. La contribution de cette recherche réside donc dans
l'identification des pratiques liées au système tontinier chez
les jeunes entrepreneurs en contexte camerounais, contexte
caractérisé par les difficultés d'accès aux
services financiers formels.
Nous n'avons pas la prétention d'avoir parcouru tous
les contours de notre Object de recherche. À la suite de cette
recherche, nous souhaitons réaliser une étude plus vaste en
explorant les entreprises formelles de grandes tailles au Cameroun. Cela
pourrait permettre une saisie en profondeur de la contribution de ce secteur
dans le système financier camerounais afin de mieux enrichir notre objet
de recherche.
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BIBLIOGRAPHIE
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