Conclusion
La mobilité pastorale se déroule au Nord
Cameroun dans un contexte spatial complexe et contraignant. Les
différents territoires de mobilité sont diffus et leur
accès est entravé par les champs. Cette région connait en
effet une migration permanente à l'origine de l'augmentation des
surfaces agricoles. Le cheptel bovin est lui aussi en augmentation. En plus des
animaux détenus par les éleveurs purs, les agro-éleveurs
et les citadins détiennent eux-aussi un grand nombre d'animaux. À
côté de ces acteurs permanents sur ces espaces, nous assistons
à l'arrivée massive des animaux venus de la RCA, fuyant les bande
armées anti-balaka. Non seulement, l'élevage extensif
pratiqué par les éleveurs dans le Nord du Cameroun est
menacé par l'emprise agricole grandissante due à l'extension de
cultures de rente ou vivrières, mais également par les
classifications de larges superficies de savanes en zones exclusives de chasse
et de protection de la faune sauvage. Ainsi, la mobilité se pratique
entre ces zones protégées et les 15% de la région
occupée par les cultures, les montagnes et les villages. Les
éleveurs n'ont d'autres alternatives que de faire pâturer dans les
quelques grands parcours et dans les zones marginales de collines mais aussi
dans certaines ZIC peu gardées où ils pénètrent
pour « voler » le pâturage. Les parcours deviennent ainsi une
mosaïque de zones permises et interdites où il est difficile de se
déplacer du fait de l'exigüité, voire de la disparition des
pistes à bétail. La recherche de complémentarité
22 Haut-Commissariat des Nations Unis pour les
Réfugiés.
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entre des zones aux productions fourragères
différentes (en fonction des saisons) devient de plus en plus difficile
alors qu'elle constitue la base de la conduite du bétail. À ces
contraintes, s'ajoute la difficulté de traverser les zones mises en
culture pour atteindre, à la fin de la saison sèche, les vastes
zones au sud de la région, du fait de l'absence de relations
contractuelles avec les agriculteurs. Les étendues pour l'agriculture et
l'élevage semblent suffisantes, mais ils sont mal répartis dans
l'espace et leur accessibilité pose problème. Le chapitre suivant
présente les enjeux sociétaux de la mobilité pastorale
dans la région du Nord-Cameroun.
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Chapitre II. Contexte sociétal autour des
territoires de mobilité pastorale : rapports entre les acteurs
locaux
La mobilité pastorale au Nord-Cameroun se
déroule dans un contexte sociétal complexe entre les
différents acteurs (éleveurs, agriculteurs, citadins,
autorités traditionnelles et administratives). Pour comprendre la
marginalité que subissent que les éleveurs pour le
contrôle, l'accès et la gestion des territoires de
mobilité, nous allons revenir à la genèse de leur
installation dans la région et les processus d'acquisition des
territoires de fixation. Ensuite, seront analysé les relations
ambigües qu'ils entretiennent avec les autorités traditionnelles et
administratives. Quant aux relations des éleveurs avec les citadins,
elle permettra de mieux comprendre la logique de leur insertion dans le
système de pouvoir pouvant leur permettre de mieux défendre leurs
intérêts et de s'intégrer. L'analyse des rapports des
éleveurs avec les agriculteurs permettra de comprendre les relations qui
oscillent entre conflits, échanges et complémentarités.
Enfin, les éleveurs entretiennent entre eux également des
relations tant d'échanges, de complémentarité que de
conflits qui permettent de mieux saisir la difficulté de cohésion
sociale et de vision commune pour défendre leurs
intérêts.
II.1. Genèse de l'installation des éleveurs
mbororo dans la région
Les Mbororo représentent l'une des composantes de la
communauté peulh. Avec le temps, les foulbé sédentaires
ont fini par les appeler « mbororo » ou « Fulbe ladde
» (peulh de la brousse). Leur plus forte concentration se trouve au
Nord du Cameroun. Ils font des déplacements entre les
départements de la Bénoué, du Mayo Rey, du Faro, de la
Vina dans la région de l'Adamaoua, et en fonction des saisons, d'autres
se rendent au Nord du Nigeria, au Tchad ou en République Centrafricaine
à la recherche des pâturages. Ils communiquent
régulièrement entre eux les jours de marché où
chaque clan envoie un représentant pour transmettre et en retour
recueillir des nouvelles des autres communautés. Ces mouvements sont
coordonnés sous l'oeil vigilant du Chef Spirituel. Ils se subdivisent en
trois grands groupes, se distinguant surtout par les races bovines qu'ils
élèvent, miroirs des groupes humains (Boutrais,
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1995). Mais ils ont en commun la particularité
d'élever des animaux de grand format, dont les exigences alimentaires
motivent leur grande mobilité.
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