L'administration coloniale allemande et les pouvoirs politiques traditionnels Duala et Bamun (1884-1916): une analyse de l'histoire politique du Camerounpar Winnie Patricia Etonde Njayou Université de Douala - Doctorat 2023 |
D. DÉLIMITATION DU SUJETOU BORNAGE DE L'ÉTUDEIl est question dans la délimitation de tracer le périmètre du sujet, de définir ses contours. Plus précisément, il s'agit d'inscrire le sujet dans son triangle spatio- temporel et scientifique.Délimiter le champ de recherche« c'est le fait de calibrer le travail afin de ne pas courir le risque d'être critique pour négligence»120(*). Ainsi, il nous revient de délimiter notre travail dans le temps et dans l'espace (1-), et de l'autre, de le circonscrire dans le domaine du vaste champ de la science politique (2-). 1. Cadre spatio-temporel de l'étudeTerminus à quo Dans la délimitation temporelle, notre étude se situe entre 1884 et 1916. En effet, l'année 1884 représente le début du protectorat allemand sur le Cameroun. Quant à l'année 1916, il représente les prémices du déclin de l'Allemagne et la perte progressive de ses colonies. Le 24 avril 1884, soutenu par l'opinion publique, BISMARCK proclame la souveraineté allemande sur la baie d'Angra Pequena, sur la côte de l'actuelle Namibie. Les ethnies locales, Hereros et Hottentots, seront soumises par la force. D'avril à novembre, des explorateurs mandatés par Berlin proclament la souveraineté de l'Allemagne sur le Sud-Ouest africain, le Togo,le Cameroun et l'Afrique orientale.Le 5, 11 et 12 juillet 1884 représentent l'établissement du protectorat allemand au Togo et sur la côte du Cameroun. L'explorateur NACHTIGAL fait signer aux chefs locaux des traités de protectorat. Enfin, le 15 novembre 1884 a eu lieu la Conférencede Berlin qui réunit 14 pays et s'acheva le 23 février 1885. Et le mois de février 1916 marque la date de départ de l'Allemagne du Cameroun. Cette conférence fut essentiellement consacrée aux questions africaines121(*). Elle réglementa, entre autres, la colonisation sur le continent entre les différentes puissances européennes, ainsi que la rivalité franco-belge au Congo. Parmi les mesures prises, nous avons la Conférencede Berlin : 1. prenait acte de l'existence de l'État indépendant du Congo, avec comme souverain le roi des Belges, LéopoldII ; 2. posait les principes qui devraient être respectés à l'avenir pour la prise de possession de nouveaux territoires : tout État assurant la prise de possession devrait adresser une notification aux autres Puissances et effectuer une occupation réelle ; 3. établissait la liberté du commerce dans toute la zone que l'on appelait le « Bassin conventionnel du Congo » et qui comprenait le littoral atlantique depuis l'embouchure de la Lobé jusqu'à la rive sud de l'Ogooué, et, du côté de l'Océan Indien, toute la zone comprise entre le Zambèze au sud et la frontière méridionale de l'Éthiopie, au nord122(*). Le ChancelierBISMARCK réussira, donc, à faire reconnaître et ratifier par la Conférence les acquisitions réalisées par GustaveNACHTIGALet de favoriser l'entrée de l'Allemagne en Afrique avec l'assentiment des autres puissances.Par ailleurs, l'année 1916 représente les prémices du déclin de l'Allemagne et de la perte progressive de ses colonies. Tout d'abord, le Cameroun devient un front secondaire du conflit d'août 1914, alors que la guerre de mouvement en Europe vient juste de commencer. LesCamerounais y participent aux côtés des Allemands et affrontent les puissances coloniales française, britannique et belge. Si peu de combats ont lieu à Douala proprement dit, la principale ville portuaire et ancienne capitale du Kamerun allemand123(*), sert tout au long du conflit de base arrière aux Alliés qui y établissent leur commandement et préparent leurs offensives sur les différents fronts.Puis, le 1er janvier 1916 au Cameroun, les troupes alliées entrent à Yaoundé, évacuée par les Allemands. Le 15 février 1916, les troupes allemandes du Kamerun se réfugient en territoire espagnol, au Rio Muni. A cette nouvelle, la ville de Mora, qui résiste au nord, se rend le 18 février 1916. Le Cameroun est occupé par les Alliés après une longue résistance de plus de 16 mois. Enfin, le 04 mars 1916, les Français et les Britanniques se partagent la Colonie allemande du Kamerun. Cette situation se matérialisera avec la fin de la Première Guerre Mondiale, la défaite de l'Allemagne en 1918 et la signature du Traité de Versailles en 1919. Cet espace temporel nous servira de baromètre pour l'analyse de l'histoire politique du Cameroun depuis 1884, sous le prisme des rapports entre l'administration coloniale allemande et les pouvoirs politiques Duala et BamounBamun. Terminus ad quem En ce qui concerne les limites spatiales, il faut savoir qu'entre 1884 et 1916, le Cameroun était sous domination allemande. Après avoir échoué dans leurs tentatives de demande de protectorat anglais, les chefs Duala se tournent vers les Allemands qui en la personne de Gustave NACHTIGAL, va négocier la mise sous protectorat allemande du Cameroun. Cela va aboutir à la signature du traité Germano-Duala le 12 juillet 1884 et qui marqua la naissance internationale du Cameroun moderne. En 1901, l'Espagne accorda par ailleurs à l'Empire allemand un droit de préemption sur l'île de Fernando-Pô, située dans la baie de Douala. Le Cameroun, dont le territoire est recouvert par d'importants forts, produira essentiellement du caoutchouc, de l'huile, des noix de palme et du cacao auxquels viendra s'ajouter l'ivoire, objet d'un vaste trafic en Afrique centrale. L'Allemagne y maintint par ailleurs ses plus importants effectifs militaires dans cette partie de son empire, en raison notamment de sa position stratégique vis-à-vis des débouchés commerciaux des régions centre-africaines. Il commandait en effet l'accès aux possessions françaises, du Moyen-Congo, de l'Oubangui-Chari et du Tchad et enfin, du Congo Belge. * 120 B. R. GUIMDO DONGMO, Séminaire de théorie sur le sens et l'effectivité du droit. Cité par J. J. FOMBA TALA, « Lutte contre le terrorisme et droits de l'homme en Afrique », Mémoire de Maîtrise, Université de Yaoundé II-SOA, 2013- 2014, p. 4. * 121 O. PATZIG, Die afrikanische Konferenz und der Congostaat, Heidelberg, 1885. F. FROMHOLD DE MARTENS, « La Conférence du Congo à Berlin et la politique coloniale des États modernes », Revue de Droit International et de Législation Comparée, XVIII, 1886, pp. 137 sq. ; H. CRIBIER, « l'Europe, le Congo et la Conférence africaine de Berlin », Annales de l'École Libre des Sciences Politiques, IV, 1889, pp. 487-514 ; S. E. CROWE, The Berlin West African Conference, 1884-1885, London, 1942. * 122 Cette liberté commerciale impliquait la liberté de navigation pour les navires de toute nationalité sur le Congo et ses affluents, l'entrée en franchise dans tous ces territoires des marchandises importées et enfin l'égalité de droit au point de vue économique et commercial pour tous les Européens appelés à s'établir dans ces territoires. * 123 De 1884 à 1901 et de 1909 à 1910. |
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