II - La nécessaire recherche de
l'intérêt supérieur de l'enfant
148. Quel fondement plus approprié que
l'intérêt supérieur de l'enfant pour juger de
l'opportunité d'une pratique religieuse? L'intérêt de
l'enfant devrait être systématiquement recherché dans les
décisions le concernant, à plus forte raison en matière de
circoncision. En laissant ainsi le conflit parental en suspens, le juge
condamne l'enfant à rester dans le terrain neutre de l'a-religion, mais
surtout dans celui de l'inintégration. L'enfant ne sera ni
élevé dans la culture de sa mère, ni élevé
dans celle de son père. L'enfant, victime du désaccord de ses
parents et de l'abstention du juge, sera suspendu dans une neutralité
sans identité. Pour reprendre une expression de Jean Jaurès :
« seul le néant est neutre ».
149. L'absence de référence dans le contentieux
à l'intérêt de l'enfant est étonnante, voire
contradictoire à deux égards. D'abord, les juges se contredisent
eux-mêmes. D'un coté, ils considèrent que la circoncision
est une décision trop importante dans la vie de l'enfant pour entrer la
catégories des actes usuels de l'autorité parentale. Et de
l'autre, cette décision n'est pas assez importante pour faire l'objet
d'un contrôle judiciaire sous le prisme de l'intérêt de
l'enfant. Mais surtout, c'est en contrariété avec les
dispositions du Code civil que le juge passe outre l'étape
nécessaire de la recherche de l'intérêt de l'enfant. Cette
étape n'a été respectée que dans deux
décisions particulières (A), qu'il convient de
généraliser (B).
A - Une recherche rencontrée en matière
d'assistance éducative
150. C'est uniquement lorsque l'enfant fait l'objet d'une
mesure d'assistance éducative que sa circoncision sera soumise à
la recherche de son intérêt supérieur. C'est ce qui
apparaît à la lecture de deux arrêts rendus récemment
par les cours d'appel de Lyon et de Douai.
151. Dans la première affaire, il s'agissait d'un enfant
placé auprès d'un service tiers. En appel, les parents ont
déclaré vouloir élever leurs enfants dans la religion
musulmane et s'interroger sur leur éventuelle circoncision. Dans un
arrêt rendu le 31 mai 2011*, la Cour d'appel de Lyon a jugé que
que le service gardien devra mettre en place un enseignement au profit des deux
garçons de façon à leur permettre de connaître la
religion et la culture musulmanes. Sur la question de la circoncision, la Cour
juge qu' « un bilan devra être sollicité par le service
gardien auprès de tout établissement hospitalier permettant
d'apprécier la compatibilité d'une éventuelle circoncision
avec l'état de santé actuel de chacun des garçons, leur
degré de discernement de cet acte et de ses conséquences ainsi
que du retentissement psychologique prévisible ».
152.
42
Dans la seconde affaire (CA Douai 6 mars 2012*), Le juge des
enfants avait prononcé le placement de l'enfant au service
départemental de l'aide sociale à l'enfance. Le père
sollicite auprès du juge des enfants l'autorisation de faire circoncire
l'enfant. L'avis de la mère sur cette question ne transparait pas dans
la décision. Tout porte à penser quelle y était soit
insensible, soit hostile. Le juge des enfants prononce la
délégation de leur autorité parentale au conseil
général pour réglementer la question de la circoncision.
Le conseil général interjette appel. L'appel est
expressément limité à la délégation de
l'autorité parentale relative à la circoncision. L'appelant
expose que « Mohamed O. est absent de la vie de son fils depuis janvier
2011, qu'il n'a honoré aucun droit de visite médiatisé ;
Jordi ne connaît pratiquement pas son père et n'a aucune
connaissance ni sensibilisation sur la religion musulmane. Le juge des enfants
auquel la question du baptême a été posée à
plusieurs reprises a toujours indiqué que ce serait contraire à
l'intérêt de l'enfant ». Mais la demande n'a pas
été traitée au fond, l'appel ayant été
rejeté pour vice de procédure.
153. Rappelons que le placement de l'enfant « à
un service départemental de l'aide sociale à l'enfance » est
prévu à l'article 375-3 § 3 du Code civil et est notamment
règlementé par l'article 375-7 du même code. Ce dernier
article, dans ses deux premiers alinéas, dispose que : « Les
père et mère de l'enfant bénéficiant d'une mesure
d'assistance éducative continuent à exercer tous les attributs de
l'autorité parentale qui ne sont pas inconciliables avec cette mesure.
(...) le juge des enfants peut exceptionnellement, dans tous les cas où
l'intérêt de l'enfant le justifie, autoriser la personne, le
service ou l'établissement à qui est confié l'enfant
à exercer un acte relevant de l'autorité parentale en cas de
refus abusif ou injustifié ou en cas de négligence des
détenteurs de l'autorité parentale, à charge pour le
demandeur de rapporter la preuve de la nécessité de cette mesure
».
154. Il semble que la notion d'intérêt
supérieur de l'enfant ne soit reprise par le juge que pour refuser, ou
émettre une réserve à la volonté parentale de faire
circoncire leur enfant.
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