L'administration coloniale allemande et les pouvoirs politiques traditionnels Duala et Bamun (1884-1916): une analyse de l'histoire politique du Camerounpar Winnie Patricia Etonde Njayou Université de Douala - Doctorat 2023 |
2. La destitution du Prince Din Dika Akwa et du Roi Rudolf Douala Manga Bell638(*)Le 3 décembre 1916, soit trois jours avant son décès, le King DIKA AKWA faisait rédiger son testament dans lequel il désignait DIN DIKA AKWA pour lui succéder si et seulement si l'héritier présomptif, son fils aîné Ludwig Paul Heinrich MPONDO AKWA à qui il transférait les pleins pouvoirs et dont il n'avait plus de nouvelles depuis un moment, ne serait plus en vie. La délégation envoyée en début d'année 1917 à la recherche de LudwigMPONDOAKWA à Banyo, puis à N'Gaoundéré ayant certifié qu'il était vivant mais avait, selon une source allemande probablement été transféré. Face à cette incertitude, il fut alors convenu de le proclamer roi de Bonambela afin que tout ayant droit de la Cour assurant le commandement de Bonambela durant son absence le fasse en qualité de régent. Seule la confirmation de sa mort entraînerait la restauration du trône de Bonambela. Le King DIKAMPONDO décédé, l'administration coloniale française reconduisait son fils AdolfDIBUSIDIKA qui avait assuré l'intérim aussitôt après le bannissement de son père à Campo le 12 mai 1916. Et c'est le même DIBUSI qui avait de 1907 à 1914, assuré la régence suite à la destitution de son père par l'administration coloniale allemande. Mais après deux années de règne, le Chef SupérieurDIBUSIDIKA, qui soutenait discrètement les associations d'obédience germanique qui militaient pour le retour de l'Allemagne au Cameroun fut destitué pour sa politique pro-allemande. Il faut dire qu'entre-temps, la capitulation de l'Allemagne le 11 novembre 1918 fut accueillie avec joie par les chefs Duala qui considéraient que le moment était venu pour eux d'être indépendants. Ils étaient tous d'avis que le traité de 1884 était devenu caduque puisque le partenaire au contrat, en l'occurrence les Allemands, avait disparu. DIBUSI DIKA fut remplacé en 1919 par son jeune frère, le prince DIN DIKA AKWA qui avait bénéficié d'une libération conditionnelle le 20 octobre 1918 par le tribunal de circonscription de Douala. Songeant surtout politiquement aux Anglais qui s'étaient montrés bienveillants à leur arrivée en libérant plusieurs chefs et notables Duala, Sa Majesté DIN DIKA AKWA prit dès août 1919 une part active dans le processus de revendication de l'autonomie du Cameroun dans laquelle les pétitionnaires réclamaient entre autres, le droit de choisir eux-mêmes le Pays qui exercerait leur tutelle en qualité de mandataire au nom de la Société des Nations. Il est finalement destitué et condamné le 3 mai 1921 à 18 mois d'emprisonnement et à 10 ans d'interdiction de séjour à Douala pour son activisme anti-français. Ainsi, du fait de sa résistance active et soutenue face à l'administration coloniale allemande, le Roi Rudolf DUALA MANGA BELL fut destitué puis condamné à mort et exécuté le 08 août 1914 avec son secrétaire NGOSO DIN. Le Roi Rudolf MANGA BELL qui avait été destitué de ses fonctions dans l'administration allemande et avait vu sa pension annuelle de 3.000 Marks suspendue en août 1913, fut arrêté avec NGOSSSO DIN et quelques autres chefs Dualapour trahison envers l'Allemagne.Rudolf DUALA MANGA BELL fut accusé d'avoir demandé le soutien de l'Angleterre et d'avoir cherché le ralliement d'autres chefs contre l'Allemagne. Martin Paul SAMBA s'allia avec Rudolf DUALA MANGA BELL. En vue de vaincre l'administration coloniale allemande, Martin Paul SAMBA et Rudolf DUALA MANGA BELL se mirent d'accord afin de chercher des appuis extérieurs. Il fut décidé que SAMBA contacterait les Français pour l'assistance militaire alors que Rudolf DUALA MANGA BELL prendrait attache avec les Anglais.639(*)La déportation peut avoir deux significations à savoir le transfert et l'internement dans un camp de concentration situé dans une région éloignée ou elle peut être considérée comme une peine politique perpétuelle, afflictive et infamante, exilant le condamné dans un lieu déterminé. Dans le cadre de notre étude, elle prend la seconde signification dans la mesure où elle revêt le caractère d'un bannissement, d'une obligation de quitter son habitat. Et plusieurs chefs « rebelles » y seront contraints. * 638 Prince NGANDO EBONGUE AKWA, « Succession des rois et chefs supérieurs Akwa ». Article publié en mai 2014 sur le site www.PeupleSawa.com et consulté le 9 février 2021. * 639 M. MBONO SAMBA AZAN, Martin Paul Samba face à la pénétration allemande au Cameroun, Paris, ABC, 1976, pp. 79-92. |
|