L'administration coloniale allemande et les pouvoirs politiques traditionnels Duala et Bamun (1884-1916): une analyse de l'histoire politique du Camerounpar Winnie Patricia Etonde Njayou Université de Douala - Doctorat 2023 |
B. LE ROI NJOYA ET LA PRISE EN COMPTE DE LA « SUPÉRIORITÉ » DES AGENTS COLONIAUXALLEMANDS561(*)La force allemande au Cameroun se trouvait sous la direction du Colonel ZIMMERMANN et comptait 1.200 « Polizeitruppe » dirigés par 30 officiers allemands et 1.550 soldats dirigés par 185 Allemands... Bien que le Colonel ZIMMERMANN se retirât en GuinéeEspagnole. En 1915, les forces allemandes du Nord-Cameroun refusèrent de capituler. Après une attaque infructueuse contre la forteresse allemande de Garoua, lancée par les Alliés en août 1914, Garoua fut prise finalement en juin 1915. En février 1916,une expédition anglaise menée par le Colonel CUNLIFFE contraignit les forces allemandes de la Forteressede Mora à capituler. Son premier représentant, installé comme on l'a vu par NACHTIGAL, envisage une petite force militaire symbolique : dix à vingt officiers secondés par trois à quatre cents hommes de troupe. Quelle était la pratique de la « guerre » selon l'administration coloniale allemande et le savoir-faire des missionnaires allemands transmis aux artisans BamounBamun(1- )? Par la suite, nous évoquerons l'imprégnation de la culture européenne à la production artisanale BamounBamun(2-). 1. La pratique de la « guerre » selon l'administration coloniale allemande et le savoir-faire des missionnaires allemands transmis aux artisans BamounBamunCe n'est donc pas - et nous l'avons déjà signalé plus haut - sans coup férir que les Allemands vont envahir, traverser ou occuper l'intérieur du pays. Comme le fait justement remarquer RUDIN561(*),« le soldat devrait précéder ou du moins accompagner le commerçant ». Ainsi, le 16 novembre 1891, les autorités coloniales allemandes décident la création d'une force de police, la « Polizeitruppe », composée essentiellement d'Haoussas, de Dahoméens ramenés de leur pays et engagés pour cinq ans. Il s'agit en fait d'esclaves arrachés à leurs maîtres sur la côte du Bénin et qui recouvrent leur liberté après cinq ans de service dans la police. Mais, très vite, leur nombre s'avère insuffisant face à la multiplicité des points de « pacification ». En outre, mal payés, mal nourris et humiliés par la bastonnade publique infligée à leurs femmes, les policiers dahoméens se révoltent contre leurs chefs562(*). La responsabilité de cette révolte incombe à LEIST, remplaçant intérimaire du gouverneur ZIMMERER en congé. Le scandale fait tant de bruit dans les milieux coloniaux qu'un débat est ouvert au Reichstag sur l'opportunité d'installer des troupes régulières au Cameroun. La loi, adoptée le 9 juin 1895, stipule que ces troupes dépendent de la marine et doivent coexister avec les forces de police.Mais elles diffèrent de celles-ci par l'uniforme, l'organisation et l'entraînement, toutes choses qui ne peuvent que susciter de la rivalité entre les deux corps de troupes. Malgré son inefficacité opérationnelle, la police joue un rôle politique important. Elle permet de camoufler l'aspect militaire de la colonisation et remplace l'armée dans les régions "pacifiées". En 1914, l'ensemble des forces militaires et de police se présente ainsi :1200 policiers sous les ordres de trente Allemands, et 1550 militaires encadrés par 185 officiers. Cet accroissement des forces de l'ordre s'explique par les difficultés rencontrées dans la conquête de l'Adamaoua et l'activisme de la société coloniale563(*). En 1906, c'est au tour des missionnaires allemands de s'installer dans la région. Ils vont faire profiter les artisans BamounBamun de leur savoir-faire dans les domaines de la menuiserie, de la construction564(*). NJOYA, dont le père, le roi NSANGU, avait trouvé la mort au cours de l'une des nombreuses batailles qu'il menait contre ses voisins, descendant d'une dynastie à l'histoire mouvementée, agit très tôt en homme politique avisé. Il comprit l'intérêt qu'il y avait à s'associer les faveurs des Allemands des points de vue politique, militaire et économique afin d'accroître la puissance du royaume BamounBamun, de le défendre des attaques étrangères et surtout de rehausser son prestige personnel. LesAllemands furent très rapidement chez eux à Foumban ; en échange de l'aide qu'ils lui apportaient, NJOYA accéda à leur désir de fonder une mission protestante, un templepuis une école. Il obtint des Allemands de nouvelles semences, développa la culture du palmier à huile et du coton ce qui lui permit d'intensifier la pratique du tissage et la production textile. Certains traits de la culture européenne imprégnèrent rapidement les productions BamounBamun : frappé par l'architecture de la résidence du gouverneur, NJOYA entreprit de construire à Foumban un palais au faste et au style comparables. * 561 H. R. RUDIN, Germans in the Cameroon (1884-1914). A Case Study in Modern Imperialism, Greenwood Press, New York, p. 192, 456 pages. Cité par L.-P. NGONGO, Histoire des institutions et des faits sociaux du Cameroun, TOME I : 1884-1945, Collection : Mondes en devenir, Berger-Levrault, 1987, pp. 64-66. * 562 En 1893. * 563 L.-P. NGONGO, Histoire des institutions et des faits sociaux du Cameroun, TOME I : 1884-1945, Collection : Mondes en devenir, Berger-Levrault, 1987, pp. 64-66. * 564 P. MASIONI (Illustrateur), Le Roi Njoya : un génial inventeur, Cauris livres, Collection Lucy, 2015. |
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